Language of document : ECLI:EU:T:2009:14

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

22 janvier 2009 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marque communautaire verbale easyHotel – Marque nationale verbale antérieure EASYHOTEL – Motif relatif de refus – Absence de similitude des produits et des services − Article 8, paragraphe 1, sous b), et article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 40/94 – Aide judiciaire – Demande introduite par l’administrateur de la faillite d’une société commerciale – Article 94, paragraphe 2, du règlement de procédure »

Dans l’affaire T‑316/07

Commercy AG, établie à Weimar (Allemagne), représentée initialement par MF. Jaschke, puis par Mes S. Grosse et I. Müller, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. S. Schäffner, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

easyGroup IP Licensing Ltd, établie à Londres (Royaume‑Uni), représentée par Mes T. Koerl et S. Möbus, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 19 juin 2007 (affaire R 1295/2006‑2), relative à une procédure de nullité entre Commercy AG et easyGroup IP Licensing Ltd,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCEDES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras (rapporteur), président, M. Prek et V. Ciucǎ, juges,

greffier : Mme C. Kantza, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 août 2007,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 7 janvier 2008,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 21 décembre 2007,

vu la demande d’aide judiciaire déposée par la requérante le 18 septembre 2008,

à la suite de l’audience du 18 septembre 2008,

vu les observations écrites sur la demande d’aide judiciaire de la requérante déposées par l’OHMI et l’intervenante le 2 octobre 2008,

vu la décision du président, du 9 octobre 2008, clôturant la procédure orale,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 21 septembre 2000, l’intervenante, easyGroup IP Licensing Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal easyHotel.

3        Les produits et les services pour lesquels la marque a été demandée relèvent des classes 9, 16, 25, 32, 33, 35, 36, 38, 39, 41 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Le 30 juin 2004, la marque communautaire a été enregistrée sous le numéro 1 866 706, pour tous les produits et les services visés dans la demande d’enregistrement.

5        Le 11 février 2005, la requérante, Commercy AG, a présenté une demande en nullité de la marque en cause au titre de l’article 55 du règlement n° 40/94. Les motifs invoqués étaient ceux visés à l’article 52, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, du même règlement.

6        La demande en nullité était fondée sur la marque nationale verbale antérieure EASYHOTEL, enregistrée en Allemagne pour divers produits et services relevant notamment des classes 9 et 42 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels informatiques pour la production de boutiques en ligne indépendantes de toute plate-forme et systèmes-auteurs sur l’internet essentiellement destinés à la réservation, à la commande et au paiement de chambres d’hôtel » ;

–        classe 42 : « Développement et conception de logiciels informatiques, essentiellement pour les boutiques en ligne et les systèmes-auteurs Internet, en particulier pour la réservation, la commande et le paiement de chambres d’hôtel ».

7        La demande en nullité était dirigée contre tous les produits et les services couverts par la marque litigieuse.

8        Le 12 février 2005, l’intervenante a, en vertu de l’article 49 du règlement n° 40/94, renoncé à la marque litigieuse pour tous les produits et les services relevant des classes 9 et 38, ainsi que pour une partie des services relevant de la classe 42, pour lesquels celle‑ci avait été enregistrée. Cette renonciation a été enregistrée par l’OHMI le 28 juin 2005.

9        Parmi les services relevant des classes 39 et 42 couverts par la marque litigieuse après cette renonciation figurent notamment ceux qui correspondent, pour les classes 39 et 42, à la description suivante :

–        classe 39 : « Services d’information concernant tous les services de transports, y compris services d’information fournis en ligne à partir d’une base de données informatique ou d’Internet ; services de réservation et de commande de voyages fournis sur la toile mondiale de l’Internet (World Wide Web) » ;

–        classe 42 : « Services de réservations informatisées de chambres d’hôtel ».

10      Par décision du 31 juillet 2006, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité en considérant que l’une des conditions nécessaires à l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 n’était pas remplie, à savoir l’identité ou la similitude des produits et des services couverts par les marques en conflit.

11      Le 29 septembre 2006, la requérante a formé un recours, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’annulation en ce que cette dernière avait rejeté la demande en nullité de la marque en cause pour les services relevant des classes 39 et 42 au motif que les produits et les services relevant des classes 9 et 42 couverts par la marque antérieure et évoqués au point 6 ci‑dessus et les services relevant des classes 39 et 42 couverts par la marque en cause et évoqués au point 9 ci‑dessus seraient similaires.

12      Par décision du 19 juin 2007 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le lendemain, la deuxième chambre de recours a rejeté le recours de la requérante et confirmé la décision de la division d’annulation.

13      En substance, la chambre de recours a estimé que les produits et les services concernés n’étaient ni identiques ni similaires et que, partant, l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 ne trouvait pas à s’appliquer.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la marque litigieuse.

15      L’OHMI et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande d’aide judiciaire

16      Aux termes de l’article 94, paragraphe 1, second alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, l’aide judiciaire couvre, totalement ou en partie, les frais liés à l’assistance et à la représentation en justice devant le Tribunal. Ces frais sont pris en charge par la caisse du Tribunal. Le paragraphe 2 ajoute que toute personne physique qui, en raison de sa situation économique, est dans l’incapacité totale ou partielle de faire face aux frais visés au paragraphe 1 a le droit de bénéficier de l’aide judiciaire.

17      Il ressort de ces dispositions qu’une personne morale, telle que Commercy, ne saurait bénéficier de l’aide judiciaire.

18      Toutefois, lors de l’audience, le représentant de la requérante a soutenu que c’est MB. qui, ayant introduit le recours en sa qualité d’administrateur dans la procédure de faillite ouverte à l’encontre du patrimoine de la société Commercy, devait être considéré comme étant la partie requérante dans la présente affaire. MB., étant une personne physique, serait en droit de bénéficier de l’aide judiciaire.

19      Cette argumentation ne saurait être retenue. Certes, il ressort du dossier de la procédure devant l’OHMI, transmis au Tribunal conformément à l’article 133, paragraphe 3, du règlement de procédure, que la demande en nullité litigieuse a été introduite par MB., en sa qualité susmentionnée. Toutefois, l’OHMI a, à juste titre, analysé cette demande comme ayant été introduite au nom de la société Commercy, titulaire de la marque antérieure.

20      En effet, une demande en nullité introduite par Me B. en son propre nom aurait dû être déclarée irrecevable par l’OHMI. Il résulte de l’article 55, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, lu conjointement avec l’article 42, paragraphe 1, et l’article 52, paragraphe 1, de ce règlement, qu’une demande en nullité fondée sur l’article 8, paragraphe 1, de ce même règlement ne peut être présentée que par les titulaires des marques antérieures invoquées à l’appui de cette demande ou par les licenciés habilités par ceux‑ci. Or, la qualité d’administrateur dans la procédure de faillite d’une société commerciale ne correspond à aucune de ces deux catégories.

21      Tant le recours devant la chambre de recours que le recours devant le Tribunal doivent également être considérés comme ayant été introduits par Commercy. En effet, dès lors que la demande en nullité a été analysée comme ayant été introduite par Commercy, une interprétation desdits recours en ce sens qu’ils ont été introduits par MB. doit nécessairement conduire à leur rejet au motif que, contrairement à ce qui est prévu, respectivement, à l’article 58 et à l’article 63, paragraphe 4, du règlement n° 40/94, ils ont été introduits par une personne non habilitée à agir contre les décisions visées par ces recours, à savoir, respectivement, la décision de la division d’annulation et celle de la chambre de recours.

22      La requérante fait, toutefois, valoir que les règles procédurales allemandes prévoient que l’administrateur dans la procédure de faillite peut ester en justice en son propre nom en tant que « Partei kraft Amtes » et non au nom de la personne physique ou morale concernée par la procédure de faillite en question.

23      Cet argument ne saurait être retenu. Outre le fait que les règles procédurales allemandes sont dépourvues de pertinence en l’espèce, dès lors que la procédure devant le Tribunal est régie par le règlement de procédure, il suffit de relever que le présent argument, qui se réfère uniquement aux procédures juridictionnelles, ne remet pas en cause la conclusion selon laquelle, pour être recevable, la demande en nullité devant l’OHMI aurait dû être introduite au nom de la société Commercy. Or, ainsi qu’il a été relevé ci‑dessus, si c’est cette dernière société qui a introduit la demande en nullité, c’est cette même société, le cas échéant représentée par l’administrateur de la faillite, qui est en droit d’agir contre les décisions de la division d’annulation et de la chambre de recours.

24      Il résulte des considérations qui précèdent que, dès lors que la partie requérante dans la présente affaire est la société Commercy, à savoir une personne morale, le bénéfice de l’aide judiciaire ne saurait lui être accordé.

25      En tout état de cause, quand bien même MB. devrait être considéré comme étant la partie requérante dans la présente affaire, la demande d’aide judiciaire ne saurait non plus prospérer.

26      En effet, dans la demande d’aide judiciaire, la requérante soutient que, aux fins de l’appréciation du bien-fondé de cette demande, il faut prendre en considération la situation économique de la société Commercy et non la situation économique personnelle de l’administrateur de la faillite de celle-ci. Ainsi que l’a fait valoir l’OHMI dans ses observations écrites sur ladite demande, cette thèse de la requérante trouve son origine dans l’article 116, paragraphe 1, de la Zivilprozessordnung (code de la procédure civile allemand) qui prévoit que l’aide judiciaire peut être accordée à une « Partei kraft Amtes » lorsque la masse patrimoniale gérée par elle n’est pas suffisante pour couvrir les frais d’une procédure juridictionnelle.

27      Or, il suffit de relever, à cet égard, que le règlement de procédure ne contient aucune disposition analogue à l’article 116, paragraphe 1, de la Zivilprozessordnung et prévoit expressément que le bénéfice de l’aide judiciaire est accordé aux seules personnes physiques, en tenant compte de leur situation économique personnelle.

28      En outre, il convient de relever que, lors de l’audience, le représentant de la requérante a déclaré, en réponse à une question du Tribunal, que dans l’hypothèse où le recours serait rejeté et où la requérante serait condamnée aux dépens, ceux‑ci seraient en charge du patrimoine de la société Commercy, et non du patrimoine personnel de MB. Il a été pris acte de cette déclaration dans le procès‑verbal de l’audience.

29      Dans ces conditions, faire droit à la demande d’aide judiciaire en l’espèce, reviendrait, en réalité, à accorder ce bénéfice à une personne morale, en violation de l’article 94, paragraphe 2, du règlement de procédure.

30      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, la demande d’aide judiciaire doit être rejetée.

 Sur le recours

31      La requérante demande l’annulation de la marque en cause. À l’appui de cette demande, elle a invoqué, dans sa requête, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94 lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous a), du même règlement. Elle fait valoir que, compte tenu de l’identité des marques en conflit, il existe un risque de confusion étant donné que, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré dans la décision attaquée, les produits et les services concernés présentent une similitude à tout le moins faible.

32      Toutefois, lors de l’audience, le représentant de la requérante a précisé que c’est à la suite d’une erreur de plume que la disposition visée par le moyen unique soulevé dans la requête est celle de l’article 8, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 et non celle du paragraphe 1, sous b), du même article, qui est la disposition pertinente en l’espèce. Les autres parties ont déclaré ne pas avoir d’objection, s’agissant de cette clarification. Il a été pris acte de ces déclarations dans le procès‑verbal de l’audience.

33      À titre principal, l’OHMI et l’intervenante excipent de l’irrecevabilité de l’unique chef de conclusions de la requérante, au motif que le Tribunal ne serait pas compétent, en vertu de l’article 63, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, pour prononcer l’annulation de la marque litigieuse ou pour adresser une injonction en ce sens à l’OHMI.

34      À titre subsidiaire, l’OHMI et l’intervenante font valoir que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que les produits et les services concernés n’étaient ni identiques ni similaires et que, partant, l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 ne trouvait pas à s’appliquer en l’espèce.

35      Le Tribunal estime opportun de se prononcer d’abord sur le fond de l’affaire, à savoir sur la légalité de la décision attaquée à la lumière des arguments avancés par la requérante dans le cadre de son unique moyen, avant d’examiner, le cas échéant, la recevabilité du recours, contestée, à titre principal, par l’OHMI et l’intervenante.

36      L’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 dispose que la marque communautaire est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’OHMI, lorsqu’il existe une marque antérieure visée à l’article 8, paragraphe 2, et que les conditions énoncées au paragraphe 1 ou au paragraphe 5 de cet article sont remplies.

37      L’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement présuppose, pour son application, l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée en raison de l’identité ou de la similitude de ladite marque avec la marque en cause et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent.

38      En vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du même règlement, on entend notamment par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque communautaire.

39      En l’espèce, tant la division d’annulation que la chambre de recours ont admis l’identité des marques en conflit. Toutefois, elles ont considéré que les produits et les services concernés n’étaient ni identiques ni similaires et que, par conséquent, l’enregistrement de la marque litigieuse ne se heurtait pas à l’article 8, paragraphe 1, du règlement n° 40/94.

40      À l’appui de son unique moyen, la requérante conteste cette conclusion, en faisant valoir qu’elle procède d’une interprétation trop étroite de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94. La requérante relève que, selon la jurisprudence, cette disposition doit être interprétée en ce sens que, lorsque, comme en l’espèce, les marques en conflit sont identiques, l’écart entre les produits ou les services concernés devrait être très grand pour exclure tout risque de confusion.

41      Selon la jurisprudence, l’existence, dans l’esprit du public, d’un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Cette appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte, de sorte qu’un faible degré de similitude entre les produits ou les services couverts peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement (voir arrêt de la Cour du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI et Cornu, C‑108/07 P, non publié au Recueil, points 44 et 45, et la jurisprudence citée).

42      Il a également été jugé que, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit ainsi qu’une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 12 octobre 2004, Vedial/OHMI, C‑106/03 P, Rec. p. I‑9573, point 51, et du 13 septembre 2007, Il Ponte Finanziaria/OHMI, C‑234/06 P, Rec. p. I‑7333, point 48).

43      Par conséquent, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, il reste nécessaire, même dans l’hypothèse où il existerait une identité des marques en conflit, d’apporter la preuve de la présence d’une similitude entre les produits ou les services qu’elles désignent [voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 9 mars 2007, Alecansan/OHMI, C‑196/06 P, non publiée au Recueil, point 24 ; et arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, Rec. p. II‑2353, point 27]. 

44      Eu égard à ces considérations et en l’absence de toute contestation de l’identité des marques en conflit, il convient, pour répondre au moyen unique de la requérante, de vérifier l’exactitude de la conclusion de la chambre de recours dans la décision attaquée selon laquelle les produits et les services concernés ne sont pas similaires et, dans ce contexte, d’examiner l’argumentation de la requérante tirée, en substance, de ce que lesdits produits et services présenteraient, à tout le moins, une faible similitude.

45      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre des produits et des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt de la Cour du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, Rec. p. I‑4237, point 85, et ordonnance Alecansan/OHMI, point 43 supra, point 28).

46      En l’espèce, la chambre de recours a procédé, aux points 18 à 21 de la décision attaquée, à une comparaison entre les produits et les services concernés. Elle a relevé que les produits et les services en cause couverts par la marque antérieure constituent les composants d’un site Internet ou servent à créer, à l’intérieur d’un tel site, un système de réservation, de commande et de paiement de chambres d’hôtel ainsi qu’à permettre à une entreprise d’installer une telle facilité sur Internet. Ils se distinguent, selon la chambre de recours, des services en cause couverts par la marque litigieuse, lesquels sont, essentiellement, des services d’information, de réservation et de commande de voyages et de chambres d’hôtel, dont l’objectif est de permettre au grand public de réserver, à des fins professionnelles, de loisir ou à toute autre fin, une chambre d’hôtel ou un voyage.

47      La chambre de recours a également mis en exergue la circonstance que les produits et les services couverts par la marque antérieure relèvent d’un secteur spécialisé, à savoir celui des produits et des services concernant la mise au point et le fonctionnement de systèmes informatiques, et visent un public restreint, en ce qu’ils sont uniquement destinés à permettre à une entreprise du secteur hôtelier ou de voyages d’installer un système de réservation en ligne, accessible par l’internet. Le public restreint composé par ces entreprises se distinguerait nettement du grand public, auquel sont destinés les services en cause couverts par la marque litigieuse.

48      Étant donné que les produits et services concernés sont vendus à un public différent, la chambre de recours a conclu que ceux-ci ne se trouvaient pas non plus dans une relation de concurrence.

49      En outre, la chambre de recours a examiné le caractère éventuellement complémentaire des produits et des services concernés. Selon elle, un tel caractère devait être exclu en l’espèce dès lors que le grand public, auquel sont destinés les services couverts par la marque litigieuse, ne se procure pas les produits et les services en cause couverts par la marque antérieure, lesquels sont exclusivement destinés à des entreprises qui, ensuite, fourniront des services à ce grand public.

50      Enfin, la chambre de recours a relevé, dans ce même contexte, que les utilisateurs d’internet qui achètent des services de voyages en ligne ne savent probablement pas qui a fourni le logiciel qui permet à une boutique en ligne de fonctionner et sont, en tout état de cause, capables de faire la différence entre une entreprise qui fournit une technologie complexe et une autre qui vend des services de voyage sur Internet.

51      Ces considérations doivent être approuvées. Elles démontrent, à suffisance de droit, que les produits et les services concernés, diffèrent quant à leur nature, à leur destination et à leur utilisation et ne présentent pas un caractère concurrent ou complémentaire. En effet, il y a tout d’abord lieu de constater que les produits et les services en cause désignés par la marque antérieure sont de nature informatique tandis que les services d’information, de commande et de réservation désignés par la marque en cause sont d’une nature différente et n’utilisent l’informatique que comme un support pour véhiculer une information ou permettre des réservations de chambre d’hôtel ou de voyages.

52      Il convient également d’observer que les produits et les services en cause couverts par la marque antérieure sont spécialement destinés aux entreprises du secteur hôtelier et de voyages et que les services d’information, de commande et de réservation désignés par la marque en cause sont destinés au grand public.

53      Il faut, en outre, remarquer que les produits et les services en cause couverts par la marque antérieure sont utilisés pour permettre à un système informatique et, plus particulièrement, à une boutique en ligne, de fonctionner tandis que les services d’information, de commande et de réservation désignés par la marque en cause sont utilisés pour réserver une chambre d’hôtel ou un voyage. 

54      La seule circonstance que les services d’information, de commande et de réservation désignés par la marque en cause sont exclusivement fournis sur Internet et nécessitent donc un support informatique tel que celui fourni par les produits et services désignés par la marque antérieure n’est pas suffisante pour écarter les différences essentielles existant entre les produits et les services concernés quant à leur nature, leur destination et leur utilisation.

55      En effet, les produits et les services informatiques sont utilisés presque dans tous les secteurs. Souvent, les mêmes produits ou services, par exemple un certain type de logiciel ou de système opérationnel, peuvent être utilisés à des fins très diverses, sans que cela implique qu’ils deviennent des produits ou des services différents et distincts. Inversement, les services d’agence de voyages ne changent pas de nature, de destination ou d’utilisation, du seul fait qu’ils sont fournis sur Internet, et ce d’autant plus que, aujourd’hui, l’utilisation d’applications informatiques pour la fourniture de tels services est quasiment indispensable, même lorsque ces services ne sont pas fournis par une boutique en ligne.

56      Par ailleurs, les produits et les services concernés ne sont pas substituables, étant adressés à des publics différents. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu que lesdits produits et services ne présentent pas de caractère concurrent.

57      Enfin, ces mêmes produits et services ne présentent pas non plus de caractère complémentaire. Il y a lieu de rappeler, à cet égard, que les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [arrêts du Tribunal du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, Rec. p. II‑685, point 60 ; du 15 mars 2006, Eurodrive Services and Distribution/OHMI – Gómez Frías (euroMASTER), T‑31/04, non publié au Recueil, point 35, et du 17 juin 2008, El Corte Inglés/OHMI – Abril Sánchez et Ricote Saugar (Boomerang TV), T‑420/03, non encore publié au Recueil, point 98].

58      Cette définition jurisprudentielle implique que les produits ou les services complémentaires soient susceptibles d’être utilisés ensemble, ce qui présuppose qu’ils soient adressés au même public. Il s’ensuit qu’un lien de complémentarité ne saurait exister entre, d’une part, les produits ou les services qui sont nécessaires pour le fonctionnement d’une entreprise commerciale et, d’autre part, les produits et les services que cette entreprise fabrique ou fournit. Ces deux catégories de produits ou de services ne sont pas utilisés ensemble, dès lors que ceux de la première catégorie sont utilisés par l’entreprise concernée elle‑même, alors que ceux de la seconde sont utilisés par les clients de ladite entreprise.

59      Tout en admettant la différence de destinataires finaux des produits et des services concernés, la requérante soutient qu’un risque de confusion ne saurait être exclu en l’espèce dès lors que les produits et les services en cause couverts par la marque antérieure ont comme seul objectif de permettre la prestation des services d’information, de commande et de réservation désignés par la marque en cause. En règle générale, le public intéressé par ces derniers services ignorerait qui a élaboré le logiciel nécessaire et ne saurait non plus distinguer parmi les informations figurant sur le site Internet de l’intervenante celles qui proviennent de l’intervenante elle‑même et celles qui trouvent leur origine dans le logiciel ou les services fournis par une entreprise spécialisée dans l’informatique, telle que la requérante. En définitive, sur le site Internet de l’intervenante, les services couverts par la marque litigieuse se confondraient avec les produits et les services en cause couverts par la marque antérieure.

60      Cette argumentation ne saurait être retenue. Il convient de relever à cet égard que l’origine commerciale du logiciel et des services informatiques qui permettent au site Internet de l’intervenante de fonctionner ne présente généralement pas le moindre intérêt pour le public auquel s’adressent les services visés par la marque en cause qui sont fournis à travers ce site Internet. Pour ce public, le site Internet de l’intervenante est un simple outil de réservation en ligne de voyages et de chambres d’hôtel. Ce qui importe est qu’il fonctionne bien et non qui a fourni le logiciel et les services informatiques qui permettent son fonctionnement.

61      Si, toutefois, certains clients de l’intervenante s’interrogent sur l’origine commerciale des logiciels et des services de développement et de conception desdits logiciels qui sont nécessaires pour le fonctionnement du site Internet de celle‑ci, ils peuvent, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, faire la différence entre l’entreprise spécialisée qui fournit ces produits et services et l’intervenante qui fournit des services ayant trait au secteur du tourisme et des voyages sur Internet. En effet, dès lors que les services couverts par la marque en cause sont, par définition, fournis exclusivement sur Internet, il doit être présumé que les clients de l’intervenante ont au moins quelques connaissances informatiques de base. Ils sont, ainsi, conscients de ce que la mise en place d’un système de réservation en ligne ne peut être faite par n’importe quel utilisateur d’un ordinateur et qu’elle requiert des logiciels et des services de développement et de conception desdits logiciels qui sont fournis par une entreprise spécialisée.

62      L’affirmation de la requérante, selon laquelle les clients de l’intervenante ne peuvent distinguer les informations en provenance de l’intervenante elle‑même de celles qui trouvent leur origine dans le logiciel et les services informatiques du type visé par la marque antérieure, n’est pas non plus exacte. Les informations susceptibles d’intéresser les clients de l’intervenante sont celles relatives aux modalités d’un voyage, aux disponibilités de chambres d’hôtel ainsi qu’à leurs prix. La fourniture de ces informations constitue, précisément, les services couverts par la marque en cause. Les produits et les services visés par la marque antérieure servent seulement à véhiculer ces informations et ne transmettent pas eux‑mêmes d’autres informations distinctes aux intéressés.

63      Enfin, la requérante conteste la référence faite dans la décision attaquée à un arrêt du 12 mai 2006 de l’Oberlandesgericht Dresden (tribunal régional supérieur de Dresde), qui a été invoqué devant la chambre de recours par l’intervenante. Dans cet arrêt, l’Oberlandesgericht Dresden, statuant sur un recours pour infraction au droit des marques entre la requérante et l’intervenante, a conclu que les logiciels et les services de développement et de conception de logiciels et les services qui utilisent ces logiciels ne sont pas similaires, dès lors que le public sait que des services de nombreux secteurs sont fournis grâce à un support électronique. Au point 22 de la décision attaquée, la chambre de recours partage entièrement le raisonnement et les conclusions de l’arrêt en question.

64      La requérante fait, toutefois, valoir que cette référence confirme le caractère erroné de la conclusion de la chambre de recours, selon laquelle les produits et services concernés ne sont pas similaires. Selon la requérante, l’arrêt du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice allemande) du 13 novembre 2003 (I ZR 103/01, GRUR 2004, p. 241), que l’arrêt de l’Oberlandesgericht Dresden cite dans les motifs de son arrêt précité, porte sur une affaire dans laquelle la manière de transmettre certaines informations et commandes, à savoir leur transmission par un système informatisé ou par d’autres moyens, tel que le courrier ordinaire, a été considérée comme dépourvue de pertinence pour la solution du litige. La présente affaire serait différente, dès lors que les services en cause couverts par la marque en cause sont fournis exclusivement sur Internet.

65      Or, ainsi qu’il a été indiqué ci‑dessus, la seule circonstance que les services en cause de l’intervenante, visés par la marque litigieuse, ne seront fournis que sur Internet n’est pas suffisante pour conclure à une similitude entre ces services et les produits et services couverts par la marque antérieure. Contrairement donc à ce que fait valoir la requérante, la référence de la décision attaquée à l’arrêt précité de l’Oberlandesgericht Dresden ne démontre aucunement le caractère erroné de la conclusion relative à l’absence de similitude entre les produits et services couverts par l’une et l’autre des marques en conflit, et ce sans qu’il soit besoin d’examiner si ce dernier arrêt a fait une correcte application de la jurisprudence du Bundesgerichtshof, cette question allant au-delà de la compétence du Tribunal et étant, en tout état de cause, dépourvue de pertinence pour le présent litige.

66      Il ressort de tout ce qui précède que le moyen unique de la requérante doit être rejeté comme étant non fondé.

67      L’unique moyen invoqué par la requérante à l’appui de son recours ayant été rejeté, ce recours doit, en tout état de cause, être déclaré non fondé, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non‑recevoir soulevée par l’OHMI et l’intervenante dans leurs mémoires en réponse (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, Rec. p. I‑1873, point 52, et du 23 mars 2004, France/Commission, C‑233/02, Rec. p. I‑2759, point 26).

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI et par l’intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La demande d’aide judiciaire est rejetée.

2)      Le recours est rejeté.

3)      Commercy AG est condamnée aux dépens.

Vilaras

Prek

Ciucǎ

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 janvier 2009.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.