ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

10 avril 2018 (*)

« Renvoi préjudiciel – Services dans le domaine des transports – Directive 2006/123/CE – Services dans le marché intérieur – Directive 98/34/CE – Services de la société de l’information – Règle relative aux services de la société de l’information – Notion – Service d’intermédiation permettant, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, de mettre en relation contre rémunération des chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes souhaitant effectuer des déplacements urbains – Sanctions pénales »

Dans l’affaire C‑320/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le tribunal de grande instance de Lille (France), par décision du 17 mars 2016, parvenue à la Cour le 6 juin 2016, dans la procédure pénale contre

Uber France SAS,

en présence de :

Nabil Bensalem,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano, vice‑président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. M. Ilešič, A. Rosas, J. Malenovský et E. Levits, présidents de chambre, MM. E. Juhász, A. Borg Barthet, D. Šváby (rapporteur), Mme K. Jürimäe, MM. C. Lycourgos et M. Vilaras, juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : Mme V. Giacobbo-Peyronnel, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 avril 2017,

considérant les observations présentées :

–        pour Uber France SAS, par Mes Y. Chevalier, Y. Boubacir et H. Calvet, avocats,

–        pour M. Bensalem, par Me T. Ismi-Nedjadi, avocat,

–        pour le gouvernement français, par MM. D. Colas et R. Coesme, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement estonien, par Mme N. Grünberg, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement néerlandais, par Mmes H. Stergiou et M. Bulterman, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement finlandais, par M. S. Hartikainen, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mmes H. Tserepa-Lacombe, J. Hottiaux et Y. G. Marinova, ainsi que par MM. G. Braga da Cruz et F. Wilman, en qualité d’agents,

–        pour l’Autorité de surveillance AELE, par MM. C. Zatschler, Ø. Bø et Mmes M. L. Hakkebo et C. Perrin, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 4 juillet 2017,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 1er et de l’article 8, paragraphe 1, de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 1998, L 204, p. 37), telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998 (JO 1998, L 217, p. 18) (ci-après la « directive 98/34 »), ainsi que de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure engagée devant un tribunal correctionnel, saisi par voie de citation directe avec constitution de partie civile, contre Uber France SAS, pour des faits d’organisation illégale d’un système de mise en relation de chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes souhaitant effectuer des déplacements urbains.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 98/34

3        L’article 1er, points 2, 5, 11 et 12, de la directive 98/34 énonce :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

[...]

2)      “service” : tout service de la société de l’information, c’est-à-dire tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d’un destinataire de services.

Aux fins de la présente définition, on entend par :

–        les termes “à distance” : un service fourni sans que les parties soient simultanément présentes,

–        “par voie électronique” : un service envoyé à l’origine et reçu à destination au moyen d’équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données, et qui est entièrement transmis, acheminé et reçu par fils, par radio, par moyens optiques ou par d’autres moyens électromagnétiques,

–        “à la demande individuelle d’un destinataire de services” : un service fourni par transmission de données sur demande individuelle.

Une liste indicative des services non visés par cette définition figure à l’annexe V.

[...]

5)      “règle relative aux services” : une exigence de nature générale relative à l’accès aux activités de services visées au point 2 et à leur exercice, notamment les dispositions relatives au prestataire de services, aux services et au destinataire de services, à l’exclusion des règles qui ne visent pas spécifiquement les services définis au même point.

[...]

Aux fins de la présente définition :

–        une règle est considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information lorsque, au regard de sa motivation et du texte de son dispositif, elle a pour finalité et pour objet spécifiques, dans sa totalité ou dans certaines dispositions ponctuelles, de réglementer de manière explicite et ciblée ces services,

–        une règle n’est pas considérée comme visant spécifiquement les services de la société de l’information si elle ne concerne ces services que d’une manière implicite ou incidente.

[...]

11)      “règle technique” : une spécification technique ou autre exigence ou une règle relative aux services, y compris les dispositions administratives qui s’y appliquent, dont l’observation est obligatoire de jure ou de facto, pour la commercialisation, la prestation de services, l’établissement d’un opérateur de services ou l’utilisation dans un État membre ou dans une partie importante de cet État, de même que, sous réserve de celles visées à l’article 10, les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation ou l’utilisation d’un produit ou interdisant de fournir ou d’utiliser un service ou de s’établir comme prestataire de services.

[...]

12)      “projet de règle technique” : le texte d’une spécification technique, ou d’une autre exigence ou d’une règle relative aux services, y compris de dispositions administratives, qui est élaboré dans le but de l’établir ou de la faire finalement établir comme une règle technique et qui se trouve à un stade de préparation où il est encore possible d’y apporter des amendements substantiels. »

4        L’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive dispose :

« Sous réserve de l’article 10, les États membres communiquent immédiatement à la Commission tout projet de règle technique, sauf s’il s’agit d’une simple transposition intégrale d’une norme internationale ou européenne, auquel cas une simple information quant à la norme concernée suffit. Ils adressent également à la Commission une notification concernant les raisons pour lesquelles l’établissement d’une telle règle technique est nécessaire, à moins que ces raisons ne ressortent déjà du projet. »

5        Conformément aux articles 10 et 11 de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil, du 9 septembre 2015, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 2015, L 241, p. 1), la directive 98/34 a été abrogée le 7 octobre 2015.

 La directive 2006/123

6        Aux termes du considérant 21 de la directive 2006/123, « [l]es services de transport, y compris les transports urbains, les taxis et les ambulances, ainsi que les services portuaires, devraient être exclus du champ d’application de [cette] directive ».

7        L’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123 prévoit que celle-ci ne s’applique pas aux services dans le domaine des transports, y compris les services portuaires, qui entrent dans le champ d’application du titre V du traité CE, qui est devenu le titre VI de la troisième partie du traité FUE.

 Le droit français

8        La loi no 2014-1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur (JORF du 2 octobre 2014, p. 15938) a inséré dans le code des transports un article L. 3124-13, libellé comme suit :

« Est puni de deux ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent aux activités mentionnées à l’article L. 3120‑1[, à savoir les prestations de transport routier de personnes effectuées à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places, à l’exclusion des transports publics collectifs et du transport privé routier de personnes,] sans être ni des entreprises de transport routier pouvant effectuer les services occasionnels mentionnés au chapitre II du titre Ier du présent livre, ni des taxis, des véhicules motorisés à deux ou trois roues ou des voitures de transport avec chauffeur au sens du présent titre.

Les personnes morales déclarées responsables pénalement du délit prévu au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38 du code pénal, les peines prévues aux 2° à 9° de l’article 131-39 du même code. L’interdiction mentionnée au 2° du même article 131-39 porte sur l’activité dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. Les peines prévues aux 2° à 7° dudit article ne peuvent être prononcées que pour une durée maximale de cinq ans. »

9        L’article 131-39, points 2 à 9, du code pénal prévoit :

« Lorsque la loi le prévoit à l’encontre d’une personne morale, un crime ou un délit peut être sanctionné d’une ou de plusieurs des peines suivantes :

[...]

2°      L’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales ;

3°      Le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;

4°      La fermeture définitive ou pour une durée de cinq ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;

5°      L’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;

6°      L’interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, de procéder à une offre au public de titres financiers ou de faire admettre ses titres financiers aux négociations sur un marché réglementé ;

7°      L’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ou d’utiliser des cartes de paiement ;

8°      La peine de confiscation, dans les conditions et selon les modalités prévues à l’article 131-21 ;

9°      L’affichage de la décision prononcée ou la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique. »

 Le litige au principal et la question préjudicielle

10      Uber France fournit, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, un service dénommé « Uber Pop », par lequel elle met en relation des chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes souhaitant effectuer des déplacements urbains. Dans le cadre du service fourni au moyen de cette application, ladite société, ainsi que l’a relevé le tribunal de grande instance de Lille (France) dans la décision de renvoi, fixe les tarifs, collecte le prix de chaque course auprès du client avant d’en reverser une partie au chauffeur non professionnel du véhicule, et édite les factures.

11      Uber France est poursuivie devant ce tribunal, saisi par voie de citation directe avec constitution de partie civile de M. Nabil Bensalem, premièrement, pour des faits, commis à compter des 2 février et 10 juin 2014, de pratiques commerciales trompeuses, deuxièmement, à compter du 10 juin 2014, pour des faits de complicité d’exercice illégal de la profession de taxi, ainsi que, troisièmement, à compter du 1er octobre 2014, pour des faits d’organisation illégale d’un système de mise en relation de clients avec des personnes qui se livrent au transport routier de personnes à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places.

12      Par un jugement du 17 mars 2016, le tribunal de grande instance de Lille a déclaré Uber France coupable des chefs de pratique commerciale trompeuse et a relaxé cette société du chef de complicité d’exercice illégal de la profession de taxi.

13      S’agissant du chef d’organisation illégale d’un système de mise en relation de clients avec des conducteurs non professionnels, incriminé au titre de l’article L. 3124-13 du code des transports, ledit tribunal a éprouvé des doutes quant au point de savoir si cette disposition devait être regardée comme instituant une « règle relative aux services » de la société de l’information, au sens de l’article 1er, point 5, de la directive 98/34, dont le défaut de notification, conformément à l’article 8, paragraphe 1, de cette dernière directive, impliquerait son inopposabilité aux particuliers, ou plutôt une règle relative aux « services dans le domaine des transports », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123.

14      Dans ces conditions, le tribunal de grande instance de Lille a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« L’article L. 3124-13 du code des transports, issu de la loi no 2014‑1104 du 1er octobre 2014 relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur, est‑il constitutif d’une règle technique nouvelle, non implicite, relative à un ou plusieurs services de la société de l’information au sens de la [directive 98/34], qui rendait obligatoire une notification préalable de ce texte à la Commission européenne en application de l’article 8 de cette directive ; ou ressort-il de la [directive 2006/123], laquelle exclut en son article [2, paragraphe 2, sous d),] les transports ?

En cas de réponse positive à la première branche de la question, la méconnaissance de l’obligation de notification prévue à l’article 8 de la [directive 98/34] entraîne-t-elle l’inopposabilité de l’article L. 3124-13 du code des transports aux justiciables ? »

 Sur la question préjudicielle

15      Par la première partie de sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er de la directive 98/34 et l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123 doivent être interprétés en ce sens qu’une réglementation nationale qui sanctionne pénalement le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui fournissent des prestations de transport routier de personnes à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places, sans disposer d’une habilitation à cet effet, doit être qualifiée de règle relative aux services de la société de l’information, soumise à l’obligation de notification préalable à la Commission prévue à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/34, ou si, au contraire, une telle réglementation porte sur un service dans le domaine des transports, exclu du champ d’application de la directive 98/34 ainsi que de celui de la directive 2006/123.

16      À titre liminaire, il convient de relever que la réglementation en cause au principal sanctionne de peines de nature pénale, telles que l’emprisonnement, l’amende, l’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou sociale, la fermeture d’établissements de l’entreprise ainsi que la confiscation, le fait d’organiser un système de mise en relation de clients avec des personnes qui fournissent, sans autorisation, des prestations de transport routier de personnes.

17      Dans l’affaire au principal, le service en cause consiste à mettre en relation, au moyen d’une application pour téléphone intelligent et contre rémunération, des conducteurs non professionnels avec des personnes souhaitant effectuer un déplacement urbain, et dans le cadre duquel, ainsi qu’il a été exposé au point 10 du présent arrêt, le prestataire dudit service fixe les tarifs, collecte le prix de chaque course auprès du client avant d’en reverser une partie au chauffeur non professionnel du véhicule, et édite les factures.

18      Saisie à titre préjudiciel dans le cadre d’un litige de nature civile, la Cour a eu l’occasion de préciser, dans son arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi (C‑434/15, EU:C:2017:981), la qualification juridique d’un tel service au regard du droit de l’Union.

19      Ainsi, la Cour a d’abord considéré qu’un service d’intermédiation, qui permet la transmission, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, des informations relatives à la réservation du service de transport entre le passager et le chauffeur non professionnel utilisant son propre véhicule qui effectuera le transport, répond, en principe, aux critères permettant de le qualifier de « service de la société de l’information », au sens de l’article 1er, point 2, de la directive 98/34 (arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi, C‑434/15, EU:C:2017:981, point 35).

20      Toutefois, la Cour a relevé que le service d’intermédiation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt ne se résumait pas à un service d’intermédiation consistant à mettre en relation, au moyen d’une application pour téléphone intelligent, des chauffeurs non professionnels utilisant leur propre véhicule avec des personnes souhaitant effectuer un déplacement urbain (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi, C‑434/15, EU:C:2017:981, point 37).

21      À cet égard, la Cour a constaté que le service d’intermédiation fourni par la société concernée était lié indissociablement à l’offre de services de transport urbain non collectif créée par celle-ci, compte tenu, en premier lieu, du fait que cette société fournissait une application sans laquelle ces chauffeurs n’auraient pas été amenés à fournir des services de transport, et les personnes désireuses d’effectuer un déplacement urbain n’auraient pas eu recours aux services desdits chauffeurs, et, en second lieu, du fait que ladite société exerçait une influence décisive sur les conditions de la prestation de tels chauffeurs, notamment en fixant le prix maximum de la course, en collectant ce prix auprès du client avant d’en reverser une partie au chauffeur non professionnel du véhicule, et en exerçant un certain contrôle sur la qualité des véhicules et de leurs chauffeurs ainsi que sur le comportement de ces derniers, pouvant entraîner, le cas échéant, leur exclusion (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi, C‑434/15, EU:C:2017:981, points 38 et 39).

22      La Cour a conclu, sur la base de ces éléments, que le service d’intermédiation en cause dans cette affaire devait être considéré comme faisant partie intégrante d’un service global dont l’élément principal était un service de transport et, partant, comme répondant à la qualification non pas de « service de la société de l’information », au sens de l’article 1er, point 2, de la directive 98/34, mais de « service dans le domaine des transports », au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123 (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi, C‑434/15, EU:C:2017:981, point 40).

23      La Cour en a notamment déduit que ce service d’intermédiation ne se trouvait pas régi par la directive 2006/123, étant donné que les services dans le domaine des transports figurent, aux termes de l’article 2, paragraphe 2, sous d), de cette directive, parmi les services expressément exclus du champ d’application de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Asociación Profesional Elite Taxi, C‑434/15, EU:C:2017:981, point 43).

24      Cette conclusion vaut, pour les mêmes raisons, s’agissant du service d’intermédiation en cause au principal, dès lors qu’il ressort des informations dont dispose la Cour que ce service ne se distingue pas substantiellement de celui qui est décrit au point 21 du présent arrêt, ce qu’il appartient toutefois à la juridiction de renvoi de vérifier.

25      Ainsi, sous réserve de cette vérification, une réglementation telle que celle en cause au principal, invoquée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre la société fournissant ledit service d’intermédiation, ne saurait relever de la directive 2006/123.

26      Il s’ensuit que cette réglementation ne saurait être qualifiée de règle relative aux services de la société de l’information, au sens de l’article 1er de la directive 98/34, et n’est donc pas soumise à l’obligation de notification préalable à la Commission prévue à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de cette directive.

27      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première partie de la question posée que l’article 1er de la directive 98/34 et l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123 doivent être interprétés en ce sens qu’une réglementation nationale, qui sanctionne pénalement le fait d’organiser un système de mise en relation de clients et de personnes qui fournissent des prestations de transport routier de personnes à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places, sans disposer d’une habilitation à cet effet, porte sur un « service dans le domaine des transports » en tant qu’elle s’applique à un service d’intermédiation fourni au moyen d’une application pour téléphone intelligent et qui fait partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est le service de transport. Un tel service est exclu du champ d’application de ces directives.

28      Compte tenu de la réponse apportée à la première partie de la question, il n’y a pas lieu de répondre à la seconde partie de cette dernière, qui concerne l’hypothèse dans laquelle une telle réglementation aurait dû, en tant qu’elle s’applique à un service tel que celui en cause au principal, faire l’objet d’une notification conformément à l’article 8, paragraphe 1, premier alinéa, de la directive 98/34.

 Sur les dépens

29      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit :

L’article 1er de la directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, telle que modifiée par la directive 98/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 juillet 1998, et l’article 2, paragraphe 2, sous d), de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, doivent être interprétés en ce sens qu’une réglementation nationale, qui sanctionne pénalement le fait d’organiser un système de mise en relation de clients et de personnes qui fournissent des prestations de transport routier de personnes à titre onéreux avec des véhicules de moins de dix places, sans disposer d’une habilitation à cet effet, porte sur un « service dans le domaine des transports » en tant qu’elle s’applique à un service d’intermédiation fourni au moyen d’une application pour téléphone intelligent et qui fait partie intégrante d’un service global dont l’élément principal est le service de transport. Un tel service est exclu du champ d’application de ces directives.

Lenaerts

Tizzano

Silva de Lapuerta

Ilešič

Rosas

Malenovský

Levits

Juhász

Borg Barthet

Šváby

Jürimäe

Lycourgos

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 avril 2018.

Le greffier

 

Le président

A. Calot Escobar

 

K. Lenaerts


*      Langue de procédure : le français.