Language of document : ECLI:EU:C:2010:321

ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

8 juin 2010 (*)

«Règlement (CE) nº 717/2007 – Itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l’intérieur de la Communauté – Validité – Base juridique – Article 95 CE – Principes de proportionnalité et de subsidiarité»

Dans l’affaire C‑58/08,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la High Court of Justice (England & Wales), Queens’s Bench Division (Administrative Court) (Royaume-Uni), par décision du 18 décembre 2007, parvenue à la Cour le 13 février 2008, dans la procédure

The Queen, à la demande de:

Vodafone Ltd,

Telefónica O2 Europe plc,

T-Mobile International AG,

Orange Personal Communications Services Ltd

contre

Secretary of State for Business, Enterprise and Regulatory Reform,

en présence de:

Office of Communications,

Hutchison 3G UK Ltd,

GSM Association,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. V. Skouris, président, MM. J. N. Cunha Rodrigues, K. Lenaerts, J.-C. Bonichot, Mmes R. Silva de Lapuerta, P. Lindh et C. Toader, présidents de chambre, MM. C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Schiemann, P. Kūris, T. von Danwitz (rapporteur) et A. Arabadjiev, juges,

avocat général: M. M. Poiares Maduro,

greffier: M. K. Malacek, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 avril 2009,

considérant les observations présentées:

–        pour Vodafone Ltd, par M. D. Pannick, QC, et M. R. Kreisberger, advocate,

–        pour Telefónica O2 Europe plc, T-Mobile International AG et Orange Personal Communications Services Ltd, par M. D. Anderson, QC, MM. I. Ross, M. Lemanski, solicitors, et M. D. Scannell, barrister,

–        pour Hutchison 3G UK Ltd, par Mme F. Richmond, solicitor, et M. B. Kennelly, barrister,

–        pour GSM Association, par Mes B. Amory et S. Clerckx, avocats, ainsi que par M. M. Chamberlain, barrister,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme I. Rao, en qualité d’agent, assistée de M. J. Turner, QC, et de M. T. Ward, barrister,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mme C. M. Wissels et M. Y. de Vries, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. M. Dowgielewicz, en qualité d’agent,

–        pour le Parlement européen, par MM. E. Perillo, J. Rodrigues et L. Visaggio, en qualité d’agents,

–        pour le Conseil de l’Union européenne, par M. D. Canga Fano et Mme G. Kimberley, en qualité d’agents,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. F. Benyon et A. Nijenhuis, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 1er octobre 2009,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur la validité du règlement (CE) nº 717/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2007, concernant l’itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l’intérieur de la Communauté et modifiant la directive 2002/21/CE (JO L 171, p. 32).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Vodafone Ltd, Telefónica O2 Europe plc, T-Mobile International AG et Orange Personal Communications Services Ltd, opérateurs de réseaux publics de téléphonie mobile actifs au Royaume-Uni, dans l’Union européenne et sur d’autres marchés internationaux, au Secretary of State for Business, Enterprise and Regulatory Reform (secrétaire d’État aux Affaires économiques, aux Entreprises et à la Réforme de la réglementation) au sujet de la validité de dispositions d’application du règlement nº 717/2007 adoptées par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

 Le cadre juridique

 Le cadre réglementaire pour les réseaux et les services de communications électroniques

3        En 2002, le législateur communautaire a adopté, sur la base de l’article 95 CE, un cadre réglementaire pour les réseaux et les services de communications électroniques (ci-après le «cadre réglementaire») afin de soumettre tous les réseaux de transmission et les services associés à un même cadre réglementaire, qui se compose, notamment, de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et services de communications électroniques (directive «cadre») (JO L 108, p. 33), outre des directives particulières. Ce cadre instaure un mécanisme permettant aux autorités réglementaires nationales (ci-après les «ARN») d’imposer, en cas d’absence de concurrence effective sur un marché pertinent, des obligations réglementaires ex ante aux entreprises du secteur des communications électroniques désignées comme puissantes sur le marché après avoir procédé à une analyse du marché concerné.

 La décision 2002/627/CE

4        Par la décision 2002/627/CE de la Commission, du 29 juillet 2002, instituant le groupe des régulateurs européens dans le domaine des réseaux et services de communications (JO L 200, p. 38), a été créé un groupe consultatif des ARN sur les réseaux et les services de communications électroniques. Le rôle de ce groupe (ci-après le «GRE») est, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, de cette décision, notamment, de conseiller et d’assister la Commission des Communautés européennes dans la consolidation du marché intérieur des réseaux et des services de communications électroniques.

 Le règlement n° 717/2007

5        Après avoir lancé une consultation publique des parties intéressées, la Commission a présenté, le 12 juillet 2006, une analyse d’impact des options politiques relatives à une proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l’intérieur de la Communauté [SEC(2006) 925, ci-après l’«analyse d’impact»). Cette analyse servait de base à la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant l’itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l’intérieur de la Communauté et modifiant la directive 2002/21 [COM(2006) 382 final, ci-après la «proposition de règlement»), présentée le même jour, qui a abouti à l’adoption du règlement nº 717/2007 sur le fondement de l’article 95 CE.

6        Ce règlement impose aux opérateurs de réseaux mobiles terrestres des plafonds tarifaires pour les prix de gros et de détail pour la fourniture des services d’itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile en ce qui concerne les communications vocales entre États membres (ci-après les «services d’itinérance communautaire»).

 Le fonctionnement des services d’itinérance

7        Le fonctionnement des services d’itinérance peut être décrit comme suit, notamment au regard des définitions contenues à l’article 2 du règlement nº 717/2007.

8        Les services d’itinérance proposés par les opérateurs de services de téléphonie mobile consistent dans l’offre d’une continuité de services aux clients en déplacement à l’étranger, qui leur permet de passer ou de recevoir des appels sur des réseaux dans d’autres États membres.

9        Pour pouvoir fournir des services d’itinérance, l’opérateur d’un réseau d’origine conclut des accords spécifiques de vente en gros avec des opérateurs opérant sur des réseaux situés dans d’autres États membres. L’opérateur local de l’État membre visité par un abonné du réseau d’origine, avec lequel l’opérateur du réseau d’origine a conclu un tel accord, délivre l’appel à l’abonné. Le service fourni par le réseau visité au réseau d’origine constitue le «service d’itinérance en gros».

10      Le fournisseur d’origine est une entreprise qui fournit à un abonné itinérant des services de téléphonie mobile sur réseau public terrestre, soit au moyen de son propre réseau, soit en tant qu’opérateur de réseau mobile virtuel ou revendeur de services de téléphonie vocale mobile. Le service fourni par un tel fournisseur aux abonnés itinérants constitue le «service d’itinérance au détail».

11      Les services d’itinérance au détail font partie de l’arrangement ou du contrat de téléphonie mobile conclu par l’abonné avec le fournisseur d’origine et sont tarifés comme un des services relevant de cet arrangement ou de ce contrat. Ainsi, les conditions de la fourniture de services d’itinérance au détail dépendent de l’arrangement ou du contrat conclu ainsi que de l’imposition éventuelle d’obligations spécifiques par l’ARN dont dépend le fournisseur d’origine.

 Le contenu du règlement nº 717/2007

12      Quant aux prix payés par les usagers des réseaux publics de téléphonie mobile pour des services d’itinérance au détail, le premier considérant du règlement nº 717/2007 constate que «[l]e niveau élevé des prix payés […] est un motif de préoccupation pour les [ARN] ainsi que pour les consommateurs et les institutions communautaires. Les prix de détail excessifs résultent du niveau élevé des prix de gros perçus par l’opérateur du réseau hôte étranger et, dans de nombreux cas, des marges élevées réalisées sur le prix de détail par l’opérateur du réseau de l’abonné. Souvent, des réductions sur le prix de gros ne sont pas répercutées sur le prix de détail pour l’abonné. Même si certains opérateurs ont récemment introduit des frais d’itinérance offrant aux consommateurs des conditions plus favorables et des prix plus bas, il n’en demeure pas moins que, manifestement, la relation entre les coûts et les prix n’est pas celle qui devrait prévaloir dans des marchés entièrement concurrentiels».

13      Il ressort du quatrième considérant du règlement nº 717/2007 que ce règlement complète et renforce, en ce qui concerne l’itinérance communautaire, le cadre réglementaire, celui-ci n’ayant pas fourni aux ARN un outil suffisant pour prendre des mesures efficaces et décisives en ce qui concerne le prix des services d’itinérance communautaire.

14      À ce dernier égard, le sixième considérant dudit règlement précise:

«[…] les travaux effectués par les [ARN] (tant à titre individuel qu’au sein du [GRE]) pour analyser les marchés nationaux de la fourniture en gros d’itinérance internationale ont démontré qu’il n’a pas encore été possible, pour une [ARN], de remédier efficacement au niveau élevé des prix de gros pour l’itinérance communautaire en raison de la difficulté à recenser les entreprises puissantes sur le marché compte tenu des caractéristiques particulières de l’itinérance internationale, notamment sa nature transfrontalière.»

15      Aux termes des huitième et neuvième considérants du règlement nº 717/2007:

«(8)      En outre, les [ARN] chargées de préserver et de promouvoir les intérêts des abonnés aux réseaux mobiles résidant habituellement sur leur territoire ne sont pas en mesure de contrôler le comportement des opérateurs du réseau visité, situé dans d’autres États membres, dont dépendent les abonnés lorsqu’ils utilisent les services d’itinérance internationale. Cet obstacle pourrait nuire aussi à l’efficacité des mesures prises par les États membres au titre de leur compétence résiduelle pour adopter des règles de protection des consommateurs.

(9)      En conséquence, une pression s’exerce sur les États membres pour qu’ils prennent des mesures afin de régler le problème du prix de l’itinérance internationale, mais le mécanisme d’intervention ex ante des [ARN], prévu par le cadre réglementaire […], s’est avéré insuffisant pour permettre à ces autorités d’agir de façon décisive dans l’intérêt des consommateurs dans ce domaine précis.»

16      Il ressort des douzième et treizième considérants dudit règlement que celui-ci tient compte des caractéristiques uniques des marchés de l’itinérance, qui justifient des mesures exceptionnelles dépassant les mécanismes prévus par le cadre réglementaire.

17      Quant aux objectifs du règlement nº 717/2007, son quatorzième considérant énonce que, «[p]our protéger les intérêts des abonnés itinérants, il convient d’imposer des obligations réglementaires au niveau du tarif de détail comme du tarif de gros car l’expérience a montré que les réductions sur le prix de gros des services d’itinérance communautaire peuvent ne pas se traduire par une baisse des prix de détail du fait de l’absence de mesures incitatives dans ce sens. Par ailleurs, toute mesure visant à faire baisser les prix de détail sans influer sur le niveau des coûts de la fourniture en gros de ces services risquerait de perturber le bon fonctionnement du marché de l’itinérance communautaire».

18      Aux termes du seizième considérant dudit règlement, celui-ci instaure «une approche commune pour faire en sorte que les usagers des réseaux publics de téléphonie mobile terrestre qui voyagent à l’intérieur de la Communauté ne paient pas un prix excessif pour les services d’itinérance communautaire lorsqu’ils passent ou reçoivent des communications vocales […]. Compte tenu de la nature transfrontalière des services en question, il est nécessaire de recourir à cette approche commune de sorte que les opérateurs puissent opérer dans un seul cadre réglementaire cohérent fondé sur des critères objectifs».

19      L’approche réglementaire prévue par le règlement nº 717/2007 devrait, ainsi que l’énonce son dix-neuvième considérant, «permettre de faire en sorte que les prix de détail de l’itinérance communautaire reflètent les coûts sous-jacents inhérents à la fourniture du service plus fidèlement que par le passé».

20      À cet égard, aux termes du trente-huitième considérant dudit règlement, étant donné que ces objectifs «ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres de manière sûre et harmonisée et en temps voulu, et peuvent donc être mieux réalisés au niveau communautaire, la Communauté peut prendre des mesures conformément au principe de subsidiarité consacré à l’article 5 du traité [CE]».

21      En ce qui concerne l’objet du règlement nº 717/2007, l’article 1er, paragraphe 1, de celui-ci dispose:

«Le présent règlement instaure une approche commune […] contribuant ainsi au fonctionnement harmonieux du marché intérieur tout en réalisant un degré élevé de protection des consommateurs, en préservant la concurrence entre opérateurs de réseau mobile et en préservant les incitations à l’innovation et le choix des consommateurs. […]»

22      Aux termes de l’article 2, paragraphe 2, sous a), du règlement nº 717/2007, il y a lieu d’entendre par «eurotarif» «tout tarif ne dépassant pas le tarif maximum prévu à l’article 4, qu’un fournisseur d’origine peut imputer au titre de la fourniture d’appels en itinérance réglementés conformément à cet article».

23      L’article 3, paragraphe 1, dudit règlement détermine le prix de gros moyen maximal que l’opérateur d’un réseau visité peut percevoir de l’opérateur du réseau d’origine de l’abonné itinérant pour la fourniture d’un appel en itinérance réglementé au départ du réseau visité. Ce prix, comprenant notamment les coûts de départ d’appel, de transit et de terminaison, est fixé dans un premier temps à 0,30 euro la minute, ensuite à 0,28 euro la minute à partir du 30 août 2008 et à 0,26 euro la minute à partir du 30 août 2009.

24      Quant aux prix de détail, l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement nº 717/2007 exige des fournisseurs d’origine qu’ils offrent à tous leurs abonnés itinérants, pour la fourniture d’un appel en itinérance réglementé, un eurotarif, qui ne doit pas être supérieur à un prix plafond fixé, dans un premier temps, à 0,49 euro la minute pour tout appel sortant et à 0,24 euro la minute pour tout appel reçu. Le prix plafond par minute pour les appels sortants est ensuite successivement abaissé à 0,46 euro, puis à 0,43 euro, et le prix plafond par minute pour les appels reçus à 0,22 euro, puis à 0,19 euro, ce à partir, respectivement, du 30 août 2008 et du 30 août 2009. En vertu du paragraphe 3 dudit article, tous les abonnés itinérants existants ont la possibilité, au plus tard le 30 juillet 2007, d’opter délibérément pour l’eurotarif ou pour tout autre tarif d’itinérance, et peuvent notifier leur choix à leur fournisseur d’origine dans un délai de deux mois.

25      L’article 6 dudit règlement impose aux fournisseurs d’origine des obligations d’information et de transparence à l’égard des prix de détail envers tous leurs abonnés itinérants.

26      Le rapport entre le règlement nº 717/2007 et le cadre réglementaire est réglé par les articles 1er, paragraphe 3, et 10 de ce règlement. L’article 1er, paragraphe 3, dispose:

«Le présent règlement constitue une mesure spécifique au sens de l’article 1er, paragraphe 5, de la directive ‘cadre’.»

27      Aux termes de l’article 10 du règlement nº 717/2007:

«À l’article premier de la directive 2002/21/CE (directive ‘cadre’), le paragraphe suivant est ajouté:

‘5.       La présente directive et les directives particulières sont sans préjudice des mesures spécifiques adoptées aux fins de la réglementation de l’itinérance internationale sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l’intérieur de la Communauté.’»

28      Le règlement nº 717/2007 prévoit, en outre, à son article 11, paragraphe 1, que la Commission réexamine le fonctionnement dudit règlement et en rend compte au Parlement européen et au Conseil de l’Union européenne au plus tard le 30 décembre 2008. Ce règlement expire, en vertu de son article 13, le 30 juin 2010.

 La procédure au principal et les questions préjudicielles

29      Les requérantes au principal ont introduit un recours devant la High Court of Justice (England & Wales), Queen’s Bench Division (Administrative Court), dirigé contre le règlement de 2007 relatif à l’itinérance dans la téléphonie mobile (Mobile Roaming Regulations 2007), qui permet à certaines dispositions du règlement nº 717/2007 de déployer leurs effets au Royaume-Uni. Sur le fond, elles contestent la validité de ce règlement pour trois motifs, à savoir le caractère inapproprié de la base juridique dudit règlement ainsi que la violation par celui-ci des principes de proportionnalité et de subsidiarité.

30      La partie défenderesse au principal, à savoir le Secretary of State for Business, Enterprise and Regulatory Reform, estime que les arguments avancés par les requérantes au principal et par GSM Association sont irrecevables, et que la contestation de la validité du règlement n’est pas fondée.

31      La juridiction de renvoi a autorisé les requérantes au principal à introduire un recours devant elle et a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Le règlement (CE) n° 717/2007 est-il invalide, en totalité ou en partie, en raison du caractère inapproprié de l’article 95 CE comme base juridique?

«2)      L’article 4 du règlement (CE) n° 717/2007 [ensemble avec les articles 2, [paragraphe 2,] sous a), et 6, paragraphe 3, dans la mesure où ils font référence à l’eurotarif et aux obligations y relatives] est-il invalide au motif que le plafonnement des prix de détail [des services d]’itinérance viole le principe de proportionnalité et/ou le principe de subsidiarité?»

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

32      Il est de jurisprudence constante que les mesures visées par l’article 95, paragraphe 1, CE doivent effectivement avoir pour objet d’améliorer les conditions de l’établissement et du fonctionnement du marché intérieur [arrêts du 10 décembre 2002, British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, C‑491/01, Rec. p. I-11453, point 60, ainsi que du 2 mai 2006, Royaume-Uni/Parlement et Conseil, C-217/04, Rec. p. I‑3771, point 42]. Si la simple constatation de disparités entre les réglementations nationales et du risque abstrait d’entraves aux libertés fondamentales ou de distorsions de concurrence n’est pas suffisante pour justifier le choix de l’article 95 CE comme base juridique, le législateur communautaire peut y recourir notamment en cas de divergences entre les réglementations nationales lorsque celles-ci sont de nature à entraver les libertés fondamentales et à avoir ainsi une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur (arrêt du 12 décembre 2006, Allemagne/Parlement et Conseil, C‑380/03, Rec. p. I‑11573, point 37 ainsi que jurisprudence citée) ou à créer des distorsions de concurrence sensibles (arrêt du 5 octobre 2000, Allemagne/Parlement et Conseil, C‑376/98, Rec. p. I‑8419, points 84 et 106).

33      Le recours à cette disposition est également possible en vue de prévenir l’apparition de tels obstacles aux échanges résultant de l’évolution hétérogène des législations nationales. Toutefois, leur apparition doit être vraisemblable et la mesure en cause doit avoir pour objet leur prévention (arrêts du 12 décembre 2006, Allemagne/Parlement et Conseil, précité, point 38 et jurisprudence citée, ainsi que du 10 février 2009, Irlande/Parlement et Conseil, C‑301/06, Rec. p. I‑593, point 64; voir également, en ce sens, arrêt Royaume-Uni/Parlement et Conseil, précité, points 60 à 64).

34      Lorsqu’un acte fondé sur l’article 95 CE a déjà éliminé tout obstacle aux échanges dans le domaine qu’il harmonise, le législateur communautaire ne saurait être privé de la possibilité d’adapter cet acte à toute modification des circonstances ou à toute évolution des connaissances eu égard à la tâche qui lui incombe de veiller à la protection des intérêts généraux reconnus par le traité [voir, en ce sens, arrêt British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, précité, points 77 et 78].

35      À cet égard, la Cour a jugé au point 43 de l’arrêt Royaume-Uni/Parlement et Conseil, précité, que, par l’expression «mesures relatives au rapprochement» figurant à l’article 95 CE, les auteurs du traité ont voulu conférer au législateur communautaire, en fonction du contexte général et des circonstances spécifiques de la matière à harmoniser, une marge d’appréciation quant à la technique de rapprochement la plus appropriée afin d’aboutir au résultat souhaité, notamment dans des domaines qui se caractérisent par des particularités techniques complexes.

36      Par ailleurs, dès lors que les conditions du recours à l’article 95 CE comme base juridique se trouvent remplies, le législateur communautaire ne saurait être empêché de se fonder sur cette base juridique du fait que la protection des consommateurs est déterminante dans les choix à faire [voir, concernant la protection de la santé publique, arrêts du 5 octobre 2000, Allemagne/Parlement et Conseil, précité, point 88; British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, précité, point 62, ainsi que du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C-155/04, Rec. p. I-6451, point 30].

37      C’est à la lumière de l’ensemble de ces considérations qu’il convient de vérifier si les conditions du recours à l’article 95 CE comme base juridique du règlement nº 717/2007 sont réunies.

38      Aux termes de l’article 1er ainsi que des seizième et trente-huitième considérants du règlement nº 717/2007, celui-ci instaure une approche commune afin que les usagers des réseaux publics de téléphonie mobile terrestre ne paient pas un prix excessif pour les services d’itinérance communautaire et que les opérateurs puissent opérer dans un seul cadre réglementaire cohérent, fondé sur des critères objectifs. Il vise ainsi à contribuer au fonctionnement harmonieux du marché intérieur afin d’atteindre un niveau élevé de protection des consommateurs et de préserver la concurrence entre opérateurs de réseau mobile.

39      Comme il ressort notamment du premier considérant du règlement nº 717/2007 ainsi que du point 1 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement, le niveau des prix de détail des services d’itinérance internationale, à l’époque de l’adoption dudit règlement, était élevé, et la relation entre les coûts et les prix n’était pas celle devant prévaloir dans des marchés entièrement concurrentiels. Ainsi, les prix de détail excessifs résultaient à la fois du niveau élevé des prix de gros perçus par les opérateurs de réseau hôte étranger et, dans de nombreux cas, des marges bénéficiaires élevées pratiquées sur les prix de détail par les fournisseurs d’origine.

40      Il en ressort également que le niveau élevé des prix de détail avait été considéré comme un problème persistant par les ARN, les pouvoirs publics ainsi que par les associations de défense des consommateurs dans toute la Communauté et que les tentatives pour résoudre ce problème sur la base du cadre juridique existant n’avaient pas eu pour effet de faire baisser les prix.

41      Notamment, le cadre réglementaire tel qu’il résultait de la réglementation applicable à l’époque de l’adoption du règlement nº 717/2007 n’avait, ainsi qu’il ressort des sixième et huitième considérants de celui-ci, pas fourni aux ARN un outil suffisant pour prendre des mesures efficaces et décisives en ce qui concerne, en particulier, les prix de gros élevés des services concernés, dont dépendent les prix de détail, du fait des caractéristiques particulières des marchés de l’itinérance en gros et de la nature transfrontalière de ces services. À cet égard, le législateur communautaire a constaté que, d’une part, les ARN avaient des difficultés à recenser les entreprises puissantes sur le marché et, d’autre part, elles n’étaient pas en mesure de contrôler le comportement des opérateurs de réseau visité situés dans d’autres États membres, dont dépendent les abonnés lorsqu’ils utilisent les services d’itinérance communautaire.

42      C’est dans ce contexte que le législateur communautaire a, comme il découle des quatrième et douzième considérants du règlement nº 717/2007, estimé nécessaire de compléter et de renforcer le dispositif du cadre réglementaire en adoptant, sur la base d’une approche conceptuelle différente, ce règlement comme mesure spécifique de réglementation ex ante tenant compte des caractéristiques uniques des marchés de l’itinérance afin de corriger l’insuffisance dudit cadre. Le législateur a relevé au quatrième considérant que ce cadre n’a pas fourni aux ARN un outil suffisant pour prendre des mesures efficaces et décisives en ce qui concerne le prix des services d’itinérance communautaire et n’assure par conséquent pas le fonctionnement harmonieux du marché intérieur desdits services. Il a conclu que ledit règlement constituait un moyen approprié de corriger cette situation.

43      Toujours dans ce contexte, le législateur communautaire s’est référé, au huitième considérant du règlement nº 717/2007, conformément à ce qui était déjà mentionné au point 1 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement, à la compétence résiduelle des États membres pour adopter des règles de protection des consommateurs et a estimé que les circonstances caractérisant ledit contexte pourraient nuire à l’efficacité de mesures prises par les États membres au titre de cette compétence.

44      Le législateur communautaire en a conclu, au neuvième considérant dudit règlement, qu’une pression s’exerçait sur les États membres pour qu’ils prennent des mesures afin de régler le problème lié au niveau élevé des prix de détail des services d’itinérance communautaire, ce qui a par ailleurs été confirmé par la Commission au cours de l’audience.

45      Il en ressort que le législateur communautaire a concrètement été confronté à une situation dans laquelle l’adoption de mesures nationales visant à régler le problème lié au niveau élevé des prix de détail des services d’itinérance communautaire au moyen de règles relatives à la tarification des prix de détail apparaissait vraisemblable. Or, comme cela ressort du point 1 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement ainsi que du point 2.4 de l’analyse d’impact, de telles mesures auraient été susceptibles de produire une évolution hétérogène des législations nationales.

46      C’est au regard de ces circonstances que le législateur communautaire, soucieux de préserver la concurrence entre opérateurs de réseau mobile, comme il a déjà été constaté au point 38 du présent arrêt, a choisi d’agir afin de prévenir les mesures qui auraient vraisemblablement été adoptées par les États membres au titre de leur compétence résiduelle en matière de protection des consommateurs.

47      Or, au regard du fonctionnement des marchés d’itinérance, tel que décrit aux points 7 à 11 du présent arrêt, et vu l’interdépendance significative entre les prix de détail et les prix de gros des services d’itinérance, il y a lieu de constater qu’une évolution hétérogène des législations nationales visant uniquement à faire baisser les prix de détail sans influer sur le niveau des coûts de fourniture en gros des services d’itinérance communautaire aurait été de nature à causer des distorsions de concurrence sensibles et à perturber le bon fonctionnement du marché de l’itinérance communautaire, comme cela découle du quatorzième considérant du règlement nº 717/2007. Une telle situation justifiait que le législateur communautaire poursuive l’objectif, constaté au point 38 du présent arrêt, de protéger le bon fonctionnement du marché intérieur.

48      Il résulte de ce qui précède que le règlement nº 717/2007 a effectivement pour objet l’amélioration des conditions de fonctionnement du marché intérieur et qu’il pouvait être adopté sur le fondement de l’article 95 CE.

49      Il y a donc lieu de répondre à la première question posée que l’examen de celle-ci n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité du règlement nº 717/2007.

 Sur la seconde question

50      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi cherche à savoir si le règlement nº 717/2007 viole les principes de proportionnalité et de subsidiarité du fait qu’il fixe non seulement des plafonds pour les prix de gros moyens par minute, mais également pour les prix de détail, et du fait qu’il prévoit des obligations d’information relatives à ces derniers au bénéfice des abonnés itinérants.

 Sur la violation du principe de proportionnalité

51      Il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité fait partie des principes généraux du droit communautaire et exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit communautaire soient aptes à réaliser les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour les atteindre (arrêt du 6 décembre 2005, ABNA e.a., C‑453/03, C‑11/04, C‑12/04 et C‑194/04, Rec. p. I‑10423, point 68 ainsi que jurisprudence citée).

52      En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ces conditions, la Cour a reconnu au législateur communautaire, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où son action implique des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale, et où il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure [voir, en ce sens, arrêts du 12 juillet 2001, Jippes e.a., C‑189/01, Rec. p. I‑5689, points 82 et 83; British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, précité, point 123; Alliance for Natural Health e.a., précité, point 52, ainsi que du 7 juillet 2009, S.P.C.M. e.a., C‑558/07, non encore publié au Recueil, point 42].

53      Toutefois, même en présence d’un tel pouvoir, le législateur communautaire est tenu de baser son choix sur des critères objectifs. De plus, dans le cadre de l’appréciation des contraintes liées à différentes mesures possibles, il doit examiner si les objectifs poursuivis par la mesure retenue sont de nature à justifier des conséquences économiques négatives, même considérables, pour certains opérateurs (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 2005, Tempelman et van Schaijk, C‑96/03 et C‑97/03, Rec. p. I‑1895, point 48; du 15 décembre 2005, Grèce/Commission, C‑86/03, Rec. p. I‑10979, point 96, ainsi que du 12 janvier 2006, Agrarproduktion Staebelow, C‑504/04, Rec. p. I‑679, point 37).

54      Il incombe, dès lors, à la Cour d’examiner sur le fondement des critères susmentionnés si, comme l’invoquent notamment les requérantes au principal, le règlement nº 717/2007 viole le principe de proportionnalité du fait qu’il ne se borne pas à fixer des plafonds pour le prix de gros, mais prévoit également des plafonds pour les prix de détail ainsi que des obligations d’information relatives à ces derniers au bénéfice des abonnés itinérants.

55      À cet égard, il importe de rappeler, à titre liminaire, que la Commission a réalisé, avant d’élaborer la proposition de règlement, une étude exhaustive, dont le résultat est résumé dans l’analyse d’impact mentionnée au point 5 du présent arrêt. Il en ressort qu’elle a examiné différentes alternatives en la matière dont, entre autres, la réglementation soit des seuls prix de détail, soit des seuls prix de gros, soit des deux, et qu’elle a évalué l’impact économique de ces différents types de réglementations ainsi que les effets des différentes modalités de tarification.

56      La détermination de plafonds tarifaires pour la fourniture des services d’itinérance au détail au moyen de l’eurotarif prévu à l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 717/2007 vise entre autres, comme il découle notamment de l’article 1er ainsi que des quatorzième et seizième considérants de ce règlement, à faire baisser le niveau des prix que paient les usagers des réseaux publics de téléphonie mobile pour ces services, afin de protéger les consommateurs.

57      De plus, il ressort, notamment, du dix-neuvième considérant du règlement nº 717/2007 que l’introduction de l’eurotarif devrait avoir pour effet que les prix de détail des services d’itinérance communautaire s’orientent plus fidèlement par rapport aux coûts sous-jacents inhérents à la fourniture de ces services que dans le passé.

58      Comme il ressort du point 39 du présent arrêt, le niveau du prix de détail moyen d’un appel en itinérance dans la Communauté était élevé à l’époque de l’adoption du règlement nº 717/2007 et la relation entre les coûts et les prix n’était pas celle qui aurait dû prévaloir dans des marchés entièrement concurrentiels. Ainsi, le prix de détail moyen d’un appel en itinérance était à cette époque de 1,15 euro la minute, soit, comme il ressort du résumé de l’étude d’impact, plus de cinq fois le coût réel de la fourniture en gros du service.

59      Or, l’eurotarif prévu à l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 717/2007 est établi à un niveau nettement inférieur à ce prix moyen. De plus, les plafonds tarifaires y instaurés s’orientent, comme il ressort du point 3 de l’exposé des motifs de la proposition de règlement, par rapport aux plafonds du prix de gros correspondants, afin de faire en sorte que les tarifs de détail reflètent plus précisément les coûts supportés par les fournisseurs.

60      Dans ces circonstances, l’introduction de plafonds tarifaires au niveau des prix de détail par cette disposition doit être considérée comme apte à protéger les consommateurs contre des niveaux de prix élevés.

61      Quant au caractère nécessaire de la mesure en cause, celui-ci est contesté au motif que ladite mesure irait au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé compte tenu de la nature concurrentielle des marchés de détail. Une approche moins contraignante et plus proportionnée aurait consisté à réglementer uniquement les prix de gros, tout en obtenant une baisse des prix de détail par le libre jeu de la concurrence, selon les règles de l’offre et de la demande, et en laissant les ARN libres d’intervenir en cas de dysfonctionnement des marchés sur le fondement de critères réglementaires bien définis.

62      À cet égard, il ressort, notamment, du quatorzième considérant du règlement nº 717/2007 que le législateur communautaire est parti du constat que des réductions des prix de gros pouvaient ne pas se traduire par une baisse des prix de détail du fait de l’absence de mesures incitatives dans ce sens.

63      En se référant à l’exposé des motifs de la proposition de règlement, ayant servi de base au législateur communautaire lors de l’adoption du règlement nº 717/2007, le Parlement et la Commission font notamment valoir qu’une réglementation du seul marché de la fourniture en gros de services d’itinérance communautaire n’aurait pas garanti que la baisse des prix de gros se répercuterait sur les prix de détail, étant donné que les opérateurs ne subiraient aucune pression concurrentielle pour ce faire. L’expérience aurait démontré qu’une réduction des prix de gros n’aboutirait pas nécessairement à une diminution des prix de détail.

64      Le Conseil a précisé à cet égard que le législateur aurait jugé nécessaire un contrôle des prix de détail notamment en raison du fait que, dans ce domaine spécifique, la concurrence concernant les prix de détail se situerait principalement au niveau de la formule globale de vente au détail et que, pour la majorité des consommateurs, l’itinérance ne constituerait qu’un élément mineur de cette formule, de sorte qu’elle ne jouerait pas un rôle décisif dans le choix de l’opérateur ni dans la décision d’en changer.

65      Les institutions ayant soumis des observations à la Cour se sont encore référées à l’analyse d’impact, d’où il ressort que la dynamique des marchés de l’itinérance était considérée comme complexe et évolutive, de sorte qu’il existait un risque qu’une baisse des prix de gros ne se répercute pas sur les prix de détail. Il ressort également de celle-ci qu’il serait dès lors plus prudent de réglementer en même temps les prix de détail. Un tel risque a d’ailleurs été reconnu par le GRE au point 3.12 de sa réponse du 22 mars 2006, fournie lors de la consultation publique ayant précédé l’analyse d’impact, notamment pour les États membres dont les marchés sont moins concurrentiels.

66      De plus, il convient de constater qu’une réglementation des seuls prix de gros n’aurait pas produit d’effets directs et immédiats pour les consommateurs. En revanche, seule une réglementation des prix de détail pouvait directement améliorer la situation de ceux-ci.

67      En outre, il y a lieu de rappeler que, comme il découle du treizième considérant du règlement nº 717/2007, le législateur communautaire a reconnu que les mesures adoptées revêtent un caractère exceptionnel qui se justifie par les caractéristiques uniques que présentent les marchés de l’itinérance.

68      Dans ces circonstances, et notamment eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur communautaire dans le domaine concerné, impliquant des choix de nature économique dans lesquels il est appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes, il pouvait légitimement considérer qu’une réglementation des seuls marchés de gros ne parviendrait pas au même résultat qu’une réglementation telle que celle en cause, couvrant à la fois les marchés de gros et les marchés de détail, et que cette dernière était dès lors nécessaire.

69      Enfin, eu égard à l’importance que revêt l’objectif de protection des consommateurs dans le cadre de l’article 95, paragraphe 3, CE, une intervention limitée dans le temps sur un marché soumis à la concurrence et permettant d’assurer dans l’immédiat la protection des consommateurs contre des prix excessifs, telle que celle en cause, même si elle est susceptible de comporter des conséquences économiques négatives pour certains opérateurs, s’avère proportionnée par rapport au but poursuivi.

70      Il convient donc de constater que, par l’adoption, à l’article 4 du règlement nº 717/2007, de plafonds tarifaires pour les prix de détail en sus de plafonds tarifaires pour le prix de gros, le législateur communautaire n’a pas dépassé les limites du pouvoir d’appréciation qui lui est reconnu. Il en va de même de l’obligation d’information prévue à l’article 6, paragraphe 3, du même règlement, du fait que cette disposition renforce l’effet utile de la réglementation des prix de détail et se justifie ainsi par l’objectif de protection des consommateurs.

71      Il en résulte que les articles 4 et 6, paragraphe 3, du règlement nº 717/2007 ne violent pas le principe de proportionnalité.

 Sur la violation du principe de subsidiarité

72      À cet égard, il convient de rappeler que le principe de subsidiarité est énoncé à l’article 5, deuxième alinéa, CE et concrétisé par le protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, annexé au traité, aux termes duquel la Communauté n’intervient, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, que si et dans la mesure où les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les États membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire. Ce protocole établit également, à son paragraphe 5, des lignes directrices pour déterminer si ces conditions sont remplies.

73      S’agissant d’actes législatifs, ledit protocole précise, à ses paragraphes 6 et 7, que la Communauté ne légifère que dans la mesure du nécessaire et que les mesures de la Communauté doivent laisser une marge de décision aussi grande que possible au plan national, cette marge devant toutefois rester compatible avec la réalisation de l’objectif de la mesure et le respect des exigences du traité.

74      Il précise, en outre, à son paragraphe 3, que le principe de subsidiarité ne remet pas en question les compétences conférées à la Communauté par le traité, telles qu’interprétées par la Cour.

75      Quant à l’article 95 CE, la Cour a jugé que le principe de subsidiarité s’applique lorsque le législateur communautaire recourt à cette base juridique, dans la mesure où elle ne lui donne pas une compétence exclusive pour réglementer les activités économiques dans le marché intérieur [arrêt British American Tobacco (Investments) et Imperial Tobacco, précité, point 179].

76      À cet égard, il y a lieu de rappeler que le législateur communautaire, soucieux de préserver la concurrence entre opérateurs de réseau mobile, a, par l’adoption du règlement nº 717/2007, instauré une approche commune, afin notamment de contribuer au fonctionnement harmonieux du marché intérieur, permettant à ces opérateurs d’agir dans un seul cadre réglementaire cohérent.

77      Comme il découle du quatorzième considérant de ce règlement, l’interdépendance entre les prix de détail et les prix de gros des services d’itinérance revêt une importance significative, de sorte que toute mesure visant uniquement à faire baisser les prix de détail sans influer sur le niveau des coûts de fourniture en gros des services d’itinérance communautaire aurait été de nature à perturber le bon fonctionnement du marché de l’itinérance communautaire. Le législateur communautaire en a conclu que son action nécessitait une approche commune au niveau tant des prix de gros que des prix de détail, afin de contribuer au fonctionnement harmonieux du marché intérieur de tels services.

78      Il résulte de ladite interdépendance que le législateur communautaire pouvait légitimement estimer que son action devait comporter également une intervention au niveau des prix de détail. Ainsi, en raison des effets de l’approche commune instaurée par le règlement nº 717/2007, l’objectif poursuivi par celui-ci pouvait être mieux réalisé au niveau communautaire.

79      Dès lors, les dispositions des articles 4 et 6, paragraphe 3, du règlement nº 717/2007 ne sont pas invalides en raison d’une violation du principe de subsidiarité.

80      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la seconde question posée que l’examen de celle-ci n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité des dispositions des articles 4 et 6, paragraphe 3, du règlement nº 717/2007.

 Sur les dépens

81      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:

L’examen des questions posées n’a pas révélé d’éléments de nature à affecter la validité du règlement (CE) n° 717/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2007, concernant l’itinérance sur les réseaux publics de téléphonie mobile à l’intérieur de la Communauté et modifiant la directive 2002/21/CE.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.