Language of document : ECLI:EU:C:2023:1011

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

21 décembre 2023 (*)

Table des matières


I. Le cadre juridique

A. Les statuts de la FIFA

B. Le règlement des matches internationaux de la FIFA

C. Les statuts de l’UEFA

II. Les faits au principal et les questions préjudicielles

A. Le projet de Superleague

B. La procédure au principal et les questions préjudicielles

III. La procédure devant la Cour

IV. Sur la recevabilité

A. Sur les conditions procédurales d’adoption de la décision de renvoi

B. Sur le contenu de la décision de renvoi

C. Sur la réalité du litige et la pertinence des questions posées à la Cour

V. Sur les questions préjudicielles

A. Observations liminaires

1. Sur l’objet de l’affaire au principal

2. Sur l’applicabilité du droit de l’Union au sport et à l’activité des associations sportives

3. Sur l’article 165 TFUE

B. Sur les première à cinquième questions, relatives aux règles de concurrence

1. Sur la première question, relative à l’interprétation de l’article 102 TFUE en présence de règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions de football interclubs ainsi qu’à la participation des clubs et des sportifs à ces compétitions

a) Sur la notion d’« abus de position dominante »

b) Sur la caractérisation de l’existence d’un abus de position dominante

c) Sur la qualification, en tant qu’abus de position dominante, de règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions de football interclubs ainsi qu’à la participation des clubs et des sportifs à ces compétitions

2. Sur la deuxième question, relative à l’interprétation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE en présence de règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions de football interclubs ainsi qu’à la participation des clubs et des sportifs à ces compétitions

a) Sur la notion de comportement ayant pour « objet » ou pour « effet » de porter atteinte à la concurrence et sur la caractérisation de l’existence d’un tel comportement

1) Sur la caractérisation de l’existence d’un comportement ayant pour « objet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence

2) Sur la caractérisation de l’existence d’un comportement ayant pour « effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence

b) Sur la qualification, en tant que décision d’association d’entreprises ayant pour « objet » de restreindre la concurrence, des règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions de football interclubs ainsi qu’à la participation des clubs et des sportifs à ces compétitions

3. Sur la troisième question, relative à l’interprétation de l’article 101, paragraphe 1, et de l’article 102 TFUE en présence de comportements consistant à menacer de sanctions les clubs et les sportifs qui participeraient à des compétitions non autorisées

4. Sur la cinquième question, relative à la possibilité de justifier des règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions ainsi qu’à la participation des clubs et des sportifs à ces compétitions

a) Sur la possibilité de considérer certains comportements spécifiques comme ne relevant pas de l’article 101, paragraphe 1, et de l’article 102 TFUE

b) Sur l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE

c) Sur la justification objective au regard de l’article 102 TFUE

5. Sur la quatrième question, relative à l’interprétation des articles 101 et 102 TFUE en présence de règles relatives aux droits liés aux compétitions sportives

a) Sur la détention des droits liés aux compétitions sportives

b) Sur l’exploitation des droits liés aux compétitions sportives

c) Sur l’existence d’une éventuelle justification

C. Sur la sixième question, relative aux libertés de circulation

1. Sur l’identification de la liberté de circulation pertinente

2. Sur l’existence d’une entrave à la liberté de prestation de services

3. Sur l’existence d’une éventuelle justification

Sur les dépens


« Renvoi préjudiciel – Concurrence – Marché intérieur – Réglementations instituées par des associations sportives internationales – Football professionnel – Entités de droit privé investies de pouvoirs de réglementation, de contrôle, de décision et de sanction – Règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions, à la participation des clubs de football et des joueurs à ces compétitions ainsi qu’à l’exploitation des droits commerciaux et médiatiques relatifs auxdites compétitions – Exercice parallèle d’activités économiques – Organisation et commercialisation de compétitions – Exploitation des droits commerciaux et médiatiques correspondants – Article 101, paragraphe 1, TFUE – Décision d’association d’entreprises portant atteinte à la concurrence – Notions d’“objet” et d’“effet” anticoncurrentiels – Exemption au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE – Conditions – Article 102 TFUE – Abus de position dominante – Justification – Conditions – Article 56 TFUE – Entraves à la liberté de prestation de services – Justification – Conditions – Charge de la preuve »

Dans l’affaire C‑333/21,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Juzgado de lo Mercantil de Madrid (tribunal de commerce de Madrid, Espagne), par décision du 11 mai 2021, parvenue à la Cour le 27 mai 2021, dans la procédure

European Superleague Company SL,

contre

Fédération internationale de football association (FIFA),

Union des associations européennes de football (UEFA),

en présence de :

A22 Sports Management SL,

Real Federación Española de Fútbol (RFEF),

Liga Nacional de Fútbol Profesional (LNFP),

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. L. Bay Larsen, vice‑président, M. A. Arabadjiev, Mmes A. Prechal, K. Jürimäe et O. Spineanu‑Matei, présidents de chambre, MM. J.‑C. Bonichot, M. Safjan, Mme L. S. Rossi, MM. I. Jarukaitis, A. Kumin, N. Jääskinen, N. Wahl, J. Passer (rapporteur) et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience des 11 et 12 juillet 2022,

considérant les observations présentées :

–        pour European Superleague Company SL, par Me J.-L. Dupont, avocat, Mes B. Irissarry Robina et M. Odriozola Alén, abogados,

–        pour la Fédération internationale de football association (FIFA), par Me J. M. Baño Fos, abogado, M. M. Hoskins, barrister, et Me A. Pascual Morcillo, abogado,

–        pour l’Union des associations européennes de football (UEFA), par Me H. Brokelmann, abogado, Me B. Keane, avocat, Mme S. Love, barrister, Mes D. Slater et D. Waelbroeck, avocats,

–        pour A22 Sports Management SL, par Mes L. A. Alonso Díez, F. Giménez-Alvear Gutiérrez-Maturana, F. Irurzun Montoro, abogados, et M. M. Sánchez-Puelles González-Carvajal, procurador,

–        pour la Real Federación Española de Fútbol (RFEF), par Me P. Callol García, abogado, Mme B. González Rivero, procuradora, Mes T. González Cueto et J. Manzarbeitia Pérez, abogados,

–        pour la Liga Nacional de Fútbol Profesional (LNFP), par Mes D. Crespo Lasso de la Vega, Y. Martínez Mata, M. Pajares Villarroya, J. Ramos Rubio et S. Rating, abogados,

–        pour le gouvernement espagnol, par M. L. Aguilera Ruiz et Mme A. Gavela Llopis, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement danois, par Mmes J. Farver Kronborg, V. Pasternak Jørgensen, M. Søndahl Wolff et Y. Thyregod Kollberg, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement allemand, par M. J. Möller, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement estonien, par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

–        pour l’Irlande, par Mme M. Browne, Chief State Solicitor, MM. A. Joyce et M. Tierney, en qualité d’agents, assistés de M. S. Brittain, barrister,

–        pour le gouvernement hellénique, par M. K. Boskovits, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement français, par Mme A.-L. Desjonquères, MM. P. Dodeller, T. Stehelin et Mme N. Vincent, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement croate, par Mme G. Vidović Mesarek, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de MM. D. Del Gaizo et S. L. Vitale, avvocati dello Stato,

–        pour le gouvernement chypriote, par Mme I. Neophytou, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement letton, par Mmes J. Davidoviča, K. Pommere et I. Romanovska, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement luxembourgeois, par MM. A. Germeaux et T. Uri, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hongrois, par M. M. Z. Fehér, Mmes E. Gyarmati et K. Szíjjártó, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement maltais, par Mme A. Buhagiar, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement autrichien, par M. F. Koppensteiner, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement polonais, par MM. B. Majczyna et M. Wiącek, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement portugais, par Mme P. Barros da Costa, M. R. Capaz Coelho et Mme C. Chambel Alves, en qualité d’agents, assistés de Me J. L. da Cruz Vilaça, advogado,

–        pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane, L. Liţu et A. Rotăreanu, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement slovène, par Mmes A. Dežman Mušič et N. Pintar Gosenca, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement slovaque, par Mmes E. V. Drugda et B. Ricziová, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement suédois, par M. O. Simonsson, Mmes M. Salborn Hodgson et H. Shev, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement islandais, par Mme J. B. Bjarnadóttir, en qualité d’agent, assistée de Me G. Bergsteinsson, avocat,

–        pour le gouvernement norvégien, par M. F. Bersgø, Mme L.‑M. Moen Jünge, MM. O. S. Rathore et P. Wennerås, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par MM. S. Baches Opi, M. Mataija, G. Meessen, C. Urraca Caviedes et H. van Vliet, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 décembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 101 et 102 TFUE, d’une part, et des articles 45, 49, 56 et 63 TFUE, d’autre part.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant European Superleague Company SL (ci-après « ESLC ») à la Fédération internationale de football association (FIFA) et à l’Union des associations européennes de football (UEFA) au sujet d’une demande visant à faire déclarer que la FIFA et l’UEFA ont violé les articles 101 et 102 TFUE, à faire ordonner la cessation de ces infractions ainsi qu’à faire adopter différentes injonctions à l’égard de ces entités.

I.      Le cadre juridique

A.      Les statuts de la FIFA

3        La FIFA est une association de droit privé qui a son siège en Suisse. Selon l’article 2 de ses statuts, dans leur édition du mois de septembre 2020 à laquelle se réfère la décision de renvoi (ci-après les « statuts de la FIFA »), elle a pour buts, notamment, « d’organiser ses propres compétitions internationales », « d’établir des règles et des dispositions régissant le football et les questions y afférentes, et de veiller à les faire respecter », ainsi que « de contrôler le football sous toutes ses formes par l’adoption de toutes les mesures s’avérant nécessaires ou recommandables afin de prévenir la violation des [s]tatuts, des règlements, des décisions de la FIFA et des [l]ois du [j]eu », au niveau mondial.

4        Conformément aux articles 11 et 14 des statuts de la FIFA, toute « association responsable de l’organisation et du contrôle du football » dans un pays donné peut devenir membre de la FIFA à condition, notamment, d’être déjà membre d’une des six confédérations continentales reconnues par la FIFA et visées à l’article 22 de ces statuts, parmi lesquelles figure l’UEFA, ainsi que de s’engager au préalable à se conformer, entre autres, aux statuts, aux règlements, aux directives et aux décisions de la FIFA ainsi qu’à ceux et celles de la confédération continentale dont cette association est déjà membre. En pratique, plus de 200 associations nationales de football sont actuellement membres de la FIFA. En cette qualité, elles ont, en vertu des articles 14 et 15 des statuts de la FIFA, l’obligation, notamment, d’amener leurs propres membres ou affiliés à respecter les statuts, les règlements, les directives et les décisions de la FIFA, ainsi que de faire observer ceux-ci par l’ensemble des acteurs du football, en particulier par les ligues professionnelles, les clubs et les joueurs.

5        L’article 20 de ces statuts, intitulé « Statut des clubs, des ligues et des autres groupements de clubs », dispose, à son paragraphe 1 :

« Les clubs, les ligues ou autres groupements de clubs affiliés à une association membre sont subordonnés à celle‑ci et doivent être reconnus par elle. Les compétences, les droits et obligations de ces groupements sont stipulés dans les statuts de l’association membre, et leurs propres statuts et règlements doivent être approuvés par celle‑ci. »

6        L’article 22 desdits statuts, intitulé « Confédérations », énonce, à ses paragraphes 1 et 3 :

« 1.      Les associations membres faisant partie du même continent sont regroupées au sein des confédérations suivantes reconnues par la FIFA :

[...]

c)      Union des Associations Européennes de Football – UEFA

[...]

La reconnaissance par la FIFA de chaque confédération implique un respect mutuel total de l’une et l’autre autorité dans leur domaine institutionnel de compétences respectif tel qu’établi dans les présents Statuts.

[...]

3.      Chaque confédération a les droits et obligations suivants :

a)      respecter et faire respecter les Statuts, règlements et décisions de la FIFA ;

b)      collaborer étroitement avec la FIFA dans tous les domaines ayant trait à la réalisation du but visé à l’article 2 et à l’organisation de compétitions internationales ;

c)      organiser ses propres compétitions interclubs, en conformité avec le calendrier international ;

d)      organiser toutes ses compétitions internationales en conformité avec le calendrier international ;

e)      s’assurer qu’aucune ligue internationale ou autre groupement analogue de clubs ou de ligues ne soit formé sans son consentement et celui de la FIFA ;

[...] »

7        Aux termes de l’article 24 des statuts de la FIFA, les organes de la FIFA comprennent notamment un « organe législatif », dénommé « Congrès », qui en constitue l’« instance suprême », un « organe stratégique et de supervision », dénommé « Conseil », ainsi qu’un « organe exécutif, opérationnel et administratif », dénommé « secrétariat général ».

8        L’article 67 de ces statuts, intitulé « Droits sur les compétitions et les événements », est libellé comme suit :

« 1.      La FIFA, ses associations membres et les confédérations sont les détenteurs originels – sans restriction de contenu, de temps, de lieu ni de droit – de tous les droits pouvant naître des compétitions et autres manifestations relevant de leur juridiction respective. Font notamment partie de ces droits les droits patrimoniaux en tous genres, les droits d’enregistrement, de reproduction et de diffusion audiovisuels, les droits multimédias, les droits de marketing et de promotion ainsi que les droits sur la propriété intellectuelle tels que les droits sur les signes distinctifs et les droits d’auteur.

2.      Le Conseil détermine le type d’exploitation et l’étendue de l’utilisation de ces droits et édicte des dispositions spéciales à cet effet. Le Conseil est libre de décider s’il entend exploiter ces droits seul ou avec des tiers, ou alors en déléguer l’exploitation à des tiers. »

9        L’article 68 desdits statuts, intitulé « Autorisation de diffuser », énonce, à son paragraphe 1 :

« La FIFA, les associations membres et les confédérations sont seules compétentes pour autoriser la diffusion des matches et des manifestations relevant de leur juridiction sur des supports notamment audiovisuels, et ce sans restriction de lieu, de contenu, de date, de technique ou de droit. »

10      Selon l’article 71 des statuts de la FIFA, intitulé « Compétitions et matches internationaux » :

« 1.      Le Conseil est compétent pour édicter tout règlement relatif à l’organisation de compétitions et de matches internationaux impliquant des équipes représentatives, des ligues, des clubs et/ou des équipes improvisées. Aucun match ni compétition ne peut avoir lieu sans autorisation préalable de la FIFA, des confédérations et/ou de l’association membre concernée. Les modalités sont régies par le [r]èglement des matches internationaux.

2.      Le Conseil peut édicter des dispositions relatives à ces matches et compétitions.

3.      Le Conseil détermine les critères relatifs à l’autorisation de situations spéciales non prévues par le [r]èglement des matches internationaux.

4.      Exception faite de l’autorisation en matière de compétences prévues dans le [r]èglement des matches internationaux, la FIFA peut prendre une décision finale relative à l’autorisation de tout match international ou compétition internationale. »

11      L’article 72 de ces statuts, intitulé « Contacts », énonce, à son paragraphe 1 :

« Tout joueur ou équipe affiliée à une association membre ou à un membre de confédération admis de manière provisoire ne peut jouer de match ni avoir de contact sportif avec un autre joueur ou une autre équipe non affiliée à une association membre ou à un membre de confédération admis de manière provisoire, sans l’accord de la FIFA. »

12      L’article 73 desdits statuts, intitulé « Autorisation », prévoit :

« Toute association, ligue ou club appartenant à une association membre ne peut s’affilier à une autre association membre ou participer à des compétitions sur le territoire de celle-ci qu’à titre exceptionnel. Dans tous les cas, l’autorisation des deux associations membres, de la/des confédération(s) concernée(s) et de la FIFA est requise. »

B.      Le règlement des matches internationaux de la FIFA

13      L’article 1er du règlement des matches internationaux de la FIFA, dans sa version en vigueur depuis le 1er mai 2014, énonce que ce règlement a pour objet de prévoir les autorisations, les notifications et les autres exigences qui sont applicables à l’organisation de matches ou de compétitions entre des équipes affiliées à différentes associations nationales de football membres de la FIFA, à l’organisation de matches ou de compétitions entre des équipes affiliées à une seule et même association nationale lorsque ceux-ci sont disputés dans un pays tiers, ainsi qu’à l’organisation de matches ou de compétitions impliquant des joueurs ou des équipes qui ne sont pas affiliés à une association nationale.

14      Aux termes de l’article 2 de ce règlement, relèvent du champ d’application de celui-ci tous les matches internationaux et compétitions internationales, à l’exception des matches disputés dans le cadre des compétitions organisées par la FIFA ou par une des confédérations continentales reconnues par celle-ci.

15      Selon l’article 6 dudit règlement, tous les matches internationaux doivent être autorisés, selon les cas, par la FIFA, par la confédération continentale concernée et/ou par les associations nationales de football membres de la FIFA auxquelles les équipes participantes sont affiliées ou dans le ressort territorial desquelles ces matches doivent se disputer.

16      Conformément aux articles 7 et 10 du même règlement, tout « match international de première catégorie », défini comme tout match opposant la première équipe représentative de deux associations nationales de football membres de la FIFA, doit être autorisé tant par la FIFA que par la confédération continentale et les associations nationales concernées. En revanche, en vertu des articles 8 et 11 du règlement des matches internationaux de la FIFA, tout « match international de deuxième catégorie », défini comme tout match impliquant la première équipe représentative d’une seule association nationale, une autre équipe représentative d’une telle association nationale, une équipe composée de joueurs enregistrés auprès de plusieurs clubs d’une même association nationale, ou encore l’équipe première d’un club évoluant dans la meilleure division d’une association nationale, doit être autorisée uniquement par les confédérations continentales et les associations nationales concernées.

C.      Les statuts de l’UEFA

17      L’UEFA est également une association de droit privé qui a son siège en Suisse.

18      L’article 2, paragraphe 1, des statuts de l’UEFA énonce que l’UEFA a pour buts :

« a)      de traiter toutes les questions qui concernent le football européen ;

b)      de promouvoir le football en Europe dans un esprit de paix, de compréhension et de fair-play, sans aucune discrimination fondée sur la politique, le sexe, la religion, la race ou sur toute autre raison ;

c)      de surveiller et contrôler le développement du football en Europe sous toutes ses formes ;

d)      de préparer et d’organiser des compétitions internationales et des tournois internationaux de football sous toutes ses formes au niveau européen [...] ;

e)      d’empêcher que des méthodes ou pratiques ne mettent en danger la régularité des matches ou des compétitions ou ne donnent lieu à des abus dans le football ;

f)      de promouvoir et protéger les normes éthiques et la bonne gouvernance dans le football européen ;

g)      d’assurer que les valeurs sportives priment toujours les intérêts commerciaux ;

h)      de redistribuer les revenus provenant du football conformément au principe de solidarité et de soutenir le réinvestissement en faveur de tous les niveaux et secteurs du football, en particulier du football de base ;

i)      de promouvoir l’unité parmi ses associations membres dans les questions touchant au football européen et mondial ;

j)      de sauvegarder les intérêts collectifs de ses associations membres ;

k)      d’assurer que les intérêts des différentes parties prenantes du football européen (ligues, clubs, joueurs, supporters) soient pris en compte de manière appropriée ;

l)      d’agir en tant que voix représentative de la famille du football européen prise dans son ensemble ;

m)      de maintenir de bonnes relations et de coopérer avec la FIFA et les autres confédérations reconnues par la FIFA ;

n)      de veiller à ce que ses représentants au sein de la FIFA agissent de manière loyale et dans un esprit de solidarité européenne ;

o)      de concilier les intérêts de ses associations membres, d’arbitrer les différends qui surgissent entre elles et de les assister dans des affaires particulières lorsqu’elles lui en font la demande. »

19      Conformément à l’article 5 de ces statuts, toute association qui est établie dans un pays européen reconnu comme État indépendant par la majorité des membres de l’Organisation des Nations unies (ONU) et qui est responsable de l’organisation du football dans ce pays peut devenir membre de l’UEFA. En vertu de l’article 7  bis desdits statuts, une telle qualité implique l’obligation, pour les associations concernées, de respecter les statuts, les règlements et les décisions de l’UEFA ainsi que de les faire observer, dans le pays dont elles relèvent, par les ligues professionnelles qui leur sont subordonnées ainsi que par les clubs et les joueurs. En pratique, plus de 50 associations nationales de football sont actuellement membres de l’UEFA.

20      Aux termes des articles 11 et 12 des mêmes statuts, les organes de l’UEFA comprennent notamment un « organe suprême », dénommé « Congrès », et un « Comité exécutif ».

21      L’article 49 des statuts de l’UEFA, intitulé « Compétitions », prévoit :

« 1.      L’UEFA décide seule de l’organisation et de la suppression de compétitions internationales en Europe auxquelles participent des associations et/ou des clubs de celles-ci. Les compétitions de la FIFA ne sont pas concernées par cette disposition.

[...]

3.      Les matches, compétitions ou tournois internationaux qui ne sont pas organisés par l’UEFA mais joués sur le territoire de l’UEFA nécessitent l’autorisation préalable de la FIFA et/ou de l’UEFA et/ou des associations membres compétentes, conformément au [r]èglement des matches internationaux de la FIFA et aux dispositions d’exécution complémentaires adoptées par le Comité exécutif de l’UEFA. »

22      L’article 51 de ces statuts, intitulé « Relations interdites », énonce :

« 1.      Des regroupements ou alliances entre des associations membres de l’UEFA ou entre des ligues ou clubs directement ou indirectement affiliés à différentes associations membres de l’UEFA ne peuvent pas être formés sans l’autorisation de l’UEFA.

2.      Les membres de l’UEFA ou les ligues et clubs qui leur sont affiliés ne peuvent ni jouer ni organiser des matches hors de leur propre territoire sans l’autorisation des associations membres concernées. »

II.    Les faits au principal et les questions préjudicielles

A.      Le projet de Superleague

23      ESLC est une société de droit privé établie en Espagne. Elle a été constituée à l’initiative d’un ensemble de clubs de football professionnel qui sont eux-mêmes établis, selon les cas, en Espagne (Club Atlético de Madrid, Fútbol Club Barcelona et Real Madrid Club de Fútbol), en Italie (Associazione Calcio Milan, Football Club Internazionale Milano et Juventus Football Club) et au Royaume-Uni (Arsenal Football Club, Chelsea Football Club, Liverpool Football Club, Manchester City Football Club, Manchester United Football Club et Tottenham Hotspur Football Club). Selon la décision de renvoi, elle a pour objet de mettre en place un projet de nouvelle compétition internationale de football professionnel dénommée « Superleague ». À cette fin, elle a constitué ou envisagé de constituer trois autres sociétés ayant vocation à s’occuper, la première, de la gestion financière, sportive et disciplinaire de la Superleague une fois celle-ci mise en place, la deuxième, de l’exploitation des droits médiatiques liés à cette compétition et, la troisième, de l’exploitation des autres actifs commerciaux liés à ladite compétition.

24      A22 Sports Management SL est également une société de droit privé établie en Espagne. Elle se présente comme ayant pour objet la fourniture de services liés à la mise en place ainsi qu’à la gestion de compétitions de football professionnel, et plus particulièrement du projet de Superleague.

25      S’agissant du lancement de ce projet, il ressort de la décision de renvoi, tout d’abord, que les clubs de football professionnel qui ont constitué ESLC entendaient mettre en place une nouvelle compétition internationale de football impliquant, d’une part, douze à quinze clubs de football professionnel ayant le statut de « membres permanents » et, d’autre part, un nombre à définir de clubs de football professionnel ayant le statut de « clubs qualifiés » et devant être sélectionnés selon un processus déterminé.

26      Ensuite, ledit projet s’appuyait sur un pacte d’actionnaires et d’investissement prévoyant, d’une part, la conclusion d’un ensemble de contrats liant chacun des clubs de football professionnel participant ou ayant vocation à participer à la Superleague aux trois sociétés constituées ou à constituer par ESLC, et ayant pour objet de préciser, notamment, les modalités selon lesquelles ces clubs devaient céder à ESLC leurs droits médiatiques ou commerciaux sur cette compétition ainsi que la rémunération d’une telle cession. D’autre part, était envisagée la conclusion d’un ensemble de contrats entre ces trois sociétés, dans le but de coordonner la fourniture des services nécessaires à la gestion de la Superleague, à l’exploitation des droits cédés à ESLC et à l’attribution aux clubs participants des fonds à la disposition d’ESLC. La mise à disposition de ces fonds était elle-même prévue dans une lettre par laquelle JP Morgan AG s’engageait à accorder à ESLC, au moyen d’un crédit-pont d’un montant maximum d’environ 4 milliards d’euros, un soutien financier et une subvention d’infrastructure destinés à permettre la mise en place de la Superleague et son financement provisoire, dans l’attente de l’organisation d’une émission d’obligations sur les marchés de capitaux.

27      Enfin, le pacte d’actionnaires et d’investissement en question subordonnait la mise en place de la Superleague et la mise à disposition des fonds nécessaires à cet effet à une condition suspensive consistant à obtenir soit la reconnaissance, par la FIFA ou l’UEFA, de cette compétition internationale et de sa conformité aux règles adoptées par ces deux entités, soit l’octroi, par les autorités administratives ou judiciaires compétentes, d’une protection juridique permettant aux clubs de football professionnel ayant le statut de membres permanents de ladite compétition de participer à celle-ci sans que cela affecte leur appartenance ou leur participation aux associations nationales de football, aux ligues professionnelles ou aux compétitions internationales dans lesquelles ils étaient impliqués jusqu’alors. À cet effet, ledit pacte prévoyait notamment que le projet de Superleague serait porté à la connaissance de la FIFA et de l’UEFA.

B.      La procédure au principal et les questions préjudicielles

28      La procédure au principal a pour origine une action en matière commerciale, assortie d’une demande d’adoption de mesures conservatoires sans débat contradictoire (inaudita parte), qui a été introduite par ESLC devant le Juzgado de lo Mercantil de Madrid (tribunal de commerce de Madrid, Espagne) et qui est dirigée contre la FIFA et l’UEFA.

29      Selon la juridiction de renvoi, l’introduction de cette action a fait suite au lancement du projet de Superleague par ESLC ainsi qu’à l’opposition de la FIFA et de l’UEFA à ce projet.

30      À cet égard, la juridiction de renvoi énonce que, le 21 janvier 2021, la FIFA et les six confédérations continentales reconnues par celle-ci, dont l’UEFA, ont publié une déclaration dans laquelle elles ont, premièrement, exprimé leur refus de reconnaître la Superleague, deuxièmement, annoncé que tout club de football professionnel et tout joueur participant à cette compétition internationale serait exclu de celles organisées par la FIFA et par l’UEFA et, troisièmement, souligné que toutes les compétitions internationales de football devaient être organisées ou autorisées par les entités compétentes, telles que visées par les statuts de la FIFA et des confédérations continentales. Cette déclaration contenait en particulier le passage suivant :

« À la suite des récentes spéculations relayées par les médias quant à la création d’une “Super League” européenne fermée par certains clubs européens, la FIFA et les six confédérations [...] souhaitent réitérer et souligner sans ambiguïté qu’une telle compétition ne serait reconnue ni par la FIFA ni par la confédération concernée. De ce fait, tout club ou joueur disputant une telle compétition se verrait refuser le droit de participer à une quelconque compétition organisée par la FIFA ou sa confédération.

Conformément aux statuts de la FIFA et des confédérations, toutes les compétitions doivent être organisées ou reconnues par l’organe compétent à leur niveau respectif, par la FIFA au niveau international et par la confédération concernée au niveau continental. »

31      Le 18 avril 2021, un communiqué a par ailleurs été publié par l’UEFA, par les associations anglaise, espagnole et italienne de football ainsi que par certaines des ligues professionnelles subordonnées à celles-ci, dans lequel il était indiqué notamment que « les clubs concernés seront interdits de participation à toute autre compétition au niveau national, européen ou mondial, et leurs joueurs pourraient se voir refuser la possibilité de représenter leur équipe nationale ».

32      Les 19 et 20 avril 2021, la juridiction de renvoi a successivement jugé que l’action d’ESLC était recevable et adopté, à titre conservatoire et sans débat contradictoire, un ensemble d’injonctions destinées, en substance, à amener la FIFA, l’UEFA et, par leur intermédiaire, les associations nationales de football qui en sont membres à s’abstenir, pendant toute la durée de la procédure juridictionnelle, de tout comportement de nature à empêcher ou à entraver la mise en place de la Superleague et la participation des clubs de football professionnel ainsi que des joueurs à celle-ci, et notamment de toute mesure disciplinaire, de toute sanction ainsi que de toute menace d’adoption de telles mesures ou sanctions visant des clubs ou des joueurs.

33      À l’appui de sa demande de décision préjudicielle, cette juridiction relève en substance, en premier lieu, qu’il découle de la jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal que l’activité sportive n’est pas exclue du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives aux libertés de circulation (arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, ainsi que du 13 juin 2019, TopFit et Biffi, C‑22/18, EU:C:2019:497) et aux règles de concurrence (arrêts du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, et du 26 janvier 2005, Piau/Commission, T‑193/02, EU:T:2005:22).

34      En deuxième lieu, ladite juridiction considère que les deux activités économiques distinctes mais complémentaires qui constituent le marché concerné en l’occurrence, d’un point de vue matériel et géographique, sont l’organisation et la commercialisation des compétitions internationales de football interclubs sur le territoire de l’Union, d’un côté, et l’exploitation des différents droits liés à ces compétitions, qu’il s’agisse de droits patrimoniaux, de droits d’enregistrement, de reproduction et de diffusion audiovisuels, d’autres droits médiatiques, de droits de nature commerciale ou encore de droits de propriété intellectuelle, de l’autre.

35      En troisième lieu, elle estime que la FIFA et l’UEFA détiennent, de longue date, une position de monopole économique et commercial, donc de dominance, sur le marché concerné, qui leur permet de s’y comporter de manière indépendante de toute concurrence potentielle, qui fait d’elles des partenaires obligatoires pour toute entité opérant déjà ou souhaitant entrer, à un titre ou à un autre, sur ce marché et qui leur impose une responsabilité particulière en matière de préservation de la concurrence.

36      À cet égard, elle observe, tout d’abord, que la position dominante dont jouissent la FIFA et l’UEFA pèse non seulement sur les entreprises qui pourraient souhaiter les concurrencer en organisant d’autres compétitions internationales de football mais aussi, par l’intermédiaire des associations nationales de football qui en sont membres, sur l’ensemble des autres acteurs du football, tels que les clubs de football professionnel ou les joueurs, situation dont le Tribunal aurait déjà pris acte (arrêt du 26 janvier 2005, Piau/Commission, T‑193/02, EU:T:2005:22). Ensuite, elle précise que la position dominante de la FIFA et de l’UEFA sur le marché en cause au principal s’appuie non seulement sur un monopole économique et commercial mais aussi et, en définitive, surtout sur l’existence de pouvoirs de réglementation, de contrôle, de décision et de sanction permettant à la FIFA et à l’UEFA d’encadrer, de façon impérative et complète, les conditions dans lesquelles tous les autres acteurs présents sur ce marché peuvent y exercer une activité économique. Enfin, elle expose que la combinaison de l’ensemble de ces éléments crée, en pratique, une barrière à l’entrée quasiment impossible à franchir par les concurrents potentiels de la FIFA et de l’UEFA. En particulier, ceux-ci seraient confrontés aux règles d’autorisation préalable applicables à l’organisation des compétitions internationales de football et à la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à celles-ci, ainsi qu’aux règles d’appropriation et d’exploitation exclusive des différents droits liés à ces compétitions.

37      En quatrième lieu, la juridiction de renvoi se demande si le comportement de la FIFA et de l’UEFA n’est pas constitutif, à deux égards, d’un abus de position dominante prohibé par l’article 102 TFUE.

38      Sur ce point, elle énonce, d’une part, qu’il découle de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal (arrêts du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, points 51 et 52, ainsi que du 16 décembre 2020, International Skating Union/Commission, T‑93/18, EU:T:2020:610, point 70) que le fait de confier, par voie législative ou réglementaire, à une association sportive exerçant une activité économique d’organisation et de commercialisation de compétitions sportives le pouvoir de désigner en parallèle, de jure ou de facto, les autres entreprises autorisées à mettre en place de telles compétitions, sans que ce pouvoir soit assorti de limites, d’obligations et d’un contrôle appropriés, octroie à cette association sportive un avantage évident sur ses concurrents, en lui permettant à la fois d’empêcher l’accès de ces derniers au marché et de favoriser sa propre activité économique.

39      Compte tenu de cette jurisprudence, la juridiction de renvoi estime possible de considérer, en l’occurrence, que la FIFA et l’UEFA abusent de leur position dominante sur le marché en cause au principal. En effet, les règles que ces deux entités ont adoptées, en leur qualité d’associations et en vertu des pouvoirs de réglementation et de contrôle qu’elles se sont attribués, en ce qui concerne l’autorisation préalable des compétitions internationales de football, leur permettraient d’empêcher l’entrée d’entreprises potentiellement concurrentes sur ce marché, et cela d’autant plus que ces pouvoirs se combineraient avec des pouvoirs de décision et de sanction qui leur donnent la possibilité de contraindre tant les associations nationales de football qui en sont membres que les autres acteurs du football, en particulier les clubs de football professionnel et les joueurs, à respecter leur monopole sur ledit marché. En outre, les statuts de la FIFA et de l’UEFA ne prévoiraient pas de dispositions garantissant que la mise en œuvre de ces règles d’autorisation préalable et, plus largement, des pouvoirs de décision et de sanction avec lesquels elles se combinent est exclusivement guidée par des objectifs d’intérêt général et non pas par des intérêts commerciaux ou financiers liés à l’activité économique à laquelle ces deux entités se livrent en parallèle. Enfin, lesdites règles et lesdits pouvoirs ne seraient pas encadrés par des critères matériels et par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné, de nature à limiter le pouvoir discrétionnaire de la FIFA et de l’UEFA. Les mesures annoncées par ces deux entités en l’occurrence, à la suite du lancement du projet de Superleague, illustreraient cette situation.

40      D’autre part, la juridiction de renvoi se demande si la FIFA et l’UEFA ne violent pas également les articles 101 et 102 TFUE en s’appropriant, par voie statutaire, l’ensemble des droits juridiques et économiques liés aux compétitions internationales de football qui sont organisées sur le territoire de l’Union ainsi qu’en se réservant l’exploitation exclusive de ces droits. En effet, les règles adoptées par la FIFA à ce sujet conféreraient à celle-ci, à l’UEFA et aux associations nationales de football qui en sont membres le statut de « détenteurs originels » desdits droits, privant par conséquent les clubs de football professionnel qui participent à de telles compétitions de la propriété de ceux-ci ou les obligeant à les céder à ces deux entités. En outre, ces règles se combineraient avec les règles d’autorisation préalable et, plus largement, avec les pouvoirs de réglementation, de contrôle, de décision et de sanction dont disposent par ailleurs la FIFA et l’UEFA pour fermer le marché concerné à toutes les entreprises potentiellement concurrentes ou, à tout le moins, pour les dissuader d’entrer sur ce marché, en limitant leur possibilité d’exploiter les différents droits liés aux compétitions en question.

41      En cinquième lieu, cette juridiction observe que le comportement de la FIFA et de l’UEFA est également de nature à violer l’interdiction des ententes énoncée à l’article 101 TFUE.

42      À cet égard, elle estime, premièrement, que les articles 20, 22, 67, 68 et 71 à 73 des statuts de la FIFA, les articles 49 et 51 des statuts de l’UEFA ainsi que les articles pertinents du règlement des matches internationaux de la FIFA traduisent la décision, prise par chacune de ces deux associations d’entreprises et applicable, notamment, sur le territoire de l’Union, de coordonner, en le soumettant à certaines règles et à certaines conditions communes, leur comportement et celui des entreprises qui en sont directement ou indirectement membres sur le marché de l’organisation et de la commercialisation des compétitions de football interclubs ainsi que de l’exploitation des différents droits liés à celles-ci. En effet, indépendamment des règles d’autorisation préalable, de décision et de sanction qui figurent dans ces articles, ceux-ci comporteraient différentes dispositions visant à en assurer le respect aussi bien par les associations nationales de football qui sont membres de la FIFA et de l’UEFA que par les clubs de football professionnel qui sont membres de ces associations nationales ou qui y sont affiliés.

43      Deuxièmement, la juridiction de renvoi considère que l’examen du contenu des règles en cause, du contexte économique et juridique dans lequel elles s’inscrivent, des buts qu’elles poursuivent et, en l’occurrence, des mesures d’application annoncées par la FIFA et par l’UEFA les 21 janvier et 18 avril 2021 fait apparaître que ces règles peuvent restreindre la concurrence sur le marché en cause au principal. Reprenant à cet égard l’ensemble des éléments déjà mentionnés dans le cadre de son analyse relative à l’article 102 TFUE, elle ajoute, de façon plus générale, que le problème de concurrence qui se pose à elle découle, en définitive, de la circonstance que la FIFA et l’UEFA sont à la fois des entreprises qui monopolisent le marché de l’organisation et de la commercialisation des compétitions internationales de football interclubs, notamment sur le territoire de l’Union, ainsi que de l’exploitation des différents droits liés à ces compétitions, et des associations de droit privé dotées, en vertu de leurs propres statuts, de pouvoirs de réglementation, de contrôle, de décision et de sanction applicables à l’ensemble des autres acteurs du football, qu’il s’agisse d’opérateurs économiques ou de sportifs. En effet, en étant ainsi à la fois « législateur et partie », la FIFA et l’UEFA se trouveraient manifestement dans une situation de conflit d’intérêts de nature à les conduire à utiliser leurs pouvoirs d’autorisation préalable et de sanction pour empêcher la mise en place de compétitions internationales de football ne faisant pas partie de leur système, et donc pour faire obstacle à toute concurrence potentielle sur le marché.

44      En sixième et dernier lieu, la juridiction de renvoi se demande si les règles d’autorisation préalable et de sanction adoptées par la FIFA et par l’UEFA ainsi que les mesures annoncées en l’occurrence par ces deux entités les 21 janvier et 18 avril 2021 portent atteinte, dans le même temps, à la liberté de circulation des travailleurs dont jouissent les joueurs qui sont ou pourraient être employés par les clubs de football professionnel désireux de participer à des compétitions internationales de football telles que la Superleague, aux libertés de prestation de services et d’établissement dont bénéficient tant ces clubs que les entreprises proposant d’autres services liés à l’organisation et à la commercialisation de telles compétitions, ainsi qu’à la liberté de circulation des capitaux nécessaires à la mise en place de ces dernières.

45      À cet égard, la juridiction de renvoi observe, en particulier, qu’il ressort de la jurisprudence constante de la Cour qu’une réglementation d’origine publique ou privée qui instaure un système d’autorisation préalable doit non seulement être justifiée par un objectif d’intérêt général mais également être conforme au principe de proportionnalité, ce qui implique notamment que l’exercice du pouvoir d’appréciation dont dispose l’entité compétente pour délivrer une telle autorisation soit encadré par des critères transparents, objectifs et non discriminatoires (arrêt du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital, C‑390/99, EU:C:2002:34, point 35 et jurisprudence citée).

46      Or, en l’occurrence, ces différentes exigences ne seraient pas remplies, ainsi qu’il résulterait des différents éléments évoqués dans le cadre de l’analyse effectuée au regard des articles 101 et 102 TFUE.

47      Dans ces conditions, le Juzgado de lo Mercantil de Madrid (tribunal de commerce de Madrid) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 102 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu’il interdit un abus de position dominante consistant, pour la FIFA et l’UEFA, à établir dans leurs statuts (notamment aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la FIFA et aux articles 49 et 51 des statuts de l’UEFA, ainsi que dans tout article au contenu similaire des statuts des associations membres et des ligues nationales) que la création par une entité tierce d’une nouvelle compétition européenne de clubs, telle que la Superleague, est subordonnée à l’autorisation préalable de ces organismes, qui se sont arrogé la compétence exclusive d’organiser ou d’autoriser les compétitions internationales de clubs en Europe, compte tenu, en particulier, de l’absence de procédure régie par des critères objectifs, transparents et non discriminatoires et du potentiel conflit d’intérêts dans le chef de la FIFA et de l’UEFA ?

2)      L’article 101 TFUE doit-il être interprété en ce sens qu’il interdit à la FIFA et à l’UEFA d’établir dans leurs statuts (notamment aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la FIFA et aux articles 49 et 51 des statuts de l’UEFA, ainsi que dans tout article au contenu similaire des statuts des associations membres et des ligues nationales) que la création par une entité tierce d’une nouvelle compétition européenne de clubs, telle que la Superleague, exige l’autorisation préalable de ces organismes, qui se sont arrogé la compétence exclusive d’organiser ou d’autoriser les compétitions internationales de clubs en Europe, compte tenu, en particulier, de l’absence de procédure régie par des critères objectifs, transparents et non discriminatoires et du potentiel conflit d’intérêts dans le chef de la FIFA et de l’UEFA ?

3)      L’article 101 et l’article 102 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils interdisent à la FIFA, à l’UEFA, à leurs fédérations membres ou à leurs ligues nationales de proférer des menaces de sanctions à l’encontre des clubs participant à la Superleague ou de leurs joueurs, en raison de l’effet potentiellement dissuasif de telles menaces ? Les sanctions d’exclusion de compétitions ou d’interdiction de participer à des rencontres d’équipes représentatives qui seraient le cas échéant adoptées sans se baser sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires, sont-elles contraires à l’article 101 et à l’article 102 TFUE ?

4)      L’article 101 et l’article 102 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent aux dispositions des articles 67 et 68 des statuts de la FIFA, dans la mesure où ils désignent l’UEFA et les associations nationales membres de la FIFA comme “détenteurs originels [...] de tous les droits pouvant naître des compétitions relevant de leur juridiction”, en privant les clubs participant à une compétition alternative, ainsi que tout organisateur d’une telle compétition, de la propriété originelle de ces droits et en s’arrogeant la compétence exclusive de les commercialiser ?

5)      Dans l’hypothèse où la FIFA et l’UEFA, en tant qu’organismes auto-investis de la compétence exclusive d’organisation et d’autorisation des compétitions internationales de clubs de football en Europe, interdisent ou s’opposent au développement de la Superleague en vertu des dispositions précitées de leurs statuts, l’article 101 TFUE doit-il être interprété en ce sens que ces restrictions de la concurrence peuvent bénéficier de l’exception prévue par cet article, alors qu’elles limitent de manière substantielle la production, qu’elles empêchent l’apparition sur le marché de produits alternatifs à ceux offerts par la FIFA et de l’UEFA, et qu’elles restreignent l’innovation en empêchant d’autres formats et modalités de compétition, en éliminant la concurrence potentielle sur le marché et en limitant le choix du consommateur ? De telles restrictions reposent-elles sur une justification objective permettant de considérer qu’il n’y a pas d’abus de position dominante au sens de l’article 102 TFUE ?

6)      Les articles 45, 49, 56 ou 63 TFUE doivent-ils être interprétés en ce sens qu’une disposition telle que celle contenue dans les statuts de la FIFA et de l’UEFA (notamment aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la FIFA et aux articles 49 et 51 des statuts de l’UEFA, ainsi que dans tout article au contenu similaire des statuts des associations membres et des ligues nationales), qui exige qu’un opérateur économique d’un État membre obtienne l’autorisation préalable de ces entités pour établir une compétition européenne de clubs telle que la Superleague, constitue une restriction contraire à l’une des libertés [de circulation] qu’ils consacrent ? »

III. La procédure devant la Cour

48      Dans sa décision de renvoi, le Juzgado de lo Mercantil de Madrid (tribunal de commerce de Madrid) a demandé à la Cour de soumettre la présente affaire à la procédure accélérée prévue à l’article 105 du règlement de procédure de la Cour. À l’appui de cette demande, il a fait état, d’une part, du caractère important et sensible, d’un point de vue économique et social, du litige au principal et des questions posées à la Cour, en ce que ce litige et ces questions portent sur l’organisation des compétitions de football sur le territoire de l’Union ainsi que sur l’exploitation des différents droits liés à ces compétitions. D’autre part, il a exposé que lesdites questions sont posées dans le cadre d’une procédure juridictionnelle nationale ayant déjà donné lieu à l’adoption de mesures conservatoires et présentant un certain caractère d’urgence, compte tenu des préjudices dont l’existence est invoquée par les clubs de football professionnel ayant constitué ESLC et, plus largement, des conséquences pratiques et financières que la pandémie de COVID-19 a entraînées pour le secteur du football, notamment sur le territoire de l’Union.

49      Par une décision du 1er juillet 2021, le président de la Cour a rejeté cette demande au motif que les circonstances invoquées à l’appui de celle-ci ne justifiaient pas, en elles-mêmes, de soumettre la présente affaire à la procédure accélérée.

50      En effet, cette procédure constitue un instrument procédural destiné à répondre à une situation d’urgence extraordinaire, dont l’existence doit être établie par rapport à des circonstances exceptionnelles propres à l’affaire en lien avec laquelle une demande de procédure accélérée est introduite (ordonnances du président de la Cour du 20 décembre 2017, M. A. e.a., C‑661/17, EU:C:2017:1024, point 17, ainsi que du 25 février 2021, Sea Watch, C‑14/21 et C‑15/21, EU:C:2021:149, point 22).

51      Or, le caractère important et sensible, d’un point de vue économique et social, d’un litige et des questions qui sont posées à la Cour en lien avec celui-ci, dans un domaine donné du droit de l’Union, n’est pas de nature à établir l’existence d’une situation d’urgence extraordinaire et, par conséquent, la nécessité de recourir à la procédure accélérée (voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 27 février 2019, M.V. e.a., C‑760/18, EU:C:2019:170, point 18, ainsi que du 25 février 2021, Sea Watch, C‑14/21 et C‑15/21, EU:C:2021:149, point 24).

52      En outre, la circonstance qu’un litige présente un caractère urgent et que la juridiction nationale compétente est tenue de tout mettre en œuvre pour en assurer le règlement rapide ne justifie pas, en elle-même, que la Cour soumette l’affaire préjudicielle correspondante à cette procédure, eu égard à l’objet et aux conditions de mise en œuvre de celle-ci (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 25 février 2021, Sea Watch, C‑14/21 et C‑15/21, EU:C:2021:149, points 26 à 29). En effet, c’est, au premier chef, au juge national saisi de ce litige, qui est le mieux placé pour en apprécier les enjeux concrets pour les parties et qui estime nécessaire de poser des questions à la Cour, qu’il appartient d’adopter, dans l’attente de la décision de celle-ci, toutes mesures provisoires adéquates pour garantir la pleine efficacité de la décision qu’il est lui-même appelé à rendre (voir, en ce sens, ordonnance du président de la Cour du 25 février 2021, Sea Watch, C‑14/21 et C‑15/21, EU:C:2021:149, point 33), comme la juridiction de renvoi l’a d’ailleurs fait en l’occurrence.

IV.    Sur la recevabilité

53      Les défenderesses au principal, l’une des deux parties intervenantes au principal qui les soutiennent, l’Irlande ainsi que les gouvernements français et slovaque ont mis en doute la recevabilité de la demande de décision préjudicielle dans son ensemble.

54      Les arguments qu’ils avancent à ce sujet sont, en substance, de trois ordres. Ils comprennent, premièrement, des arguments d’ordre procédural tirés de ce que la décision de renvoi est intervenue, d’une part, à la suite de l’adoption de mesures conservatoires sans débat contradictoire, donc sans que les parties au litige au principal aient été entendues au préalable, comme l’auraient pourtant exigé les dispositions du droit interne applicables, et, d’autre part, sans que la juridiction de renvoi se soit prononcée sur la demande des défenderesses au principal tendant à ce qu’elle décline sa compétence au profit des juridictions helvétiques. Deuxièmement, sont invoqués des arguments d’ordre formel selon lesquels le contenu de ladite décision ne respecterait pas les exigences énoncées à l’article 94, sous a), du règlement de procédure en ce qu’elle ne présenterait pas de façon suffisamment exacte et détaillée le cadre juridique et factuel dans lequel la juridiction de renvoi interroge la Cour. Cette situation serait particulièrement problématique dans une affaire revêtant un caractère complexe portant essentiellement sur l’interprétation et l’application des règles de concurrence de l’Union. En outre, elle serait de nature à empêcher les intéressés de prendre utilement position sur les questions à trancher. Troisièmement, sont avancés des arguments d’ordre matériel tenant au caractère hypothétique de la demande de décision préjudicielle, en ce qu’il n’existerait pas de litige réel dont le traitement pourrait rendre nécessaire une quelconque décision interprétative de la Cour. Une telle situation découlerait, en particulier, du fait qu’aucune demande d’autorisation en bonne et due forme du projet de Superleague n’a encore été présentée à la FIFA et à l’UEFA, et de la circonstance que ce projet était encore flou et peu avancé aussi bien à la date où il a été annoncé qu’à celle où l’action à l’origine du litige au principal a été introduite.

55      Par ailleurs, les gouvernements français, hongrois et roumain ont mis en doute la recevabilité des troisième à sixième questions posées par la juridiction de renvoi, pour des raisons qui sont, en substance, analogues à celles invoquées pour mettre en cause la recevabilité de la demande de décision préjudicielle dans son ensemble, à savoir leur caractère insuffisamment étayé ou hypothétique. Les principaux éléments qui sont mis en avant dans ce contexte tiennent à l’absence de rapport factuel ou juridique réel ou suffisamment explicité, dans la décision de renvoi, entre, d’un côté, le litige au principal et, de l’autre, les règles de la FIFA relatives à l’appropriation et à l’exploitation des différents droits liés aux compétitions internationales de football (quatrième question) ainsi que les dispositions du traité FUE concernant les libertés de circulation (sixième question).

A.      Sur les conditions procédurales d’adoption de la décision de renvoi

56      Dans le cadre d’une procédure préjudicielle, il n’appartient pas à la Cour, au vu de la répartition des fonctions entre elle et les juridictions nationales, de vérifier si la décision de renvoi a été prise conformément aux règles nationales d’organisation et de procédure judiciaires. En outre, la Cour doit s’en tenir à cette décision tant que celle-ci n’a pas été rapportée dans le cadre des voies de recours éventuellement prévues par le droit interne (arrêts du 14 janvier 1982, Reina, 65/81, EU:C:1982:6, point 7, et du 29 mars 2022, Getin Noble Bank, C‑132/20, EU:C:2022:235, point 70).

57      En l’occurrence, il n’appartient donc à la Cour ni de déterminer à quelles règles de procédure le droit interne soumet l’adoption d’une décision telle que la décision de renvoi dans le cas où, comme en l’occurrence, des mesures conservatoires ont été antérieurement adoptées sans débat contradictoire, ni de vérifier si cette décision a été prise conformément à ces règles.

58      Par ailleurs, compte tenu des arguments invoqués par certaines des défenderesses au principal, il importe de relever qu’il est loisible à une juridiction nationale de saisir la Cour d’une demande de décision préjudicielle aussi bien dans le cadre d’une procédure revêtant un caractère d’urgence, telle qu’une procédure ayant pour objet l’octroi de mesures conservatoires ou d’autres mesures en référé (voir, en ce sens, arrêts du 24 mai 1977, Hoffmann-La Roche, 107/76, EU:C:1977:89, points 1 et 4, ainsi que du 13 avril 2000, Lehtonen et Castors Braine, C‑176/96, EU:C:2000:201, point 20), que dans celui d’une procédure ne revêtant pas un caractère contradictoire (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 1971, Politi, 43/71, EU:C:1971:122, points 4 et 5, ainsi que du 2 septembre 2021, Finanzamt für Steuerstrafsachen und Steuerfahndung Münster, C‑66/20, EU:C:2021:670, point 37), pour autant que toutes les conditions visées à l’article 267 TFUE soient réunies et qu’une telle demande respecte l’ensemble des exigences applicables à sa forme ainsi qu’à son contenu (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 1998, Corsica Ferries France, C‑266/96, EU:C:1998:306, points 23 et 24).

B.      Sur le contenu de la décision de renvoi

59      La procédure préjudicielle instituée à l’article 267 TFUE constitue un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour rendre un jugement dans les litiges qu’elles sont appelées à trancher. En vertu d’une jurisprudence constante, désormais reflétée à l’article 94, sous a) et b), du règlement de procédure, la nécessité de parvenir à une interprétation du droit de l’Union qui soit utile pour le juge national exige que celui-ci définisse le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions qu’il pose ou que, à tout le moins, il explique les hypothèses factuelles sur lesquelles ces questions sont fondées. En outre, il est indispensable, comme l’énonce l’article 94, sous c), du règlement de procédure, que la demande de décision préjudicielle expose les raisons qui ont conduit la juridiction de renvoi à s’interroger sur l’interprétation ou la validité de certaines dispositions du droit de l’Union, ainsi que le lien qu’elle établit entre ces dispositions et la réglementation nationale applicable au litige au principal. Ces exigences valent tout particulièrement dans les domaines qui sont caractérisés par des situations de fait et de droit complexes, tels que le domaine de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2012, Pringle, C‑370/12, EU:C:2012:756, point 83, ainsi que du 29 juin 2023, Super Bock Bebidas, C‑211/22, EU:C:2023:529, points 23 et 24).

60      Par ailleurs, les informations fournies dans la décision de renvoi doivent non seulement permettre à la Cour d’apporter des réponses utiles, mais également de donner aux gouvernements des États membres ainsi qu’aux autres parties intéressées la possibilité de présenter des observations conformément à l’article 23 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêts du 1er avril 1982, Holdijk e.a., 141/81 à 143/81, EU:C:1982:122, point 7, ainsi que du 11 avril 2000, Deliège, C‑51/96 et C‑191/97, EU:C:2000:199, point 31).

61      En l’occurrence, la demande de décision préjudicielle répond aux exigences rappelées aux deux points précédents du présent arrêt. En effet, la décision de renvoi présente, de façon détaillée, le cadre factuel et réglementaire dans lequel s’insèrent les questions posées à la Cour. Ensuite, cette décision expose de façon circonstanciée les raisons de fait et de droit qui ont conduit la juridiction de renvoi à estimer qu’il était nécessaire de poser ces questions ainsi que le lien unissant, selon elle, les articles 45, 49, 56, 63, 101 et 102 TFUE au litige au principal, à la lumière de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal. Enfin, la juridiction de renvoi y énonce, de façon claire et précise, les éléments sur lesquels elle s’est fondée pour formuler elle-même certaines appréciations d’ordre factuel et juridique.

62      En particulier, les appréciations de la juridiction de renvoi qui ont trait, d’une part, au marché en cause au principal, défini comme étant celui de l’organisation et de la commercialisation des compétitions de football interclubs sur le territoire de l’Union ainsi que de l’exploitation des différents droits liés à ces compétitions, et, d’autre part, à la position dominante que la FIFA et l’UEFA y occupent, permettent de comprendre la réalité du rapport existant, dans le cadre ainsi défini, entre le litige au principal et la quatrième question posée à la Cour, par laquelle cette juridiction s’interroge sur l’interprétation de l’article 102 TFUE aux fins de l’application éventuelle de cet article aux règles de la FIFA concernant l’appropriation et l’exploitation des droits en cause.

63      Par ailleurs, la teneur des observations écrites soumises à la Cour met en évidence le fait que leurs auteurs n’ont eu aucune difficulté pour appréhender le cadre factuel et juridique dans lequel s’insèrent les questions posées par la juridiction de renvoi, pour comprendre le sens et la portée des énonciations factuelles qui les sous-tendent, pour saisir les raisons pour lesquelles la juridiction de renvoi a estimé nécessaire de les poser ainsi que, en définitive, pour prendre position de façon complète et utile à ce sujet.

C.      Sur la réalité du litige et la pertinence des questions posées à la Cour

64      Il appartient à la seule juridiction nationale saisie du litige au principal, qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de ce litige, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’elle pose à la Cour. Il s’ensuit que les questions posées par les juridictions nationales bénéficient d’une présomption de pertinence et que le refus de la Cour de statuer sur ces questions n’est possible que s’il apparaît, de manière manifeste, que l’interprétation sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, si le problème est de nature hypothétique ou encore si la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile auxdites questions [voir, en ce sens, arrêts du 16 décembre 1981, Foglia, 244/80, EU:C:1981:302, points 15 et 18, ainsi que du 7 février 2023, Confédération paysanne e.a. (Mutagenèse aléatoire in vitro), C‑688/21, EU:C:2023:75, points 32 et 33].

65      En l’occurrence, il convient de constater, en complément des appréciations figurant au point 61 du présent arrêt, que les énonciations de la juridiction de renvoi résumées aux points 28 à 32 de cet arrêt attestent du caractère réel du litige au principal. En outre, ces mêmes énonciations ainsi que celles mentionnées aux points 33 à 46 dudit arrêt font apparaître que le fait, pour la juridiction de renvoi, d’interroger la Cour, dans ce cadre, sur l’interprétation des articles 45 et 101 TFUE n’est pas manifestement dépourvu de rapport avec la réalité et l’objet du litige au principal.

66      En particulier, s’il est vrai qu’il existe une controverse entre les parties au principal sur la possibilité, pour cette juridiction, de faire application, parallèlement aux dispositions du traité FUE relatives aux règles de concurrence de l’Union, des articles concernant les libertés de circulation, compte tenu des termes dans lesquels sont rédigées les conclusions dont elle a été saisie par la requérante au principal, il n’en reste pas moins que, comme l’a rappelé le gouvernement espagnol à l’audience, ladite juridiction paraît, à ce stade, s’être considérée compétente pour ce faire, le contrôle du bien-fondé de cette position ne relevant pas de la compétence de la Cour.

67      Par suite, la demande de décision préjudicielle est recevable dans son ensemble.

V.      Sur les questions préjudicielles

68      Par ses cinq premières questions, la juridiction de renvoi demande à la Cour d’interpréter les articles 101 et 102 TFUE, relatifs à l’interdiction des ententes anticoncurrentielles et des abus de position dominante, en vue de se prononcer sur la compatibilité avec ces deux articles d’un ensemble de règles adoptées par la FIFA ainsi que par l’UEFA.

69      Par sa sixième question, cette juridiction interroge la Cour sur l’interprétation des articles 45, 49, 56 et 63 TFUE, relatifs aux libertés de circulation garanties par le droit de l’Union, afin de se prononcer, de façon parallèle, sur la compatibilité des mêmes règles avec ces quatre articles.

70      Le litige dans le cadre duquel ces questions sont posées à la Cour a pour origine le recours d’une entreprise qui se plaint, en substance, de ce que les règles adoptées par la FIFA et par l’UEFA, compte tenu de leur nature, de leur contenu, de leurs buts, du contexte concret dans lequel elles s’inscrivent et de la mise en œuvre qui peut en être faite, empêchent, restreignent ou faussent la concurrence sur le marché de l’organisation et de la commercialisation des compétitions de football interclubs sur le territoire de l’Union ainsi que de l’exploitation des différents droits liés à ces compétitions. Plus spécifiquement, cette entreprise soutient que, à la suite du lancement du projet de nouvelle compétition internationale de football qu’elle entend mettre en place, la FIFA et l’UEFA ont violé les articles 101 et 102 TFUE en indiquant qu’elles envisageaient de mettre en œuvre lesdites règles et en soulignant les conséquences concrètes qu’une telle mise en œuvre pourrait avoir pour la compétition concernée ainsi que pour les clubs et les joueurs participants.

71      Compte tenu tant de la teneur des questions posées à la Cour que de la nature du litige dans le cadre duquel elles sont soulevées, il convient, avant d’examiner ces questions, de formuler trois séries d’observations liminaires.

A.      Observations liminaires

1.      Sur l’objet de l’affaire au principal

72      Les questions posées par la juridiction de renvoi portent exclusivement sur une série de règles par lesquelles la FIFA et l’UEFA entendent régir, d’une part, l’autorisation préalable de certaines compétitions internationales de football ainsi que la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à celles-ci et, d’autre part, l’exploitation des différents droits liés à ces compétitions.

73      À cet égard, tout d’abord, il résulte du libellé de ces questions que les règles concernées figurent aux articles 22, 67, 68 et 71 à 73 des statuts de la FIFA ainsi qu’aux articles 49 à 51 des statuts de l’UEFA. Cependant, comme il ressort des énonciations de la juridiction de renvoi, ces règles ne sont en cause, dans le litige au principal, qu’en tant qu’elles sont applicables aux compétitions internationales « impliquant » ou « auxquelles participent » des clubs, selon la terminologie utilisée respectivement à l’article 71, paragraphe 1, des statuts de la FIFA et à l’article 49, paragraphe 1, des statuts de l’UEFA. Également qualifiées de « compétitions interclubs » à l’article 22, paragraphe 3, sous c), des statuts de la FIFA, ces compétitions font partie de la catégorie plus large des compétitions internationales de football dites « de deuxième catégorie » qui sont visées aux articles 8 et 11 du règlement des matches internationaux de la FIFA et qui relèvent du mécanisme d’autorisation préalable auquel se réfèrent ces articles.

74      En conséquence, ne sont pas en cause, dans le litige au principal et donc dans la présente affaire, les règles adoptées par la FIFA et par l’UEFA en ce qui concerne, premièrement, l’autorisation préalable d’autres compétitions internationales de football, telles que celles auxquelles participent exclusivement des équipes représentatives d’associations nationales de football membres de la FIFA et de l’UEFA, deuxièmement, la participation des équipes ou des joueurs à ces compétitions et, troisièmement, l’exploitation des différents droits liés à ces dernières.

75      À plus forte raison, ne sont en cause, en l’occurrence, ni les règles qui peuvent avoir été adoptées par la FIFA et par l’UEFA à propos d’autres activités, ni les dispositions des statuts de la FIFA et de l’UEFA qui portent sur le fonctionnement, l’organisation, les buts ou encore l’existence même de ces deux associations, étant observé, à cet égard, que la Cour a déjà relevé que, tout en disposant d’une autonomie juridique leur permettant d’adopter des règles relatives, notamment, à l’organisation des compétitions dans leur discipline, à leur bon déroulement et à la participation des sportifs à celles-ci (voir, en ce sens, arrêts du 11 avril 2000, Deliège, C‑51/96 et C‑191/97, EU:C:2000:199, points 67 et 68, ainsi que du 13 juin 2019, TopFit et Biffi, C‑22/18, EU:C:2019:497, point 60), de telles associations ne sauraient, ce faisant, limiter l’exercice des droits et des libertés que le droit de l’Union confère aux particuliers (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, points 81 et 83, ainsi que du 13 juin 2019, TopFit et Biffi, C‑22/18, EU:C:2019:497, point 52).

76      Cela étant, le constat énoncé au point précédent ne s’oppose en rien à ce que des dispositions telles que celles qui sont relatives à l’organisation ou au fonctionnement de la FIFA et de l’UEFA soient prises en considération par la juridiction de renvoi dans le cadre de l’examen que celle-ci sera appelée à effectuer afin de trancher le litige au principal, dans la mesure où cette prise en considération se justifie pour appliquer les articles du traité FUE sur lesquels cette juridiction interroge la Cour, à la lumière de l’interprétation figurant dans le présent arrêt.

77      Ensuite, il doit être constaté que, bien que le litige au principal ait pour origine une action introduite par une société ayant annoncé le lancement d’un projet de nouvelle compétition internationale de football dénommée « Superleague », et bien que la troisième question posée par la juridiction de renvoi concerne spécifiquement les comportements concrets par lesquels la FIFA et l’UEFA ont réagi à ce lancement, les cinq autres questions de cette juridiction portent, quant à elles, sur les règles de la FIFA et de l’UEFA sur lesquelles ces comportements ont pris appui (à savoir celles relatives à l’autorisation préalable des compétitions de cette nature et à la participation des clubs de football professionnel ou des joueurs à celles-ci) ainsi que sur d’autres règles ayant un rapport, selon ladite juridiction, avec le marché concerné tel que défini par celle‑ci (à savoir celles ayant trait à l’appropriation et à l’exploitation des différents droits liés à ces compétitions).

78      Ces questions, considérées ensemble, visent ainsi à permettre à la juridiction de renvoi de déterminer si ces différentes règles, en ce qu’elles sont susceptibles d’être mises en œuvre à l’égard de toute nouvelle compétition de football interclubs organisée ou envisagée sur le territoire de l’Union, telle que celle dont le lancement annoncé est à l’origine du litige au principal, sont constitutives, eu égard à leur nature, à leur contenu, à leurs buts et au contexte concret dans lequel elles s’inscrivent, d’une violation des articles 45, 49, 56, 63, 101 et 102 TFUE.

79      Dans ces conditions, la Cour tiendra compte, dans le cadre de ses réponses à l’ensemble des questions qui lui sont posées, de toutes les caractéristiques pertinentes des règles de la FIFA et de l’UEFA qui sont en cause dans le litige au principal, telles que citées dans la décision de renvoi et rappelées par toutes les parties au principal.

80      Enfin, force est de constater que la juridiction de renvoi n’interroge pas, en revanche, la Cour sur l’interprétation des articles 45, 49, 56, 63, 101 et 102 TFUE en vue de se prononcer, dans un sens ou dans un autre, sur la compatibilité du projet de Superleague lui-même avec ces différents articles du traité FUE.

81      Au demeurant, les caractéristiques de ce projet ne revêtent pas de pertinence particulière dans le cadre des réponses à apporter aux première, deuxième et quatrième à sixième questions posées par la juridiction de renvoi, compte tenu de l’objet de celles-ci. Par ailleurs, dans la mesure où ces caractéristiques sont fortement débattues par les parties au principal, la Cour se limitera, à cet égard, à préciser, en tant que de besoin, dans quelle mesure celles-ci pourraient être pertinentes, sous réserve des vérifications auxquelles il appartiendra à la juridiction de renvoi de procéder.

2.      Sur l’applicabilité  du droit de l’Union au sport et à l’activité des associations sportives

82      Les questions posées à la Cour portent sur l’interprétation des articles 45, 49, 56, 63, 101 et 102 TFUE dans le contexte d’un litige mettant en cause des règles qui ont été adoptées par deux entités ayant, selon leurs statuts respectifs, la qualité d’associations de droit privé responsables de l’organisation et du contrôle du football aux niveaux mondial et européen, et qui sont relatives à l’autorisation préalable des compétitions internationales de football interclubs ainsi qu’à l’exploitation des différents droits liés à ces compétitions.

83      À cet égard, il doit être rappelé que, dans la mesure où l’exercice d’un sport constitue une activité économique, il relève des dispositions du droit de l’Union qui sont applicables en présence d’une telle activité (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1974, Walrave et Koch, 36/74, EU:C:1974:140, point 4, ainsi que du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais, C‑325/08, EU:C:2010:143, point 27).

84      Seules certaines règles spécifiques qui, d’une part, ont été adoptées exclusivement pour des motifs d’ordre non économique et qui, d’autre part, portent sur des questions intéressant uniquement le sport en tant que tel doivent être regardées comme étant étrangères à toute activité économique. Tel est le cas, en particulier, de celles portant sur l’exclusion des joueurs étrangers de la composition des équipes participant aux compétitions entre équipes représentatives de leur pays ou sur la fixation des critères de classement utilisés pour sélectionner les athlètes participant à des compétitions à titre individuel (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1974, Walrave et Koch, 36/74, EU:C:1974:140, point 8 ; du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, points 76 et 127, ainsi que du 11 avril 2000, Deliège, C‑51/96 et C‑191/97, EU:C:2000:199, points 43, 44, 63, 64 et 69).

85      À l’exception de ces règles spécifiques, les règles que les associations sportives adoptent en vue de régir le travail salarié ou la prestation de services des joueurs professionnels ou semi-professionnels et, plus largement, les règles qui, tout en ne régissant pas formellement ce travail ou cette prestation de services, ont une incidence directe sur ledit travail ou sur ladite prestation de services peuvent relever des articles 45 et 56 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 1974, Walrave et Koch, 36/74, EU:C:1974:140, points 5, 17 à 19 et 25 ; du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, points 75, 82 à 84 et 87 ; du 12 avril 2005, Simutenkov, C‑265/03, EU:C:2005:213, point 32, ainsi que du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais, C‑325/08, EU:C:2010:143, points 28 et 30).

86      De la même manière, les règles adoptées par de telles associations peuvent relever de l’article 49 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C‑519/04 P, EU:C:2006:492, point 28), voire de l’article 63 TFUE.

87      Enfin, ces règles et, plus largement, le comportement des associations qui les ont adoptées relèvent des dispositions du traité FUE relatives au droit de la concurrence lorsque les conditions d’application de ces dispositions sont réunies (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C‑519/04 P, EU:C:2006:492, points 30 à 33), ce qui implique que ces associations puissent être qualifiées d’« entreprises » au sens des articles 101 et 102 TFUE ou que les règles en cause puissent être qualifiées de « décisions d’associations d’entreprises » au sens de l’article 101 TFUE.

88      De façon plus générale, puisque de telles règles relèvent ainsi desdites dispositions du traité FUE, elles doivent, dans le cas où elles énoncent des prescriptions applicables aux particuliers, être conçues et mises en œuvre dans le respect des principes généraux du droit de l’Union, en particulier des principes de non-discrimination et de proportionnalité (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2019, TopFit et Biffi, C‑22/18, EU:C:2019:497, points 60, 65 et 66 ainsi que jurisprudence citée).

89      Or, les règles en cause au principal, qu’elles émanent de la FIFA ou de l’UEFA, ne font pas partie de celles auxquelles pourrait être appliquée l’exception visée au point 84 du présent arrêt, dont la Cour a itérativement rappelé qu’elle doit rester limitée à son objet propre et qu’elle ne peut pas être invoquée pour exclure toute une activité sportive du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives au droit économique de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 14 juillet 1976, Donà, 13/76, EU:C:1976:115, points 14 et 15, ainsi que du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C‑519/04 P, EU:C:2006:492, point 26).

90      Au contraire, premièrement, les règles relatives à l’exercice, par une association sportive, de pouvoirs en matière d’autorisation préalable des compétitions sportives, dont l’organisation et la commercialisation constituent, ainsi que la Cour l’a déjà observé, une activité économique pour les entreprises qui s’y livrent ou qui envisagent de s’y livrer, relèvent, à ce titre, du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives au droit de la concurrence (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, point 28). Pour le même motif, elles relèvent aussi du champ d’application des dispositions du traité FUE relatives aux libertés de circulation.

91      Deuxièmement, les règles qui ont été adoptées par la FIFA et par l’UEFA en vue d’encadrer la participation des clubs de football professionnel et des joueurs aux compétitions internationales de football interclubs relèvent également du champ d’application de ces dispositions. En effet, bien qu’elles ne régissent formellement ni les conditions de travail ou de prestation de services des joueurs, ni les conditions de prestation de services ou, plus largement, d’exercice de leur activité économique par les clubs de football professionnel, ces règles doivent être considérées comme ayant une incidence directe, selon le cas, sur ce travail, sur cette prestation de services ou sur l’exercice de cette activité économique, dès lors qu’elles influent nécessairement sur la possibilité dont disposent les joueurs et les clubs de participer aux compétitions en cause.

92      Troisièmement, les règles qui ont été adoptées par la FIFA en vue de régir l’exploitation des différents droits liés aux compétitions internationales de football ont pour objet même d’encadrer les conditions dans lesquelles les entreprises qui sont titulaires de ces droits peuvent les exploiter ou en déléguer l’exploitation à des entreprises tierces, de telles activités revêtant un caractère économique. En outre, elles ont une incidence directe sur les conditions dans lesquelles ces entreprises tierces ou d’autres entreprises peuvent espérer exploiter lesdits droits ou se les voir céder ou concéder, sous quelque forme que ce soit, afin de se livrer à des activités d’intermédiation (comme la revente des droits en cause à des organismes de radiodiffusion télévisuelle et à d’autres fournisseurs de services de médias) ou finales (comme la diffusion ou la retransmission de certains matches à la télévision ou via internet) revêtant, elles aussi, un caractère économique.

93      Ces différentes activités économiques d’organisation des compétitions sportives, de commercialisation du spectacle sportif, de diffusion de celui-ci et de placement de publicité sont, au demeurant, complémentaires, voire imbriquées, comme la Cour l’a déjà relevé (voir, en ce sens, arrêts du 11 avril 2000, Deliège, C‑51/96 et C‑191/97, EU:C:2000:199, points 56 et 57, ainsi que du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, point 33).

94      Partant, l’ensemble des règles de la FIFA et de l’UEFA au regard desquelles la juridiction de renvoi interroge la Cour relèvent du champ d’application des articles 45, 49, 56, 63, 101 et 102 TFUE.

3.      Sur l’article 165 TFUE

95      L’ensemble des parties au principal et un grand nombre de gouvernements qui ont pris part à la procédure devant la Cour se sont exprimés, dans des sens différents, sur les conséquences qui sont susceptibles d’être attachées à l’article 165 TFUE dans le cadre des réponses à apporter aux différentes questions posées par la juridiction de renvoi.

96      À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, que l’article 165 TFUE doit être appréhendé à la lumière de l’article 6, sous e), TFUE qui prévoit que l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions pour appuyer, coordonner ou compléter l’action des États membres dans les domaines de l’éducation, de la formation professionnelle, de la jeunesse et du sport. En effet, l’article 165 TFUE concrétise cette disposition en précisant tant les objectifs qui sont assignés à l’action de l’Union dans les domaines concernés que les moyens auxquels il peut être recouru pour contribuer à la réalisation de ces objectifs.

97      Ainsi, s’agissant des objectifs qui sont assignés à l’action de l’Union dans le domaine du sport, l’article 165 TFUE énonce, à son paragraphe 1, second alinéa, que l’Union contribue à la promotion des enjeux européens du sport, tout en tenant compte de ses spécificités, de ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative, et, à son paragraphe 2, dernier tiret, que l’action de l’Union dans ce domaine vise à développer la dimension européenne du sport, en promouvant l’équité et l’ouverture dans les compétitions sportives ainsi que la coopération entre les organismes responsables du sport, et en protégeant l’intégrité physique et morale des sportifs, notamment des plus jeunes d’entre eux.

98      En ce qui concerne les moyens auxquels il peut être recouru pour contribuer à la réalisation de ces objectifs, l’article 165 TFUE prévoit, à son paragraphe 3, que l’Union favorise la coopération avec les pays tiers ainsi qu’avec les organisations internationales compétentes en matière de sport et, à son paragraphe 4, que le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne statuant selon la procédure législative ordinaire ou le Conseil statuant seul sur proposition de la Commission peuvent adopter, respectivement, des actions d’encouragement ou des recommandations.

99      Deuxièmement, ainsi qu’il découle tant du libellé de l’article 165 TFUE que de celui de l’article 6, sous e), TFUE, les auteurs des traités ont entendu conférer à l’Union, par ces dispositions, une compétence d’appui, permettant à celle-ci de mener non pas une « politique », comme cela est prévu par d’autres dispositions du traité FUE, mais une « action » dans plusieurs domaines spécifiques, dont le sport. Lesdites dispositions constituent ainsi une base juridique autorisant l’Union à exercer cette compétence d’appui, dans les conditions et les limites qu’elles fixent, parmi lesquelles figure, selon l’article 165, paragraphe 4, premier tiret, TFUE, l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires adoptées au niveau national. En outre, ladite compétence d’appui permet à l’Union d’adopter des actes juridiques dans le seul but d’appuyer, de coordonner ou de compléter l’action des États membres, conformément à l’article 6 TFUE.

100    Corrélativement, et ainsi que cela ressort également du contexte dans lequel s’inscrit l’article 165 TFUE, en particulier de son insertion dans la troisième partie du traité FUE, qui est consacrée aux « politiques et actions internes de l’Union », et non pas dans la première partie de ce traité, qui contient des dispositions de principe parmi lesquelles figurent, sous un titre II, des « [d]ispositions d’application générale » relatives, notamment, à la promotion d’un niveau élevé d’emploi, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre toute discrimination, à la protection de l’environnement ou encore à la protection des consommateurs, cet article ne constitue pas une disposition d’application générale à caractère transversal.

101    Il s’ensuit que, bien que les institutions compétentes de l’Union doivent tenir compte des différents éléments et objectifs énumérés à l’article 165 TFUE lorsqu’elles adoptent, sur la base de cet article et dans les conditions qu’il fixe, des actions d’encouragement ou des recommandations dans le domaine du sport, ces différents éléments et objectifs ainsi que ces actions d’encouragement et recommandations n’ont pas à être intégrés ou pris en compte de façon contraignante dans l’application des règles sur l’interprétation desquelles la juridiction de renvoi interroge la Cour, que celles-ci concernent les libertés de circulation des personnes, des services et des capitaux (articles 45, 49, 56 et 63 TFUE) ou les règles de concurrence (articles 101 et 102 TFUE). Plus largement, l’article 165 TFUE ne saurait non plus être regardé comme étant une règle spéciale qui soustrairait le sport à tout ou partie des autres dispositions du droit primaire de l’Union susceptibles d’être appliquées à celui-ci ou qui imposerait de lui réserver un traitement particulier dans le cadre de cette application.

102    Il n’en reste pas moins, troisièmement, que, ainsi que la Cour l’a relevé à plusieurs reprises, l’activité sportive revêt une importance sociale et éducative considérable, désormais reflétée à l’article 165 TFUE, pour l’Union ainsi que pour ses citoyens (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, point 106, ainsi que du 13 juin 2019, TopFit et Biffi, C‑22/18, EU:C:2019:497, points 33 et 34).

103    En outre, cette activité présente d’indéniables spécificités qui, tout en concernant tout spécialement le sport amateur, peuvent aussi se retrouver dans l’exercice du sport en tant qu’activité économique (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 2000, Lehtonen et Castors Braine, C‑176/96, EU:C:2000:201, point 33).

104    Enfin, de telles spécificités peuvent éventuellement être prises en compte, entre autres éléments et pour autant qu’elles s’avèrent pertinentes, lors de l’application des articles 45 et 101 TFUE, étant observé, toutefois, que cette prise en compte ne peut s’opérer que dans le cadre et dans le respect des conditions ainsi que des critères d’application prévus à chacun de ces articles. La même appréciation vaut s’agissant des articles 49, 56, 63 et 102 TFUE.

105    En particulier, lorsqu’il est soutenu qu’une règle adoptée par une association sportive constitue une entrave à la liberté de circulation des travailleurs ou une entente anticoncurrentielle, la caractérisation de cette règle comme entrave ou comme entente anticoncurrentielle doit, en toute hypothèse, s’appuyer sur un examen concret du contenu de ladite règle dans le contexte réel dans lequel celle-ci est appelée à être mise en œuvre (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, points 98 à 103 ; du 11 avril 2000, Deliège, C‑51/96 et C‑191/97, EU:C:2000:199, points 61 à 64, ainsi que du 13 avril 2000, Lehtonen et Castors Braine, C‑176/96, EU:C:2000:201, points 48 à 50). Un tel examen peut impliquer de tenir compte, par exemple, de la nature, de l’organisation ou encore du fonctionnement du sport concerné et, plus spécifiquement, de son degré de professionnalisation, de la manière dont il est exercé, de la façon dont interagissent les différents acteurs qui y participent ainsi que du rôle joué par les structures ou les organismes qui en sont responsables à tous les niveaux, avec lesquels l’Union favorise la coopération, conformément à l’article 165, paragraphe 3, TFUE.

106    Par ailleurs, lorsque l’existence d’une entrave à la liberté de circulation des travailleurs est établie, l’association qui a adopté la règle en cause a la possibilité d’en démontrer le caractère justifié, nécessaire et proportionné au regard de certains objectifs pouvant être regardés comme légitimes (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, point 104), lesquels dépendent eux-mêmes des spécificités du sport concerné.

107    C’est au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner successivement les questions de la juridiction de renvoi relatives aux règles de concurrence, puis celle concernant les libertés de circulation.

B.      Sur les première à cinquième questions, relatives aux règles de concurrence

108    Les deux premières questions portent, en substance, sur la manière dont des règles telles que celles de la FIFA et de l’UEFA, relatives à l’autorisation préalable des compétitions internationales de football interclubs ainsi qu’à la participation des clubs de football professionnel et des sportifs à ces compétitions, doivent être appréhendées au regard, d’une part, de l’article 102 TFUE et, d’autre part, de l’article 101, paragraphe 1, TFUE.

109    La troisième question porte sur la manière dont la mise en œuvre annoncée de ces règles, sous la forme des déclaration et communiqué visés aux points 30 et 31 du présent arrêt, doit être appréhendée au regard des mêmes articles.

110    La quatrième question concerne, pour sa part, la manière d’appréhender, au regard desdits articles, des règles telles que celles qui ont été adoptées par la FIFA au sujet des droits d’exploitation desdites compétitions.

111    La cinquième question, qui est posée dans l’hypothèse où les règles mentionnées aux trois points précédents du présent arrêt doivent être regardées comme étant constitutives d’un abus de position dominante relevant de l’article 102 TFUE ou d’une entente anticoncurrentielle interdite par l’article 101, paragraphe 1, TFUE, vise à permettre à la juridiction de renvoi de déterminer si ces règles peuvent néanmoins être admises à la lumière de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 102 TFUE ou dans les conditions prévues à l’article 101, paragraphe 3, TFUE.

112    Compte tenu de la portée de ces différentes questions, il importe, à titre liminaire, de rappeler, en premier lieu, que les articles 101 et 102 TFUE sont applicables à toute entité exerçant une activité économique et devant, comme telle, être qualifiée d’entreprise, indépendamment de sa forme juridique ainsi que de son mode de financement (voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 1991, Höfner et Elser, C‑41/90, EU:C:1991:161, point 21 ; du 11 décembre 2007, ETI e.a., C‑280/06, EU:C:2007:775, point 38, ainsi que du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, points 20 et 21).

113    En conséquence, ces articles sont applicables, notamment, à des entités qui sont constituées sous la forme d’associations ayant pour but, selon leurs statuts, l’organisation et le contrôle d’un sport donné, dans la mesure où ces entités exercent une activité économique en rapport avec ce sport, en offrant des biens ou des services, et où elles doivent être qualifiées, à ce titre, d’« entreprises » (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, points 22, 23 et 26).

114    Par ailleurs, l’article 101 TFUE est également applicable à des entités qui, bien que ne constituant pas nécessairement elles-mêmes des entreprises, peuvent être qualifiées d’« associations d’entreprises ».

115    En l’occurrence, compte tenu de l’objet de l’affaire au principal et des énonciations de la juridiction de renvoi, il convient de considérer que les articles 101 et 102 TFUE sont applicables à la FIFA et à l’UEFA en ce que ces deux associations exercent une double activité économique consistant, ainsi qu’il ressort des points 34, 90 et 92 du présent arrêt, à organiser et à commercialiser des compétitions de football interclubs sur le territoire de l’Union ainsi qu’à exploiter les différents droits liés à ces compétitions, et qu’elles doivent être qualifiées, à ce titre, d’« entreprises ». De surcroît, l’article 101 TFUE leur est applicable puisque lesdites associations ont pour membres des associations nationales de football qui peuvent elles-mêmes être qualifiées d’« entreprises » en ce qu’elles exercent une activité économique liée à l’organisation et à la commercialisation de compétitions de football interclubs à l’échelle nationale ainsi qu’à l’exploitation de droits liés à celles-ci, ou qui ont elles-mêmes pour membres ou pour affiliés des entités pouvant être qualifiées comme telles, à l’instar des clubs de football.

116    En deuxième lieu, à la différence de l’article 102 TFUE, qui vise uniquement les comportements unilatéraux d’entreprises détenant, individuellement ou le cas échéant collectivement, une position dominante, l’article 101 TFUE vise à appréhender différentes formes de comportement ayant pour point commun de résulter du concours de plusieurs entreprises, à savoir les « accords entre entreprises », les « pratiques concertées » et les « décisions d’associations d’entreprises », sans tenir compte de leur position sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, C‑395/96 P et C‑396/96 P, EU:C:2000:132, points 34 à 36).

117    Dans la présente affaire, l’application de l’article 102 TFUE à une entité telle que la FIFA ou l’UEFA suppose, entre autres conditions, de démontrer que cette entité détient une position dominante sur un marché donné. Or, en l’occurrence, il ressort des énonciations de la juridiction de renvoi que celle-ci considère que chacune de ces deux entités détient une position dominante sur le marché de l’organisation et de la commercialisation des compétitions de football interclubs sur le territoire de l’Union ainsi que de l’exploitation des différents droits liés à ces compétitions. Dès lors, c’est en se fondant sur cette prémisse factuelle et juridique, au demeurant incontestable compte tenu, en particulier, de la circonstance que la FIFA et l’UEFA sont les seules associations qui organisent et commercialisent de telles compétitions à l’échelle mondiale et européenne, à la différence de la situation qui prévaut s’agissant d’autres disciplines sportives, qu’il convient de répondre aux questions de la juridiction de renvoi sur l’interprétation de l’article 102 TFUE.

118    Quant à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, son application en présence d’entités telles que la FIFA ou l’UEFA implique d’établir l’existence d’un « accord », d’une « pratique concertée » ou d’une « décision d’association d’entreprises », lesquels peuvent eux-mêmes être de différentes natures et se présenter sous différentes formes. En particulier, la décision d’une association consistant à adopter ou à mettre en œuvre une réglementation ayant une incidence directe sur les conditions d’exercice de l’activité économique des entreprises qui en sont directement ou indirectement membres peut constituer une telle « décision d’association d’entreprises », au sens de cette disposition (voir, en ce sens, arrêts du 19 février 2002, Wouters e.a., C‑309/99, EU:C:2002:98, point 64, ainsi que du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, EU:C:2013:127, points 42 à 45). En l’occurrence, c’est au regard de décisions de ce type que la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, à savoir celles consistant, pour la FIFA et pour l’UEFA, à avoir adopté des règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions internationales de football interclubs, au contrôle de la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à ces compétitions ainsi qu’aux sanctions qui peuvent être infligées en cas de méconnaissance de ces règles d’autorisation préalable et de participation.

119    En troisième et dernier lieu, dans la mesure où les questions posées par la juridiction de renvoi portent à la fois sur l’article 101 TFUE et sur l’article 102 TFUE, il convient de rappeler qu’un même comportement peut donner lieu à une infraction tant au premier qu’au second de ces deux articles, même si ceux-ci poursuivent des objectifs et ont un champ d’application distincts. Lesdits articles peuvent donc trouver à s’appliquer concomitamment lorsque leurs conditions d’application respectives sont réunies [voir, en ce sens, arrêts du 11 avril 1989, Saeed Flugreisen et Silver Line Reisebüro, 66/86, EU:C:1989:140, point 37 ; du 16 mars 2000, Compagnie maritime belge transports e.a./Commission, C‑395/96 P et C‑396/96 P, EU:C:2000:132, point 33, ainsi que du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 146]. Ils doivent, dès lors, être interprétés et appliqués de façon cohérente, dans le respect, toutefois, des spécificités qui caractérisent l’un et l’autre de ces mêmes articles.

1.      Sur la première question, relative à l’interprétation de l’article 102 TFUE en présence de règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions de football interclubs ainsi qu’à  la participation des clubs et des sportifs à ces compétitions

120    Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens que constitue un abus de position dominante le fait, pour des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, d’avoir adopté et de mettre en œuvre des règles subordonnant à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, d’une nouvelle compétition de football interclubs par une entreprise tierce, sans que ce pouvoir soit encadré par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif et non discriminatoire.

121    Cela étant, ainsi qu’il résulte à la fois du libellé des règles auxquelles cette question se réfère et des énonciations de la décision de renvoi qui sous-tendent ladite question, les règles en cause au principal portent non seulement sur l’autorisation préalable des compétitions internationales de football interclubs mais également sur la possibilité, pour les clubs de football professionnel et pour les joueurs, de participer à de telles compétitions. Ainsi qu’il ressort également de ces énonciations, le non-respect desdites règles est, par ailleurs, assorti de sanctions applicables aux personnes physiques ou morales contrevenantes, sanctions qui incluent, comme le mentionne la troisième question posée par la juridiction de renvoi et comme l’ont rappelé toutes les parties au principal, l’exclusion des clubs de football professionnel de toutes les compétitions organisées par la FIFA et par l’UEFA, l’interdiction faite aux joueurs de participer à des compétitions de football interclubs ou encore l’interdiction, pour ceux-ci, de participer à des rencontres entre équipes représentatives d’associations nationales de football.

122    Compte tenu de ces éléments, il convient de considérer que, par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens que constitue un abus de position dominante le fait, pour des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, d’avoir adopté et de mettre en œuvre des règles subordonnant à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, d’une nouvelle compétition de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlant la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à une telle compétition, sous peine de sanctions, sans que ces différents pouvoirs soient encadrés par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné.

a)      Sur la notion d’« abus de position dominante »

123    L’article 102 TFUE déclare incompatible avec le marché intérieur et interdit, dans la mesure où le commerce entre États membres est susceptible d’en être affecté, le fait pour une ou plusieurs entreprises d’exploiter de façon abusive une position dominante dans le marché intérieur ou dans une partie substantielle de celui-ci.

124    Ainsi qu’il découle de la jurisprudence constante de la Cour, cet article vise à éviter qu’il ne soit porté atteinte à la concurrence au détriment de l’intérêt général, des entreprises individuelles et des consommateurs, en réprimant les comportements d’entreprises en position dominante qui restreignent la concurrence par les mérites et sont ainsi susceptibles de causer un préjudice direct à ces derniers, ou qui empêchent ou faussent cette concurrence et sont ainsi susceptibles de leur causer un préjudice indirect (voir, en ce sens, arrêts du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, points 22 et 24 ; du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 20, ainsi que du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, points 41 et 44).

125    Constituent de tels comportements ceux qui, sur un marché où le degré de concurrence est déjà affaibli, à la suite précisément de la présence d’une ou de plusieurs entreprises en position dominante, font obstacle, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent la concurrence par les mérites entre les entreprises, au maintien du degré de concurrence existant sur le marché ou au développement de cette concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 2010, Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, points 174 et 177 ; du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 24, ainsi que du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 68).

126    En revanche, l’article 102 TFUE ne vise ni à empêcher les entreprises de conquérir, par leurs propres mérites, une position dominante sur un ou plusieurs marchés ni à assurer que des entreprises concurrentes moins efficaces que celles qui détiennent une telle position restent sur le marché (voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 21 ; du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 133, ainsi que du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 73).

127    Au contraire, la concurrence par les mérites peut, par définition, conduire à la disparition ou à la marginalisation d’entreprises concurrentes moins efficaces et donc moins intéressantes pour les consommateurs en termes, notamment, de prix, de production, de choix, de qualité ou d’innovation (voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 22 ; du 6 septembre 2017, Intel/Commission, C‑413/14 P, EU:C:2017:632, point 134, ainsi que du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 45).

128    À plus forte raison, tout en faisant peser sur les entreprises en position dominante la responsabilité particulière de ne pas porter atteinte, par leur comportement, à une concurrence effective et non faussée dans le marché intérieur, l’article 102 TFUE incrimine non pas l’existence elle-même d’une position dominante, mais seulement l’exploitation abusive de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 23, et du 6 décembre 2012, AstraZeneca/Commission, C‑457/10 P, EU:C:2012:770, point 188).

b)      Sur la caractérisation de l’existence d’un abus de position dominante

129    Pour pouvoir considérer, dans un cas donné, qu’un comportement doit être qualifié d’« exploitation abusive d’une position dominante », il est nécessaire, en règle générale, de démontrer que, par le recours à des moyens différents de ceux qui gouvernent la concurrence par les mérites entre les entreprises, ce comportement a pour effet actuel ou potentiel de restreindre cette concurrence en évinçant des entreprises concurrentes aussi efficaces du ou des marchés concernés (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 25), ou en empêchant leur développement sur ces marchés, étant observé que ces derniers peuvent être aussi bien ceux où la position dominante est détenue que ceux, connexes ou voisins, où ledit comportement a vocation à produire ses effets actuels ou potentiels (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 1996, Tetra Pak/Commission, C‑333/94 P, EU:C:1996:436, points 25 à 27 ; du 17 février 2011, TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, points 84 à 86, ainsi que du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 76).

130    Cette démonstration, qui peut impliquer de recourir à des grilles d’analyse différentes en fonction du type de comportement qui est en cause dans un cas d’espèce donné, doit toutefois être effectuée, dans tous les cas, en appréciant l’ensemble des circonstances factuelles pertinentes (voir, en ce sens, arrêts du 19 avril 2012, Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 18, ainsi que du 19 janvier 2023, Unilever Italia Mkt. Operations, C‑680/20, EU:C:2023:33, point 40), que celles-ci concernent ce comportement lui-même, le ou les marchés en cause ou le fonctionnement de la concurrence sur celui-ci ou ceux-ci. En outre, ladite démonstration doit viser à établir, en se fondant sur des éléments d’analyse et de preuve précis et concrets, que ledit comportement a, à tout le moins, la capacité de produire des effets d’éviction (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 2023, Unilever Italia Mkt. Operations, C‑680/20, EU:C:2023:33, points 42, 51 et 52 ainsi que jurisprudence citée).

131    Au-delà des seuls comportements ayant pour effet actuel ou potentiel de restreindre la concurrence par les mérites en évinçant des entreprises concurrentes aussi efficaces du ou des marchés concernés, peuvent également être qualifiés d’« exploitation abusive d’une position dominante » des comportements dont il est démontré qu’ils ont soit pour effet actuel ou potentiel, soit même pour objet, d’empêcher à un stade préalable , par la mise en place de barrières à l’entrée ou par le recours à d’autres mesures de verrouillage ou à d’autres moyens différents de ceux qui gouvernent la concurrence par les mérites, des entreprises potentiellement concurrentes ne serait-ce que d’accéder à ce ou ces marchés et, ce faisant, d’empêcher le développement de la concurrence sur ceux-ci au détriment des consommateurs, en y limitant la production, le développement de produits ou de services alternatifs ou encore l’innovation [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 154 à 157].

132    Ainsi, s’il n’est pas interdit en tant que tel à un État membre d’attribuer à une entreprise, par voie législative ou réglementaire, des droits exclusifs ou spéciaux sur un marché, une telle situation ne doit toutefois pas être susceptible de permettre à cette entreprise d’exploiter abusivement la position dominante qui en découle, par exemple en exerçant les droits en question d’une façon qui empêche des entreprises potentiellement concurrentes d’accéder au marché concerné ou à des marchés connexes ou voisins (voir, en ce sens, arrêts du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C‑179/90, EU:C:1991:464, point 14, ainsi que du 13 décembre 1991, GB-Inno-BM, C‑18/88, EU:C:1991:474, points 17 à 19 et 24). Une telle exigence vaut, à plus forte raison, lorsque de tels droits confèrent à ladite entreprise le pouvoir de déterminer si et, le cas échéant, sous quelles conditions d’autres entreprises sont autorisées à exercer leur activité économique (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, points 38 et 51).

133    En effet, le maintien ou le développement non faussé de la concurrence dans le marché intérieur ne peut être garanti que si l’égalité des chances entre les entreprises est assurée. Or, le fait de conférer à une entreprise qui exerce une activité économique donnée le pouvoir de déterminer, de jure ou même de facto, quelles autres entreprises sont autorisées à exercer elles aussi cette activité ainsi que de fixer les conditions dans lesquelles cette dernière peut être exercée la place dans une situation de conflit d’intérêts et lui donne un avantage évident sur ses concurrents, en lui permettant de les empêcher d’accéder au marché concerné ou de favoriser sa propre activité (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 1991, GB-Inno-BM, C‑18/88, EU:C:1991:474, point 25 ; du 12 février 1998, Raso e.a., C‑163/96, EU:C:1998:54, points 28 et 29, ainsi que du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, points 51 et 52) ainsi que, ce faisant, d’empêcher le développement de la concurrence par les mérites au détriment des consommateurs, en y limitant la production, le développement de produits ou de services alternatifs ou encore l’innovation.

134    Par conséquent, l’attribution de droits exclusifs ou spéciaux conférant un tel pouvoir à l’entreprise concernée, ou l’existence d’une situation analogue sur les marchés pertinents, doit être assortie de limites, d’obligations et d’un contrôle propres à exclure le risque d’exploitation abusive de sa position dominante par celle-ci, afin de ne pas violer, par elle-même, l’article 102 TFUE, lu en combinaison avec l’article 106 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, point 53).

135    Plus spécifiquement, lorsque l’entreprise concernée a le pouvoir de déterminer les conditions dans lesquelles des entreprises potentiellement concurrentes peuvent accéder au marché ou de se prononcer au cas par cas à ce sujet, par voie de décision portant autorisation préalable ou refus d’autorisation préalable d’un tel accès, ce pouvoir doit, pour ne pas violer, par son existence même, l’article 102 TFUE, lu en combinaison avec l’article 106 TFUE, être encadré par des critères matériels transparents, clairs et précis (voir, par analogie, arrêt du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, EU:C:2013:127, points 84 à 86, 90, 91 et 99), permettant d’éviter qu’il puisse être utilisé de manière arbitraire. Ces critères doivent être propres à assurer l’exercice non discriminatoire d’un tel pouvoir et à permettre un contrôle effectif (voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, EU:C:2013:127, point 99).

136    Par ailleurs, le pouvoir en question doit être encadré par des modalités procédurales transparentes et non discriminatoires relatives, notamment, aux délais applicables à la présentation d’une demande d’autorisation préalable et à l’adoption d’une décision sur celle-ci. À cet égard, les délais fixés ne doivent pas être susceptibles de jouer au détriment des entreprises potentiellement concurrentes en les empêchant d’accéder de façon effective au marché (voir, par analogie, arrêt du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, EU:C:2013:127, points 86 et 92) et, en définitive, de limiter ainsi la production, le développement de produits ou de services alternatifs et l’innovation.

137    Des exigences identiques à celles rappelées aux trois points précédents du présent arrêt s’imposent d’autant plus quand c’est par son comportement autonome, et non pas du fait de l’attribution de droits exclusifs ou spéciaux par un État membre qu’une entreprise en position dominante se place elle-même dans la situation de pouvoir empêcher des entreprises potentiellement concurrentes d’accéder à un marché donné (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 1991, GB-Inno-BM, C‑18/88, EU:C:1991:474, point 20). Tel peut être le cas lorsque cette entreprise dispose d’un pouvoir de réglementation, de contrôle et de sanction lui permettant d’autoriser ou de contrôler cet accès, et donc d’un moyen différent de ceux qui sont normalement mobilisables par les entreprises et qui gouvernent la concurrence par les mérites entre celles‑ci.

138    Par conséquent, un tel pouvoir doit pareillement être assorti de limites, d’obligations et d’un contrôle propres à exclure le risque d’exploitation abusive d’une position dominante, afin de ne pas violer l’article 102 TFUE.

c)      Sur la qualification, en tant qu’abus de position dominante, de règles relatives à l’autorisation préalable  des compétitions de football interclubs ainsi qu’à la participation des clubs et des sportifs à ces compétitions

139    En l’occurrence, il ressort des énonciations de la juridiction de renvoi que la FIFA et l’UEFA exercent toutes deux une activité économique d’organisation et de commercialisation de compétitions internationales de football ainsi que d’exploitation des différents droits liés à ces compétitions. Ces associations constituent donc toutes deux, dans cette mesure, des entreprises. Par ailleurs, elles détiennent toutes deux une position dominante, voire un monopole, sur le marché correspondant.

140    Ensuite, il résulte des énonciations de la décision de renvoi que les règles au regard desquelles cette juridiction interroge la Cour figurent dans les statuts qui ont été adoptés par la FIFA et l’UEFA, en leur qualité d’associations et en vertu des pouvoirs de réglementation et de contrôle qu’elles se sont attribués, et qu’elles confèrent à ces deux entités non seulement le pouvoir d’autoriser la création et l’organisation, par une entreprise tierce, d’une nouvelle compétition de football interclubs sur le territoire de l’Union, mais également celui d’encadrer la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à une telle compétition, sous peine de sanctions.

141    Enfin, selon les énonciations de la juridiction de renvoi, ces différents pouvoirs ne sont encadrés ni par des critères matériels ni par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif et non discriminatoire.

142    À cet égard, il découle de la jurisprudence citée au point 75 du présent arrêt qu’il est loisible à des associations qui sont responsables d’une discipline sportive, telles que la FIFA et l’UEFA, d’adopter, de mettre en œuvre et de faire respecter des règles relatives non seulement, de façon générale, à l’organisation et au déroulement des compétitions internationales dans cette discipline, en l’occurrence le football professionnel, mais aussi, plus particulièrement, à leur autorisation préalable ainsi qu’à la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à celles-ci.

143    En effet, ce sport, qui revêt dans l’Union une considérable importance non seulement sociale et culturelle (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, point 106, et du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais, C‑325/08, EU:C:2010:143, point 40), mais aussi médiatique, se caractérise, entre autres spécificités, par la circonstance qu’il donne lieu à l’organisation de nombreuses compétitions aux niveaux tant européen que national, auxquelles sont appelés à participer de très nombreux clubs et de très nombreux joueurs. En outre, il se caractérise, à l’instar de certains autres sports, par le fait que la participation à ces compétitions est réservée à des équipes ayant obtenu certains résultats sportifs (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, point 132), le déroulement desdites compétitions étant fondé sur l’affrontement et l’élimination progressive de ces équipes. Il repose, par conséquent, essentiellement sur le mérite sportif, lequel ne peut être garanti que si toutes les équipes en présence s’affrontent dans des conditions réglementaires et techniques homogènes, assurant une certaine égalité des chances.

144    Ces différentes spécificités permettent de considérer qu’il est légitime de soumettre l’organisation et le déroulement des compétitions internationales de football professionnel à des règles communes destinées à garantir l’homogénéité et la coordination de ces compétitions au sein d’un calendrier d’ensemble ainsi que, plus largement, à promouvoir, de façon adéquate et effective, la tenue de compétitions sportives fondées sur l’égalité des chances et le mérite. En outre, il est légitime de s’assurer du respect de ces règles communes au moyen de règles telles que celles mises en place par la FIFA et l’UEFA en ce qui concerne l’autorisation préalable desdites compétitions ainsi que la participation des clubs et des joueurs à celles‑ci.

145    Dans la mesure où de telles règles d’autorisation préalable et de participation sont ainsi légitimes dans le contexte spécifique du football professionnel et des activités économiques auxquelles l’exercice de ce sport donne lieu, ni l’adoption de celles-ci ni leur mise en œuvre ne peuvent être qualifiées, dans leur principe et de façon générale, d’« exploitation abusive d’une position dominante » (voir, par analogie, s’agissant d’une restriction à la liberté de prestation de services, arrêt du 11 avril 2000, Deliège, C‑51/96 et C‑191/97, EU:C:2000:199, point 64).

146    Il en va de même des sanctions instituées accessoirement à ces règles, dans la mesure où de telles sanctions sont légitimes, dans leur principe, pour garantir l’effectivité desdites règles (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C‑519/04 P, EU:C:2006:492, point 44).

147    En revanche, aucune des spécificités qui caractérise le football professionnel n’est susceptible de permettre de considérer comme légitimes l’adoption et, à plus forte raison, la mise en œuvre de règles d’autorisation préalable et de participation qui, de façon générale, ne sont pas assorties de limites, d’obligations et d’un contrôle propres à exclure le risque d’exploitation abusive d’une position dominante, et qui, plus particulièrement, ne sont pas encadrées par des critères matériels et par des modalités procédurales propres à garantir leur caractère transparent, objectif, précis et non discriminatoire, alors même qu’elles confèrent à l’entité qui est appelée à les mettre en œuvre le pouvoir d’empêcher toute entreprise concurrente d’accéder au marché. De telles règles doivent être considérées comme violant l’article 102 TFUE, ainsi qu’il découle des points 134 à 138 du présent arrêt.

148    De même, en l’absence de critères matériels et de modalités procédurales assurant le caractère transparent, objectif, précis, non discriminatoire et proportionné des sanctions instituées accessoirement à ces règles, de telles sanctions doivent être considérées, par leur nature même, comme violant l’article 102 TFUE en ce qu’elles revêtent un caractère discrétionnaire. En effet, une telle situation rend impossible de vérifier, de façon transparente et objective, si leur mise en œuvre au cas par cas est justifiée et proportionnée au vu des caractéristiques concrètes du projet de compétition internationale interclubs concerné.

149    À cet égard, est sans pertinence la circonstance que la FIFA et l’UEFA ne jouissent pas d’un monopole légal et que des entreprises concurrentes peuvent, en théorie, créer de nouvelles compétitions qui ne seraient pas soumises aux règles adoptées et appliquées par ces deux associations. En effet, ainsi qu’il ressort des énonciations de la juridiction de renvoi, la position dominante de la FIFA et de l’UEFA sur le marché de l’organisation et de la commercialisation des compétitions internationales de football interclubs est telle que, en pratique, il est, en l’état actuel, impossible de créer, de façon viable, une compétition extérieure à leur écosystème, compte tenu du contrôle qu’elles exercent, directement ou par l’intermédiaire des associations nationales de football qui en sont membres, sur les clubs, sur les joueurs ainsi que sur d’autres types de compétitions, comme celles qui sont organisées au niveau national.

150    En l’occurrence, c’est toutefois à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra de qualifier les règles en cause au principal au regard de l’article 102 TFUE, après avoir procédé aux vérifications complémentaires qui pourront lui paraître nécessaires.

151    Dans cette perspective, il importe de préciser que, pour qu’il puisse être considéré que des règles d’autorisation préalable des compétitions sportives et de participation à ces compétitions, telles que celles en cause au principal, sont encadrées par des critères matériels transparents, objectifs et précis ainsi que par des modalités procédurales transparentes et non discriminatoires ne faisant pas obstacle à un accès effectif au marché, il faut, en particulier, que ces critères et ces modalités aient été édictés, sous une forme accessible, préalablement à toute mise en œuvre desdites règles. En outre, pour que lesdits critères et lesdites modalités puissent être regardés comme étant non discriminatoires, il est nécessaire, eu égard, notamment, au fait que des entités telles que la FIFA et l’UEFA exercent elles-mêmes différentes activités économiques sur le marché concerné par leurs règles d’autorisation préalable et de participation, que ces mêmes critères et modalités ne soumettent pas l’organisation et la commercialisation de compétitions tierces ainsi que la participation des clubs et des joueurs à celles-ci à des exigences qui seraient soit différentes de celles qui sont applicables aux compétitions organisées et commercialisées par l’entité décisionnaire, soit identiques ou similaires mais impossibles ou excessivement difficiles à remplir en pratique par une entreprise qui n’a pas la même qualité d’association ou ne dispose pas des mêmes pouvoirs que cette entité et qui se trouve, dès lors, dans une situation différente de celle-ci. Enfin, pour que les sanctions instituées accessoirement à des règles d’autorisation préalable et de participation telles que celles en cause au principal ne soient pas discrétionnaires, elles doivent être gouvernées par des critères qui doivent non seulement être, eux aussi, transparents, objectifs, précis et non discriminatoires, mais également garantir que ces sanctions sont déterminées, dans chaque cas concret, dans le respect du principe de proportionnalité compte tenu, notamment, de la nature, de la durée ainsi que de la gravité du manquement constaté.

152    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que l’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens que constitue un abus de position dominante le fait, pour des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, d’avoir adopté et de mettre en œuvre des règles subordonnant à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, d’une nouvelle compétition de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlant la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à une telle compétition, sous peine de sanctions, sans que ces différents pouvoirs soient encadrés par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné.

2.      Sur la deuxième question, relative à l’interprétation de l’article 101, paragraphe 1, TFUE en présence de règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions de football interclubs  ainsi qu’à la participation des clubs et des sportifs à ces compétitions

153    Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que constitue une décision d’association d’entreprises ayant pour objet ou pour effet d’empêcher la concurrence le fait, pour des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, d’avoir adopté et de mettre en œuvre, directement ou par l’intermédiaire des associations nationales de football qui en sont membres, des règles subordonnant à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, d’une nouvelle compétition de football interclubs par une entreprise tierce, sans que ce pouvoir soit encadré par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif et non discriminatoire.

154    Cela étant, compte tenu des énonciations de la décision de renvoi qui sous-tendent cette question, et pour des raisons identiques à celles qui sont exposées au point 121 du présent arrêt, il convient de considérer que, par ladite question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que constitue une décision d’association d’entreprises ayant pour objet ou pour effet d’empêcher la concurrence le fait, pour des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, d’avoir adopté et de mettre en œuvre, directement ou par l’intermédiaire des associations nationales de football qui en sont membres, des règles subordonnant à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, d’une nouvelle compétition de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlant la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à une telle compétition, sous peine de sanctions, sans que ces différents pouvoirs soient encadrés par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné.

a)      Sur la notion  de comportement ayant pour « objet » ou pour « effet » de porter atteinte à la concurrence et sur la caractérisation de l’existence d’un tel comportement

155    En premier lieu, l’article 101, paragraphe 1, TFUE déclare incompatibles avec le marché intérieur et interdit tous accords entre entreprises, toutes décisions d’associations d’entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d’affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché intérieur.

156    En l’occurrence, ainsi qu’il découle du libellé de la question, la juridiction de renvoi interroge uniquement la Cour, en substance, sur le point de savoir si l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que des décisions d’associations d’entreprises telles que celles matérialisées par les règles de la FIFA et de l’UEFA auxquelles elle se réfère ont « pour objet ou pour effet » d’« empêcher » la concurrence.

157    Toutefois, la décision de renvoi met aussi clairement en évidence les raisons qui ont conduit cette juridiction à estimer que ces décisions d’associations d’entreprises sont, par ailleurs, susceptibles d’affecter le commerce entre États membres.

158    En second lieu, pour pouvoir considérer, dans un cas donné, qu’un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée relève de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, il est nécessaire, conformément aux termes mêmes de cette disposition, de démontrer soit que ce comportement a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence, soit que ce comportement a un tel effet (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 1966, LTM, 56/65, EU:C:1966:38, page 359, et du 29 juin 2023, Super Bock Bebidas, C‑211/22, EU:C:2023:529, point 31).

159    À cette fin, il convient de procéder, dans un premier temps, à l’examen de l’objet du comportement en cause. Dans l’hypothèse où, au terme d’un tel examen, ce comportement s’avère avoir un objet anticoncurrentiel, il n’est pas nécessaire de procéder à l’examen de son effet sur la concurrence. Ce n’est donc que dans l’hypothèse où ledit comportement ne peut être considéré comme ayant un tel objet anticoncurrentiel qu’il est nécessaire de procéder, dans un second temps, à l’examen de cet effet (voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 1966, LTM, 56/65, EU:C:1966:38, page 359, ainsi que du 26 novembre 2015, Maxima Latvija, C‑345/14, EU:C:2015:784, points 16 et 17).

160    L’examen qu’il convient d’effectuer diffère selon qu’il porte sur le point de savoir si le comportement en cause a pour « objet » ou pour « effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence, chacune de ces deux notions étant soumise à un régime juridique et probatoire distinct [voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 63].

1)      Sur la caractérisation de l’existence d’un comportement ayant pour « objet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence

161    Ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour, telle que récapitulée, en particulier, dans les arrêts du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a. (C‑179/16, EU:C:2018:25, point 78), et du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a. (C‑307/18, EU:C:2020:52, point 67), la notion d’« objet » anticoncurrentiel, tout en ne constituant pas, comme il découle des points 158 et 159 du présent arrêt, une exception par rapport à la notion d’« effet » anticoncurrentiel, doit néanmoins être interprétée de manière stricte .

162    Ainsi, cette notion doit être comprise comme renvoyant exclusivement à certains types de coordination entre entreprises qui révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour qu’il puisse être considéré qu’un examen de leurs effets n’est pas nécessaire. En effet, certaines formes de coordination entre entreprises peuvent être regardées, par leur nature même, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence [voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 1966, LTM, 56/65, EU:C:1966:38, page 359 ; du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a., C‑179/16, EU:C:2018:25, point 78, ainsi que du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 67].

163    Parmi les types de comportements qui doivent être considérés comme tels figurent, au premier chef, certains comportements collusoires particulièrement nocifs à l’égard de la concurrence, tels que les cartels horizontaux conduisant à la fixation des prix, à la limitation des capacités de production ou à la répartition de la clientèle. En effet, ces types de comportements sont de nature à entraîner une hausse des prix ou une réduction de la production et, donc, de l’offre, aboutissant à une mauvaise utilisation des ressources, au détriment des entreprises utilisatrices et des consommateurs (voir, en ce sens, arrêts du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, points 17 et 33 ; du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 51, ainsi que du 16 juillet 2015, ING Pensii, C‑172/14, EU:C:2015:484, point 32).

164    Sans être nécessairement aussi nocifs à l’égard de la concurrence, d’autres types de comportements peuvent également être considérés, dans certains cas, comme ayant un objet anticoncurrentiel. Il en va ainsi, notamment, de certains types d’accords horizontaux autres que des cartels, par exemple ceux conduisant à l’exclusion d’entreprises concurrentes du marché [voir, en ce sens, arrêts du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, points 76, 77, 83 à 87 et 101, ainsi que du 25 mars 2021, Lundbeck/Commission, C‑591/16 P, EU:C:2021:243, points 113 et 114], ou encore de certains types de décisions d’associations d’entreprises (voir, en ce sens, arrêt du 27 janvier 1987, Verband der Sachversicherer/Commission, 45/85, EU:C:1987:34, point 41).

165    Afin de déterminer, dans un cas donné, si un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée présente, par sa nature même, un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence pour pouvoir être considéré comme ayant pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser celle-ci, il est nécessaire d’examiner, premièrement, la teneur de l’accord, de la décision ou de la pratique en cause, deuxièmement, le contexte économique et juridique dans lequel ils s’insèrent et, troisièmement, les buts qu’ils visent à atteindre (voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53, ainsi que du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a., C‑179/16, EU:C:2018:25, point 79).

166    À cet égard, tout d’abord, s’agissant du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrit le comportement en cause, il y a lieu de prendre en considération la nature des produits ou des services concernés ainsi que les conditions réelles qui caractérisent la structure et le fonctionnement du ou des secteurs ou marchés en question (arrêts du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 53, ainsi que du 23 janvier 2018, F. Hoffmann-La Roche e.a., C‑179/16, EU:C:2018:25, point 80). En revanche, il n’est en aucune manière nécessaire d’examiner et à plus forte raison de démontrer les effets de ce comportement sur la concurrence, qu’ils soient réels ou potentiels et négatifs ou positifs, comme cela découle de la jurisprudence citée aux points 158 et 159 du présent arrêt.

167    Ensuite, en ce qui concerne les buts poursuivis par le comportement en cause, il y a lieu de déterminer les buts objectifs que ce comportement vise à atteindre à l’égard de la concurrence. En revanche, la circonstance que les entreprises impliquées ont agi sans avoir l’intention subjective d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence et le fait qu’elles ont poursuivi certains objectifs légitimes ne sont pas déterminants aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, EU:C:2006:229, points 64 et 77 ainsi que jurisprudence citée, et du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, point 21).

168    Enfin, la prise en considération de l’ensemble des éléments visés aux trois points précédents du présent arrêt doit, en tout état de cause, faire apparaître les raisons précises pour lesquelles le comportement en cause présente un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence, justifiant de considérer qu’il a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 11 septembre 2014, CB/Commission, C‑67/13 P, EU:C:2014:2204, point 69).

2)      Sur la caractérisation de l’existence d’un comportement ayant pour « effet » d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence

169    La notion de comportement ayant un « effet » anticoncurrentiel englobe, quant à elle, tout comportement qui ne peut être considéré comme ayant un « objet » anticoncurrentiel, à condition qu’il soit démontré que ce comportement a pour effet actuel ou potentiel d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence, et cela de manière sensible [voir, en ce sens, arrêts du 28 mai 1998, Deere/Commission, C‑7/95 P, EU:C:1998:256, point 77, ainsi que du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 117].

170    À cette fin, il est nécessaire d’examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait en l’absence de l’accord, de la décision d’association d’entreprises ou de la pratique concertée en cause [arrêts du 30 juin 1966, LTM, 56/65, EU:C:1966:38, page 360, ainsi que du 30 janvier 2020, Generics (UK) e.a., C‑307/18, EU:C:2020:52, point 118], en définissant le ou les marchés sur lesquels ce comportement a vocation à produire ses effets, puis en caractérisant ces derniers, qu’ils soient réels ou potentiels. Cet examen implique lui-même de tenir compte de l’ensemble des circonstances pertinentes.

b)      Sur la qualification, en tant que décision d’association d’entreprises ayant pour « objet » de restreindre la concurrence,  des règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions de football interclubs ainsi qu’à la participation des clubs et des sportifs à ces compétitions

171    En l’occurrence, il résulte des énonciations de la décision de renvoi, tout d’abord, que les règles de la FIFA et de l’UEFA au regard desquelles la juridiction de renvoi interroge la Cour confèrent à ces deux entités non seulement le pouvoir d’autoriser la création et l’organisation de toute compétition de football sur le territoire de l’Union, donc notamment de toute nouvelle compétition de football interclubs qui serait envisagée par une entreprise tierce, mais également celui de contrôler la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à une telle compétition, sous peine de sanctions.

172    S’agissant, plus particulièrement, de la teneur des règles de la FIFA, il ressort des énonciations de la décision de renvoi que celles-ci prévoient, premièrement, qu’aucune ligue internationale ou autre groupement analogue de clubs ou de ligues ne peut être formé sans le consentement de cette entité et de l’association ou des associations nationales de football dont ces clubs ou ces ligues sont membres. Deuxièmement, aucun match ou compétition ne peut avoir lieu sans autorisation préalable de la FIFA, de l’UEFA et de cette ou de ces associations. Troisièmement, aucun joueur ni aucune équipe affiliée à une association nationale de football membre de la FIFA ou de l’UEFA ne peut jouer de match ni avoir de contact sportif avec un autre joueur ou une autre équipe non affiliée, sans l’accord de la FIFA. Quatrièmement, les associations, ligues ou clubs appartenant à une association nationale de football membre de la FIFA ne peuvent s’affilier à une autre association membre ou participer à des compétitions dans le ressort territorial de celle‑ci qu’à titre exceptionnel et avec l’autorisation de la FIFA, de l’UEFA et des deux associations en cause.

173    Pour leur part, les règles de l’UEFA prévoient, selon la décision de renvoi, premièrement, que cette entité décide seule de l’organisation et de la suppression, dans son ressort territorial, de compétitions internationales auxquelles participent des associations nationales de football qui sont membres de celle-ci ou des clubs qui sont affiliés à ces dernières, à l’exception des compétitions qui sont organisées par la FIFA. Deuxièmement, les matches, compétitions ou tournois internationaux qui ne sont pas organisés par l’UEFA mais joués dans le ressort territorial de celle-ci nécessitent l’autorisation préalable de la FIFA, de l’UEFA et/ou des associations membres concernées, conformément au règlement des matches internationaux de la FIFA. Troisièmement, aucun regroupement ni aucune alliance entre des ligues ou des clubs directement ou indirectement affiliés à différentes associations nationales de football membres de l’UEFA ne peut être formé sans l’autorisation de l’UEFA.

174    Par ailleurs, aucun des pouvoirs dont disposent ainsi la FIFA et l’UEFA n’est, selon la juridiction de renvoi, encadré par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif et non discriminatoire, tels que ceux mentionnés au point 151 du présent arrêt.

175    Ensuite, il découle des points 142 à 149 du présent arrêt que, si la nature spécifique des compétitions internationales de football et les conditions réelles qui caractérisent la structure et le fonctionnement du marché de l’organisation et de la commercialisation de ces compétitions sur le territoire de l’Union permettent de considérer comme étant légitimes, dans leur principe, des règles d’autorisation préalable telles que celles qui viennent d’être rappelées, ces éléments de contexte ne sont, en revanche, pas susceptibles de légitimer l’absence de critères matériels et de modalités procédurales propres à garantir le caractère transparent, objectif, précis et non discriminatoire de telles règles.

176    Enfin, même si l’adoption de ces règles d’autorisation préalable peut être motivée par la poursuite de certains objectifs légitimes, comme celui consistant à faire respecter les principes, les valeurs et les règles du jeu qui sous-tendent le football professionnel, il n’en reste pas moins que celles-ci soumettent aux pouvoirs d’autorisation préalable et de sanction des entités qui les ont adoptées, en leur qualité d’associations d’entreprises, l’organisation et la commercialisation de toute compétition internationale de football autre que celles que ces deux entités organisent en parallèle, dans le cadre de l’exercice d’une activité économique. Or, ce faisant, ces règles donnent auxdites entités le pouvoir d’autoriser, de contrôler ou de conditionner l’accès de toute entreprise potentiellement concurrente au marché concerné, et de déterminer aussi bien le degré de concurrence qui peut exister sur ce marché que les conditions dans lesquelles cette éventuelle concurrence peut trouver à s’exercer. À ce titre, lesdites règles sont de nature à permettre, sinon d’exclure dudit marché toute entreprise concurrente, même aussi efficace, du moins de limiter la conception et la commercialisation de compétitions alternatives ou nouvelles par leur format ou leur contenu. Ce faisant, elles sont, en outre, de nature à priver les clubs de football professionnel et les joueurs de toute possibilité de participer à ces compétitions, alors même que celles-ci pourraient, par exemple, proposer un format innovant, tout en respectant l’intégralité des principes, des valeurs et des règles du jeu qui sous-tendent ce sport. Elles sont, en définitive, de nature à priver les spectateurs et les téléspectateurs de toute possibilité de se voir proposer d’assister auxdites compétitions ou d’en regarder la diffusion.

177    Par ailleurs, dans la mesure où les règles d’autorisation préalable des compétitions internationales de football interclubs sont assorties de règles relatives à la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à ces compétitions ainsi qu’aux sanctions auxquelles cette participation est susceptible de donner lieu, il convient d’ajouter que celles-ci sont, à l’évidence, de nature à renforcer l’objet anticoncurrentiel qui est inhérent à tout mécanisme d’autorisation préalable non assorti de limites, d’obligations et d’un contrôle propres à en garantir le caractère transparent, objectif, précis et non discriminatoire. En effet, elles renforcent la barrière à l’entrée résultant d’un tel mécanisme, en empêchant toute entreprise organisatrice d’une compétition potentiellement concurrente de faire utilement appel aux ressources disponibles sur le marché, à savoir les clubs et les joueurs, ces derniers s’exposant, en cas de participation à une compétition n’ayant pas reçu l’autorisation préalable de la FIFA et de l’UEFA, à des sanctions qui, ainsi qu’il a été relevé au point 148 du présent arrêt, ne sont encadrées par aucun critère matériel ni par aucune modalité procédurale propre à assurer leur caractère transparent, objectif, précis, non discriminatoire et proportionné.

178    Pour l’ensemble de ces raisons, il doit être considéré que, dans le cas où elles ne sont pas encadrées par des critères matériels et par des modalités procédurales propres à en garantir le caractère transparent, objectif, précis, non discriminatoire et proportionné, tels que ceux mentionnés au point 151 du présent arrêt, des règles d’autorisation préalable, de participation et de sanction telles que celles en cause au principal présentent, par leur nature même, un degré suffisant de nocivité pour la concurrence et ont ainsi pour objet d’empêcher celle-ci. Elles relèvent donc de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, sans qu’il soit nécessaire d’en examiner les effets actuels ou potentiels.

179    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que constitue une décision d’association d’entreprises ayant pour objet d’empêcher la concurrence le fait, pour des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, d’avoir adopté et de mettre en œuvre, directement ou par l’intermédiaire des associations nationales de football qui en sont membres, des règles subordonnant à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, d’une nouvelle compétition de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlant la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à une telle compétition, sous peine de sanctions, sans que ces différents pouvoirs soient encadrés par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné.

3.      Sur la troisième question, relative à l’interprétation de l’article 101, paragraphe 1, et de l’article 102 TFUE en présence de comportements consistant à menacer de sanctions  les clubs et les sportifs qui  participeraient à des compétitions non autorisées

180    Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 101, paragraphe 1, et l’article 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens que constitue une décision d’association d’entreprises à caractère anticoncurrentiel ou un abus de position dominante le fait, pour des entités telles que la FIFA et l’UEFA, d’annoncer publiquement que des sanctions seront imposées à tout club de football professionnel et à tout joueur qui participeraient à une compétition de football interclubs n’ayant pas reçu leur autorisation préalable, lorsque ces sanctions ne sont pas encadrées par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné.

181    Eu égard aux réponses apportées aux deux précédentes questions, et plus particulièrement aux considérations figurant aux points 148 et 177 du présent arrêt, dont il résulte qu’une telle annonce publique constitue la mise en œuvre de règles contrevenant tant à l’article 102 TFUE qu’à l’article 101, paragraphe 1, TFUE et qu’elle relève donc, elle aussi, des interdictions posées par ces deux dispositions, il n’y a pas lieu de répondre, de façon autonome, à la présente question.

4.      Sur la cinquième question, relative à la possibilité de justifier des règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions ainsi qu’à la participation des clubs et des sportifs à ces compétitions

182    Par sa cinquième question, qu’il convient de traiter préalablement à la quatrième question dans la mesure où elle se rapporte aux mêmes règles de la FIFA et de l’UEFA que celles visées par les trois premières questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 101, paragraphe 3, TFUE et la jurisprudence de la Cour relative à l’article 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens que des règles par lesquelles des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, subordonnent à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, de compétitions de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlent la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à de telles compétitions, sous peine de sanctions, peuvent bénéficier d’une exemption ou être considérées comme étant justifiées.

a)      Sur la possibilité de considérer certains comportements spécifiques comme ne relevant pas de l’article 101, paragraphe 1, et de l’article 102 TFUE

183    Il ressort d’une jurisprudence établie de la Cour que tout accord entre entreprises ou toute décision d’association d’entreprises qui limite la liberté d’action des entreprises parties à cet accord ou soumises au respect de cette décision ne tombe pas nécessairement sous le coup de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE. En effet, l’examen du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrivent certains de ces accords et certaines de ces décisions peut conduire à constater, premièrement, que ceux-ci se justifient par la poursuite d’un ou de plusieurs objectifs légitimes d’intérêt général dénués, en soi, de caractère anticoncurrentiel, deuxièmement, que les moyens concrets auxquels il est recouru pour poursuivre ces objectifs sont véritablement nécessaires à cette fin et, troisièmement, que, même s’il s’avère que ces moyens ont pour effet inhérent de restreindre ou de fausser, à tout le moins potentiellement, la concurrence, cet effet inhérent ne va pas au-delà du nécessaire, en particulier en éliminant toute concurrence. Cette jurisprudence peut trouver à s’appliquer, en particulier, en présence d’accords ou de décisions prenant la forme de règles adoptées par une association telle qu’une association professionnelle ou une association sportive, en vue de poursuivre certains objectifs d’ordre éthique ou déontologique et, plus largement, d’encadrer l’exercice d’une activité professionnelle, si l’association concernée démontre que les conditions qui viennent d’être rappelées sont remplies (voir, en ce sens, arrêts du 19 février 2002, Wouters e.a., C‑309/99, EU:C:2002:98, point 97 ; du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C‑519/04 P, EU:C:2006:492, points 42 à 48, ainsi que du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, EU:C:2013:127, points 93, 96 et 97).

184    Plus particulièrement, dans le domaine du sport, la Cour a été conduite à relever, au vu des éléments à sa disposition, que la réglementation antidopage adoptée par le Comité international olympique (CIO) ne tombe pas sous le coup de l’interdiction édictée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, alors même qu’elle limite la liberté d’action des athlètes et a pour effet inhérent de restreindre la concurrence potentielle entre eux en définissant un seuil au-delà duquel la présence de nandrolone est constitutive de dopage, dans le but de préserver le déroulement loyal, intègre et objectif de la compétition sportive, d’assurer l’égalité des chances entre les athlètes, de protéger leur santé ainsi que de faire respecter les valeurs éthiques qui sont au cœur du sport, au nombre desquelles figure le mérite (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission, C‑519/04 P, EU:C:2006:492, points 43 à 55).

185    En revanche, la jurisprudence mentionnée au point 183 du présent arrêt ne trouve pas à s’appliquer en présence de comportements qui, indépendamment du point de savoir s’ils émanent ou non d’une telle association et quels que soient les objectifs légitimes d’intérêt général qui pourraient être invoqués pour les expliquer, violent par leur nature même l’article 102 TFUE, comme il ressort au demeurant déjà, implicitement mais nécessairement, de la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, MOTOE, C‑49/07, EU:C:2008:376, point 53).

186    Dès lors que, d’une part, l’absence d’intention subjective d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence et la poursuite d’objectifs éventuellement légitimes ne sont pas non plus déterminantes aux fins de l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et que, d’autre part, les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés et appliqués de façon cohérente, il convient de considérer que la jurisprudence mentionnée au point 183 du présent arrêt ne saurait davantage trouver à s’appliquer en présence de comportements qui, loin de se borner à avoir pour « effet » inhérent de restreindre, à tout le moins potentiellement, la concurrence en limitant la liberté d’action de certaines entreprises, présentent, à l’égard de cette concurrence, un degré de nocivité justifiant de considérer qu’ils ont pour « objet » même de l’empêcher, de la restreindre ou de la fausser. Ainsi, c’est uniquement s’il s’avère, au terme de l’examen du comportement qui est en cause dans un cas d’espèce donné, que ce comportement n’a pas pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence, qu’il y a lieu de déterminer, ensuite, si celui-ci peut relever de cette jurisprudence (voir, en ce sens, arrêts du 28 février 2013, Ordem dos Técnicos Oficiais de Contas, C‑1/12, EU:C:2013:127, point 69 ; du 4 septembre 2014, API e.a., C‑184/13 à C‑187/13, C‑194/13, C‑195/13 et C‑208/13, EU:C:2014:2147, point 49, ainsi que du 23 novembre 2017, CHEZ Elektro Bulgaria et FrontEx International, C‑427/16 et C‑428/16, EU:C:2017:890, points 51, 53, 56 et 57).

187    S’agissant des comportements ayant pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser la concurrence, c’est donc uniquement en application de l’article 101, paragraphe 3, TFUE et pour autant que l’ensemble des conditions prévues par cette disposition soient respectées qu’ils peuvent se voir octroyer le bénéfice d’une exemption de l’interdiction énoncée à l’article 101, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 20 novembre 2008, Beef Industry Development Society et Barry Brothers, C‑209/07, EU:C:2008:643, point 21).

188    En l’occurrence, compte tenu des énonciations figurant dans la décision de renvoi et des réponses qui ont été apportées par la Cour, au vu de ces énonciations, aux trois premières questions posées par la juridiction de renvoi, il y a lieu de considérer que la jurisprudence rappelée au point 183 du présent arrêt ne trouve pas à s’appliquer en présence de règles telles que celles en cause au principal.

b)      Sur l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE

189    Il résulte du libellé même de l’article 101, paragraphe 3, TFUE que tout accord, toute décision d’association d’entreprises ou toute pratique concertée qui s’avère contraire à l’article 101, paragraphe 1, TFUE, que ce soit en raison de son objet ou de son effet anticoncurrentiel, peut bénéficier d’une exemption s’il remplit l’ensemble des conditions prévues à cette fin (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, EU:C:1985:327, point 38, ainsi que du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 230), étant observé que ces conditions sont plus strictes que celles visées au point 183 du présent arrêt.

190    Conformément à l’article 101, paragraphe 3, TFUE, le bénéfice de cette exemption, dans un cas donné, est soumis à quatre conditions cumulatives. Premièrement, il doit être établi, avec un degré de probabilité suffisant (arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 95), que l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause doit permettre de réaliser des gains d’efficacité, en contribuant soit à améliorer la production ou la distribution des produits ou des services concernés, soit à promouvoir le progrès technique ou économique. Deuxièmement, il doit être établi, dans la même mesure, qu’une partie équitable du profit qui résulte de ces gains d’efficacité est réservée aux utilisateurs. Troisièmement, l’accord, la décision ou la pratique en cause ne doit pas imposer aux entreprises participantes des restrictions qui ne sont pas indispensables pour réaliser de tels gains d’efficacité. Quatrièmement, cet accord, cette décision ou cette pratique ne doit pas donner aux entreprises participantes la possibilité d’éliminer toute concurrence effective pour une partie substantielle des produits ou des services concernés.

191    Il incombe à la partie qui se prévaut d’une telle exemption de démontrer, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que l’ensemble des conditions requises pour en bénéficier sont remplies (voir, en ce sens, arrêts du 11 juillet 1985, Remia e.a./Commission, 42/84, EU:C:1985:327, point 45, ainsi que du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 82). Dans le cas où ces arguments et ces éléments de preuve sont de nature à obliger l’autre partie à les réfuter de manière convaincante, il est permis, en l’absence d’une telle réfutation, de conclure que la charge de la preuve incombant à la partie qui se prévaut de l’article 101, paragraphe 3, TFUE est satisfaite (voir, en ce sens, arrêts du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 79, ainsi que du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 83).

192    En particulier, s’agissant de la première condition rappelée au point 190 du présent arrêt, les gains d’efficacité que l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée doit permettre de réaliser correspondent non pas à tout avantage que les entreprises participantes retirent de cet accord, de cette décision ou de cette pratique dans le cadre de leur activité économique, mais seulement aux avantages objectifs sensibles que ledit accord, ladite décision ou ladite pratique, considéré spécifiquement, permet de réaliser, sur le ou les différents secteurs ou marchés concernés. En outre, pour que cette première condition puisse être considérée comme étant remplie, il convient non seulement d’établir la réalité et l’étendue de ces gains d’efficacité, mais également de démontrer que ceux-ci sont de nature à compenser les inconvénients qui résultent de l’accord, de la décision ou de la pratique en cause sur le plan de la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, EU:C:1966:41, page 502, et du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, points 232, 234 et 236, ainsi que, par analogie, du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 43).

193    En ce qui concerne la deuxième condition rappelée au point 190 du présent arrêt, elle implique d’établir que les gains d’efficacité que l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause doit permettre de réaliser ont une incidence favorable sur l’ensemble des utilisateurs, qu’il s’agisse de professionnels, de consommateurs intermédiaires ou de consommateurs finals, sur les différents secteurs ou marchés concernés (voir, en ce sens, arrêts du 23 novembre 2006, Asnef-Equifax et Administración del Estado, C‑238/05, EU:C:2006:734, point 70, ainsi que du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, points 236 et 242).

194    Il s’ensuit que, dans une situation telle que celle en cause au principal, où le comportement qui enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE est anticoncurrentiel par objet, c’est-à-dire présente un degré suffisant de nocivité pour la concurrence, et où il est, par ailleurs, de nature à affecter différentes catégories d’utilisateurs ou de consommateurs, il convient de déterminer si et, le cas échéant, dans quelle mesure ce comportement a, nonobstant sa nocivité, une incidence favorable sur chacune de celles-ci.

195    Dans l’affaire au principal, il appartiendra donc à la juridiction de renvoi d’apprécier si les règles d’autorisation préalable, de participation et de sanction en cause au principal sont de nature à avoir une influence favorable sur les différentes catégories d’« utilisateurs » que sont, notamment, les associations nationales de football, les clubs professionnels ou amateurs, les joueurs professionnels ou amateurs, les jeunes joueurs ainsi que, plus largement, les consommateurs, qu’ils soient spectateurs ou téléspectateurs.

196    Il convient toutefois de rappeler, à cet égard, que, si de telles règles peuvent apparaître légitimes, dans leur principe, en contribuant à garantir le respect des principes, des valeurs et des règles du jeu qui sous-tendent le football professionnel, en particulier le caractère ouvert et méritocratique des compétitions concernées, ainsi qu’à assurer une certaine forme de redistribution solidaire au sein du football, l’existence de tels objectifs, pour louables qu’ils soient, ne dispense pas les associations qui ont adopté ces règles de l’obligation d’établir, devant la juridiction de renvoi, que la poursuite desdits objectifs se traduit par des gains d’efficacité réels et quantifiables, d’une part, et que ceux-ci compensent les inconvénients découlant des règles en cause au principal sur le plan de la concurrence, d’autre part.

197    Pour ce qui est de la troisième condition rappelée au point 190 du présent arrêt, relative au caractère indispensable ou nécessaire du comportement en cause, elle implique d’apprécier et de comparer l’incidence respective de ce comportement et des mesures alternatives réellement envisageables, en vue de déterminer si les gains d’efficacité attendus dudit comportement peuvent être réalisés par des mesures moins restrictives pour la concurrence. En revanche, elle ne saurait conduire à opérer, en opportunité, un choix entre un tel comportement et de telles mesures alternatives dans l’hypothèse où ces dernières n’apparaîtraient pas moins restrictives pour la concurrence.

198    Quant à la quatrième condition rappelée au point 190 du présent arrêt, la vérification de son respect, dans un cas donné, implique de procéder à un examen des éléments de nature quantitative et qualitative qui caractérisent le fonctionnement de la concurrence sur les secteurs ou les marchés concernés, afin de déterminer si l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause donne aux entreprises participantes la possibilité d’éliminer toute concurrence effective pour une partie substantielle des produits ou des services concernés. En particulier, en présence d’une décision d’association d’entreprises ou d’un accord auquel ont collectivement adhéré des entreprises, la part de marché très importante détenue par celles-ci peut constituer, entre autres circonstances pertinentes et dans le cadre d’une analyse d’ensemble de celles-ci, un indicateur de la possibilité que cette décision ou cet accord donne aux entreprises participantes, eu égard à son contenu et à son objet ou à son effet, d’éliminer toute concurrence effective, raison excluant à elle seule le bénéfice de l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE. Une autre circonstance peut tenir au fait de savoir si une telle décision ou un tel accord, tout en supprimant une forme de concurrence effective ou un canal d’accès au marché, en laisse ou non subsister d’autres (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 1986, Metro/Commission, 75/84, EU:C:1986:399, points 64, 65 et 88).

199    Pour déterminer si cette quatrième condition est respectée en l’occurrence, la juridiction de renvoi devra prendre en compte, au premier chef, le fait que, ainsi qu’il a été relevé, notamment, aux points 174 à 179 du présent arrêt, les règles d’autorisation préalable, de participation et de sanction en cause au principal ne sont pas encadrées par des critères matériels et par des modalités procédurales propres à garantir leur caractère transparent, objectif, précis et non discriminatoire. Or, il doit être considéré qu’une telle situation est de nature à permettre aux entités qui ont adopté ces règles d’empêcher toute concurrence sur le marché de l’organisation et de la commercialisation des compétitions de football interclubs sur le territoire de l’Union.

200    De façon plus générale, l’examen des différentes conditions mentionnées au point 190 du présent arrêt peut nécessiter de prendre en compte les caractéristiques et les spécificités du ou des secteurs ou des marchés concernés par l’accord, la décision d’association d’entreprises ou la pratique concertée en cause, si ces caractéristiques et ces spécificités sont décisives quant au résultat de cet examen (voir, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 103, ainsi que du 11 septembre 2014, MasterCard e.a./Commission, C‑382/12 P, EU:C:2014:2201, point 236).

c)      Sur la justification objective au regard de l’article 102 TFUE

201    De manière cohérente avec ce qui est prévu à l’article 101, paragraphe 3, TFUE, il découle de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 102 TFUE qu’une entreprise détenant une position dominante peut justifier des comportements susceptibles de tomber sous le coup de l’interdiction énoncée à cet article (arrêts du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 40, ainsi que du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, point 46).

202    En particulier, une telle entreprise peut démontrer, à cette fin, soit que son comportement est objectivement nécessaire, soit que l’effet d’éviction qu’il entraîne peut être contrebalancé, voire surpassé, par des gains d’efficacité qui profitent également aux consommateurs (arrêts du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 41, ainsi que du 12 mai 2022, Servizio Elettrico Nazionale e.a., C‑377/20, EU:C:2022:379, points 46 et 86).

203    S’agissant de la première branche de cette alternative, il découle du point 147 du présent arrêt que la mise en place, par la FIFA et l’UEFA, de règles discrétionnaires d’autorisation préalable des compétitions internationales de football interclubs, de contrôle de la participation des clubs et des joueurs à ces compétitions ainsi que de sanction ne saurait en aucun cas être regardée, compte tenu précisément de ce caractère discrétionnaire, comme étant objectivement justifiée par des nécessités d’ordre technique ou commercial, à la différence de ce qui pourrait être le cas si ces règles étaient encadrées par des critères matériels et par des modalités procédurales répondant aux exigences de transparence, de clarté, de précision, de neutralité et de proportionnalité qui s’imposent en ce domaine. Dès lors, il y a lieu de considérer que ces règles, contrôles et sanctions ont, d’un point de vue objectif, pour but de réserver à ces entités l’organisation de toute compétition de ce genre, avec le risque d’éliminer toute concurrence de la part d’une entreprise tierce, de sorte qu’un tel comportement constitue un abus de position dominante interdit par l’article 102 TFUE et non justifié par une nécessité objective.

204    S’agissant de la seconde branche de ladite alternative, il appartient à l’entreprise détenant une position dominante de démontrer, premièrement, que son comportement peut permettre de réaliser des gains d’efficacité, en établissant la réalité et l’étendue de ceux-ci, deuxièmement, que de tels gains d’efficacité neutralisent les effets préjudiciables probables de ce comportement pour le jeu de la concurrence et les intérêts des consommateurs sur le ou les marchés concernés, troisièmement, que ledit comportement est indispensable à la réalisation de ces gains d’efficacité et, quatrièmement, qu’il n’élimine pas une concurrence effective en supprimant la totalité ou la plupart des sources existantes de concurrence actuelle ou potentielle (voir, en ce sens, arrêt du 27 mars 2012, Post Danmark, C‑209/10, EU:C:2012:172, point 42).

205    De la même manière que pour l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE, cette justification exige que l’entreprise qui s’en prévaut démontre, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que l’ensemble des conditions requises pour en bénéficier sont remplies.

206    En l’occurrence, c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra de statuer sur le point de savoir si les règles en cause au principal remplissent l’ensemble des conditions permettant de les considérer comme étant justifiées au regard de l’article 102 TFUE, après avoir mis les parties en mesure de s’acquitter de la charge de la preuve qui leur incombe, telle que rappelée au point 191 du présent arrêt.

207    Cela étant, il convient d’observer, s’agissant de la quatrième de ces conditions, qui sont applicables tant dans le contexte de l’article 101, paragraphe 3, TFUE que dans celui de l’article 102 TFUE, que, compte tenu de la nature de ces règles – qui soumettent l’organisation et la commercialisation de toute compétition de football interclubs sur le territoire de l’Union à l’autorisation préalable de la FIFA et de l’UEFA sans que ce pouvoir soit assorti de critères matériels et de modalités procédurales appropriés – et de la position dominante, voire monopolistique, qui, ainsi que le souligne la juridiction de renvoi, est détenue par ces deux entités sur le marché concerné, il doit être considéré que lesdites règles donnent auxdites entités la possibilité d’empêcher toute concurrence sur ce marché, comme indiqué au point 199 du présent arrêt.

208    En outre, il y a lieu de rappeler que le non-respect d’une des quatre conditions cumulatives rappelées aux points 190 et 204 du présent arrêt suffit pour exclure que des règles telles que celles en cause au principal puissent bénéficier de l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE ou être considérées comme étant justifiées au regard de l’article 102 TFUE.

209    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la cinquième question que l’article 101, paragraphe 3, et l’article 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens que des règles par lesquelles des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, subordonnent à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, de compétitions de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlent la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à de telles compétitions, sous peine de sanctions, ne peuvent bénéficier d’une exemption à l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ou être considérées comme étant justifiées au regard de l’article 102 TFUE que s’il est démontré, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que toutes les conditions requises à ces fins sont remplies.

5.      Sur la quatrième question, relative à l’interprétation des articles 101 et 102 TFUE en présence de règles relatives aux droits liés aux compétitions sportives

210    Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des règles édictées par des associations responsables du football aux niveaux mondial et européen, et exerçant en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, qui, d’une part, désignent ces associations comme étant les détentrices originelles de tous les droits pouvant naître des compétitions relevant de leur « juridiction », en ce compris les droits liés à une compétition qui serait organisée par une entreprise tierce, et qui, d’autre part, attribuent auxdites associations un pouvoir exclusif en matière de commercialisation de ces droits.

211    À cet égard, il convient de relever que, dans leurs observations écrites et orales devant la Cour, la FIFA et l’UEFA ont fait valoir avec insistance que les règles de droit privé helvétique auxquelles se réfère la juridiction de renvoi – et plus particulièrement l’article 67, paragraphe 1, ainsi que l’article 68, paragraphe 1, des statuts de la FIFA – doivent être comprises, en ce qu’elles visent les droits pouvant naître des compétitions, des matches et des autres manifestations relevant de la « juridiction » de la FIFA et de l’UEFA, en ce sens qu’elles sont applicables non pas à l’ensemble des compétitions relevant du ressort territorial et des pouvoirs respectifs de ces deux entités mais uniquement aux compétitions qui, parmi celles-ci, sont organisées par lesdites entités, à l’exclusion de celles qui pourraient être organisées par des entités ou des entreprises tierces. Selon leur propre interprétation de ces règles, la FIFA et l’UEFA ne pourraient ainsi en aucun cas prétendre être titulaires des droits pouvant naître des compétitions qui seraient organisées par de telles entités ou entreprises tierces.

212    Dans ces conditions, tout en observant, comme l’a fait la requérante au principal lors de l’audience de plaidoiries qui s’est tenue devant la Cour, que les règles en cause au principal pourraient être comprises d’une autre manière compte tenu des différentes acceptions que le terme « juridiction » est susceptible de revêtir, et que ces règles gagneraient, dès lors, à être modifiées afin de supprimer toute ambiguïté possible à cet égard, la Cour répondra à la présente question en prenant l’interprétation mentionnée au point précédent comme prémisse ainsi qu’en tenant compte du lien de complémentarité qui unit les règles en cause aux règles d’autorisation préalable, de participation et de sanction faisant l’objet des questions précédentes. Une telle réponse est, par conséquent, sans préjudice de celle qui pourrait être apportée à la question distincte de savoir si les articles 101 et 102 TFUE s’opposent à des règles par lesquelles une entité telle que la FIFA se désignerait elle-même ou désignerait une entité telle que l’UEFA comme étant les détentrices originelles de tous les droits pouvant naître des compétitions qui, tout en relevant de leur ressort territorial et de leurs pouvoirs respectifs, seraient organisées par des entités ou des entreprises tierces.

a)      Sur la détention des droits liés aux compétitions sportives

213    En vertu de l’article 345 TFUE, les traités UE et FUE ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres.

214    Il s’ensuit que les articles 101 et 102 TFUE ne sauraient être considérés comme s’opposant, dans leur principe même, à des règles telles que les articles 67 et 68 des statuts de la FIFA en ce que ces règles désignent cette entité et l’UEFA comme étant les détentrices originelles de tous les droits pouvant naître des compétitions de football professionnel interclubs que celles-ci organisent sur le territoire de l’Union, avec l’indispensable concours des clubs de football professionnel et des joueurs qui participent à ces compétitions.

215    Au contraire, l’interprétation des articles 101 et 102 TFUE par la Cour et l’application de ces articles par la juridiction de renvoi doivent prendre pour point de départ la circonstance que le régime de propriété des droits auxquels de telles règles sont applicables peut varier d’un État membre à l’autre et que c’est donc avant tout au regard du droit applicable en matière de propriété et de propriété intellectuelle que doit être examinée la question du sens à donner à la notion de « détention originelle » à laquelle se réfèrent ces règles, comme l’ont relevé, en substance, un grand nombre de gouvernements qui sont intervenus devant la Cour. Ainsi, certains d’entre eux ont exposé que cette notion doit s’analyser, en ce qui les concerne et pour être compatible avec les dispositions de leur droit interne applicable en matière de propriété et de propriété intellectuelle, en une « cession volontaire » ou en une « cession forcée » de droits par les clubs de football professionnel aux associations nationales de football, au moment de leur affiliation à celles-ci, complétée par une cession ultérieure de ces mêmes droits à la FIFA et à l’UEFA, au moment de l’adhésion de ces associations à ces dernières.

216    La présente affaire ne porte toutefois pas sur cette question, dont l’examen impliquerait de tenir compte également de l’article 17 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui constitue une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers en consacrant le droit de propriété et le droit de propriété intellectuelle, sans pour autant accorder à ces droits un caractère absolu ou intangible (voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Spiegel Online, C‑516/17, EU:C:2019:625, point 56), comme la Cour l’a déjà relevé s’agissant des droits qui sont spécifiquement en cause en l’occurrence (arrêts du 18 juillet 2013, FIFA/Commission, C‑204/11 P, EU:C:2013:477, point 110, et du 18 juillet 2013, UEFA/Commission, C‑201/11 P, EU:C:2013:519, point 102).

b)      Sur l’exploitation des droits liés aux compétitions sportives

217    S’agissant de la question de savoir si l’article 101, paragraphe 1, et l’article 102 TFUE s’opposent aux règles auxquelles se réfère la juridiction de renvoi en ce que celles-ci portent non plus sur la détention originelle des droits pouvant naître des compétitions de football professionnel interclubs organisées par la FIFA et par l’UEFA, mais sur l’exploitation commerciale de ces droits, il découle, tout d’abord, des points 115, 117, 118, 139 et 140 du présent arrêt que de telles règles peuvent être regardées en parallèle, d’une part, comme une « décision d’association d’entreprises » au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE et, d’autre part, comme un comportement émanant d’une « entreprise » en « position dominante » et résultant de l’exercice d’un pouvoir de réglementation, donc d’un moyen différent de ceux qui gouvernent la concurrence par les mérites entre les entreprises.

218    Ensuite, l’article 101, paragraphe 1, sous b), et l’article 102, sous b), TFUE prohibent expressément les décisions d’associations d’entreprises et les pratiques abusives qui consistent à empêcher ou à restreindre la concurrence en limitant ou en contrôlant, entre autres paramètres de concurrence, la production et les débouchés, au préjudice des consommateurs.

219    Or, comme l’ont fait observer, notamment, certains des gouvernements qui ont présenté des observations devant la Cour ainsi que la Commission, le but même des règles en cause au principal est, comme en atteste l’examen de leur teneur, de substituer, de façon impérative et complète, un dispositif d’exploitation exclusive et collective de l’intégralité des droits qui peuvent naître des compétitions de football professionnel interclubs organisées par la FIFA et par l’UEFA, sous toutes leurs formes, à tout autre mode d’exploitation qui pourrait être librement choisi, en l’absence de ces règles, par les clubs de football professionnel qui participent aux matches organisés dans le cadre de ces compétitions, que ce mode d’exploitation soit individuel, bilatéral ou même multilatéral.

220    En effet, des règles telles que celles énoncées aux articles 67 et 68 des statuts de la FIFA réservent à cette association, dans des termes clairs et précis, le pouvoir exclusif de déterminer, par voie réglementaire, les conditions d’exploitation et d’utilisation, par elle-même ou par un tiers, de ces droits. En outre, elles réservent à la FIFA et à l’UEFA le pouvoir exclusif d’autoriser la diffusion de matches ou de manifestations, en ce compris ceux liés aux compétitions de football interclubs, sur des supports audiovisuels ou autres, sans restriction de lieu, de contenu, de date ou de moyens techniques.

221    Par ailleurs, ces règles soumettent à de tels pouvoirs, dans des termes eux aussi univoques, l’intégralité desdits droits, qu’il s’agisse de droits patrimoniaux, de droits d’enregistrement, de reproduction et de diffusion audiovisuels, de droits multimédias, de droits de marketing et de promotion ou encore de droits de propriété intellectuelle.

222    Ce faisant, lesdites règles permettent à la FIFA et à l’UEFA de contrôler dans son intégralité l’offre de droits liés aux compétitions interclubs qu’elles organisent et, par conséquent, d’empêcher toute concurrence entre clubs de football professionnel, s’agissant des droits liés aux matches auxquels ceux-ci participent. Il ressort du dossier dont dispose la Cour que ce mode de fonctionnement concurrentiel du marché n’est nullement théorique mais au contraire réel et concret, et qu’il a, par exemple, existé jusqu’à l’année 2015 en Espagne, s’agissant des droits audiovisuels liés aux compétitions organisées par l’association nationale de football concernée.

223    S’agissant, enfin, du contexte économique et juridique dans lequel s’inscrivent les règles en cause au principal, il importe de relever, premièrement, que les différents droits qui peuvent naître des compétitions de football professionnel interclubs constituent la principale source de revenus qui peut être retirée de ces compétitions, notamment par la FIFA et par l’UEFA, en tant qu’organisatrices de celles-ci, ainsi que par les clubs de football professionnel, sans la participation desquels lesdites compétitions ne pourraient avoir lieu. Ces droits se trouvent donc au cœur de l’activité économique à laquelle de telles compétitions donnent lieu, et leur vente est, dès lors, intrinsèquement liée à l’organisation de celles-ci.

224    Dans cette mesure, le monopole que les règles en cause au principal confèrent à l’entité qui les a édictées, à savoir la FIFA, ainsi qu’à l’UEFA, en matière d’exploitation et de commercialisation des droits, se conjugue avec le contrôle absolu dont ces entités disposent sur l’organisation et la commercialisation des compétitions, grâce aux règles faisant l’objet des trois premières questions de la juridiction de renvoi, et renforce la portée juridique, économique et pratique de ces règles.

225    Deuxièmement, indépendamment de l’activité économique à laquelle ils donnent lieu, les droits en cause au principal, appréhendés en tant que tels, constituent un élément essentiel du système de concurrence non faussé que les traités UE et FUE entendent établir et maintenir, ainsi que la Cour l’a déjà relevé à propos des droits de marque dont sont titulaires les clubs de football professionnel (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C‑206/01, EU:C:2002:651, points 47 et 48). En effet, ils constituent des droits, juridiquement protégés et dotés d’une valeur économique propre, d’exploiter commercialement sous différentes formes un produit ou un service préexistant, en l’occurrence un match ou une série de matches lors duquel ou de laquelle un club donné en affronte un ou plusieurs autres.

226    Il s’agit donc d’un paramètre de concurrence que les règles en cause au principal soustraient à la maîtrise des clubs de football professionnel qui participent aux compétitions interclubs organisées par la FIFA et par l’UEFA.

227    Troisièmement, à la différence de l’organisation des compétitions de football interclubs proprement dite, qui est une activité économique de nature « horizontale » mettant en présence uniquement les entités ou les entreprises qui sont actuellement ou potentiellement organisatrices de celles-ci, la commercialisation des différents droits liés à ces compétitions est de nature « verticale » en ce qu’elle met en présence, du côté de l’offre, ces mêmes entités ou entreprises et, du côté de la demande, des entreprises qui souhaitent acheter ces droits, que ce soit en vue de les revendre à des organismes de radiodiffusion télévisuelle et à d’autres fournisseurs de services de médias (négoce) ou de diffuser elles-mêmes des matches par le biais de différents réseaux de communications électroniques et différents supports, comme la télévision linéaire ou à la demande, la radiophonie, Internet, les équipements de téléphonie mobile et d’autres supports émergents. En outre, ces différents diffuseurs sont eux-mêmes susceptibles de vendre de l’espace ou du temps à des entreprises qui sont actives dans d’autres secteurs économiques, à des fins de publicité ou de parrainage, afin de permettre à ces dernières de placer leurs produits ou services pendant la diffusion des compétitions.

228    Des règles telles que celles en cause au principal sont donc, eu égard à leur teneur, aux buts qu’elles visent objectivement à atteindre à l’égard de la concurrence ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel elles s’insèrent, de nature non seulement à empêcher toute concurrence entre les clubs de football professionnel qui sont affiliés aux associations nationales de football membres de la FIFA et de l’UEFA, dans le cadre de la commercialisation des différents droits liés aux matches auxquels ceux-ci participent, mais également à affecter le fonctionnement de la concurrence au détriment d’entreprises tierces opérant sur un ensemble de marchés de médias situés en aval de cette commercialisation, au préjudice des consommateurs et des téléspectateurs.

229    En particulier, de telles règles sont susceptibles de permettre aux deux entités auxquelles elles confèrent un monopole en la matière, sous la forme d’un contrôle total de l’offre, de pratiquer des prix de vente excessifs et donc abusifs (voir, en ce sens, arrêts du 14 février 1978, United Brands et United Brands Continentaal/Commission, 27/76, EU:C:1978:22, point 250, ainsi que du 11 décembre 2008, Kanal 5 et TV 4, C‑52/07, EU:C:2008:703, points 28 et 29), en présence desquels les acheteurs actuels ou potentiels de droits n’ont a priori qu’un pouvoir de négociation limité, compte tenu de la place fondamentale et incontournable qu’occupent les compétitions et les matches de football professionnel interclubs, en tant que produits d’appel susceptibles d’attirer et de fidéliser un vaste public tout au long de l’année, dans le bouquet de programmes et d’émissions que les diffuseurs peuvent proposer à leurs clients et, plus généralement, aux téléspectateurs. En outre, en obligeant l’ensemble des acheteurs actuels ou potentiels de droits à s’approvisionner auprès de deux vendeurs proposant chacun un éventail de produits exclusifs de toute offre alternative et bénéficiant d’une image ainsi que d’une réputation très fortes, elles sont susceptibles de conduire ces acheteurs actuels ou potentiels à uniformiser leur comportement sur le marché et leur offre à leurs propres clients, donc de se traduire par une réduction du choix et de l’innovation au préjudice des consommateurs et des téléspectateurs.

230    Pour l’ensemble de ces raisons, des règles telles que celles en cause au principal peuvent être regardées, en ce qu’elles substituent, de façon impérative et complète, un dispositif d’exploitation exclusive de l’intégralité des droits qui peuvent naître des compétitions de football professionnel interclubs organisées par la FIFA et par l’UEFA à tout autre mode d’exploitation qui pourrait être librement choisi en leur absence, comme ayant « pour objet » d’empêcher ou de restreindre la concurrence sur les différents marchés concernés, au sens de l’article 101, paragraphe 1, TFUE, et comme constituant une « exploitation abusive » d’une position dominante, au sens de l’article 102 TFUE, à moins que leur caractère justifié ne soit établi. Il en va d’autant plus ainsi lorsque de telles règles se combinent avec des règles d’autorisation préalable, de participation et de sanction telles que celles faisant l’objet des questions précédentes.

c)      Sur l’existence d’une éventuelle justification

231    En ce qui concerne le point de savoir si de telles règles sont susceptibles de remplir l’ensemble des conditions, rappelées aux points 190 et 204 du présent arrêt, qui doivent être remplies pour pouvoir bénéficier d’une exemption au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE et être considérées comme étant justifiées au regard de l’article 102 TFUE, il convient de relever que c’est à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra de se prononcer sur ce point, après avoir mis les parties au principal en mesure de s’acquitter de la charge de la preuve qui leur incombe respectivement.

232    Cela étant, il importe de faire observer, premièrement, que, devant la Cour, les défenderesses au principal, plusieurs gouvernements et la Commission ont fait valoir que ces règles permettent de réaliser des gains d’efficacité, en contribuant à améliorer tant la production que la distribution. En effet, en permettant aux acheteurs actuels ou potentiels de négocier l’achat de droits avec deux vendeurs exclusifs, préalablement à chacune des compétitions internationales ou européennes organisées par ces derniers, elles réduiraient considérablement leurs coûts de transaction ainsi que l’incertitude à laquelle ils seraient confrontés s’ils devaient négocier au cas par cas avec les clubs participants, dont la position et les intérêts respectifs seraient susceptibles de diverger quant à la commercialisation de ces droits. En outre et surtout, elles permettraient à ces acheteurs actuels ou potentiels d’avoir accès, dans des conditions déterminées et appliquées de façon cohérente à l’échelle internationale ou européenne, à des droits incomparablement plus attrayants que ceux qui pourraient leur être proposés conjointement par les clubs participant à tel ou tel match donné, compte tenu du fait que ces droits jouiraient de la notoriété de la FIFA ou de l’UEFA et porteraient sinon sur l’intégralité d’une des compétitions organisées par celles-ci, du moins sur un lot conséquent de matches programmés aux différents stades de cette compétition (matches de qualification, matches de groupes et phase finale).

233    C’est, toutefois, à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra, au vu des arguments et des éléments de preuve à produire par les parties au principal, de déterminer l’étendue de ces gains d’efficacité et, dans l’hypothèse où la réalité et l’étendue de ceux-ci seraient établies, de se prononcer sur le point de savoir si de tels gains d’efficacité seraient de nature à compenser les inconvénients qui résultent des règles en cause au principal sur le plan de la concurrence.

234    Deuxièmement, les défenderesses au principal, plusieurs gouvernements et la Commission ont fait valoir qu’une partie équitable du profit qui paraît résulter des gains d’efficacité engendrés par les règles en cause au principal est réservée aux utilisateurs. Ainsi, le profit retiré de la vente centralisée des différents droits liés aux compétitions de football interclubs organisées par la FIFA et par l’UEFA serait affecté, dans une mesure significative, à des financements ou à des projets destinés à assurer une certaine forme de redistribution solidaire au sein du football, au bénéfice non seulement des clubs de football professionnel participant à ces compétitions mais également de ceux qui n’y participent pas, des clubs amateurs, des joueurs professionnels, du football féminin, des jeunes joueurs ainsi que des autres catégories d’acteurs du football. De même, l’amélioration de la production et de la distribution qu’engendre cette vente centralisée et la redistribution solidaire du profit qu’elle permet de dégager bénéficieraient, en définitive, aux supporters, aux consommateurs que sont les téléspectateurs et, plus largement, à tous les citoyens de l’Union qui pratiquent le football au niveau amateur.

235    Ces arguments paraissent à première vue convaincants compte tenu des caractéristiques essentielles des compétitions de football interclubs organisées à l’échelle mondiale ou européenne. En effet, le bon fonctionnement, la pérennité et le succès de celles-ci reposent sur le maintien d’un équilibre et sur la préservation d’une certaine égalité des chances entre les clubs de football professionnel qui y participent, compte tenu du lien d’interdépendance qui unit ces derniers, comme cela découle du point 143 du présent arrêt. En outre, ces compétitions sont tributaires des clubs de football professionnel plus petits et des clubs de football amateur qui, tout en n’y participant pas, investissent au niveau local dans le recrutement et la formation de jeunes joueurs de talent, dont certains deviendront professionnels et pourront espérer rejoindre un club qui y participe (voir, en ce sens, arrêt du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais, C‑325/08, EU:C:2010:143, points 41 à 45). Enfin, le fonctionnement solidaire du football, à condition qu’il soit réel, est de nature à conforter la fonction éducative et sociale qui est la sienne dans l’Union.

236    Cela étant, le profit que la vente centralisée des droits relatifs aux compétitions de football interclubs engendre pour chaque catégorie d’utilisateurs – en ce compris non seulement les clubs professionnels et amateurs ainsi que les autres acteurs du football, mais également les spectateurs et les téléspectateurs – doit être établi de façon réelle et concrète.

237    C’est donc, en définitive, à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra de déterminer, au vu des éléments de preuve, d’ordre notamment comptable et financier, à produire par les parties au principal, dans quelle mesure les arguments en question, qu’ils se rapportent à la solidarité « horizontale » entre clubs participant auxdites compétitions ou à la solidarité « verticale » avec les différents autres acteurs du football, se vérifient réellement en présence des règles en cause au principal.

238    Troisièmement, c’est, de même, à la juridiction de renvoi qu’il appartiendra de déterminer, au vu des éléments de preuve à produire par les parties au principal, si les règles en cause au principal sont indispensables pour permettre de réaliser les gains d’efficacité précédemment évoqués et pour assurer la redistribution solidaire d’une partie équitable du profit qui en découle à l’ensemble des utilisateurs, qu’il s’agisse des acteurs du football professionnel ou amateur, ou des spectateurs ou téléspectateurs.

239    En ce qui concerne, quatrièmement, le point de savoir si les règles en cause laissent subsister une concurrence effective pour une partie substantielle des produits ou des services concernés, il convient d’observer que, tout en éliminant toute concurrence du côté de l’offre, ces règles ne paraissent en revanche pas, en elles-mêmes, éliminer la concurrence du côté de la demande. En effet, tout en étant susceptibles d’imposer aux acheteurs actuels ou potentiels de payer un prix plus élevé pour acquérir des droits, et donc de réduire le nombre d’acheteurs en capacité de le faire, voire d’inciter ceux-ci à se regrouper, elles permettent en contrepartie à ces derniers d’accéder à un produit plus attrayant en termes tant de contenu que d’image, pour lequel la concurrence est vive compte tenu de la place de choix qu’il occupe dans le bouquet de programmes ou d’émissions qui peut être proposé aux clients et, plus largement, aux téléspectateurs.

240    Toutefois, la réalité et l’importance concrètes de cette concurrence ne peuvent être appréciées par la juridiction de renvoi qu’en tenant compte des conditions juridiques et économiques réelles dans lesquelles la FIFA encadre l’exploitation et procède à la commercialisation des différents droits (audiovisuels, multimédias, marketing ou autres) liés aux compétitions, sur la base des articles 67 et 68 de ses statuts. En l’absence de concurrence entre vendeurs et donc « par les produits », ladite concurrence peut être assurée, entre autres éléments, par le recours à une procédure d’enchères, de sélection ou d’appel à soumissions ouverte, transparente et non discriminatoire, débouchant sur une prise de décision impartiale et permettant, de la sorte, aux acheteurs actuels ou potentiels de se livrer à une concurrence effective et non faussée « pour les produits ». Elle peut aussi être fonction de la durée pendant laquelle ces droits sont proposés, de leur caractère exclusif ou non exclusif, de leur portée géographique, du nombre de matches (lots) et du type de matches (matches de qualification, matches de groupes ou matches éliminatoires) qu’ils permettent de diffuser ainsi que de l’ensemble des autres conditions juridiques, techniques et financières dans lesquelles lesdits droits peuvent être achetés. Au-delà de ces paramètres juridiques, la concurrence peut également dépendre du nombre d’acheteurs actuels ou potentiels, de leurs positions de marché respectives et des liens qui peuvent éventuellement exister aussi bien entre eux qu’avec d’autres acteurs du football, comme des clubs de football professionnel, d’autres entreprises ou encore la FIFA et l’UEFA elles-mêmes.

241    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens que :

–        ils ne s’opposent pas à des règles édictées par des associations responsables du football aux niveaux mondial et européen, et exerçant en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, en ce que celles-ci désignent ces associations comme étant les détentrices originelles de tous les droits pouvant naître des compétitions relevant de leur « juridiction », lorsque ces règles s’appliquent uniquement aux compétitions organisées par lesdites associations, à l’exclusion de celles qui pourraient être organisées par des entités ou entreprises tierces ;

–        ils s’opposent à de telles règles en ce que celles-ci attribuent à ces mêmes associations un pouvoir exclusif en matière de commercialisation des droits en cause, à moins qu’il ne soit démontré, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que toutes les conditions requises pour que ces règles puissent bénéficier, au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE, d’une exemption à l’application du paragraphe 1 de cet article et être considérées comme étant justifiées au regard de l’article 102 TFUE sont remplies.

C.      Sur la sixième question, relative aux libertés de circulation

242    Par sa sixième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 45, 49, 56 et 63 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des règles par lesquelles des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, subordonnent à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, de compétitions de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlent la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à de telles compétitions, sous peine de sanctions, lorsque ces règles ne sont pas encadrées par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné.

1.      Sur l’identification de la liberté de circulation pertinente

243    Lorsqu’une juridiction nationale interroge la Cour sur l’interprétation de différentes dispositions du traité FUE relatives aux libertés de circulation, en vue de pouvoir se prononcer sur une mesure relevant simultanément de plusieurs de ces libertés, et qu’il s’avère que, compte tenu de son objet, cette mesure se rattache de façon prépondérante à une desdites libertés et de façon secondaire aux autres, la Cour limite, en principe, son examen à la liberté principalement concernée (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C‑42/07, EU:C:2009:519, point 47, ainsi que du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a., C‑391/20, EU:C:2022:638, points 50 et 51).

244    En l’occurrence, la juridiction de renvoi interroge la Cour sur l’interprétation des dispositions du traité FUE relatives à la liberté de circulation des travailleurs, à la liberté d’établissement, à la liberté de prestation de services et à la liberté de circulation des capitaux. Cependant, les règles sur lesquelles cette juridiction est appelée à se prononcer dans le cadre du litige au principal ont pour objet, au premier chef, de soumettre à l’autorisation préalable de la FIFA et de l’UEFA l’organisation ainsi que la commercialisation de toute nouvelle compétition de football interclubs sur le territoire de l’Union, et donc de rendre tributaire de l’octroi d’une telle autorisation toute entreprise souhaitant exercer une telle activité économique dans quelque État membre que ce soit. S’il est vrai que ces règles d’autorisation préalable s’accompagnent de règles contrôlant la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à ces compétitions, ces dernières peuvent être considérées, aux fins de la réponse à apporter à la présente question, comme étant secondaires par rapport aux premières, en ce sens qu’elles en constituent l’accessoire.

245    Ainsi, les règles de la FIFA et de l’UEFA en cause au principal peuvent être regardées comme se rattachant, de façon prépondérante, à la liberté de prestation de services, dont relèvent toutes les prestations qui ne sont pas proposées de manière stable et continue à partir d’un établissement dans l’État membre de destination (arrêt du 7 septembre 2022, Cilevičs e.a., C‑391/20, EU:C:2022:638, point 53).

246    Dans ces conditions, la Cour limitera son examen à l’article 56 TFUE.

2.      Sur l’existence d’une entrave à la liberté de prestation de services

247    L’article 56 TFUE, qui consacre la liberté de prestation de services au bénéfice tant des prestataires que des destinataires de tels services, s’oppose à toute mesure, même indistinctement applicable, qui est de nature à entraver l’exercice de cette liberté en prohibant, en gênant ou en rendant moins attrayante l’activité de ces prestataires dans les États membres autres que ceux où ils sont établis (voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C‑42/07, EU:C:2009:519, point 51, ainsi que du 3 mars 2020, Google Ireland, C‑482/18, EU:C:2020:141, points 25 et 26).

248    En l’occurrence, tel est le cas des règles en cause au principal. En effet, dans la mesure où ces règles ne sont, selon les énonciations de la juridiction de renvoi, pas encadrées par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné, elles permettent à la FIFA et à l’UEFA de contrôler, de façon discrétionnaire, la possibilité pour toute entreprise tierce d’organiser et de commercialiser des compétitions de football interclubs sur le territoire de l’Union, la possibilité pour tout club de football professionnel de participer à ces compétitions ainsi que, par ricochet, la possibilité pour toute autre entreprise de fournir des services liés à l’organisation ou à la commercialisation desdites compétitions, comme M. l’avocat général l’a relevé, en substance, aux points 175 et 176 de ses conclusions.

249    Ce faisant, ces règles sont de nature non pas simplement à gêner ou à rendre moins attrayantes les différentes activités économiques concernées, mais bien à les empêcher, en limitant l’accès de tout nouvel arrivant à celles-ci (voir, par analogie, arrêts du 10 mars 2009, Hartlauer, C‑169/07, EU:C:2009:141, point 34, ainsi que du 8 juin 2023, Prestige and Limousine, C‑50/21, EU:C:2023:448, point 62).

250    Il s’ensuit que lesdites règles constituent une entrave à la liberté de prestation de services consacrée à l’article 56 TFUE.

3.      Sur l’existence d’une éventuelle justification

251    Des mesures d’origine non étatique peuvent être admises, alors même qu’elles entravent une liberté de circulation consacrée par le traité FUE, s’il est établi, premièrement, que leur adoption se justifie par un objectif légitime d’intérêt général, de nature autre que purement économique, et, deuxièmement, qu’elles respectent le principe de proportionnalité, ce qui implique qu’elles soient aptes à garantir la réalisation de cet objectif et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 1995, Bosman, C‑415/93, EU:C:1995:463, point 104, ainsi que du 13 juin 2019, TopFit et Biffi, C‑22/18, EU:C:2019:497, point 48). S’agissant plus particulièrement de la condition relative à l’aptitude de telles mesures, il convient de rappeler que celles-ci ne peuvent être considérées comme étant propres à garantir la réalisation de l’objectif invoqué que si elles répondent véritablement au souci de l’atteindre d’une manière cohérente et systématique [voir, en ce sens, arrêts du 8 septembre 2009, Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Bwin International, C‑42/07, EU:C:2009:519, point 61, ainsi que du 6 octobre 2020, Commission/Hongrie (Enseignement supérieur), C‑66/18, EU:C:2020:792, point 178].

252    De la même manière qu’en présence de mesures d’origine étatique, c’est à l’auteur des mesures d’origine non étatique en cause qu’il incombe de démontrer que ces deux conditions cumulatives sont respectées [voir, par analogie, arrêts du 21 janvier 2016, Commission/Chypre, C‑515/14, EU:C:2016:30, point 54, et du 18 juin 2020, Commission/Hongrie (Transparence associative), C‑78/18, EU:C:2020:476, point 77].

253    En l’occurrence, eu égard aux éléments relevés aux points 142 à 144 et 196 du présent arrêt, il doit être considéré que l’adoption de règles relatives à l’autorisation préalable des compétitions de football interclubs et à la participation des clubs de football professionnel ainsi que des joueurs à ces compétitions peut se justifier, dans son principe même, par des objectifs d’intérêt général consistant à s’assurer, préalablement à l’organisation de telles compétitions, que celles-ci seront organisées dans le respect des principes, des valeurs et des règles du jeu qui sous-tendent le football professionnel, notamment des valeurs d’ouverture, de mérite et de solidarité, mais aussi que ces compétitions s’intégreront, de façon matériellement homogène et temporellement coordonnée, dans le « système organisé » de compétitions nationales, européennes et internationales qui caractérise ce sport.

254    Néanmoins, ces objectifs ne sauraient justifier l’adoption de telles règles lorsque celles-ci ne sont pas assorties de critères matériels et de modalités procédurales propres à en garantir le caractère transparent, objectif, précis et non discriminatoire, ainsi qu’il découle des points 147, 175, 176 et 199 du présent arrêt.

255    En effet, pour qu’un régime d’autorisation préalable du type de celui que ces règles instaurent puisse être considéré comme étant justifié, celui-ci doit, en tout état de cause, être fondé sur des critères objectifs, non discriminatoires et connus à l’avance, de manière à encadrer l’exercice du pouvoir d’appréciation qu’il confère à l’instance habilitée à accorder ou à refuser cette autorisation préalable ainsi qu’à éviter que ce pouvoir ne soit utilisé de manière arbitraire (voir, en ce sens, arrêts du 22 janvier 2002, Canal Satélite Digital, C‑390/99, EU:C:2002:34, point 35, ainsi que du 13 juin 2019, TopFit et Biffi, C‑22/18, EU:C:2019:497, point 65).

256    En l’occurrence, eu égard aux énonciations de la juridiction de renvoi rappelées au point 248 du présent arrêt, les règles en cause au principal ne paraissent pas pouvoir être regardées comme étant justifiées par un objectif légitime d’intérêt général.

257    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la sixième question que l’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des règles par lesquelles des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, subordonnent à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, de compétitions de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlent la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à de telles compétitions, sous peine de sanctions, lorsque ces règles ne sont pas encadrées par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné.

 Sur les dépens

258    La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

1)      L’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens que constitue un abus de position dominante le fait, pour des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, d’avoir adopté et de mettre en œuvre des règles subordonnant à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, d’une nouvelle compétition de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlant la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à une telle compétition, sous peine de sanctions, sans que ces différents pouvoirs soient encadrés par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné.

2)      L’article 101, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que constitue une décision d’association d’entreprises ayant pour objet d’empêcher la concurrence le fait, pour des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, d’avoir adopté et de mettre en œuvre, directement ou par l’intermédiaire des associations nationales de football qui en sont membres, des règles subordonnant à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, d’une nouvelle compétition de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlant la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à une telle compétition, sous peine de sanctions, sans que ces différents pouvoirs soient encadrés par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné.

3)      L’article 101, paragraphe 3, et l’article 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens que des règles par lesquelles des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, subordonnent à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, de compétitions de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlent la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à de telles compétitions, sous peine de sanctions, ne peuvent bénéficier d’une exemption à l’application de l’article 101, paragraphe 1, TFUE ou être considérées comme étant justifiées au regard de l’article 102 TFUE que s’il est démontré, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que toutes les conditions requises à ces fins sont remplies.

4)      Les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens que :

–        ils ne s’opposent pas à des règles édictées par des associations responsables du football aux niveaux mondial et européen, et exerçant en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, en ce que celles-ci désignent ces associations comme étant les détentrices originelles de tous les droits pouvant naître des compétitions relevant de leur « juridiction », lorsque ces règles s’appliquent uniquement aux compétitions organisées par lesdites associations, à l’exclusion de celles qui pourraient être organisées par des entités ou entreprises tierces ;

–        ils s’opposent à de telles règles en ce que celles-ci attribuent à ces mêmes associations un pouvoir exclusif en matière de commercialisation des droits en cause, à moins qu’il ne soit démontré, au moyen d’arguments et d’éléments de preuve convaincants, que toutes les conditions requises pour que ces règles puissent bénéficier, au titre de l’article 101, paragraphe 3, TFUE, d’une exemption à l’application du paragraphe 1 de cet article et être considérées comme étant justifiées au regard de l’article 102 TFUE sont remplies.

5)      L’article 56 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à des règles par lesquelles des associations qui sont responsables du football aux niveaux mondial et européen, et qui exercent en parallèle différentes activités économiques liées à l’organisation de compétitions, subordonnent à leur autorisation préalable la création, sur le territoire de l’Union, de compétitions de football interclubs par une entreprise tierce, et contrôlent la participation des clubs de football professionnel et des joueurs à de telles compétitions, sous peine de sanctions, lorsque ces règles ne sont pas encadrées par des critères matériels ainsi que par des modalités procédurales propres à en assurer le caractère transparent, objectif, non discriminatoire et proportionné.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.