Language of document : ECLI:EU:C:2023:591

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. GIOVANNI PITRUZZELLA

présentées le 13 juillet 2023 (1)

Affaires jointes C693/21 P et C698/21 P

EDP España, SA

contre

Naturgy Energy Group, SA, anciennement Gas Natural SDG, SA,

Commission européenne (C693/21 P)


et


Naturgy Energy Group, SA, anciennement Gas Natural SDG, SA

contre

Commission européenne (C698/21 P)

« Pourvoi – Aides d’État – Mesure d’incitation environnementale adoptée par l’Espagne en faveur des centrales à charbon – Décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen – Obligation de motivation – Recours en annulation »






1.        Dans le cadre de deux pourvois joints, EDP España SA (affaire C‑693/21 P) et Naturgy Energy Group SA (affaire C‑698/21 P) (ci-après les « requérantes ») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 septembre 2021, Naturgy Energy Group/Commission (2) (ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel le Tribunal a rejeté la demande d’annulation de la décision C(2017) 7733 final de la Commission, du 27 novembre 2017, concernant l’aide d’État SA.47912 (2017/NN) – Mesure d’incitation environnementale adoptée par l’Espagne en faveur des centrales à charbon (ci-après la « décision litigieuse »).

I.      Le cadre juridique

2.        L’article 4, paragraphe 4, du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (3) prévoit :

« Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, du TFUE (ci-après dénommée “décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen”). »

3.        L’article 6, paragraphe 1, de ce règlement prévoit :

« La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen récapitule les éléments pertinents de fait et de droit, inclut une évaluation préliminaire, par la Commission, de la mesure proposée visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide, et expose les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur. La décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois. Dans certains cas dûment justifiés, la Commission peut proroger ce délai. »

4.        L’article 9, paragraphes 1 et 2, dudit règlement dispose :

« 1.      Sans préjudice de l’article 10, la procédure formelle d’examen est close par voie de décision conformément aux paragraphes 2 à 5 du présent article.

2.      Lorsque la Commission constate que la mesure notifiée, le cas échéant après modification par l’État membre concerné, ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision. »

II.    Les antécédents du litige

5.        De 1998 à 2007, toutes les centrales espagnoles de production d’énergie électrique pouvaient bénéficier d’une rémunération dénommée « garantie de puissance », quelle que soit la technologique utilisée, destinée à assurer la permanence et l’installation de capacités de production du système électrique et à garantir un niveau d’approvisionnement adéquat. Les centrales de production d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables, en revanche, n’ont pas bénéficié de cette incitation et ont reçu une forme de prime spécifique.

6.        En 2007, le législateur espagnol a habilité le ministre de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce à remplacer la garantie de puissance par un mécanisme connu sous le nom de « rémunération pour capacité ».

7.        Cette décision a été officialisée par le décret royal 871/2007 (4), qui a adapté les tarifs de l’électricité en vigueur à compter du 1er juillet 2007. Ce décret, adopté le 29 juin 2007 (5), prévoyait que la rémunération pour capacité entrerait en vigueur à partir du 1er octobre 2007.

8.        Le régime des tarifs électriques a été précisé par l’arrêté ITC/2794/2007 (6), du 27 septembre 2007 (7), entré en vigueur le 1er octobre 2007 (ci-après l’« ITC/2794/2007 »).

9.        Cet arrêté précise les différentes mesures destinées à rémunérer la capacité, qui incluent une incitation à garantir la disponibilité des installations et une incitation destinée à encourager les investissements dans la production.

10.      L’incitation à la disponibilité a vocation à bénéficier aux installations de production soumises au régime ordinaire du système péninsulaire d’une puissance installée minimale de 50 mégawatts (MW). Cela concerne les installations mises en service après le 1er janvier 1998 et dont la durée d’exploitation est inférieure à dix ans. L’objectif de cette incitation est de promouvoir la construction et la mise en service de nouvelles installations au moyen de paiements qui contribuent à compenser les coûts des investissements. Le montant de la rémunération s’élève à 20 000 euros par MW par an.

11.      L’annexe III de l’ITC/2794/2007 définit les incitations à l’investissement : son point 10 indique que le ministre de l’Industrie, du Tourisme et du Commerce est habilité à autoriser une telle mesure pour les investissements dans les installations de production soumises au régime ordinaire du système péninsulaire d’une puissance installée supérieure ou égale à 50 MW. Ces incitations peuvent être accordées pour des investissements importants nécessaires pour des agrandissements ou des modifications substantielles d’installations existantes, ou pour des investissements dans de nouvelles installations dans des technologies prioritaires, conformément aux objectifs de politique énergétique et de sécurité d’approvisionnement.

12.      La mesure prévue dans cet arrêté a été appliquée pour aider les centrales à charbon à réaliser des investissements « environnementaux » dans des usines de désulfuration. Les conditions pour en bénéficier ont été fixées par l’arrêté ITC/3860/2007 (8), du 28 décembre 2007 (9) (ci-après la « mesure en cause »), qui a révisé les tarifs d’électricité à compter du 1er janvier 2008.

13.      Seules peuvent bénéficier de cette incitation les centrales électriques à charbon qui relèvent du plan national de réduction des émissions des grandes installations de combustion existantes (ci-après le « PNRE-GIC »), approuvé par acte du Consejo de Ministros (Conseil des ministres, Espagne) le 7 décembre 2007, et qui sont, en outre, incluses dans ce qu’il est convenu d’appeler la « bulle » d’émission établie par le PNRE-GIC, prescrivant les quantités autorisées d’émissions par entreprise.

14.      Les investissements doivent, en outre, avoir été réalisés avant la date d’entrée en vigueur de l’ITC/2794/2007, à savoir le 1er octobre 2007, ou leur demande d’approbation doit avoir été présentée au moins trois mois avant cette date.

15.      En 2011, le bénéfice de la mesure en cause a été étendu aux centrales à charbon ayant réalisé non seulement des investissements destinés aux installations de désulfuration, mais également d’autres investissements « environnementaux » destinés à réduire les émissions d’oxydes de soufre, réalisés avant le 1er janvier 2008.

16.      La Commission européenne a lancé une enquête sectorielle dans ce domaine dans onze États membres, dont le Royaume d’Espagne, le 29 avril 2015. À l’issue de cette enquête, le 4 avril 2017, la Commission a notifié aux autorités espagnoles l’ouverture d’une enquête sur la mesure en cause et, le 27 novembre 2017, elle a décidé d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE à l’égard de cette mesure.

17.      Dans cette décision, la Commission indique qu’elle est parvenue à la conclusion préliminaire selon laquelle la mesure en cause constitue une aide d’État et elle émet des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. En particulier, la Commission considère que la mesure en cause constitue une aide aux investissements effectués dans le but de mettre les centrales à charbon en conformité avec la directive 2001/80/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2001, relative à la limitation des émissions de certains polluants dans l’atmosphère en provenance des grandes installations de combustion (JO 2001, L 309, p. 1).

III. La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

18.      Le 28 mai 2018, Naturgy Energy Group, anciennement Gas Natural SDG, une entreprise espagnole active dans le secteur de l’énergie qui exerce des activités de production d’électricité au moyen de centrales à charbon, a formé un recours auprès du greffe du Tribunal. Le recours avait pour objet l’annulation de la décision qui avait été attaquée par cette société.

19.      Dans le cadre de cette procédure, EDP España et Viesgo Producción SL (ci-après les « intervenantes ») sont intervenues au soutien de la requérante en première instance.

20.      Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté les conclusions en annulation en estimant que le premier moyen, relatif à l’obligation de motiver le caractère sélectif de la mesure en cause, n’était pas fondé.

21.      Le Tribunal a attiré l’attention, au point 60 de l’arrêt attaqué, sur le fait que, en vertu du règlement 2015/1589, la procédure formelle d’examen peut être ouverte en présentant succinctement les éléments de fait et de droit pertinents relatifs à la mesure étatique, avec une évaluation préliminaire de la mesure en cause visant à déterminer si elle peut être qualifiée d’aide et en exposant les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur.

22.      Au point 61 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que la Commission est tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen si un premier examen ne lui permet pas de surmonter toutes les difficultés soulevées par la question de savoir si la mesure examinée constitue une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

23.      Le Tribunal, au point 62 de l’arrêt attaqué, a rappelé que l’objectif de la décision d’ouverture est de mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à la procédure formelle d’examen. Il a également précisé que la décision contenait des appréciations provisoires et que la Commission n’était pas tenue de clarifier toutes les questions éventuelles en suspens durant cette phase initiale.

24.      Au point 63 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a affirmé qu’il y avait lieu de rappeler que la qualification comme telle d’une mesure étatique, dans une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, était uniquement provisoire. Ce caractère provisoire est confirmé par l’article 9, paragraphe 2, du règlement 2015/1589, qui prévoit que, à l’issue de la procédure formelle d’examen, la Commission peut constater que la mesure ne constitue pas une aide. Par conséquent, la qualification d’une mesure étatique en tant qu’aide d’État est susceptible de modifications et n’est pas nécessairement permanente.

25.      Le Tribunal a rejeté les arguments de la requérante relatifs à deux affaires antérieures (10) aux points 64 et 65 de l’arrêt attaqué. Le juge de première instance a estimé que ces arguments étaient inopérants au motif que la première affaire concernait une décision de clôture d’une procédure formelle d’examen et que la seconde ne portait pas sur le contrôle du respect de l’obligation de motivation.

26.      Au point 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que, compte tenu de la nature, du libellé, du contenu, du contexte et de l’ensemble des règles juridiques pertinentes concernant la décision litigieuse, il y avait lieu de considérer que la requérante avait été en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a considéré, à titre préliminaire, que la mesure en cause apparaissait sélective.

27.      Le point 74 de l’arrêt attaqué porte sur l’argument de la requérante selon lequel la Commission n’avait pas expliqué si la mesure en cause favorisait certaines entreprises ou productions par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation comparable au regard de l’objectif poursuivi par ladite mesure. Le Tribunal a rejeté cet argument et expliqué qu’une telle comparaison pourrait se révéler prématurée au stade de l’analyse préliminaire de la procédure formelle d’examen en soulignant qu’un raisonnement fondé sur la comparabilité pourrait anticiper les conclusions à tirer à l’issue de cette procédure.

28.      Au point 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a affirmé que l’argument relatif au caractère sélectif de la mesure en cause dans la décision litigieuse n’avait pas empêché la requérante de traiter en détail de la comparabilité des situations en cause, dans le cadre du second moyen.

29.      Au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé qu’il n’était pas empêché d’exercer son contrôle de la légalité de la décision litigieuse.

30.      En conséquence, au point 81 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le premier moyen comme non fondé.

31.      Puis le Tribunal a rejeté comme non fondé le second moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qui concerne la sélectivité de la mesure en cause.

32.      À titre liminaire, il importe de relever que, aux points 98 et 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a précisé que, lorsqu’un recours est introduit contre une décision d’ouverture d’une procédure formelle d’examen par la Commission au sujet de la qualification de la mesure en tant qu’aide d’État, le contrôle du juge de l’Union est limité à la vérification de la question de savoir si la Commission n’a pas commis d’erreurs manifestes d’appréciation en considérant qu’elle ne pouvait pas surmonter toutes les difficultés au cours d’un premier examen de la mesure concernée.

33.      Dans l’arrêt attaqué, notamment aux points 102 à 116, le Tribunal a examiné en détail et, en dernière analyse, rejeté l’affirmation de la requérante selon laquelle la mesure en cause se bornait à mettre sur un pied d’égalité tous les investissements importants réalisés après 1998, indépendamment de la technologie employée ou de la nature des usines en cause.

34.      Le Tribunal a également analysé et rejeté l’allégation de la requérante selon laquelle les centrales électriques à charbon ne seraient pas comparables aux centrales électriques utilisant une technologie différente aux points 117 à 125 de l’arrêt attaqué.

35.      Au point 126 de l’arrêt attaqué, il a donc jugé que la requérante n’avait pas été en mesure de démontrer que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation quant à l’analyse de comparabilité.

36.      Le Tribunal, aux points 128 à 130 de l’arrêt attaqué, a rejeté les arguments de Naturgy Energy Group et d’EDP España fondés sur l’arrêt Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (11) au motif que celui-ci concernait les décisions adoptées par la Commission à l’issue de la procédure formelle d’examen.

37.      Aux points 131 à 133 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également rejeté les arguments de la requérante relatifs à la nécessité de la mesure en cause au regard de la sécurité de l’approvisionnement, en considérant qu’ils concernaient l’appréciation de la compatibilité de l’aide et non sa qualification et que, selon une jurisprudence bien établie, l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets.

38.      Au point 134 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a donc rejeté le second moyen du recours comme étant non fondé et, partant, le recours dans son ensemble.

39.      Enfin, le Tribunal a condamné la requérante à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission et a condamné EDP España et Viesgo Producción à supporter leurs propres dépens.

IV.    Les conclusions des parties

40.      Par leur pourvoi, Naturgy Energy Group (requérante en première instance) et EDP España demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, d’annuler la décision litigieuse et de condamner la Commission aux dépens de l’instance.

41.      Dans son mémoire en réponse, la Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner les requérantes aux dépens.

42.      Generaciones Eléctricas Andalucía SL, à l’origine Viesgo Producción et partie intervenante en première instance, demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué.

43.      Par ordonnance du président de la Cour du 31 mai 2022, Endesa Generación SA a été admise à intervenir au soutien des requérantes et demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner la Commission aux dépens exposés dans la présente procédure.

V.      Analyse du pourvoi

A.      Observations liminaires

44.      Les deux moyens du pourvoi, bien que distincts, présentent des liens évidents : le premier moyen est tiré de l’interprétation et de l’application erronées, par le Tribunal, de l’obligation de motivation, en ce que celle-ci a trait à la notion de « sélectivité », le second étant tiré de l’interprétation et de l’application erronées par le Tribunal de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en relation avec la notion de « sélectivité ».

45.      Les articles 107 et 108 TFUE fixent les règles en matière d’aides d’État au niveau du droit primaire, l’un définissant les critères généraux sur la base desquels une aide peut ou non être considérée comme compatible avec le marché intérieur, l’autre fixant la procédure à suivre par la Commission pour apprécier si une aide est ou non compatible avec le marché intérieur. Le règlement 2015/1589 contient les modalités d’application de l’article 108 TFUE et décrit notamment, à ses articles 4 à 9, la procédure à suivre pour l’évaluation des aides : examen préliminaire (article 4), décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen (article 6), décision de clore la procédure formelle d’examen (article 9).

46.      En substance, les requérantes et les intervenantes font grief à l’arrêt attaqué d’avoir jugé que la décision de la Commission était exempte d’irrégularités, alors que sa motivation est insuffisante. En particulier, la décision d’ouverture de la procédure formelle n’aurait pas été suffisamment motivée en ce qui concerne la sélectivité de la mesure adoptée, en l’absence d’analyse de la comparabilité des situations des bénéficiaires de la mesure d’incitation et des autres entreprises. À titre subsidiaire, par leur second moyen de pourvoi, les requérantes font grief à l’arrêt attaqué d’avoir considéré que la mesure en cause pouvait valablement être qualifiée d’aide incompatible avec le marché intérieur (au motif que cette qualification n’était entachée d’aucune erreur manifeste d’appréciation).

47.      Pour l’essentiel, la question juridique au cœur de la présente affaire est celle de l’étendue de l’obligation de motivation de la Commission dans le cadre d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et, à titre subsidiaire et par voie de conséquence, la question du bien-fondé de la qualification de la mesure en cause en tant qu’aide incompatible avec le marché intérieur. Afin de déterminer si l’arrêt attaqué est entaché des erreurs de droit alléguées par les parties requérantes et intervenantes, j’analyserai les point suivants : a) l’application des principes généraux en matière de motivation à la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen ; b) les différences, en termes de fonction et de contenu, entre la décision d’ouverture et la décision de clôture de la procédure, notamment en ce qui concerne les exigences tenant au caractère provisoire et synthétique de la décision d’ouverture ; c) la nécessité de procéder, dans cette décision d’ouverture, à une analyse de la comparabilité des situations des bénéficiaires de la mesure d’incitation et des autres entreprises ; d) la répartition de la charge de la preuve entre la Commission et les parties qui contestent ladite décision.

48.      En substance, il conviendra d’apprécier : si le Tribunal, dans son examen au fond de la décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen, a fait une application correcte des principes généraux en matière de motivation des décisions des institutions de l’Union et, en particulier, de certains principes élaborés en matière d’aides d’État ; si, ce faisant, il a correctement appliqué ces principes à une décision telle que la décision litigieuse, dans laquelle la Commission n’a pas procédé, pour conclure (même si ce n’est que provisoirement) au caractère sélectif de la mesure d’incitation, à une analyse de la comparabilité des situations des bénéficiaires de cette mesure et des autres entreprises ; si, concrètement, cela a permis aux parties concernées d’exercer leurs droits de la défense dans le respect des règles de répartition de la charge de la preuve applicables au cas d’espèce.

B.      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

1.      Argumentation des parties

49.      Par leur premier moyen, les requérantes invoquent l’interprétation et l’application erronées par le Tribunal de l’obligation de motivation en ce qui concerne la notion de « sélectivité ».

50.      Les intervenantes soutiennent que le premier moyen est fondé, sur la base d’arguments semblables à ceux des requérantes.

51.      Les requérantes soutiennent que le point 28 de la décision litigieuse ne constitue pas une motivation suffisante pour justifier du caractère sélectif de la mesure en cause, d’autant plus que la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen pourrait avoir des effets juridiques significatifs tels que la suspension de cette mesure ou la récupération des sommes versées à ce titre.

52.      Generaciones Eléctricas Andalucía ajoute que cette décision non seulement entraînerait la suspension des versements de l’aide alléguée, mais habiliterait également les juridictions nationales à adopter toutes les mesures nécessaires en vue d’engager la responsabilité de ceux qui violeraient l’obligation de suspension de l’exécution de la mesure concernée (arrêt du 21 novembre 2013, Deutsche Lufthansa, C‑284/12, EU:C:2013:755).

53.      Tant les requérantes que les intervenantes estiment en outre que la décision litigieuse, même s’il ne s’agit que d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, devrait inclure une analyse de la comparabilité des sociétés concernées et expliquer, conformément à l’article 296 TFUE, pour quelle raison la législation applicable distingue les différentes technologies et en quoi les centrales électriques à charbon sont dans une situation factuelle et juridique comparable à celle des centrales utilisant d’autres technologies.

54.      Elles font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 64 et 65 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a rejeté les arguments fondés sur les arrêts du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971), et du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002).

55.      En outre, le Tribunal a, selon elles, fait une interprétation et une application erronées, au point 66 de l’arrêt attaqué, des principes énoncés dans les arrêts du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission (C‑194/09 P, EU:C:2011:497), et du 10 mars 2016, HeidelbergCement/Commission (C‑247/14 P, EU:C:2016:149).

56.      Elles estiment qu’il est donc nécessaire de procéder à une évaluation approfondie et étayée de la sélectivité de la mesure en cause, sur la base de précédents juridiques établis. Cette évaluation devrait être suffisamment détaillée pour permettre un examen complet par une juridiction, notamment en ce qui concerne l’appréciation de la question de savoir si la situation des bénéficiaires de cette mesure est comparable à la situation de ceux qui n’en bénéficient pas. Ces appréciations doivent être en effet « suffisamment motivées » afin de permettre un contrôle juridictionnel complet (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group SA e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981).

57.      Selon les requérantes, le Tribunal, au point 74 de l’arrêt attaqué, a commis une erreur de droit en affirmant qu’imposer une analyse préliminaire de comparabilité durant le processus formel d’examen effacerait la frontière entre la décision d’ouverture et la décision définitive.

58.      Generaciones Eléctricas Andalucía soutient en outre que le Tribunal s’est également mépris sur la nature du pouvoir de la Commission quant à la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen et qu’il ne s’agit pas d’un pouvoir discrétionnaire, mais d’une compétence liée.

59.      Elle ajoute qu’un « simple indice » est inapproprié dans le contexte de l’article 6 du règlement 2015/1589, qui impose à la Commission de fournir une analyse objective de l’aide d’État potentielle. Il incombe à la Commission de démontrer qu’une mesure peut être qualifiée d’aide d’État avant d’ouvrir une enquête formelle.

60.      Dès lors, la Commission aurait dû invoquer les difficultés rendant nécessaire le renvoi à une analyse plus approfondie.

61.      Selon EDP España, au point 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait reconnu le caractère « sommaire » du raisonnement de la Commission quant à la nature sélective de la mesure en cause. Toutefois, au point 66, il aurait tenté de remédier à ce caractère « sommaire » en considérant que la mesure en cause a été adoptée « dans un contexte bien connu de la requérante compte tenu de la nature de ses activités » et que, de plus, « ainsi que cela ressort de la requête », elle connaissait l’ensemble des règles applicables.

62.      Enfin, elle affirme que c’est à tort que le Tribunal, aux points 68 à 73 de l’arrêt attaqué, a tenté de remédier à ce défaut de motivation en reconstituant la motivation sur la base de plusieurs points de la décision litigieuse.

63.      Partant, elle estime que c’est à tort que le Tribunal a considéré que la Commission n’avait pas violé son obligation de motivation.

64.      La Commission considère que le premier moyen doit être écarté comme étant non fondé. Elle relève en effet que le Tribunal a correctement analysé l’obligation de motivation dans l’arrêt attaqué.

65.      La Commission soutient que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit aux points 63 et 64 de l’arrêt attaqué en considérant que les arguments des requérantes et des intervenantes étaient inopérants. Selon elle, la décision du Tribunal est étayée par l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971), dans lequel la Cour n’a pas abordé l’obligation de motivation, mais s’est concentrée sur le fond de l’affaire. Dans l’arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002), la Cour a considéré que l’obligation de motivation avait été violée en ce qui concerne la sélectivité de la mesure appliquée exclusivement à un secteur d’activité. Toutefois, dans cette affaire, la décision attaquée contenait une analyse provisoire et la Commission n’avait pas considéré que cette mesure favorisait un secteur.

66.      La Commission répond à l’allégation des requérantes quant à l’absence d’analyse de comparabilité en faisant référence à l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, qui dispose que la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen devrait récapituler les éléments pertinents de fait et de droit et inclure une évaluation préliminaire. Dès lors, si la décision litigieuse satisfait aux critères énoncés aux points 73 et 76 de l’arrêt attaqué, la simple brièveté de l’analyse ne suffit pas à constituer une violation de l’obligation de motivation.

67.      La Commission estime que le Tribunal a correctement établi que les requérantes comprenaient les raisons pour lesquelles la mesure en cause avait été considérée comme sélective, comme l’indique le point 75 de l’arrêt attaqué.

68.      Elle soutient que les conséquences juridiques attachées à l’ouverture de la procédure formelle d’examen évoquée sont hypothétiques en l’espèce et ne s’opposent pas à une motivation préliminaire et succincte, au sens de l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589.

69.      Elle ajoute que la décision litigieuse a été analysée par le Tribunal, qui a évoqué d’autres éléments de la motivation de celle-ci à l’appui de son analyse. La Cour a également reconnu qu’aucune structure particulière ne s’impose aux décisions de la Commission et que le contenu de la décision dans son ensemble devrait être examiné au moment d’évaluer le respect de l’obligation de motivation (arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a., C‑128/16 P, EU:C:2018:591, point 93).

2.      Appréciation

70.      Par leur premier moyen de pourvoi, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans le cadre du contrôle de la motivation de la décision litigieuse en ce qui concerne le caractère sélectif de la mesure en cause.

71.      S’agissant de la question faisant l’objet de ce premier moyen, le Tribunal considère en substance, dans l’arrêt attaqué, qu’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen peut se limiter à résumer les éléments de fait et de droit pertinents et qu’elle contient des appréciations provisoires qui feront l’objet d’un examen approfondi dans le cadre de cette procédure elle-même.

72.      Ces affirmations sont correctes et je partage cette analyse. Le Tribunal, en partant probablement du principe selon lequel la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et celle de clôture diffèrent fondamentalement quant à leur fonction et à leur contenu (y compris du point de vue de la motivation), en tire cependant certaines conséquences qui, à mon avis, sont erronées et altèrent son raisonnement juridique.

73.      Le Tribunal affirme, en effet, que certains précédents de la Cour ne seraient pas applicables au cas d’espèce, car ils concernent une décision de clôture de la procédure (12) ou des situations dans lesquelles l’aspect spécifique de l’obligation de motivation n’a pas été examiné (13); il estime que, en dépit de son caractère sommaire, la décision de la Commission est suffisamment motivée au motif que les parties ont été en mesure de comprendre les raisons qui ont présidé à cette décision, comme l’ont démontré les arguments qui ont ensuite été invoqués en défense et parce que ladite décision a été adoptée dans un contexte bien connu des parties elles-mêmes ; il affirme que l’analyse de comparabilité des différentes entreprises afin d’établir la sélectivité de la mesure aurait été prématurée dans une décision d’ouverture, car cette analyse aurait pu anticiper les conclusions à tirer à l’issue de cette procédure.

74.      Selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit indiquer de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte en cause, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de l’acte adopté et à la Cour d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction de toutes les circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par celui-ci peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 10 mars 2016, HeidelbergCement/Commission, C‑247/14 P, EU:C:2016:149, point 16).

75.      Si l’on applique ce principe aux mesures adoptées par la Commission en matière d’aides d’État, il convient de relever que la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen n’est pas une mesure pour laquelle l’obligation de motivation serait particulièrement légère ou superficielle.

76.      Une lecture attentive des articles 4, 6 et 7 du règlement 2015/1589 permet en effet de comprendre que la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen présuppose, tant du point de vue chronologique que du point de vue logique, un examen préliminaire : la Commission enquête donc auprès de l’État concerné et procède déjà dans ce cadre à l’analyse des éléments susceptibles de justifier qu’une mesure puisse être qualifiée d’« aide » et permettant de conclure, même si ce n’est qu’à titre préliminaire, qu’il existe des doutes quant à la compatibilité de la mesure examinée avec le marché intérieur. Dans le cas contraire, la Commission clôture la procédure par une décision de ne pas soulever d’objections.

77.      La décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen ne constitue donc pas l’acte initial qui déclenchera l’analyse de tous les éléments susceptibles de justifier qu’une mesure soit qualifiée d’aide prohibée, mais se situe à un stade ultérieur, à savoir le stade auquel la Commission, ayant déjà procédé à un examen préliminaire, a « conclu », même si ce n’est qu’à titre préliminaire, qu’il existe des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. La procédure faisant suite à cette décision servira à mettre toutes les parties intéressées en mesure d’exercer leurs droits de la défense en présentant des arguments visant à réfuter la thèse défendue par la Commission pour conclure (même si ce n’est que provisoirement) à l’incompatibilité de ladite mesure avec le marché intérieur.

78.      Il s’ensuit que la Commission, compte tenu précisément de toutes les circonstances de l’espèce, doit déjà exposer dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen tous les arguments et points de vue juridiques qui l’amènent à considérer que la mesure en cause est incompatible avec le marché intérieur, sans pouvoir reporter son analyse à un stade ultérieur.

79.      Le caractère provisoire de l’appréciation ne saurait être synonyme de superficialité, pas plus qu’il ne saurait justifier le fait de s’abstenir de procéder aux analyses, vérifications et comparaisons qui sont déjà possibles au stade de l’ouverture.

80.      Ce n’est que s’il est impossible, dans des cas particuliers techniquement complexes, d’effectuer une analyse spécifique qui nécessite des éléments factuels qui ne peuvent être obtenus qu’une fois la procédure ouverte que la Commission pourra, en motivant ce choix, reporter l’analyse, la vérification ou l’appréciation au moment de la décision finale.

81.      Pour ces raisons, la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, comme l’ont soutenu à plusieurs reprises les requérantes et les intervenantes, a déjà une portée autonome et peut avoir des effets concrets et importants sur les intérêts économiques des parties. L’ouverture d’une procédure formelle d’examen sur des aides d’État oblige à suspendre les paiements de l’aide présumée et autorise les juridictions nationales à prendre les mesures nécessaires pour tirer les conséquences de la violation de l’obligation de suspension de la mesure en cause (14).

82.      Pour les mêmes raisons, la question de l’applicabilité des principes dégagés par la jurisprudence en matière d’aides doit être examinée avec attention, sans que les principes énoncés dans des affaires concernant des décisions de clôture de la procédure formelle d’examen puissent être écartés comme étant inopérants.

83.      La décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen et la décision de clôture prévues aux articles 6 et 9 du règlement 2015/1589 sont clairement différentes et ont des fonctions différentes. Il reste que, pour les raisons exposées aux points précédents des présentes conclusions, on ne saurait écarter l’appréciation de principes énoncés par la Cour au seul motif qu’ils concernent une procédure de clôture.

84.      La fonction de la procédure faisant suite à la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen est effectivement de permettre aux parties de convaincre la Commission de modifier la position initialement défendue, lors de l’ouverture, selon laquelle la mesure concernée constitue une aide incompatible avec le marché intérieur.

85.      Dans l’arrêt Comunidad Autόnoma de Galicia et Retegal/Commission, la Cour a constaté que l’obligation de motivation avait été méconnue, en ce qui concerne le principe de sélectivité, en relevant qu’une mesure dont ne bénéficie qu’un secteur d’activité ou qu’une partie des entreprises de ce secteur n’est pas nécessairement sélective et qu’elle ne l’est que si, dans le cadre d’un régime juridique donné, elle a pour effet de favoriser certaines entreprises par rapport à d’autres, appartenant à d’autres secteurs ou au même secteur et qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (15).

86.      Même si cet arrêt concerne une décision de la Commission adoptée à l’issue de la procédure formelle, il importe de noter que la Cour se fonde sur les principes issus de l’arrêt Commission/Hansestadt Lübeck (16), qui concernait une décision d’ouverture d’une procédure formelle d’examen.

87.      Il en résulte également que la Commission aurait pu, et aurait même dû, procéder à une analyse de comparabilité des différentes entreprises du secteur. C’est donc à tort que le Tribunal a affirmé que « imposer, en toute circonstance, au stade de l’analyse préliminaire, figurant dans une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, une motivation relative à la comparabilité des situations pourrait se révéler prématuré et anticiperait les conclusions à tirer à l’issue de cette procédure », le risque étant celui de « l’effacement de la frontière entre la décision ouvrant la procédure formelle d’examen et la décision visant à clore cette procédure » (17).

88.      J’estime que la Commission est tenue de préciser, y compris au stade de l’ouverture de la procédure formelle d’examen, les raisons pour lesquelles le fait qu’une mesure ne bénéficie qu’à certaines entreprises d’un secteur permet de considérer cette mesure, a priori, comme sélective et qu’elle ne peut pas non plus s’abstenir, dans ce contexte, d’un examen préliminaire de la comparabilité des entreprises bénéficiant de ladite mesure avec celles, actives dans le même secteur, qui n’en bénéficient pas.

89.      S’agissant, ensuite, de l’affirmation du Tribunal selon laquelle le contexte aurait été bien connu des parties, qui auraient également fourni des arguments au sujet de la comparaison avec d’autres entreprises, j’estime que le Tribunal a commis une erreur de droit qui a eu une incidence négative sur la répartition de la charge de la preuve et qui affecte également le second moyen du pourvoi (18).

90.      Dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la Commission doit procéder à toutes les analyses de nature à permettre aux parties de tenter de réfuter les arguments juridiques qui qualifient (provisoirement) la mesure prise par l’État membre d’aide d’État susceptible d’être incompatible avec le marché intérieur.

91.      Il serait contraire à la répartition normale de la charge de la preuve de confier aux parties le soin de reconstituer de façon indirecte ou par induction la position juridique de la Commission pour la réfuter.

92.      La Commission devait donc analyser la comparabilité des situations entre les opérateurs du marché en présentant tous les arguments utiles pour confirmer la qualification d’« aide d’État incompatible avec le marché intérieur », indépendamment du caractère provisoire de cette analyse, susceptible d’être modifiée au cours de la procédure formelle d’examen.

93.      Dans l’arrêt Deutsche Post/Commission (19), s’agissant d’une décision d’extension d’une procédure formelle considérée comme entachée d’un défaut de motivation, il a bien été précisé que, au terme de l’évaluation préliminaire de la mesure, la Commission doit motiver sa décision lorsqu’elle décide d’ouvrir une procédure formelle d’examen (20).

94.      En outre, toujours dans cet arrêt, le Tribunal déclare que « toute décision prise par la Commission au terme de la phase d’examen préliminaire doit inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause, qui vise à déterminer si elle présente le caractère d’une aide d’État » (21).

95.      L’analyse de comparabilité ne peut donc jamais être laissée à la procédure formelle d’examen, car il est toujours possible de ne présenter que des considérations provisoires.

96.      Bien que la Commission ait affirmé à juste titre qu’il est essentiel de considérer l’intégralité du contenu d’une décision pour en apprécier la motivation (22), il convient de relever que la décision litigieuse ne contient absolument aucune analyse de comparabilité.

97.      À la lumière des considérations qui précèdent, j’estime qu’il peut être fait droit au premier moyen du pourvoi.

C.      Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne le critère de sélectivité

1.      Argumentation des parties

98.      Par leur second moyen, les requérantes invoquent la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce qui concerne le critère de sélectivité.

99.      Les intervenantes soutiennent que le second moyen est fondé, sur la base d’arguments semblables à ceux des requérantes.

100. Naturgy Energy Group conteste le point 82 de l’arrêt attaqué, qui relève qu’elle avait soutenu que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant au caractère sélectif de la mesure en cause.

101. Selon l’argumentation des requérantes et des intervenantes, le Tribunal aurait dû examiner de manière approfondie l’analyse de la Commission quant à la sélectivité de la mesure en cause (Naturgy Energy Group cite l’arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 111). À cet égard, les requérantes se réfèrent à l’analyse de la Cour dans l’arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971), dans lequel la Cour a constaté une erreur de droit et non une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la sélectivité d’une mesure ayant donné lieu à une décision d’ouverture d’une procédure formelle d’examen.

102. Selon Naturgy Energy Group, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en comparant les investissements antérieurs et postérieurs à 1998 au lieu de déterminer si l’annexe III, point 10, alinéa 2, de l’ITC/2794/2007 constitue une mesure sélective. Cette disposition permettrait au gouvernement espagnol de rémunérer toutes les centrales électriques, indépendamment de leur technologie, ayant effectué des investissements importants.

103. En ce qui concerne la comparabilité de la situation des centrales à charbon et de celle des centrales n’utilisant pas le charbon comme combustible principal, les requérantes et les intervenantes soutiennent que le Tribunal, outre qu’il a commis une erreur de droit dans l’application du contrôle de l’erreur manifeste, a également, aux points 102 à 126 de l’arrêt attaqué, renversé la charge de la preuve en considérant que la requérante aurait dû démontrer l’absence de discrimination à l’égard des centrales n’utilisant pas le charbon comme combustible principal (arrêt du 8 septembre 2011, Commission/Pays‑Bas, C‑279/08 P, EU:C:2011:551, point 62).

104. La Commission devrait s’attacher à identifier les cas de discrimination, même s’il s’agit d’une analyse préliminaire. Cela inclut l’identification de cas analogues à ceux mentionnés aux points 121 et 124 de l’arrêt attaqué, ainsi que le Tribunal l’a relevé.

105. EDP España souligne notamment que le Tribunal a reconnu que l’analyse du caractère justifié ou non de l’ouverture d’une procédure formelle d’examen ne peut se limiter à la recherche de l’erreur manifeste d’appréciation, mais doit aller plus loin (arrêt du 8 septembre 2021, Achema et Achema Gas Trade/Commission, T‑193/19, EU:T:2021:558, points 43 et 44).

106. Ainsi, si le Tribunal avait effectué un contrôle de légalité conforme à la jurisprudence des juridictions de l’Union, il aurait dû parvenir à la même conclusion dans l’arrêt attaqué.

107. Endesa Generación estime ensuite que, si le critère d’appréciation de l’existence d’une aide était fondé sur une erreur manifeste d’appréciation, le Tribunal aurait dû établir que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans son analyse du caractère sélectif de la mesure en cause. Cet argument est étayé par l’explication fournie au point 28 de la décision litigieuse.

108. Elle indique que l’arrêt attaqué est, en tout état de cause, entaché d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal considère que la Commission n’a pas commis une telle erreur dans la décision litigieuse en concluant – à titre provisoire – que la mesure en cause était sélective du seul fait qu’elle s’appliquait à certaines entreprises et sans effectuer l’analyse de comparabilité exigée par la jurisprudence afin de déterminer le caractère sélectif de cette mesure.

109. Enfin, Generaciones Eléctricas Andalucía estime que c’est à tort que le Tribunal s’est concentré uniquement sur l’exigence d’une erreur manifeste d’appréciation, car les effets de l’ouverture d’une procédure formelle d’examen sont significatifs. Elle soutient que la Commission n’avait pas le pouvoir de décider d’ouvrir cette procédure et qu’elle aurait au contraire dû confirmer que les situations analysées répondaient au critère de sélectivité.

110. Elle soutient une nouvelle fois que le Tribunal a confondu, dans l’arrêt attaqué, le caractère provisoire de l’analyse, dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen, avec l’existence d’un pouvoir discrétionnaire de la Commission.

111. La Commission estime que le second moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

112. Elle soutient que la loi espagnole qui permet des paiements différenciés aux producteurs d’électricité n’affecte pas le caractère sélectif de la mesure en cause. Même si les centrales électriques construites après une date déterminée peuvent bénéficier d’un retour sur investissement, cette mesure n’en accorde pas moins un avantage sélectif d’un montant variable (arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, points 112 et 120). En outre, seules les installations à charbon incluses dans le PNRE-GIC peuvent bénéficier de ladite mesure.

113. Elle soutient qu’il ressort de la jurisprudence constante que le contrôle de la légalité d’une décision d’ouverture d’une procédure formelle d’examen est limité au contrôle d’une erreur manifeste d’appréciation (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 78).

114. Elle affirme en outre que, afin d’établir qu’une erreur manifeste a été commise dans l’appréciation de faits complexes de nature à justifier l’annulation de cette décision, les éléments de preuve apportés par les requérantes doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenus dans cet acte et que, sous réserve de cet examen de plausibilité, il n’appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation de faits complexes à celle de l’auteur de ladite décision [arrêt du 15 octobre 2009, Enviro Tech (Europe), C‑425/08, EU:C:2009:635, point 47].

115. Par conséquent, selon la Commission, il ne saurait non plus être soutenu que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’appréciation de la sélectivité, en l’absence d’éléments de preuve qui priveraient de plausibilité les appréciations de cette même décision. Cette obligation probatoire est selon elle inhérente à toute appréciation d’erreur manifeste et n’a rien à voir avec le fait que c’est à la Commission qu’il incombe de démontrer, à titre préliminaire, en quoi la mesure en cause est sélective.

116. Selon la Commission, l’appréciation du Tribunal aux points 102 à 126 de l’arrêt attaqué est pleinement conforme au contrôle de légalité exigé par la jurisprudence. Le Tribunal a vérifié l’exactitude matérielle de tous les éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, et a contrôlé si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe (arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 57, et du 6 novembre 2008, PaysBas/Commission, C‑405/07 P, EU:C:2008:613).

117. L’affirmation selon laquelle le Tribunal n’aurait pas examiné si l’annexe III, point 10, alinéa 2, de l’ITC/2794/2007 constitue ou non une mesure sélective n’est selon elle pas fondée. En effet, l’aide a effectivement été octroyée par un arrêté ultérieur (arrêté ITC/3860/2007), confirmé au point 4 de la décision litigieuse et reconnu par le Tribunal au point 109 de l’arrêt attaqué.

118. Naturgy Energy Group n’a apporté aucune preuve quant à la raison pour laquelle les appréciations du Tribunal aux points 102 à 105 de l’arrêt attaqué contiendraient une quelconque erreur. La Commission soutient que le Tribunal a procédé à une analyse approfondie de la législation nationale et a établi qu’aucune preuve ne suggérait que le régime en cause était destiné à favoriser uniquement des investissements importants réalisés après 1998.

119. La Commission a relevé que les arguments invoqués sont non seulement infondés, mais aussi inopérants. En effet, selon une jurisprudence constante, l’article 107, paragraphe 1, TFUE n’établit pas de distinction entre les interventions étatiques selon leurs causes ou leurs objectifs, mais définit ces interventions en fonction de leurs effets. Ainsi, la notion d’« aide » est une notion objective qui est fonction, principalement, de la question de savoir si une mesure étatique confère ou non un avantage à une ou à plusieurs entreprises. Une fois l’existence de l’aide établie, pour apprécier la compatibilité, la Commission devra analyser si cette aide est conçue pour que ses effets positifs, liés à la réalisation d’un objectif d’intérêt commun, l’emportent sur ses effets négatifs potentiels pour les échanges et la concurrence.

120. Enfin, en ce qui concerne la comparabilité des centrales à charbon et des centrales qui n’utilisent pas le charbon comme combustible, ainsi que l’argument selon lequel, en substance, le Tribunal aurait dû annuler la décision litigieuse au motif qu’elle ne comporte pas d’analyse détaillée de la comparabilité de ces deux groupes d’entreprises, la Commission rappelle qu’il est expliqué dans la décision litigieuse qu’elle considère que la mesure en cause est sélective parce qu’elle bénéficie exclusivement aux centrales à charbon figurant dans le PNRE-GIC, à la différence des autres centrales à charbon ou des centrales utilisant une autre technologie. Elle conclut que c’est à bon droit que le Tribunal a examiné, aux points 117 à 126 de l’arrêt attaqué, sur la base des arguments des requérantes et des intervenantes, si la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation au motif que les centrales à charbon ne se trouvaient pas dans une situation factuelle et juridique comparable à celle des centrales utilisant d’autres types de technologies et a considéré à juste titre que cette conclusion n’était pas remise en cause par les arguments des parties requérantes et intervenantes.

121. La Commission soutient que la charge de la preuve n’est donc à aucun moment renversée ; le Tribunal a examiné si l’appréciation de la Commission dans la décision litigieuse était fondée et si les arguments des requérantes ne privaient pas cette appréciation de plausibilité. Par conséquent, les requérantes n’ont pas démontré ni même allégué que le Tribunal avait dénaturé les faits sur lesquels il a fondé ses conclusions.

2.      Appréciation

122. Le second moyen est soulevé à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour ne ferait pas droit au premier moyen du pourvoi. Dans la mesure où je propose à la Cour de faire droit au premier moyen du pourvoi, je n’exposerai, sur le second moyen, que quelques brèves considérations, étant donné également, comme je l’ai indiqué aux points précédents des présentes conclusions, que les deux moyens du pourvoi sont étroitement liés.

123. En effet, par leur second moyen, les requérantes invoquent une erreur de droit dans le cadre du contrôle de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en ce qui concerne le caractère sélectif de la mesure en cause.

124. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que le contrôle de la légalité de la qualification d’une mesure d’« aide d’État », qui ressort d’une décision de la Commission d’ouvrir la procédure formelle d’examen, se limite à vérifier si la Commission n’a pas commis d’erreurs manifestes d’appréciation (23). La Commission est tenue d’ouvrir une procédure formelle d’examen si elle n’est pas en mesure d’établir que la mesure notifiée est compatible avec le marché intérieur ou si elle nourrit des doutes sur la question de savoir si cette mesure constitue une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (24).

125. Dans le même arrêt, la Cour a indiqué que, lorsqu’un État membre soutient que ses mesures ne peuvent être qualifiées d’« aide » pendant l’analyse préliminaire de la Commission, celle-ci doit procéder à un examen approfondi de la question sur la base des informations qui lui ont été communiquées à ce stade par cet État, même si cet examen débouche sur une appréciation non définitive. En outre, s’il apparaît de façon évidente, sur la base des informations disponibles pendant la phase d’ouverture de la procédure, que la mesure ne peut être qualifiée d’aide nouvelle, la décision d’engager la procédure à l’égard de cette mesure devrait être annulée (25).

126. Ensuite, au point 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a affirmé qu’il ne lui incombe pas d’apprécier si la mesure en cause possède ou non, manifestement, un caractère sélectif (26). La Cour estime en effet qu’il y a lieu d’éviter de se prononcer définitivement sur des questions qui n’ont été appréciées que de façon provisoire par la Commission (27).

127. Sur la base de cette jurisprudence, le Tribunal rejette, en première instance, le « moyen » tiré de l’erreur de droit en ce que la mesure en cause a été qualifiée d’aide, au motif que les requérantes et les intervenantes n’auraient pas été en mesure de démontrer une erreur manifeste d’appréciation de la Commission.

128. Le lien, évoqué à plusieurs reprises, entre les deux moyens du pourvoi constitue le point critique de ce raisonnement : en substance, selon l’exposé du Tribunal, l’obligation de motivation pesant sur la Commission, dans le cadre de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, serait plutôt limitée puisqu’il s’agirait uniquement de récapituler de façon synthétique les faits et les éléments de droit, avec la possibilité de renvoyer l’analyse approfondie ultérieure à la procédure faisant suite à cette décision, y compris l’analyse de comparabilité des entreprises bénéficiant de la mesure concernée et de celles, actives dans le même secteur, qui n’en bénéficient pas.

129. S’agissant ensuite de l’étendue de l’examen du juge du Tribunal et de la charge de la preuve qui en découle pour les parties qui entendent soutenir une position contraire à celle de la Commission (en ce sens qu’il n’existe pas d’éléments suffisants pour qualifier la mesure en cause d’aide incompatible avec le marché intérieur), les parties seraient tenues de démontrer une erreur manifeste d’appréciation en réfutant de multiples allégations et éléments de preuve de l’argumentation caractérisés par leur caractère incomplet (puisqu’ils ont vocation à être complétés au cours de la procédure) présentés par la Commission.

130. Ce raisonnement a des effets négatifs sur la répartition correcte de la charge de la preuve.

131. La Commission est tenue de procéder à un examen préliminaire impliquant l’État membre, examen qui justifie la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen au motif que, sur la base des éléments connus, la mesure en cause peut être qualifiée d’aide et qu’il existe des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur.

132. La décision d’ouverture doit contenir une analyse qui est préliminaire, mais complète, sur la base des données et des éléments connus, de manière à permettre aux parties de connaître toutes les raisons juridiques justifiant que la mesure concernée soit qualifiée d’aide incompatible avec le marché intérieur. Cette appréciation de la Commission est provisoire (mais, il convient de le rappeler, n’en est pas moins complète), car elle est susceptible d’être modifiée au cours de la procédure en raison des arguments avancés par les parties concernées.

133. Les droits de la défense des parties sont toutefois pleinement respectés si celles-ci sont mises en mesure de connaître, dès le stade de la décision d’ouverture, tous les éléments et arguments juridiques à l’appui de la qualification retenue par la Commission, même si ce n’est que de façon provisoire. Ce n’est que lorsque, en raison d’une complexité technique particulière, certaines appréciations ou vérifications nécessitent des éléments supplémentaires que la Commission peut examiner seulement après l’intervention des parties concernées autres que l’État membre (avec lequel un dialogue a déjà eu lieu au cours de l’examen préliminaire) que ces appréciations ou vérifications peuvent être renvoyées au stade de la procédure, sous réserve que ce choix soit motivé. Cela vaut également pour l’analyse de comparabilité.

134. Dès lors que la charge de la preuve, telle que décrite aux points précédents des présentes conclusions, est respectée, l’examen du Tribunal peut valablement se limiter à rechercher une éventuelle erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse de la Commission, le juge ne pouvant pas se prononcer sur le fond des appréciations complexes et approfondies déjà effectuées. Dans le cas contraire, c’est-à-dire lorsque la motivation est insuffisante et incomplète, limiter l’examen du juge à la recherche d’une éventuelle erreur manifeste dans l’analyse de la Commission risque de bouleverser la répartition correcte de la charge de la preuve au détriment des parties qui entendent soutenir une position contraire à celle de la Commission.

135. En l’espèce, bien que je partage l’analyse de la Commission sur les limites de l’examen du juge, telles qu’elles ont été rappelées dans la jurisprudence la plus récente de la Cour (28), quant à la qualification de la mesure en cause de « sélective », les insuffisances de la motivation, qui ont été décrites aux points précédents des présentes conclusions, ne me permettent pas de conclure en faveur du rejet du second moyen du pourvoi, qui est à juste titre subordonné au premier.

136. En effet, dans l’hypothèse où la Cour n’estimerait pas devoir faire droit au premier moyen du pourvoi et considérerait donc comme exempt de vices le raisonnement du Tribunal qui n’a pas censuré la décision de la Commission pour défaut de motivation, les éléments ressortant du dossier, en particulier l’absence d’une analyse comparative dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, permettraient de considérer que la décision de la Commission est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

VI.    Conclusion

137. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, je suggère à la Cour :

–        de faire droit au premier moyen du pourvoi ;

–        d’annuler la décision C(2017) 7733 final de la Commission, du 27 novembre 2017, concernant l’aide d’État SA.47912 (2017/NN) – Mesure d’incitation environnementale adoptée par l’Espagne en faveur des centrales à charbon et l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 8 septembre 2021, Naturgy Energy Group/Commission (T‑328/18, EU:T:2021:548).


1      Langue originale : l’italien.


2      T‑328/18, EU:T:2021:548.


3      JO 2015, L 248, p. 9.


4      Real Decreto 871/2007 por el que se ajustan las tarifas eléctricas a partir del 1 de julio de 2007 (décret royal 871/2007 portant ajustement des tarifs de l’électricité à compter du 1er juillet 2007).


5      BOE no 156, du 30 juin 2007, p. 28324.


6      Orden ITC/2794/2007, por la que se revisan las tarifas eléctricas a partir del 1 de octubre de 2007 (arrêté ITC/2794/2007 portant révision des tarifs d’électricité à compter du 1er octobre 2007).


7      BOE no 234, du 29 septembre 2007, p. 39690.


8      Orden ITC/3860/2007, por la que se revisan las tarifas eléctricas a partir del 1 de enero de 2008 (arrêté ITC/3860/2007 portant révision des tarifs d’électricité à compter du 1er janvier 2008).


9      BOE no 312, du 29 décembre 2007, p. 53781.


10      Arrêts du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971), et du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002).


11      Arrêt du 20 décembre 2017 (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002).


12      Arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002).


13      Arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971).


14      Voir ordonnance du 13 novembre 2019, par laquelle la Cour a admis l’intervention d’EDP España ayant démontré un intérêt direct et actuel à la solution du litige.


15      Arrêt du 20 décembre 2017, Comunidad Autónoma de Galicia et Retegal/Commission (C‑70/16 P, EU:C:2017:1002, point 61).


16      Arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 58) : « [U]ne mesure dont ne bénéficie qu’un secteur d’activité ou une partie des entreprises de ce secteur n’est pas nécessairement sélective. Elle ne l’est en effet [...] que si, dans le cadre d’un régime juridique donné, elle a pour effet d’avantager certaines entreprises par rapport à d’autres appartenant à d’autres secteurs ou au même secteur et se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable. »


17      Arrêt attaqué, point 74.


18      Voir points suivants des présentes conclusions.


19      Arrêt du 10 avril 2019 (T‑388/11, EU:T:2019:237).


20      Arrêt du 10 avril 2019, Deutsche Post/Commission (T‑388/11, EU:T:2019:237, point 72) : « Il s’ensuit que, sauf à priver l’obligation de motivation prévue à l’article 296, paragraphe 2, TFUE de sa substance, toute décision prise par la Commission au terme de la phase d’examen préliminaire doit inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause, qui vise à déterminer si elle présente le caractère d’une aide d’État et à exposer, lorsqu’elle choisit d’ouvrir la procédure formelle d’examen, les raisons qui l’incitent à douter de sa compatibilité avec le marché commun. »


21      Arrêt du 10 avril 2019, Deutsche Post/Commission (T‑388/11, EU:T:2019:237, point 72).


22      Arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591, point 93).


23      Arrêts du 21 juillet 2011, Alcoa Trasformazioni/Commission (C‑194/09 P, EU:C:2011:497, point 61), et du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 78).


24      Arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne (C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 50).


25      Arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne (C‑562/19 P, EU:C:2021:201, point 53).


26      Voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck (C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 73).


27      Voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Guipúzcoa/Commission (T‑269/99, T‑271/99 et T‑272/99, EU:T:2002:258, point 48), et du 25 mars 2009, Alcoa Trasformazioni/Commission (T‑332/06, EU:T:2009:79, point 61).


28      Arrêt du 16 mars 2021, Commission/Pologne (C‑562/19 P, EU:C:2021:201, points 50 et 52).