CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 12 mars 2015 (1)

Affaire C‑83/14

CHEZ Razpredelenie Bulgaria AD

contre

Komisia za zashtita ot diskriminatsia

[demande de décision préjudicielle
formée par l’Administrativen sad Sofia-grad (Bulgarie)]

«Directive 2000/43/CE – Principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique – Discrimination indirecte – Caractère général et collectif d’une mesure – Effet stigmatisant – Personne ne faisant pas partie du groupe ethnique discriminé, mais néanmoins victime d’une discrimination par association ou par ricochet – Quartiers habités majoritairement par des personnes issues de la communauté rom – Installation de compteurs électriques à une hauteur inaccessible pour le consommateur – Justification – Lutte contre les fraudes et les abus – Directives 2006/32/CE et 2009/72/CE – Possibilité pour l’utilisateur final de contrôler sa consommation électrique individuelle»





I –    Introduction

1.        Il arrive parfois, lors de l’examen de problèmes de discriminations, que des destins individuels se retrouvent au premier plan. Tel n’est pas le cas dans la présente affaire qui porte sur l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine ethnique au sens du droit de l’Union. Certes, cette affaire se rapporte elle aussi, en définitive, au recours d’un particulier, mais sa question centrale est celle du caractère général et collectif de mesures qui concernent un groupe de population dans son ensemble et qui ont pour effet de stigmatiser toutes les personnes issues de ce groupe, de même que leur environnement social.

2.        Concrètement, il s’agit d’examiner une pratique répandue dans la ville de Dupnitsa (Bulgarie) – mais ailleurs également – consistant à installer les compteurs électriques des utilisateurs finals dans des quartiers habités majoritairement par des Roms à une hauteur d’environ six mètres, en les rendant ainsi inaccessibles en vue de contrôles visuels normaux, alors que les mêmes compteurs sont installés ailleurs à une hauteur d’environ 1,70 mètre, et sont dès lors aisément visibles pour les consommateurs. Cette pratique est motivée par l’existence d’interventions prohibées sur lesdits compteurs électriques et de branchements illicites, lesquels seraient particulièrement fréquents dans les «quartiers roms».

3.        Dans les conclusions que nous avons présentées dans l’affaire Belov (2), nous nous sommes déjà penchée une première fois sur l’ensemble des aspects de cette problématique, que nous avons examinée à la lumière de l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine ethnique au sens du droit de l’Union. Nous avons également rappelé à cette occasion le contexte d’exclusion sociale qui est celui des Roms, de même que les conditions sociales et économiques extrêmement précaires dans lesquelles cette communauté vit dans de nombreux endroits en Europe.

4.        La présente affaire offre l’occasion d’affiner sur certains points notre analyse précédente. Cela concerne, d’une part, la distinction entre discrimination directe et discrimination indirecte fondée sur l’origine ethnique. D’autre part, il y a lieu d’examiner si, et le cas échéant, dans quelle mesure, des personnes qui ne font pas elles-mêmes partie du groupe ethnique désavantagé peuvent néanmoins faire l’objet d’une discrimination en raison de la pratique en cause («mitdiskriminiert sein», ce qui correspond, en français, à la notion de «discrimination par association» ou bien «discrimination par ricochet» [Ndt: en français dans l’original]). En outre, il sera question – tout comme ce fut le cas pour l’affaire Belov – des possibilités de justification des mesures collectives revêtant un caractère stigmatisant.

5.        Contrairement à l’affaire Belov (3), la présente affaire ne soulève pas de problèmes de compétence ou de recevabilité, car il est constant cette fois-ci que l’organe de renvoi bulgare constitue une juridiction au sens de l’article 267 TFUE.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

6.        La présente affaire doit être examinée au regard de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte») et de la directive 2000/43/CE (4). À titre complémentaire, il faut également mentionner les directives 2006/32/CE (5) et 2009/72/CE (6), qui contiennent des règles concernant respectivement l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et le marché intérieur de l’électricité.

1.      La directive anti-discrimination 2000/43

7.        Conformément à son article 1er, l’objet de la directive 2000/43 consiste à «établir un cadre pour lutter contre la discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique, en vue de mettre en œuvre, dans les États membres, le principe de l’égalité de traitement».

8.        L’article 2 de la directive 2000/43 contient notamment la définition suivante:

«1.      Aux fins de la présente directive, on entend par ‘principe de l’égalité de traitement’, l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondée sur la race ou l’origine ethnique.

2.      Aux fins du paragraphe 1:

a)      une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d’origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable;

b)      une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires.

3.      Le harcèlement est considéré comme une forme de discrimination au sens du paragraphe 1 lorsqu’un comportement indésirable lié à la race ou à l’origine ethnique se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Dans ce contexte, la notion de harcèlement peut être définie conformément aux législations et pratiques nationales des États membres.

[…]»

9.        L’article 3 de la directive 2000/43 définit le champ d’application de celle-ci dans les termes suivants:

«1.      Dans les limites des compétences conférées à la Communauté, la présente directive s’applique à toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privé, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:

[…]

h)      l’accès aux biens et services et la fourniture de biens et services, à la disposition du public, y compris en matière de logement.

[…]»

10.      L’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43 énonce ce qui suit concernant la charge de la preuve:

«Les États membres prennent les mesures nécessaires, conformément à leur système judiciaire, afin que, dès lors qu’une personne s’estime lésée par le non-respect à son égard du principe de l’égalité de traitement et établit, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’égalité de traitement.»

11.      Pour finir, il convient de mentionner également le considérant 16 de la directive 2000/43:

«Il importe de protéger toutes les personnes physiques contre la discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique. Les États membres doivent aussi assurer, en tant que de besoin et conformément aux traditions et pratiques nationales, la protection des personnes morales lorsqu’elles sont victimes de discriminations fondées sur la race ou l’origine ethnique de leurs membres.»

2.      Les directives sur le marché intérieur de l’électricité et sur l’efficacité énergétique dans les utilisations finales

12.      La directive 2006/32 visait à augmenter les capacités des utilisations finales de l’énergie dans les États membres au moyen de diverses mesures, destinées, notamment, à améliorer l’efficacité énergétique au profit des utilisateurs finals. Son considérant 29 est formulé dans les termes suivants:

«Afin que les utilisateurs finals puissent prendre des décisions en meilleure connaissance de cause en ce qui concerne leur consommation d’énergie individuelle, il convient de leur fournir une quantité raisonnable d’informations en la matière ainsi que d’autres informations pertinentes […]. De plus, les consommateurs devraient être résolument encouragés à vérifier régulièrement les indications de leurs compteurs.»

13.      L’article 13, paragraphe 1, de la directive 2006/32 disposait en outre ce qui suit:

«Les États membres veillent à ce que, dans la mesure où cela est techniquement possible, financièrement raisonnable et proportionné compte tenu des économies d’énergie potentielles, les clients finals dans les domaines de l’électricité, du gaz naturel, du chauffage et/ou du refroidissement urbain(s) et de la production d’eau chaude à usage domestique reçoivent à un prix concurrentiel des compteurs individuels qui mesurent avec précision leur consommation effective et qui fournissent des informations sur le moment où l’énergie a été utilisée.

[…]»

14.      La directive 2009/72 contient des règles communes pour la production, le transport, la distribution et la fourniture d’électricité et définit les modalités d’organisation et de fonctionnement du secteur de l’électricité. Conformément à l’article 3, paragraphe 7, de cette directive, les États membres prennent les «mesures appropriées pour protéger les clients finals» qui incluent, en ce qui concerne au moins les clients résidentiels, celles figurant à l’annexe I de ladite directive.

15.      Aux termes de l’annexe I, point 1, de la directive 2009/72, intitulée «Mesures relatives à la protection des consommateurs», «les mesures visées à l’article 3 [de la directive] ont pour objet de faire en sorte que les clients:

[…]

h)      puissent disposer de leurs données de consommation […]; [et]

i)      soient dûment informés de la consommation réelle d’électricité et des coûts s’y rapportant, à une fréquence suffisante pour leur permettre de réguler leur propre consommation d’électricité. […] Il y a lieu de prendre dûment en compte le rapport coût-efficacité de telles mesures. Ce service ne donne lieu à aucun surcoût pour le consommateur;

[…]»

B –    Le droit bulgare

16.      Pour transposer toute une série d’actes juridiques de l’Union européenne, notamment la directive 2000/43, la République de Bulgarie a adopté la loi sur la protection contre les discriminations (ci‑après le «ZZD») (7), dont l’article 4 dispose:

«(1)      Est interdite toute discrimination directe ou indirecte fondée sur le sexe, la race, la nationalité, l’appartenance ethnique, le génome humain, la citoyenneté, l’origine, la confession, l’éducation, les convictions, l’affiliation politique, la situation personnelle ou le statut social, le handicap, l’âge, l’orientation sexuelle, la situation familiale, les ressources ou toute autre caractéristique personnelle prévue par la loi ou par une convention internationale à laquelle la République de Bulgarie est partie.

(2)      Est constitutif d’une discrimination directe tout traitement plus défavorable d’une personne en raison des caractéristiques personnelles visées au paragraphe 1 par rapport à la façon dont est, a été ou serait traitée une autre personne dans des conditions comparables ou similaires.

(3)      Une discrimination indirecte consiste à placer une personne dans une situation plus défavorable par rapport à d’autres personnes, en raison des caractéristiques personnelles visées au paragraphe 1, par le biais d’une disposition, d’un critère ou d’une pratique neutres en apparence, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique soient justifiés par un objectif légitime et que les moyens employés pour l’atteindre soient appropriés et nécessaires.»

17.      Le paragraphe 1 des dispositions complémentaires du ZZD dispose par ailleurs:

«Au sens de la présente loi:

[…]

7)      Tout agissement (acte ou omission) portant directement ou indirectement atteinte à des droits ou à des intérêts légitimes constitue un ‘traitement défavorable’;

8)      ‘En raison des caractéristiques personnelles visées à l’article 4, paragraphe 1’ signifie en raison de l’existence effective (présente, passée ou supposée) d’une ou de plusieurs de ces caractéristiques personnelles chez la personne qui fait l’objet de la discrimination, ou bien chez une personne à laquelle celle-ci est liée ou est supposée l’être, dès lors que le lien en question est à l’origine de la discrimination;

[…]»

18.      En outre, la demande de décision préjudicielle se réfère à d’autres dispositions du ZZD et de la loi sur l’énergie (ci‑après le «ZE») (8), que nous ne reproduisons pas ici.

III – Les faits et la procédure au principal

A –    Les faits

19.      Mme Anelia Georgieva Nikolova exerce une activité économique dans la ville de Dupnitsa avec son entreprise unipersonnelle. Elle y tient une épicerie dans le quartier Gizdova mahala, laquelle est alimentée en électricité par l’entreprise CHEZ Razpredelenie Bulgaria (9).

20.      Gizdova mahala est considéré comme le plus grand quartier rom de la ville de Dupnitsa. Sa population est majoritairement constituée du groupe ethnique rom. Cependant, Mme Nikolova ne fait pas elle-même partie dudit groupe ethnique (10).

21.      En 1999 et en 2000, les compteurs (11) de l’ensemble des utilisateurs du quartier en question, à qui CHEZ fournit actuellement de l’électricité, ont été installés sur des pylônes raccordés au réseau électrique à une hauteur d’environ six mètres, c’est-à-dire inaccessible aux fins d’un contrôle visuel normal. Il est constant que cette pratique (12) n’est mise en place que dans les quartiers où les Roms représentent la grande majorité de la population à l’égard de l’ensemble des clients de ces quartiers, qu’ils fassent ou non eux-mêmes partie de ce groupe ethnique. Elle est motivée par l’existence d’un grand nombre d’interventions prohibées sur les compteurs électriques, ainsi que par la survenance fréquente de branchements non autorisés sur le réseau électrique dans lesdits quartiers. Ailleurs, les compteurs électriques de l’ensemble des utilisateurs, y compris de ceux qui font partie du groupe ethnique rom, sont au contraire installés à une hauteur d’environ 1,70 mètre, de façon à être aisément accessibles, le plus souvent dans les logements et locaux des clients, sur la façade de leurs bâtiments, ou bien sur leurs murs de clôture.

22.      Afin de permettre aux utilisateurs de contrôler leur consommation, y compris sur les compteurs électriques placés à une hauteur plus importante, CHEZ s’est engagée, dans ses conditions générales de vente, à mettre gratuitement à la disposition de tout utilisateur qui en fait la demande écrite un véhicule spécialisé équipé d’une nacelle au moyen duquel ses employés peuvent accéder aux compteurs afin d’en relever les indications. Aucun utilisateur n’a cependant fait usage de cette possibilité jusqu’à présent. Les utilisateurs ont également la possibilité de faire installer un compteur électrique de contrôle à leurs frais dans leur logement. En dehors de ces deux solutions, il n’existe pas d’autre possibilité de contrôle visuel pour les utilisateurs de ce quartier.

23.      Aux termes de la décision de renvoi, les médias évoquent l’existence d’un nouveau type de compteurs électriques permettant d’effectuer un relevé à distance et, de surcroît, d’avertir l’entreprise d’électricité en cas de tentatives de manipulations.

B –    La procédure au principal

24.      Le 5 décembre 2008, Mme Nikolova a saisi la commission de protection contre les discriminations (ci-après la «KZD») (13) d’un recours contre le caractère discriminatoire de la pratique litigieuse de CHEZ. Dans son recours, elle se dit victime d’une «discrimination directe» en raison de sa «nationalité» (14). Elle a par ailleurs allégué que ses factures d’électricité étaient surévaluées par rapport à sa véritable consommation, en supposant que CHEZ se fondait sur un niveau excessif de consommation afin de compenser des pertes qu’elle subissait par ailleurs dans le quartier concerné. Pour finir, Mme Nikolova a indiqué que l’installation des compteurs à un endroit inaccessible aux fins d’un contrôle visuel normal l’empêcherait d’en relever les indications et de contrôler ses factures d’électricité.

25.      Aux termes du rapport d’expertise d’un expert judiciaire, dans le cas de Mme Nikolova, il n’y a eu ni intervention prohibée ni branchement illicite.

26.      Par décision du 6 avril 2010, la KZD a constaté que la pratique litigieuse constituait une «discrimination indirecte» fondée sur la caractéristique personnelle «nationalité», laquelle discrimination n’était pas susceptible d’être justifiée. Cependant, cette décision a fait l’objet d’un pourvoi devant le Varhoven administrativen sad (Bulgarie) (15), qui a annulé ladite décision par un arrêt du 19 mai 2011, au motif notamment qu’il n’était pas en mesure d’identifier l’autre nationalité par rapport à laquelle Mme Nikolova aurait été discriminée. L’affaire a été renvoyée devant la KZD pour y être réexaminée.

27.      Le 30 mai 2012, la KZD a statué à nouveau sur l’affaire, en constatant l’existence d’une «discrimination directe» fondée sur la «situation personnelle» de Mme Nikolova. Dans les motifs de sa décision, la KZD indique que du fait de la localisation de son entreprise, CHEZ aurait traité Mme Nikolova de manière moins favorable par rapport aux autres clients dont les compteurs électriques seraient installés à des endroits accessibles aux fins d’un contrôle visuel. La KZD a enjoint à CHEZ de faire cesser cette infraction, de rétablir l’égalité de traitement envers Mme Nikolova et de s’abstenir de mettre en place de telles pratiques discriminatoires à l’avenir.

28.      CHEZ a de nouveau formé un recours contre la décision précitée, pendant devant l’Administrativen sad Sofia-grad (16), la juridiction de renvoi dans cette affaire. La commission nationale de régulation de l’énergie et de l’eau (17) intervient au soutien des conclusions de CHEZ.

29.      La juridiction de renvoi estime que la présente affaire ne doit être examinée ni du point de vue de la «nationalité» ni de celui de la «situation personnelle», mais bien au regard de la «caractéristique personnelle protégée ‘appartenance ethnique’». Le juge de renvoi incline à penser que Mme Nikolova est victime d’une discrimination directe sur la base de critères ethniques. Selon lui, l’appartenance de Mme Nikolova au groupe ethnique rom ressort de la circonstance qu’elle «s’identifie» elle-même aux Roms de son quartier.

IV – La demande de décision préjudicielle et la procédure devant la Cour

30.      Ce ne sont pas moins de dix questions préjudicielles extrêmement détaillées qui ont été déférées par décision du 5 février 2014, parvenue à la Cour le 17 février 2014, de l’Administrativen sad Sofia-grad; ces questions sont ainsi libellées:

«1)      La notion d’‘origine ethnique’, employée dans la directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique et dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle englobe un groupe compact de ressortissants bulgares d’origine rom tels que ceux qui habitent le quartier Gizdova mahala à Dupnitsa?

2)      La notion de ‘situation comparable’ au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/43 est-elle applicable, compte tenu des faits au principal, où les instruments de mesure commerciale sont placés, dans des quartiers roms, à une hauteur de six à sept mètres, ce qui ne correspond pas à leur emplacement ordinaire à une hauteur inférieure à deux mètres, observable dans d’autres quartiers où il n’y a pas de population compacte de Roms?

3)      Faut-il interpréter l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/43 en ce sens que le placement, dans des quartiers roms, d’instruments de mesure commerciale à une hauteur de six à sept mètres constitue un traitement moins favorable de la population d’origine rom par rapport à la population d’une autre origine ethnique?

4)      S’il s’agit d’un traitement moins favorable, la disposition précitée doit-elle être interprétée en ce sens que, compte tenu des faits au principal, ce traitement est entièrement ou partiellement dû à la circonstance qu’il concerne l’ethnie rom?

5)      Une disposition nationale telle que le paragraphe 1, point 7, des dispositions complémentaires de la loi relative à la protection contre les discriminations (Zakon za zashtita ot diskriminatsia), qui énonce que tout agissement (acte ou omission) portant directement ou indirectement atteinte à des droits ou à des intérêts légitimes constitue un ‘traitement défavorable’, est-elle compatible avec la directive 2000/43?

6)      La notion de ‘pratique apparemment neutre’ au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43 est-elle applicable à la pratique de la société CHEZ Razpredelenie Bulgaria AD, consistant à placer des instruments de mesure commerciale à une hauteur de six à sept mètres? Comment faut-il interpréter l’adverbe ‘apparemment’: en ce sens que la pratique est manifestement neutre, ou bien en ce sens qu’elle semble neutre seulement à première vue, autrement dit qu’elle est neutre en apparence?

7)      Pour que l’on ait affaire à une discrimination indirecte au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43, est-il nécessaire que la pratique neutre place les personnes dans une situation de désavantage particulier en raison d’une caractéristique personnelle raciale ou d’une origine ethnique, ou bien suffit-il que cette pratique concerne des personnes d’une origine ethnique donnée? En ce sens, une disposition nationale telle que l’article 4, paragraphe 3, du ZZD, qui énonce qu’une discrimination indirecte consiste à placer une personne dans une situation plus défavorable en raison des caractéristiques personnelles visées au paragraphe 1 (y compris l’appartenance ethnique), est-elle compatible avec l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43?

8)      Comment faut-il interpréter les termes ‘désavantage particulier’ au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43? Cette notion est-elle analogue à celle de ‘traitement moins favorable’, employée à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive précitée, ou bien ne concerne-t-elle que des cas d’inégalité graves, flagrants et particulièrement significatifs? La pratique décrite en l’espèce constitue-t-elle un désavantage particulier? Si l’on n’a pas affaire à un cas grave, flagrant et particulièrement significatif où l’on place autrui dans une situation de désavantage, cela suffit-il pour justifier l’absence de discrimination indirecte (sans examiner le point de savoir si la pratique en cause est justifiée, appropriée et nécessaire aux fins de la réalisation d’un objectif légitime)?

9)      L’article 4, paragraphes 2 et 3, du ZZD, qui exige un ‘traitement plus défavorable’ pour établir l’existence d’une discrimination directe, ainsi que le ‘fait de placer dans une situation plus défavorable’ pour établir une discrimination indirecte, sans distinguer en fonction de la gravité des différents traitements défavorables, comme le fait la directive 2000/43, est-il compatible avec l’article 2, paragraphe 2, sous a) et b), de cette directive?

10)      L’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43 doit-il être interprété en ce sens que la pratique litigieuse de CHEZ est objectivement justifiée aux fins de la garantie de la sécurité du réseau de transport d’électricité et du suivi approprié de la consommation d’énergie électrique? Cette pratique est-elle appropriée également compte tenu de l’obligation du défendeur de garantir le libre accès des clients aux indications des compteurs électriques? Cette pratique est-elle nécessaire, dès lors que d’autres moyens en vue de garantir la sécurité des instruments de mesure commerciale, accessibles sur les plans technique et financier, sont connus grâce à des articles parus dans les médias?»

31.      Au cours de la phase écrite de la procédure devant la Cour, CHEZ, Mme Nikolova, la KZD, le gouvernement bulgare et la Commission européenne ont déposé des observations. À l’exception de la KZD, ces mêmes parties ont également présenté des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 13 janvier 2015.

V –    Appréciation juridique

32.      Les autorités et juridictions saisies dans l’affaire au principal ont analysé les faits sous les aspects les plus divers, notamment au regard de la discrimination, interdite en droit national, fondée sur la «nationalité» et la «situation personnelle». Cependant, en droit de l’Union, seule se pose la question de savoir si une pratique telle que celle en cause au principal est constitutive d’une discrimination fondée sur l’origine ethnique au sens de la directive 2000/43, et c’est également, en définitive, la seule question que la demande de décision préjudicielle déférée par l’Administrativen sad Sofia-grad soumet à la Cour.

33.      Il nous semble opportun de classer les questions détaillées de la juridiction de renvoi par thèmes, de façon à distinguer le champ d’application de l’interdiction de la discrimination (voir ci-après, sous A) de la notion de «discrimination» (voir ci-après, sous B) ainsi que les motifs d’une éventuelle justification de la pratique litigieuse (voir ci-après, sous C).

A –    Le champ d’application de l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine ethnique

34.      Premièrement, il y a lieu d’examiner si des faits tels que ceux en cause au principal relèvent du champ d’application de l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine ethnique énoncée par la directive 2000/43.

35.      Comme le reconnaît la juridiction de renvoi, elle n’a consacré aucune question spécifique à cette problématique, à l’exception de la référence quelque peu sibylline à un «groupe compact de ressortissants bulgares d’origine rom» dans la première question préjudicielle. Cependant, il ressort des motifs de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi s’attend à ce que la Cour prenne clairement position sur la question de savoir si l’interdiction de la discrimination emporte l’interdiction d’une pratique telle que celle en cause au principal.

1.      Le champ d’application ratione materiae

36.      Parmi les parties au litige, seule CHEZ estime que la pratique litigieuse est de toute façon exclue du champ d’application ratione materiae de la directive 2000/43.

37.      Cette argumentation, que ladite entreprise avait d’ailleurs déjà fait valoir précédemment dans l’affaire Belov, ne saurait prospérer.

38.      En tant qu’elle fait partie de la fourniture de biens et services à la disposition du public, la fourniture d’énergie électrique relève incontestablement des domaines dans lesquels la discrimination fondée sur la race ou l’origine ethnique est interdite conformément à l’article 3, paragraphe 1, sous h), de la directive 2000/43.

39.      En outre, comme nous l’avons déjà expliqué en détail dans le cadre de l’affaire Belov (18), la fourniture d’électricité ne saurait être non discriminatoire si les conditions générales auxquelles l’électricité est distribuée aux utilisateurs ne sont pas libellées, elles aussi, de façon non discriminatoire. La mise à disposition de compteurs électriques fait partie des conditions générales auxquelles CHEZ fournit de l’électricité à ses clients.

40.      De plus, la réglementation du marché intérieur de l’électricité, y compris en ce qui concerne l’information des utilisateurs finals sur leur consommation électrique par l’intermédiaire des compteurs électriques, relève de la compétence du législateur de l’Union. Partant, la condition initiale énoncée à l’article 3, paragraphe 1, selon laquelle la directive 2000/43 ne s’applique que dans les limites des compétences conférées à l’Union, est également remplie (19).

41.      Par conséquent, la pratique litigieuse relève du champ d’application ratione materiae de la directive 2000/43.

2.      Le champ d’application ratione personae

42.      La question du champ d’application ratione personae de la directive 2000/43, que nous allons maintenant évoquer, est en l’espèce bien plus intéressante que celle de son champ d’application ratione materiae. La juridiction de renvoi aborde cette problématique dans sa première question préjudicielle lorsqu’elle se réfère à un «groupe compact de ressortissants bulgares d’origine rom», en ajoutant qu’en Bulgarie, les Roms bénéficient du statut de minorité ethnique.

43.      Il y a lieu de noter, dans une perspective européenne, que les Roms doivent, de l’avis général, être considérés comme un groupe ethnique autonome qui a besoin, de surcroît, d’une protection spéciale. La Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la «Cour EDH») s’est notamment prononcée en ce sens (20). Sa jurisprudence doit être prise en compte dans l’interprétation et l’application de l’interdiction de la discrimination fondée sur la race et l’origine ethnique au sens du droit de l’Union, telle qu’elle est désormais consacrée en droit primaire par l’article 21 de la Charte (21).

44.      La simple constatation que les Roms constituent un groupe ethnique autonome ne permet pas pour autant, en l’espèce, de répondre de façon satisfaisante à la question relative au champ d’application ratione personae de la directive 2000/43. Il reste à examiner si, et dans quelle mesure, une personne se trouvant dans la situation de Mme Nikolova, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, peut invoquer l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine ethnique.

a)      La requérante peut-elle être considérée comme une Rom?

45.      Nous devrions commencer notre réflexion en rappelant qu’en vertu du droit de l’Union, l’ensemble des personnes issues d’un groupe ethnique donné bénéficient d’une protection contre toute forme de discrimination fondée sur leur origine ethnique.

46.      Cependant, le cas de Mme Nikolova, dont le recours a déclenché la procédure au principal, a ceci de particulier que la requérante a elle‑même expressément déclaré devant la Cour qu’elle ne faisait pas partie du groupe ethnique rom.

47.      Même si la qualification juridique des faits, y compris en droit de l’Union, ressortit à la compétence exclusive de la juridiction de renvoi, il n’en incombe pas moins à la Cour de fournir à celle-ci tous renseignements utiles en vue de faciliter la résolution du litige au principal (22).

48.      À cet égard, il y a lieu de souligner que l’attitude de Mme Nikolova dans le cadre du litige au principal, et notamment le grief de discrimination ethnique qu’elle a soulevé, ne permettent pas de conclure hâtivement qu’elle devrait elle-même être incluse dans le groupe ethnique rom.

49.      Certes, il se peut que Mme Nikolova s’«identifie» aux Roms de Gizdova mahala, dans la mesure où – à l’instar de tous les autres habitants de ce quartier – elle est concernée par la pratique litigieuse et exposée à son effet stigmatisant. Néanmoins, cela ne signifie pas nécessairement, en soi, que Mme Nikolova doive elle-même être incluse dans le groupe ethnique rom. En réalité, dans l’affaire au principal, Mme Nikolova ne fait que contester devant les autorités nationales compétentes la même pratique que celle qui touche également les Roms du quartier Gizdova mahala. Cela n’autorise aucune conclusion quant à sa propre appartenance ethnique.

50.      Dans le doute, c’est en définitive la façon dont la personne concernée se définit elle-même qui est et reste décisive pour déterminer si elle doit ou non être considérée comme une personne issue du groupe ethnique en cause (23).

51.      Dès lors, et sous réserve des constatations futures de la juridiction de renvoi, nous tenons dorénavant pour acquis – sur le fondement des affirmations de Mme Nikolova elle-même – que Mme Nikolova ne doit pas être incluse dans le groupe ethnique rom.

b)      La requérante peut-elle être considérée comme victime d’une discrimination «par association»?

52.      Le simple fait que, selon toute vraisemblance, la requérante ne fait pas elle‑même partie du groupe ethnique rom n’est nullement un obstacle à ce qu’elle puisse invoquer l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine ethnique dans des circonstances telles que celles en cause au principal.

53.      En effet, il y a lieu de souligner que ni l’article 21 de la Charte ni le libellé de nombreuses versions linguistiques de la directive 2000/43 ne limitent l’application du principe de l’égalité de traitement aux personnes qui sont victimes de discrimination en raison de «leur» (au sens de leur propre) race ou origine ethnique (24). Au contraire, les dispositions applicables du droit de l’Union sont libellées d’une façon générale et interdisent toute discrimination fondée sur «la» race ou «l’»origine ethnique.

54.      Cette différence de formulation, ténue mais subtile, n’est pas fortuite. Elle a des implications considérables pour l’interprétation et l’application de l’interdiction de la discrimination, dont le champ d’application ne doit pas être défini de manière restrictive (25). Conformément à l’objectif général consistant à établir un cadre pour lutter contre les discriminations (article 1er de la directive 2000/43), cette formulation ouverte permet également aux personnes qui ne sont victimes de discrimination que «par association» d’invoquer, elles aussi, l’interdiction de la discrimination.

55.      La Cour a déjà eu l’occasion de reconnaître – dans l’arrêt Coleman –, à propos d’un handicap, une protection contre cette forme particulière de discrimination, que décrivent très justement les expressions «discrimination par association» ou «discrimination par ricochet» [Ndt: en français dans l’original] (26).

56.      Les enseignements de l’arrêt Coleman peuvent être aisément transposés au cas d’espèce, même s’il concernait non pas la directive 2000/43, mais la directive 2000/78/CE (27) qui lui est liée. En effet, le contenu de ces deux directives apparentées se recoupe sur les points décisifs en l’espèce et constitue en fin de compte l’expression du principe d’égalité de traitement, lequel fait partie des principes généraux du droit de l’Union et est reconnu à l’article 21 de la Charte (28).

57.      La victime d’une discrimination «par association» est, tout d’abord, une personne qui est étroitement et personnellement liée au porteur d’une des caractéristiques mentionnées à l’article 21 de la Charte, ainsi que dans les directives antidiscrimination. Ainsi, dans l’affaire Coleman, il s’agissait d’une salariée qui devait faire face à un environnement hostile sur son lieu de travail en raison du handicap de son fils (29).

58.      Cependant, l’existence d’un tel lien personnel ne saurait être le seul critère possible pour considérer qu’une personne est victime d’une discrimination par association. Au contraire, le caractère discriminatoire par association peut également être inhérent à la mesure en cause elle-même, notamment lorsque celle-ci est susceptible de concerner non seulement, en raison de son caractère général et collectif, le porteur d’une des caractéristiques mentionnées à l’article 21 de la Charte et dans les directives antidiscrimination, mais qu’elle inclut également d’autres personnes, sous forme de «dommages collatéraux» en quelque sorte.

59.      Imaginons qu’un groupe de six personnes souhaite se rendre dans un restaurant pour y déjeuner en commun, et qu’il n’obtienne pas de table en raison de la couleur de la peau de l’une d’entre elles. Il est manifeste que cet incident raciste ne saurait être considéré comme discriminatoire uniquement envers la personne concernée à titre principal, mais que les cinq autres personnes sont également victimes d’une discrimination par association. En effet, en raison de ce motif raciste, aucune d’entre elles n’est servie au restaurant. Il n’y a pas là de véritable différence selon que l’on a affaire à des membres d’une famille, à un groupe d’amis, ou bien à des hommes d’affaires pour qui il pourrait s’agir d’une première rencontre.

60.      Il en va de même en l’espèce: la pratique litigieuse de CHEZ est dirigée, d’une manière générale et collective, contre toutes les personnes à qui cette entreprise fournit de l’électricité à Gizdova mahala. S’il devait s’avérer par la suite que cette pratique est liée à une discrimination envers les Roms qui vivent dans le quartier en question (30), le caractère général et collectif de ladite pratique a nécessairement pour conséquence que des personnes qui ne sont pas elles-mêmes des Roms sont également victimes d’une discrimination «par association». En effet, celles-ci sont également exposées à un environnement discriminatoire et dégradant, auquel la pratique litigieuse contribue (31).

61.      Partant, Mme Nikolova peut elle aussi invoquer, en tant que requérante au principal, l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine ethnique même si elle ne fait pas elle-même partie du groupe ethnique rom (32).

c)      La requérante peut-elle invoquer l’interdiction de la discrimination en sa qualité d’entrepreneur?

62.      Pour finir, il reste à examiner si le fait que Mme Nikolova ne réside manifestement pas dans le quartier Gizdova mahala, mais y tient simplement une épicerie, peut l’empêcher d’invoquer l’interdiction de la discrimination.

63.      Même si ni la juridiction de renvoi ni les parties n’accordent une grande importance à cette circonstance, qu’il nous soit permis de signaler que la protection des droits fondamentaux accordée aux entreprises n’est pas nécessairement aussi étendue que celle dont bénéficient les particuliers.

64.      Cela étant, il n’est nullement exclu que des personnes exerçant une activité en leur qualité d’entrepreneurs invoquent également l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine ethnique. Ni l’article 21 de la Charte ni la directive 2000/43 ne disposent ou ne laissent simplement entendre que la protection contre les discriminations devrait être réservée aux personnes physiques en dehors de leurs activités économiques.

65.      Bien au contraire, il est manifeste que les personnes qui exercent une activité économique sont également exposées, de diverses manières, au risque d’être victimes de discriminations fondées sur certaines caractéristiques personnelles, notamment en raison des caractéristiques énoncées à l’article 21 de la Charte, ainsi que dans les directives 2000/43 et 2000/78. Dès lors, l’interdiction de la discrimination, telle qu’elle est concrétisée par la directive 2000/43, s’applique également expressément en matière d’emploi et de travail, ce qui ressort notamment de la définition de son champ d’application à l’article 3, paragraphe 1, sous a) à d). Même les personnes morales peuvent, le cas échéant, être protégées des discriminations (33).

66.      En l’espèce, il faut également souligner que la requérante tient son épicerie à Gizdova mahala sous la forme d’une entreprise unipersonnelle. Par conséquent, sous réserve des appréciations factuelles de la juridiction de renvoi, il y a lieu de considérer qu’en règle générale, Mme Nikolova est normalement présente personnellement dans les locaux de son magasin, qu’elle y travaille et qu’elle est donc, en sa qualité de personne physique économiquement active, exposée aux conséquences de la pratique litigieuse – y compris à son effet stigmatisant – d’une manière analogue aux personnes qui résident et vivent dans ce quartier.

67.      Dans ce contexte, le fait que la requérante est concernée par la pratique litigieuse uniquement en sa qualité d’entreprise unipersonnelle ne saurait faire obstacle à l’application de l’interdiction de la discrimination en l’espèce.

3.      Conclusion intermédiaire

68.      En définitive, une situation telle que celle de l’affaire au principal relève du champ d’application de l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine ethnique, au sens de la directive 2000/43, énoncée par le droit de l’Union.

B –    La notion de «discrimination»

69.      Deuxièmement, il y a lieu de vérifier si la pratique litigieuse entraîne une discrimination – ou plus précisément une inégalité de traitement – fondée sur l’origine ethnique. Ainsi que cela ressort de ses deuxième, troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième questions, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir quelles sont, juridiquement, les conditions auxquelles est subordonnée la constatation d’une telle discrimination et si elle doit retenir, le cas échéant, l’existence d’une discrimination directe ou bien d’une discrimination indirecte.

70.      Les parties sont bien évidemment divisées à ce sujet. Tandis que Mme Nikolova considère qu’il s’agit d’une discrimination directe, le gouvernement bulgare, tout comme la Commission, penchent pour une discrimination indirecte. La KZD se contente de renvoyer à sa décision adoptée au cours de la procédure au principal, alors que CHEZ, qui exclut l’applicabilité de la directive 2000/43, s’en tient à des considérations générales sur la notion de «discrimination».

71.      La portée juridique de la délimitation opérée entre discrimination directe et discrimination indirecte réside avant tout dans le fait que les possibilités de justification sont différentes selon que l’inégalité de traitement en cause est liée directement ou indirectement à la race ou à l’origine ethnique (34).

72.      L’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43 énonce de manière très générale les possibilités de justifier une inégalité de traitement indirecte («objectivement justifié[e] par un objectif légitime») alors que, en revanche, une inégalité de traitement directe ne saurait être justifiée que «dans des circonstances très limitées» (35), plus précisément par une «exigence professionnelle essentielle et déterminante» (qui n’est pas pertinente en l’espèce) au sens de l’article 4 de la directive.

73.      Il en résulte que les éventuels objectifs qui peuvent être invoqués pour justifier une inégalité de traitement directement fondée sur la race ou l’origine ethnique présentent un éventail moins large que ceux qui permettent de justifier une inégalité de traitement indirecte, les exigences en matière de proportionnalité étant par ailleurs pour l’essentiel identiques.

74.      Certes, c’est à la juridiction de renvoi elle-même qu’il appartient d’apprécier si des circonstances telles que celles en cause au principal appellent la constatation d’une discrimination directe ou bien d’une discrimination indirecte, car c’est à elle seule qu’il incombe d’établir et de qualifier les faits ainsi que d’appliquer le droit à l’espèce qui lui a été soumise (36). La Cour peut cependant lui fournir toutes les indications utiles qui lui faciliteront la résolution du litige au principal (37). Elle a d’autant plus raison de le faire que des doutes ont été formulés dans la décision de renvoi, où la juridiction nationale a rappelé les divergences dans la jurisprudence des juridictions bulgares.

1.      Remarque préliminaire: aucune atteinte à des droits ou à des intérêts légitimes n’est requise

75.      Tout d’abord, il y a lieu d’examiner brièvement la question de savoir si la constatation d’une discrimination fondée sur l’origine ethnique peut être subordonnée à la constatation d’une atteinte directe ou indirecte à des droits ou à des intérêts légitimes. La juridiction de renvoi soulève ce problème dans sa cinquième question préjudicielle. En effet, conformément au paragraphe 1, point 7, des dispositions complémentaires du ZZD, un «traitement défavorable» suppose qu’il soit porté «directement ou indirectement atteinte à des droits ou à des intérêts légitimes».

76.      Cependant, comme nous l’avons déjà expliqué dans l’affaire Belov (38), ni la constatation d’une discrimination directe ni la constatation d’une discrimination indirecte n’exigent que soit constatée l’existence d’une violation, quelle qu’elle soit, de droits ou intérêts établis par la loi. Le seul élément déterminant est qu’une personne ou qu’un groupe déterminé fasse l’objet d’un traitement moins favorable ou soit défavorisé, indépendamment du point de savoir à quel titre ce traitement défavorable est appliqué, s’il affecte des droits ou des intérêts et, dans l’affirmative, lesquels. Qui plus est, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une discrimination n’implique même pas qu’il existe une victime concrète (39).

77.      Il suffit donc, pour conclure à l’existence d’une discrimination, qu’une personne ou un groupe de personnes fasse l’objet d’un traitement, quel qu’il soit, moins favorable que celui dont bénéficie, a bénéficié ou bénéficierait une autre personne ou un autre groupe de personnes. Le fait d’ajouter des conditions non prévues dans la directive 2000/43 serait incompatible avec le niveau de protection élevé souhaité par le législateur de l’Union.

78.      Il y a donc lieu de répondre à la cinquième question préjudicielle par la négative.

79.      Par souci d’exhaustivité uniquement, nous ajoutons qu’en l’espèce, ce sont manifestement les droits et intérêts légitimes des habitants de Gizdova mahala en relation avec la fourniture d’électricité dont ils sont les destinataires qui sont en cause. En effet, ils ont le droit de disposer en vertu du droit de l’Union, en tant que clients finals, de leurs données de consommation et d’être dûment informés de la consommation réelle d’électricité et des coûts s’y rapportant, à une fréquence suffisante pour leur permettre de réguler leur propre consommation d’électricité (40). Une pratique telle que celle en cause au principal porte atteinte à cet intérêt juridiquement protégé des consommateurs à Gizdova mahala.

2.      Sur la discrimination directe

80.      Conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/43, une discrimination directe se produit lorsque, pour des raisons de race ou d’origine ethnique, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne le serait dans une situation comparable (41).

81.      Ni la décision de renvoi ni les observations présentées par les parties ne fournissent d’éléments concrets susceptibles d’indiquer que la pratique litigieuse soit choisie précisément en raison de l’origine ethnique des habitants de Gizdova mahala ou se rattache à une particularité indissociable de leur origine ethnique.

82.      Incontestablement, la constatation d’une discrimination directe fondée sur l’origine ethnique n’exige pas nécessairement que la pratique litigieuse soit motivée par l’origine ethnique. Au contraire, la discrimination directe peut également être considérée comme établie lorsqu’une mesure, certes neutre en apparence, concerne ou est susceptible de concerner en réalité uniquement des personnes qui possèdent une des caractéristiques mentionnées à l’article 21 de la Charte et dans les directives antidiscrimination.

83.      Ainsi, la Cour a déjà eu l’occasion, en ce qui concerne d’autres interdictions de discrimination, de considérer la mention d’une grossesse comme une discrimination directe fondée sur le sexe, car celle-ci peut concerner uniquement les femmes (42), et de qualifier de discrimination directe fondée sur l’âge les règles liées aux droits à pension de vieillesse, car celles-ci sont susceptibles d’avantager ou de désavantager uniquement les personnes d’un âge déterminé (43). De même, la Cour retient la discrimination directe fondée sur l’orientation sexuelle lorsqu’un avantage prévu pour les conjoints est refusé aux couples de même sexe ayant conclu un partenariat enregistré assimilable au mariage, qui n’ont pas eux-mêmes accès à l’institution du mariage (44).

84.      Cependant, les circonstances du cas d’espèce ne sont pas comparables.

85.      Certes, la pratique litigieuse est de fait mise en place uniquement dans des quartiers tels que Gizdova mahala, dont la population est principalement constituée d’un groupe ethnique donné. Cependant, elle ne concerne en aucun cas uniquement des personnes issues de ce groupe ethnique – en l’occurrence les Roms – mais est également appliquée à l’ensemble des autres clients de l’entreprise d’électricité établis dans lesdits quartiers – comme Mme Nikolova – indépendamment de leur origine ethnique. À l’inverse, les Roms ne sont pas concernés par la pratique litigieuse s’ils vivent dans d’autres quartiers ou régions majoritairement peuplés par d’autres communautés.

86.      Pour autant que l’on puisse en juger, la pratique litigieuse concerne donc les consommateurs auxquels CHEZ fournit de l’électricité dans le quartier Gizdova mahala uniquement en leur qualité de riverains. De ce fait, cette pratique n’est pas liée à leur origine ethnique d’une façon aussi indissociable que peuvent l’être la grossesse et le sexe de la personne, le droit à une pension de vieillesse et l’âge de cette personne et le fait de vivre en partenariat enregistré et son orientation sexuelle (45).

87.      Dans ces conditions, il n’y a pas, nous semble-t-il, en l’espèce suffisamment d’éléments pour retenir la discrimination directe (46). La seule circonstance que la pratique litigieuse soit de fait mise en place uniquement dans des quartiers où les Roms représentent la grande majorité de la population, avec pour conséquence qu’elle a une incidence particulière sur les personnes issues de ce groupe ethnique, ne suffit pas, à notre avis, pour renverser la charge de la preuve au sens de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43, en vue d’admettre l’existence d’une discrimination directe fondée sur l’origine ethnique.

88.      Il reste néanmoins à vérifier si cette circonstance permet de conclure à l’existence d’une discrimination indirecte.

3.      Sur la discrimination indirecte

a)      La définition de la discrimination indirecte au sens de la directive 2000/43

89.      Conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43, une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutres sont susceptibles d’entraîner un désavantage particulier pour des personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soient objectivement justifiés par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif ne soient appropriés et nécessaires.

90.      Il ressort de ses sixième, septième et huitième questions préjudicielles que la juridiction de renvoi semble rencontrer certaines difficultés de compréhension de deux des éléments de cette définition de la discrimination indirecte en droit de l’Union, difficultés dues au moins partiellement aux spécificités de la version en langue bulgare de la directive 2000/43: il s’agit, d’une part, du terme «apparemment» et, d’autre part, de l’expression «entraîner un désavantage particulier».

91.      Conformément à l’objectif général de la directive 2000/43, qui est de garantir la meilleure protection possible contre toute discrimination et à parvenir, par là même, à un niveau de protection aussi élevé que possible (47), aucun de ces deux éléments ne saurait être interprété comme une limitation de la notion de «discrimination».

92.      Ainsi, le terme «apparemment» (48) figurant à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43 ne saurait être interprété autrement que comme une référence à des dispositions, critères ou pratiques neutres en apparence ou à première vue. En revanche, il est exclu que ce terme signifie simplement que ces dispositions, critères ou pratiques en cause doivent être neutres d’une manière particulièrement flagrante, comme la juridiction de renvoi semble le penser. Cela aurait en effet la conséquence pour le moins absurde que la discrimination indirecte serait systématiquement écartée lorsque la disposition, le critère ou la pratique en cause s’avèreraient «moins neutres» qu’à première vue. Il ne serait pas exclu que cela entraîne une lacune dans la protection contre la discrimination, ce qui ne saurait en aucun cas être l’effet recherché.

93.      Pour ce qui est de l’expression «entraîner un désavantage particulier» utilisée à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43, elle ne saurait elle non plus être interprétée de façon erronée en ce sens que seul un désavantage particulièrement grave pour les personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée justifierait une constatation de discrimination indirecte. Au contraire, cette expression signifie que la discrimination indirecte doit être constatée à chaque fois qu’une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutres ont des conséquences plus défavorables pour certaines personnes – les personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée – que pour d’autres (49). En d’autres termes, l’existence d’une discrimination indirecte ne dépend pas de la gravité particulière du désavantage subi par les personnes d’une race ou d’une origine ethnique donnée. La gravité du désavantage peut être tout au plus pertinente dans le cadre de l’examen des justifications de la mesure en cause: plus le désavantage est grave, plus les exigences en matière de justification sont élevées.

b)      L’application de la définition au présent cas d’espèce

94.      Selon la juridiction de renvoi, la pratique litigieuse n’est mise en place que dans les quartiers où les Roms représentent la grande majorité de la population. Ce point est également constant entre les parties. Il est donc manifeste que la pratique litigieuse entraîne un désavantage particulier pour les personnes issues de ce groupe ethnique.

95.      Il est également établi qu’une telle pratique nuit aux consommateurs concernés à double titre: d’une part, il leur est pratiquement impossible ou, du moins, extrêmement difficile d’accéder aux compteurs électriques pour en relever les indications. S’ils souhaitent être informés personnellement et de façon continue quant à leur consommation d’électricité, il ne leur reste pas d’autre possibilité que de faire installer chez eux des compteurs électriques de contrôle, moyennant des frais supplémentaires (50). D’autre part, la pratique litigieuse est susceptible d’avoir un effet stigmatisant car le public pourrait avoir l’impression que les consommateurs concernés ont manipulé leurs compteurs électriques, ou se sont branchés illicitement sur le réseau électrique.

96.      La circonstance que ce soient en majorité des Roms qui doivent subir les conséquences de la pratique litigieuse révèle l’existence d’une inégalité de traitement des consommateurs du quartier Gizdova mahala par rapport au reste du pays, laquelle est indirectement en rapport avec leur origine ethnique.

97.      L’existence de cette inégalité de traitement indirecte ne saurait être niée au motif que tous les consommateurs sont traités de la même manière par CHEZ dans le quartier Gizdova mahala.

98.      Il est vrai que la pratique litigieuse concerne au même titre tous les consommateurs d’électricité qui résident dans ce quartier, qu’ils soient ou non issus du groupe ethnique rom. Il n’en reste pas moins que l’élément déterminant dans la recherche d’une éventuelle discrimination est non pas la comparaison de la situation des personnes qui subissent toutes le même désavantage, mais bien la comparaison entre les personnes désavantagées, d’une part, et les personnes qui ne le sont pas, d’autre part.

99.      La comparaison avec la situation des clients du fournisseur d’électricité établis en dehors du quartier en cause montre justement que la pratique litigieuse entraîne une inégalité de traitement en matière de fourniture d’électricité au détriment des consommateurs du quartier de Gizdova mahala (51), qui sont majoritairement des Roms.

100. CHEZ objecte que l’on ne peut comparer la situation des consommateurs selon qu’ils se trouvent ou non dans le quartier Gizdova mahala, si bien que la pratique litigieuse ne saurait entraîner de différence de traitement.

101. Cette objection doit être rejetée. Certes, il se peut que de nombreux cas d’interventions prohibées sur les compteurs électriques et de branchements illicites aient été observés dans ce quartier et non ailleurs. Néanmoins, l’intérêt des consommateurs à pouvoir prendre connaissance des indications de leurs compteurs électriques et à être approvisionnés en électricité de manière non stigmatisante est le même dans ce quartier comme ailleurs. De ce point de vue au moins, les clients de CHEZ se trouvent dans une situation comparable. La circonstance que dans certaines zones des interventions illicites soient pratiquées sur les compteurs et le réseau électriques plus souvent qu’ailleurs doit, le cas échéant, être prise en compte dans le cadre de la justification de la pratique litigieuse (52). Néanmoins, cela n’enlève rien au caractère comparable de la situation des différents consommateurs.

c)      Une simple discrimination indirecte peut-elle fonder la constatation d’une discrimination par association?

102. Pour finir, il reste à examiner brièvement si le fait que Mme Nikolova, requérante au principal est, selon toute vraisemblance, elle-même non pas issue du groupe ethnique rom mais simplement concernée par la pratique litigieuse en tant que propriétaire d’une épicerie située dans le quartier Gizdova mahala est de nature à faire obstacle, en l’espèce, à la constatation d’une discrimination indirecte. Il s’agit en définitive de déterminer si le fait que les Roms du quartier subissent un désavantage, quand bien même celui-ci ne serait qu’indirectement lié à leur origine ethnique, constitue un fondement suffisant pour constater que Mme Nikolova est victime d’une discrimination «par association». En d’autres termes, il convient de déterminer si une discrimination «par association» est juridiquement concevable dans le cadre d’une discrimination indirecte (53).

103. CHEZ soutient que l’existence d’une discrimination «par association» ne saurait être retenue que dans le cadre de la discrimination directe, mais non dans le cadre de la discrimination indirecte.

104. Cette position n’est pas la nôtre. Il est vrai que, jusqu’à présent, la Cour n’a eu la possibilité de se prononcer sur la problématique de la discrimination «par association» qu’à propos d’une affaire de discrimination directe (54). Néanmoins, cela ne signifie pas qu’elle exclurait toute possibilité de retenir l’existence d’une discrimination «par association» en cas de discrimination indirecte.

105. Aucune des parties n’a évoqué de particularités inhérentes aux éléments constitutifs de la discrimination indirecte au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43 qui seraient de nature à exclure la possibilité d’une discrimination par association dans cette hypothèse, et nous n’en voyons pas non plus.

106. Du reste, il nous paraît juste de reconnaître que le concept de la discrimination «par association» a sa place dans le contexte de la discrimination indirecte au même titre que dans le contexte de la discrimination directe.

107. Un exemple concernant un motif de discrimination analogue, lui aussi mentionné à l’article 21 de la Charte, nous semble à cet égard éclairant: si, dans une entreprise, seuls les enfants des travailleurs masculins ont droit à un avantage social tel que, par exemple, une place dans la crèche de l’entreprise, mais non ceux des travailleurs féminins, nous avons affaire à une discrimination directe fondée sur le sexe du travailleur. À l’inverse, si cet avantage est octroyé aux enfants des employés à temps plein, mais non aux enfants des employés à temps partiel, nous avons affaire à une discrimination indirecte fondée sur le sexe des travailleurs, dans la mesure où, comme c’est souvent le cas, les employés à temps partiel sont surtout des femmes, alors que les employés à temps complet sont surtout des hommes. Dans les deux cas, les enfants du groupe de travailleurs désavantagé sont victimes d’une discrimination «par association». Du point de vue des enfants, le fait que, dans le premier cas, il s’agit d’une discrimination directe et, dans le second cas, «seulement» d’une discrimination indirecte fondée sur le sexe des travailleurs n’implique aucune différence fondamentale.

108. De même, la pratique d’une compagnie d’assurances consistant à exiger, pour certains quartiers, des primes d’assurance dans l’ensemble plus élevées peut être constitutive d’une discrimination indirecte au sens de l’article 21 de la Charte si la population desdits quartiers est majoritairement constituée d’un groupe ethnique, d’une tranche de revenus ou d’une communauté religieuse donnés. Quand bien même certains habitants des quartiers en cause ne seraient pas personnellement issus desdits groupe ethnique, tranche de revenu ou communauté religieuse, ils n’en sont pas moins victimes d’une discrimination par association, car les primes d’assurance qui leur sont imposées sont également revues à la hausse.

109. Dans ces situations, mais dans d’autres également, les spécificités de la discrimination indirecte – et également de celles de la «discrimination indirecte par association» – peuvent être suffisamment prises en compte étant donné que les objectifs susceptibles de justifier une inégalité de traitement indirecte sont plus variés que ceux qui peuvent justifier une inégalité de traitement directe (55).

4.      Conclusion intermédiaire

110. Nous sommes donc, en définitive, s’agissant de faits tels que ceux de l’affaire au principal, en présence d’une inégalité de traitement indirecte fondée sur l’origine ethnique. Partant, l’apparence d’une discrimination indirecte au sens des dispositions combinées de l’article 2, paragraphe 2, sous b), et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43 est établie.

C –    Les motifs d’une éventuelle justification de la pratique litigieuse

111. Troisièmement, et pour finir, il reste à déterminer si une pratique telle que celle en cause au principal peut être objectivement justifiée.

112. L’analyse de cette problématique présuppose nécessairement qu’une inégalité de traitement indirecte fondée sur l’origine ethnique ait été établie en l’espèce – conformément à nos développements précédents (56). C’est également du reste dans cette seule hypothèse que la juridiction de renvoi a abordé cette problématique dans sa dixième question préjudicielle, comme le montre notamment, dans cette question, la référence à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43.

113. Contrairement à la discrimination directe fondée sur la race ou l’origine ethnique qui, pour des raisons évidentes (57), ne saurait en principe être justifiée (58), l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43 précise, s’agissant de la discrimination indirecte, que les dispositions, critères ou pratiques en question sont objectivement justifiés lorsqu’ils répondent à un objectif légitime et que les moyens pour parvenir à la réalisation de cet objectif sont appropriés et nécessaires, c’est-à-dire, en définitive, proportionnés. Cette formulation est conforme aux exigences généralement admises en droit de l’Union en ce qui concerne la justification d’une inégalité de traitement indirecte (59).

1.      L’objectif légitime

114. Il ressort de la demande de décision préjudicielle comme des observations écrites et orales présentées devant la Cour que la pratique litigieuse concernant le quartier Gizdova mahala – et certaines autres régions bulgares – a été mise en place en réponse au grand nombre de cas d’interventions prohibées sur les compteurs électriques et à de nombreux branchements illicites. À cet égard, CHEZ invoque la nécessité de suivre de façon appropriée la consommation d’électricité de ses clients et de garantir la sécurité du réseau électrique. En outre, selon CHEZ, il s’agit de protéger la vie et la santé des consommateurs, de même que leurs intérêts patrimoniaux.

115. Bien entendu, il incombe, conformément à l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43, à quiconque invoque de tels intérêts d’apporter la preuve que la pratique litigieuse poursuit effectivement les objectifs en question et que celle-ci n’est pas plutôt fondée sur des motifs en rapport avec l’origine ethnique de la population majoritaire du quartier Gizdova mahala. En tout état de cause, pour les périodes soumises, conformément au droit national, à une règle coutumière, voire légale, de conservation des documents commerciaux, il sera possible d’exiger de CHEZ la preuve, par des documents internes à l’entreprise, des considérations l’ayant amenée à introduire la pratique litigieuse. Quoi qu’il en soit, il sera également possible d’exiger de CHEZ qu’elle établisse précisément si, en l’état actuel des choses, il existe encore concrètement, dans le quartier concerné, un risque majeur d’interventions prohibées sur les compteurs électriques et de branchements illicites.

116. En supposant que les allégations de CHEZ quant aux objectifs poursuivis soient exactes, cela signifie que la pratique litigieuse vise essentiellement à empêcher les fraudes et abus à l’avenir et à contribuer à assurer la qualité d’un approvisionnement en électricité financièrement abordable dans l’intérêt de tous les consommateurs.

117. Prévenir et combattre fraudes et abus ainsi que garantir la sécurité et la qualité de l’approvisionnement en énergie dans les États membres sont des objectifs légitimes reconnus par le droit de l’Union (60).

2.      Le contrôle de proportionnalité

118. Il reste néanmoins à vérifier si le fait d’installer les compteurs électriques dans le quartier concerné à une hauteur d’environ six mètres est proportionné à la réalisation de ces objectifs. Conformément à l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43, cela supposerait que la pratique litigieuse soit «appropriée et nécessaire» à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis.

119. Même à supposer qu’il soit exact que les motifs de la pratique litigieuse soient «notoirement connus» (61), cela ne dispense pas CHEZ, au demeurant, de son obligation de prouver qu’il n’y a pas eu de violation du principe de l’égalité de traitement (article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43). En effet, la notoriété des motifs d’un comportement déterminé d’entreprises ne préjuge pas la justification de celui-ci ni, en particulier, sa proportionnalité (62).

120. Du reste, il sera légitime de demander à l’entreprise de réexaminer la pratique litigieuse à intervalles réguliers afin de déterminer si elle continue à remplir les exigences du principe de proportionnalité.

a)      «Caractère approprié» (adéquation) de la pratique litigieuse

121. Est «appropriée» au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43 une mesure qui est de nature à permettre d’atteindre l’objectif légitime poursuivi (63), ce qui signifie en l’espèce que la mesure est propre à empêcher effectivement les fraudes et les abus et à contribuer à garantir la qualité de l’approvisionnement en électricité.

122. Il ne fait aucun doute que placer les compteurs électriques et les coffrets de distribution à une hauteur de six mètres normalement inaccessible aux consommateurs rend plus difficiles les manipulations et prélèvements clandestins. Qui plus est, tout obstacle aux interventions illégales des particuliers sur le réseau électrique a tendance à produire des effets positifs pour l’ensemble des consommateurs, parce qu’il empêche le risque d’accidents, les dégradations de l’infrastructure et permet de prévenir une éventuelle majoration générale des prix de l’électricité destinée à compenser le coût des réparations.

123. Relevons au passage à cet égard que l’adéquation des mesures doit toujours être appréciée au regard des objectifs qu’elles poursuivent. Si une mesure a, comme en l’espèce, pour objet de réagir aux nombreux branchements sauvages sur le réseau électrique dans un quartier donné, l’on ne pourra guère subordonner son adéquation à la condition qu’à l’avenir tous les cas d’abus et de fraudes aient disparu ainsi que toutes les déprédations qui portaient atteinte à la qualité de l’approvisionnement en électricité. Au contraire, il conviendra déjà de la considérer comme propre à réaliser ses objectifs légitimes si elle contribue à réduire de manière sensible le nombre des branchements sauvages (64).

124. Sous réserve d’un examen plus approfondi par la juridiction de renvoi, une mesure telle que la pratique litigieuse au principal semble en principe de nature à permettre d’atteindre les objectifs qu’elle poursuit.

b)      Nécessité de la pratique litigieuse

125. Si l’on admet que la pratique litigieuse est propre à empêcher fraudes et abus et à garantir la qualité de l’approvisionnement en électricité, il faut alors se demander si elle est également nécessaire à la réalisation de cet objectif.

126. Une mesure est nécessaire lorsque l’objectif légitime poursuivi ne peut pas être atteint au moyen d’une mesure aussi appropriée mais moins contraignante. C’est-à-dire qu’il faut rechercher s’il n’existe pas de solutions moins radicales pour empêcher les manipulations frauduleuses des compteurs électriques et les raccordements sauvages dans les quartiers concernés.

127. Comme nous l’avons déjà exposé plus en détail dans l’affaire Belov (65), l’on ne saurait en principe considérer que le fait d’engager simplement des poursuites a posteriori devant le juge civil ou le juge pénal contre les auteurs présumés de toute manipulation des compteurs électriques ou de tout branchement illégal sur le réseau électrique serait un moyen aussi approprié d’atteindre les objectifs légitimes poursuivis en l’espèce. Il en est de même pour la proposition de ne placer à une hauteur difficile d’accès que les compteurs qui ont effectivement été manipulés.

128. Cependant, contrairement à l’affaire Belov (66), il ne semble pas d’emblée irréaliste d’installer les compteurs à une hauteur normale, tout en les protégeant contre les dégradations par des mesures techniques spéciales. En effet, aux termes de la décision de renvoi, les médias évoquent l’existence d’un «nouveau type de compteurs électriques» permettant d’effectuer un relevé à distance et, de surcroît, d’avertir l’entreprise d’électricité en cas de tentatives de manipulations.

129. Il ne fait aucun doute qu’un tel procédé représenterait une mesure moins restrictive envers les clients de la compagnie d’électricité dans les quartiers tels que Gizdova mahala. Surtout, ce procédé permettrait de garantir que la population locale n’y soit pas stigmatisée et que tous les consommateurs soient en mesure de contrôler régulièrement leurs compteurs électriques, à l’instar de ce qui paraît habituel ailleurs en Bulgarie.

130. En définitive, c’est toutefois la juridiction de renvoi qui devra se faire sa propre opinion quant à la possibilité d’introduire ce «nouveau type de compteurs électriques» sans engager des frais exorbitants, ou si cela entraînerait des frais supplémentaires considérables à répartir entre l’ensemble des consommateurs d’électricité. C’est uniquement si l’utilisation de ce «nouveau type de compteurs électriques» représente effectivement une mesure techniquement et financièrement réaliste (67) que celle-ci pourra être appliquée en tant que mesure moins restrictive, tout en représentant une solution de rechange tout aussi appropriée à la pratique litigieuse consistant à faire installer les compteurs électriques à une hauteur d’environ six mètres.

c)      Absence d’atteinte excessive aux droits des personnes concernées en raison de la pratique litigieuse

131. Si la pratique litigieuse devait s’avérer appropriée et nécessaire pour atteindre les objectifs légitimes poursuivis, il faudrait encore examiner si les inconvénients qu’elle entraîne pour les habitants du quartier de Gizdova mahala ne sont pas démesurés (68). En effet, il résulte du principe de proportionnalité que des mesures portant atteinte à un droit garanti par le droit de l’Union, à savoir l’interdiction de toute discrimination fondée sur l’origine ethnique, en l’espèce, ne peuvent entraîner pour leurs destinataires des inconvénients démesurés par rapport aux buts poursuivis (69). En d’autres termes, l’objectif légitime poursuivi doit, dans toute la mesure du possible, être concilié avec les exigences du principe de l’égalité de traitement et un juste équilibre entre les divers intérêts en présence doit être trouvé (70).

–       Le caractère stigmatisant de la pratique litigieuse

132. Pour commencer, il convient de garder à l’esprit que le fait de placer les compteurs électriques à une hauteur d’environ six mètres est une mesure relativement radicale qui frappe indistinctement et collectivement tous les habitants de Gizdova mahala, y compris ceux qui n’ont jamais commis de dégradations de l’infrastructure électrique. Dès lors, le caractère aveugle de la mesure pourrait éveiller l’impression que tous les habitants de Gizdova mahala ou un grand nombre d’entre eux seraient impliqués dans des fraudes, des manipulations ou d’autres irrégularités dans leur consommation d’électricité et paver le chemin d’une stigmatisation de la population de ce quartier (71).

133. En définitive, une pratique telle que celle en cause au principal crée, comme nous l’avons déjà évoqué, un environnement dégradant pour les personnes concernées, subi majoritairement par les personnes issues d’un groupe ethnique donné (72). Cela est contraire aux valeurs fondamentales sur lesquelles l’Union est fondée (article 2 TUE), tout comme aux axes principaux des directives antidiscrimination (voir notamment ici l’interdiction du «harcèlement», énoncée à l’article 2, paragraphe 3, de la directive 2000/43).

134. Lors de la mise en balance des différents intérêts en présence, une importance particulière doit être accordée à cette circonstance dans un cas tel que celui de l’espèce. Les considérations d’ordre purement économique doivent passer au second plan, et ce sont donc des mesures éventuellement plus onéreuses que l’installation des compteurs électriques à une hauteur inaccessible d’environ six mètres qui doivent être adoptées pour lutter contre les fraudes et les abus ainsi que pour garantir la sécurité et la qualité de la fourniture d’énergie.

–       Les exigences du droit de l’Union en matière de protection des clients finals

135. Du reste – et indépendamment d’une quelconque stigmatisation de la population locale –, il y a lieu de rappeler que dans les directives 2006/32 et 2009/72, le législateur de l’Union souligne expressément l’intérêt des clients finals consommateurs d’électricité à être régulièrement informés de leur consommation d’énergie individuelle. Les consommateurs devraient notamment être résolument encouragés à vérifier régulièrement les indications de leurs compteurs (73). Le fait d’équiper les consommateurs de compteurs électriques en les plaçant à une hauteur de six mètres qui les rend inaccessibles aux fins des contrôles visuels va à l’encontre de l’objectif fixé par le législateur de l’Union (74).

136. Il est certain que le droit de l’Union n’impose pas de manière impérative aux États membres de mettre un compteur électrique gratuitement à la disposition de chaque consommateur (75). Toutefois, c’est précisément dans un secteur d’approvisionnement dans lequel des fraudes et des manipulations en lien avec la distribution de l’électricité ont fréquemment été constatées par le passé que les consommateurs ont un intérêt particulier à pouvoir contrôler et surveiller régulièrement leur consommation individuelle d’électricité (76).

137. Dans ce contexte, la juridiction de renvoi devra vérifier si l’offre que CHEZ a faite aux consommateurs de placer chez eux des compteurs électriques de contrôle payants s’ils en font la demande constitue une compensation suffisante de l’absence d’accès à leurs compteurs ordinaires placés à une hauteur de six mètres. Elle devra, en particulier, garder à l’esprit que le caractère onéreux de l’opération pourrait dissuader maints usagers de passer commande (77).

138. Certes, CHEZ propose la possibilité d’un contrôle visuel aux consommateurs sur demande individuelle en ce sens grâce à une nacelle gratuite. Néanmoins, l’on peut sérieusement se demander si une procédure aussi lourde et complexe est susceptible de répondre aux exigences de l’objectif du droit de l’Union que nous avons mentionnées, à savoir encourager les consommateurs à contrôler régulièrement leurs compteurs électriques (78). Il faut, en effet, être réaliste et songer que la mise à disposition d’un véhicule spécial équipé d’une nacelle qui doit être expressément demandée par écrit avant chaque utilisation peut tout au plus être envisagée une ou deux fois par an (79).

3.      Conclusion intermédiaire

139. En résumé, il y a lieu de constater qu’une mesure telle que la pratique en cause au principal peut être justifiée en application de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43, dans la mesure où elle sert à empêcher fraudes et abus et à contribuer à garantir la qualité de l’approvisionnement en électricité dans l’intérêt de tous les consommateurs, à condition:

a)      qu’aucune autre mesure aussi appropriée garantissant la réalisation de ces objectifs et produisant des effets moins défavorables pour la population de la zone concernée ne puisse être adoptée à un coût raisonnable, et

b)      que la mesure prise n’entraîne pas d’inconvénients démesurés pour les habitants de la zone concernée, étant entendu que:

–        le risque de stigmatisation d’un groupe ethnique l’emporte de loin sur les considérations d’ordre purement économique, et

–        l’intérêt des consommateurs finals d’électricité à pouvoir suivre leur consommation d’énergie individuelle grâce à un contrôle visuel régulier de leurs compteurs électriques doit être dûment pris en compte.

D –    Les conséquences pour le litige au principal

140. Lorsque l’examen d’un cas de discrimination aboutit à la conclusion que nous venons d’exposer, la question qui se pose alors immédiatement est celle des conséquences, pour le litige au principal, de la constatation d’une discrimination fondée sur l’origine ethnique au sens de la directive 2000/43. Cette problématique, qui était déjà discutée dans l’affaire Belov, a également été partiellement analysée en l’espèce, notamment par CHEZ.

141. Il suffit de se reporter à la jurisprudence constante de la Cour à ce sujet: les dispositions de droit national doivent, autant que possible, être interprétées et appliquées d’une manière conforme à la directive dans la procédure au principal. Lorsqu’elles appliquent leur droit interne, les juridictions nationales appelées à l’interpréter sont tenues de le faire dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive pour atteindre le résultat visé par celle-ci (80). Elles doivent faire tout ce qui relève de leurs compétences, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (81).

142. Rien, dans les informations dont dispose la Cour, n’indique que l’organe de renvoi ne pourrait pas interpréter et appliquer les dispositions pertinentes du droit bulgare, à savoir celles du ZZD, d’une manière conforme à la directive 2000/43. Dès lors – pour autant que nous puissions en juger – il n’y aura pas, dans cette affaire, de questions complexes quant à l’effet direct horizontal des droits fondamentaux.

143. Quoi qu’il en soit, il y a lieu de relever qu’une directive ne saurait par elle‑même créer d’obligations à l’égard d’un particulier et ne peut donc pas être invoquée en tant que telle à l’encontre de celui-ci (82).

144. L’interdiction de toute discrimination fondée sur la race et l’origine ethnique est cependant un principe général du droit de l’Union qui est consacré, en droit primaire, à l’article 21 de la Charte, que la directive 2000/43 ne fait que concrétiser (83) – tout comme la directive 2000/78 l’avait, par exemple, fait pour l’interdiction des discriminations fondées sur l’âge ou l’orientation sexuelle (84), contrairement notamment au droit à des congés payés annuels (85), ainsi qu’au droit à l’information et à la consultation des travailleurs au sein de l’entreprise (86).

145. Le principe de l’égalité de traitement revêt une importance particulière dans des rapports juridiques tels que ceux de l’espèce, où s’affrontent consommateurs et petits entrepreneurs, d’une part, et fournisseurs de services d’intérêt général, d’autre part. À l’instar des relations de travail, ces rapports juridiques sont, en effet, caractérisés par un déséquilibre structurel des parties.

146. Il paraît justifié, à tout le moins dans une telle situation, de ne pas appliquer, même entre particuliers, les règles du droit national qui enfreignent le droit fondamental à la non-discrimination. Cela est d’autant plus vrai que, dans un cas tel que celui-ci, le droit fondamental ne s’adresse pas directement au particulier, mais il est utilisé uniquement comme critère de contrôle de la légalité du droit interne (87).

VI – Conclusion

147. Eu égard aux développements qui précèdent, nous suggérons à la Cour de répondre aux questions préjudicielles de l’Administrativen sad Sofia-grad dans les termes suivants:

1)      Dans une zone dont la population est majoritairement issue d’un groupe ethnique donné, des personnes qui y résident, sans pour autant être elles-mêmes issues dudit groupe ethnique, peuvent elles aussi se prévaloir de l’interdiction de la discrimination fondée sur l’origine ethnique lorsqu’elles sont victimes d’une discrimination par association en raison du caractère général et collectif d’une mesure donnée.

2)      Lorsque les compteurs normalement mis gratuitement à la disposition des consommateurs sont installés dans ou sur les immeubles de manière à ce qu’ils soient accessibles et puissent faire l’objet d’un contrôle visuel alors que, dans les zones dans lesquelles vivent principalement des personnes issues de la communauté rom, ces compteurs électriques sont placés sur des pylônes électriques à une hauteur inaccessible d’environ six mètres, cette différence présente l’apparence d’une discrimination indirecte fondée sur l’origine ethnique au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous b), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, de la directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique.

3)      Une mesure telle que la pratique litigieuse peut être justifiée dans la mesure où elle sert à empêcher fraudes et abus et à contribuer à garantir la qualité de l’approvisionnement en électricité dans l’intérêt de tous les consommateurs, à condition:

a)      qu’aucune autre mesure aussi appropriée garantissant la réalisation de ces objectifs et produisant des effets moins défavorables pour la population de la zone concernée ne puisse être adoptée à un coût raisonnable, et

b)      que la mesure prise n’entraîne pas d’inconvénients démesurés pour les habitants de la zone concernée, étant entendu que:

–        le risque de stigmatisation d’un groupe ethnique l’emporte de loin sur les considérations d’ordre purement économique, et

–        l’intérêt des consommateurs finals d’électricité à pouvoir suivre leur consommation d’énergie individuelle grâce à un contrôle visuel régulier de leurs compteurs électriques doit être dûment pris en compte.


1 –      Langue originale: l’allemand.


2 – C‑394/11, EU:C:2012:585.


3 – Dans cette affaire (C‑394/11, EU:C:2013:48), la Cour s’est déclarée incompétente pour statuer sur la demande de décision préjudicielle dont elle était alors saisie au motif que l’organe de renvoi ne pouvait être qualifié de juridiction au sens de l’article 267 TFUE.


4 – Directive du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique (JO L 180, p. 22).


5 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2006 relative à l’efficacité énergétique dans les utilisations finales et aux services énergétiques et abrogeant la directive 93/76/CEE du Conseil (JO L 114, p. 64). Même si la directive 2012/27/UE (JO L 315, p. 1) a abrogé et remplacé la directive précitée, celle-ci n’en continue pas moins à s’appliquer en l’espèce au regard de la chronologie des faits, étant donné que la décision litigieuse de la commission de protection contre les discriminations (Komisia za zashtita ot diskriminatsia) a été adoptée en l’occurrence avant le 4 juin 2014.


6 – Directive du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE (JO L 211, p. 55).


7 – Zakon za zashtita ot diskriminatstia.


8 – Zakon za energetikata.


9 – Ci-après «CHEZ».


10 – D’après les précisions que Mme Nikolova a elle-même apportées dans les observations écrites qu’elle a déposées devant la Cour.


11 – Dans la demande de décision préjudicielle, il est question, pour employer la terminologie de l’article 120 du ZE, d’«instruments de mesure commerciale» de la consommation d’électricité de l’utilisateur final. Dans un souci de simplification, nous continuerons à employer par la suite la notion beaucoup plus répandue de «compteur électrique», qui est également employée en droit de l’Union, par exemple, dans de nombreuses versions linguistiques de la directive 2006/32.


12 – Ci-après la «pratique litigieuse».


13 – Komisia za zashtita ot diskriminatsia.


14 – Dans la langue de procédure: «narodnost» (народност).


15 – Cour administrative suprême.


16 – Tribunal administratif de la ville de Sofia.


17 – Darzhavna komisia po energiyno i vodno regulirane.


18 – Voir points 59 à 65 de nos conclusions présentées dans cette affaire (C‑394/11, EU:C:2012:585).


19 – Ibidem (point 66).


20 – Voir Cour EDH (grande chambre), arrêt D. H. e.a. c. République tchèque du 13 novembre 2007, no 57325/00, Recueil des arrêts et décisions 2007‑IV, point 182, lu en combinaison avec le point 175.


21 – L’article 21, paragraphe 1, de la Charte s’inspire notamment de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Pour autant qu’il coïncide avec ledit article 14, «il s’applique conformément à celui-ci» (Explications relatives à la charte des droits fondamentaux, JO 2007, C 303, p. 24; ces explications ont été élaborées en vue de guider l’interprétation de la Charte et doivent, conformément aux articles 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE, et 52, paragraphe 7, de la Charte, être dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres).


22 – Jurisprudence constante; voir notamment arrêts Gauchard (20/87, EU:C:1987:532, point 5); Feryn (C‑54/07, EU:C:2008:397, point 19); MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, point 30) et Asociația Accept (C‑81/12, EU:C:2013:275, points 41 à 43).


23 – Voir en ce sens recommandation générale VIII concernant l’interprétation et l’application de l’article 1er, paragraphes 1 et 4, de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (UNTS vol. 660, p. 195), publiée le 23 août 1990 par le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD). Aux termes de cette recommandation, l’identification de représentants d’une race ou d’un groupe ethnique déterminés doit, sauf justification du contraire, être fondée sur la manière dont s’identifie lui‑même l’individu concerné.


24 – Parmi les différentes versions linguistiques de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/43 que nous avons comparées, seules les versions en langues allemande («aufgrund ihrer Rasse oder ethnischen Herkunft»), italienne («a causa della sua razza od origine etnica») et croate («zbog njezina rasnog ili etničkog podrijetla») contiennent l’adjectif possessif sur lequel nous mettons ici l’accent; l’on ne le trouve pas dans les versions en langues bulgare («въз основа на расов признак или етнически произход»), tchèque («z důvodu rasy nebo etnického původu»), espagnole («por motivos de origen racial o étnico»), estonienne («rassilise või etnilise päritolu tõttu»), grecque («για λόγους φυλετικής ή εθνοτικής καταγωγής»), anglaise («on grounds of racial or ethnic origin»), française («pour des raisons de race ou d’origine ethnique»), hongroise («faji vagy etnikai alapon»), néerlandaise («op grond van ras of etnische afstamming»), polonaise («ze względu na pochodzenie rasowe lub etniczne»), portugaise («em razão da origem racial ou étnica»), slovaque («z dôvodu rasy alebo etnického pôvodu») et suédoise («på grund av ras eller etniskt ursprung») de la disposition précitée.


25 – Arrêt Runevič-Vardyn et Wardyn (C‑391/09, EU:C:2011:291, point 43).


26 – Arrêt Coleman (C‑303/06, EU:C:2008:415, notamment points 50 et 51); voir en outre, à propos de cette notion de «discrimination par association», conclusions de l’avocat général Poiares Maduro présentées dans cette affaire (EU:C:2008:61, notamment points 4 et 5).


27 – Directive du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16).


28 – Voir arrêt Runevič-Vardyn et Wardyn (C‑391/09, EU:C:2011:291, point 43).


29 – Arrêt Coleman (C‑303/06, EU:C:2008:415, points 24 à 26 et 59).


30 – Voir ci-après les développements que nous consacrons à cette question aux points 69 à 139 des présentes conclusions.


31 – Sur ce point – et uniquement celui-ci – le cas d’espèce se rapproche du cadre factuel des affaires Feryn (C‑54/07, EU:C:2008:397, points 23 à 26) et Asociația Accept (C‑81/12, EU:C:2013:275, point 49), dans lesquelles la Cour s’est également fondée dans une large mesure sur l’existence d’un environnement discriminatoire (il y était question de la politique d’employeurs potentiels en matière de recrutement).


32 – Nous consacrons, aux points 102 à 109 des présentes conclusions, de plus amples développements à la question de savoir si une simple inégalité de traitement indirecte peut fonder une constatation de discrimination «par association».


33 – Considérant 16 de la directive 2000/43.


34 – Voir également, à propos de la discrimination en raison de l’âge, point 31 de nos conclusions présentées dans l’affaire Ingeniørforeningen i Danmark (C‑499/08, EU:C:2010:248).


35 – Considérant 18 de la directive 2000/43.


36 – Voir considérant 15 de la directive 2000/43: «L’appréciation des faits qui permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte appartient à l’instance judiciaire nationale ou à une autre instance compétente, conformément au droit national ou aux pratiques nationales, qui peuvent prévoir, en particulier, que la discrimination indirecte peut être établie par tous moyens, y compris sur la base de données statistiques.» Cela correspond à la jurisprudence constante dans le cadre d’affaires préjudicielles: voir, notamment, arrêts MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, point 30); Winner Wetten (C‑409/06, EU:C:2010:503, point 49); Kelly (C‑104/10, EU:C:2011:506, point 31) ainsi que Asociaţia Accept (C‑81/12, EU:C:2013:275, points 41 et 42).


37 – Jurisprudence constante: voir notamment arrêts Gauchard (20/87, EU:C:1987:532, point 5); Feryn (C‑54/07, EU:C:2008:397, point 19); MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, point 30) et Asociaţia Accept (C‑81/12, EU:C:2013:275, point 43).


38 – Voir points 70 à 74 de nos conclusions présentées dans cette affaire Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585).


39 – Arrêt Feryn (C‑54/07, EU:C:2008:397, point 25).


40 – Voir article 3, paragraphe 7, de la directive 2009/72, lu en combinaison avec le paragraphe 1, sous h) et i), de l’annexe I à celle-ci, ainsi que considérant 29, dernière phrase, de la directive 2006/32.


41 – Concernant la signification de l’adjectif possessif «ihrer» [«leur»], que l’on ne retrouve pas dans toutes les versions linguistiques de la directive 2000/43, voir points 53 et 54 ainsi que note de bas de page 24 des présentes conclusions.


42 – Arrêts Dekker (C‑177/88, EU:C:1990:383, points 12 et 17); Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund (C‑179/88, EU:C:1990:384, point 13); Busch (C‑320/01, EU:C:2003:114, point 39) et Kiiski (C‑116/06, EU:C:2007:536, point 55).


43 – Arrêt Ingeniørforeningen i Danmark (C‑499/08, EU:C:2010:600, points 23 et 24).


44 – Arrêts Maruko (C‑267/06, EU:C:2008:179, point 72) et Römer (C‑147/08, EU:C:2011:286, point 52).


45 – Bien entendu, ce dernier point ne s’applique qu’aux États membres dans lesquels les partenariats enregistrés sont assimilés au mariage et sont réservés aux couples de même sexe qui n’ont pas accès à l’institution du mariage.


46 – Les points 97 et 98 de nos conclusions présentées dans l’affaire Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585) vont dans le même sens.


47 – Voir notamment considérant 28 de la directive 2000/43, aux termes duquel celle-ci a pour objectif d’assurer un «niveau élevé commun de protection contre la discrimination dans tous les États membres».


48 – En bulgare: «vidimo» (видимо).


49 – Au point 41 de nos conclusions présentées dans l’affaire Hervis Sport- és Divatkereskedelmi (C‑385/12, EU:C:2013:531), nous avons affirmé dans le même sens qu’une constatation de discrimination indirecte n’est possible que lorsque, dans la très grande majorité des cas, la mesure en cause entraîne des conséquences défavorables pour les personnes issues d’un groupe donné, tandis que la Cour a estimé qu’il devait en être ainsi dans la plupart des cas (arrêt Hervis Sport- és Divatkereskedelmi, C‑385/12, EU:C:2014:47, point 39). En l’espèce, cette distinction ne mérite pas de retenir davantage notre attention car, selon les indications de la juridiction de renvoi, le quartier Gizdova mahala est incontestablement le plus grand quartier rom de Dupnitsa.


50 – La proposition de CHEZ, consistant à mettre gratuitement à la disposition de l’utilisateur qui en fait la demande par écrit, dans un délai de trois jours, un véhicule spécialisé équipé d’une nacelle ne saurait guère être considérée comme une solution de rechange adéquate, car elle ne permet aux consommateurs de suivre leur consommation d’électricité ni personnellement ni surtout de façon continue; voir également point 138 des présentes conclusions.


51 – Au sujet de ce désavantage, voir de nouveau point 95 des présentes conclusions.


52 – Voir à ce sujet points 111 à 139 des présentes conclusions.


53 – Les points 52 à 61 des présentes conclusions contiennent des considérations générales plus détaillées sur la discrimination par association.


54 – Voir arrêt Coleman (C‑303/06, EU:C:2008:415).


55 – Voir à ce sujet points 72 et 73 des présentes conclusions.


56 – Voir points 69 à 110 des présentes conclusions.


57 – Voir notamment considérant 6 de la directive 2000/43, selon lequel l’Union rejette toutes théories tendant à déterminer l’existence de races humaines distinctes.


58 – Voir point 72 des présentes conclusions. Une différence de traitement des personnes pour des raisons de race ou d’origine ethnique n’est possible que dans la mesure où ces personnes ne sont pas dans une situation comparable [voir article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive 2000/43] ou bien dans la mesure où il existe des exigences professionnelles essentielles et déterminantes (article 4 de cette directive).


59 – Voir à ce sujet point 100 de nos conclusions présentées dans l’affaire Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585) et, à titre de complément, sur la justification de la discrimination fondée sur l’âge au sens de la directive 2000/78, points 46 et 47 de nos conclusions présentées dans l’affaire Ingeniørforeningen i Danmark (C‑499/08, EU:C:2010:248).


60 – Voir, sur la lutte des organismes nationaux contre fraudes et abus, arrêts Halifax e.a. (C‑255/02, EU:C:2006:121, points 68 et 69); Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (C‑196/04, EU:C:2006:544, point 35) ainsi que Kofoed (C‑321/05, EU:C:2007:408, point 38); sur la garantie de la sécurité et de la qualité de l’approvisionnement en énergie dans les États membres, arrêts Campus Oil e.a. (72/83, EU:C:1984:256, points 34 et 35); Commission/Belgique (C‑503/99, EU:C:2002:328, point 55) et Commission/Portugal (C‑543/08, EU:C:2010:669, point 84).


61 – Voir question préjudicielle 5.3, sous c), dans l’affaire Belov, reproduite au point 21de nos conclusions présentées dans cette affaire (C‑394/11, EU:C:2012:585).


62 – Ibidem (point 104).


63 – Ibidem (point 105); voir également point 53 de nos conclusions présentées dans l’affaire Ingeniørforeningen i Danmark (C‑499/08, EU:C:2010:248), qui traitent de la justification d’une discrimination fondée sur l’âge au sens de la directive 2000/78. La fin de l’article 6, paragraphe 1, point 1), de la directive 2000/78 est rédigée dans des termes identiques à ceux de l’article 2, paragraphe 2, sous b), de la directive 2000/43, de sorte que les explications que nous avons exposées dans l’affaire Ingeniørforeningen i Danmark peuvent être transposées à la présente espèce.


64 – Voir points 107 et 108 de nos conclusions présentées dans l’affaire Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585).


65 – Points 113 à 115.


66 – Points 110 à 112.


67 – Il semblerait, au vu du libellé de la dernière phrase de la dixième question préjudicielle, que c’est ce que pense la juridiction de renvoi: il y est question, en se référant à des articles parus dans les médias, «d’autres moyens accessibles sur les plans technique et financier».


68 – Voir point 117 de nos conclusions présentées dans l’affaire Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585). La Cour, dans l’arrêt Ingeniørforeningen i Danmark (C‑499/08, EU:C:2010:600, points 41 à 48, et plus particulièrement point 47), va dans le même sens, au regard de la directive 2000/78; voir également point 67 de nos conclusions présentées dans cette affaire, également appelée Andersen (C‑499/08, EU:C:2010:248).


69 – Arrêts Schräder HS Kraftfutter (265/87, EU:C:1989:303, point 21); Tempelman et van Schaijk (C‑96/03 et C‑97/03, EU:C:2005:145, point 7) ainsi que ERG e.a. (C‑379/08 et C‑380/08, EU:C:2010:127, point 86).


70 – Voir nos conclusions présentées dans les affaires Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585, point 117) et Ingeniørforeningen i Danmark (C‑499/08, EU:C:2010:248, point 68).


71 – Voir point 118 de nos conclusions présentées dans l’affaire Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585).


72 – Sur ce point, nous avons revu la position que nous avions exposée dans nos conclusions présentées dans l’affaire Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585, point 98) pour lui préférer une nouvelle analyse.


73 – Considérant 29, dernière phrase, de la directive 2006/32.


74 – Voir point 119 de nos conclusions présentées dans l’affaire Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585).


75 – Voir notamment article 13, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 2006/32.


76 – Voir point 122 de nos conclusions présentées dans l’affaire Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585).


77 – Ibidem (point 121).


78 – Article 3, paragraphe 7, lu en combinaison avec le paragraphe 1, sous i), de l’annexe I à la directive 2009/72, ainsi que considérant 29 de la directive 2006/32, dernière phrase.


79 – Voir point 120 de nos conclusions présentées dans l’affaire Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585).


80 –      Voir, entre autres, arrêts Marleasing (C‑106/89, EU:C:1990:395, point 8); Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 113); Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 24) et Asociaţia Accept (C‑81/12, EU:C:2013:275, point 71).


81 – Voir arrêts Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, points 115 à 119) ainsi que Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 27); voir, dans le même sens, arrêt Von Colson et Kamann (14/83, EU:C:1984:153, point 28: «dans toute la mesure où une marge d’appréciation lui est accordée par son droit national»).


82 – Arrêts Faccini Dori (C‑91/92, EU:C:1994:292, point 20); Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, point 108) ainsi que Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, point 37); voir, dans le même sens, arrêt Association de médiation sociale (C‑176/12, EU:C:2014:2, point 39).


83 – Arrêt Runevič-Vardyn et Wardyn (C‑391/09, EU:C:2011:291, point 43); voir également points 63 et 80 de nos conclusions présentées dans l’affaire Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585).


84 – La jurisprudence relative à la directive 2000/78 peut donc être transposée purement et simplement à la directive 2000/43; voir arrêts Mangold (C‑144/04, EU:C:2005:709, points 74 et 75); Kücükdeveci (C‑555/07, EU:C:2010:21, points 51 et 53) ainsi que Römer (C‑147/08, EU:C:2011:286, notamment point 59).


85 – Arrêt Dominguez (C‑282/10, EU:C:2012:33, notamment point 42). Dans cette affaire, ce qui était en cause, c’était non pas une application du principe général de l’égalité de traitement au sens de l’article 21 de la Charte, mais bien un droit consacré à l’article 31, paragraphe 2, lequel fait partie du titre «Solidarité» de la Charte.


86 – Arrêt Association de médiation sociale (C‑176/12, EU:C:2014:2, points 45 à 49).


87 – Voir à ce sujet points 81 et 82 de nos conclusions présentées dans l’affaire Belov (C‑394/11, EU:C:2012:585).