ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

14 juillet 1998 (1)

«Recours en annulation — Règlement (CEE) n° 816/92 — Délai de recours — Recevabilité — Recours en indemnisation — Organisation commune du marché du lait et des produits laitiers — Quantités de référence — Prélèvement supplémentaire — Réduction des quantités de référence sans indemnisation»

Dans l'affaire T-119/95,

Alfred Hauer, demeurant à Niederweiler (Allemagne), représenté par Mes Matthias François et Heinz Neuhaus, avocats à Bitburg, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Annick Wurth, 100, boulevard de la Pétrusse,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par M. Arthur Brautigam, conseiller juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

et

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Klaus-Dieter Borchardt, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à

Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande d'annulation du règlement (CEE) n° 816/92 du Conseil, du 31 mars 1992, modifiant le règlement (CEE) n° 804/68 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 86, p. 83), ainsi qu'une demande de réparation des dommages subis par le requérant du fait de l'application dudit règlement,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. W. Bellamy et R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 4 mars 1998,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    En 1984, pour combattre une surproduction de lait dans la Communauté, le Conseil a adopté le règlement (CEE) n° 856/84, du 31 mars 1984, modifiant le règlement (CEE) n° 804/68 portant organisation commune des marchés dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 90, p. 10). Ce règlement, en insérant un nouvel article 5 quater dans le règlement (CEE) n° 804/68 du Conseil, du 27 juin 1968 (JO L 148, p. 13, ci-après «règlement n° 804/68»), a institué, pendant cinq périodes consécutives de douze mois débutant le 1er avril 1984, un prélèvement supplémentaire sur les quantités de lait livrées et dépassant une quantité de référence («quota»), à déterminer pour chaque producteur ou acheteur (paragraphe 1 du nouvel article 5 quater), dans la limite d'une «quantité globale garantie» fixée pour chaque État membre, égale à la somme des quantités de lait livrées pendant l'année civile 1981, augmentée de 1 % (paragraphe 3), et complétée, le cas échéant, par une quantité supplémentaire provenant de la «réserve communautaire» (paragraphe 4). Le prélèvement supplémentaire pouvait,

au choix de l'État membre, être appliqué soit aux producteurs, selon la quantité de leurs livraisons («formule A»), soit aux acheteurs, selon les quantités qui leur avaient été livrées par des producteurs, auquel cas il serait répercuté sur les producteurs, au prorata de leurs livraisons («formule B»).

2.
    En 1986, au vu de la persistance de la situation excédentaire dans le secteur du lait, les quantités globales garanties ont été réduites de 2 % pour la période 1987/1988 et de 1 % pour la période 1988/1989, sans indemnité, par le règlement (CEE) n° 1335/86 du Conseil, du 6 mai 1986, modifiant le règlement n° 804/68 (JO L 119, p. 19), et le règlement (CEE) n° 1343/86 du Conseil, du 6 mai 1986, modifiant le règlement (CEE) n° 857/84, portant règles générales pour l'application du prélèvement visé à l'article 5 quater du règlement n° 804/68 dans le secteur du lait et des produits laitiers (JO L 119, p. 34). Cette réduction a été accompagnée d'un régime d'indemnisation pour l'abandon de la production, introduit par le règlement (CEE) n° 1336/86 du Conseil, du 6 mai 1986, fixant une indemnité à l'abandon définitif de la production laitière (JO L 119, p. 21).

3.
    En 1987, le règlement (CEE) n° 775/87 du Conseil, du 16 mars 1987, relatif à la suspension temporaire d'une partie des quantités de référence visées à l'article 5 quater, paragraphe 1, du règlement n° 804/68 (JO L 78, p. 5, ci-après «règlement n° 775/87»), a suspendu, à titre temporaire, 4 % de chaque quantité de référence pour la période 1987/1988 et 5,5 % pour la période 1988/1989. En contrepartie de cette suspension, les producteurs recevaient une indemnité de 10 écus par 100 kg pour chacune de ces périodes.

4.
    Le règlement (CEE) n° 1111/88 du Conseil, du 25 avril 1988, modifiant le règlement n° 775/87 (JO L 110, p. 30, ci-après «règlement n° 1111/88»), a ensuite maintenu pour trois nouvelles périodes de douze mois (1989/1990, 1990/1991 et 1991/1992) la suspension temporaire de 5,5 % des quantités de référence prévue par le règlement n° 775/87. L'article 1er, paragraphe 2, de ce règlement prévoyait que la suspension devait être compensée par le versement direct d'une indemnité dégressive de 8 écus par 100 kg pour 1989/1990, de 7 écus par 100 kg pour 1990/1991 et de 6 écus par 100 kg pour 1991/1992.

5.
    En 1989, le règlement (CEE) n° 3879/89 du Conseil, du 11 décembre 1989, modifiant le règlement n° 804/68 (JO L 378, p. 1), a diminué les quantités globales garanties dans une proportion de 1 %, afin d'augmenter la réserve communautaire et de permettre ainsi la réattribution des quantités de référence supplémentaires à des producteurs moins favorisés. En même temps, pour maintenir inchangé le niveau des quantités de référence non suspendues, le taux des quantités de référence temporairement suspendues a été diminué de 5,5 à 4,5 % par le règlement (CEE) n° 3882/89 du Conseil, du 11 décembre 1989, modifiant le règlement n° 775/87 (JO L 378, p. 6), lequel a aussi majoré l'indemnité prévue par le règlement n° 1111/88, respectivement à 10 écus, 8,5 écus et 7 écus par 100 kg, pour chacune des périodes d'application.

6.
    En 1991, le règlement (CEE) n° 1630/91 du Conseil, du 13 juin 1991, modifiant le règlement n° 804/68 (JO L 150, p. 19), a effectué une nouvelle réduction de 2 % des quantités globales garanties, qui a été indemnisée dans la mesure prévue par les articles 1er et 2 du règlement (CEE) n° 1637/91 du Conseil, du 13 juin 1991, fixant une indemnité relative à la réduction des quantités de référence visées à l'article 5 quater du règlement n° 804/68 et une indemnité à l'abandon définitif de la production laitière (JO L 150, p. 30).

7.
    Ensuite, le règlement (CEE) n° 816/92 du Conseil, du 31 mars 1992, modifiant le règlement n° 804/68 (JO L 86, p. 83, ci-après «règlement n° 816/92»), a prorogé, pour la période allant du 1er avril 1992 au 31 mars 1993, le régime de réduction des quantités de référence au taux de 4,5 %, sans prévoir aucune indemnisation.

8.
    Les deux premiers considérants du règlement n° 816/92 sont rédigés comme suit:

«considérant que le régime de prélèvement supplémentaire établi par l'article 5 quater du règlement n° 804/68 [...] vient à échéance le 31 mars 1992; qu'un nouveau régime applicable jusqu'à l'an 2000 doit être arrêté dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune; qu'il convient, dès lors, dans l'intervalle, de poursuivre le régime actuel pour une neuvième période de douze mois; que, conformément aux propositions de la Commission, la quantité globale fixée aux termes du présent règlement est susceptible d'être réduite, contre indemnité, pour ladite période afin de poursuivre l'effort d'assainissement déjà entrepris;

considérant que la suspension temporaire d'une partie des quantités de référence de la quatrième à la huitième période de douze mois, aux termes du règlement n° 775/87 [...] a été rendue nécessaire par la situation du marché; que la persistance de la situation excédentaire exige que 4,5 % des quantités de référence des livraisons ne soient pas retenues pour la neuvième période dans les quantités globales garanties; que, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, le Conseil décidera définitivement de l'avenir de ces quantités; que, dans cette hypothèse, il convient de préciser le montant pour chaque État membre des quantités concernées.»

9.
    L'article 1er, paragraphe 3, du même règlement modifie l'article 5 quater, paragraphe 3, du règlement n° 804/68, en y ajoutant le point suivant:

«g)    pour la période de douze mois allant du 1er avril 1992 au 31 mars 1993, la quantité globale est établie comme suit en milliers de tonnes, sans préjudice en cours de période, compte tenu des propositions de la Commission dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune, d'une réduction de 1 % calculée sur les quantités visées au deuxième alinéa du présent paragraphe:

    [...]

    Allemagne 27 154,205

    [...]

    Les quantités visées au règlement n° 775/87 et qui ne sont pas retenues au premier alinéa sont les suivantes en milliers de tonnes:

    [...]

    Allemagne 1 360,215

    [...]

    Le Conseil décidera définitivement sur l'avenir de ces quantités dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune.»

Faits à l'origine du litige

10.
    Le requérant est producteur de lait en Allemagne. Conformément aux règles sur l'organisation commune des marchés du lait et des produits laitiers, sa production laitière était limitée, à l'époque des faits, à une quantité de référence fixée par l'administration nationale sur la base de la quantité livrée au cours d'une année de référence. Il disposait en outre d'une quantité de référence supplémentaire, qu'il avait achetée auprès des autorités allemandes au cours des années 1990 et 1991.

11.
    Par décision du 29 juin 1992, la laiterie Erbeskopf eG, établie à Thalfang (Allemagne), a suspendu sans indemnité 4,74 % de la quantité de référence du requérant, conformément aux dispositions combinées de l'article 4 b VI et de l'article 4 c VI de la Milch-Garantiemengen-Verordnung, réglementation nationale sur les quantités de référence reprenant les dispositions communautaires applicables.

12.
    Le requérant a introduit, contre cette décision, une réclamation qui a été rejetée le 17 août 1993 par les autorités allemandes compétentes. Ce rejet était motivé par référence au règlement n° 816/92.

13.
    Par lettre du 16 mars 1995, il a demandé à la Commission l'annulation partielle du règlement ainsi que le versement d'une indemnité.

Procédure et conclusions des parties

14.
    Par requête déposée le 12 mai 1995, le requérant a introduit le présent recours.

15.
    Il conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler le règlement n° 816/92 en ce qu'il ne prévoit pas d'indemnisation pour la partie de la quantité de référence suspendue;

—    allouer au requérant une indemnité de 59 827,21 DM;

—    condamner les parties défenderesses aux dépens.

16.
    Le Conseil, partie défenderesse, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les conclusions en annulation comme irrecevables ou, subsidiairement, comme non fondées;

—    rejeter les conclusions en indemnisation comme non fondées;

—    condamner le requérant aux dépens.

17.
    La Commission, partie défenderesse, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les conclusions en annulation comme irrecevables, dans la mesure où elles sont dirigées contre elle;

—    rejeter les conclusions en indemnisation comme non fondées;

—    condamner le requérant aux dépens de l'instance.

18.
    Le requérant et la Commission ont été entendus à l'audience du 4 mars 1998. Le Conseil ne s'est pas fait représenter à cette audience.

Sur les conclusions en annulation

Sur la recevabilité

Argumentation des parties

19.
    Le Conseil soutient que les conclusions en annulation doivent être rejetées comme irrecevables, dans la mesure où le règlement attaqué ne concerne pas le requérant directement et individuellement (arrêts de la Cour du 11 juillet 1968, Zuckerfabrik Watenstedt/Conseil, 6/68, Rec. p. 595, et du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil, C-309/89, Rec. p. I-1853). Le requérant ne serait concerné par ce texte qu'en sa qualité objective de producteur de lait, comme tout autre opérateur économique se trouvant dans la même situation.

20.
    La Commission allègue qu'elle n'a pas la capacité d'ester en justice comme défenderesse dans le cadre d'une demande en annulation visant un acte tel que le

règlement n° 816/92, qui a été arrêté par le Conseil. Les conclusions en annulation devraient donc être rejetées comme irrecevables, dans la mesure où elles sont dirigées contre elle.

21.
    Le requérant n'a pas pris position sur ces arguments.

Appréciation du Tribunal

22.
    Le Tribunal rappelle, à titre liminaire, que selon une jurisprudence constante, les délais de recours ne sont à la disposition ni du juge ni des parties et présentent un caractère d'ordre public (arrêt du Tribunal du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission, T-514/93, Rec. p. II-621, point 40). Conformément à l'article 113 du règlement de procédure, il appartient au Tribunal d'examiner d'office si le délai de recours a été respecté (arrêt du Tribunal du 18 septembre 1997, Mutual Aid Administration Services/Commission, T-121/96 et T-151/96, Rec. p. II-1355, point 39), même si, comme en l'espèce, les parties ne se sont pas prononcées sur la question.

23.
    Les conclusions formulées par le requérant visant à l'annulation d'un règlement, le délai pour l'introduction du recours est celui, de deux mois, fixé à l'article 173, cinquième alinéa du traité. S'agissant d'un recours contre un acte publié le 1er avril 1992, ce délai était à compter, en application de l'article 102, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, à partir du 16 avril 1992. Augmenté d'un délai de distance de six jours, en application du paragraphe 2 de cet article, il a donc expiré au cours du mois de juin de la même année.

24.
    La requête ayant été déposée le 12 mai 1995, soit près de trois ans plus tard, le recours a été introduit tardivement.

25.
    Dans ces conditions, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les fins de non-recevoir invoquées par les parties défenderesses, les conclusions en annulation doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions en indemnisation

26.
    La responsabilité extracontractuelle de la Communauté du fait des dommages causés par les institutions, prévue à l'article 215, deuxième alinéa, du traité, ne peut être engagée que si un ensemble de conditions, en ce qui concerne l'illégalité du comportement reproché, la réalité du dommage et l'existence d'un lien de causalité entre le comportement illégal et le préjudice invoqué, sont réunies. S'agissant de responsabilité du fait d'actes de nature normative, le comportement reproché à la Communauté doit, d'après une jurisprudence constante (arrêt de la Cour du 2 décembre 1971, Zuckerfabrik Schöppenstedt/Conseil, 5/71, Rec. p. 975, point 11, et arrêt du Tribunal du 15 avril 1997, Schröder e.a./Commission, T-390/94, Rec. p. II-501, point 52), constituer une violation d'une règle supérieure de droit

protégeant les particuliers. Si l'institution a adopté l'acte dans l'exercice d'un large pouvoir d'appréciation, comme c'est le cas en matière de politique agricole commune, cette violation doit en plus être suffisamment caractérisée, c'est-à-dire manifeste et grave (voir, notamment, arrêt de la Cour du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C-104/89 et C-37/90, Rec. p. I-3061, point 12, et arrêt du Tribunal du 9 décembre 1997, Quiller et Heusmann/Conseil et Commission, T-195/94 et T-202/94, Rec. p. II-2247, points 48 et 49).

27.
    Dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal estime que doit être analysée en premier lieu l'existence d'un comportement illégal des institutions.

Sur l'existence d'un acte illégal à la source des dommages allégués

28.
    Le requérant invoque, dans le cadre de ses conclusions en annulation, trois moyens concernant l'illégalité du règlement n° 816/92, tirés, respectivement, d'une violation du droit de propriété, d'une violation du principe de protection de la confiance légitime et d'une violation du principe d'égalité.

Sur le premier moyen, tiré d'une violation du droit de propriété

— Argumentation des parties

29.
    Le requérant fait valoir que le droit de propriété fait partie des principes généraux dont la Cour assure le respect (arrêt de la Cour du 13 décembre 1979, Hauer, 44/79, Rec. p. 3727, point 17). En l'espèce, le fait que le règlement attaqué ne prévoit pas d'indemnisation pour la réduction de la quantité de référence aurait un effet équivalent à celui d'une expropriation, dans la mesure où le lait vendu en dépassement du quota est soumis au prélèvement supplémentaire. Cet effet serait donc celui d'une interdiction de commercialisation. Or, même si elle résulte d'une disposition légale, une expropriation ne pourrait avoir lieu, au regard du droit national, que si le texte l'imposant règle la manière et le quantum de l'indemnisation. En l'absence d'indemnisation, la situation créée constituerait une atteinte au droit de propriété.

30.
    Le requérant soutient que sa situation diffère, sur un point essentiel, de celle des affaires ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal du 13 juillet 1995, O'Dwyer e.a./Conseil (T-466/93, T-469/93, T-473/93, T-474/93 et T-477/93, Rec. p. II-2071), que lui opposent les défendeurs. Il relève à cet égard qu'il a acquis des quantités de référence auprès des autorités nationales. Par suite, le raisonnement des défendeurs ne s'appliquerait pas à ces quantités, lesquelles, acquises à titre onéreux, bénéficieraient de la protection accordée au droit de propriété. Le requérant souligne que, s'il avait su, au moment de l'acquisition, que ces quantités pourraient être reprises sans compensation, il n'aurait pas conclu une telle opération, dont l'administration nationale aurait été finalement la seule à profiter.

31.
    Cette restriction au droit de propriété ne serait pas justifiée par l'intérêt commun. Le fait de priver les producteurs de leurs revenus serait en contradiction totale avec les objectifs de l'article 39 du traité et serait disproportionné au vu des résultats poursuivis.

32.
    Le Conseil souligne que les quantités de référence ne font pas l'objet d'un droit de propriété séparable de la terre à laquelle elles sont attachées. La réduction de ces quantités imposée en l'espèce ne pourrait donc, dans son principe, enfreindre le droit de propriété de l'intéressé (arrêt de la Cour du 22 octobre 1991, von Deetzen, C-44/89, Rec. p. 5119, point 27).

33.
    Le droit de propriété ne constituerait pas une prérogative absolue en droit communautaire. Notamment, dans le cadre d'une organisation commune de marché, il ne serait protégé que contre une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même du droit en cause (arrêt de la Cour du 11 juillet 1989, Schräder, 265/87, Rec. p. 2237, point 15). En l'espèce, il ne s'agirait pas d'une telle intervention, et la restriction contestée répondrait clairement à un objectif d'intérêt général. En tout état de cause, compte tenu de la faible importance de la réduction en cause, l'exploitation du requérant ne serait pas menacée, de sorte que la substance de son droit de propriété ne serait pas affectée.

34.
    Le Conseil affirme également que l'objectif de garantie des revenus agricoles, visé par l'article 39, paragraphe 1, sous b), du traité, doit être concilié avec celui de la stabilisation des marchés, visé par l'article 39, paragraphe 1, sous c), auquel pourrait être accordée une priorité temporaire dans certaines circonstances (voir arrêts de la Cour du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products/Commission, 265/85, Rec. p. 1155, point 20, et du 19 mars 1992, Hierl, C-311/90, Rec. p. I-2061, point 13). Une telle priorité aurait été légitime en l'espèce.

35.
    La Commission allègue que, dans l'arrêt O'Dwyer e.a./Conseil, précité, le Tribunal a déjà rejeté le moyen invoqué par le requérant, en affirmant que la suspension sans indemnisation, au titre du règlement n° 816/92, de la quantité de référence était justifiée par le besoin de stabiliser le marché du lait et par la réduction des excédents structurels. Cette suspension ne pourrait donc constituer, en soi, une violation du droit de propriété.

36.
    Les parties défenderesses soutiennent que, dans les affaires ayant donné lieu à l'arrêt O'Dwyer e.a./Conseil, certains requérants avaient également acquis des quantités de référence supplémentaires. Elles soulignent que le Tribunal a pourtant rejeté toute distinction, en ce qui concerne la réduction ou la suspension des quantités de référence, en fonction de leur origine. Selon elles, les besoins de stabilisation du marché sont incompatibles avec une telle distinction.

37.
    La Commission observe que des achats de quantités de référence auprès des autorités nationales ne sont pas autorisés par la réglementation, les seules transactions de ce type admises étant les ventes entre producteurs laitiers. Elle remarque que le requérant n'a pas indiqué sur quelle base juridique il aurait acquis les quantités supplémentaires. L'argument du requérant serait donc dénué de pertinence. Au demeurant, si toutes les quantités supplémentaires achetées par les producteurs ne devaient pas être prises en compte pour la réduction, le volume correspondant serait tel qu'il deviendrait impossible d'atteindre les objectifs du règlement n° 816/92.

— Appréciation du Tribunal

38.
    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le règlement n° 816/92 a été adopté à la suite d'une série d'autres textes qui prévoyaient aussi des limitations des quantités de référence. La Cour, par ses arrêts du 20 septembre 1988, Espagne/Conseil (203/86, Rec. p. 4563, point 15), et Hierl, précité (point 21), a jugéque, d'une part, les règlements n° 1335/86 et n° 1343/86, qui réduisaient de 3 % la quantité globale garantie à chaque État membre et, d'autre part, la disposition du règlement n° 775/87 qui prévoyait la suspension d'une partie de chaque quantité de référence ne violaient aucune règle de droit communautaire. Par ailleurs, dans son arrêt O'Dwyer e.a./Conseil, le Tribunal a rejeté un recours qui visait, tout comme dans la présente espèce, au dédommagement des préjudices causés par le règlement n° 816/92. Enfin, dans son arrêt du 15 avril 1997, Irish Farmers Association e.a. (C-22/94, Rec. p. I-1809, point 42), la Cour n'a décelé, dans la disposition de ce règlement qui prévoit la réduction litigieuse, aucun élément de nature à affecter sa validité. C'est à la lumière de cette jurisprudence qu'il y a lieu d'examiner les présentes conclusions en indemnisation.

39.
    Le droit de propriété dont la violation est alléguée par le requérant est garanti dans l'ordre juridique communautaire. Toutefois, ce droit ne constitue pas une prérogative absolue, mais doit être pris en considération par rapport à sa fonction sociale. Par conséquent, la Communauté peut, dans la poursuite des objectifs d'intérêt général qui sont les siens, apporter des restrictions au droit de propriété, notamment dans le cadre d'une organisation commune de marché, à condition que ces restrictions répondent effectivement à ces objectifs et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable (arrêts de la Cour Hauer, précité, point 23, Schräder, précité, point 15, du 10 janvier 1992, Kühn, C-177/90, Rec. p. I-35, point 16, Irish Farmers Association e.a., précité, point 27, et arrêt O'Dwyer e.a./Conseil, précité, point 98).

40.
    Dans la poursuite des objectifs de la politique agricole commune, les responsabilités politiques qui sont attribuées au législateur communautaire par le traité sont accompagnées d'un large pouvoir d'appréciation. Ce pouvoir doit permettre aux institutions communautaires, notamment, d'assurer la conciliation permanente que peuvent exiger d'éventuelles contradictions entre ces objectifs considérés séparément et, le cas échéant, accorder à tel ou tel d'entre eux la prééminence

temporaire qu'imposent les faits ou circonstances économiques au vu desquels elles arrêtent leurs décisions (arrêts Espagne/Conseil, précité, point 10, et Hierl, précité, point 13). Ainsi, des réductions des quantités de référence peuvent être admises si elles visent à assurer l'équilibre entre l'offre et la demande ainsi que la stabilisation du marché du lait.

41.
    En l'espèce, la réduction des quantités de référence prévue par le règlement n° 816/92 est conforme à ces exigences. En effet, comme cela résulte des considérants de ce règlement, la suspension des quantités de référence était justifiée par le souci de poursuivre, à la suite d'autres mesures de même nature adoptées pour les années antérieures (voir ci-dessus points 2 à 7), l'assainissement du marché laitier.

42.
    La réduction en cause ne dépassait pas, par son montant, les limites d'une intervention tolérable et n'affectait donc pas la substance même du droit de propriété. En effet, comme la Cour l'a admis dans les arrêts Hierl, précité (points 13 à 15), et Espagne/Conseil, précité (points 10 et 11), des réductions temporaires des quantités de référence, prévues dans l'objectif d'atteindre la stabilisation de marchés en surproduction, ne violent pas le droit de propriété. D'ailleurs, il résulte de l'arrêt Irish Farmers Association e.a., précité (point 29), que même la conversion de la réduction temporaire de 4,5 % des quantités de référence en une réduction définitive sans indemnisation n'est pas de nature à violer ce droit.

43.
    Au demeurant, le Tribunal constate que, si le pourcentage de réduction communiqué au requérant était, ainsi que celui-ci l'affirme, de 4,74 % et non de 4,5 % comme prévu par le règlement n° 816/92, la responsabilité de cette différence incomberait aux autorités nationales.

44.
    Compte tenu des considérations qui précèdent, l'argument tiré par le requérant d'une prétendue violation de l'article 39 du traité doit également être rejeté. En effet, le Conseil pourrait légitimement, dans le cadre de son large pouvoir d'appréciation en matière de politique agricole commune, accorder une prééminence temporaire à l'objectif de stabilisation du marché des produits laitiers, les mesures adoptées contribuant, par le biais d'un développement rationnel de la production, au maintien d'un niveau de vie équitable de la population agricole au sens de l'article 39, paragraphe 1, sous b), du traité (arrêt O'Dwyer e.a./Conseil, précité, point 82, et, en ce qui concerne en général le système de prélèvement supplémentaire, arrêt de la Cour du 17 mai 1988, Erpelding, 84/87, Rec. p. 2647, point 26).

45.
    S'agissant des quantités de référence supplémentaires acquises auprès des autorités nationales, le requérant n'a invoqué aucun argument de nature à démontrer que les quantités de lait supplémentaires doivent être distinguées de la quantité de référence initiale. Or, il serait contraire à la logique même du règlement n° 816/92, qui vise à contrôler un excédent de production, d'exclure des quantités

supplémentaires de la réduction prévue par ce règlement au seul motif qu'elles ont été acquises en dehors de la quantité de référence initialement octroyée.

46.
    En tout état de cause, contrairement à ce que le requérant allègue, dans les affaires ayant donné lieu à l'arrêt O'Dwyer e.a./Conseil, précité, certains requérants avaient également acquis des quantités de référence supplémentaires auprès des autorités nationales (voir points 119 à 130 de l'arrêt). Le fait d'avoir acheté de telles quantités supplémentaires est une option économique des producteurs, qui leur permet d'augmenter leur volume de livraisons. Partant, ces producteurs contribuent à l'augmentation de l'excédent structurel du secteur, et il est donc justifié qu'ils soient tenus de participer, dans une plus large mesure, à l'effort de réduction demandé aux producteurs. La réduction prévue par le règlement n° 816/92 s'applique donc de façon proportionnelle à l'ensemble des quantités de référence, indépendamment de l'origine particulière de celles-ci (voir arrêt O'Dwyer e.a./Conseil, précité, point 128).

47.
    Dans ces conditions, sans qu'il soit nécessaire d'apprécier si, comme l'affirme la Commission, les acquisitions des quantités supplémentaires en cause étaient contraires à la réglementation en vigueur à l'époque, l'argument du requérant, en tant qu'il se réfère à la protection du droit de propriété, doit être rejeté.

48.
    Partant, le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime

— Argumentation des parties

49.
    Le requérant affirme que la suspension des quantités de référence, jusqu'à l'adoption du règlement contesté, faisait l'objet d'une indemnisation. Il aurait donc été en droit de penser qu'il pourrait conserver et tenir compte de ces éléments de son patrimoine. En outre, il aurait fait des investissements en vue de profiter des quantités acquises auprès des autorités nationales. S'il avait soupçonné l'existence d'une telle intervention, il n'aurait pas acquis les quantités supplémentaires ni fait ces investissements.

50.
    A l'audience, invité par le Tribunal à prendre position sur la portée de l'arrêt Irish Farmers Association e.a., précité, le requérant a affirmé que sa situation était différente de celle analysée par la Cour dans cet arrêt, du fait qu'il avait acheté des quantités de référence supplémentaires dans le cadre de mesures adoptées par les autorités nationales. Il aurait donc pu s'attendre à pouvoir les exploiter, mais aurait été victime du changement de réglementation intervenu un an après cette acquisition.

51.
    Le Conseil souligne que reconnaître une confiance légitime des producteurs de lait dans le maintien d'une indemnisation sans limite de temps reviendrait à leur

reconnaître des droits acquis en la matière, contrairement à une jurisprudence constante (voir arrêts de la Cour du 22 janvier 1986, Eridania e.a., 250/84, Rec. p. 117, et Espagne/Conseil, précité).

52.
    Plusieurs autres réductions des quantités de référence auraient déjà été imposées et n'auraient pas toujours été temporaires, ni accompagnées d'une indemnité. D'ailleurs, selon une jurisprudence constante de la Cour, un opérateur prudent et avisé devrait s'attendre aux mesures qui s'imposent, compte tenu de l'évolution du marché (voir arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395). Or, les réductions en cause auraient été parfaitement prévisibles, compte tenu de cette évolution.

53.
    La Commission soutient que, selon une jurisprudence constante, confirmée par l'arrêt O'Dwyer e.a./Conseil, précité (points 48 et 49), les opérateurs économiques ne sont pas justifiés à placer leur confiance légitime dans le maintien d'une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d'appréciation des institutions. La circonstance selon laquelle, sous la réglementation précédente, toute réduction des quantités de référence était indemnisée n'aurait pu fonder une confiance légitime, puisque le nouveau régime introduit par le règlement n° 816/92 relevait d'un tel pouvoir d'appréciation.

— Appréciation du Tribunal

54.
    Le Tribunal rappelle, d'abord, que la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique dans le chef duquel une institution a fait naître des espérances fondées. Toutefois, les opérateurs ne sont pas fondés à placer leur confiance dans le maintien d'une situation existante, qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d'appréciation des institutions communautaires. Il en est notamment ainsi dans un domaine comme celui des organisations communes des marchés agricoles, dont l'objet comporte une constante adaptation en fonction de la variation de la situation économique (voir arrêts de la Cour Delacre e.a./Commission, précité, point 33, du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec. p. I-4973, point 80, et arrêts du Tribunal du 15 décembre 1994, Unifruit Hellas/Commission, T-489/93, Rec. p. II-1201, point 67, du 21 février 1995, Campo Ebro e.a./Conseil, T-472/93, Rec. p. II-421, point 61, et O'Dwyer e.a./Conseil, précité, point 48). En outre, lorsqu'un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l'adoption d'une mesure communautaire de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d'un tel principe lorsque cette mesure est adoptée (arrêt Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products/Commission, précité, point 44).

55.
    Comme cela résulte de l'arrêt Irish Farmers Association e.a., précité (point 22), le Conseil et la Commission n'ont pas créé une situation permettant aux producteurs de lait de s'attendre légitimement à ce que, aux dates indiquées, les quantités jusqu'alors suspendues soient restituées. En effet, avant même la date à laquelle

le régime de suspension introduit par le règlement n° 775/87 devait expirer, ce régime a été prorogé par le règlement n° 1111/88. Ce dernier texte a également introduit une compensation qui était, contrairement à celle prévue par le règlement n° 775/87, de nature dégressive. En outre, la Commission avait introduit une proposition formelle dans le sens d'une réduction des quantités de référence sansindemnité, proposition qu'elle avait publiée le 31 décembre 1991 (JO C 337, p. 35). Enfin, au moment où les régimes ainsi prorogés sont venus à échéance, à savoir le 31 mars 1992, les producteurs de lait ne pouvaient pas ignorer la persistance de la situation excédentaire de la production laitière et, dès lors, la nécessité de maintenir le régime de prélèvement. Il en résulte que la durée du régime de suspension temporaire était, dès son introduction, et dès son renouvellement, intrinsèquement liée à la durée du régime de prélèvement supplémentaire.

56.
    Dans ces conditions, et le requérant n'ayant fait état d'aucun élément tendant à écarter cette constatation, il ne saurait prétendre que les institutions défenderesses avaient suscité une confiance légitime dans son chef.

57.
    Sa décision de faire des investissements à la suite de l'acquisition de quantités de référence supplémentaires auprès des autorités nationales ne saurait davantage être justifiée par une telle confiance légitime. A cet égard, il convient de souligner qu'il affirme avoir acquis ces quantités en 1990 et 1991. Or, pendant cette période, les quantités de référence faisaient l'objet d'une suspension temporaire en application du règlement n° 1111/88. Ainsi, au moment de l'acquisition des quantités en cause, le requérant ne pouvait ignorer l'existence d'excédents de production de lait et des mesures de suspension des quantités de référence qui, même si elles faisaient l'objet d'une compensation dégressive, montraient que le marché se trouvait dans une situation particulière. Dans ces circonstances, et indépendamment de la question de savoir si, tel que l'affirme la Commission, les acquisitions de quantités de référence supplémentaires étaient contraires à la réglementation en vigueur à l'époque, il doit être constaté que, en acquérant ces quantités supplémentaires, le requérant a pris une décision économique dont il doit accepter les conséquences.

58.
    Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation du principe d'égalité

— Argumentation des parties

59.
    Le requérant considère que la réduction des quantités de référence instituée par le règlement n° 816/92 est illégale, dans la mesure où elle prévoit un taux de réduction uniforme pour toutes les exploitations, ce qui, dans la pratique, aurait pour effet que l'incidence de ladite réduction sur une petite exploitation serait plus importante que son incidence sur une grande. La mise en place d'un taux de réduction uniforme serait donc contraire au principe d'égalité de traitement. Cela constituerait également une violation de l'article 39 du traité.

60.
    Le Conseil souligne que des arguments semblables ont déjà été rejetés par la Cour dans ses arrêts Espagne/ Conseil et Hierl, précités. Dans ce dernier arrêt, la Cour aurait considéré que le fait que la suspension de quantités de référence s'applique, de manière identique, tant aux grands qu'aux petits producteurs de lait ne constitue pas une violation de l'article 39 du traité. Le même raisonnement devrait être suivi en l'espèce.

61.
    Le Conseil soutient que, en tout état de cause, même si le règlement attaqué était entaché d'une illégalité, il ne serait pas contraire aux règles supérieures de droit visant à la protection des droits des individus. Partant, il ne pourrait être la cause des dommages allégués.

62.
    La Commission rappelle que, dans l'arrêt Hierl, précité (point 19), la Cour a indiqué que le fait qu'une mesure prise dans le cadre d'une organisation commune de marché puisse avoir des répercussions différentes pour certains producteurs n'est pas constitutif d'une discrimination, dès lors que cette mesure est fondée sur des critères objectifs. Partant, elle considère que, comme le Tribunal l'a jugé dans l'arrêt O'Dwyer e.a./Conseil, précité (point 117), la réduction sans indemnité de la quantité individuelle de référence, opérée pour la période 1992/1993 au titre du règlement n° 816/92, ne constitue pas un acte illégal. Les droits à un dédommagement invoqués sur cette base par le requérant ne seraient donc pas fondés.

— Appréciation du Tribunal

63.
    Le principe d'égalité exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière identique, à moins qu'un tel traitement soit objectivement justifié. Les mesures que comporte l'organisation commune de marché ne sauraient donc être différenciées, selon les régions et autres conditions de production ou de consommation, qu'en fonction de critères objectifs qui assurent une répartition proportionnée des avantages et désavantages entre les intéressés (arrêts Espagne/Conseil, précité, point 25, Irish Farmers Association e.a., précité, point 34, et O'Dwyer e.a./Conseil, précité, point 113).

64.
    Le fait qu'une mesure prise dans le cadre d'une organisation commune de marché puisse avoir des répercussions différentes pour certains producteurs, en fonction de la nature particulière de leur production, n'est donc pas constitutif d'une discrimination, dès lors que cette mesure est fondée sur des critères objectifs, adaptés au fonctionnement global de l'organisation commune de marché (arrêt de la Cour du 9 juillet 1985, Bozzetti, 179/84, Rec. p. 2301, point 34). Tel est le cas du régime de suspension temporaire en cause, qui est aménagé de telle sorte que les quantités suspendues sont proportionnelles aux quantités de référence (voir arrêts Hierl, précité, point 19, et O'Dwyer e.a./Conseil, précité, point 117).

65.
    Le troisième moyen doit donc également être rejeté.

66.
    Il résulte de ce qui précède que l'existence d'un acte illégal des institutions à la source des dommages allégués n'a pas été démontrée. Par suite, les conclusions en indemnisation doivent être rejetées, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si les autres conditions de la responsabilité sont remplies.

Sur les dépens

67.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens du Conseil et de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    Les conclusions en annulation sont rejetées comme irrecevables.

2)    Les conclusions en indemnité sont rejetées comme non fondées.

3)    Le requérant est condamné aux dépens.

Vesterdorf Bellamy Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'allemand.