Language of document : ECLI:EU:C:2004:442

Arrêt de la Cour

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
15 juillet 2004 (1)


«Manquement d'État – Directive 77/388/CEE – TVA – Article 11, A, paragraphe 1, sous a) – Base d'imposition – Subvention directement liée au prix – Règlement (CE) n° 603/95 – Aides accordées dans le secteur des fourrages séchés»

Dans l'affaire C-495/01,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. E. Traversa et I. Koskinen, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

République de Finlande, représentée par Mme T. Pynnä, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

soutenue par

République fédérale d'Allemagne, représentée par MM. W.-D. Plessing et M. Lumma, en qualité d'agents,

République fédérale d'Allemagne, représentée par MM. W.-D. Plessing et M. Lumma, en qualité d'agents,

et par

et par

Royaume de Suède, représenté par M. A. Kruse et Mme A. Falk, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes,

ayant pour objet de faire constater que, en s'abstenant d'appliquer la taxe sur la valeur ajoutée sur le montant des aides versées en application du règlement (CE) n° 603/95 du Conseil, du 21 février 1995, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés (JO L 63, p.1), la république de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 11 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1),



LA COUR (deuxième chambre),



composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. C. Gulmann (rapporteur), J.-P. Puissochet et J. N. Cunha Rodrigues, et Mme N. Colneric, juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les parties en leur plaidoirie à l'audience du 16 octobre 2003, au cours de laquelle la Commission a été représentée par MM. E. Traversa, I. Koskinen, K. Gross et K. Simonsson, en qualité d'agents, la république de Finlande par Mme T. Pynnä, la République fédérale d'Allemagne par M. M. Lumma et le royaume de Suède par M. A. Kruse,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 27 novembre 2003,

rend le présent



Arrêt



1
Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 décembre 2001, la Commission des Communautés européennes a introduit, en vertu de l’article 226 CE, un recours visant à faire constater que, en s’abstenant d’appliquer la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») sur le montant des aides versées en application du règlement (CE) n° 603/95 du Conseil, du 21 février 1995, portant organisation commune des marchés dans le secteur des fourrages séchés (JO L 63, p.1), la république de Finlande a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 11 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»).


Le cadre juridique

La réglementation communautaire en matière de TVA

2
L’article 2, paragraphe 1, de la sixième directive soumet à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

3
L’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la même directive dispose:

«La base d’imposition est constituée:

a)
pour les livraisons de biens et les prestations de services […] par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l’acheteur, du preneur ou d’un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».

La réglementation communautaire en matière d’aides pour les fourrages séchés

4
L’article 3 du règlement n° 603/95 prévoit que l’aide est accordée à hauteur de 68,83 euros par tonne pour les fourrages séchés artificiellement à la chaleur et à hauteur de 38,64 euros par tonne pour les fourrages séchés au soleil.

5
L’article 4, modifié par le règlement (CE) n° 1347/95 du Conseil, du 9 juin 1995 (JO L 131, p. 1), institue, pour chaque campagne de commercialisation, des quantités maximales garanties de produits pour lesquelles l’aide peut être accordée. Il répartit par ailleurs ces quantités entre les États membres.

6
L’article 5 énonce:

«Si, au cours d’une campagne de commercialisation, la quantité de fourrage séché pour laquelle une aide est demandée […] dépasse la quantité maximale garantie visée à l’article 4 […], l’aide à verser au cours de cette campagne est calculée comme suit:

pour les cinq premiers pour cent au-delà de la quantité maximale garantie, l’aide est diminuée, dans tous les États membres, d’un pourcentage proportionnel à celui du dépassement,

au-delà des 5 %, des diminutions supplémentaires sont effectuées dans tout État membre dans lequel la production dépasse la quantité nationale garantie, majorée de 5 % au prorata du dépassement.

[…]»

7
L’article 6, paragraphe 2, subordonne le versement d’une avance sur l’aide à la condition que les fourrages séchés aient quitté l’entreprise de transformation.

8
L’article 8 prévoit:

«L’aide visée à l’article 3 est accordée, sur demande de l’intéressé, pour les fourrages séchés ayant quitté l’entreprise de transformation et répondant aux conditions suivantes:

a)
la teneur maximale en humidité doit se situer entre 11 et 14 % et peut être différenciée selon les modes de présentation du produit;

b)
la teneur minimale en protéines brutes totales par rapport à la matière sèche ne doit pas être inférieure à:

15 %, pour les produits visés à l’article 1er point a) et point b) second tiret,

45 %, pour les produits visés à l’article 1er point b) premier tiret;

c)
les fourrages séchés doivent être de qualité saine, loyale et marchande.

Toutefois, des conditions supplémentaires, notamment en ce qui concerne la teneur en carotène et en fibres peuvent être arrêtées […]»

9
L’article 9, sous c), dispose:

«L’aide visée à l’article 3 n’est accordée qu’aux entreprises de transformation […] qui:

[…]

c)
entrent dans au moins une des catégories suivantes:

entreprises ayant passé des contrats avec des producteurs de fourrage à sécher,

entreprises ayant transformé leur propre production ou, en cas de groupements, celle de leurs adhérents,

entreprises ayant été fournies par des personnes physiques ou morales offrant certaines garanties à déterminer, et ayant passé des contrats avec des producteurs de fourrage à sécher; ces personnes physiques ou morales doivent être des acheteurs agréés par les autorités compétentes des États membres où les fourrages ont été récoltés […]»

10
L’article 11, paragraphe 2, précise:

«Lorsque les contrats visés à l’article 9 point c) premier tiret sont des contrats de travail à façon portant sur la transformation de fourrages livrés par les producteurs, ils précisent au moins la superficie dont la récolte est destinée à être livrée et comportent une clause prévoyant l’obligation, pour les entreprises de transformation, de verser aux producteurs l’aide visée à l’article 3 qu’elles reçoivent pour les quantités transformées dans le cadre des contrats.»


La procédure précontentieuse et le recours

11
Le 18 novembre 1998, ayant constaté que la république de Finlande n’appliquait pas la TVA aux aides versées dans le cadre du règlement n° 603/95 et considérant que cette situation était contraire à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, la Commission lui a adressé, conformément à la procédure prévue à l’article 169 du traité CE (devenu article 226 CE), une lettre de mise en demeure l’invitant à lui présenter ses observations dans un délai de deux mois.

12
Par lettre du 8 janvier 1999, le gouvernement finlandais a répondu que l’aide au fourrage séché constitue une subvention à la production, qui n’a aucune incidence sur la contrepartie versée par l’acheteur de fourrage séché. Dans ces conditions, il n’enfreindrait pas l’article 11 de la sixième directive en ne percevant pas la TVA sur cette aide.

13
Le 19 juillet 1999, la Commission a adressé un avis motivé à la république de Finlande et l’a invitée à adopter les mesures nécessaires pour s’y conformer dans un délai de deux mois. Elle a fait valoir que l’objectif de l’aide en cause est de permettre à l’entreprise de transformation de mettre sur le marché du fourrage séché à un prix inférieur au prix de revient, ou, en d’autres termes, que le fourrage séché serait fourni à un prix plus élevé en l’absence d’aide.

14
Le 9 septembre 1999, le gouvernement finlandais a, en réponse à l’avis motivé, contesté que l’aide et le prix de vente du fourrage soient directement liés. Le prix obtenu pour le fourrage transformé varierait en fonction du marché, alors que le montant de l’aide, versée par tonne, resterait inchangé.

15
Dans ces conditions, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

16
Par ordonnance du président de la Cour du 29 mai 2002, la République fédérale d’Allemagne et le royaume de Suède ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la partie défenderesse.


Sur le fond

Argumentation des parties

17
La Commission estime que sont imposables à la TVA les opérations effectuées par les entreprises de transformation de fourrages selon deux des trois modalités possibles d’exercice de leurs activités, à savoir:

l’achat de fourrages verts auprès des producteurs, puis la revente du produit transformé à des tiers;

la conclusion, avec les producteurs, de contrats de travail à façon des fourrages verts sans transfert de la propriété de ceux-ci, puis la restitution du produit transformé auxdits producteurs.

18
Dans le cas d’entreprises de transformation qui achètent les fourrages auprès de producteurs pour les revendre ensuite à des tiers, il y aurait passation de contrats d’achat et de revente de biens, opérations qui devraient manifestement être considérées comme des livraisons de biens au sens de la sixième directive et seraient par conséquent imposables.

19
Dans le cas des contrats de travail à façon, du fait de la restitution, par l’entreprise de transformation, du fourrage déshydraté au producteur de fourrages verts, l’opération devrait être considérée comme la prestation d’un service de séchage du fourrage. Cette prestation de service serait donc, en tant que telle, imposable sur le fondement de la sixième directive.

20
Conformément à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de celle-ci, les opérations imposables devraient donner lieu à l’application de la TVA aux aides versées dans le cadre du règlement n° 603/95.

21
La Commission relève que, aux termes de l’article 9 du règlement n° 603/95, «[l’]aide visée à l’article 3 n’est accordée qu’aux entreprises de transformation […]». Ces entreprises seraient ainsi les destinataires des subventions au sens juridique du terme, que le législateur communautaire entendait désigner en se référant, à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, à «la contrepartie à obtenir par le fournisseur ou le prestataire». Le règlement n° 603/95 ne mentionnerait aucun autre bénéficiaire, au sens juridique du terme, de l’aide à la commercialisation des fourrages séchés.

22
La Commission admet qu’une subvention octroyée à une catégorie d’entreprises déterminée peut avoir des effets économiques bénéfiques pour des opérateurs se situant, dans le cycle de production, tant en amont des entreprises subventionnées (en l’occurrence les producteurs de fourrages verts) qu’en aval de celles-ci (en l’occurrence les éleveurs de bétail). Elle observe que, dans le cas des contrats de travail à façon, le législateur communautaire lui-même exige, à l’article 11, paragraphe 2, du règlement n° 603/95, que l’entreprise de transformation reverse aux producteurs l’aide obtenue de l’organisme d’intervention.

23
Néanmoins, la possibilité qu’une subvention bénéficie à d’autres opérateurs ou l’obligation de reverser tout ou partie d’une subvention à d’autres opérateurs ne modifierait en rien les données juridiques du problème. En effet, le destinataire de l’aide au sens juridique du terme, c’est-à-dire l’entreprise de transformation, devrait être distingué du bénéficiaire indirect de la subvention au sens économique du terme.

24
La Commission fait valoir que, en utilisant, à l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, la notion de «subventions directement liées au prix», le législateur communautaire a voulu inclure dans la base d’imposition de la TVA toutes les aides qui ont une incidence directe sur le montant de la contrepartie obtenue par le fournisseur ou le prestataire. Ces subventions devraient présenter un lien direct, ou même un lien de causalité, avec la fourniture de biens ou de services précisément quantifiés ou quantifiables: l’aide serait versée dans la mesure où ces biens ou services seraient effectivement vendus sur le marché. Or, tel serait le cas en l’espèce.

25
Le gouvernement finlandais soutient que, au regard de sa finalité, de ses bases de calcul et de ses effets, l’aide versée aux entreprises de transformation est octroyée dans le but de réduire les coûts de production et qu’elle ne présente pas de lien direct avec le prix de vente du fourrage séché. Elle aurait pour finalité de soutenir les agriculteurs et de garantir la production d’un fourrage de haut niveau dans la Communauté. Les conditions d’application de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive ne seraient donc pas réunies.

26
Les gouvernements allemand et suédois soutiennent les conclusions du gouvernement finlandais.

Appréciation de la Cour

27
En prévoyant que la base d’imposition à la TVA comprend, dans les hypothèses qu’il détermine, les subventions versées aux assujettis, l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive vise à soumettre à la TVA la totalité de la valeur des biens ou des prestations de services et, ainsi, à éviter que le versement d’une subvention n’entraîne un rendement moins élevé de la taxe.

28
Conformément à son libellé, cette disposition s’applique lorsque la subvention est directement liée au prix de l’opération en cause.

29
Pour que tel soit le cas, la subvention doit d’abord être spécifiquement versée à l’opérateur subventionné afin qu’il fournisse un bien ou effectue un service déterminé. Ce n’est que dans ce cas que la subvention peut être considérée comme une contrepartie de la livraison d’un bien ou de la prestation d’un service et que, partant, elle est imposable. Il doit être constaté, notamment, que le droit de percevoir la subvention est reconnu au bénéficiaire dès lors qu’une opération taxable a été accomplie par ce dernier (arrêt du 22 novembre 2001, Office des produits wallons, C-184/00, Rec. p. I-9115, points 12 et 13).

30
Il doit par ailleurs être vérifié que les acheteurs du bien ou les preneurs du service tirent profit de la subvention octroyée au bénéficiaire de celle-ci. En effet, il est nécessaire que le prix à payer par l’acheteur ou par le preneur soit fixé de telle façon qu’il diminue à proportion de la subvention accordée au vendeur du bien ou au prestataire du service, laquelle constitue alors un élément de détermination du prix exigé par ces derniers. Il doit ainsi être vérifié si, objectivement, le fait qu’une subvention est versée au vendeur ou au prestataire permet à celui-ci de vendre le bien ou de fournir le service à un prix inférieur à celui qu’il devrait exiger en l’absence de subvention (arrêt Office des produits wallons, précité, point 14).

31
La contrepartie représentée par la subvention doit, à tout le moins, être déterminable. Il n’est pas nécessaire que le montant de la subvention corresponde strictement à la diminution du prix du bien livré ou du service fourni. Il suffit que le rapport entre celle-ci et ladite subvention, qui peut avoir un caractère forfaitaire, soit significatif (arrêt Office des produits wallons, précité, point 17).

32
En définitive, la notion de «subventions directement liées au prix» au sens de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive comprend uniquement les subventions qui constituent la contrepartie totale ou partielle d’une opération de livraison de biens ou de prestation de services et qui sont versées par un tiers au vendeur ou au prestataire (arrêt Office des produits wallons, précité, point 18).

33
Force est de constater que, en l’espèce, les conditions d’une soumission des aides litigieuses à la TVA ne sont remplies à l’égard d’aucune des deux catégories d’opérations visées par la Commission, à savoir, d’une part, la vente par une entreprise de transformation, après séchage, de fourrages achetés auprès de producteurs de fourrages verts et, d’autre part, le contrat de travail à façon conclu par une entreprise de transformation avec un producteur de fourrages verts.

Vente après séchage de fourrages achetés auprès de producteurs

34
Ainsi que le soutient la Commission, la vente de fourrages séchés par une entreprise de transformation, après acquisition de la matière première auprès de producteurs de fourrages verts, constitue une livraison de biens au sens de la sixième directive.

35
L’aide est versée au profit de l’entreprise de transformation, qui peut en disposer.

36
Cependant, elle n’est pas directement liée au prix de l’opération taxable au sens de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive.

37
En effet, elle n’est pas spécifiquement versée afin que l’entreprise de transformation fournisse du fourrage séché à un acheteur.

38
En l’espèce, les parties s’accordent à reconnaître qu’il n’existe pas de pénurie de fourrages séchés sur le marché mondial. Il est également constant que l’objectif du régime d’aide est, d’une part, une incitation à la production au sein de la Communauté en dépit de coûts de production supérieurs à ceux du marché mondial, afin de garantir une source d’approvisionnement interne, et, d’autre part, la production de fourrages séchés de qualité. À cet égard, le onzième considérant du règlement n° 603/95 souligne «le but de favoriser l’approvisionnement régulier en fourrage vert des entreprises de transformation et de faire bénéficier les producteurs du régime d’aide», et le dixième considérant constate la nécessité de déterminer des critères de qualité minimale des fourrages séchés éligibles à l’aide, critères qui sont précisés à l’article 8 dudit règlement.

39
Dans ce contexte, il n’apparaît pas que le régime d’aide soit un régime de promotion de la consommation. Il ne tend pas à inciter les tiers à acheter du fourrage séché du fait de prix qui, grâce à l’aide, seraient inférieurs au cours du marché mondial, situation dans laquelle une base d’imposition à la TVA limitée au prix payé ne correspondrait pas à la totalité de la valeur du bien livré. Il vise à permettre à ces tiers de s’approvisionner dans la Communauté à un prix comparable au cours du marché mondial, cours auquel ils pourraient en toute hypothèse s’approvisionner en dehors de la Communauté si, en l’absence d’aide, l’offre au sein de celle-ci n’existait pas ou se révélait insuffisante. La TVA appliquée à ce prix couvre donc la totalité de la valeur du bien sur le marché.

40
Pour ces seuls motifs, et sans qu’il y ait lieu d’examiner si les autres conditions d’une intégration de l’aide dans la base d’imposition à la TVA sont réunies, il doit être constaté que le grief formulé par la Commission en ce qui concerne la vente après séchage de fourrages achetés auprès de producteurs n’est pas fondé.

Contrat de travail à façon

41
Ainsi que le relève la Commission, le contrat de travail à façon a pour objet une prestation de séchage, c’est-à-dire une prestation de service, effectuée par l’entreprise de transformation pour le compte du producteur de fourrages verts.

42
Toutefois, l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive suppose que la subvention, pour être imposable, soit versée au profit du fournisseur du bien ou du prestataire du service, de sorte qu’il puisse en disposer.

43
Or, dans le cas de contrats de travail à façon, l’aide reçue par l’entreprise de transformation n’est pas versée à son profit.

44
Certes, l’article 9 du règlement n° 603/95 énonce que «[l’]aide […] n’est accordée qu’aux entreprises de transformation [...]».

45
Cependant, le quinzième considérant du règlement n° 603/95 prévoit, en ce qui concerne les contrats de travail à façon, la répercussion de l’aide en faveur du producteur et l’article 11, paragraphe 2, dudit règlement énonce l’obligation, pour les entreprises de transformation, de verser aux producteurs l’aide qu’elles reçoivent pour les quantités transformées dans le cadre des contrats conclus.

46
Ainsi, l’entreprise de transformation ne peut disposer de l’aide perçue. Elle n’assume qu’un rôle d’intermédiaire entre l’organisme dispensateur de l’aide et le producteur de fourrages. À cet égard, ne saurait être retenu le critère proposé par la Commission, tiré de la notion de «destinataire juridique» d’une subvention, indépendamment du bénéfice économique de celle-ci.

47
Dans ces conditions, l’aide ne peut être considérée comme la contrepartie, pour l’entreprise de transformation, de sa prestation de service et elle ne lui permet pas de fournir celle-ci à un prix inférieur.

48
Le prix du service de séchage doit donc prendre en compte les coûts normaux de la transformation, de sorte que la TVA appliquée à ce prix couvre la totalité de la valeur de la prestation.

49
L’aide répercutée en faveur du producteur allège le coût, pour ce dernier, du fourrage séché. Cependant, l’allégement n’intervient pas lors du paiement du prix de l’opération taxable. Il intervient a posteriori, après paiement d’un prix correspondant à la valeur totale de la prestation.

50
Intégrer également dans la base d’imposition l’aide versée en définitive au producteur de fourrages verts aurait pour conséquence une surtaxation de l’opération de séchage, contrairement à l’objectif de l’article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive.

51
Pour ces seuls motifs, et sans qu’il y ait lieu d’examiner si les autres conditions d’une intégration de l’aide dans la base d’imposition sont réunies, il doit être constaté que le grief formulé par la Commission en ce qui concerne les contrats de travail à façon n’est pas fondé.

52
En définitive, aucun des deux griefs invoqués par la Commission n’étant fondé, le recours doit être rejeté.


Sur les dépens

53
Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses moyens, elle sera condamnée aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la partie défenderesse.

54
La République fédérale d’Allemagne et le royaume de Suède, qui sont intervenus au soutien des conclusions présentées par celle-ci, supporteront leurs propres dépens, conformément à l’article 69, paragraphe 4, du règlement de procédure.


Par ces motifs,

LA COUR (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)
Le recours est rejeté.

2)
La Commission des Communautés européennes est condamnée aux dépens.

3)
La République fédérale d’Allemagne et le royaume de Suède supportent leurs propres dépens.

Timmermans

Gulmann

Puissochet

Cunha Rodrigues

Colneric

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2004.

Le greffier

Le président de la deuxième chambre

R. Grass

C. W. A. Timmermans


1
Langue de procédure: le finnois.