Language of document : ECLI:EU:C:2010:646

ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

28 octobre 2010 (*)

«Sixième directive TVA – Exonération – Article 13, B, sous d), point 3 – Opérations concernant des paiements et des virements – Recouvrement de créances – Plans de paiement pour des soins dentaires – Services de collecte et de traitement de paiements pour le compte des clients d’un prestataire de services»

Dans l’affaire C‑175/09,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) (Royaume-Uni), par décision du 8 avril 2009, parvenue à la Cour le 14 mai 2009, dans la procédure

Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs

contre

AXA UK plc,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président de chambre, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. G. Arestis, T. von Danwitz (rapporteur) et D. Šváby, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. N. Nanchev, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juin 2010,

considérant les observations présentées:

–        pour AXA UK plc, par M. J. Peacock, QC, et M. M. Angiolini, barrister,

–        pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme H. Walker, en qualité d’agent, assistée de M. R. Hill, barrister,

–        pour le gouvernement allemand, par MM. M. Lumma et C. Blaschke, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement hellénique, par MM. S. Spiropoulos, I. Bakopoulos et G. Kanellopoulos ainsi que par Mme V. Karra, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. S. Fiorentino, avvocato dello Stato,

–        pour la Commission européenne, par M. R. Lyal et Mme M. Afonso, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (JO L 145, p. 1, ci-après la «sixième directive»), qui prévoit que sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») les opérations concernant, entre autres, les paiements et les virements.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant les Commissioners for Her Majesty’s Revenue and Customs (ci-après les «Commissioners») à AXA UK plc (ci-après «AXA») au sujet de l’assujettissement à la TVA des commissions perçues par Denplan Ltd (ci-après «Denplan») en contrepartie de la fourniture, par cette dernière, de prestations de services à ses clients, lesquelles devraient, selon AXA, être exonérées de la TVA.

 Le cadre juridique

 La réglementation de l’Union

3        En vertu de l’article 2, point 1, de la sixième directive, sont soumises à la TVA «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel».

4        L’article 13 de la sixième directive, intitulé «Exonérations à l’intérieur du pays», prévoit:

«[...]

B.      Autres exonérations

Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels:

[…]

d)      les opérations suivantes:

[…]

3.      les opérations, y compris les négociations, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l’exception du recouvrement de créances;

[…]»

 La réglementation nationale

5        L’exonération prévue à l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive a été transposée au Royaume-Uni par le groupe 5, point 1, de l’annexe 9 de la loi de 1994 relative à la TVA (Value Added Tax Act 1994), qui exonère de la TVA «le versement, le transfert ou la perception d’argent, de tout titre représentant de l’argent ou de tout billet ou ordre visant au paiement d’argent ainsi que toute opération portant sur de l’argent ou de pareils effets».

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

6        AXA est le membre représentatif d’un groupe TVA dont fait partie Denplan. L’activité de cette dernière consiste à fournir aux dentistes une série de services destinés à faciliter l’exploitation de leur cabinet, dont le principal consiste en la mise en œuvre de plans de paiement entre les dentistes et leurs patients. Selon ces plans de paiement, les dentistes fournissent à leurs patients de manière continue des soins dentaires d’un niveau déterminé, comportant des contrôles réguliers ou tout traitement qui s’avérerait nécessaire ou encore ces deux types de prestations, contre le versement par ces patients d’une cotisation mensuelle fixe.

7        Si le patient d’un dentiste qui recourt aux services de Denplan opte pour un plan de paiement, il signe avec son dentiste un contrat dont les termes sont énoncés dans un formulaire type fourni par Denplan et qui dispose généralement que le patient doit verser la cotisation mensuelle à Denplan, laquelle intervient en qualité d’agent du dentiste lorsqu’elle reçoit les paiements dus à celui-ci. En même temps, le patient remplit et signe un formulaire standard de «procuration» en faveur de Denplan, conformément au régime du «débit direct» en vigueur au Royaume-Uni. Le mandat de «débit direct» consiste en un ordre permanent que le client d’une banque, en l’espèce le patient, donne à celle-ci aux fins d’effectuer tout paiement demandé par une tierce partie déterminée, en l’espèce Denplan. Ledit formulaire comporte le nom et l’adresse de la banque du patient ainsi que le numéro de compte bancaire de ce dernier.

8        Lorsqu’elle reçoit une copie du contrat ainsi que le formulaire de mandat de «débit direct» rempli par le patient, Denplan enregistre les coordonnées de celui-ci, notamment le nom et l’adresse, dans son système informatique et communique, au moyen d’un système électronique, les détails de ce mandat à la banque du patient. Ledit mandat demeure en vigueur en tant qu’ordre permanent auprès de la banque du patient jusqu’à ce que ce dernier notifie à la banque sa décision de le révoquer.

9        Chaque mois, à une date donnée, Denplan s’emploie à recueillir les paiements dus par les patients à leurs dentistes. À cette fin, elle crée pour chaque patient un fichier électronique qu’elle utilise pour transmettre les informations au Bankers’ Automated Clearing System (système automatique de règlement interbanques, ci-après le «BACS»), qui est un système de règlement électronique automatisé créé et exploité par une société dont tous les membres sont des banques établies au Royaume-Uni. Les renseignements que Denplan transmet au BACS comportent, pour chaque patient, le numéro de compte bancaire de ce dernier ainsi que le montant à prélever sur ce compte. Le BACS transfère alors ces renseignements au centre de traitement de la banque concernée.

10      Si le patient n’a pas révoqué le mandat de «débit direct» et si son compte, qui est resté ouvert, est suffisamment approvisionné pour que le paiement puisse être effectué, sa banque débite ledit compte et en informe le BACS. Ce dernier inscrit alors le montant correspondant au crédit de la banque de Denplan, afin que cette banque crédite à son tour le compte de Denplan. C’est par cette méthode que le montant requis est transféré du compte bancaire du patient vers le compte bancaire de Denplan. Le BACS adresse à Denplan un état des paiements qui ont été effectués et de ceux qui ne l’ont pas été. À son tour, Denplan envoie des relevés aux dentistes concernés et prend également contact avec les patients dont elle n’a pas reçu les paiements.

11      Environ dix jours après la réception des paiements sur son compte, Denplan rend compte à chaque dentiste des paiements en provenance des comptes de ses patients, tout en procédant à certaines déductions convenues. Denplan réalise cette opération en donnant à sa propre banque l’ordre de transférer de son compte vers le compte bancaire du dentiste concerné une somme représentant le montant total qui est dû à ce dernier.

12      L’une des déductions auxquelles Denplan procède sur chaque paiement qu’elle reçoit pour le compte d’un dentiste est constituée par une commission facturée à ce dernier. Cette déduction correspond à un pourcentage de chaque paiement reçu. Selon la décision de renvoi, une partie des commissions déduites des sommes payées par les patients est la contrepartie du service de collecte des paiements assuré par Denplan pour le compte des dentistes, qui consiste à percevoir les paiements à partir des comptes bancaires des clients via le système de «débit direct» et à en rendre compte aux dentistes. C’est le statut de cet élément au regard de la TVA qui est en litige devant la juridiction de renvoi.

13      Par une décision prise au cours du mois de juin 2006, les Commissioners ont rejeté une réclamation introduite par AXA au sujet d’un excédent de TVA qu’elle aurait acquitté pour les périodes comptables allant du mois de mars 2002 au mois de décembre 2004. Par une seconde décision du mois de septembre 2006, les Commissioners ont fixé le montant de la TVA due au titre de prestations de services effectuées au cours des périodes comptables allant du mois de mars 2005 à celui de mars 2006. Ces deux décisions étaient fondées sur la constatation que les commissions facturées aux dentistes par Denplan étaient des contreparties de prestations de services soumises à la TVA.

14      Au cours des mois de juillet et d’octobre 2006, AXA a fait appel de ces décisions devant le VAT and Duties Tribunal, London, qui a jugé que lesdites commissions étaient exonérées de TVA étant donné qu’elles constituaient la contrepartie d’un service financier relevant du champ d’application de l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive. L’appel des Commissioners contre ce jugement a été rejeté par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division, Revenue List. Les Commissioners ont alors introduit un recours devant la juridiction de renvoi.

15      Selon cette dernière juridiction, la question principale de l’affaire qui lui est soumise est celle de savoir si l’exonération de la TVA prévue à l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive en faveur des «opérations […] concernant les […] paiements, virements» est applicable à un service fourni à un client, à savoir un dentiste, qui souhaite recevoir des paiements d’une tierce partie, à savoir des patients, lequel service consiste à recouvrer des sommes sur les comptes bancaires de ces tierces parties au moyen du système de «débit direct» et à rendre compte au client de tous les paiements reçus.

16      À cet égard, la juridiction de renvoi fait référence à l’arrêt du 5 juin 1997, SDC (C‑2/95, Rec. p. I‑3017), en particulier à ses points 53 et 66, dans lequel la Cour a jugé que, pour ce qui est d’«une opération concernant les virements», les services fournis doivent avoir pour effet de transférer des fonds et d’entraîner des modifications juridiques et financières.

17      Estimant que la solution du litige au principal dépend de l’interprétation du droit de l’Union, la Court of Appeal (England & Wales) (Civil Division) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      Quelles sont les caractéristiques d’un service exonéré qui a ‘pour effet de transférer des fonds et d’entraîner des modifications juridiques et financières’? En particulier:

a)      L’exonération s’applique-t-elle à des services qui, autrement, ne devraient être assurés par aucune des institutions financières qui i) débitent un compte et ii) créditent un autre compte du montant correspondant ou iii) qui exécutent une tâche intermédiaire entre i) et ii)?

b)      L’exonération s’applique-t-elle à des services qui n’incluent pas l’exécution de tâches consistant à débiter un compte et à créditer un autre compte du montant correspondant, mais qui, lorsqu’un transfert de fonds se produit, peuvent être considérés comme ayant été la cause de ce transfert?

2)      À la lumière de l’arrêt SDC, [précité,] un commerçant (qui n’est pas lui-même une banque) fournit-il un service exonéré en vertu de l’article 13[, B, sous d), point 3, de la sixième directive] lorsque les tâches qu’il exécute pour son client

a)      comportent le recouvrement, le traitement et le paiement ultérieur de sommes d’argent dues au client par une tierce partie; en particulier les tâches qui consistent:

–        à transmettre des renseignements à la banque de la tierce partie et à demander un paiement en provenance du compte bancaire de la tierce partie vers le compte bancaire du commerçant lui-même sur la base d’une autorisation en cours donnée par cette tierce partie à la banque (suivant le régime du ‘débit direct’); et ensuite, si la banque effectue ce paiement,

–        à donner ordre à sa propre banque de transférer des fonds de ce compte vers le compte bancaire du client

mais

b)       n’incluent pas les tâches consistant i) à débiter un compte bancaire et ii) à en créditer un autre du montant correspondant ou iii) à effectuer toutes les tâches intermédiaires entre i) et ii)?

3)      La réponse à la deuxième question est-elle différente si le service décrit dans cette question est effectué par transmission des renseignements à un système électronique qui communique alors automatiquement avec la banque concernée, même si la transmission des renseignements peut ne pas toujours déboucher sur l’exécution d’un transfert (par exemple parce que la tierce partie a annulé l’autorisation qu’elle avait donnée à sa banque ou parce que son compte n’est pas suffisamment approvisionné)?»

 Sur les questions préjudicielles

18      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive doit être interprété en ce sens qu’un service tel que celui en cause au principal est, ou non, exonéré de la TVA.

19      Ce service de «collecte de paiements», fourni par Denplan à ses clients et décrit notamment dans la deuxième question, sous a), comporte le recouvrement, le traitement et le paiement ultérieur de sommes d’argent dues par des tierces parties, à savoir les patients, aux clients de Denplan, à savoir les dentistes. Ledit service consiste, en particulier, à transmettre des renseignements à la banque de la tierce partie afin de demander le transfert d’une certaine somme d’argent du compte bancaire de la tierce partie vers le compte bancaire du prestataire de services, sur la base d’une autorisation en cours donnée par cette tierce partie à sa banque, ainsi qu’à donner ensuite ordre à la banque du prestataire de services de transférer des fonds du compte de ce dernier vers le compte bancaire de son client. Entre-temps, le prestataire de services envoie à son client un relevé des sommes reçues et prend contact avec la tierce partie dont il n’a pas reçu le transfert de la somme demandée.

20      Étant donné que ledit service englobe différents actes, il convient, en premier lieu, de déterminer si, du point de vue de la TVA, notamment pour l’interprétation de la disposition visée par les questions posées, Denplan fournit à ses clients plusieurs prestations distinctes et indépendantes devant être appréciées séparément ou une prestation complexe unique composée de plusieurs éléments (voir, en ce sens, notamment arrêts du 27 octobre 2005, Levob Verzekeringen et OV Bank, C‑41/04, Rec. p. I‑9433, points 18 et 20; du 21 février 2008, Part Service, C‑425/06, Rec. p. I‑897, points 48 et 49, ainsi que du 19 novembre 2009, Don Bosco Onroerend Goed, C‑461/08, Rec. p. I‑11079, point 34).

21      En effet, dans certaines circonstances, plusieurs prestations formellement distinctes, qui pourraient être fournies isolément et ainsi donner lieu, séparément, à taxation ou à exonération, doivent être considérées comme une opération unique lorsqu’elles ne sont pas indépendantes. Tel est notamment le cas lorsque deux ou plusieurs éléments ou actes fournis par l’assujetti au client sont si étroitement liés qu’ils forment, objectivement, une seule prestation économique indissociable dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel (voir, en ce sens, arrêts Part Service, précité, points 51 et 53; du 11 juin 2009, RLRE Tellmer Property, C‑572/07, Rec. p. I‑4983, points 18 et 19, ainsi que Don Bosco Onroerend Goed, précité, points 36 et 37).

22      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, lorsqu’une opération est constituée d’un faisceau d’éléments et d’actes, il y a lieu de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se déroule l’opération en question, aux fins de déterminer si l’on se trouve en présence de deux ou de plusieurs prestations distinctes ou d’une prestation unique (voir, en ce sens, notamment arrêts Levob Verzekeringen et OV Bank, précité, point 19; du 29 mars 2007, Aktiebolaget NN, C‑111/05, Rec. p. I‑2697, point 21, ainsi que Don Bosco Onroerend Goed, précité, point 38).

23      S’agissant des opérations telles que celles visées par la décision de renvoi, force est de constater que les actes accomplis par Denplan, examinés aux fins de la TVA, sont inséparablement liés. Ces actes ont pour objet économique le transfert du montant dû chaque mois par le patient au dentiste. Le transfert de la somme due vers le compte bancaire du prestataire de services présente uniquement une utilité pour le client de celui-ci si cette somme, diminuée de la rémunération du prestataire de services, est ensuite versée au client et si le prestataire de services rend compte des montants reçus à ce dernier. Par conséquent, le service en cause au principal doit, dans des circonstances telles que celles décrites par la juridiction de renvoi, être considéré comme formant une opération unique au regard de la TVA.

24      En ce qui concerne, en second lieu, la question de savoir si un service tel que celui en cause au principal relève de l’exonération de la TVA prévue à l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive, relative aux opérations concernant des paiements et des virements, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les exonérations visées à cet article 13 constituent des notions autonomes du droit de l’Union ayant pour objet d’éviter des divergences dans l’application du régime de la TVA d’un État membre à l’autre (voir, notamment, arrêts du 4 mai 2006, Abbey National, C‑169/04, Rec. p. I‑4027, point 38; du 19 avril 2007, Velvet & Steel Immobilien, C‑455/05, Rec. p. I‑3225, point 15; du 22 octobre 2009, Swiss Re Germany Holding, C‑242/08, Rec. p. I-10099, point 33, et du 10 juin 2010, Future Health Technologies, C‑86/09, non encore publié au Recueil, point 28).

25      Il ressort en outre de la jurisprudence que les termes employés pour désigner les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive sont d’interprétation stricte, étant donné qu’elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la TVA est perçue sur chaque livraison de biens et chaque prestation de services effectuées à titre onéreux par un assujetti. Toutefois, l’interprétation desdits termes doit veiller à ce que l’exonération en cause ne soit pas privée de son effet utile (voir, en ce sens, arrêts Don Bosco Onroerend Goed, précité, point 25 et jurisprudence citée; Future Health Technologies, précité, point 30, ainsi que du 30 septembre 2010, EMI Group, C‑581/08, non encore publié au Recueil, point 20).

26      Il y a également lieu de relever que les opérations exonérées en vertu de l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive sont définies en fonction de la nature des prestations de services fournies et non en fonction du prestataire ou du destinataire du service (voir arrêts SDC, précité, points 32 et 56; du 26 juin 2003, MKG-Kraftfahrzeuge-Factoring, C‑305/01, Rec. p. I‑6729, point 64, ainsi que Swiss Re Germany Holding, précité, point 44 et jurisprudence citée). L’exonération n’est donc pas subordonnée à la condition que les opérations soient effectuées par un certain type d’établissement ou de personne morale, dès lors que les opérations en cause relèvent du domaine des opérations financières (voir, en ce sens, arrêts précités SDC, point 38; Velvet & Steel Immobilien, point 22, ainsi que Swiss Re Germany Holding, point 46).

27      Enfin, la Cour a jugé, en ce qui concerne diverses exonérations prévues à l’article 13, B, sous d), de la sixième directive, que, pour être qualifiés d’opérations exonérées, les services en question doivent former un ensemble distinct, apprécié de façon globale, qui a pour effet de remplir les fonctions spécifiques et essentielles d’un service décrit à cette même disposition [voir, en ce sens, arrêts SDC, précité, points 66 et 75, en ce qui concerne l’article 13, B, sous d), points 3 et 5, de la sixième directive; du 13 décembre 2001, CSC Financial Services, C‑235/00, Rec. p. I‑10237, points 25 et 27, en ce qui concerne cet article 13, B, sous d), point 5, ainsi que Abbey National, précité, point 70, s’agissant dudit article 13, B, sous d), point 6].

28      En ce qui concerne le service en cause au principal, il y a lieu de relever que celui-ci a pour but de faire bénéficier les clients de Denplan, à savoir les dentistes, du paiement des sommes d’argent qui leur sont dues par leurs patients. Denplan est chargée, contre rémunération, de la récupération de ces créances et assure un service de gestion de celles-ci pour le compte de leur titulaire. Dès lors, en principe, ce service constitue une opération concernant des paiements exonérée selon l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive, à moins qu’il ne s’agisse d’un «recouvrement de créances», service que ladite disposition, in fine, exclut expressément de la liste des exonérations.

29      En l’absence d’une définition de la notion de «recouvrement de créances» dans la sixième directive, il convient de replacer l’article 13, B, sous d), point 3, in fine, de la sixième directive dans son contexte et de l’interpréter en fonction de l’esprit de la disposition en cause ainsi que, plus généralement, de l’économie de ladite directive (arrêt MKG-Kraftfahrzeuge-Factoring, précité, point 70; voir en ce sens, également, arrêts du 13 juillet 1989, Henriksen, 173/88, Rec. p. 2763, point 11, et du 3 mars 1994, Tolsma, C‑16/93, Rec. p. I‑743, point 10).

30      Alors que, ainsi qu’il a été rappelé au point 25 du présent arrêt, les exonérations visées à l’article 13 de la sixième directive, en tant que dérogations à l’application générale de la TVA, sont d’interprétation stricte, la notion de «recouvrement de créances» en tant qu’exception à une telle disposition dérogatoire à l’application de la TVA, ayant pour effet que les opérations qu’elle vise sont soumises à la taxation qui constitue la règle de principe à la base de la sixième directive, doit recevoir une interprétation large (voir arrêt MKG-Kraftfahrzeuge-Factoring, précité, points 72, 73 et 75, ainsi que, par analogie, arrêt du 15 janvier 2002, Libéros/Commission, C‑171/00 P, Rec. p. I‑451, point 27).

31      Selon la jurisprudence de la Cour, la notion de «recouvrement de créances» au sens de l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive vise des opérations financières tendant à obtenir le paiement d’une dette d’argent (voir arrêt MKG-Kraftfahrzeuge-Factoring, précité, point 78).

32      Il découle de cette jurisprudence que le service en cause au principal, fourni par Denplan aux dentistes, est inclus dans la notion de «recouvrement de créances» au sens de l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive.

33      En effet, ce service a pour but de faire bénéficier les clients de Denplan, à savoir les dentistes, du paiement des sommes d’argent qui leur sont dues par leurs patients. Ledit service tend donc à faire obtenir le paiement de dettes. En se chargeant de la récupération de créances pour le compte du titulaire de celles-ci, Denplan libère ses clients de tâches que, sans son intervention, ces derniers, en tant que créanciers, devraient effectuer eux-mêmes, tâches consistant à demander le transfert des sommes qui leur sont dues via le système de «débit direct».

34      Contrairement à ce que soutient la Commission, il est sans incidence que ledit service soit fourni au moment de l’échéance des dettes concernées. Le libellé de l’article 13, B, sous d), point 3, in fine, de la sixième directive vise le recouvrement de créances de toute nature, sans limiter son champ d’application à des créances qui n’étaient pas réglées au moment de leur échéance. Par ailleurs, l’affacturage, dont toutes les formes sont incluses dans la notion de «recouvrement de créances» (voir arrêt MKG-Kraftfahrzeuge-Factoring, précité, point 77), n’est pas limité à des créances pour lesquelles le débiteur est déjà en situation de défaut de paiement. Il peut également avoir pour objet des créances qui ne sont pas encore échues et qui seront payées à l’échéance.

35      En outre, compte tenu de l’interprétation de l’exception à la dérogation à l’application de la TVA donnée par la jurisprudence citée aux points 30 et 31 du présent arrêt, il est également sans incidence sur la qualification de «recouvrement de créances» du service en cause au principal que ce dernier ne prévoie pas l’application de mesures coercitives en vue du paiement effectif des dettes concernées.

36      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive doit être interprété en ce sens que ne relève pas de l’exonération de la TVA prévue à cette disposition une prestation de services qui consiste, en substance, à demander à la banque d’une tierce personne le transfert via le système de «débit direct» d’une somme due par cette personne au client du prestataire de services sur le compte de ce dernier, à envoyer au client un relevé des sommes reçues, à prendre contact avec la tierce partie dont le prestataire de services n’a pas reçu le paiement et, enfin, à donner l’ordre à la banque du prestataire de services de transférer les paiements reçus, diminués de la rémunération de celui-ci, sur le compte bancaire du client.

 Sur les dépens

37      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

L’article 13, B, sous d), point 3, de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, doit être interprété en ce sens que ne relève pas de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à cette disposition une prestation de services qui consiste, en substance, à demander à la banque d’une tierce personne le transfert via le système de «débit direct» d’une somme due par cette personne au client du prestataire de services sur le compte de ce dernier, à envoyer au client un relevé des sommes reçues, à prendre contact avec la tierce partie dont le prestataire de services n’a pas reçu le paiement et, enfin, à donner l’ordre à la banque du prestataire de services de transférer les paiements reçus, diminués de la rémunération de celui-ci, sur le compte bancaire du client.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.