Language of document : ECLI:EU:C:2009:590

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

1er octobre 2009 (*)

«Recours en annulation – Établissement des positions à adopter au nom de la Communauté dans une instance créée par un accord – Obligation de motivation – Indication de la base juridique – Quatorzième session de la Conférence des Parties à la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES)»

Dans l’affaire C‑370/07,

ayant pour objet un recours en annulation au titre de l’article 230 CE, introduit le 2 août 2007,

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Valero Jordana et C. Zadra, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. J.-P. Jacqué, F. Florindo Gijón et Mme K. Michoel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par:

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, représenté par Mmes E. Jenkinson et I. Rao, en qualité d’agents, assistées de M. D. Wyatt, QC,

partie intervenante,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, MM. J.‑C. Bonichot, J. Makarczyk, L. Bay Larsen (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 4 mars 2009,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 23 avril 2009,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission des Communautés européennes demande l’annulation de la décision du Conseil de l’Union européenne, du 24 mai 2007, établissant la position à adopter au nom de la Communauté européenne concernant certaines propositions présentées lors de la quatorzième session de la Conférence des Parties à la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), organisée à La Haye (Pays-Bas), du 3 au 15 juin 2007 (ci-après la «décision attaquée»).

 Le cadre juridique

2        L’article 253 CE dispose:

«Les règlements, les directives et les décisions adoptés conjointement par le Parlement européen et le Conseil ainsi que lesdits actes adoptés par le Conseil ou la Commission sont motivés et visent les propositions ou avis obligatoirement recueillis en exécution du présent traité».

3        Aux termes de l’article 300, paragraphe 2, CE, tel que modifié par le traité de Nice:

«Sous réserve des compétences reconnues à la Commission dans ce domaine, la signature, qui peut être accompagnée d’une décision d’application provisoire avant l’entrée en vigueur, ainsi que la conclusion des accords sont décidées par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission. Le Conseil statue à l’unanimité lorsque l’accord porte sur un domaine pour lequel l’unanimité est requise pour l’adoption des règles internes, ainsi que pour les accords visés à l’article 310.

Les mêmes procédures sont applicables, par dérogation aux règles du paragraphe 3, pour décider de la suspension de l’application d’un accord, ainsi que pour établir les positions à prendre au nom de la Communauté dans une instance créée par un accord, lorsque cette instance est appelée à adopter des décisions ayant des effets juridiques, à l’exception des décisions complétant ou modifiant le cadre institutionnel de l’accord.

Le Parlement européen est immédiatement et pleinement informé de toute décision prise au titre du présent paragraphe et concernant l’application provisoire ou la suspension d’accords, ou l’établissement de la position communautaire dans une instance créée par un accord.»

 Les antécédents du litige

4        La convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, signée le 3 mars 1973 à Washington (ci-après la «CITES»), est entrée en vigueur le 1er juillet 1975. Elle a pour objectif de protéger les espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, principalement en limitant ou en réglementant leur commerce.

5        La Communauté n’est pas partie contractante à la CITES. Elle bénéficie d’un statut d’observateur lors des Conférences des Parties. Toutefois, elle adopte des mesures de façon autonome depuis 1982, lesquelles ont pour objet l’exécution, au sein de la Communauté, des obligations des États membres résultant de la CITES.

6        L’instrument le plus récent adopté en vue de la mise en œuvre autonome de la CITES est le règlement (CE) n° 338/97 du Conseil, du 9 décembre 1996, relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce (JO 1997, L 61, p. 1). Il a été adopté sur le fondement de l’article 130 S, paragraphe 1, du traité CE (devenu, après modification, article 175, paragraphe 1, CE).

7        Le 4 avril 2007, la Commission a transmis au Conseil une proposition en vue de l’adoption de la décision attaquée, laquelle proposition se référait en ce qui concerne la base juridique de cette décision, d’une part, aux articles 175, paragraphe 1, CE et 133 CE, et, d’autre part, à l’article 300, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE.

8        Le 24 mai 2007, le Conseil a adopté la décision attaquée, laquelle ne mentionne pas la base juridique sur laquelle elle est fondée.

9        Par lettre du 14 juin 2007, le Conseil a transmis ladite décision au Parlement.

10      La décision attaquée est libellée comme suit:

«Article 1er

La position de la Communauté en ce qui concerne les domaines relevant de sa compétence, qui sera exprimée par les États membres agissant conjointement dans l’intérêt de la Communauté lors de la quatorzième session de la Conférence des Parties à la CITES, est conforme aux annexes de la présente décision.

Article 2

Lorsque des informations scientifiques et techniques nouvelles, présentées après l’adoption de la présente décision et avant ou pendant la quatorzième session de la Conférence des Parties, sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la position visée à l’article 1er, ou lorsque de nouvelles propositions sont faites lors de cette session sur des points n’ayant pas encore fait l’objet d’une position communautaire, la position communautaire en ce qui concerne les domaines relevant de la compétence de la Communauté est établie grâce à une coordination sur place avant que la Conférence des Parties ne soit appelée à voter sur ces propositions.»

 Les conclusions des parties et la procédure

11      La Commission conclut à ce que la Cour:

–        annule la décision attaquée, et

–        condamne le Conseil aux dépens.

12      Le Conseil conclut à ce que la Cour:

–        rejette le recours;

–        à titre subsidiaire, et dans la mesure où la Cour annulerait la décision attaquée, déclare que les effets de cette dernière sont définitifs, et

–        condamne la Commission aux dépens.

13      Par ordonnance du président de la Cour du 20 novembre 2007, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a été autorisé à intervenir au soutien des conclusions du Conseil.

 Sur le recours

 Sur la recevabilité

14      Le Conseil soutient, dans le cadre d’une observation préliminaire d’ordre procédural, que le recours est sans objet au motif que la décision attaquée a déjà produit tous ses effets juridiques puisque la position de la Communauté contenue dans celle-ci a été exprimée lors de la Conférence des Parties à la CITES qui s’est tenue à La Haye, du 3 au 15 juin 2007.

15      La Commission, qui précise que l’introduction du présent recours vise à ce que la Cour rende un arrêt permettant d’empêcher que, à l’avenir, le Conseil adopte des décisions dépourvues de la mention de leur base juridique dans le cadre de la Conférence des Parties à la CITES, soutient que le recours est recevable.

16      À cet égard, il convient de rappeler que la Commission ne doit pas démontrer un intérêt à agir pour introduire un recours en annulation contre de telles décisions (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 1987, Commission/Conseil, 45/86, Rec. p. 1493, point 3).

17      En outre, il y a lieu de relever que la Cour a déjà conclu à la recevabilité de recours tendant à l’annulation d’un acte qui avait déjà été exécuté ou qui n’était plus applicable au moment de l’introduction du recours (voir arrêts du 24 juin 1986, AKZO Chemie et AKZO Chemie UK/Commission, 53/85, Rec. p. 1965, point 21, et du 26 avril 1988, Apesco/Commission, 207/86, Rec. p. 2151, point 16).

18      Par conséquent, le recours est recevable.

 Sur le fond

 Argumentation des parties

19      La Commission soulève un moyen unique à l’appui de son recours, tiré de la violation de l’obligation de motivation visée à l’article 253 CE, en ce que la décision attaquée ne mentionnerait pas la base juridique sur laquelle elle est fondée.

20      La Commission relève qu’elle avait proposé de retenir, comme base juridique matérielle de la décision attaquée, les dispositions combinées des articles 133 CE et 175 CE, dès lors que, dans le cadre de la CITES, la réglementation du commerce des espèces et la conservation de ces dernières revêtaient une importance égale. L’absence d’indication de cette double base juridique aurait privé les institutions communautaires concernées et les États membres d’indications sur leurs compétences respectives et donc sur leur rôle respectif dans le cadre de la Conférence des Parties à la CITES. La circonstance que le règlement n° 338/97 soit fondé uniquement sur l’article 175 CE, et non sur les dispositions combinées des articles 133 CE et 175 CE, serait dénuée de pertinence dès lors que la détermination de la base juridique d’un acte doit se faire en considération de son but et de son contenu propre, et non au regard de la base juridique retenue pour l’adoption d’autres actes communautaires similaires.

21      S’agissant de la base juridique procédurale, la Commission affirme que seule une décision du Conseil reposant sur l’article 300, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, peut constituer l’instrument juridique approprié pour définir une position de la Communauté lorsqu’une décision de la Conférence des Parties à la CITES ayant des effets juridiques doit être adoptée et que l’acquis communautaire peut être affecté en conséquence de cette adoption. L’omission de ladite base aurait été à l’origine d’une grande incertitude quant à la procédure réellement suivie par le Conseil et aurait affecté les prérogatives du Parlement.

22      Se référant à l’arrêt Commission/Conseil, précité, la Commission fait également valoir que la base juridique de la décision attaquée ne peut être déduite d’autres éléments de cette dernière. D’ailleurs, le Conseil aurait évité toute référence au traité dans la décision attaquée.

23      La Commission conteste l’argument du Conseil tiré de ce que la décision attaquée ne serait pas une décision au sens de l’article 249 CE. Elle relève, à cet égard, que la distinction entre les deux types de décisions effectuée par le Conseil sur la base de l’emploi de deux termes différents dans la version allemande du traité («Entscheidung» et «Beschluß»), lequel ne figurerait que dans deux autres versions linguistiques du traité, à savoir les versions néerlandaise («beschikking» et «besluit») et slovène («odločba» et «sklep»), n’a pas de fondement dans le traité. En effet, celui-ci n’établirait pas de distinction entre les décisions visées à l’article 253 CE et les autres décisions. Elle souligne que les actes mentionnés à l’article 300, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, sont désignés par le terme «décisions» et que, notamment, les versions anglaise et française du traité, envisagées dans leur contexte, sont conformes à cette terminologie.

24      L’absence de mention de la base juridique de la décision attaquée ne saurait être justifiée, selon la Commission, par le fait que cette décision ne s’adresse qu’aux parties ayant participé à son adoption, car il est nécessaire de préserver les prérogatives des institutions et de ne pas entraver le contrôle juridictionnel exercé par la Cour.

25      La Commission conteste la pertinence, en l’espèce, de la référence à l’arrêt du 31 mars 1971, Commission/Conseil, dit «AETR» (22/70, Rec. p. 263), lequel concernait certaines «négociations du Conseil», dès lors que, dans la présente affaire, est en cause une décision du Conseil adoptée au titre de l’article 300, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE et explicitement mentionnée à l’article 253 CE. La Commission précise que, en revanche, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt AETR, précité, était en cause un acte adopté au vu des circonstances très particulières de l’espèce, considéré comme valable par la Cour uniquement dans ces circonstances, et pour lequel la Commission avait donné son accord.

26      La Commission soutient que l’absence de mention de la base juridique de la décision attaquée ne constitue pas un vice purement formel dans la mesure où, selon la Cour, le choix de la base juridique appropriée revêt une importance de nature constitutionnelle (avis 2/00, du 6 décembre 2001, Rec. p. I‑9713, point 5), de sorte qu’un tel défaut constitue un manquement portant atteinte à l’équilibre constitutionnel établi par le traité entre les institutions et entre la Communauté et les États membres. En outre, le Conseil aurait délibérément supprimé la mention de la base juridique en cause, laissant ainsi entendre qu’il ne souscrivait pas à la nécessité de la citer expressément.

27      Par ailleurs, la procédure prévue à l’article 300, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, n’aurait pas été respectée dans la mesure où la décision attaquée n’aurait été transmise au Parlement que trois semaines après son adoption, soit le 14 juin 2007, de sorte que cette transmission tardive aurait entravé les prérogatives du Parlement.

28      Enfin, la Commission conteste la pertinence des observations complémentaires du Conseil relatives à la pratique concernant l’établissement des positions communautaires et rappelle que, selon la jurisprudence, une simple pratique du Conseil n’est pas susceptible de déroger à des règles posées par le traité (arrêt du 23 février 1988, Royaume-Uni/Conseil, 68/86, Rec. p. 855, point 24).

29      Le Conseil fait valoir, à titre d’argument principal, que, en l’espèce, il n’était pas tenu de citer la base juridique de la décision attaquée dans la mesure où cette dernière est une décision sui generis, désignée en langue allemande par le terme «Beschluß», adoptée par le Conseil dans le cadre des relations extérieures de la Communauté, conformément à l’article 300, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE. Cette décision devrait être distinguée de la décision, désignée par le terme allemand «Entscheidung», visée aux articles 249 CE et 253 CE.

30      Il expose que, la décision attaquée n’ayant une incidence que sur les relations entre la Communauté et les États membres ainsi que sur les rapports entre les institutions et n’ayant donc aucun effet sur les droits et obligations légales des tiers tels que les personnes physiques ou les sociétés, l’obligation de motivation serait dépourvue de raison d’être puisque ladite décision ne s’adresse qu’aux parties ayant participé à son adoption. À l’instar de ce que la Cour a jugé dans l’arrêt AETR, précité, qui concernait des «négociations du Conseil» en vue de la conclusion d’un accord international, la décision attaquée serait un «Beschluß» et, en cette qualité, elle ne figurerait pas sur la liste exhaustive des actes soumis à une obligation de motivation.

31      À titre d’argument subsidiaire, le Conseil soutient, en se référant à l’arrêt du 14 décembre 2004, Swedish Match (C‑210/03, Rec. p. I‑11893, point 44), que l’absence de référence, dans un acte, à la base juridique de celui-ci ne constitue qu’un vice purement formel. En effet, l’absence d’une telle référence dans la décision attaquée n’aurait eu aucune incidence sur la procédure applicable pour l’adoption de celle-ci puisque, en l’espèce, la procédure prévue à l’article 300, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, aurait été respectée. Le Conseil précise, à cet égard, que cette disposition exige seulement une transmission de la décision concernée au Parlement à des fins d’information mais qu’elle ne prévoit aucun délai et n’oblige aucunement celui-ci à soumettre cette décision à un contrôle parlementaire.

32      S’agissant de la double base juridique matérielle proposée par la Commission, le Conseil fait valoir que, dès lors que le règlement n° 338/97 avait été adopté sur la base du seul article 130 S du traité, il n’aurait pas été possible de réunir, au sein du Conseil, la majorité qualifiée permettant de retenir la base juridique ainsi proposée.

33      Selon le Conseil, il importait d’adopter une position de la Communauté conformément aux procédures prévues par le traité avant le début de la quatorzième session de la Conférence des Parties à la CITES. L’absence de mention de la base juridique de la décision attaquée n’aurait eu aucune incidence sur la procédure conduisant à l’adoption de cette décision, sur la nature contraignante de celle-ci, sur les négociations mêmes qui se sont déroulées au sein de ladite conférence, ni sur le rôle joué par la Commission et les États membres dans ces négociations. Le Conseil précise que le rôle de la Commission dans ces dernières était déterminé – et limité – par le fait que la Communauté n’est pas partie contractante à la CITES et non par l’absence de mention de la base juridique de la décision attaquée.

34      Le Conseil souligne que l’absence de mention de la base juridique dans la décision attaquée n’a pas eu non plus d’incidence sur l’adoption de l’acte communautaire interne correspondant dans la mesure où l’article 19 du règlement n° 338/97 prévoit que l’adoption, notamment, des modifications des annexes de ce règlement à la suite des décisions de la Conférence des Parties et des décisions du Comité permanent de la CITES est soumise à une procédure de comitologie.

35      Le Conseil fait encore observer que la pratique en matière d’établissement des positions de la Communauté est assez diversifiée et continue de l’être depuis l’entrée en vigueur du traité de Nice. D’une part, il existerait des décisions du Conseil qui visent soit uniquement la base juridique matérielle soit uniquement l’article 300, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE. D’autre part, il ne serait pas inhabituel que les positions de la Communauté soient établies par l’approbation directe, par le Conseil, du texte sur lequel la position doit être adoptée, sans que cette approbation soit assortie d’une décision sui generis. Dans ces derniers cas, le Conseil aurait toujours statué sur proposition de la Commission, en tenant compte de la forme proposée par celle-ci.

36      Le Royaume-Uni, tout en soutenant l’ensemble de l’argumentation du Conseil, ajoute que l’article 300, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, ne contient aucune disposition qui aurait pour effet de substituer aux actes sui generis des décisions visées à l’article 249 CE dans le domaine en cause. En outre, la participation de la Commission à la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée ainsi qu’aux négociations relatives à la CITES aurait offert à cette dernière institution toutes les garanties juridiques que l’article 253 CE a pour but d’assurer aux tiers. Les actes sui generis apporteraient à la Communauté la souplesse nécessaire à une participation efficace dans les instances créées par des accords internationaux et il serait contraire aux intérêts de la Communauté d’imposer au Conseil de préciser la base juridique de chaque décision du type de celle qui est en cause en l’espèce. Le Royaume-Uni précise que le fait que le Conseil ne soit pas soumis à une obligation stricte de mentionner la base juridique d’un acte sui generis, conformément à l’article 253 CE, ne signifie pas qu’il doive s’en abstenir.

 Appréciation de la Cour

37      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation, consacrée à l’article 253 CE, impose que tous les actes concernés contiennent un exposé des raisons qui ont amené l’institution à les arrêter, de manière à ce que la Cour puisse exercer son contrôle et que tant les États membres que les tiers intéressés connaissent les conditions dans lesquelles les institutions communautaires ont fait application du traité (voir en ce sens, notamment, arrêt du 17 mai 1994, France/Commission, C‑41/93, Rec. p. I‑1829, point 34).

38      Il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’obligation d’indiquer la base juridique d’un acte relève de l’obligation de motivation (voir, notamment, arrêts Commission/Conseil, précité, point 9, et du 20 septembre 1988, Espagne/Conseil, 203/86, Rec. p. 4563, points 36 à 38).

39      La Cour a également jugé que l’impératif de sécurité juridique requiert que tout acte visant à créer des effets juridiques emprunte sa force obligatoire à une disposition du droit communautaire qui doit expressément être indiquée comme base légale et qui prescrit la forme juridique dont l’acte doit être revêtu (arrêt du 16 juin 1993, France/Commission, C‑325/91, Rec. p. I‑3283, point 26).

40      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu de déterminer si la décision attaquée a pu être valablement adoptée sans que soit mentionnée sa base juridique. À cette fin, il convient d’examiner si cette décision est soumise à l’obligation de motivation et si elle doit, par conséquent, indiquer la base juridique.

41      À l’appui de leur thèse respective, les parties avancent principalement des arguments de nature terminologique en s’appuyant sur les différentes versions linguistiques de l’article 300, paragraphe 2, CE. La Commission fait valoir que la décision attaquée est une décision au sens de l’article 249 CE, désignée en langue allemande par le terme «Entscheidung», et qu’elle doit, par conséquent, être motivée. En revanche, le Conseil, soutenu par le Royaume-Uni, estime qu’il s’agit d’une décision sui generis, désignée en langue allemande par le terme «Beschluß», qui n’est pas visée par l’article 253 CE.

42      À cet égard, il y a lieu de constater que la qualification de la décision attaquée de décision au sens de l’article 249 CE ou de décision sui generis n’est pas déterminante en l’espèce aux fins de décider si elle doit être soumise à l’obligation de motivation. En effet, cette obligation, qui est justifiée notamment par le contrôle juridictionnel qui doit pouvoir être exercé par la Cour, doit s’appliquer à tout acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Selon une jurisprudence constante, constituent des actes attaquables au sens de l’article 230 CE toutes dispositions adoptées par les institutions, quelle qu’en soit la forme, qui visent à produire des effets de droit obligatoires (voir, notamment, arrêts AETR, précité, point 42; du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9, et du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, Rec. p. I-5829, point 42). Il s’ensuit que, en principe, tout acte produisant des effets juridiques est soumis à l’obligation de motivation.

43      En l’espèce, aux termes de son article 1er, la décision attaquée établit la position de la Communauté en ce qui concerne les domaines relevant de sa compétence, qui sera exprimée par les États membres agissant conjointement dans l’intérêt de la Communauté lors de la quatorzième session de la Conférence des Parties à la CITES.

44      La décision attaquée est donc un acte qui produit des effets juridiques obligatoires, en ce qu’elle établit la position de la Communauté dans le cadre de ladite quatorzième session, et qui a un caractère contraignant, d’une part, pour le Conseil et la Commission et, d’autre part, pour les États membres en ce qu’elle leur impose de défendre ladite position.

45      Il s’ensuit que la décision attaquée doit être motivée et doit, par conséquent, indiquer la base juridique sur laquelle elle est fondée afin, notamment, que la Cour puisse exercer son contrôle juridictionnel.

46      L’indication de ladite base juridique s’impose également au regard du principe des compétences d’attribution consacré à l’article 5, premier alinéa, CE, selon lequel la Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont conférées et des objectifs qui lui sont assignés par le traité tant pour l’action interne que pour l’action internationale de la Communauté (voir avis 2/94, du 28 mars 1996, Rec. p. I‑1759, point 24).

47      Il convient de relever, à cet égard, que la Cour a déjà dit pour droit que le choix de la base juridique appropriée revêt une importance de nature constitutionnelle dès lors que, ne disposant que de compétences d’attribution, la Communauté doit rattacher la décision attaquée à une disposition du traité qui l’habilite à approuver un tel acte (voir, en ce sens, avis 2/00, précité, point 5).

48      L’indication de la base juridique revêt également une importance particulière afin de préserver les prérogatives des institutions communautaires concernées par la procédure d’adoption d’un acte. Ainsi, dans la présente affaire, une telle indication est susceptible d’avoir une incidence sur les compétences du Parlement, étant donné que les articles 133 CE, 175 CE et 300, paragraphe 2, CE n’attribuent pas à celui-ci le même degré de participation lors de l’adoption d’un acte. De même, l’indication de la base juridique est nécessaire pour déterminer les modalités de vote au sein du Conseil. Or, à cet égard, l’article 300, paragraphe 2, premier alinéa, CE prévoit que le Conseil statue à la majorité qualifiée sauf, d’une part, lorsque l’accord porte sur un domaine pour lequel l’unanimité est requise pour l’adoption de règles internes, ainsi que, d’autre part, pour les accords visés à l’article 310 CE.

49      Par ailleurs, l’indication de la base juridique fixe la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres. En effet, en l’espèce, une application du seul article 175 CE ou de l’article 133 CE n’aurait pas eu les mêmes implications sur la répartition des compétences entre la Communauté et les États membres qu’une éventuelle application combinée de ces deux dispositions, étant donné que l’article 133 CE confère une compétence exclusive à la Communauté alors que l’article 175 CE prévoit une compétence partagée entre la Communauté et les États membres. L’omission de l’indication d’une base juridique est donc susceptible d’engendrer une confusion quant à la nature de la compétence de la Communauté et est de nature à affaiblir cette dernière dans la défense de sa position lors de négociations internationales.

50      La constatation selon laquelle la décision attaquée devait mentionner la base juridique sur laquelle elle est fondée ne saurait être remise en cause par les arguments invoqués par le Conseil et par le Royaume-Uni.

51      S’agissant, premièrement, de l’argument du Conseil tiré de l’arrêt AETR, précité, il y a lieu de relever que la décision attaquée et la délibération en cause dans cet arrêt n’ont pas été adoptées dans des situations comparables. En effet, cette dernière concernait des modalités appropriées de coopération en vue d’assurer de la manière la plus efficace possible la défense des intérêts de la Communauté dans la négociation et la conclusion de l’accord européen relatif au travail des équipages de véhicules effectuant des transports internationaux par route à un moment où la mise en œuvre de la nouvelle répartition des compétences au sein de la Communauté pouvait compromettre l’issue fructueuse des négociations. Il s’agissait donc d’un acte adopté dans des circonstances propres à l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt AETR, précité. Rien de tel n’apparaît dans la présente espèce, dans la mesure où le Conseil a adopté une décision conformément à l’article 300, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE.

52      S’agissant, deuxièmement, de l’argument du Royaume-Uni selon lequel un formalisme excessif gênerait sérieusement l’efficacité de la participation de la Communauté dans des instances créées par des accords internationaux, il y a lieu de noter, d’une part, que si la nécessité d’une souplesse des moyens d’action peut certes revêtir une certaine importance dans le cadre de négociations internationales, il n’en demeure pas moins que la Communauté ne dispose que de compétences d’attribution et ne peut agir que dans les limites de celles-ci. D’autre part, selon une jurisprudence constante, l’exigence de motivation est appréciée au regard de la nature de l’acte en cause et de son contexte (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, non encore publié au Recueil, point 63 et jurisprudence citée). Par conséquent, si une motivation de cet acte, plus ou moins détaillée selon les cas, est certes susceptible de répondre aux difficultés éventuelles rencontrées lors de négociations internationales, l’indication de la base juridique de celui-ci ne saurait toutefois constituer un effort excessif de motivation. L’indication de la base juridique doit dès lors être considérée, en principe, comme une donnée minimale permettant de satisfaire à l’exigence de motivation étant donné que la Communauté doit rattacher l’acte adopté à une disposition du traité qui l’habilite à cet effet.

53      Troisièmement, l’argument tiré des contraintes de délais invoqué également par le Royaume-Uni ne saurait non plus être accueilli. En effet, la Communauté ne disposant que de compétences d’attribution, l’article du traité qui lui confère sa compétence doit être déterminé avant qu’elle n’agisse. En outre, le fait de mentionner la base juridique ultérieurement, dans un acte visant à exécuter au niveau communautaire des modifications apportées à la CITES, ne saurait suffire, contrairement à ce que soutient le Conseil, pour que soit respectée l’obligation de motivation, dans la mesure où la motivation d’un acte doit figurer dans celui-ci (voir arrêts du 16 novembre 2000, Sarrió/Commission, C‑291/98 P, Rec. p. I‑9991, points 73 et 75, et du 21 janvier 2003, Commission/Parlement et Conseil, C‑378/00, Rec. p. I‑937, point 66).

54      Enfin, l’argument invoqué par le Conseil, selon lequel, dans le passé, des décisions comparables n’auraient pas non plus mentionné la base juridique sur laquelle elles étaient fondées, ne saurait non plus être retenu. En effet, il suffit de relever à cet égard qu’une simple pratique du Conseil n’est pas susceptible de déroger à des règles du traité et ne peut, par conséquent, créer un précédent liant les institutions de la Communauté quant à la base juridique correcte (arrêts Royaume-Uni/Conseil, précité, point 24, et du 26 mars 1996, Parlement/Conseil, C‑271/94, Rec. p. I‑1689, point 24).

55      Il résulte des considérations qui précèdent que la décision attaquée devait, à tout le moins, mentionner la base juridique sur laquelle elle est fondée afin de satisfaire à l’obligation de motivation.

56      Toutefois, il convient de rappeler que l’omission de la référence à une disposition précise du traité ne peut pas constituer un vice substantiel lorsque la base juridique d’un acte peut être déterminée à l’appui d’autres éléments de celui-ci. Une telle référence explicite est cependant indispensable lorsque, à défaut de celle-ci, les intéressés et la Cour sont laissés dans l’incertitude quant à la base juridique précise (voir arrêt Commission/Conseil, précité, point 9).

57      En l’espèce, la base juridique ne peut être déterminée à l’appui d’aucun élément de la décision attaquée. En effet, cette dernière se limite à se référer à la proposition de décision du Conseil présentée à ce dernier par la Commission. Le point 1 des motifs de la décision attaquée indique que la CITES est mise en œuvre dans la Communauté par le règlement n° 338/97. Quant aux points 2 à 4 de ces motifs, ils se bornent à relever que certaines résolutions de la Conférence des Parties à la CITES sont susceptibles d’avoir des répercussions sur la législation communautaire, que la Communauté n’est pas encore une partie contractante de la CITES et que, dans les cas où des règles communautaires ont été établies en vue de réaliser les objectifs du traité, les États membres ne sont pas habilités, en dehors du cadre des institutions communautaires, à assumer des obligations qui pourraient avoir une incidence sur ces règles ou modifier leur portée.

58      Il ressort, en outre, des mémoires présentés devant la Cour que le choix de la base juridique pertinente a été l’objet de controverses au sein du Conseil. De la même manière, la Commission a révélé à cet égard, sans être contredite sur ce point, que certains États membres ont formulé des objections à l’égard de la double base juridique matérielle proposée par la Commission, plusieurs d’entre eux préférant retenir le seul article 175 CE, tandis que d’autres États membres manifestaient leur désaccord quant à la base juridique procédurale proposée, consistant dans l’article 300, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE.

59      Par ailleurs, le Conseil indique que, lorsqu’il a arrêté la décision attaquée, il a agi conformément à la procédure visée à l’article 300, paragraphe 2, deuxième alinéa, CE, mais qu’il a estimé qu’il n’était pas indispensable de mentionner la base juridique procédurale. Il précise qu’il n’a pas été possible de trouver un accord en ce qui concerne la double base juridique matérielle proposée par la Commission.

60      Il s’ensuit que la base juridique de la décision attaquée ne peut être clairement déduite de cette dernière et que l’absence de mention de la base juridique s’explique par l’existence de dissensions au sein du Conseil, à tout le moins en ce qui concerne la base juridique matérielle.

61      Dans ces conditions, contrairement à ce que soutiennent le Conseil et le Royaume-Uni, l’absence de mention, dans la décision attaquée, de toute base juridique ne saurait être considérée comme un vice purement formel.

62      Il s’ensuit que la décision attaquée doit être annulée en raison de l’absence de mention, dans celle-ci, de la base juridique sur laquelle elle est fondée.

 Sur la demande de maintien des effets de la décision attaquée

63      Le Conseil, soutenu à cet égard par le Royaume-Uni, demande à la Cour, au cas où elle annulerait la décision attaquée, de maintenir les effets de celle-ci. La Commission ne s’est pas opposée à cette demande.

64      Aux termes de l’article 231, second alinéa, CE, la Cour peut, si elle l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets d’un règlement annulé qui doivent être considérés comme définitifs. Une telle disposition est susceptible de s’appliquer, par analogie, également à une décision lorsqu’il existe d’importants motifs de sécurité juridique, comparables à ceux qui interviennent en cas d’annulation de certains règlements, justifiant que la Cour exerce le pouvoir que lui confère, dans ce contexte, l’article 231, second alinéa, CE (arrêt du 6 novembre 2008, Parlement/Conseil, C‑155/07, non encore publié au Recueil, point 87 et jurisprudence citée).

65      Il y a lieu de relever que la décision attaquée visait à établir la position de la Communauté concernant certaines propositions examinées lors de la quatorzième session de la Conférence des Parties à la CITES qui s’est tenue à La Haye, du 3 au 15 juin 2007. Il n’est pas contesté à cet égard que cette position de la Communauté a été effectivement exprimée par les États membres conformément à la décision attaquée.

66      Dans ces conditions, il y a lieu de maintenir, pour des motifs de sécurité juridique, les effets de la décision attaquée, dont l’annulation est prononcée par le présent arrêt.

 Sur les dépens

67      Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Conseil et celui-ci ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens. En application du paragraphe 4, premier alinéa, du même article, le Royaume-Uni, intervenant au présent litige, supporte ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      La décision du Conseil de l’Union européenne, du 24 mai 2007, établissant la position à adopter au nom de la Communauté européenne concernant certaines propositions présentées lors de la quatorzième session de la Conférence des Parties à la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), organisée à La Haye (Pays-Bas), du 3 au 15 juin 2007, est annulée.

2)      Les effets de la décision annulée sont maintenus en vigueur.

3)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

4)      Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.