DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

29 janvier 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative ENCANTO – Marque nationale verbale antérieure BELCANTO – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑239/19,

Vinos de Arganza, SL, établie à Toral de los Vados (Espagne), représentée par Me L. Broschat García, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Nordbrand Nordhausen GmbH, établie à Nordhausen (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 17 janvier 2019 (affaire R 392/2018‑1), relative à une procédure d’opposition entre Nordbrand Nordhausen et Vinos de Arganza,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins (rapporteur), président, V. Kreuschitz et Mme G. Steinfatt juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 9 avril 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 1er août 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 juin 2016, la requérante, Vinos de Arganza, SL, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Vin ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne n° 2016/150, du 11 août 2016.

5        Le 19 août 2016, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, Nordbrand Nordhausen GmbH, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque allemande verbale antérieure BELCANTO, déposée le 21 novembre 2014 et enregistrée le 5 février 2015 sous le numéro 30 2014 071 88. Les produits pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée relèvent de la classe 33 et correspondent à la description suivante : « Boissons alcoolisées à l’exception des bières ».

7        Le motif évoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001].

8        Le 20 décembre 2017, la division d’opposition a fait droit à l’opposition en concluant à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

9        Le 20 février 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 17 janvier 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours.

11      La chambre de recours a, tout d’abord, considéré que le public pertinent était le grand public allemand, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen (point 14 de la décision attaquée). Ensuite, elle a estimé que les marques en conflit présentaient à tout le moins un faible degré de similitude visuelle (points 18 et 19 de la décision attaquée), que lesdites marques étaient similaires sur le plan phonétique (points 21 et 22 de la décision attaquée) et que leur comparaison conceptuelle était neutre (points 24 à 28 de la décision attaquée). En outre, elle a considéré que les similitudes phonétiques revêtaient une importance particulière, car les produits en cause étaient généralement commandés oralement. L’impression de similitude prévaudrait donc en raison du faible degré de similitude visuelle et du degré plus élevé de similitude phonétique, d’autant que ces produits étaient identiques et que le niveau d’attention du public pertinent ne dépassait pas la moyenne (point 32 de la décision attaquée). Dans l’ensemble, il existait donc un risque de confusion entre ces marques (points 31 à 33 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition et autoriser l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

13      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      La requérante invoque un seul moyen au soutien du recours, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Elle conteste principalement les appréciations de la chambre de recours relatives aux comparaisons visuelle, phonétique et conceptuelle des marques en conflit et l’existence d’un risque de confusion entre ces marques.

15      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

16      À titre liminaire, il convient de souligner que, même si la chambre de recours affirme dans la décision attaquée faire application des dispositions du règlement 2017/1001, il convient d’entendre ces références, en ce qui concerne les règles de fond, comme visant en réalité les dispositions d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

17      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001], il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

18      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 26 juin 2014, Basic/OHMI – Repsol YPF (basic), T‑372/11, EU:T:2014:585, point 21 et jurisprudence citée].

19      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives (voir arrêt du 26 juin 2014, basic, T‑372/11, EU:T:2014:585, point 22 et jurisprudence citée).

 Sur le public pertinent 

20      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

21      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que, dans la mesure où la marque antérieure avait été enregistrée en Allemagne, le public pertinent était le grand public allemand, faisant preuve d’un niveau d’attention moyen. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation, qui n’est d’ailleurs pas contestée par la requérante.

 Sur la comparaison des produits

22      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

23      En l’espèce, la chambre de recours a estimé que les produits désignés par la marque demandée et la marque antérieure étaient identiques. Il n’y a pas lieu de remettre en cause cette appréciation, qui n’est d’ailleurs pas contestée par la requérante.

 Sur la comparaison des signes

24      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, sont en cause, d’une part, la marque demandée, constituée du signe figuratif ENCANTO (voir point 2 ci-dessus) et, d’autre part, la marque antérieure, constitué du signe verbal BELCANTO.

26      À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, EU:T:2005:156, point 43 et jurisprudence citée].

27      Ensuite, la présence dans chacune des marques en conflit de plusieurs lettres dans le même ordre peut revêtir une certaine importance dans l’appréciation des similitudes visuelles entre ces marques [voir arrêt du 24 octobre 2019, ZPC Flis/EUIPO – Aldi Einkauf (Happy Moreno choco), T‑498/18, EU:T:2019:763, point 93 et jurisprudence citée].

28      S’agissant de la comparaison des signes sur le plan visuel, la chambre de recours a estimé, au point 18 de la décision attaquée, d’une part, que les signes en conflit présentaient à tout le moins un faible degré de similitude puisqu’ils coïncidaient dans les lettres « E », « C », « A », « N », « T » et « O » et, étant donné que six des sept lettres de l’élément verbal de la marque demandée étaient entièrement contenues dans la marque verbale antérieure, la seule différence concernant la partie initiale des signes ne suffisait pas à annuler la similitude fondée sur la coïncidence des lettres « E », « C », « A », « N », « T » et « O ». D’autre part, l’élément figuratif de la marque demandée était décoratif et la typographie de l’élément « encanto » n’était pas particulièrement distinctive.

29      Contrairement à ce qu’affirme la requérante, ce constat est exempt d’erreur. Il y a lieu de relever que la seule différence concernant la partie initiale des signes en conflit ne suffit pas à annuler la similitude fondée sur la coïncidence des lettres « E », « C », « A », « N », « T » et « O ».

30      Concernant l’incidence de l’élément figuratif et la typographie de la marque demandée, il y a lieu de rappeler que, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, les premiers sont, en principe, plus distinctifs que les seconds, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif de la marque [voir arrêt du 22 septembre 2016, Sun Cali/EUIPO – Abercrombie & Fitch Europe (SUN CALI), T‑512/15, EU:T:2016:527, point 61 et jurisprudence citée]. À la lumière de cette jurisprudence et des caractéristiques de l’élément figuratif de la marque demandée, la chambre de recours a considéré à juste titre que ledit élément était susceptible d’être essentiellement perçu par le consommateur comme un élément décoratif, et non comme un élément indiquant l’origine commerciale des produits. Il en va de même en ce qui concerne la typographie de l’élément verbal de la marque demandée qui n’est pas particulièrement distinctive.

31      Par ailleurs, il convient de constater que l’affirmation de la requérante selon laquelle la chambre de recours s’est appuyée à tort sur l’arrêt du 4 juillet 2014, Advance Magazine Publishers/OHMI – Montres Tudor (GLAMOUR) (T‑1/13, non publié, EU:T:2014:615), repose sur une lecture erronée de la décision attaquée, puisqu’il ressort de son point 19 que la chambre de recours a uniquement cité cet arrêt pour illustrer que la considération selon laquelle la partie initiale des marques verbales retient l’attention du consommateur davantage que les parties suivantes ne saurait valoir dans tous les cas. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, elle n’a établi aucune analogie entre les marques en conflit en l’espèce et celles évoquées dans cet arrêt. En outre, il doit être rappelé que la considération selon laquelle la partie initiale des marques verbales retient l’attention du consommateur davantage que les parties suivantes ne saurait remettre en cause le principe, déjà énoncé au point 24 ci-dessus, selon lequel l’examen de la similitude des marques doit prendre en compte l’impression d’ensemble produite par celles-ci, dès lors que le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à l’examen de ses différents détails [voir arrêt du 14 avril 2011, Lancôme/OHMI – Focus Magazin Verlag (ACNO FOCUS), T‑466/08, EU:T:2011:182, point 61 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que l’argument de la requérante selon lequel la différence entre les parties initiales des signes en conflit est plus importante que la similitude des parties suivantes ne saurait prospérer dès lors que la chambre de recours a correctement évalué l’impression d’ensemble de ces signes.

32      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a estimé que les signes en conflit présentaient à tout le moins un faible degré de similitude visuelle.

33      S’agissant de la comparaison des signes sur le plan phonétique, la chambre de recours a estimé, aux points 21 et 22 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient similaires dans l’ensemble, puisque les lettres qu’ils ont en commun les rendaient similaires en termes de rythme et d’intonation et que la différence au niveau de la première syllabe n’avait pas d’incidence significative sur l’impression phonétique d’ensemble.

34      Les arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause ce constat. En effet, si la requérante estime que les signes en conflit sont différents sur le plan phonétique en raison de la différence de leurs premières syllabes « bel » et « en », il n’en demeure pas moins qu’ils coïncident dans les syllabes « can », « to » et par le son « e » dans la première syllabe, d’où une similitude phonétique.

35      Par ailleurs, ne saurait prospérer l’argument de la requérante selon lequel l’utilisation de l’élément verbal « canto » est tellement fréquente en Allemagne que les consommateurs y prêteront moins d’attention, sur les plans visuel et phonétique, qu’aux autres éléments des signes en conflit. À l’appui de cet argument, la requérante a présenté à l’EUIPO des listes de marques enregistrées en Allemagne. Il convient de rappeler que, en vertu de la jurisprudence, des listes de marques enregistrées ne reflètent que leurs inscriptions dans un registre national de marques et non la situation sur le marché [voir arrêt du 23 mars 2017, Vignerons de la Méditerranée/EUIPO – Bodegas Grupo Yllera (LE VAL FRANCE), T‑216/16, non publié, EU:T:2017:201, point 44 et jurisprudence citée]. La requérante a également présenté une liste de 65 vins, provenant d’un site Internet américain, dont le nom inclut l’élément « canto ». Cela ne démontre toutefois pas non plus la situation sur le marché pertinent. Force est de constater que ces éléments de preuve ne peuvent démontrer l’hypothèse avancée par la requérante et, partant, cet argument manque en fait.

36      Enfin, quant aux arguments de la requérante concernant une décision de l’EUIPO dans laquelle il a considéré qu’une différence entre quelques lettres était suffisant à distinguer les signes en conflit, il suffit de constater qu’il ressort d’une jurisprudence constante que les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement no 207/2009, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci [arrêts du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65, et du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 71].

37      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a estimé que les signes en conflit étaient similaires sur le plan phonétique.

38      S’agissant de la comparaison des signes sur le plan conceptuel, la chambre de recours a estimé, aux points 26 et 27 de la décision attaquée, qu’elle était neutre, puisque, d’une part, le public pertinent percevait le terme « belcanto » constituant la marque antérieure comme un terme fantaisiste et, d’autre part, le terme « encanto » faisant partie de la marque demandée était dépourvu de signification.

39      La requérante ne conteste pas que la marque demandée est dépourvue de signification, mais relève que le public pertinent comprend que le terme « belcanto » est associé à l’opéra italien des premières décennies du XIXe siècle, étant donné qu’un dictionnaire en ligne définit ce terme comme renvoyant à l’« art vocal virtuose italien qui met particulièrement l’accent sur la beauté du son et de la mélodie ». Ainsi, la chambre de recours aurait dû reconnaître que les différences conceptuelles entre les signes en conflit neutralisaient les similitudes phonétiques et visuelles entre ces signes.

40      Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel n’est possible que lorsqu’au moins l’un des signes véhicule un concept qui est compris par une partie significative du public pertinent [voir, en ce sens, arrêts du 9 mars 2012, EyeSense/OHMI – Osypka Medical (ISENSE), T‑207/11, non publié, EU:T:2012:121, point 34, et du 22 novembre 2018, The Vianel Group/EUIPO – Viania Dessous (VIANEL), T‑724/17, non publié, EU:T:2018:825, points 41 et 43].

41      Il convient de constater que, contrairement à ce qu’exige la jurisprudence, la requérante ne démontre pas que la marque antérieure véhicule un concept qui est compris par une partie significative du public pertinent.

42      En premier lieu, le fait qu’un terme figure dans un dictionnaire n’implique pas, en soi, qu’il est compris par une partie significative du public pertinent. En effet, il convient d’examiner la signification du terme et de déterminer si une partie significative du public pertinent serait susceptible de la saisir. En l’espèce, les explications fournies par la requérante indiquent que le terme « belcanto » se réfère à un genre musical appartenant au domaine de l’opéra italien du XIXsiècle. Force est de constater qu’il s’agit d’un domaine spécialisé et que, partant, la connaissance dudit terme par le public pertinent n’est pas établie.

43      En deuxième lieu, les autres éléments de preuve présentés par la requérante indiquent que, premièrement, quelques spectacles musicaux du style « belcanto » ont été produits, notamment, en Allemagne en 2018, que, deuxièmement, des cours de chant « belcanto » ont été proposés en 2018 en Irlande, en Suède et aux États-Unis, que, troisièmement, il existe, en Allemagne et aux États-Unis, quelques groupes musicaux dédiés à ce genre de musique et que, quatrièmement, plusieurs documentaires ont été consacrés au « belcanto ». Il convient de relever que ces éléments de preuve confirment le bien-fondé du constat de la chambre de recours selon lequel une partie significative du public allemand, n’étant composé ni de personnes qui étudient l’art vocal, ni d’amateurs d’opéra, ne comprendra pas le terme « belcanto ».

44      En troisième lieu, concernant l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas dûment pris en compte l’incidence du film intitulé « Bel Canto » sur le niveau de connaissance du terme « belcanto » par le public pertinent, il convient de constater qu’il s’agit d’un film qui est sorti en Allemagne le 22 février 2019, uniquement en DVD et en Blu-ray. Force est de constater qu’il ne saurait été reproché à la chambre de recours de ne pas l’avoir pris en considération dans la décision attaquée du 17 janvier 2019. Pour cette même raison, la recevabilité de ce fait est remise en cause étant donné que la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été adopté [voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2010, Exalation/OHMI (Vektor-Lycopin), T‑85/08, EU:T:2010:303, point 28 et jurisprudence citée].

45      Il s’ensuit que la chambre de recours a correctement estimé que la comparaison des signes sur le plan conceptuel était neutre et, partant, l’argument de la requérante selon lequel les différences conceptuelles entre les signes en conflit neutraliseraient les similitudes phonétiques et visuelles entre elles ne saurait davantage prospérer.

 Sur le risque de confusion

46      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

47      En l’espèce, aux points 31 à 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a examiné s’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit. Elle a pris en compte le fait que les produits étaient identiques, le niveau d’attention du public pertinent était moyen, les signes étaient similaires phonétiquement et, dans une moindre mesure, visuellement, les produits en cause étaient généralement consommés sur commande orale, le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était normal et le fait que le consommateur devait se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire d’une marque. Elle a également observé que les similitudes phonétiques revêtaient une importance particulière, car les produits en cause étaient souvent commandés oralement dans des environnements bruyants, ce qui atténuerait l’importance des différences visuelles et augmenterait la possibilité de confusion du fait des similitudes phonétiques. En outre, lorsqu’il était servi dans lesdits lieux publics, le consommateur recevrait souvent ses boissons dans un verre et non dans leur emballage spécifique. Enfin, dans l’ensemble, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion.

48      La requérante affirme que la chambre de recours a surestimé l’incidence de la similitude des signes en conflit sur le plan phonétique, parce que le public pertinent a normalement l’opportunité d’inspecter visuellement les produits en cause, et donc leurs étiquettes, soit dans des restaurants, soit dans des épiceries, centres commerciaux et magasins spécialisés.

49      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence établie, un motif, même dans l’hypothèse où il s’avérerait erroné, ne saurait justifier l’annulation de l’acte qui en est entaché s’il revêt un caractère surabondant et s’il existe d’autres motifs qui suffisent à fonder cet acte (voir, en ce sens, arrêts du 7 avril 2011, Grèce/Commission, C‑321/09 P, non publié, EU:C:2011:218, point 61 et jurisprudence citée, et du 20 septembre 2012, France/Commission, T‑154/10, EU:T:2012:452, point 99). eSelon une jurisprudence également constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants [voir, en ce sens, ordonnance du 8 avril 2008, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑503/07 P, EU:C:2008:207, point 62 ; arrêts du 29 mars 2011, Anheuser-Busch/Budějovický Budvar, C‑96/09 P, EU:C:2011:189, point 211, et du 23 mai 2007, Procter & Gamble/OHMI (Tablette carrée blanche avec un dessin floral de couleur), T‑241/05, T‑262/05 à T‑264/05, T‑346/05, T‑347/05 et T‑29/06 à T‑31/06, EU:T:2007:151, point 89].

50      En l’espèce, il résulte des considérations qui précèdent que les produits désignés par la marque demandée et par la marque antérieure sont identiques (voir point 23 ci-dessus), que les signes en conflit présentent à tout le moins un faible degré de similitude visuelle (voir points 26 à 32 ci-dessus) et sont similaires sur le plan phonétique (voir points 33 à 37 ci-dessus), alors que, du fait que leur comparaison sur le plan conceptuel est neutre, il n’y a pas de différences conceptuelles entre eux qui neutraliseraient lesdites similitudes phonétiques et visuelles (voir points 38 à 45 ci-dessus).

51      Il convient de constater que, dans ces circonstances, la chambre de recours était fondée à conclure que, dans l’ensemble, un risque de confusion existait dans l’esprit public pertinent allemand faisant preuve d’un niveau d’attention moyen (voir point 21 ci-dessus) et ce nonobstant la question de savoir si l’aspect phonétique a ou non une importance particulière pour les produits en cause. Ce motif revêt, dès lors, un caractère surabondant. Il s’ensuit que les arguments de la requérante visant à le contester doivent être écartés, puisqu’ils sont, en l’espèce, inopérants.

52      Le moyen unique soulevé par la requérante au soutien de ses conclusions n’étant pas fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité des chefs de conclusions visant le rejet de l’opposition et l’autorisation de l’enregistrement de la marque demandée.

 Sur les dépens

53      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Vinos de Arganza, SL, est condamnée aux dépens.

Collins

Kreuschitz

Steinfatt

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 janvier 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.