Language of document : ECLI:EU:C:2023:665

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

14 septembre 2023 (*)

« Renvoi préjudiciel – Politique sociale – Directive 79/7/CEE – Égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale – Article 6 – Réglementation nationale prévoyant le droit à un complément de pension uniquement pour les femmes – Arrêt préjudiciel de la Cour permettant de constater que cette réglementation est constitutive d’une discrimination directe fondée sur le sexe – Pratique administrative consistant à continuer d’appliquer cette réglementation en dépit de cet arrêt – Discrimination distincte – Réparation pécuniaire – Remboursement des frais relatifs aux dépens et honoraires d’avocat »

Dans l’affaire C‑113/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne), par décision du 2 février 2022, parvenue à la Cour le 17 février 2022, dans la procédure

DX

contre

Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS),

Tesorería General de la Seguridad Social (TGSS),

LA COUR (deuxième chambre),

composée de Mme A. Prechal (rapporteure), présidente de chambre, Mme M. L. Arastey Sahún, MM. F. Biltgen, N. Wahl et J. Passer, juges,

avocat général : Mme L. Medina,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour DX, par Me J. de Cominges Cáceres, abogado,

–        pour l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS), par Mmes M. P. García Perea et M. P. Madrid Yagüe, en qualité de letradas,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mmes I. Galindo Martín et A. Szmytkowska, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant DX, père de deux enfants, à l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS) (Institut national de la sécurité sociale, Espagne) et à la Tesorería General de la Seguridad Social (TGSS) (Trésorerie générale de la sécurité sociale, Espagne) au sujet du refus de cet institut de lui octroyer un complément de pension dont bénéficiaient, en vertu de la législation nationale, uniquement les femmes ayant eu au moins deux enfants biologiques ou adoptés.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 1er de la directive 79/7 énonce :

« La présente directive vise la mise en œuvre progressive, dans le domaine de la sécurité sociale et autres éléments de protection sociale prévu à l’article 3, du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, ci-après dénommé “principe de l’égalité de traitement”. »

4        L’article 2 de cette directive prévoit :

« La présente directive s’applique à la population active, y compris les travailleurs indépendants, les travailleurs dont l’activité est interrompue par une maladie, un accident ou un chômage involontaire et les personnes à la recherche d’un emploi, ainsi qu’aux travailleurs retraités et aux travailleurs invalides. »

5        L’article 3, paragraphe 1, de ladite directive dispose :

« La présente directive s’applique :

a)      aux régimes légaux qui assurent une protection contre les risques suivants :

–        maladie,

–        invalidité,

–        vieillesse,

–        accident du travail et maladie professionnelle,

–        chômage ;

[...] »

6        L’article 4, paragraphe 1, de la même directive est libellé comme suit :

« Le principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne :

–        le champ d’application des régimes et les conditions d’accès aux régimes,

–        l’obligation de cotiser et le calcul des cotisations,

–        le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations. »

7        Aux termes de l’article 5 de la directive 79/7 :

« Les États membres prennent les mesures nécessaires afin que soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l’égalité de traitement. »

8        L’article 6 de cette directive énonce :

« Les États membres introduisent dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour permettre à toute personne qui s’estime lésée par la non-application du principe de l’égalité de traitement de faire valoir ses droits par voie juridictionnelle après, éventuellement, le recours à d’autres instances compétentes. »

 Le droit espagnol

9        Aux termes de l’article 53 de la Ley General de la Seguridad Social (loi générale sur la sécurité sociale), dans sa version consolidée, telle qu’approuvée par le Real Decreto Legislativo 8/2015 (décret royal législatif 8/2015), du 30 octobre 2015 (BOE no 261, du 31 octobre 2015, p. 103291) (ci-après la « LGSS ») :

« 1.      Le droit à la reconnaissance des prestations se prescrit par cinq ans à compter du jour suivant la date du fait générateur de la prestation en cause, sous réserve des exceptions prévues par la présente loi et du fait que les effets de cette reconnaissance commencent à courir trois mois avant la date de présentation de la demande correspondante.

Si le contenu économique des prestations déjà reconnues est affecté à la suite de demandes de révision de celles-ci, les effets financiers résultant du nouveau montant ont une rétroactivité maximale de trois mois à compter de la date de présentation de la demande. Cette règle relative à la rétroactivité maximale ne s’applique pas en cas de rectification d’erreurs matérielles, factuelles ou arithmétiques [...] »

10      Intitulé « Complément de maternité dans les pensions contributives du système de sécurité sociale », l’article 60, paragraphe 1, de la LGSS, dans sa version applicable au litige au principal, prévoyait :

« Eu égard à leur contribution démographique à la sécurité sociale, un complément de pension est accordé aux femmes qui ont eu des enfants biologiques ou adoptés et qui bénéficient de pensions contributives de retraite, de veuvage ou d’invalidité permanente au titre d’un quelconque régime du système de sécurité sociale. 

Le montant de ce complément, qui présente à tous égards la nature juridique d’une pension publique contributive, résulte de l’application au montant initial desdites pensions d’un pourcentage déterminé, qui est fonction du nombre d’enfants, conformément à l’échelle suivante :

a)      dans le cas de deux enfants : 5 pour cent.

[...] »

11      L’article 10 de la Ley Orgánica 3/2007 para la igualdad efectiva de mujeres y hombres (loi organique 3/2007 pour l’égalité effective entre femmes et hommes), du 22 mars 2007 (BOE no 71, du 23 mars 2007, p. 12611), dispose :

« Les actes [...] qui constituent ou entraînent une discrimination fondée sur le sexe sont considérés comme nuls et non avenus, et engagent la responsabilité [de leur auteur] par le biais d’un système de réparations ou d’indemnisations réelles, effectives et proportionnées par rapport au préjudice subi ainsi que, le cas échéant, par un système efficace et dissuasif de sanctions prévenant la mise en œuvre des conduites discriminatoires. »

12      L’article 183 de la Ley 36/2011, reguladora de la jurisdicción social (loi 36/2011, portant code de procédure des juridictions sociales), du 10 octobre 2011 (BOE no 245, du 11 octobre 2011, p. 106584) (ci-après la « loi 36/2011 »), énonce, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Lorsque le jugement déclare l’existence d’une violation, le juge doit se prononcer sur le montant des dommages-intérêts dus, le cas échéant, à la partie requérante qui a subi la discrimination ou une autre violation de ses droits fondamentaux et de ses libertés publiques, en fonction tant du préjudice moral lié à la violation du droit fondamental que des préjudices supplémentaires qui en découlent.

2.      Le tribunal se prononce sur le montant des dommages-intérêts, en les déterminant de manière prudentielle lorsqu’il apparaît trop difficile ou coûteux d’établir leur montant exact, afin de dédommager suffisamment la victime et de la rétablir, autant que faire se peut, dans sa situation antérieure à la violation, ainsi que de contribuer à l’objectif de prévention du dommage. »

13      Le Criterio de Gestión 1/2020 (règle de gestion 1/2020), du 31 janvier 2020, adopté par la Subdirección General de Ordenación y Asistencia Jurídica (sous-direction générale de gestion et d’assistance juridique) de l’INSS (ci-après la « règle de gestion 1/2020 »), était libellé comme suit :

« Tant que n’a pas été apportée la modification législative nécessaire pour adapter l’article 60 de la LGSS à l’arrêt [du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075)] [...], les lignes directrices suivantes concernant l’action du présent organisme gestionnaire sont établies :

1.      Le complément prévu pour les pensions d’invalidité permanente, de retraite et de veuvage, réglementé à l’article 60 de la LGSS, continue d’être accordé uniquement aux femmes qui remplissent les conditions établies par ledit article, comme tel a été le cas jusqu’à présent, tant que la modification légale adéquate de l’article précité n’a pas eu lieu.

2.      Les dispositions du paragraphe précédent doivent logiquement être interprétées sans préjudice de l’obligation d’exécuter les décisions de justice définitives rendues par les juridictions qui reconnaissent le complément de pension précité pour les hommes [...] »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

14      DX, père de deux enfants, s’est vu attribuer par l’INSS une prestation d’invalidité permanente absolue, prenant effet le 10 novembre 2018, sur une base de calcul d’un montant de 1 972,87 euros. Dans le cadre de la procédure administrative y afférente, il n’avait pas expressément demandé ni ne s’était vu reconnaître d’office le droit au complément de pension dit « de maternité » (ci-après le « complément de pension en cause ») pour les pensions de retraite, d’invalidité permanente ou de veuvage, prévu à l’article 60, paragraphe 1, de la LGSS.

15      En se fondant sur l’arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075), dont il résulte que la directive 79/7 s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle prévue à l’article 60 de la LGSS, réservant l’octroi dudit complément aux seules femmes, DX a introduit, devant l’INSS, le 10 novembre 2020, une demande de reconnaissance de son droit au même complément, à hauteur de 5 % de la prestation d’invalidité permanente qu’il percevait.

16      Par décision du 17 novembre 2020 (ci-après la « décision de rejet »), l’INSS a rejeté cette demande.

17      À la suite de cette décision, DX a introduit un recours contre celle-ci devant le Juzgado de lo Social no 2 de Vigo (tribunal du travail no 2 de Vigo, Espagne) qui, par un jugement du 15 février 2021, en se référant à l’arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075), a reconnu le droit de DX au complément de pension en cause, tout en rejetant la demande d’indemnisation que celui-ci avait parallèlement présentée. Par ordonnance du 1er mars 2021, cette juridiction a établi les effets financiers de ce complément en ce sens que DX y avait droit à compter du 10 août 2020, incluant, partant, le paiement du complément de pension en cause correspondant aux trois mois précédant sa demande introduite le 10 novembre 2020.

18      DX et l’INSS ont interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice, Espagne).

19      Si l’INSS est d’avis que, conformément au principe de légalité, DX n’a pas droit au complément réclamé en vertu de l’article 60 de la LGSS, celui-ci demande, pour sa part, que le droit à ce complément lui soit reconnu à compter de la date à laquelle il a eu accès à sa pension, à savoir le 10 novembre 2018, au motif que, s’il avait été une femme, il aurait été informé de ce droit dès cette date. Pour le même motif, il demande une indemnisation compensatoire et dissuasive pour violation du principe de non-discrimination.

20      La juridiction de renvoi relève, tout d’abord, que, aux fins de l’affaire au principal, revêt une importance fondamentale la question de savoir si – ainsi qu’elle tend à le considérer – la pratique de l’INSS exposée et publiée dans la règle de gestion 1/2020, consistant à refuser systématiquement d’accorder aux hommes le complément de pension en cause et à obliger ces derniers à le réclamer en justice, doit être considérée, au regard de la directive 79/7, comme étant une discrimination distincte de la discrimination résultant de l’article 60 de la LGSS, telle que mise en exergue dans l’arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075).

21      En effet, le jugement du 15 février 2021, mentionné au point 17 du présent arrêt, serait fondé sur la prémisse selon laquelle la décision de rejet, tout en étant discriminatoire, était pourtant conforme à la loi nationale, laquelle serait seule à l’origine de la discrimination en cause, de sorte que le caractère discriminatoire du rejet en cause au principal ne pourrait pas donner lieu à une indemnisation à la charge de l’INSS.

22      Ensuite, la juridiction de renvoi se demande, dans l’hypothèse où la décision de rejet constituerait une discrimination distincte de celle résultant de l’article 60 de la LGSS, quelle est la date à compter de laquelle il convient d’octroyer à l’intéressé le complément de pension en cause, et notamment si cet octroi doit être rétroactif et commencer à courir à la date du fait générateur de la pension d’invalidité à laquelle se rapporte ce complément.

23      Enfin, cette juridiction se demande, premièrement, si, pour réparer la violation du droit de l’Union dont serait constitutive la décision de rejet, il suffit, en principe, que l’intéressé se voie reconnaître l’octroi rétroactif du complément de pension en cause sans que le versement d’une indemnisation supplémentaire soit nécessaire, ou bien si, au contraire, il convient d’accorder une telle indemnisation afin, d’une part, de réparer le préjudice matériel et moral subi et, d’autre part, de dissuader de telles violations.

24      Deuxièmement, selon la juridiction de renvoi, la question se pose de savoir si, en tout état de cause, il est opportun, afin d’assurer l’effectivité du droit de l’Union, que les dépens et les honoraires d’avocat exposés dans le cadre de la procédure engagée devant le Juzgado de lo Social no 2 de Vigo (tribunal du travail no 2 de Vigo) et devant elle soient inclus en tant qu’élément de l’indemnisation versée pour violation du droit de l’Union, étant précisé que, en vertu du droit interne, l’INSS ne saurait être condamné à payer les montants afférents à ces dépens et honoraires, dans la mesure où les procédures engagées au titre du droit du travail sont gratuites pour tous les justiciables.

25      Dans ces conditions, le Tribunal Superior de Justicia de Galicia (Cour supérieure de justice de Galice) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      La pratique de l’organisme gestionnaire figurant dans [la règle de gestion 1/2020] consistant à refuser systématiquement d’accorder aux hommes le complément [de pension en cause] et à les obliger à le réclamer en justice, ce qui a été le cas pour le requérant dans la présente affaire, doit-elle être considérée, conformément à la directive [79/7], comme une violation de cette dernière par une disposition administrative différente de la violation par une disposition législative constatée par l’arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) [(C‑450/18, EU:C:2019:1075)], de sorte que, en soi, ladite violation par une disposition administrative constitue une discrimination fondée sur le sexe, eu égard au fait que, conformément à son article 4, le principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement, et qu’aux termes de son article 5, les États membres prennent les mesures nécessaires afin que soient supprimées les dispositions législatives, réglementaires et administratives contraires au principe de l’égalité de traitement ?

2)      À la lumière de la réponse qui sera apportée à la question précédente et compte tenu de la directive 79/7 (en particulier de son article 6 et des principes d’équivalence et d’effectivité concernant les conséquences juridiques du non-respect du droit de l’Union), la date d’effet du complément reconnu par le jugement doit-elle être la date de la demande (avec un effet rétroactif de trois mois), ou doit-elle être fixée à une date antérieure correspondant à celle du prononcé ou à celle de la publication de l’arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075), ou encore à la date du fait générateur de la prestation d’[invalidité] permanente à laquelle se rapporte le complément [de pension en cause] ?

3)      À la lumière de la réponse apportée aux questions précédentes et eu égard à la directive applicable (en particulier son article 6 et les principes d’équivalence et d’effectivité concernant les conséquences juridiques d’une violation du droit de l’Union), convient-il d’accorder des dommages et intérêts dissuasifs, au motif que la date d’effet du complément reconnu par le jugement ne suffit pas pour réparer le préjudice subi et, en tout état de cause, le montant des dépens et des honoraires d’avocat exposés dans la procédure devant le Juzgado de lo Social (tribunal du travail) et devant la chambre de céans doit-il être inclus en tant qu’élément d’indemnisation ? »

 La procédure devant la Cour

26      Par décision du 19 juillet 2022, parvenue à la Cour le 4 août 2022, la juridiction de renvoi a retiré sa deuxième question préjudicielle, en expliquant que, depuis la date d’introduction de sa demande de décision préjudicielle, le Tribunal Supremo (Cour suprême, Espagne) avait, par un arrêt du 30 mai 2022, tranché la question relative à la date de l’octroi des compléments de maternité aux travailleurs de sexe masculin, en décidant que cette date est celle de l’accès à la pension à laquelle ces compléments se rapportent.

27      La juridiction de renvoi précise toutefois que les première et troisième questions présentent toujours un intérêt aux fins du litige au principal, tout en indiquant qu’elle maintient la première question uniquement dans la mesure où, selon la Cour, la réponse à cette question serait nécessaire pour répondre à la troisième question.

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la recevabilité et l’éventuel non-lieu à statuer

28      L’INSS fait valoir que la première question est irrecevable, dans la mesure où il y aurait déjà été répondu en raison de l’adoption de nouvelles instructions visant à adapter la pratique de cette autorité administrative à la jurisprudence nationale mentionnée au point 26 du présent arrêt. Le gouvernement espagnol est également d’avis que cette question est irrecevable, estimant que celle-ci n’a pas pour objet l’interprétation du droit de l’Union, mais tend uniquement à faire contrôler l’action d’un organe administratif national au regard de ce droit.

29      L’INSS soutient, en outre, que la troisième question est irrecevable, au motif que, dans plusieurs arrêts prononcés par le Tribunal Supremo (Cour suprême) en ce qui concerne les compléments de maternité, il n’a pas été condamné aux dépens, cette juridiction ayant estimé que les affaires ayant donné lieu à ces arrêts soulevaient des doutes juridiques. Pour sa part, le gouvernement espagnol estime que cette question a perdu son objet, dès lors que l’octroi rétroactif du complément de pension en cause tel que reconnu par la jurisprudence nationale visée au point 26 du présent arrêt impliquerait une restitutio in integrum, rendant superflue une quelconque indemnisation supplémentaire.

30      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi de la procédure au principal et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 31 janvier 2023, Puig Gordi e.a., C‑158/21, EU:C:2023:57, point 50).

31      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 18 mai 2021, Asociaţia « Forumul Judecătorilor din România » e.a., C‑83/19, C‑127/19, C‑195/19, C‑291/19, C‑355/19 et C‑397/19, EU:C:2021:393, point 116).

32      S’agissant de la première question, d’une part, celle-ci se rapporte à l’appréciation, au regard de la directive 79/7, de la pratique administrative inscrite dans la règle de gestion 1/2020. C’est en suivant cette pratique que, selon les explications fournies par la juridiction de renvoi, l’INSS a adopté la décision de rejet faisant l’objet du litige au principal. L’allégation de l’INSS selon laquelle cette pratique a désormais été modifiée ne saurait ainsi conduire à constater l’irrecevabilité de cette question.

33      D’autre part, il résulte des explications données par la juridiction de renvoi ainsi que du libellé même de la première question que cette juridiction entend obtenir une interprétation de la directive 79/7, et notamment de ses articles 5 et 6, aux fins d’apprécier la légalité de la décision de rejet au regard des exigences découlant de cette directive. Ainsi, contrairement à ce que soutient le gouvernement espagnol, ladite juridiction n’invite pas la Cour à procéder elle-même à une telle appréciation.

34      En ce qui concerne la troisième question, d’une part, il y a lieu de relever que, par celle-ci, la juridiction de renvoi cherche à savoir si, dans les circonstances de l’affaire au principal, il se déduit de la directive 79/7 une obligation, pour elle, de condamner l’INSS à verser au requérant au principal une indemnisation dissuasive, incluant, le cas échéant, le montant des dépens et des honoraires d’avocat exposés par celui-ci dans le cadre de son action judiciaire. À cet égard, il est sans incidence que le droit interne ne prévoie pas, en l’occurrence, la possibilité d’une condamnation aux dépens et aux honoraires d’avocat, la juridiction de renvoi ayant d’ailleurs souligné que c’est précisément l’absence de cette possibilité qui l’a amenée à poser la troisième question.

35      D’autre part, au vu de l’objet de la troisième question tel qu’il vient d’être rappelé, ne saurait être retenue la thèse avancée par le gouvernement espagnol selon laquelle cette question aurait perdu son objet. En effet, la juridiction de renvoi souhaite précisément savoir si, dans les circonstances du litige au principal, le fait de fixer rétroactivement la date d’octroi du complément de pension en cause suffit, comme ce gouvernement le prétend, à rétablir l’égalité de traitement, cet aspect relevant donc du fond de ladite question.

36      Il s’ensuit, d’une part, que les première et troisième questions sont recevables et, d’autre part, que rien n’indique qu’il n’y ait plus lieu de répondre à la troisième question.

 Sur le fond

37      Par ses première et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 79/7, et notamment son article 6, doit être interprétée en ce sens que, lorsqu’une demande d’octroi d’un complément de pension, introduite par un affilié masculin, a été rejetée par l’autorité compétente en vertu d’une réglementation nationale limitant l’octroi de ce complément aux affiliés féminins, alors que cette réglementation est constitutive d’une discrimination directe fondée sur le sexe, au sens de la directive 79/7 telle qu’interprétée par la Cour dans un arrêt préjudiciel prononcé antérieurement à la décision de rejet d’une telle demande, le juge national, saisi d’un recours contre cette décision, doit enjoindre à cette autorité non seulement d’accorder à l’intéressé le complément de pension demandé, mais également de lui verser des dommages et intérêts ayant un effet dissuasif ainsi que de lui rembourser, à ce titre, les dépens et les honoraires d’avocat qu’il a exposés en justice, dans le cas où cette décision a été adoptée en conformité avec une pratique administrative consistant à continuer d’appliquer ladite réglementation en dépit de cet arrêt, obligeant ainsi l’intéressé à faire valoir en justice son droit audit complément.

38      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler, d’une part, que la Cour a déjà dit pour droit, en substance, aux points 39, 41, 66 et 67 de son arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075), que la directive 79/7 doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit le droit à un complément de pension pour les femmes ayant eu au moins deux enfants biologiques ou adoptés et bénéficiant de pensions contributives d’invalidité permanente au titre d’un régime du système de sécurité sociale national, alors que les hommes placés dans une situation identique ne disposent pas du droit à un tel complément de pension, en tant qu’une telle réglementation est constitutive d’une discrimination directe fondée sur le sexe, au sens de l’article 4, paragraphe 1, troisième tiret, de cette directive.

39      Comme il ressort des explications fournies par la juridiction de renvoi, la décision de rejet a été adoptée en vertu de la même disposition nationale que celle en cause dans l’affaire ayant conduit à cet arrêt, à savoir l’article 60, paragraphe 1, de la LGSS. Cette juridiction n’émet donc pas de doute quant à la violation du principe de l’égalité de traitement, tel que prévu à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7, par une telle disposition nationale.

40      D’autre part, les première et troisième questions reposent sur la prémisse selon laquelle, au vu du caractère discriminatoire de la réglementation nationale en cause au principal et compte tenu de la jurisprudence nationale mentionnée au point 26 du présent arrêt, la juridiction de renvoi devra, en tout état de cause, trancher le litige au principal en ce sens que le requérant au principal se voit, au moins, reconnaître le droit au complément de pension en cause, et ce avec effet rétroactif à compter de la date à laquelle il a accédé à sa pension d’invalidité permanente.

41      Cette prémisse apparaît conforme à la jurisprudence bien établie de la Cour selon laquelle, dès lors qu’une discrimination, contraire au droit de l’Union, a été constatée et aussi longtemps que des mesures rétablissant l’égalité de traitement n’ont pas été adoptées, le respect du principe d’égalité ne saurait être assuré que par l’octroi aux personnes de la catégorie défavorisée des mêmes avantages que ceux dont bénéficient les personnes de la catégorie privilégiée. Dans une telle hypothèse, le juge national est tenu d’écarter toute disposition nationale discriminatoire, sans qu’il ait à demander ou à attendre l’élimination préalable de celle-ci par le législateur, et d’appliquer aux membres du groupe défavorisé le même régime que celui dont bénéficient les personnes de l’autre catégorie (arrêts du 21 juin 2007, Jonkman e.a., C‑231/06 à C‑233/06, EU:C:2007:373, point 39, et du 9 mars 2017, Milkova, C‑406/15, EU:C:2017:198, points 66 et 67 ainsi que jurisprudence citée).

42      Pareille obligation incombe au demeurant non seulement aux juridictions nationales, mais également à tous les organes de l’État, y compris aux autorités administratives nationales chargées d’appliquer un tel régime (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2022, Grossmania, C‑177/20, EU:C:2022:175, point 46 et jurisprudence citée).

43      Cela étant précisé, il convient de relever, en premier lieu, qu’une décision individuelle adoptée en application d’une réglementation constitutive d’une discrimination directe fondée sur le sexe, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 79/7, telle que la décision de rejet adoptée en vertu de l’article 60, paragraphe 1, de la LGSS, est discriminatoire au même titre qu’une telle réglementation, dès lors que cette décision reproduit, à l’égard de la personne concernée, les éléments discriminatoires de ladite réglementation.

44      Saisi d’un recours contre une telle décision, le juge national sera donc, en principe, tenu de prendre la mesure rappelée au point 41 du présent arrêt en vue de rétablir l’égalité de traitement.

45      Cependant, en l’occurrence, la juridiction de renvoi a souligné que la décision de rejet ne fait pas uniquement application d’une réglementation nationale contraire à la directive 79/7, mais a également été adoptée conformément à une pratique administrative, reprise par la règle de gestion 1/2020, laquelle a été publiée à la suite de l’arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères) (C‑450/18, EU:C:2019:1075). En vertu de cette règle, l’autorité compétente en la matière, à savoir l’INSS, continue, dans l’attente de l’adaptation de l’article 60 de la LGSS à cet arrêt, d’accorder le complément de pension en cause uniquement aux femmes remplissant les conditions établies par cette disposition, sans préjudice de l’obligation d’exécuter les décisions de justice définitives qui reconnaissent aux hommes le bénéfice du complément de pension en cause.

46      Dans ces conditions, il convient de préciser qu’une décision refusant l’octroi aux hommes du complément de pension en cause, adoptée en conformité avec une telle pratique administrative qui a, de surcroît, été formalisée dans une règle administrative publiée est susceptible d’entraîner, pour les affiliés masculins, indépendamment de la discrimination directe fondée sur le sexe découlant des conditions matérielles prévues dans la réglementation en cause au principal, une discrimination au regard des conditions procédurales régissant l’octroi du complément de pension en cause.

47      En effet, même si cette pratique n’exclut pas que l’égalité de traitement soit, en définitive, rétablie moyennant l’octroi, aux hommes, dudit complément, dans le cas où une décision juridictionnelle prévoit un tel octroi, il n’en demeure pas moins que ladite pratique implique uniquement pour les hommes la nécessité de faire valoir leur droit au complément de pension en cause par la voie judiciaire, ce qui, notamment, les expose à un délai plus long pour l’obtention de ce complément ainsi que, le cas échéant, à des dépenses supplémentaires.

48      En second lieu, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 6 de la directive 79/7, les États membres sont tenus d’introduire dans leur ordre juridique interne les mesures nécessaires pour permettre à toute personne qui s’estime lésée par une discrimination fondée sur le sexe de faire valoir ses droits par voie juridictionnelle après, éventuellement, le recours à d’autres instances compétentes.

49      Une telle obligation implique que les mesures en question soient suffisamment efficaces pour atteindre l’objectif poursuivi par la directive 79/7 consistant à parvenir à une égalité de chances effective, de telle sorte que celles-ci doivent être propres à rétablir cette égalité, assurer une protection juridictionnelle effective et efficace et avoir à l’égard de l’organisme ayant commis la discrimination un effet dissuasif réel (voir, en ce qui concerne les conditions de travail et notamment celles relatives au licenciement, arrêts du 2 août 1993, Marshall, C‑271/91, EU:C:1993:335, points 22 et 24, ainsi que du 17 décembre 2015, Arjona Camacho, C‑407/14, EU:C:2015:831, points 29 et 31).

50      À cet égard, lorsque, au vu des caractéristiques propres à la violation du principe de l’égalité de traitement concernée, la réparation pécuniaire est la mesure retenue pour atteindre l’objectif consistant à rétablir l’égalité des chances effective, elle doit être adéquate en ce sens qu’elle doit permettre de compenser intégralement les préjudices effectivement subis du fait de la discrimination, selon les règles nationales applicables (voir, en ce sens, arrêts du 2 août 1993, Marshall, C‑271/91, EU:C:1993:335, points 25 et 26, ainsi que du 17 décembre 2015, Arjona Camacho, C‑407/14, EU:C:2015:831, points 32 et 33).

51      Il convient également de préciser que le versement à la personne lésée de dommages et intérêts couvrant intégralement le préjudice subi du fait d’une discrimination fondée sur le sexe, selon des modalités que les États membres fixent, est à même de garantir qu’un tel préjudice soit effectivement réparé ou indemnisé de manière dissuasive et proportionnée (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2015, Arjona Camacho, C‑407/14, EU:C:2015:831, point 37).

52      Or, premièrement, en présence d’une décision telle que celle visée au point 46 du présent arrêt, laquelle entraîne une discrimination liée aux conditions matérielles de l’octroi du complément de pension en cause ainsi qu’une discrimination liée aux conditions procédurales régissant le même octroi, le juge national saisi d’un recours dirigé contre cette décision ne saurait se limiter à prendre, au bénéfice de l’affilié masculin concerné, la mesure exposée au point 41 du présent arrêt, consistant à lui reconnaître le droit au complément de pension en cause avec effet rétroactif.

53      En effet, si une telle reconnaissance rétroactive permet, en principe, de rétablir l’égalité de traitement en ce qui concerne les conditions matérielles de l’octroi du complément de pension en cause, elle n’est pas apte à remédier aux préjudices issus, au détriment dudit affilié, du caractère discriminatoire desdites conditions procédurales.

54      Il s’ensuit qu’un tel affilié doit pouvoir bénéficier également, en plus de la reconnaissance rétroactive du complément de pension en cause, de la mesure rappelée au point 50 du présent arrêt, à savoir une réparation pécuniaire adéquate en ce sens qu’elle doit permettre de compenser intégralement les préjudices effectivement subis du fait de la discrimination, selon les règles nationales applicables.

55      En l’occurrence, il résulte du dossier dont dispose la Cour que le droit espagnol prévoit effectivement une telle possibilité, en ce qu’il ressort de l’article 183 de la loi 36/2011 que les juridictions compétentes en matière de sécurité sociale doivent accorder des dommages et intérêts aux victimes d’une discrimination, afin de les rétablir dans leur situation antérieure à la discrimination ainsi que de contribuer à l’objectif de prévention du dommage.

56      Dans ce contexte, il convient, deuxièmement, de préciser que les frais, y compris les dépens et les honoraires d’avocat, exposés par l’affilié concerné en vue de faire valoir son droit au complément de pension en cause doivent pouvoir être pris en compte au titre d’une réparation pécuniaire, pour autant que ces frais ont été provoqués par l’application à son égard de conditions procédurales discriminatoires régissant l’octroi de ce complément.

57      En effet, ainsi qu’il a été rappelé au point 50 du présent arrêt, cette réparation, fondée sur l’article 6 de la directive 79/7, doit permettre de compenser intégralement les préjudices effectivement subis du fait de la discrimination.

58      Ainsi, il ne saurait être fait abstraction des frais que l’intéressé a dû exposer du fait de l’application, à son égard, de conditions procédurales discriminatoires, y compris, le cas échéant, des dépens et des honoraires d’avocat liés aux procédures juridictionnelles qu’il a dû engager pour faire valoir ses droits.

59      En l’occurrence, au regard du point 55 du présent arrêt, il apparaît, sous réserve de la vérification qu’il appartient à la juridiction de renvoi d’effectuer, que l’article 183 de la loi 36/2011 permet à cette juridiction d’accorder au requérant au principal une réparation pécuniaire intégrale découlant de l’article 6 de la directive 79/7 et, par là même, une indemnisation couvrant les dépens et les honoraires d’avocat exposés par celui-ci aux fins de faire valoir en justice son droit au complément de pension en cause.

60      Il est sans incidence à cet égard que, comme cette juridiction l’a souligné, il ne lui est pas possible, en vertu des règles procédurales espagnoles en matière de droit du travail, de condamner aux dépens l’organisme responsable de la discrimination en cause au principal, dès lors que l’indemnisation couvrant les dépens et les honoraires d’avocat ne relève pas de telles règles procédurales, mais fait partie intégrante de la réparation intégrale de l’intéressé exigée par la jurisprudence rappelée au point 50 du présent arrêt.

61      En tout état de cause, s’il appartient à l’ordre juridique interne des États membres de définir les modalités selon lesquelles l’étendue de cette réparation doit être déterminée, y compris l’importance qu’il convient d’accorder au fait que la discrimination concernée soit due à un acte délibéré de l’organisme compétent, ces modalités ne sauraient porter atteinte à la substance même de ladite réparation (voir, par analogie, arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, points 65 et 71).

62      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de répondre aux première et troisième questions que la directive 79/7, et notamment son article 6, doit être interprétée en ce sens que, lorsqu’une demande d’octroi d’un complément de pension, introduite par un affilié masculin, a été rejetée par l’autorité compétente en vertu d’une réglementation nationale limitant l’octroi de ce complément aux affiliés féminins, alors que cette réglementation est constitutive d’une discrimination directe fondée sur le sexe, au sens de la directive 79/7 telle qu’interprétée par la Cour dans un arrêt préjudiciel prononcé antérieurement à la décision de rejet d’une telle demande, le juge national, saisi d’un recours contre cette décision, doit enjoindre à cette autorité non seulement d’accorder à l’intéressé le complément de pension demandé, mais également de lui verser une indemnisation permettant de compenser intégralement les préjudices qu’il a effectivement subis du fait de la discrimination, selon les règles nationales applicables, en ce compris les dépens et les honoraires d’avocat qu’il a exposés en justice, dans le cas où ladite décision a été adoptée en conformité avec une pratique administrative consistant à continuer d’appliquer ladite réglementation en dépit de cet arrêt, obligeant ainsi l’intéressé à faire valoir en justice son droit audit complément.

 Sur les dépens

63      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) dit pour droit :

La directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, et notamment son article 6,

doit être interprétée en ce sens que :

lorsqu’une demande d’octroi d’un complément de pension, introduite par un affilié masculin, a été rejetée par l’autorité compétente en vertu d’une réglementation nationale limitant l’octroi de ce complément aux affiliés féminins, alors que cette réglementation est constitutive d’une discrimination directe fondée sur le sexe au sens de la directive 79/7, telle qu’interprétée par la Cour dans un arrêt préjudiciel prononcé antérieurement à la décision de rejet d’une telle demande, le juge national, saisi d’un recours contre cette décision, doit enjoindre à cette autorité non seulement d’accorder à l’intéressé le complément de pension demandé, mais également de lui verser une indemnisation permettant de compenser intégralement les préjudices qu’il a effectivement subis du fait de la discrimination, selon les règles nationales applicables, en ce compris les dépens et les honoraires d’avocat qu’il a exposés en justice, dans le cas où ladite décision a été adoptée en conformité avec une pratique administrative consistant à continuer d’appliquer ladite réglementation en dépit de cet arrêt, obligeant ainsi l’intéressé à faire valoir en justice son droit audit complément.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.