Language of document : ECLI:EU:T:2008:596

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

18 décembre 2008 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents relatifs à une réunion du groupe de travail de la section ‘Nomenclature tarifaire et statistique (mécanique/divers)’ du comité du code des douanes – Refus d’accès – Exception relative à la protection du processus décisionnel »

Dans l’affaire T‑144/05,

Pablo Muñiz, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté initialement par Me B. Dehandschutter, puis par Me L. Defalque, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme P. Costa de Oliveira et M. I. Chatzigiannis, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission du 3 février 2005, refusant d’accorder l’accès à certains documents relatifs à la réunion de septembre 2004 du groupe de travail de la section « Nomenclature tarifaire et statistique (mécanique/divers) » du comité du code des douanes,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (septième chambre),

composé de MM. N. J. Forwood, président, D. Šváby (rapporteur) et L. Truchot, juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 13 février 2008,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 255 CE :

« 1. Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, sous réserve des principes et des conditions qui seront fixés conformément aux paragraphes 2 et 3.

2. Les principes généraux et les limites qui, pour des raisons d’intérêt public ou privé, régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents sont fixés par le Conseil, statuant conformément à la procédure visée à l’article 251, dans les deux ans suivant l’entrée en vigueur du traité d’Amsterdam.

[…] »

2        Le règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), définit les principes, les conditions et les limites du droit d’accès aux documents de ces institutions prévu à l’article 255 CE. Ce règlement est applicable depuis le 3 décembre 2001.

3        L’article 2, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 1049/2001 dispose :

« 1. Tout citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents des institutions, sous réserve des principes, conditions et limites définis par le présent règlement.

[…]

3. Le présent règlement s’applique à tous les documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne. »

4        L’article 4 du règlement n° 1049/2001, relatif aux exceptions au droit d’accès, prévoit :

« […]

3. L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle‑ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

L’accès à un document contenant des avis destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution concernée est refusé même après que la décision a été prise, dans le cas où la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[…]

5. Un État membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet État sans l’accord préalable de celui‑ci.

6. Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées.

7. Les exceptions visées aux paragraphes 1, 2 et 3 s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document […] »

5        Le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1), avait institué, par son article 247, un « comité du code des douanes […] composé de représentants des États membres et présidé par un représentant de la Commission ».

6        Le règlement (CEE) n° 2658/87 du Conseil, du 23 juillet 1987, relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun (JO L 256, p. 1), prévoit, en son article 8, ce qui suit :

« Le comité prévu à l’article 247 du [règlement n° 2913/92] peut examiner toute question évoquée par son président, soit à l’initiative de celui-ci, soit à la demande du représentant d’un État membre :

a)       relative à la nomenclature combinée ;

b)       relative à la nomenclature du TARIC et à toute autre nomenclature qui reprend la nomenclature combinée, en totalité ou en partie ou en y ajoutant éventuellement des subdivisions, et qui est établie par des dispositions communautaires spécifiques en vue de l’application des mesures tarifaires ou autres dans le cadre des échanges de marchandises. »

7        L’article 9 du règlement n° 2658/87 prévoit ce qui suit :

« 1. Les mesures concernant les matières ci-après sont arrêtées selon la procédure définie à l’article 10 :

a)       application de la nomenclature combinée et du TARIC en ce qui concerne notamment :

– le classement des marchandises dans les nomenclatures visées à l’article 8,

– les notes explicatives […] »

8        L’article 10, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement n° 2658/87  renvoie aux articles 4 et 7 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23), qui prévoient ce qui suit :

« Article 4

Procédure de gestion

1. La Commission est assistée par un comité de gestion composé des représentants des États membres et présidé par le représentant de la Commission.

2. Le représentant de la Commission soumet au comité un projet des mesures à prendre. Le comité émet son avis sur ce projet dans un délai que le président peut fixer en fonction de l’urgence de la question en cause. L’avis est émis à la majorité prévue à l’article 205, paragraphe 2, du traité pour l’adoption des décisions que le Conseil est appelé à prendre sur proposition de la Commission. Lors des votes au sein du comité, les voix des représentants des États membres sont affectées de la pondération définie à l’article précité. Le président ne prend pas part au vote.

3. La Commission arrête, sans préjudice de l’article 8, des mesures qui sont immédiatement applicables. Toutefois, si elles ne sont pas conformes à l’avis émis par le comité, ces mesures sont aussitôt communiquées par la Commission au Conseil. Dans ce cas, la Commission peut différer l’application des mesures décidées par elle pour une période à préciser dans chaque acte de base, mais qui ne dépasse en aucun cas trois mois à compter de la date de cette communication.

4. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut prendre une décision différente pendant la période prévue au paragraphe 3.

[…]

Article 7

1. Chaque comité adopte son règlement intérieur sur proposition de son président, sur la base d’un règlement intérieur type qui est publié au Journal officiel des Communautés européennes. Les comités existants adaptent, dans la mesure nécessaire, leur règlement intérieur au règlement intérieur type.

2. Les principes et les conditions concernant l’accès du public aux documents qui sont applicables à la Commission s’appliquent aux comités. »

9        L’article 10, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n° 2658/87 précise que « [l]a période prévue à l’article 4, paragraphe 3, de la décision 1999/468[…] est fixée à trois mois. »

10      L’article 8 du règlement intérieur du comité du code des douanes, adopté par la section « Réglementation douanière générale » du comité du code des douanes le 5 décembre 2001 (document « TAXUD/741/2001 final »), précise que « [l]e comité peut créer des groupes de travail pour l’examen de questions particulières » et que « [l]es groupes de travail sont présidés par un représentant de la Commission ou d’un État membre ».

 Antécédents du litige

11      Le requérant, M. Pablo Muñiz, avocat spécialisé dans les questions douanières, a demandé le 1er octobre 2004 à avoir accès à l’ordre du jour de la réunion du comité du code des douanes, section « Nomenclature tarifaire et statistique (mécanique/divers) » (ci‑après le « comité de la nomenclature »), de septembre 2004. La Commission a fourni au requérant une copie de l’ordre du jour en question le 12 octobre 2004. Cet ordre du jour contenait une liste des points devant être discutés par le comité de la nomenclature durant sa réunion du 20 septembre 2004 ainsi qu’une liste de ceux devant être discutés par le groupe de travail du comité de la nomenclature (ci‑après le « groupe de travail »), durant sa réunion du 21 au 23 septembre 2004.

12      Par courrier électronique à la Commission du 13 octobre 2004, envoyé à Mme C., le requérant a demandé à avoir accès au compte rendu de la réunion de septembre 2004 du groupe de travail (ci‑après le « compte rendu du groupe de travail »), ainsi qu’à certains documents de la direction générale (DG) « Fiscalité et union douanière », discutés par le groupe de travail, énumérés ci‑après (ces documents et le compte rendu du groupe de travail sont désignés ci‑après comme les « documents demandés ») :

« 6.1. Véhicules mixtes (doc. TAXUD/860/2004, TAXUD/974/2004 et TAXUD/2438/2004) ; 6.3. Cinéma à domicile (‘home cinema’) – Ampli/tuner [doc. TAXUD/1915/2002 (+Add), TAXUD/1369/2003 et TAXUD/1268/2003] ; 6.6. Fours à micro-ondes (doc. TAXUD/2424/2004) ; 6.7. Unités d’alimentation stabilisée (doc. TAXUD/1342/2003, TAXUD/2465/2004 et TAXUD/2495/2004) ; 6.8. Clés USB (doc. TAXUD/2456/2004, et TAXUD/2456/2004 Annexes) ; 6.10. Systèmes de surveillance (doc. TAXUD/2421/2004) ; 6.12. Machines automatiques de traitement de l’information incomplètes (doc. XXI/770/1998 et TAXUD/2432/2004). »

13      Le 1er décembre 2004, M. V., chef de l’unité « Relations avec les institutions, coordination interne » de la direction A « Affaires générales » de la DG « Fiscalité et union douanière » a informé le requérant que l’accès aux documents demandés lui était refusé sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 1049/2001.

14      Le 15 décembre 2004, le requérant a présenté une demande confirmative à la Commission, tendant à ce que celle-ci reconsidère sa position quant à l’accès aux documents demandés. Cette demande confirmative a été enregistrée le 16 décembre 2004.

15      Par lettre du 14 janvier 2005, la Commission a prolongé de quinze jours ouvrables le délai de réponse à la demande confirmative, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001.

16      Le 3 février 2005, le requérant a reçu la décision de la Commission (ci‑après la « décision attaquée ») confirmant la décision de la DG « Fiscalité et union douanière » rejetant sa demande d’accès aux documents demandés. Dans la décision attaquée, premièrement, la Commission a affirmé, en substance, que les conditions de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 étaient remplies, car les documents demandés avaient trait à des questions à l’égard lesquelles la Commission n’avait pas encore pris de décision et la divulgation des documents demandés porterait gravement atteinte au processus décisionnel de la Commission.

17      À cet égard, la Commission a souligné le caractère informel du groupe de travail et a indiqué que ce dernier avait fourni dans les documents demandés une analyse préliminaire de questions techniques devant être discutées ultérieurement lors des réunions du comité de la nomenclature. Elle a affirmé que, dès lors que le comité de la nomenclature n’avait pas achevé son examen de ces questions lors de la rédaction de la décision attaquée et qu’aucune décision finale n’avait encore été prise, la divulgation des documents demandés exposerait ce comité à des pressions inutiles et nuisibles qui l’empêcheraient de tenir des discussions franches dans une ambiance coopérative. La Commission a également mis en exergue que les délibérations du groupe de travail reflétaient un échange de vues internes exprimées dans une procédure de prise de décision en cours. La capacité du personnel de la Commission et des experts participant aux réunions de travail d’exprimer leurs opinions serait réduite si, lors de l’élaboration de documents tels que les documents demandés, ils devaient prendre en compte la possibilité que leurs opinions et leurs appréciations soient divulguées au public. La protection de cet « espace de réflexion » serait fondamentale pour la préservation du processus décisionnel de la Commission, lequel se trouverait sérieusement entravé si cette institution ne pouvait plus se fonder sur les conseils francs et complets de ses services. La Commission a ensuite souligné que ce n’était pas uniquement le processus décisionnel du collège des commissaires qui était protégé par l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, mais également le processus décisionnel du comité de la nomenclature, et notamment celui aboutissant à une décision de classification de produits. La Commission n’aurait pas enfreint ses obligations de transparence en menant des discussions au sein du groupe de travail, le résultat de ces discussions étant reflété dans les documents examinés par le comité de la nomenclature ou dans les comptes rendus de ce comité. Le requérant aurait toujours eu l’accès le plus large aux comptes rendus et aux programmes des réunions du comité de la nomenclature. Deuxièmement, la Commission a indiqué que les conditions prévues pour l’accès partiel aux documents, en vertu de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, n’étaient pas réunies. Elle a souligné, d’une part, que, au moment de l’adoption de la décision attaquée, toutes les parties du compte rendu du groupe de travail étaient couvertes par les exceptions invoquées et, d’autre part, que, même si certaines parties marginales des autres documents demandés pouvaient être divulguées, n’étant pas couvertes par lesdites exceptions, ce ne serait qu’au prix d’une charge de travail administratif disproportionnée. Troisièmement, la Commission a affirmé qu’il n’existait aucun intérêt public supérieur à celui de la protection du processus décisionnel de la Commission justifiant que les documents soient communiqués en application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001.

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 avril 2005, le requérant a introduit le présent recours. Le requérant a renoncé à déposer une réplique, ce dont la Commission a été informée le 29 juillet 2005.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 juillet 2005, la République de Finlande a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du requérant. Par ordonnance du 13 septembre 2005, le président de la cinquième chambre a admis cette intervention. Par la suite, la République de Finlande s’est désistée de son intervention.

20      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, le Tribunal a posé par écrit des questions à la Commission. Celle-ci y a répondu dans les délais impartis et a annexé à sa réponse certains documents demandés. Elle a, à cet égard, invoqué l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 1049/2001 en tant que fondement du refus d’accès au compte rendu du groupe de travail. Le requérant, invité à présenter ses observations sur cette réponse, a fait valoir qu’il s’agissait d’un changement de la base légale du refus et a conclu que la décision attaquée devait également être annulée en ce qu’elle refusait l’accès sur le fondement de cette base juridique. À l’audience, il a cependant fait valoir que la validité du refus d’accès au compte rendu du groupe de travail devait être examinée par le Tribunal en vertu de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, même si la Commission soutenait que le refus était désormais fondé sur l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, dudit règlement. La Commission a toutefois précisé à l’audience qu’elle défendait la décision attaquée sur la base du premier alinéa de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001.

21      Le 23 mai 2007, le requérant a introduit une demande de mesures d’organisation de la procédure, en application de l’article 64, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure, quant au compte rendu de la réunion de septembre 2004 du groupe de travail. Le 15 juin 2007, la Commission a présenté ses observations sur la demande de mesures d’organisation de la procédure.

22      Par lettre du 1er février 2008, la Commission a informé le Tribunal du fait que certains autres documents demandés avaient été entre-temps communiqués au requérant.

23      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la septième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

24      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle lui refuse le plein accès aux documents demandés, ou

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle lui refuse l’accès partiel aux documents demandés ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

26      À l’audience, le requérant a demandé d’étendre l’objet du litige et de modifier ses conclusions de sorte à inclure la décision de la Commission du 7 mai 2007 par laquelle celle-ci a refusé de lui communiquer le document « TAXUD/974/2004 » émanant de la République d’Autriche, en raison du fait que cet État membre, sur consultation, n’a pas accordé l’accès à celui-ci.

 En droit

 Sur la demande visant à l’annulation de la décision de la Commission du 7 mai 2007

27      S’agissant de la demande du requérant d’étendre l’objet du litige et de modifier ses conclusions de sorte à y inclure la décision de la Commission du 7 mai 2007, il convient de constater que cette demande a été formulée pour la première fois oralement lors de l’audience, sans que le requérant ait transmis au Tribunal cette décision et ait établi le lien juridique et matériel qui doit exister entre sa demande et l’objet du litige examiné par le Tribunal.

28      Il s’ensuit que la demande du requérant consistant à étendre l’objet du litige et à modifier ses conclusions doit être rejetée.

 Sur le chef de conclusions visant à contester le refus d’un plein accès aux documents demandés

29      Le requérant soulève deux moyens à l’encontre de la décision attaquée. Premièrement, cette décision violerait l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 en refusant le plein accès aux documents demandés. Deuxièmement, la décision attaquée violerait l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement.

30      Il convient d’analyser de façon conjointe les moyens soulevés par le requérant.

 Arguments des parties

–       Sur la violation de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001

31      Le requérant affirme, en substance, que la décision attaquée contrevient aux obligations de transparence de la Commission. Elle mettrait en péril également l’accès, déjà limité, aux comptes rendus du comité de la nomenclature.

32      La Commission ne saurait justifier, selon le requérant, le refus d’accès au compte rendu du groupe de travail et aux documents du groupe de travail par le fait que le résultat de ses travaux serait reflété dans les comptes rendus du comité de la nomenclature ou dans les documents examinés par ce comité, ni par le fait qu’un dossier serait encore en discussion.

33      À cet égard, d’une part, le requérant fait valoir que les comptes rendus du comité de la nomenclature ne reflètent pas les travaux du groupe de travail. Le rôle du comité de la nomenclature se limiterait dans certains cas à approuver ou à désapprouver, sans autres explications, un projet de mesure préparé et discuté au sein du groupe de travail. À titre d’exemple, le requérant mentionne la rubrique « fours à micro‑ondes » qui figure dans le programme du groupe de travail faisant l’objet de la décision attaquée, mais qui ne serait pas mentionnée dans le programme de la réunion du comité de la nomenclature. Les discussions au sein du groupe de travail concernant cet article ne se refléteraient pas, de manière pertinente, dans les comptes rendus des réunions ultérieures du comité de la nomenclature.

34      D’autre part, le requérant soutient que cela permettrait d’opposer un refus systématique de divulguer des documents internes, y compris tous les documents d’un groupe de travail, au seul motif que le dossier n’est pas encore clos. Cela serait contraire à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001.

35      Le requérant demande, par conséquent, l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où elle est contraire aux obligations de transparence qui incombent à la Commission en vertu du règlement n° 1049/2001 et où elle empêche l’exercice, par le requérant, de ses droits d’accès aux documents demandés au titre de l’article 2 dudit règlement.

36      La Commission considère que le deuxième moyen invoqué par le requérant est sans fondement et doit être rejeté.

37      La Commission souligne que l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001 prévoit un droit d’accès aux documents des institutions sous réserve des principes, des conditions et des limites définis par celui-ci. Il s’ensuivrait que, si une institution refuse l’accès en se fondant sur l’application correcte d’une ou de plusieurs des exceptions prévues à l’article 4 du règlement en question, l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement ne pourrait pas être enfreint.

38      Selon la Commission, la question importante en l’espèce est de savoir si elle a refusé l’accès aux documents demandés à bon escient en se fondant sur l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001. Les allégations factuelles du requérant sont, selon elle, sans rapport avec l’objet du présent litige.

39      Quant à l’allégation du requérant selon laquelle le raisonnement figurant dans la décision attaquée permettrait d’opposer un refus systématique de divulguer des documents internes au seul motif que le dossier n’est pas encore clos, la Commission rétorque que l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 prévoit que plusieurs conditions doivent être remplies dans chaque cas spécifique pour que l’accès soit refusé. La question qui se poserait ne serait pas uniquement de savoir si un document est un document interne concernant une décision qui n’a pas encore été prise, mais de savoir si la divulgation dudit document porterait gravement atteinte au processus décisionnel d’une institution. La Commission aurait donné, en l’espèce, des explications sur ce point.

40      La Commission souligne, pour soutenir son allégation que les travaux du groupe de travail se reflètent dans les documents examinés par le comité de la nomenclature ou dans ses comptes rendus, que les personnes qui peuvent participer aux travaux du groupe de travail sont les mêmes que celles qui participent à ceux du comité de la nomenclature. En ce qui concerne les mesures du comité de la nomenclature qui apparaissent dans les comptes rendus de la réunion de ce comité, le groupe de travail peut, selon la Commission, vérifier et/ou clarifier les faits exposés dans le texte et affiner le libellé, sans toutefois modifier le classement. En tout état de cause, les comptes rendus du comité de la nomenclature présenteraient la version définitive des discussions et, par conséquent, pourraient représenter seuls la position réelle du comité de la nomenclature sur une question donnée.

41      La Commission fait valoir, en ce qui concerne l’exemple donné par le requérant au sujet des fours à micro‑ondes, point figurant à l’ordre du jour de la réunion de septembre du groupe de travail, que cette question a été examinée au cours d’une réunion ultérieure du comité de la nomenclature (novembre 2004) dont l’ordre du jour et le compte rendu sont accessibles sur Internet.

–       Sur la violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001

42      Le requérant affirme, en premier lieu, que les motifs figurant dans la décision attaquée ne constituent pas des motifs valables pour refuser l’accès aux documents demandés en vertu de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001.

43      À cet égard, premièrement, il soutient que les motifs sur lesquels s’est fondée la Commission ne prouvent pas qu’il existe un risque de porter gravement atteinte au processus décisionnel de la Commission comme l’exige cet article. Le requérant fait valoir que l’exception prévue par cet article doit s’appliquer restrictivement.

44      Deuxièmement, le requérant fait valoir que, étant donné que tant le groupe de travail que le comité de la nomenclature font partie de la Commission, il importe peu de savoir lequel d’entre eux est l’auteur des documents demandés, seul le contenu desdits documents étant susceptible d’empêcher leur divulgation.

45      Troisièmement, le requérant relève que le comité de la nomenclature joue un rôle essentiel dans le processus législatif en matière de législation douanière, notamment dans le domaine de la classification tarifaire. Les comptes rendus ainsi que l’ordre du jour du comité de la nomenclature auraient été régulièrement publiés sur le site Internet du registre « Comitologie » depuis la fin de l’année 2004. Le comité de la nomenclature serait assisté par le groupe de travail qui remplirait une fonction semblable à la sienne. Le requérant affirme qu’il est essentiel, afin d’informer les clients des évolutions en matière douanière, de surveiller régulièrement les activités du comité de la nomenclature ainsi que celles du groupe de travail.

46      Quatrièmement, le requérant prétend que le fait d’invoquer les « échanges de vues internes » et l’« analyse préliminaire de questions techniques » contenus dans les documents demandés empêcherait l’accès à tout document interne relatif à tout processus décisionnel en cours. L’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 n’aurait pas une portée aussi large. Un refus d’accès aux documents demandés exigerait, selon le requérant, d’autres justifications.

47      Cinquièmement, le risque que le comité de la nomenclature ou le groupe de travail ne puissent pas tenir leurs discussions dans une atmosphère franche et coopérative ne démontre pas, selon le requérant, que la divulgation des documents demandés porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution. Un tel argument ne serait pas suffisant.

48      Il fait valoir que la Commission a divulgué des comptes rendus du groupe de travail en d’autres occasions, alors même que le dossier n’était pas clos. La divulgation des comptes rendus du groupe de travail ne porterait donc pas gravement atteinte au processus décisionnel de la Commission, contrairement à ce qu’elle soutient.

49      Le requérant affirme, en second lieu, que c’est à tort que la décision attaquée écarte automatiquement l’accès à toute la catégorie des documents établis à usage interne, en particulier par le groupe de travail. Cela irait à l’encontre de l’obligation de raisonner par référence au contenu spécifique des documents demandés. Le requérant prétend que la décision attaquée ne contient aucune preuve que le contenu des documents demandés ait été examiné.

50      La décision attaquée serait par conséquent contraire à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 et devrait donc être annulée.

51      Selon la Commission, le premier moyen invoqué par le requérant serait sans fondement et devrait être rejeté. Elle soutient avoir appliqué correctement en l’espèce les dispositions légales appropriées, en appliquant toute exception sur laquelle elle se fondait de manière restrictive et en expliquant clairement au requérant les raisons de sa décision.

52      La Commission fait valoir, en référence au considérant 11 du règlement n° 1049/2001, que certains intérêts publics et privés devraient être garantis par le biais d’un régime d’exceptions. Elle prétend que l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement prévoit une exception « obligatoire » qui doit être appliquée par une institution lorsque celle‑ci n’a pas encore pris de décision et lorsque la divulgation des documents demandés porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution.

53      La Commission souligne que, dans la décision attaquée, le secrétaire général de la Commission mentionnait tous les documents demandés sauf un et informait le requérant que, après avoir examiné attentivement sa demande et les documents concernés à la lumière du règlement n° 1049/2001, il était parvenu à la conclusion qu’aucun document ne pouvait être divulgué. La Commission soutient que le refus de communiquer les documents demandés s’appuyait sur l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001. Leur divulgation, au stade où la décision attaquée a été rédigée, aurait porté gravement atteinte au processus décisionnel de la Commission.

54      La Commission fait observer que son secrétaire général a examiné individuellement tous les documents demandés, y compris le document « TAXUD/2424/2004 » non mentionné spécifiquement dans la décision attaquée. Il ressortirait clairement du texte de cette décision qu’elle est applicable à tous les documents demandés.

55      La Commission soutient, s’agissant des documents demandés, que, au moment de la demande d’accès, les décisions auxquelles ils se rapportaient n’avaient été prises ni par le comité de la nomenclature ni par la Commission. La Commission a considéré que la divulgation desdits documents avant que le comité de la nomenclature n’ait pu les examiner et émettre son avis aurait gravement porté atteinte à son processus décisionnel, dans le cadre duquel l’avis du comité de la nomenclature est une exigence formelle.

56      Premièrement, la Commission soutient à cet égard que, étant donné que tous les documents demandés concernaient le classement de produits dans la nomenclature et que cette question particulière touchait à des intérêts commerciaux importants, elle a considéré qu’il était impératif de protéger le processus décisionnel du comité de la nomenclature de toute pression ou influence extérieures.

57      Deuxièmement, elle fait valoir que la capacité des fonctionnaires et des experts de la Commission participant aux travaux des groupes de travail à exprimer leur avis serait réduite si, lors de l’élaboration des documents, ils devaient tenir compte de la possibilité que leurs avis et leurs appréciations soient divulgués au public. Cela serait particulièrement vrai si la divulgation avait lieu non seulement avant que la décision appropriée de la Commission ne soit prise, mais également avant que le comité compétent n’ait émis son avis.

58      Troisièmement, selon la Commission, la divulgation des avis exprimés dans le cadre du groupe de travail serait prématurée, étant donné qu’il est possible que certains de ces avis ne soient pas suivis lors de leur examen par le comité de la nomenclature. Le groupe de travail, créé afin de soutenir les travaux du comité de la nomenclature, effectuerait une analyse préliminaire des questions techniques qui doivent faire l’objet de discussions ultérieures au cours des réunions de ce comité. Il affinerait également les propositions de la Commission. C’est, selon la Commission, le comité de la nomenclature qui émet un avis sur les mesures à adopter par la Commission.

59      La divulgation du compte rendu de la réunion du groupe de travail, au moment de la demande, présentait selon la Commission le risque que les points de vue internes initiaux soient interprétés erronément par le public comme étant la position finale de la Commission sur un sujet donné. Selon la Commission, c’est le contenu des documents sollicités qui imposait l’application d’une exception et non l’identité de l’auteur desdits documents.

60      Quatrièmement, la Commission souligne le caractère informel du groupe de travail. Il n’y aurait aucune base légale, aucun mandat et aucune décision formelle créant celui‑ci. Il ne pourrait pas donner d’avis officiel à la Commission au sujet de l’adoption de projets de mesures d’exécution. Il se composerait des mêmes délégués que ceux qui siègent au sein du comité de la nomenclature. Toutefois, ceux-ci participeraient aux travaux du groupe de travail en tant qu’experts et non en leur qualité de représentants des États membres.

61      Selon la Commission, le seul compte rendu que le groupe de travail ait jamais rédigé est celui de septembre 2004, demandé par le requérant. Il n’aurait été rédigé que parce que le groupe de travail avait été chargé de préparer la réunion du comité de la nomenclature de novembre 2004 intervenant deux mois plus tard.

62      La Commission fait valoir que les évaluations du groupe de travail peuvent être confirmées, modifiées ou totalement écartées lors des délibérations ultérieures du comité de la nomenclature, qui déciderait en dernier lieu sur les questions considérées. Les évaluations du comité de la nomenclature concernant les travaux du groupe de travail seraient consignées dans les comptes rendus de ce comité. Ceux-ci, ainsi que certains autres types de documents du comité de la nomenclature, seraient généralement disponibles sur le site Internet de la Commission.

63      Cinquièmement, la Commission prétend qu’elle n’a pas procédé, en l’espèce, à une appréciation par catégorie de documents, mais qu’elle a simplement indiqué les raisons de sa décision par référence à une catégorie de documents. L’examen concret et individuel de tous les documents demandés ressortirait de la décision attaquée. La Commission soutient que le Tribunal a reconnu dans sa jurisprudence la possibilité pour les institutions de présenter les motifs de leurs décisions de ne pas divulguer les documents par catégorie de documents.

64      L’explication donnée par la Commission dans la décision attaquée, selon laquelle l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 s’applique à tous les documents demandés, refléterait le fait que ces documents avaient un caractère similaire et que, par conséquent, l’article en question s’appliquait à tous les documents exactement de la même façon.

65      Sixièmement, la Commission soutient qu’elle a démontré sa volonté de communiquer au requérant tout document demandé dès qu’une exception prévue par le règlement n° 1049/2001 cessait d’être applicable, conformément à l’article 4, paragraphe 7, dudit règlement. Elle se réfère, en particulier, à ses réponses positives données à 44 des 47 demandes d’accès présentées par le requérant, soit seul, soit avec M. D. B., à la DG « Fiscalité et union douanière » depuis 2002. Le seul cas où la Commission a refusé de divulguer les documents demandés serait celui qui fait l’objet du présent litige. Les autres demandes auraient concerné des documents non existants ou auraient été entièrement satisfaites lors du recours administratif, après que le processus décisionnel correspondant a été achevé.

66      Septièmement, au cours de la phase écrite de la présente procédure, la Commission a communiqué au requérant certains des documents demandés dans leur intégralité, en soutenant que l’exception en cause a cessé de s’appliquer à leur égard. Il s’agissait des documents suivants : le document « TAXUD/2424/2004 », relatif aux fours à micro‑ondes ; les documents « TAXUD/1915/2002 », « TAXUD/1915/2002 (add.) » et « TAXUD/1268/2003 », relatifs aux cinémas à domicile ; le document « TAXUD/2421/2004 », relatif aux systèmes de surveillance ; les documents « TAXUD/2456/2004 » et « TAXUD/2456/2004 Annexes », relatifs aux clés USB ; les documents « TAXUD/860/2004 » et « TAXUD/2438/2004 », relatifs aux véhicules mixtes ; le document « TAXUD/2432/2004 », relatif aux machines automatiques de traitement de l’information incomplètes ; le document « TAXUD/1369/2003 », relatif aux cinémas à domicile (à l’exception du nom d’une société finlandaise qui y apparaît).

67      Huitièmement, la Commission a confirmé que, dans la décision attaquée, elle refusait la divulgation des documents demandés sur la seule base de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001. Selon la Commission, au moment où elle a préparé la décision attaquée, il était évident que l’ensemble des documents demandés concernaient des questions pour lesquelles aucune décision n’avait encore été adoptée. La décision attaquée a modifié, selon la Commission, la réponse à la demande initiale du requérant et l’a remplacée.

 Appréciation du Tribunal

68      Il convient, tout d’abord, de rappeler que la légalité de la décision attaquée doit être examinée à la lumière des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle la décision a été prise (arrêt du Tribunal du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, Rec. p. II‑2023, point 114).

69      Il convient ensuite de relever que le refus de divulguer l’ensemble des documents demandés relevait, au moment de l’adoption de la décision attaquée, du champ d’application de l’exception au droit d’accès prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001.

70      À cet égard, la Commission a affirmé, en substance, dans la décision attaquée que les conditions prévues par cet article étaient remplies, puisque les documents demandés avaient trait à des questions sur lesquelles la Commission n’avait pas encore pris de décision et que la divulgation de ces documents porterait gravement atteinte au processus décisionnel de la Commission. Aux fins de justifier ce refus, la Commission invoquait, dans la décision attaquée, plusieurs motifs pouvant être regroupés en deux volets.

71      S’agissant du premier volet des motifs avancés par la Commission, concernant les caractéristiques de la procédure en question, d’une part, il y a lieu de constater que la Commission se fondait sur le caractère préliminaire des analyses de questions techniques contenues dans les documents demandés, sur le caractère informel du groupe de travail ainsi que sur le caractère fondamental de cet espace de réflexion pour son processus décisionnel. D’autre part, elle invoquait le fait que les résultats des travaux du groupe de travail étaient reflétés dans les documents examinés par le comité de la nomenclature ou dans les comptes rendus de celui-ci et que le requérant avait eu accès à ceux‑ci ainsi qu’aux programmes des réunions du comité de la nomenclature.

72      Pour ce qui est du second volet des motifs avancés par la Commission, concernant les conséquences d’un accès éventuel aux documents demandés, il y a lieu de relever que la Commission se fondait sur le fait que la divulgation des documents demandés au moment de l’adoption de la décision attaquée aurait exposé le comité de la nomenclature à des pressions inutiles et nuisibles qui l’auraient empêché de tenir des discussions franches dans une ambiance coopérative ainsi que sur le fait que la capacité du personnel de la Commission et des experts participant aux réunions de travail d’exprimer leurs opinions serait réduite si, lors de l’élaboration de documents tels que ceux demandés, ils devaient tenir compte de la possibilité que leurs opinions soient divulguées au public. Enfin, la Commission a mis en exergue que le processus décisionnel serait sérieusement entravé si elle ne pouvait plus se fonder sur les conseils francs et complets de ses services.

73      S’agissant de la justification de l’exception en cause, il convient d’examiner, tout d’abord, si ces raisons invoquées par la Commission pour refuser l’accès aux documents demandés démontrent qu’un tel accès aurait porté gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution et ensuite, le cas échéant, s’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés.

74      À cet égard, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle il y a lieu de démontrer que l’accès en cause était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception et que le risque d’atteinte à cet intérêt était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, Rec. p. II‑1121, point 69, et la jurisprudence citée).

75      De surcroît, pour relever de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, l’atteinte au processus décisionnel doit être grave. Il en est notamment ainsi lorsque la divulgation des documents visés a un impact substantiel sur le processus décisionnel. Or, l’appréciation de la gravité dépend de l’ensemble des circonstances de la cause, notamment des effets négatifs sur le processus décisionnel, invoqués par l’institution quant à la divulgation des documents visés.

76      En l’espèce, le processus décisionnel en cause est relatif aux mesures de classement des marchandises prises par la Commission, après avis du comité de la nomenclature, lorsque le classement dans la nomenclature combinée du tarif douanier commun d’un produit particulier est susceptible de susciter une difficulté ou de faire l’objet d’une controverse et est régi par le règlement n° 2658/87. L’issue de ce processus décisionnel a un impact certain, notamment sur les importations réalisées par les opérateurs, puisqu’un nouveau classement aboutit généralement à une modification du droit de douane appliqué à l’importation.

77      Ce processus décisionnel de nature législative consiste, en substance, en ce que le représentant de la Commission soumet à un comité qu’il préside, composé de représentants des États membres, un projet des mesures à adopter, afin que le comité puisse formuler son avis à la majorité requise par l’article 205, paragraphe 2, CE, dans un délai que le président peut fixer en fonction de l’urgence de la question examinée. Si ces mesures proposées ne sont pas conformes à l’avis du comité, la Commission soumet au Conseil une proposition relative aux mesures à prendre. À défaut d’une décision différente du Conseil adoptée à la majorité qualifiée dans les trois mois suivant la date à laquelle la proposition lui avait été soumise, la Commission adopte les mesures proposées (article 10 du règlement n° 2658/87).

78      S’agissant du premier volet des motifs avancés par la Commission, il importe de préciser que les documents demandés sont tous issus des travaux du groupe de travail, créé conformément à l’article 8 du règlement intérieur du comité du code des douanes afin de soutenir les travaux du comité de la nomenclature. Plus précisément, le groupe de travail, réuni du 21 au 23 septembre 2004, a été chargé de préparer la réunion du comité de la nomenclature de novembre 2004. Il est constant que les dossiers concernant les documents demandés n’avaient pas encore fait l’objet, à la date de la première demande, le 13 octobre 2004, d’un examen au sein du comité de la nomenclature (voir points 11 et 12 ci‑dessus). Dans ce contexte, la Commission a souligné le caractère informel du groupe de travail et le caractère préliminaire des analyses de questions techniques contenues dans ces documents. De tels arguments sont néanmoins dépourvus de pertinence.

79      En effet, s’il est vrai que les documents demandés sont intervenus à un stade précoce du processus décisionnel, il n’en reste pas moins qu’ils ont été établis ou reçus par la Commission et étaient en sa possession au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, qui prévoit l’application de ses dispositions « à tous les documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, dans tous les domaines d’activité de l’Union européenne ». Dès lors, il y a lieu de considérer que ledit article s’applique à tous les documents demandés, ainsi que la Commission ne l’a d’ailleurs pas contesté.

80      Par ailleurs, l’exception dont il est question à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001 vise l’accès à des documents à usage interne ayant trait à une question sur laquelle l’institution n’a pas encore pris de décision. Or, ni par son libellé, ni par l’intérêt qu’elle protège, cette exception n’exclut la possibilité de demander l’accès aux documents à usage interne contenant des analyses préliminaires.

81      S’agissant en particulier du caractère informel du groupe de travail, la Commission a, lors de l’audience, souligné le fait que, d’une part, la composition de ce groupe était variable en ce qu’elle dépendait de la présence effective des États membres invités à y participer et, d’autre part, le groupe de travail ne jouait pas un rôle formel dans la procédure décisionnelle, la prise de position du comité de la nomenclature constituant l’étape formelle importante. En outre, la Commission a ajouté que ce qui était discuté au sein du groupe de travail était de nouveau évoqué au sein du comité de la nomenclature, lequel dispose du pouvoir de donner l’avis requis.

82      Or, force est de constater que de telles explications quant au caractère informel du groupe de travail ne modifient en rien le fait que les documents provenant de ce groupe de travail sont « communicables », dans le sens indiqué aux points 79 et 80 ci‑dessus, c’est-à-dire destinés à être divulgués, sous réserve de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001. Il y a lieu d’ajouter que, bien que le comité de la nomenclature ne soit pas lié par la proposition du groupe de travail, il n’en demeure pas moins que les documents établis ou reçus par ce dernier présentent un intérêt pour ce comité en vue d’émettre son avis. Tel est notamment le cas lorsque le comité de la nomenclature, reprenant des expertises techniques du groupe de travail, se borne à se référer, dans son compte rendu, à des documents présentés par ce dernier.

83      Or, il convient de constater que tel est également le cas en l’espèce. En effet, il ressort des comptes rendus des réunions du comité de la nomenclature du 20 septembre 2004, et des 11 et 12 novembre 2004, annexés à la requête, que ce comité a fait référence aux documents du groupe de travail, à savoir, notamment, aux dossiers relatifs au classement de marchandises et au compte rendu des discussions au sein du groupe de travail. Cependant, force est de constater que cette référence du comité de la nomenclature a été effectuée sans consigner, dans le compte rendu, l’essentiel de ces documents ou à tout le moins l’essentiel des évaluations effectuées par ce comité concernant les travaux du groupe de travail.

84      Il convient, dès lors, d’écarter l’argument de la Commission selon lequel les résultats des travaux du groupe de travail sont reflétés dans les documents examinés par le comité de la nomenclature ou dans les comptes rendus de celui-ci et selon lequel le requérant a eu un accès à ceux‑ci. En effet, un tel accès ne saurait être considéré comme satisfaisant aux exigences d’un droit d’accès du public, aussi large que possible, aux documents et de la transparence permettant notamment d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel communautaire et de garantir une plus grande légitimité, une plus grande efficacité et une plus grande responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique, ainsi qu’il ressort des considérants 2 et 4 et de l’article 1er, sous a), du règlement n° 1049/2001.

85      Il s’ensuit que, en l’espèce, contrairement à ce que prétend la Commission, ni le caractère préliminaire des analyses contenues dans les documents demandés, ni le caractère informel du groupe de travail auquel ils sont liés, ni le fait que les résultats des travaux du groupe de travail étaient reflétés dans les documents examinés ne sont de nature à justifier au regard du règlement n° 1049/2001 un traitement particulier quant à l’application de l’exception concernée au droit d’accès à ces documents.

86      S’agissant du second volet des motifs avancés par la Commission, il convient de relever, tout d’abord, que la protection du processus décisionnel contre une pression extérieure ciblée peut être de nature à constituer un motif légitime pour restreindre l’accès à des documents relatifs à ce processus décisionnel. Néanmoins, la réalité d’une telle pression extérieure doit être acquise avec certitude et la preuve que le risque d’affecter substantiellement la décision de classement à prendre était raisonnablement prévisible, en raison de ladite pression extérieure, doit être rapportée. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.

87      À cet égard, il convient de relever d’emblée que le risque de pressions extérieures est mentionné dans la décision attaquée d’une manière vague et générale. Par ailleurs, les allégations de la Commission dans ce contexte ne sont pas suffisamment concrètes et étayées pour constituer des éléments de preuve de nature à démontrer qu’un risque réel d’une telle pression extérieure aurait existé si les documents demandés avaient été divulgués avant que l’avis du comité de la nomenclature n’ait été émis.

88      Il importe en effet de souligner que la Commission s’est bornée à affirmer la simple possibilité d’une telle pression extérieure en raison des intérêts commerciaux importants en matière de classement tarifaire douanier. Cependant, cette seule possibilité ne saurait constituer en soi un motif légitime pour restreindre l’accès à des documents, conformément à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, l’exception qui y est prévue devant être interprétée et appliquée strictement (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, Rec. p. I‑1233, point 63, et arrêt Franchet et Byk/Commission, point 68 supra, point 84).

89      La Commission a exprimé certaines inquiétudes, à savoir que la capacité de son personnel et des experts participant aux réunions de travail d’exprimer leurs opinions serait réduite si, lors de l’élaboration de documents tels que les documents demandés, ils devaient tenir compte de la possibilité que leurs opinions soient divulguées au public. À l’audience, elle a, à cet égard, précisé que, si les membres du groupe du travail savaient que leurs avis risquaient d’être exposés au public, ils n’auraient plus la possibilité de s’exprimer librement.

90      Afin de se prononcer sur l’existence d’une raison légitime de craindre que la divulgation de documents puisse porter atteinte au processus décisionnel, l’optique de l’institution indiquée au point précédent doit effectivement être prise en considération. Cependant, cet élément ne joue pas un rôle décisif, la question déterminante consistant à apprécier si les inquiétudes de l’institution concernée sont objectivement justifiées.

91      Or, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, les allégations de la Commission n’étant pas corroborées par d’autres éléments de preuve, elles ne sont pas susceptibles de démontrer que ses inquiétudes sont objectivement justifiées.

92      Par ailleurs, l’existence d’une promesse de l’institution concernée de respecter la confidentialité des discussions de son personnel et des experts participant aux réunions de travail, à supposer qu’elle leur ait été donnée, ne doit pas permettre une protection des opinions exprimées au-delà de ce qui est prévu à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001.

93      En tout état de cause, il y a lieu de relever qu’il n’existe aucune raison objective différenciant, sur ce point, le groupe de travail du comité de la nomenclature, dont les comptes rendus et les autres documents sont communiqués sur demande, sans que cela compromette la capacité des membres du comité de la nomenclature de s’exprimer librement. Par ailleurs, il convient de relever que c’est le groupe de travail lui-même qui décide de ce qui sera inclus dans ses comptes rendus.

94      Eu égard à ce qui précède, il convient d’accueillir les moyens et de conclure que les raisons invoquées par la Commission dans la décision attaquée ne suffisent pas à établir l’existence d’un risque d’affecter gravement le processus décisionnel si les documents demandés avaient été divulgués. La Commission n’était donc pas en droit d’invoquer l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement n° 1049/2001, afin de refuser l’accès aux documents demandés. Par conséquent, elle a enfreint cet article ainsi que l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement relatif à ses obligations de transparence.

95      S’agissant du chef de conclusions du requérant visant à contester la décision attaquée en ce qu’elle lui refuse le plein accès aux documents demandés, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission a refusé au requérant l’accès à tous les documents demandés et que ce n’est que lors de la présente procédure qu’elle lui a communiqué certains d’eux dans leur intégralité.

96      Les documents n’étant pas encore divulgués au requérant, ou ne l’ayant été que partiellement, sont les suivants :

–        le document « TAXUD/1369/2003 », relatif aux cinémas à domicile ;

–        le document « TAXUD/974/2004 », relatif aux véhicules mixtes ;

–        les documents « TAXUD/1342/2003 », « TAXUD/2465/2004 » et « TAXUD/2495/2004 », relatifs aux unités d’alimentation stabilisée ;

–        le document « XXI/770/1998 », relatif aux machines automatiques de traitement de l’information incomplètes ;

–        le compte rendu du groupe de travail (document « TAXUD/3010/2004 – annexe V »).

97      Il convient dès lors de constater qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le premier chef de conclusions du requérant en ce qu’il porte sur les documents demandés déjà divulgués à celui-ci dans leur intégralité.

98      Par conséquent, au vu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, s’agissant du premier chef de conclusions, dans la mesure où elle porte sur les documents mentionnés au point 96 ci-dessus. Partant, il n’y a plus lieu de statuer sur le second chef de conclusions.

 Sur les dépens

99      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’article 87, paragraphe 6, dudit règlement prévoit que, en cas de non-lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens supportés par le requérant, conformément à ces dispositions.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission du 3 février 2005 est annulée en ce qu’elle a refusé l’accès aux documents « TAXUD/1369/2003 », relatif aux cinémas à domicile, « TAXUD/974/2004 », relatif aux véhicules mixtes, « TAXUD/1342/2003 », « TAXUD/2465/2004 » et « TAXUD/2495/2004 », relatifs aux unités d’alimentation stabilisée, « XXI/770/1998 », relatif aux machines automatiques de traitement de l’information incomplètes, et au compte rendu de la réunion de septembre 2004 du groupe de travail de la section « Nomenclature tarifaire et statistique (mécanique/divers) » du comité du code des douanes (document « TAXUD/3010/2004 – annexe V »).

2)      Il n’y a plus lieu de statuer pour le surplus.

3)      La Commission est condamnée aux dépens supportés par M. Pablo Muñiz.

Forwood

Truchot

Šváby

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 décembre 2008.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.