DOCUMENT DE TRAVAIL



ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

5 octobre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative apiheal – Marque nationale verbale antérieure APIRETAL – Motifs relatifs de refus – Absence de risque de confusion – Absence de similitude des produits – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Absence d’atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001) »

Dans l’affaire T‑51/19,

Laboratorios Ern, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Me S. Correa Rodríguez, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme S. Palmero Cabezas et M. H. O’Neill, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

SBS Bilimsel Bio Çözümler Sanayi Ve Ticaret AŞ, établie à Istanbul (Turquie), représentée par Me M. E. López Camba, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 19 novembre 2018 (affaire R 1725/2017-4), relative à une procédure d’opposition entre Laboratorios Ern et SBS Bilimsel Bio Çözümler Sanayi Ve Ticaret,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. D. Spielmann, président, U. Öberg (rapporteur) et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 14 mai 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 30 avril 2019,

vu la mesure d’organisation de la procédure du 4 février 2020 et la réponse de la requérante déposée au greffe du Tribunal le 18 février 2020,

vu les observations de l’EUIPO et de l’intervenante sur la réponse de la requérante déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 17 et le 16 mars 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 juillet 2015, l’intervenante, SBS Bilimsel Bio Çözümler Sanayi Ve Ticaret AŞ, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 3, 5 et 30 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Produits de nettoyage et de blanchissage, détergents [détersifs] autres que ceux utilisés au cours d’opérations de fabrication et ceux à usage médical, produits de blanchiment pour la lessive, assouplisseurs, produits détachants, détergents pour lave-vaisselle ; produits de parfumerie ; cosmétiques ; produits odorants ; déodorants (corporels ou pour animaux) ; savons ; herbes pour le bain [autres qu’à usage médical] ; produits de soins dentaires, dentifrices, préparations pour polir les prothèses dentaires, produits médicinaux de blanchissage des dents, bains de bouche, non à usage médical ; abrasifs ; toile émeri ; papier de verre ; pierre ponce ; pâtes abrasives ; matières à astiquer le cuir, le vinyle, les métaux et le bois, cirages et crèmes pour le cuir, le vinyle, les métaux et le bois, cire lustrante » ;

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques et vétérinaires à usage médical ; produits chimiques à usage médical et vétérinaire, réactifs chimiques à usage pharmaceutique et vétérinaire ; compléments alimentaires à usage pharmaceutique et vétérinaire ; compléments alimentaires ; compléments nutritionnels ; préparations médicales destinées à la perte de poids ; aliments pour bébés ; herbes et boissons aux herbes adaptées à des fins médicales ; compléments à base d’herbes ; crèmes à base d’herbes à usage médical ; crèmes aux plantes à usage médical ; tisanes ; compléments liquides à base d’herbes ; matériaux de plombage dentaire, matières pour empreintes dentaires, adhésifs à usage dentaire et matériaux pour réparer les dents ; produits hygiéniques à usage médical ; serviettes hygiéniques ; tampons hygiéniques ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour pansements ; langes, y compris ceux en papier et matières textiles ; produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides ; désodorisants ; désodorisants d’atmosphère ; désinfectants ; antiseptiques ; détergents [détersifs] à usage médical » ;

–        classe 30 : « Café, thé, cacao et succédanés du café ; riz ; tapioca et sagou ; farines et préparations faites de céréales ; pain, pâtisseries et confiseries ; glaces alimentaires ; sucre, miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever ; sel ; moutarde ; vinaigre, sauces (condiments) ; épices ; glace à rafraîchir ; miel, propolis pour la consommation humaine, miel à base de plantes, propolis, propolis pour la consommation humaine ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 2015/167, du 4 septembre 2015.

5        Le 4 décembre 2015, la requérante, Laboratorios Ern, SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque espagnole verbale antérieure APIRETAL, dont l’enregistrement a été demandé le 18 octobre 1979 et qui a été enregistrée le 20 octobre 1980 sous le numéro 921669, désignant notamment des produits relevant de la classe 5 et correspondant à la description suivante : « Produits pharmaceutiques et vétérinaires ; substances diététiques à usage médical ; matériel pour pansements ; désinfectants ; insecticides et parasiticides ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], tiré de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, et à l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001), tiré de ce que l’usage de la marque demandée aurait tiré indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure et leur aurait porté préjudice.

8        Le 2 septembre 2016, l’intervenante a demandé à la requérante d’apporter la preuve de l’usage sérieux de la marque antérieure conformément à l’article 42, paragraphes 2 et 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 47, paragraphes 2 et 3, du règlement 2017/1001).

9        Par décision du 29 juin 2017, la division d’opposition a partiellement accueilli l’opposition et a refusé l’enregistrement de la marque demandée pour certains produits relevant des classes 3 et 5. Elle a considéré que, pour les « antipyrétiques » compris dans la classe 5, dont le but était de réduire la température corporelle dans des états fébriles, la marque antérieure avait fait l’objet d’un usage sérieux, au sens de l’article 42, paragraphe 2, du règlement no 207/2009, et jouissait d’une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

10      Le 3 août 2017, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’opposition, dans la mesure où l’opposition n’avait pas été accueillie pour une partie des produits relevant de la classe 30, à savoir les « propolis pour la consommation humaine, propolis, propolis pour la consommation humaine ». Le 3 janvier 2018, l’intervenante a, dans ses observations en réponse, formulé des conclusions visant à l’annulation de la décision de la division d’opposition sur un point non soulevé dans le recours, conformément à l’article 60, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 (devenu article 68, paragraphe 2, du règlement 2017/1001), au motif de l’existence de différences entre les signes, de ce que la renommée de la marque antérieure n’avait pas été correctement établie et de l’absence de profit indu.

11      Par décision du 19 novembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), s’agissant du motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours de la requérante et annulé la décision de la division d’opposition dans la mesure où celle-ci avait rejeté l’opposition pour les « propolis pour la consommation humaine, miel à base de plantes, propolis, propolis pour la consommation humaine » relevant de la classe 30, au motif qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

12      En outre, la chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition dans la mesure où cette dernière avait accueilli l’opposition pour les « produits de parfumerie ; produits odorants ; déodorants (corporels ou pour animaux) ; cosmétiques, savons ; herbes pour le bain [autres qu’à usage médical] ; produits de soins dentaires, dentifrices, préparations pour polir les prothèses dentaires, produits médicinaux de blanchissage des dents, bains de bouche, non à usage médical » relevant de la classe 3 ainsi que pour les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides » relevant de la classe 5. Elle a considéré que ces produits étaient différents des « antipyrétiques » visés par la marque antérieure.

13      Enfin, la chambre de recours a confirmé la décision de la division d’opposition dans la mesure où celle-ci avait accueilli l’opposition pour les produits de la classe 5 autres que les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides ».

14      En particulier, la chambre de recours a constaté, aux points 23 et 24 de la décision attaquée, que le public pertinent était espagnol, que les produits relevant de la classe 30 s’adressaient au grand public, dont le niveau d’attention était moyen ou légèrement plus élevé, et que les produits relevant de la classe 5 s’adressaient tant à un public professionnel qu’au grand public, faisant preuve d’un niveau d’attention élevé. S’agissant des produits de la classe 5 autres que les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides », à savoir les « produits pharmaceutiques et vétérinaires à usage médical ; produits chimiques à usage médical et vétérinaire, réactifs chimiques à usage pharmaceutique et vétérinaire ; compléments alimentaires à usage pharmaceutique et vétérinaire ; compléments alimentaires ; compléments nutritionnels ; préparations médicales destinées à la perte de poids ; aliments pour bébés ; herbes et boissons aux herbes adaptées à des fins médicales ; compléments à base d’herbes ; crèmes à base d’herbes à usage médical ; crèmes aux plantes à usage médical ; tisanes ; compléments liquides à base d’herbes ; matériaux de plombage dentaire, matières pour empreintes dentaires, adhésifs à usage dentaire et matériaux pour réparer les dents ; produits hygiéniques à usage médical ; serviettes hygiéniques ; tampons hygiéniques ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour pansements ; langes, y compris ceux en papier et matières textiles ; désinfectants ; antiseptiques ; détergents [détersifs] à usage médical », et les produits de la classe 30, à savoir « propolis pour la consommation humaine, miel à base de plantes, propolis, propolis pour la consommation humaine », pour lesquels elle a estimé qu’il existait un risque de confusion, elle a confirmé le caractère identique ou similaire des produits en cause. Ensuite, elle a estimé que les signes en conflit présentaient un degré moyen de similitude sur le plan visuel et un degré élevé de similitude sur le plan phonétique et que la comparaison des signes en conflit sur le plan conceptuel était neutre. Partant, et dans la mesure où le caractère distinctif de la marque antérieure devait être considéré comme initialement normal et ayant augmenté du fait de son usage sur le marché, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent pour ces produits.

15      Concernant le motif d’opposition visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009,la chambre de recours a d’abord estimé que les éléments de preuve produits par la requérante étaient suffisants pour confirmer que la marque antérieure bénéficiait d’une renommée pour désigner des produits « antipyrétiques » sur le territoire pertinent. Toutefois, compte tenu, notamment, du fait que les produits en cause n’étaient pas similaires, elle a considéré que, dans l’ensemble, il n’était que peu probable que le public pertinent établisse un lien entre les marques en conflit et que, en tout état de cause, les arguments formulés par la requérante n’étaient pas suffisants pour établir l’existence d’un risque sérieux que, en utilisant le signe demandé, un profit indu soit tiré de la renommée ou du caractère distinctif ou la renommée de la marque antérieure ou encore l’existence d’un préjudice pour le caractère distinctif de cette dernière, au sens dudit règlement. Estimant qu’il n’était pas nécessaire d’apprécier si l’usage du signe demandé pourrait entraîner un préjudice de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où la requérante n’avait pas invoqué ce moyen, la chambre de recours a conclu que le motif de refus visé à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 n’était pas établi en l’espèce.

 Le corrigendum du 1er mars 2019

16       Le 1er mars 2019, la chambre de recours a adopté un corrigendum par lequel elle a rectifié le dispositif de la décision attaquée en supprimant, au point 1, le « miel à base de plantes » relevant de la classe 30 et, au point 2, les « fongicides » relevant de la classe 5 et en ajoutant, au point 3, les « fongicides » et les « désinfectants » relevant de la classe 5.

17      Il y a lieu de constater que, à la suite du corrigendum du 1er mars 2019, la décision attaquée doit être lue en ce sens que la chambre de recours a considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent pour les produits, visés par la marque demandée et pertinents aux fins du présent recours, correspondant à la description suivante : 

–        classe 3 : « Produits de parfumerie ; cosmétiques ; produits odorants ; déodorants (corporels ou pour animaux) ; savons ; herbes pour le bain [autre qu’à usage médical] ; produits de soins dentaires ; dentifrices ; préparations pour polir les prothèses dentaires ; produits médicinaux de blanchissage des dents ; bains de bouche, non à usage médical ».

–        classe 5 : « Produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; herbicides ».

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qui concerne l’enregistrement partiel pour les produits relevant des classes 3 et 5 et visés au point 17 ci-dessus ;

–        rejeter la demande de marque pour les produits relevant des classes 3 et 5 et visés au point 17 ci-dessus ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

19      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

20      La requérante invoque en substance deux moyens, tirés, respectivement, le premier, de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, le second, de la violation de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b) du règlement no 207/2009

21      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante invoque une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et fait valoir, en substance, que c’est à tort que la chambre de recours a conclu qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent pour les « produits de parfumerie ; cosmétiques ; produits odorants ; déodorants (corporels ou pour animaux) ; savons ; herbes pour le bain [autre qu’à usage médical] ; produits de soins dentaires ; dentifrices ; préparations pour polir les prothèses dentaires ; produits médicinaux de blanchissage des dents ; bains de bouche, non à usage médical » relevant de la classe 3 et pour les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; herbicides » relevant de la classe 5.

22      À cet égard, la requérante soutient qu’il existe un risque de confusion dû, notamment, à la renommée de la marque antérieure, à l’existence d’un degré élevé de similitude entre les marques en conflit et à l’existence d’une similitude ou d’un lien entre les produits en cause.

23      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

24      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec cette marque et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii) du règlement 2017/1001], il convient d’entendre, par marques antérieures, les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

25      Constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, points 33 et 34 et jurisprudence citée, et du 22 septembre 2016, Sun Cali/EUIPO – Abercrombie & Fitch Europe (SUN CALI), T‑512/15, EU:T:2016:527, point 44 et jurisprudence citée].

26      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir, par analogie, arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42].

27      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé qu’il n’existait pas de risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, eu égard aux produits mentionnés au point 17 ci-dessus.

 Sur le public pertinent

28      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie des produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêts du 3 septembre 2009, Aceites del Sur-Coosur/Koipe, C‑498/07 P, EU:C:2009:503, point 74 et jurisprudence citée, et du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

29      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, aux points 23 et 24 de la décision attaquée, que, la marque antérieure étant une marque espagnole, le public pertinent était le public vivant en Espagne, que les produits relevant de la classe 3 s’adressaient au grand public, manifestant un niveau d’attention moyen ou légèrement plus élevé, et que les produits relevant de la classe 5 s’adressaient tant à un public professionnel qu’au grand public, faisant preuve d’un niveau d’attention élevé. Cette analyse n’est pas contestée par la requérante, mais elle l’est par l’intervenante, qui considère que le niveau d’attention est élevé.

30      Il ressort de la jurisprudence que, dans les domaines pharmaceutique, médical et vétérinaire, le grand public fait preuve d’un degré d’attention accru, même à l’égard de produits délivrés sans ordonnance, étant donné que les produits de ces domaines ont une influence plus ou moins marquée sur la santé [arrêts du 28 novembre 2019, August Wolff/EUIPO – Faes Farma (DermoFaes), T‑643/18, non publié, EU:T:2019:818, point 27 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2018, Kwizda Holding/EUIPO – Dermapharm (UROAKUT), T‑266/17, EU:T:2018:569, point 26].

31      De même, le public pertinent témoigne d’un niveau d’attention élevé en ce qui concerne les produits pour la destruction des animaux nuisibles et les herbicides, en raison des risques qu’ils peuvent présenter pour la santé du fait de leurs propriétés biocides [voir, en ce sens, arrêts du 13 mai 2015, Ferring/OHMI – Kora (Koragel), T‑169/14, non publié, EU:T:2015:280, points 38 et 39, et du 28 novembre 2019, DermoFaes, T‑643/18, non publié, EU:T:2019:818, point 28].

32      Dès lors, en l’espèce, il convient de considérer que le public pertinent est le public vivant en Espagne, que les produits relevant de la classe 3 s’adressent au grand public, dont le niveau d’attention est élevé, et que les produits relevant de la classe 5 s’adressent tant à un public professionnel qu’au grand public, faisant preuve d’un niveau d’attention élevé.

 Sur la comparaison des produits

33      S’agissant de la comparaison des produits, selon la requérante, les produits visés par la marque demandée relevant des classes 3 et 5 sont similaires aux produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et couverts par la marque antérieure, notamment en raison de leur nature, de leur destination, et de leurs canaux de distribution.

34      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

35      Le Tribunal rappelle que, pour apprécier la similitude des produits en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêts du 21 janvier 2016, Hesse/OHMI, C‑50/15 P, EU:C:2016:34, point 21 et jurisprudence citée, et du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

–       Sur les « produits de parfumerie ; cosmétiques ; produits odorants ; déodorants (corporels ou pour animaux) ; savons ; herbes pour le bain autre qu’à usage médical »

36      S’agissant des « produits de parfumerie ; cosmétiques ; produits odorants ; déodorants (corporels ou pour animaux) ; savons ; herbes pour le bain [autre qu’à usage médical] » relevant de la classe 3 et visés par la marque demandée, la chambre de recours a estimé que, bien qu’ils puissent parfois avoir un format similaire, ils avaient une finalité et une destination différentes de celle des produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et couverts par la marque antérieure. Elle a notamment estimé que les produits visés par la marque demandée avaient pour finalité de produire une odeur agréable ou de réduire la transpiration, alors que les produits « antipyrétiques » visés par la marque antérieure visaient à réduire la température corporelle. Elle a également considéré que ces produits n’étaient ni complémentaires ni concurrents, dans la mesure où, bien que lui étant destinés, le grand public ne regarderait pas ces produits comme provenant des mêmes entreprises.

37      La requérante estime que les produits en cause présentent un lien étroit, voire un lien de complémentarité, notamment dans la mesure où ils répondent à une fonction connexe d’amélioration et de soin de la santé, ayant ainsi pour finalité de contribuer à la santé des consommateurs.

38      Il convient de distinguer, d’une part, les produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et visés par la marque antérieure, qui répondent à une finalité médicale, et, d’autre part, les produits cosmétiques et de parfumerie relevant de la classe 3 et visés par la marque demandée, qui ne poursuivent pas une telle finalité.

39      À cet égard, il ressort de la jurisprudence qu’il n’est pas suffisant qu’un produit ait des propriétés bénéfiques pour la santé en général pour être qualifié de « médicament », mais qu’il doit à proprement parler avoir pour fonction de prévenir ou de guérir (voir, par analogie, arrêt du 15 novembre 2007, Commission/Allemagne, C‑319/05, EU:C:2007:678, point 64).

40      En l’espèce, les produits visés par la marque demandée relevant de la classe 3 et cités au point 36 ci-dessus sont des produits de beauté et d’hygiène corporelle et ne sauraient, de ce fait, être assimilés à des produits médicaux, en raison, notamment, de leur nature, de leur destination et de leur mode d’utilisation différents, quand bien même ils peuvent avoir des propriétés bénéfiques pour la santé.

41      Dès lors, il y a tout d’abord lieu de reconnaître que les produits en cause diffèrent quant à leur nature et à leur finalité. En effet, les produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et visés par la marque antérieure ont vocation à être administrés à l’individu en raison de leurs propriétés exclusivement curatives et de leur finalité médicale. Ils sont utilisés dans le cadre du traitement d’états fiévreux et soit accompagnent, soit constituent un traitement médical, ce qui en fait des produits pharmaceutiques qui relèvent, conformément à la jurisprudence citée au point 39 ci-dessus, des « médicaments ». En revanche, les produits relevant de la classe 3 visés par la marque demandée et cités au point 36 ci-dessus sont des produits de beauté et d’hygiène corporelle, utilisés pour prendre soin du corps humain et l’embellir.

42      Ensuite, les produits en cause diffèrent dans leur mode de commercialisation. Les produits relevant de la classe 3 visés par la marque demandée et cités au point 36 ci-dessus sont généralement commercialisés indépendamment de toute prescription médicale, contrairement aux produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et couverts par la marque antérieure. De plus, alors que les produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et couverts par la marque antérieure sont généralement vendus dans des lieux spécifiques, tels que des pharmacies et des parapharmacies, ou dans des centres de santé, tels que des hôpitaux, les produits cosmétiques et de parfumerie visés par la marque demandée sont certes susceptibles d’être commercialisés dans des pharmacies et des parapharmacies, mais aussi dans des grandes surfaces telles que des supermarchés.

43      Par ailleurs, un lien de complémentarité, tel qu’avancé par la requérante, ne saurait être caractérisé en l’espèce entre les produits en cause. En effet, la simple utilisation conjointe de deux produits n’implique pas l’existence d’une complémentarité entre eux. En effet, deux produits sont complémentaires lorsqu’il existe entre eux un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits incombe à la même entreprise (voir arrêt du 22 janvier 2009, easyHotel, T‑316/07, EU:T:2009:14, point 57 et jurisprudence citée). En l’espèce, même si certains produits visés par la marque demandée cités au point 36 ci-dessus peuvent être conjointement utilisés avec les produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et visés par la marque antérieure, ils n’ont pas été conçus essentiellement à cette fin.

44      Eu égard au fait, notamment, qu’ils ont une nature et une finalité différentes, qu’ils sont susceptibles d’être commercialisés par des canaux de distributions différents et ne sont pas complémentaires, c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré que les « produits de parfumerie ; cosmétiques ; produits odorants ; déodorants (corporels ou pour animaux) ; savons ; herbes pour le bain [autre qu’à usage médical] » relevant de la classe 3 et visés par la marque demandée n’étaient pas similaires aux produits « antipyrétiques » visés par la marque antérieure et relevant de la classe 5.

–       Sur les « produits de soins dentaires, dentifrices, préparations pour polir les prothèses dentaires; produits médicinaux de blanchissage des dents, bains de bouche, non à usage médical »

45      S’agissant des  « produits de soins dentaires, dentifrices, préparations pour polir les prothèses dentaires, produits médicinaux de blanchissage des dents, bains de bouche, non à usage médical » relevant de la classe 3 et visés par la marque demandée, la chambre de recours a considéré qu’ils n’étaient pas similaires aux produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et visés par la marque antérieure, dans la mesure où, bien qu’ils pouvaient s’adresser au même public et pouvaient être commercialisés par les mêmes canaux de distribution, ils n’étaient ni complémentaires ni concurrents et avaient une finalité et un mode d’utilisation différents.

46      La requérante estime que les produits en cause partagent un lien étroit, voire souvent de complémentarité, du fait que les produits visés par la marque demandée non seulement contribuent à l’hygiène personnelle, mais préviennent aussi des infections, et qu’ils ont une fonction connexe d’amélioration de la santé ainsi qu’une finalité thérapeutique.

47      En l’espèce, les « produits de soins dentaires, dentifrices, préparations pour polir les prothèses dentaires, produits médicinaux de blanchissage des dents, bains de bouche, non à usage médical » visés par la marque demandée constituent, pour la plupart d’entre eux, des produits d’hygiène buccale ou cosmétiques qui sont, notamment, destinés à des soins dentaires courants, dont l’usage se fait, généralement, de manière journalière. Ils se distinguent dès lors des produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et visés par la marque antérieure, qui poursuivent une finalité strictement médicale et dont l’usage est ponctuel.

48      Par ailleurs, comme indiqué au point 43 ci-dessus, un lien étroit caractéristique d’une complémentarité entre deux produits est établi dès lors que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits incombe à la même entreprise. Partant, un lien de complémentarité ne saurait être caractérisé en l’espèce pour les produits en cause. En effet, même si certains produits visés par la marque demandée, tel que les « produits de soins dentaires » relevant de la classe 3, peuvent être parfois conjointement utilisés avec les produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et visés par la marque antérieure, ils ne peuvent être, néanmoins, considérés comme étant indispensables ou importants pour l’utilisation de produits « antipyrétiques », dans la mesure où ces deux types de produits peuvent être utilisés de manière totalement indépendante l’un de l’autre.

49      Dans ces conditions, les « produits de soins dentaires, dentifrices, préparations pour polir les prothèses dentaires, produits médicinaux de blanchissage des dents, bains de bouche, non à usage médical » relevant de la classe 3 et visés par la marque demandée ne sont pas similaires aux produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et visés par la marque antérieure.

–       Sur les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; herbicides »

50      S’agissant des « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; herbicides » relevant de la classe 5 et visés par la marque demandée, la chambre de recours a estimé qu’ils n’étaient pas similaires aux produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et visés par la marque antérieure, dans la mesure où ils avaient une nature, une destination et un mode d’utilisation totalement différents. Notamment, elle a considéré que les produits visés par la marque demandée ne répondaient à aucun objectif médical, ou lié à la santé des personnes, contrairement aux produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et visés par la marque antérieure, et que les substances actives qu’ils contenaient n’avaient généralement pas de lien avec celles contenues dans les produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et visés par la marque antérieure. Elle a également estimé que les produits en cause étaient commercialisés par des canaux de distribution différents.

51      La requérante reconnaît que les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; herbicides » relevant de la classe 5 et visés par la marque demandée diffèrent des produits « antipyrétiques » visés par la marque antérieure, notamment du fait qu’ils ne sont pas, en général, commercialisés par les mêmes canaux de distribution. Elle estime toutefois qu’on peut les trouver dans les ménages et que, par conséquent, il ne peut être exclu que, en raison de la similitude des marques en conflit, un risque de confusion soit généré et qu’un des produits en cause soit fourni par erreur à un mineur, occasionnant une sérieuse intoxication. À ce titre, elle estime qu’une application du principe de précaution lors de la détermination de l’admissibilité de l’enregistrement est nécessaire.

52      En l’espèce, il convient de relever que, ainsi que l’affirme à juste titre l’EUIPO, la requérante confond, d’une part, le risque de confusion entre deux produits et, d’autre part, le risque de confusion de l’origine commerciale de ces deux produits. En effet, les dangers dont elle fait part proviennent du fait que le consommateur moyen n’aurait pas fait preuve d’un niveau d’attention et de vigilance suffisant dans son utilisation dudit produit et l’aurait confondu avec un autre, non d’un risque de confusion quant à l’origine commerciale des produits en cause. Or, seul le second risque est protégé au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et il est exclu lorsque les produits visés par les marques en conflit sont différents, ce qui est le cas en l’espèce, comme la requérante l’admet. Par conséquent, l’argument avancé par la requérante relatif au principe de précaution doit être écarté comme inopérant.

53      En outre, les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; herbicides »  relevant de la classe 5 et visés par la marque demandée n’ont pas de finalité médicale ni thérapeutique, dans la mesure où ils désignent des substances destinées à protéger les cultures contre les animaux et végétaux indésirables et nuisibles. Dès lors, les produits contestés diffèrent tant dans leur nature que dans leur finalité et leur utilisation, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par la requérante.

54      Par conséquent, il y a lieu de conclure que les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; herbicides »  relevant de la classe 5 et visés par la marque demandée ne sont pas similaires aux produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5 et visés par la marque antérieure.

55      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a constaté que les produits en cause mentionnés au point 17 ci-dessus étaient différents des produits couverts par la marque antérieure, ce qui en soi suffit pour rejeter le premier moyen du recours, tiré d’une violation de l’article 8, pragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

 Sur le second moyen, tiré d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou lui porte préjudice au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009

56      Par son second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, la requérante fait valoir que la marque antérieure possède un caractère distinctif et une renommée sur le territoire pertinent, de sorte que le consommateur moyen du public pertinent établira un lien mental entre les deux marques. Elle estime à cet égard que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirera indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure et leur portera préjudice.

57      L’EUIPO et l’intervenante contestent cette argumentation.

58      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque de l’Union europénne antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’Union européenne et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

59      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [voir arrêt du 13 décembre 2018, Monster Energy/EUIPO – Bösel (MONSTER DIP), T‑274/17, EU:T:2018:928, point 55 et jurisprudence citée].

60      S’agissant plus particulièrement de la quatrième des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, celle-ci vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Le premier type de risque visé par cette disposition est caractérisé lorsque la marque antérieure n’est plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée. Il vise la dilution de la marque antérieure à travers la dispersion de son identité et de son emprise sur l’esprit du public. Le deuxième type de risque visé est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être ressentis par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouve diminuée. Le troisième type visé est le risque que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée. Il convient cependant de souligner que, dans aucun de ces cas, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans toutefois devoir forcément les confondre [voir arrêt du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, points 36 à 42 et jurisprudence citée].

61      L’existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. En revanche, l’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 35 et 36).

62      En outre, il convient de rappeler que, aux fins d’établir l’existence d’un risque de préjudice ou de profit indu de la renommée ou du caractère distinctif de la marque antérieure par l’usage sans juste motif de la marque demandée, il convient de démontrer que l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, établit un lien entre la marque antérieure et le signe de la marque demandée, sans qu’il existe pour autant un risque de confusion entre celles-ci (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, C‑408/01, EU:C:2003:582, points 30 et 31).

63      L’existence d’un lien entre la marque antérieure et le signe de la marque demandée dans l’esprit du public pertinent doit être appréciée globalement, notamment au regard du degré de similitude entre les marques en conflit, de la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, de l’intensité de la renommée de la marque antérieure, du degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 41 et 42).

64      C’est au regard des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, comme le soutient la requérante, la chambre de recours a méconnu l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

65      La requérante avance que, vu le degré élevé de similitude entre les signes et la renommée de la marque antérieure, en cas de coexistence des marques sur le marché, il y aura inévitablement un risque de confusion ou d’association dans l’esprit du public pertinent. En effet, elle fait notamment valoir que ce dernier, confronté aux produits de la marque demandée, pourrait légitimement croire qu’il s’agit de nouveaux produits couverts par la marque antérieure et commercialisés sous une autre forme.

66      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

 Sur la similitude des marques en conflit

67      Le Tribunal rappelle que l’identité ou la similitude des marques en conflit est une condition nécessaire de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (ordonnance du 27 octobre 2010, Guedes – Indústria e Comércio/OHMI, C‑342/09 P, non publiée, EU:C:2010:639, point 25). Cette condition de similitude suppose, dans le cadre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 l’existence, notamment, d’éléments de ressemblance visuelle, phonétique ou conceptuelle entre les signes en conflit.

68      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en conflit, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée).

69      Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant. Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43 ).

70      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner si c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à la similitude des marques en conflit.

71      La requérante se contente de soutenir que les signes en conflit sont similaires à un degré élevé.

72      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

–       Sur la comparaison visuelle

73      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a conclu à un degré moyen de similitude visuelle entre les signes en conflit. Elle a constaté que lesdits signes étaient similaires, dans la mesure où leurs éléments verbaux partageaient la combinaison des lettres « a », « p », « i », « e » et « a ». En outre, les signes en conflit coïncideraient par leur partie initiale, ce qui renforcerait l’impression visuelle de similitude.

74      À titre liminaire, il convient de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, EU:T:2005:156, point 43 et jurisprudence citée].

75      Il ressort de la jurisprudence que la présence d’éléments figuratifs ayant une configuration particulière et originale est susceptible d’aboutir à ce que l’impression globale fournie par chaque signe soit différente [arrêt du 24 novembre 2005, Simonds Farsons Cisk/OHMI — Spa Monopole (KINJI by SPA), T‑3/04, EU:T:2005:418, point 48 ; voir également, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO AIRE), T‑156/01, EU:T:2003:198, point 74].

76      Il convient en outre de rappeler que, lorsque les signes sont composés d’éléments tant verbaux que figuratifs, en principe, les premiers ont un plus grand impact sur le consommateur que les seconds, et ce parce que le public n’analyse habituellement pas les signes et fera plus facilement référence aux signes en question en citant leur élément verbal qu’en décrivant leurs éléments figuratifs [voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2005, Wassen International/OHMI – Stroschein Gesundkost (SELENIUM-ACE), T‑312/03, EU:T:2005:289, point 37].

77      En outre, si le consommateur perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, ont une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [arrêt du 6 septembre 2013, Eurocool Logistik/OHMI – Lenger (EUROCOOL), T‑599/10, non publié, EU:T:2013:399, point 104 ; voir également, en ce sens, arrêts du 6 octobre 2004, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Krafft (VITAKRAFT), T‑356/02, EU:T:2004:292, point 51 ].

78      À cet égard, il a déjà été jugé que la partie initiale d’une marque avait normalement un impact plus fort, sur le plan visuel, que la partie finale de celle-ci [arrêt du 20 septembre 2018, UROAKUT, T‑266/17, EU:T:2018:569, point 51 ; voir également, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, EU:T:2010:347, point 62], de sorte que le consommateur prête, en général, plus d’attention à la partie initiale d’une marque qu’à sa fin [voir arrêt du 19 mai 2011, PJ Hungary/OHMI – Pepekillo (PEPEQUILLO), T‑580/08, EU:T:2011:227, point 77 et jurisprudence citée].

79      En l’espèce, il convient de relever que la marque demandée est une marque complexe, dans la mesure où elle est composée d’un élément figuratif et d’un élément verbal, qui est composé de sept lettres, écrites en caractères minuscules et dans deux couleurs. Les trois premières de ces lettres sont représentées en orange et les quatre lettres suivantes le sont en bleu. L’élément figuratif est composé du dessin stylisé d’une abeille, en couleur bleue et orange, et se trouvant au-dessus de la lettre « i ». Tout d’abord, l’utilisation de deux couleurs différentes permet au public pertinent de distinguer nettement et distinctement deux composants verbaux dans la marque demandée, à savoir « api » et « heal ». Ensuite, la présence d’une abeille située au-dessus de la partie initiale de l’élément verbal du signe, apparaissant en couleur vive, est susceptible de retenir l’attention du public pertinent, qui peut alors l’associer directement à l’élément « api », qui renvoie à l’apiculture,  terme lui-même dérivé du latin « apis » pour désigner une abeille. Il s’ensuit que la marque demandée sera susceptible d’être aisément distinguée en deux composants verbaux par le public pertinent dont l’un est susceptible d’être associé au dessin de l’abeille.

80      En revanche, la marque verbale antérieure n’offre pas, dans sa configuration visuelle, la même possibilité de distinguer aisément deux composants verbaux et sera perçue comme un tout par le public pertinent. Elle consiste en effet en un seul élément qui est un simple signe verbal, dépourvu de tout élément figuratif, composé de huit lettres.

81      Il en découle que les signes en conflit présentent des points de similitude sur le plan visuel, du fait d’un élément verbal de longueur proche, constitué de sept lettres pour la marque demandée et de huit lettres pour la marque antérieure, et de trois lettres communes « a », « p » et « i », placées dans le même ordre et notamment au début de chacun des signes. En revanche, l’utilisation des couleurs et le dessin de l’abeille constituent des différences notables. Il s’ensuit que les signes en conflit présentent un faible degré de similitude sur le plan visuel, et non moyen comme l’a estimé la chambre de recours.

–       Sur la comparaison phonétique

82      En ce qui concerne la comparaison phonétique des signes en conflit, la chambre de recours a conclu à un degré élevé de similitude, du fait, notamment, que leur partie initiale serait prononcée de manière identique et que le public pertinent les prononcerait avec un même nombre de quatre syllabes, soit, respectivement, « a », « pi », « e » et « al » et « a », « pi », « re » et « tal ».

83      En l’espèce, la prononciation de la partie initiale des signes en conflit, à savoir « api », est identique.

84      Par ailleurs, concernant la prononciation de la seconde partie des deux signes en conflit, compte tenu du fait que le public pertinent est espagnol, il est susceptible de prononcer l’élément « heal » contenu dans la marque demandée en deux syllabes, à savoir « he » et « al ». Il en découle que, outre le fait que leur prononciation coïncide de manière totalement identique dans leur partie initiale, les deux signes en conflit sont également susceptibles de présenter le même nombre de syllabes et les mêmes sonorités concernant les voyelles.

85      Toutefois, il y a lieu de relever que les signes en conflit présentent des différences phonétiques significatives. Ainsi, compte tenu des spécificités liées à la prononciation espagnole, il n’est pas exclu que le « h » présent dans le terme « heal » contenu dans la marque demandée soit prononcé de façon gutturale par un son proche de celui du terme « jota ». En conséquence, le signe de la marque demandée est susceptible d’être prononcé de la manière suivante : « apiéal » ou éventuellement « apirréal ». En revanche, la prononciation dentale de la consonne « r » et de la consonne « t » dans la marque antérieure est, quant à elle, de nature à induire une différenciation phonétique nette entre les deux signes en conflit.

86      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que les signes en conflit présentent un degré moyen de similitude sur le plan phonétique, et non élevé comme l’a retenu la chambre de recours.

–       Sur la comparaison conceptuelle

87      La chambre de recours a considéré, au point 51 de la décision attaquée, que, sur le plan conceptuel, la comparaison entre les signes en conflit était neutre, ces derniers n’ayant pas de signification claire pour le public pertinent. D’une part, dans la marque demandée, la signification en anglais de l’élément « heal » ne serait pas directement perçue par le public pertinent, étant donné qu’il ne s’agirait pas d’un terme de base et qu’il ne serait pas établi que le public espagnol l’ait intégré dans son vocabulaire. D’autre part, la chambre de recours estime que, dans la marque antérieure, le préfixe « api » ne serait assimilé à aucun concept concret.

88      Il convient, à titre liminaire, de rappeler que le public pertinent est composé tant de professionnels de la santé que du grand public, faisant preuve, dans les deux cas, d’un niveau d’attention élevé.

89      S’agissant du public spécialisé, celui-ci est susceptible de percevoir, en raison de ses connaissances médicales, l’élément « api », voire « apire », contenu dans la marque antérieure, comme renvoyant à la notion très spécifique d’« apyrexie », utilisée dans le domaine médical pour signifier l’absence de fièvre.

90      À cet égard, il convient de rappeler que les marques dites « évocatrices » sont usuelles dans le secteur des médicaments. Les références au domaine d’application et aux principes actifs des produits sont plus fréquentes dans le domaine de la pharmacologie [arrêts du 14 juillet 2011, Winzer Pharma/OHMI – Alcon (OFTAL CUSI), T‑160/09, non publié, EU:T:2011:379, point 80, et du 20 septembre 2018, UROAKUT, T‑266/17, EU:T:2018:569, point 43]. Le public spécialisé percevra donc l’élément verbal « api », voire « apire », contenu dans la marque antérieure comme une référence à la destination des produits « antipyrétiques » couverts par elle. L’élément initial « apire » est ainsi faiblement distinctif, dans la mesure où il fait allusion aux caractéristiques des produits en cause.

91      Concernant la marque demandée, le public spécialisé sera susceptible d’associer à la partie initiale de l’élément verbal de ladite marque, à savoir « api », le concept d’apiculture, voire de traitement par l’apiculture, et ce en raison de la présence d’une abeille ainsi que de la couleur différente utilisée pour cette partie initiale.

92      Les signes en conflit sont donc, pour le public spécialisé, conceptuellement différents.

93      S’agissant du grand public, il y a lieu de relever qu’il ne sera pas en mesure d’associer, contrairement au public spécialisé, la marque antérieure au concept d’« apyrexie », celui-ci étant une notion spécifique du domaine médical. En revanche, il pourra éventuellement voir « api » dans la marque antérieure comme renvoyant au domaine de l’apiculture, dans la mesure ou « api » est susceptible de se rattacher au mot « apiculture », un mot relativement courant qu’il connaît.

94      En ce qui concerne la marque demandée, le grand public sera susceptible d’associer la partie initiale de l’élément verbal de la marque demandée au domaine de l’apiculture, en raison de la présence d’une abeille et de l’utilisation de couleurs différentes qui soulignent l’élément « api ». Cette partie initiale « api » est ainsi faiblement distinctive, dans la mesure où elle renvoie à certaines caractéristiques des produits visés par la marque demandée, susceptibles de contenir des composants issus du miel ou liés à l’apiculture.

95      S’agissant de la marque demandée, le Tribunal estime que le public pertinent ne sera pas nécessairement susceptible d’associer le terme « heal » au domaine de la guérison et des soins de santé. Il est vrai que certains mots anglais peuvent être compris par le consommateur moyen, même s’il n’est pas anglophone et ne possède que certaines notions rudimentaires d’anglais [voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2016, Gervais Danone/EUIPO – Mahou (B’lue), T‑803/14, non publié, EU:T:2016:251, point 27]. Toutefois, en l’espèce, il ne s’agit pas d’un terme rudimentaire, en ce qu’il se rattache au domaine spécifique de la santé et en ce qu’il n’est pas couramment utilisé dans le langage ordinaire. Dès lors, le grand public n’associera pas nécessairement l’élément « heal » de la marque demandée au domaine de la guérison.

96      Partant, même à supposer que le grand public puisse être susceptible d’associer chacun des signes en conflit au domaine de l’apiculture, en raison de la partie commune « api », faiblement distinctive en raison de son caractère descriptif, les signes ne seront, pour le grand public, que tout au plus faiblement similaires sur le plan conceptuel, eu égard au fait que les secondes parties des signes en conflit, à savoir les éléments « retal » et « heal », divergent.

97      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, contrairement à l’appréciation de la chambre de recours, les signes en conflit seront, pour le public spécialisé, différents sur le plan conceptuel et, pour le grand public, tout au plus faiblement similaires sur ce même plan.

98      Il s’ensuit que les signes en conflit sont similaires à un faible degré sur le plan visuel et à un degré moyen sur le plan phonétique. Sur le plan conceptuel, ils sont différents pour le public spécialisé et, tout au plus, faiblement similaires pour le grand public.

 Sur la renommée de la marque antérieure

99      La requérante fait valoir que la marque antérieure possède un caractère distinctif et une solide renommée en Espagne et qu’elle occupe une position consolidée de chef de file dans le secteur pharmaceutique. Elle considère également que la marque antérieure bénéficie d’une image très positive quant à la qualité et aux caractéristiques des produits vendus.

100    L’EUIPO ne conteste pas que la renommée de la marque antérieure est établie.

101    L’intervenante estime, en substance, que les éléments de preuve produits par la requérante ne permettent pas d’établir la renommée de la marque antérieure pour les produits « antipyrétiques » relevant de la classe 5. L’intervenante considère, notamment, que les documents fournis par la requérante sont des documents élaborés par elle-même et que, par conséquent, leur valeur probante est inférieure à celle d’autres types de documents, tels que des rapports d’audits financiers. Elle avance également, en substance, qu’une partie des documents fournis étant datés de 2010 et une autre de 2000 à 2005, soit longtemps avant la demande d’enregistrement de la marque demandée, ceux-ci ne permettent pas de conclure à l’existence de la renommée de la marque antérieure.

102    Tout d’abord, il convient de rappeler que toute marque possède une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée. Ainsi, l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 assure la protection d’une marque renommée à l’égard de toute demande de marque identique ou similaire qui pourrait porter atteinte à son image, même si les produits visés par la marque demandée ne sont pas analogues à ceux pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée [arrêts du 22 mars 2007, VIPS, T‑215/03, EU:T:2007:93, point 35, et du 8 décembre 2011, Aktieselskabet af 21. november 2001/OHMI – Parfums Givenchy (only givenchy), T‑586/10, non publié, EU:T:2011:722, point 58].

103    De plus, le Tribunal rappelle que, selon la jurisprudence, pour satisfaire à la condition relative à la renommée, une marque nationale antérieure doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle [arrêt du 13 décembre 2004, El Corte Inglés/OHMI – Pucci (EMILIO PUCCI), T‑8/03, EU:T:2004:358, point 67 ; voir également, par analogie, arrêt du 14 septembre 1999, General Motors, C‑375/97, EU:C:1999:408, point 31]. La notion de partie significative du public concerné renvoie, en fonction du produit ou du service commercialisé, soit au grand public, soit à un public plus spécialisé tel qu’un milieu professionnel donné.

104    Dans l’examen de cette condition, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents en cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir (arrêt du 13 décembre 2004, EMILIO PUCCI, T‑8/03, EU:T:2004:358, point 67).

105    Toutefois, l’énumération qui précède n’ayant qu’un caractère illustratif, il ne saurait être exigé que la preuve de la renommée d’une marque porte sur l’ensemble de ces éléments [voir arrêt du 13 mai 2020, Divaro/EUIPO – Grendene (IPANEMA), T‑288/19, non publié, EU:T:2020:201, point 30 et jurisprudence citée].

106    Ainsi, il convient de procéder à une appréciation globale des éléments de preuve qui sont rapportés par le titulaire de la marque pour établir si cette dernière est renommée (voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2012, Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, EU:C:2012:285, point 72). En effet, il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 9 décembre 2010, Tresplain Investments/OHMI – Hoo Hing (Golden Elephant Brand), T‑303/08, EU:T:2010:505, point 106 et jurisprudence citée].

107    Il ressort des points 53 à 61 de la décision attaquée que la chambre de recours s’est appuyée sur les éléments de preuve produits par la requérante pour estimer que la marque antérieure était connue d’une partie significative du grand public pour les produits « antipyrétiques » qu’elle commercialise. Elle s’est notamment appuyée, au point 57 de la décision attaquée, sur un rapport d’évaluation de la notoriété de la marque antérieure élaboré par une entreprise d’études de marché en novembre 2010 (document no 1), qui donne des indications sur le degré de connaissance de la marque antérieure parmi le public pertinent pour identifier des produits pédiatriques « antipyrétiques » (86 %), sur sa part de marché dans le secteur concerné (qui, en juin 2010, dépassait les 28 %) ainsi que sur les investissements réalisés par la requérante en vue de promouvoir la marque antérieure (près de 100 000 euros en 2010). Elle a relevé en outre que, dans ledit rapport, les chiffres relatifs aux ventes de ce médicament dépasseraient les 7 millions d’euros et que ces chiffres, ainsi que les données reprises dans le rapport, étaient confirmés dans une déclaration sous serment réalisée par le gérant de la requérante. Au point 58 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est également appuyée sur des copies de factures pour des « antipyrétiques » visés par la marque antérieure, adressées à différents clients et portant sur d’importants volumes de vente au cours de la période allant de 2010 à 2015, la dernière datant du 29 décembre 2015. Même si les chiffres susmentionnés issus du rapport d’évaluation, ainsi que certaines factures, datent de 2010 ou de la période allant de 2010 à 2015, les éléments cités, pris dans leur ensemble, témoignent du fait que ladite marque était toujours présente sur le marché au moment du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée et permettent de considérer que la marque antérieure était connue d’une partie significative du grand public pour les produits « antipyrétiques » que la requérante commercialise.

108    En outre, il ressort du point 58 de la décision attaquée que la marque antérieure est également connue du public spécialisé du secteur pharmaceutique. La chambre de recours s’est notamment appuyée sur une attestation produite par la chambre de commerce de Barcelone (Espagne), datée du 26 novembre 2010 (document no 3), aux termes de laquelle la marque antérieure bénéficie d’un degré de connaissance suffisant dans le secteur pharmaceutique, et sur des catalogues et des extraits de sites Internet, qui témoignent du fait que la marque antérieure bénéficie d’une renommée sur le marché du médicament depuis 1980, date de l’apparition du signe correspondant à la marque antérieure sur le marché pharmaceutique.

109    Les arguments de l’intervenante ne sauraient remettre en cause de telles constatations. Tout d’abord, contrairement à ce que soutient l’intervenante, les éléments de preuves avancés par la requérante ne consistent pas tous en des éléments élaborés par elle-même. Ainsi, les documents nos 1 et 3, cités aux point 107 et 108   ci-dessus, consistent en un rapport d’évaluation de la notoriété de la marque antérieure élaboré par une entreprise d’études de marché en novembre 2010 (document no 1) et en une attestation obtenue de la chambre de commerce de Barcelone, datée du 26 novembre 2010 (document no 3).

110    S’agissant des éléments de preuve élaborés par la requérante, à savoir, notamment, le document no 2, qui consiste en une déclaration sous serment de son directeur, confirmant la véracité des informations contenues dans le document no 1, ceux-ci ne sauraient avoir, contrairement à ce qu’avance l’intervenante, une valeur probante inférieure à celle d’autres documents. En effet, il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence qu’une déclaration établie dans l’intérêt de son auteur nécessite, afin d’avoir une valeur probante, d’être corroborée par d’autres éléments [voir, en ce sens, arrêts du 23 septembre 2009, Cohausz/OHMI – Izquierdo Faces (acopat), T‑409/07, non publié, EU:T:2009:354, point 57, et du 13 janvier 2011, Park/OHMI – Bae (PINE TREE), T‑28/09, non publié, EU:T:2011:7, point 68]. En l’espèce, la déclaration sous serment signée par le directeur de la requérante est étayée par d’autres pièces objectives versées au dossier, à l’instar du document no 3 et des documents nos 7, 8, 9 et 10, qui consistent en un nombre important de factures correspondant à des produits identifiés par la marque antérieure, des catalogues et des extraits de site Internet. Dès lors, il y a lieu de constater que les informations contenues dans le document no 2 sont étayées par des preuves objectives.

111    De plus, le fait qu’une partie des documents fournis par la requérante renvoient à une période qui précède de près de cinq ans le moment auquel il y a lieu d’apprécier l’existence de la renommée de la marque antérieure, à savoir le 27 juillet 2015, n’est pas de nature à remettre en cause la valeur probante desdits documents, contrairement à ce que fait valoir l’intervenante.

112    À cet égard, il convient de rappeler que la renommée d’une marque antérieure doit être établie à la date de dépôt de la demande de marque contestée. Toutefois, les documents portant une date antérieure à cette date ne sauraient être privés de valeur probante s’ils permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date. Il ne saurait être exclu a priori qu’un document établi un certain temps avant ou après cette date puisse contenir des indications utiles compte tenu du fait que la renommée d’une marque s’acquiert, en général, progressivement [voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2018, VF International/EUIPO – Virmani (ANOKHI), T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, points 103 et 104]. Dès lors, les éléments de preuve avancés par la requérante qui sont antérieurs à la date de dépôt de la demande de marque contestée ne sauraient être privés de valeur probante au seul motif qu’ils portent une date antérieure de cinq ans à la demande de dépôt de la demande de marque contestée.

113    Au surplus, il ressort des points 58 et 60 de la décision attaquée que, pour conclure à la renommée de la marque antérieure, la chambre de recours s’est également appuyée sur des éléments plus récents produits par la requérante, incluant notamment des extraits du site Internet de celle-ci, des extraits de la page web « www.vademecum.es » datés du 20 novembre 2014, concernant les « antipyrétiques » visés par la marque antérieure, plusieurs extraits de catalogues datés, notamment, du 20 novembre 2014 et du 11 janvier 2017, concernant lesdits antipyrétiques vendus dans différentes pharmacies ainsi que des copies de factures, mentionnées au point 107 ci-dessus.

114    Eu égard à ces éléments, au fait que la marque antérieure bénéficie d’une renommée sur le marché du médicament depuis 1980, ainsi qu’il ressort du point 58 de la décision attaquée, aux chiffres de 2010 relatifs à l’investissement et à la part de marché de la marque antérieure évoqués aux points 53 à 61 de la décision attaquée, à l’importance et à la taille dudit marché, il existe des indications que la marque antérieure était toujours connue d’une partie significative du public pertinent en 2015, dans la continuité de la situation établie dans le rapport de 2010.

115    Ensuite, s’agissant de l’argument de l’intervenante selon lequel les documents nos 4 à 6, qui consistent en des informations concernant l’Instituto para el uso seguro de los medicamentos (Institut pour l’utilisation sûre des médicaments, Espagne), délégation espagnole de l’Institute for Safe Medication Practices (ISMP), et en des copies de certains bulletins de cette organisation, ne seraient pas pertinents pour démontrer la renommée de la marque antérieure, force est de constater qu’elle ne produit aucun argument remettant en cause la valeur probante desdits documents.

116    Enfin, en tout état de cause, il y a lieu de relever que, conformément à la jurisprudence citée aux points 105 et 106 ci-dessus, la renommée de la marque antérieure s’apprécie de manière gobale eu égard à l’ensemble des éléments de preuves fournis par la requérante. En l’espèce, il ressort des points 107 et 108  ci-dessus que la chambre de recours s’est appuyée sur un ensemble d’éléments probants, démontrant que la renommée de la marque antérieure était établie sur le territoire pertinent.

117    Dès lors, il y a lieu de conclure que la renommée de la marque antérieure est établie sur le territoire pertinent.

118    Toutefois, il convient de rappeler que le seul fait que la renommée de la marque antérieure soit établie sur le territoire pertinent ne permet pas de conclure à ce que le public pertinent soit susceptible d’établir un lien entre les marques en conflit.

 Sur le lien entre les marques en conflit

119    Il ressort du point 63 ci-dessus que l’existence d’un lien entre les marques en conflit doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, tels que le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public.

120    En l’espèce, il convient de rappeler que, même si, ainsi qu’il a été conclu au point 55  ci-dessus, le Tribunal a constaté que les produits visés par la marque demandée n’étaient pas similaires aux produits visés par la marque antérieure, cela ne permet pas d’exclure qu’un lien puisse exister entre les marques en conflit.

121    S’agissant des facteurs pertinents aux fins d’examiner l’existence d’un lien entre les marques en conflit, il doit être relevé que, certes, le public pertinent possède, en l’espèce, un niveau d’attention élevé et les signes en conflit sont similaires. De surcroît, la chambre de recours a estimé que la marque antérieure jouissait d’un caractère distinctif intrinsèque normal qui s’était vu augmenté du fait de son usage sur le marché, ce qui n’est pas contesté par l’intervenante. Enfin, la marque antérieure doit être considérée comme possédant une renommée. Néanmoins, le consommateur moyen intéressé par les produits en cause relevant des classes 3 et 5 et visés par la marque demandée ne sera pas susceptible d’établir, contrairement à ce que soutient la requérante, un lien entre ladite marque et la marque antérieure, qui vise les « antipyrétiques ». De même, le consommateur moyen intéressé par les « antipyrétiques » visés par la marque antérieure ne sera pas susceptible d’établir un lien entre ladite marque et la marque demandée. Les signes ne sont en effet similaires qu’à un faible degré sur le plan visuel et à un degré moyen sur le plan phonétique, tandis que, sur le plan conceptuel, ils sont différents pour le public spécialisé et tout au plus faiblement similaires pour le grand public. De plus, les similitudes entre les signes en conflit sont dues à une partie commune faiblement distinctive. Dès lors, même si la renommée de la marque antérieure est élevée, eu égard à l’ensemble des facteurs pertinents susmentionnés, il y a lieu de conclure que le public pertinent n’est pas susceptible d’établir un lien entre les marques en conflit.

122    Dès lors, l’existence d’une possibilité de lien entre les marques en conflit n’étant pas caractérisée, l’existence d’un risque de préjudice ou de profit indu de la renommée ou du caractère distinctif de la marque antérieure par l’usage sans juste motif de la marque demandée ne peut pas non plus être établie, conformément à la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus. Partant, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu au rejet de l’opposition formée par la requérante sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

123    Il découle de l’ensemble de ce qui précède que le second moyen doit être rejeté ainsi que le recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par l’EUIPO et l’intervenante, tirée de l’irrecevabilité du deuxième chef de conclusions de la requérante, ainsi que sur la fin de non-recevoir soulevée par l’intervenante, tirée de l’irrecevabilité de l’annexe 7 de la requête.

 Sur les dépens

124    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

125    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Laboratorios Ern, SA est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 octobre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.