DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

16 décembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale JCE HOTTINGUER – Marque nationale non enregistrée antérieure HOTTINGER – Motif relatif de refus – Renvoi au droit national régissant la marque antérieure – Régime de l’action de common law en usurpation d’appellation (action for passing off) – Article 8, paragraphe 4, et article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus, respectivement, article 8, paragraphe 4, et article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑535/19,

H.R. Participations SA, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Mes P. Wilhelm, J. Rossi, E. Dumur et G. Hadot-Pericard, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. J. Crespo Carrillo et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Hottinger Investment Management Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par MM. W. Sander, solicitor, et M. Beebe, barrister,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 3 mai 2019 (affaire R 2078/2018-2), relative à une procédure de nullité entre Hottinger Investment Management et H.R. Participations,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. J. Schwarcz et R. Norkus (rapporteur), juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 juillet 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2019,

à la suite de l’audience du 15 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 1er juillet 2011, Elenberg SA, prédécesseur en droit de la requérante, H.R. Participations SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne auprès de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal JCE HOTTINGUER.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35 et 36 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Publicité ; publication de textes publicitaires ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; conseils en organisation et direction des affaires ; expertises en affaires ; services d’études de marché ; renseignements, investigations et recherches pour affaires ; estimation en affaires commerciales ; prévisions économiques ; analyse du prix de revient ; établissement de statistiques ; établissement de relevés de comptes ; mise à jour de documentation publicitaire ; recueil et systématisation de données dans un fichier central ; gestion de fichiers informatiques ; tenue de livres ; gérance administrative de sociétés d’investissement, de fonds d’investissements, de sociétés d’assurance et de fonds d’assurance et d’investissement ; gestion administrative de sociétés (pour des tiers), gestion administrative de fonds d’investissement (pour des tiers) ; recherches d’informations dans des fichiers informatiques (pour des tiers) ; projets (aide à la direction des affaires) ; services administratifs de domiciliation de sociétés ; établissement de déclarations fiscales » ;

–        classe 36 : « Affaires bancaires ; assurances ; affaires financières ; affaires monétaires ; affaires immobilières ; consultations et informations en matières bancaire, financière, monétaire et d’assurance ; consultations et informations en matière d’investissements, notamment d’investissements financiers ; transactions financières ; opérations financières ; opérations monétaires ; prêt (finances) ; prêt sur gage ; prêt sur nantissement ; crédit-bail ; transfert électronique de fonds ; parrainage financier ; banque directe (home-banking) ; services de cartes de crédits et de débits ; émission de cartes de crédit et de débit ; opérations de change ; opérations de compensation (change) ; vérification des chèques ; émission de chèques de voyage ; analyse financière ; estimations financières (assurances, banques, immobilier) ; épargne ; services de fonds d’investissement ; constitution de capitaux ; investissement de capitaux ; constitution de fonds ; placement de fonds ; fonds de pension ; services de caisses de paiement de retraites ; caisses de prévoyance ; gestion financière d’avoirs et de capitaux ; gérance de fortunes ; services de financement ; agences de crédit ; cautions (garanties) ; évaluations (estimations) de biens immobiliers ; courtage ; cote en bourse ; courtage en bourse ; courtage en assurances ; courtage en biens immobiliers ; dépôt de valeurs ; dépôt en coffres-forts ; émission de bons de valeur ; paiement par acomptes ; estimations et expertises fiscales ; services fiduciaires ; services financiers en matière de domiciliation de sociétés ; services de recouvrement de créances ; collectes de bienfaisance ; assurances contre l’incendie ; assurances maladies ; assurances sur la vie ; assurances pour les personnes physiques et morales ainsi que pour les biens ».

4        La requérante a revendiqué une priorité en ce qui concerne sa demande de marque Benelux no 1 217 280, dont la date de dépôt était le 10 janvier 2011.

5        Le 20 septembre 2011, la demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires et, le 15 août 2014, la marque a été enregistrée.

6        Le 5 décembre 2016, l’intervenante, Hottinger Investment Management Ltd, a introduit une demande en nullité de la marque contestée pour l’ensemble des services enregistrés. Les motifs de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 53, paragraphe 1, sous c), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 [devenus, respectivement, article 60, paragraphe 1, sous c), et article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001].

7        La demande en nullité était fondée sur la marque nationale non enregistrée antérieure HOTTINGER utilisée dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale au Royaume-Uni pour des « services financiers ; services de conseil financier ; gestion de patrimoine ; administration de comptes ; planification financière ; gestion de placements et services de conseil en patrimoine ; gestion de capitaux ; mobilisation de capitaux ; services de conseil d’entreprise et services de conciergerie ; services de conseil et services conseillers se rapportant à tous les services précités ».

8        L’intervenante a affirmé qu’elle utilisait la marque nationale non enregistrée antérieure en tant qu’élément dominant de sa raison sociale et de sa dénomination commerciale au Royaume-Uni depuis le 21 octobre 1987 au moins. Elle a invoqué le droit relatif à l’usurpation d’appellation (law of passing off).

9        Par décision du 28 août 2018, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité dans son intégralité. Elle a conclu, en substance, que l’intervenante n’avait pas prouvé que la marque nationale non enregistrée antérieure avait été utilisée dans la vie des affaires avant et à la date du dépôt de la demande en nullité.

10      Le 25 octobre 2018, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’annulation. Elle a également joint à son recours des éléments de preuve supplémentaires.

11      Par décision du 3 mai 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’EUIPO a annulé partiellement la décision de la division d’annulation et a déclaré la nullité de la marque pour l’ensemble des services contestés à l’exception des services de « publicité ; publication de textes publicitaires ; mise à jour de documentation publicitaire » de la classe 35.

12      S’agissant des irrégularités de forme de la demande en nullité invoquées par la requérante, la chambre de recours a considéré qu’il ressortait avec suffisamment de précision et de clarté de la demande en nullité que celle-ci était fondée sur l’article 53, paragraphe 1, sous c), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, et qu’était revendiquée la protection, en vertu du droit relatif à l’usurpation d’appellation (passing off) de la marque nationale non enregistrée antérieure.

13      S’agissant des preuves produites par l’intervenante pour la première fois devant la chambre de recours, cette dernière a décidé de les considérer recevables dans la mesure où elles répondaient aux exigences de l’article 27, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué (UE) 2017/40 (JO 2018, L 104, p. 1).

14      S’agissant de l’article 53, paragraphe 1, sous c), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, la chambre de recours a considéré que les éléments de preuve montraient clairement, tout d’abord, que l’intervenante avait mené des activités commerciales sérieuses sous la marque nationale non enregistrée antérieure avant et à la date de dépôt de la marque contestée, ensuite, qu’il y avait une présentation trompeuse pour les services considérés identiques ou similaires, et, enfin, qu’il pouvait être supposé que l’intervenante subirait un préjudice compte tenu de la similitude des signes et de l’identité ou de la similitude des services.

II.    Procédure et conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et bien-fondé ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO à l’ensemble des dépens.

16      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

17      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

18      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 1er juillet 2011, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis  par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

19      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties aux articles 8, paragraphe 4, et 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, comme visant les articles 8, paragraphe 4, et 53, paragraphe 1, sous c), d’une teneur identique du règlement no 207/2009.

20      Au soutien de son recours, la requérante présente deux moyens. Le premier est tiré de la violation des formes substantielles de la demande en nullité. Le second est tiré, en substance, de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous c), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

A.      Sur la recevabilité des moyens

1.      Sur la recevabilité du premier moyen, tiré de la violation de formes substantielles de la demande en nullité

21      Par son premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la demande en nullité doit être considérée comme « nulle », car l’intervenante n’y mentionne pas son fondement, n’identifie pas la marque nationale non enregistrée invoquée à l’appui de cette demande et ne précise pas le droit national qu’elle entend invoquer.

22      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante et font valoir, en substance, que ce moyen est irrecevable et en tout état de cause non fondé.

23      Selon la jurisprudence, le contrôle que le Tribunal exerce conformément à l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 est un contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO et il ne peut annuler ou réformer la décision objet du recours que si, au moment où celle-ci a été prise, elle était entachée par l’un des motifs énoncés à l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, aux termes duquel « [l]e recours est ouvert pour incompétence, violation des formes substantielles, violation du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, violation du présent règlement ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir » (voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, point 71 et jurisprudence citée).

24      De même, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la requête introduite dans le cadre d’un recours dirigé contre l’EUIPO doit contenir, notamment, l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure. De plus, cet exposé, même sommaire, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. La sécurité juridique et une bonne administration de la justice exigent, pour qu’un recours ou, plus spécifiquement, un moyen du recours soient recevables, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ceux-ci se fondent ressortent de façon cohérente et compréhensible, du texte même de la requête [voir arrêt du 4 octobre 2018, Blackmore/EUIPO – Paice (DEEP PURPLE), T‑345/16, non publié, EU:T:2018:652, point 45 et jurisprudence citée].

25      En l’espèce, il convient de relever que la requérante a déjà soulevé la question de la « nullité » de la demande en nullité devant la chambre de recours qui, au point 18 de la décision attaquée, a répondu à chacun des arguments en les rejetant.

26      Par son premier moyen, la requérante expose très brièvement, au point 30 de la requête, les raisons pour lesquelles elle estime que la demande en nullité présentée par l’intervenante devrait être déclarée « nulle ». À cette fin, elle se borne à réitérer les mêmes arguments qu’elle a présentés devant la chambre de recours. Or, si un requérant n’est pas tenu d’indiquer explicitement la règle de droit spécifique sur laquelle il fonde son grief, à condition que son argumentation soit suffisamment claire pour que la partie adverse et le juge de l’Union puissent identifier sans difficultés cette règle [arrêt du 30 septembre 2009, JOOP!/OHMI (!), T‑75/08, non publié, EU:T:2009:374, point 17], force est de constater que, en l’espèce, la requérante n’invoque toutefois aucune erreur de droit ou de procédure qu’aurait commise la chambre de recours telle que visée à l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

27      Dans ces circonstances, il y a lieu de déclarer le premier moyen irrecevable.

2.      Sur la recevabilité des première et seconde branches du second moyen

28      L’EUIPO fait valoir que les premier et deuxième griefs de la première branche du second moyen, relatifs, respectivement, à l’absence de date sur les éléments de preuve et à la valeur probante des documents financiers déposés par l’intervenante, sont irrecevables dans la mesure où la requérante avance des affirmations générales qui ne présentent pas le degré de clarté et de précision permettant à l’EUIPO d’assurer sa défense et au Tribunal de statuer sur le litige.

29      L’intervenante soutient que la première branche du second moyen, relative à l’usage de la marque nationale non enregistrée antérieure, ainsi que la seconde branche, relative à l’existence d’un droit, au profit de l’intervenante, d’interdire l’usage de la marque contestée conformément au droit national sont irrecevables en ce que la requérante n’aurait pas identifié leur fondement au titre de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

30      Il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence mentionnée au points 24 et 26 ci-dessus, d’une part, que la requête doit contenir les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Cette indication doit ressortir du texte même de la requête et être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. D’autre part, l’argumentation d’un grief doit être suffisamment claire pour permettre à la partie défenderesse et au juge de l’Union d’identifier sans difficulté la règle de droit sur laquelle ledit grief est fondé.

31      En l’espèce, s’il est vrai que la requérante n’a pas expressément mentionné le fondement des deux branches du second moyen, il y a toutefois lieu de constater qu’il ressort avec clarté des points 2 et 3 de la requête que la requérante entend introduire le recours sur le fondement de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

32      S’agissant du premier grief de la première branche du deuxième moyen, il ressort du point 21 du mémoire en réponse de l’EUIPO que ce dernier a pu comprendre à quels documents faisait référence la requérante parmi ceux déposés par l’intervenante devant la division d’annulation. Il ressort, en outre, du libellé du point 41 de la requête, et en particulier de l’expression « [l’intervenante] a persisté et produit de nouvelles pièces mais, encore une fois, non datées », que la requérante vise également l’ensemble des éléments de preuve déposés par l’intervenante devant la chambre de recours.

33      Quant au deuxième grief de la première branche, il ressort suffisamment clairement de l’argumentation de la requérante qu’elle reproche à la chambre de recours de s’être fondée sur les documents financiers de l’intervenante pour considérer que la marque nationale non enregistrée antérieure a fait l’objet, pendant les deux périodes de référence, d’un usage dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale. Aux points 43 et 45 de la requête, la requérante fait précisément référence aux documents financiers contenus dans les pièces TS 2 et TS 2-1 à TS 2-6 déposées par l’intervenante au cours de la procédure administrative. D’ailleurs, il ressort notamment du point 32 du mémoire en réponse de l’EUIPO que celui-ci a compris ainsi la requête et y a répondu sur le fond.

34      Il s’ensuit que la requête apporte des précisions suffisantes pour permettre à l’EUIPO et à l’intervenante d’identifier le fondement juridique du recours ainsi que les moyens invoqués et correspond ainsi aux exigences de précision susmentionnées.

35      Dès lors, il y a lieu de déclarer les deux branches du second moyen recevables dans leur intégralité.

B.      Sur le fond

36      Le second moyen, tiré de la violation de l’article 53, paragraphe 1, sous c), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, s’articule autour de deux branches. La première branche est tirée d’une erreur d’appréciation de l’usage de la marque nationale non enregistrée dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale. La seconde branche est tirée d’une erreur d’appréciation de l’existence d’un droit d’interdire l’usage de la marque contestée conformément au droit du Royaume-Uni.

37      À titre liminaire, il convient de relever que, en vertu de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 53, paragraphe 1, sous c), du même règlement, le titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un signe autre qu’une marque peut demander la nullité d’une marque de l’Union européenne si cette marque non enregistrée ou ce signe remplit cumulativement quatre conditions : il doit être utilisé dans la vie des affaires ; il doit avoir une portée qui n’est pas seulement locale ; le droit à cette marque ou à ce signe doit avoir été acquis conformément au droit de l’État membre où il était utilisé avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne ; enfin, cette marque ou ce signe doit reconnaître à son titulaire la faculté d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que, lorsqu’une marque non enregistrée ou un signe ne remplit pas l’une de ces conditions, la demande en nullité fondée sur l’existence d’une marque non enregistrée ou d’autres signes utilisés dans la vie des affaires, au sens de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, ne peut aboutir [voir arrêt du 24 octobre 2018, Bacardi/EUIPO – Palírna U zeleného stromu (42 BELOW), T‑435/12, EU:T:2018:715, point 43 et jurisprudence citée].

38      Les deux premières conditions, c’est-à-dire celles relatives à l’usage dans la vie des affaires et à la portée du signe ou de la marque invoquée, cette dernière ne devant pas être seulement locale, résultent du libellé même de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 et doivent donc être interprétées à la lumière du droit de l’Union. Ainsi, ce règlement établit des standards uniformes, relatifs à l’usage des signes et à leur portée, qui sont cohérents avec les principes qui inspirent le système mis en place par ce règlement (voir arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 44 et jurisprudence citée).

39      En revanche, il résulte de la locution « lorsque et dans la mesure où, selon le droit de l’État membre qui est applicable à ce signe », que les deux autres conditions, énoncées ensuite à l’article 8, paragraphe 4, sous a) et b), du règlement no 207/2009, constituent des conditions fixées par le règlement qui, à la différence des précédentes, s’apprécient au regard des critères fixés par le droit qui régit le signe invoqué. Ce renvoi au droit qui régit le signe invoqué est justifié, étant donné que le règlement no 207/2009 reconnaît à des signes étrangers au système de marque de l’Union la possibilité d’être invoqués à l’encontre d’une marque de l’Union européenne. Dès lors, seul le droit qui régit le signe invoqué permet d’établir si celui-ci est antérieur à la marque de l’Union européenne et s’il peut justifier d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente (voir arrêt du 24 octobre 2018, 42 BELOW, T‑435/12, EU:T:2018:715, point 45 et jurisprudence citée).

1.      Sur la première branche, tirée d’une erreur d’appréciation de l’usage de la marque nationale non enregistrée antérieure dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale

40      Par la première branche, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a conclu à tort que les éléments de preuve produits par l’intervenante étaient de nature à démontrer que la marque nationale non enregistrée antérieure avait été utilisée dans la vie des affaires et que sa portée n’était pas seulement locale. Au soutien de cette branche, la requérante présente trois griefs.

a)      Sur le premier grief, relatif à l’absence de date sur les éléments de preuve

41      Par son premier grief, la requérante soutient que les éléments de preuve déposés par l’intervenante devant la division d’annulation tels que complétés par de nouveaux éléments de preuve produits devant la chambre de recours sont pour la plupart non datés et, par conséquent, insuffisamment probants.

42      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

43      S’agissant, premièrement, des documents déposés par l’intervenante devant la division d’annulation, la requérante mentionne spécifiquement les pièces TS 1, TS 3 et TS 4a.

44      Il ressort du dossier de la chambre de recours que la pièce TS 1 comporte deux copies d’écran du site Internet de l’intervenante. Sur la première copie d’écran, qui montre le site Internet à la date du premier témoignage, la date du 17 juillet 2017 est visible en bas et à droite de la copie d’écran. Pour la deuxième copie d’écran, qui illustre le site Internet de l’intervenante tel qu’il était à la date du 8 décembre 2012, cette date figure dans la barre de recherche et la date du 17 juillet 2017 est également visible en bas et à droite de la copie d’écran. Ces dates concordent avec les informations contenues au point 14 du premier témoignage.

45      Concernant la pièce TS 3 qui inclut des extraits du site Internet du régulateur financier britannique relatifs à l’intervenante, la date de 17 juillet 2017 figure en haut et à gauche sur chacune des quatre pages du document. De plus, ce document comporte la date à partir de laquelle l’intervenante a été autorisée à fournir des produits et des services règlementés ainsi que les dates à partir desquelles l’intervenante a utilisé différentes dénominations commerciales comprenant toutes le terme « hottinger ».

46      Quant à la pièce TS 4a relative à l’historique du nom Hottinger, s’il est vrai qu’elle ne comporte pas de date, il ressort toutefois du point 23 du premier témoignage et du point 10 du second témoignage qu’il s’agit d’un article publié dans la revue Citywire Wealth Manager en décembre 2012. Or, selon la jurisprudence, des documents non datés peuvent, dans certains cas, être retenus pour établir l’usage d’une marque pour autant qu’ils permettent de confirmer des faits qui se déduiraient d’autres éléments de preuve [voir arrêt du 19 décembre 2019, Sta*Ware EDV Beratung/EUIPO – Accelerate IT Consulting (businessNavi), T‑383/18, non publié, EU:T:2019:877, point 72 et jurisprudence citée]. Il ressort également de la jurisprudence que l’absence de date d’un document ne lui enlève pas toute force probante, en particulier lorsque son origine, sa date probable et son contenu peuvent être déterminés avec suffisamment de certitude (voir arrêt du 11 juillet 2014, Sasol e.a./Commission, T‑541/08, EU:T:2014:628, point 232 et jurisprudence citée).

47      S’agissant, deuxièmement, des documents déposés devant la chambre de recours, la requérante fait seulement valoir que l’intervenante a produit de nouvelles pièces non datées qui n’auraient pas dû être retenues comme preuve d’usage. Comme il a déjà été constaté au point 32 ci-dessus, il convient de considérer, en l’absence de plus de précisions dans la requête, que la requérante se réfère à l’ensemble des documents déposés par l’intervenante devant cette instance de l’EUIPO.

48      À cet égard, il ressort du point 10 de la décision attaquée que le mémoire de l’intervenante exposant les motifs du recours devant la chambre de recours comportait onze annexes, à savoir le second témoignage ainsi que les pièces TS 2‑1 à TS 2-10. Il ressort également du même point de la décision attaquée ainsi que du dossier de la chambre de recours que tous ces documents sont datés.

49      Dans ces circonstances, il y a lieu de rejeter le premier grief comme non fondé.

b)      Sur le deuxième grief, relatif à la valeur probante des documents financiers

50      Par son deuxième grief, la requérante soutient que les documents financiers contenus dans les pièces TS 2-1 à TS 2-6 produites par l’intervenante devant la chambre de recours pour la période de 2011 à 2016 devaient, à l’instar de ce que la division d’annulation avait considéré à l’égard des documents financiers couvrant la période 2006 à 2010 et contenus dans la pièce TS 2, être considérés comme ne permettant pas de prouver un quelconque usage de la marque nationale non enregistrée antérieure.

51      En particulier, la requérante fait valoir que le seul respect de la règlementation ne constitue pas une preuve d’usage du signe HOTTINGER dans la vie des affaires, que les documents en question ne prouvent pas l’usage de la marque nationale non enregistrée antérieure ni pour la gestion d’actifs bancaires ni pour les services financiers, qu’ils ne démontrent pas un usage dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale et, enfin, qu’ils sont privés et non destinés à être révélés au public.

52      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

53      Selon une jurisprudence constante, le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves et le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité. Ainsi, pour apprécier la force probante d’un élément de preuve, il convient d’emblée de vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration et de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir arrêt du 29 mars 2019, All Star/EUIPO – Carrefour Hypermarchés (Forme d’une semelle de chaussure), T‑611/17, non publié, EU:T:2019:210, point 64 et jurisprudence citée].

54      Dans le cadre de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, la preuve de l’usage d’un signe antérieur ne peut être apportée par des probabilités et des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui démontrent une utilisation effective et suffisante du signe [voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2013, Dimian/OHMI – Bayer Design Fritz Bayer (Baby Bambolina), T‑581/11, non publié, EU:T:2013:553, point 29].

55      En outre, il convient de rappeler que la ratio legis de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 consiste à limiter les conflits entre signes, en empêchant qu’un signe antérieur, qui n’est pas suffisamment important ou significatif, puisse permettre de contester soit l’enregistrement soit la validité d’une marque de l’Union européenne. Par ailleurs, la portée d’un signe utilisé pour identifier des activités commerciales déterminées doit être définie par rapport à la fonction d’identification jouée par celui‑ci. Cette considération exige de tenir compte, en premier lieu, de la dimension géographique de la portée du signe, c’est‑à‑dire du territoire sur lequel il est utilisé pour identifier l’activité économique de son titulaire, ainsi que cela ressort d’une interprétation textuelle de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009. Ensuite, il convient de tenir compte de la dimension économique de la portée du signe, qui est évaluée au regard de la durée pendant laquelle il a rempli sa fonction dans la vie des affaires et de l’intensité de son usage, au regard du cercle des destinataires parmi lesquels il est connu en tant qu’élément distinctif, à savoir les consommateurs, les concurrents, voire les fournisseurs, ou encore de la diffusion qui a été donnée au signe, par exemple, par voie de publicité ou sur Internet [arrêt du 24 mars 2009, Moreira da Fonseca/OHMI – General Óptica (GENERAL OPTICA), T‑318/06 à T‑321/06, EU:T:2009:77, points 36 et 37].

56      En l’espèce, premièrement, il y a lieu de relever qu’il ressort du dossier de la chambre de recours que la division d’annulation, contrairement à ce que prétend la requérante, n’a pas examiné les éléments de preuve produits par l’intervenante pour la période allant jusqu’au 10 janvier 2011, à savoir la date de priorité revendiquée par la requérante dans sa demande d’enregistrement de la marque contestée. La division d’annulation ne s’est donc pas prononcée sur le caractère suffisant des documents financiers aux fins de démontrer l’usage de la marque nationale non enregistrée antérieure pendant la période susmentionnée.

57      En effet, la division d’opposition s’est bornée à constater que, l’intervenante n’ayant déposé aucun élément de preuve permettant de déterminer si la marque nationale non enregistrée antérieure était encore utilisée dans la vie des affaires à la date du dépôt de la demande en nullité, l’une des exigences imposées par l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 n’était pas satisfaite et, partant, a rejeté la demande en nullité.

58      Deuxièmement, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours a traité la question de l’usage de la marque nationale non enregistrée dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale aux points 29 à 36 de ladite décision.

59      En ce qui concerne les documents financiers produits par l’intervenante, la chambre de recours a considéré, au point 34 de la décision attaquée, que lesdits documents étaient contenus dans les pièces TS 2 et TS 2-1 à TS 2-6 et qu’ils étayaient les témoignages du directeur général de l’intervenante concernant les chiffres d’affaires annuels réalisés dans la période 2006 à 2016 sous la marque nationale non enregistrée antérieure.

60      Ces appréciations de la chambre de recours sont exemptes d’erreurs.

61      En effet, il ressort du dossier de la chambre de recours que chacun des rapports financiers annuels déposés par l’intervenante pour la période 2006 à 2016 comporte une mention précisant que l’activité principale de l’intervenante était celle de « services de conseil et [de] conseils personnalisés en matière de gestion de portefeuille ». Ces rapports indiquent également la valeur du chiffre d’affaires ainsi que la répartition géographique de celui-ci. Ayant été audités par un cabinet d’audit indépendant, ces rapports financiers bénéficient d’une grande fiabilité et donc d’une valeur probante élevée.

62      Par ailleurs, il convient de relever qu’il ressort également des documents financiers en question que l’intervenante est autorisée à exercer par la Financial Conduct Authority (organisme de contrôle financier, Royaume-Uni) pour des activités régulées par cette dernière. Ceci est confirmé par la pièce TS 3, qui comprend un extrait tiré du site Internet de cet organisme et qui fait état du nom de l’intervenante comme bénéficiaire de l’autorisation ainsi que des dénominations commerciales que celle-ci utilise, toutes comportant le terme « hottinger ».

63      En outre, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours ne s’est pas fondée exclusivement sur ces documents financiers pour conclure que la marque nationale non enregistrée antérieure a fait l’objet d’un usage pour les services en cause. En effet, la chambre de recours a estimé, au point 34 de la décision attaquée, que les activités commerciales exécutées sous la marque nationale non enregistrée antérieure étaient également confirmées par les articles de presse contenus dans les pièces TS 4a, TS 2-7 et TS 2-8 ainsi que par les pièces TS 5a et TS 5b relatives à des transactions exécutées par le directeur général de l’intervenante pour le compte de cette dernière.

64      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les documents financiers ne prouvent pas l’usage de la marque nationale non enregistrée antérieure pour des services de gestion d’actifs bancaires, il suffit de constater que ces services ne font pas partie de ceux pour lesquels l’intervenante revendique une utilisation, tel que cela ressort des points 6 et 35 de la décision attaquée ainsi que du dossier de la chambre de recours.

65      Enfin, quant à l’argument selon lequel les documents financiers produits par l’intervenante seraient privés et n’auraient pas pour vocation à être révélés au public, il convient de rappeler que le principe de la libre administration des preuves a pour corollaire celui de la liberté de la preuve, qui confère aux parties la possibilité de produire devant le juge de l’Union tout élément de preuve obtenu de façon régulière qu’elles estiment pertinent pour étayer leurs positions. Cette liberté de la preuve contribue à garantir aux parties un droit à un recours effectif, consacré à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir arrêt du 4 juillet 2017, European Dynamics Luxembourg e.a./Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer, T‑392/15, EU:T:2017:462, point 51 et jurisprudence citée). Par conséquent, à supposer que les documents financiers avaient un caractère privé pour l’intervenante, il appartenait à cette dernière d’apprécier s’ils pouvaient être révélés aux tiers par le biais de leur production dans le cadre du présent litige.

66      Compte tenu de tous ces éléments, il y a lieu de rejeter le deuxième grief comme non fondé.

c)      Sur le troisième grief, relatif à l’absence de preuves permettant d’évaluer la connaissance par le public pertinent de la marque nationale non enregistrée antérieure

67      Par son troisième grief, la requérante fait valoir que l’intervenante n’a produit aucun document, tel que des preuves relatives à la fréquentation de son site Internet, des enquêtes d’usage ou des enquêtes de notoriété de la marque nationale non enregistrée antérieure, démontrant que la marque nationale non enregistrée antérieure était connue par le public pertinent.

68      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

69      Il ressort du point 30 de la décision attaquée que la chambre de recours, en se fondant sur l’ensemble de preuves produites par l’intervenante, a considéré que cette dernière avait démontré à suffisance que la marque nationale non enregistrée antérieure était utilisée au Royaume-Uni dans la vie des affaires et bénéficiait d’une portée n’étant pas seulement locale. Les différents éléments de preuve pris en compte ainsi que les conclusions que la chambre de recours en a tirées sont détaillées aux points 34 à 36 de la décision attaquée.

70      S’agissant plus particulièrement de la connaissance, par le public pertinent, de la marque nationale non enregistrée antérieure, il ressort implicitement, mais nécessairement, du point 34 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que cette connaissance a été démontrée par les éléments de preuve produits par l’intervenante. Il est, en effet, raisonnable de considérer que la dénomination sociale d’une entreprise qui constitue également sa marque nationale non enregistrée est connue sur le territoire où cette entreprise exerce, intégralement ou majoritairement, ses activités, notamment lorsque ladite entreprise réalise constamment un chiffre d’affaires annuel représentant un montant à sept chiffres.

71      Or, les deux témoignages du directeur général de l’intervenante et les documents financiers qui les accompagnent, pris en compte par la chambre de recours au point 34 de la décision attaquée, font état du montant du chiffre d’affaires et du fait qu’il était réalisé, selon les années, à 100 % ou à 60 % au Royaume Uni. Ce constat est renforcé par les pièces TS 5a, qui est constituée par un téléchargement du journal des activités de négociation de titres à revenu fixe montrant des transactions individuelles exécutées pour le compte de l’intervenante par son directeur général, et TS 5b, qui représente des avis de marché émis pour des transactions exécutées par le directeur général de l’intervenante pour le compte de cette dernière.

72      Quant aux articles de presse contenus dans les pièces TS 4a, TS 2-7 et TS 2-8 et également examinés au point 34 de la décision attaquée, ils mettent en exergue les diverses activités commerciales de l’intervenante et notamment une présence sur le marché depuis 2001, un volume d’actifs gérés s’élevant à plusieurs centaines de millions d’euros, un nombre important de comptes ouverts pour ses clients ainsi que le type de clientèle et de services fournis.

73      De même, il ressort de la décision attaquée que l’intervenante a également produit les pièces TS 4c et TS 2-9. La pièce TS 4c comporte une sélection de quatre « lettres aux rédacteur en chef » rédigées par le directeur de la gestion des investissements du prédécesseur de l’intervenante, Hottinger & Co, et publiée dans le quotidien financier et économique de référence The Financial Times entre 2006 et 2009. Il ressort également du certificat de tirage couvrant la période du 1er au 28 mai 2017, versé au dossier de la chambre de recours, que chaque numéro de ce quotidien a été tiré en moyenne en 195 167 exemplaires dont 60 000 ont circulé au Royaume-Uni. Il en ressort également que ce quotidien fait aussi l’objet d’une distribution en format numérique. Ainsi, en moyenne, 7 081 exemplaires numériques par numéro ont été distribués durant la même période, dont 1 333 exemplaires au Royaume-Uni.

74      En ce qui concerne la pièce TS 2-9, elle contient des exemples de correspondances commerciales que l’intervenante a échangées avec des organisations de premier plan.

75      Par ailleurs, comme l’intervenante l’a fait valoir à juste titre au point 34 du mémoire en réponse, les preuves relatives à la fréquentation de son site Internet, les enquêtes d’usage ou de notoriété de la marque ne constituent qu’une partie des preuves potentielles permettant d’étayer sa demande en nullité. Or, s’il est vrai que l’intervenante n’a pas réalisé de telles enquêtes, force est de constater qu’elle a produit d’autres éléments de preuve permettant de démontrer que la marque nationale non enregistrée antérieure était connue par le public pertinent.

76      Compte tenu de tous ces éléments, il y a lieu de rejeter le troisième grief et, partant, la première branche du second moyen dans son intégralité.

2.      Sur la seconde branche, tirée d’une erreur d’appréciation de l’existence d’un droit d’interdire l’usage de la marque contestée conformément au droit du Royaume-Uni

77      Au soutien de cette branche, la requérante présente trois griefs, relatifs, respectivement, à l’existence d’un « goodwill » (force d’attraction de la clientèle) attaché aux services de l’intervenante, à la présentation trompeuse et au préjudice causé au « goodwill ».

78      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte d’une lecture combinée de l’article 53, paragraphe 1, sous c), et de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 que le titulaire d’une marque non enregistrée ou d’un autre signe utilisé dans la vie des affaires dont la portée n’est pas seulement locale peut obtenir l’annulation d’une marque de l’Union européenne plus récente, lorsque et dans la mesure où, selon le droit de l’État membre applicable, d’une part, des droits sur ce signe ont été acquis avant la date de dépôt de la demande de marque de l’Union européenne et, d’autre part, ce signe donne à son titulaire le droit d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente.

79      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, il incombe à la chambre de recours de prendre en considération aussi bien la législation nationale applicable en vertu du renvoi opéré par cette disposition que les décisions de justice rendues dans l’État membre concerné. Sur ce fondement, le demandeur en nullité doit démontrer que le signe en cause entre dans le champ d’application du droit de l’État membre invoqué et qu’il permettrait d’interdire l’utilisation d’une marque plus récente [voir arrêt du 11 juin 2009, Last Minute Network/OHMI – Last Minute Tour (LAST MINUTE TOUR), T‑114/07 et T‑115/07, EU:T:2009:196, point 47 et jurisprudence citée].

80      En l’espèce, il n’est pas contesté que le droit de l’État membre applicable à la marque nationale non enregistrée antérieure est le Trade Marks Act, 1994 (loi du Royaume-Uni sur les marques), dont l’article 5, paragraphe 4, dispose :

« Une marque ne peut être enregistrée si, ou dans la mesure où, son usage au Royaume-Uni est susceptible d’être empêché :

a)      en raison de toute règle de droit [notamment en vertu du droit relatif à l’usurpation d’appellation (law of passing off)] protégeant une marque non enregistrée ou tout autre signe utilisé dans la vie des affaires […] ».

81      Il résulte de l’article 5, paragraphe 4, de la loi du Royaume-Uni sur les marques, tel qu’interprété par les juridictions nationales [décision de la House of Lords (Chambre des Lords, Royaume-Uni) Reckitt & Colman Products Ltd v Borden Inc. (1990) R.P.C. 341, 406 HL (ci-après la « décision Reckitt »)], que l’opposant doit établir, conformément au régime juridique de l’action en usurpation d’appellation prévue par le droit du Royaume Uni, que trois conditions sont remplies, à savoir, premièrement, le « goodwill » acquis par la marque non enregistrée ou le signe en cause, deuxièmement, la présentation trompeuse de la part du titulaire de la marque plus récente et, troisièmement, le préjudice causé au « goodwill » [voir arrêt du 18 juillet 2017, Alfonso Egüed/EUIPO – Jackson Family Farms (BYRON), T‑45/16, EU:T:2017:518, point 43 et jurisprudence citée].

82      Les trois griefs de la requérante dans le cadre de cette branche de moyen visent donc les conclusions de la chambre de recours relatives à ces trois conditions que doit remplir la marque nationale non enregistrée antérieure en vertu du droit du Royaume-Uni.

a)      Sur le premier grief, relatif à l’existence d’un « goodwill »

83      Par son premier grief, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que l’intervenante avait apporté la preuve qu’elle disposait d’un « goodwill ». Selon elle, les seules preuves susceptibles de démontrer l’acquisition d’un « goodwill » sont celles relatives aux ventes réalisées sous la marque nationale non enregistrée antérieure et au fait que le public pertinent associe l’élément caractéristique de la marque aux produits ou services en cause.

84      À cet égard, premièrement, elle soutient que les changements de dénomination sociale de l’intervenante, bien qu’ils n’aient pas significativement affecté le « goodwill », ont eu nécessairement un impact sur son élément caractéristique et, par conséquent, sur les deux autres conditions du passing off.

85      Deuxièmement, la requérante fait valoir que la chambre de recours a retenu au point 45 de la décision attaquée que le « goodwill » avait été acquis pour la gestion des investissements et du capital ainsi que pour les services de conseils financiers et de conseils aux entreprises. Or, ces catégories de services seraient bien plus larges que celles qui résultent des preuves produites par l’intervenante. En particulier, il serait peu probable que les clients puissent considérer que la marque nationale non enregistrée antérieure a acquis un « goodwill » significatif pour les services financiers.

86      Selon la requérante, les services d’intermédiation monétaire, la gestion immobilière, les activités d’investissement et les contrats de services de courtage de valeurs mobilières et de marchandises sont inclus dans la catégorie plus large des activités financières et d’assurance. Or, l’intervenante n’aurait apporté aucune preuve démontrant l’acquisition d’un « goodwill » pour les trois premiers services. Quant au quatrième, à savoir les contrats de services de courtage de valeurs mobilières et de marchandises, la seule preuve apportée ne pouvait pas être retenue pour justifier d’un « goodwill » pour la catégorie plus large des activités financières et d’assurance.

87      Troisièmement, elle estime que les publications dans la revue Business Wire ne peuvent pas servir de preuve pour l’acquisition du « goodwill » dans la mesure où il ne s’agit pas d’un organe de presse indépendant, ces publications n’étant faites qu’à la demande des entreprises sans que la réalité de l’activité déclarée soit vérifiée.

88      Quatrièmement, les preuves d’usage en lien avec des services autres que ceux de gestion de patrimoine familial seraient faibles et proviendraient principalement des propres déclarations du directeur de l’intervenante.

89      Enfin, cinquièmement, la requérante fait valoir que le seul service identifiable au regard des preuves produites par l’intervenante serait l’activité de négociation de titres à revenus fixes sur la plateforme Bloomberg. Toutefois, même pour ce service, la réalité d’un « goodwill » serait discutable en raison de l’absence de toute facture liée à l’utilisation de ce service.

90      La requérante en conclut que le « goodwill » ne concernerait que les services de gestion de fortune pour les riches particuliers et leurs familles.

91      Par ailleurs, la requérante estime que, dans la mesure où 60 % du chiffre d’affaires de l’intervenante était réalisé au Royaume-Uni, seul ce pourcentage était pertinent aux fins de l’examen des conditions du passing off. De plus, si ce pourcentage pouvait servir pour démontrer la portée de la marque nationale non enregistrée antérieure, il ne prouvait en aucun cas l’acquisition d’un « goodwill ».

92      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

93      Ainsi que le Tribunal l’a déjà constaté, il ressort de la jurisprudence nationale que la propriété protégée par l’action en usurpation d’appellation ne porte pas sur un mot ou sur un nom dont l’usage par les tiers est restreint, mais sur la clientèle même à laquelle il est porté atteinte par l’usage litigieux [Lord Parker dans la décision de la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery) Burberrys v JC Cording & Co Ltd (1909) 26 R.P.C. 693], la réputation d’une marque étant la force d’attraction sur la clientèle et le critère permettant de distinguer une entreprise établie d’une entreprise nouvelle [Lord Macnaghten dans la décision de la House of Lords (Chambre des Lords) Inland Revenue Commissioners v Muller & Co’s Margarine (1901) A.C. 217, 223 HL], [voir arrêt du 17 janvier 2019, Turbo-K International/EUIPO – Turbo-K (TURBO-K), T‑671/17, non publié, EU:T:2019:13, point 57 et jurisprudence citée].

94      L’existence d’un « goodwill » est, en principe, établie en apportant notamment la preuve d’activités commerciales et publicitaires et de comptes clients. La preuve d’activités commerciales sérieuses débouchant sur l’acquisition d’une réputation et le développement d’une clientèle serait généralement suffisante pour établir un « goodwill » (voir arrêt du 18 juillet 2017, BYRON, T‑45/16, EU:T:2017:518, point 49 et jurisprudence citée).

95      Par ailleurs, le Tribunal a également constaté que, selon le droit du Royaume-Uni, l’action en usurpation d’appellation protégeait le « goodwill » quelle que soit la taille de l’entreprise. Le simple fait que l’activité du demandeur à l’action en usurpation d’appellation soit très petite ne l’empêche pas en soi de disposer d’un « goodwill », une activité commerciale très limitée ayant pu être considérée comme suffisante pour créer un « goodwill » (Wadlow, C., The Law of Passing-Off : Unfair Competition by Misrepresentation, 5e éd., Sweet & Maxwell, Londres, 2016, points 3‑13 et 3‑64) (arrêt du 18 juillet 2017, BYRON, T‑45/16, EU:T:2017:518, points 71 et 75). Ainsi, même les petites entreprises peuvent avoir un « goodwill », les juridictions du Royaume-Uni ayant beaucoup de réticences à juger qu’une entreprise peut avoir des clients, mais pas de « goodwill » (arrêt du 9 décembre 2010, Golden Elephant Brand, T‑303/08, EU:T:2010:505, point 115).

96      En outre, il est de jurisprudence constante qu’il ne peut être exclu qu’un faisceau d’éléments de preuve permette d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits [voir arrêt du 24 mai 2012, TMS Trademark-Schutzrechtsverwertungsgesellschaft/OHMI – Comercial Jacinto Parera (MAD), T‑152/11, non publié, EU:T:2012:263, point 34 et jurisprudence citée].

97      S’agissant des déclarations émanant d’une partie, il ressort de la jurisprudence qu’elles ne peuvent se voir attribuer une valeur probante que si elles sont corroborées par d’autres éléments de preuve (voir arrêt du 18 juillet 2017, BYRON, T‑45/16, EU:T:2017:518, point 63 et jurisprudence citée).

98      En l’espèce, il convient donc d’examiner si les preuves fournies par l’intervenante permettent d’établir l’existence d’un « goodwill ».

99      Il ressort du point 45 de la décision attaquée que la chambre de recours a fondé son analyse relative à l’existence d’un « goodwill » sur l’ensemble des documents mis à sa disposition, tels qu’énumérés aux points 7, 8 et 10 de la décision attaquée. La chambre de recours s’est ainsi livrée à une appréciation globale des éléments de preuve, telle que requise par la jurisprudence [voir arrêt du 13 juin 2019, MPM-Quality/EUIPO – Elton Hodinářská (MANUFACTURE PRIM 1949), T‑75/18, non publié, EU:T:2019:413, point 26 et jurisprudence citée].

100    Il ressort, en outre, du point 45 de la décision attaquée que la chambre de recours a attaché une importance particulière aux deux témoignages du directeur général de l’intervenante ainsi qu’aux pièces TS 2, TS 3, TS 4a, TS 5a, TS 5b, TS 2‑1 à TS 2‑8 qui les étayaient.

101    Selon le premier témoignage, l’intervenante a été constituée comme société le 14 juillet 1981 et le terme « hottinger » fait partie intégrante de son identité commerciale depuis le 21 octobre 1987. L’intervenante est un gestionnaire de patrimoines privés qui fournit des services de gestion de placements, des services financiers ainsi que des services de conseil aux entreprises et de conciergerie. Les services proposés incluent, entre autres, des services de gestion de patrimoine, ainsi que des services de gestion de placements et d’accompagnement en matière d’investissement. Le chiffre d’affaires annuel pour la période 2006 à 2010 était un montant à sept chiffres. Si, en 2006 et 2007, l’intégralité du chiffre d’affaires était réalisée au Royaume-Uni, à partir de 2008, il ne l’a plus été qu’à hauteur d’environ 60 %.

102    Dans son second témoignage, le directeur général de l’intervenante affirme, entre autres, que la continuité du statut de société agréée avait été constatée depuis 2002 et que la dénomination commerciale et l’enregistrement étaient en vigueur pour chacune des années de la deuxième période pertinente, à savoir de 2011 à 2016.

103    Ces affirmations sont étayées par les pièces TS 2, TS 3, TS 4a, TS 5a et TS 5b, pour le premier témoignage et les pièces TS 2‑1 à TS 2‑8 pour le second.

104    Ainsi, la pièce TS 2, d’une part, comprend un extrait tiré du site Internet de la Companies House (registre de commerce et des sociétés, Royaume-Uni) faisant état, entre autres, du nom actuel de la société, de l’historique des changements de dénomination sociale ainsi que de l’objet d’activité de la société, à savoir celle de négociation de contrat de titres de valeur et de marchandises (security and commodity contracts dealing activities). D’autre part, cette pièce comprend les rapports annuels et les états financiers de l’intervenante pour les années 2006 à 2010, les mêmes documents correspondant aux années 2011 à 2016 étant inclus dans les pièces TS 2‑1 à TS 2‑6. Ces rapports, déposés au registre du commerce et des sociétés, indiquent que l’activité principale de l’intervenante est la fourniture de services de conseil et des conseils personnalisés en matière de gestion de portefeuille (portfolio management advisory and discretionary services). De même, ils font état du montant du chiffre d’affaires et des zones géographiques auxquelles il correspond.

105    La pièce TS 3 est un extrait tiré du site Internet de l’organisme de contrôle financier. Il ressort de ce document que l’intervenante est autorisée à fournir des produits et services financiers réglementés. Il précise également qu’une société est autorisée à utiliser plusieurs dénominations commerciales au titre de la même autorisation et énonce celles qui sont associées à l’intervenante. Or, force est de constater que toutes les dénominations commerciales mentionnées dans ce document comportent le terme « hottinger » auquel se rajoute des termes et des expressions comme « investment », « management », « & Cie », « & Co », « advisory », « capital », « financial », « wealth », « familly office ».

106    L’article du magazine Wealth Manager contenu dans la pièce TS 4a retrace l’historique de l’intervenante et apporte des précisions notamment sur le nombre de comptes clients détenus et le montant, en livres sterling, des actifs gérés.

107    S’agissant des pièces TS 5a et TS 5b, elles détaillent un certain nombre de transactions réalisées, selon le premier témoignage, par l’intervenante sous la dénomination « HOTTINGER & CO LTD » entre 2007 et 2010. Elles démontrent que l’intervenante a réalisé des activités d’investissement et de trading au Royaume-Uni.

108    Enfin, les pièces TS 2‑7 et TS 2‑8 comprennent des articles publiés dans Business Wire faisant mention de montants assez conséquents gérés par l’intervenante. En outre, il est mentionné dans la pièce TS 2‑7 que l’intervenante fournit des services de gestion de portefeuille et de conseil et que le nouveau mandat de gestion inclut des services de gestion de placements discrétionnaires et d’accords de courtage. La pièce TS 2‑8 fait référence, notamment, aux services en matière d’investissement, de crédit, d’assurance et de conseil aux entreprises.

109    Force est donc de constater que la chambre de recours, après avoir examiné les éléments de preuve dans leur ensemble, a pu considérer à juste titre qu’ils constituaient un faisceau d’indices démontrant que l’intervenante avait acquis un « goodwill » concernant les services mentionnés dans la demande en nullité et repris au point 45 de la décision attaquée.

110    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel Business Wire ne serait pas un organe de presse indépendant, il convient de relever, comme l’EUIPO l’a fait valoir à juste titre au point 51 du mémoire en réponse, que, à supposer que les articles publiés dans Business Wire devaient être considérés comme de la simple publicité, l’article publié dans Wealth Manager contribue à confirmer les conclusions de la chambre de recours.

111    Quant à l’argument de la requérante selon lequel les services de gestion des investissements et du capital ainsi que les services de conseils financiers et de conseils aux entreprises, pour lesquels la chambre de recours a retenu que le « goodwill » avait été acquis, feraient partie de catégories bien plus larges que celles qui résultent des preuves produites par la requérante, il y a lieu de constater, comme l’EUIPO l’a fait valoir au point 64 du mémoire en réponse, que, même en considérant que le « goodwill » avait été acquis seulement pour les services de gestion de patrimoine pour les personnes riches et leurs familles, ces services sont également en partie identiques et en partie similaires aux services contestés.

112    Enfin, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel seulement le pourcentage du chiffre d’affaires réalisé au Royaume-Uni était pertinent aux fins de l’examen des conditions du passing off. En effet, l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009 n’exige pas que l’utilisation du signe en cause soit prouvée sur le territoire de l’État membre dont le droit est invoqué [arrêt du 9 juillet 2010, Grain Millers/OHMI – Grain Millers (GRAIN MILLERS), T‑430/08, non publié, EU:T:2010:304, point 41].

113    Partant, il y a lieu de rejeter le premier grief de la requérante.

b)      Sur le deuxième grief, relatif à la présentation trompeuse

114    Par son deuxième grief, la requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que la présentation trompeuse devait être démontrée en tenant compte des clients du titulaire de la marque contestée et rappelle que, selon la jurisprudence nationale telle que constatée aux points 64 à 67 de l’arrêt du 11 juin 2009, LAST MINUTE TOUR (T‑114/07 et T‑115/07, EU:T:2009:196), cette analyse devait être effectuée au regard des clients de la demanderesse en nullité.

115    Selon la requérante, bien que l’analyse du risque de confusion soit pertinente au regard du droit des marques, l’intervenante n’a fourni aucune preuve quant à la probabilité que les clients puissent confondre les signes en conflit.

116    En tout état de cause, l’appréciation faite par la chambre de recours serait entachée d’erreurs liées, en substance, à la définition du public pertinent et à la prise en compte du « goodwill » que la requérante aurait acquis sur la marque contestée.

117    L’EUIPO concède que la chambre de recours a erronément considéré que la présentation trompeuse devait être évaluée au regard des clients de la titulaire de la marque contestée. Selon lui, cette erreur serait due à une citation inexacte, au point 46 de la décision attaquée, du point 73 de l’arrêt du 17 janvier 2019, TURBO-K (T‑671/17, non publié, EU:T:2019:13).

118    En outre, il admet qu’il y avait une discordance entre la dernière phrase du point 46 et le point 47 de la décision attaquée relative à l’inclusion du grand public dans la composition du public pertinent. À cet égard, l’EUIPO soutient que le public pertinent était composé non du grand public, mais des clients de l’intervenante, qui sont des particuliers qualifiés, des associations caritatives, des fiducies et des institutions.

119    L’EUIPO fait toutefois valoir que la présentation trompeuse fonctionne forcément dans les deux sens, car sans un chevauchement des clients, une présentation trompeuse serait impossible. Par ailleurs, les services en cause concernant le même domaine d’activité, l’intervenante et la requérante partageraient le même ensemble de clients et de clients potentiels. Le fait que la chambre de recours a mentionné les clients de la requérante comme étant le public pertinent ne devrait pas influer sur l’issue de l’affaire, puisque lesdits clients incluraient très probablement les véritables clients et certainement les clients potentiels de l’intervenante.

120    L’EUIPO conteste les arguments de la requérante pour le surplus.

121    L’intervenante conteste les arguments de la requérante.

122    Il est, certes, vrai que le Tribunal a déjà constaté que, selon la jurisprudence nationale (décision Reckitt), la présentation trompeuse, intentionnelle ou non, par le défendeur à l’action en usurpation d’appellation est celle qui est susceptible de conduire les clients du demandeur à attribuer à celui-ci l’origine commerciale des produits et des services proposés par le défendeur (arrêts du 11 juin 2009, LAST MINUTE TOUR, T‑114/07 et T‑115/07, EU:T:2009:196, point 92 ; du 9 décembre 2010, Golden Elephant Brand, T‑303/08, EU:T:2010:505, point 132, et du 17 janvier 2019, TURBO-K, T‑671/17, non publié, EU:T:2019:13, point 73).

123    Il ressort, toutefois, du point 60 de l’arrêt du 11 juin 2009, LAST MINUTE TOUR (T‑114/07 et T‑115/07, EU:T:2009:196), que le Tribunal, en se fondant sur la décision Reckitt, avait considéré que le public à l’égard duquel la présentation trompeuse devait être appréciée était constitué non par la notion abstraite de consommateur moyen résidant au Royaume-Uni, mais seulement par le consommateur de produits et services proposés par le demandeur à l’action en usurpation d’appellation. Le Tribunal n’a donc pas opéré une distinction entre les clients du demandeur à l’action en usurpation d’appellation et ceux du défendeur en excluant les uns par rapport aux autres.

124    D’ailleurs, il ressort de la jurisprudence nationale que le demandeur dans une action en usurpation d’appellation doit démontrer l’existence d’une « confusion potentielle parmi les clients communs des parties » [décision de la House of Lords (Chambre des Lords) Harrods Ltd v Harrodian School Ltd (1996) R.P.C. 697, p. 714, point 15 (ci-après la « décision Harrods »)].

125    En l’espèce, il ressort du point 54 de la décision attaquée que la chambre de recours, après avoir comparé les services en cause, a conclu qu’il y avait une présentation trompeuse pour les services considérés identiques ou similaires. La chambre de recours a donc implicitement, mais nécessairement, pris en considération cette clientèle qui serait intéressée par les services fournis à la fois par la requérante et par l’intervenante.

126    Étant donné que, dans les circonstances de l’espèce, une présentation trompeuse existerait en tout état de cause quel que soit le segment de la clientèle pris en considération, le fait que la chambre de recours ait considéré que la présentation trompeuse devait être évaluée au regard des clients de la titulaire de la marque contestée reste sans effet sur la légalité de la décision attaquée.

127    Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence nationale que, pour qu’une action en usurpation d’appellation soit fondée, la présentation trompeuse doit conduire à un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. Pour évaluer le risque de confusion, il convient de tenir compte du degré de similitude des signes en conflit, de l’existence d’un secteur d’activité commun et de l’existence de preuves relatives aux cas réels de confusion (voir, en ce sens, décision Harrods, p. 716, point 20 et 25, et p. 720, point 30).

128    S’agissant de la comparaison des signes en conflit, la chambre de recours a considéré qu’ils étaient très similaires sur les plans visuel et phonétique et que, sur le plan conceptuel, ils étaient dépourvus de signification pour le public anglophone.

129    La requérante ne conteste pas ces appréciations de la chambre de recours. Au demeurant, aucun élément du dossier ne permet de les remettre en cause.

130    S’agissant de l’appréciation de l’existence d’un secteur d’activité commun, la chambre de recours a procédé à la comparaison des services en cause et a considéré qu’ils étaient en partie identiques, en partie très similaires, en partie similaires à un degré moyen. Elle a également considéré que seulement les services de « publicité ; publication de textes publicitaires ; mise à jour de documentations publicitaire » relevant de la classe 35 étaient différents des services désignés par la marque nationale non enregistrée antérieure.

131    La requérante ne conteste pas ces appréciations de la chambre de recours. Au demeurant, aucun élément du dossier ne permet de les remettre en cause. L’argument de la requérante selon lequel elle offre une gamme complète de services bancaires contrairement à l’intervenante qui propose des services aux particuliers et familles fortunés ne fait que renforcer les conclusions de la chambre de recours relatives à l’existence de services similaires voire identiques.

132    S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les clients de l’intervenante étant principalement des particuliers sophistiqués, mais aussi des organismes de bienfaisance, des organismes de fiducie et des institutions, il est fort probable qu’ils soient très attentifs et qu’ils ne confondront pas les signes en conflit, celui-ci est dénoué de fondement. En effet, contrairement à ce que sous-entend la requérante, compte tenu de la forte similitude des signes en conflit sur les plans visuel et phonétique et du fait que les services en cause sont, notamment, en partie identiques et en partie très similaires, la circonstance que le public pertinent est composé de personnes dont le degré d’attention peut être considéré comme élevé ne suffit pas pour exclure que ledit public puisse croire que les services concernés proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

133    Quant à l’argument de la requérante selon lequel l’intervenante n’a fourni aucune preuve quant à la probabilité du risque de croyance erronée alors que la charge de cette preuve lui incombait, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence nationale, la disponibilité d’une telle preuve est importante, mais pas indispensable. En effet, une juridiction saisie d’un litige en matière d’usurpation d’appellation peut décider que l’usurpation a été établie même en l’absence d’une preuve concernant la confusion (décision Harrods, p. 722, points 25 et 30).

134    S’agissant, enfin, de la prise en compte par la chambre de recours du « goodwill » que la requérante aurait acquis sur la marque contestée, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001. Il découle de cette disposition que des faits non invoqués par les parties devant les instances de l’EUIPO ne peuvent plus l’être au stade du recours introduit devant le Tribunal et que le Tribunal ne saurait réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, la légalité d’une décision d’une chambre de recours de l’EUIPO doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêts du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C‑214/05 P, EU:C:2006:494, points 50 à 52, et du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, points 136 à 138).

135    Or, force est de constater que c’est pour la première fois devant le Tribunal que la requérante s’est prévalue d’un « goodwill » attaché à la marque contestée. En effet, à la lecture de ses écritures produites devant l’EUIPO, il apparaît que la requérante n’a fait valoir à aucun moment de manière expresse, ni devant la division d’annulation ni devant la chambre de recours, l’existence d’un « goodwill ». Par conséquent, cet argument est irrecevable.

136    Il s’ensuit que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 54 de la décision attaquée, qu’il existait un risque de confusion pour les services contestés ayant été jugés identiques ou similaires à différents degrés aux services désignés par la marque nationale non enregistrée antérieure.

137    Compte tenu de tous ces éléments, il y a lieu de rejeter le deuxième grief comme non fondé.

c)      Sur le troisième grief, relatif au préjudice causé au « goodwill »

138    Par son troisième grief, la requérante fait valoir qu’il n’existait aucun risque de confusion ou de volonté de tromper la croyance du public pertinent qui serait susceptible de causer un dommage à l’intervenante.

139    En outre, l’intervenante n’aurait pas démontré qu’elle avait subi un quelconque dommage.

140    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

141    Ainsi que le Tribunal a déjà constaté, selon le droit du Royaume-Uni, l’absence de preuve de cas concrets de confusion peut jouer un rôle dans le sens où il est possible que cette circonstance joue en défaveur du demandeur à une action en usurpation d’appellation si les produits du défendeur à cette action ont visiblement été présents sur le marché pendant une longue période. Néanmoins, l’absence de preuve de cas concrets de confusion peut souvent être facilement expliquée et s’avère rarement un facteur déterminant (arrêt du 9 décembre 2010, Golden Elephant Brand, T‑303/08, EU:T:2010:505, point 141).

142    En l’espèce, la chambre de recours a conclu sans être contestée par la requérante que les signes en conflit étaient très similaires sur les plans visuel et phonétique et que les services en cause étaient en partie identiques ou similaires à divers degrés. Dans une telle situation, l’absence de preuve de cas concrets de confusion ne saurait être considérée comme un facteur déterminant.

143    Partant, la chambre de recours a conclu à juste titre que, dans les circonstances de l’espèce, il n’était pas nécessaire pour l’intervenante d’apporter des preuves de cas concrets de confusion.

144    Compte tenu de tous ces éléments, il y a lieu de rejeter le troisième grief comme non fondé et, partant, le second moyen dans son intégralité.

145    Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

146    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

147    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      H.R. Participations SA est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Schwarcz

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.