DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

16 décembre 2010 (*)

« Marque communautaire – Procédure de nullité – Marques communautaires verbales BOTOLIST et BOTOCYL – Marques nationales figuratives et verbales antérieures BOTOX – Motif relatif de refus – Atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009] – Obligation de motivation – Article 73 du règlement n° 40/94 [devenu article 75 du règlement n° 207/2009] »

Dans les affaires jointes T‑345/08 et T‑357/08,

Helena Rubinstein SNC, établie à Paris (France), représentée par Mes A. von Mühlendahl et J. Pagenberg, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑345/08,

L’Oréal SA, établie à Paris, représentée par Mes A. von Mühlendahl et J. Pagenberg, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑357/08,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Allergan, Inc., établie à Irvine, Californie (États-Unis),

ayant pour objet, dans l’affaire T‑345/08, un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 28 mai 2008 (affaire R 863/2007-1), relative à une procédure d’annulation entre Allergan, Inc. et Helena Rubinstein SNC, et, dans l’affaire T‑357/08, un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 5 juin 2008 (affaire R 865/2007-1), relative à une procédure d’annulation entre Allergan, Inc. et L’Oréal SA,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. J. Azizi, président, Mme E. Cremona et M. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu les requêtes déposées au greffe du Tribunal les 22 août et 1er septembre 2008,

vu les mémoires en réponse de l’OHMI déposés au greffe du Tribunal le 22 janvier 2009,

vu les mémoires en réplique déposés au greffe du Tribunal le 28 avril 2009,

vu l’ordonnance du 11 mai 2010 portant jonction des affaires T‑345/08 et T‑357/08 aux fins de la procédure orale et de l’arrêt,

à la suite de l’audience du 8 juin 2010,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Affaire T‑345/08

1        Le 6 mai 2002, la première requérante, Helena Rubinstein SNC, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BOTOLIST.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Parfums ; eaux de toilette ; gels et sels pour le bain et la douche non à usage médical ; savons de toilette ; déodorants corporels ; cosmétiques notamment crèmes, laits, lotions, gels et poudres pour le visage, le corps et les mains, laits, gels et huiles de bronzage et après-soleil (cosmétiques) ; produits de maquillage ; shampooings ; gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et le soin des cheveux ; laques pour les cheveux, colorants et produits pour la décoloration des cheveux ; produits pour l’ondulation et la mise en plis des cheveux ; huiles essentielles ».

4        La marque communautaire BOTOLIST a été enregistrée le 19 novembre 2003.

5        Le 2 février 2005, le demandeur en nullité, Allergan, Inc., a introduit une demande en nullité de l’enregistrement de cette marque communautaire pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        La demande en nullité était fondée sur plusieurs marques antérieures figuratives et verbales, communautaires et nationales, portant sur le signe BOTOX, enregistrées notamment pour des produits relevant de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante : « Produits pharmaceutiques pour le traitement de troubles neurologiques, dystonie musculaire, troubles des muscles lisses, troubles du système nerveux autonome, maux de tête, rides, hyperhydrose, blessures sportives, paralysie cérébrale, spasmes, tremblements et douleurs ». La plus ancienne de ces marques avait été enregistrée le 12 avril 1991 et la plus récente le 7 août 2003.

7        Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94 [devenu article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 207/2009)], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b) [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009], et l’article 8, paragraphes 4 et 5, dudit règlement (devenu article 8, paragraphes 4 et 5, du règlement n° 207/2009).

8        Le 28 mars 2007, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

9        Le 1er juin 2007, le demandeur en nullité a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de la division d’annulation.

10      Par décision du 28 mai 2008 (ci-après la « première décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a accueilli ce recours. En particulier, elle a considéré que, bien que la marque BOTOLIST ne prêtait pas à confusion avec la « marque antérieure », la demande en nullité reposant sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 était fondée.

 Affaire T‑357/08

11      Le 19 juillet 2002, la seconde requérante, L’Oréal SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’OHMI en vertu du règlement n° 40/94.

12      La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BOTOCYL.

13      Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 3 au sens de l’arrangement de Nice et correspondent à la description suivante : « Parfums ; eaux de toilette ; gels et sels pour le bain et la douche non à usage médical ; savons de toilette ; déodorants corporels ; cosmétiques notamment crèmes, laits, lotions, gels et poudres pour le visage, le corps et les mains, laits, gels et huiles de bronzage et après-soleil (cosmétiques) ; produits de maquillage ; shampooings ; gels, mousses, baumes et produits sous la forme d’aérosol pour le coiffage et le soin des cheveux ; laques pour les cheveux, colorants et produits pour la décoloration des cheveux ; produits pour l’ondulation et la mise en plis des cheveux ; huiles essentielles ».

14      La marque communautaire BOTOCYL a été enregistrée le 14 octobre 2003.

15      Le 2 février 2005, le demandeur en nullité a introduit une demande en nullité de l’enregistrement de cette marque communautaire pour les produits visés au point 13 ci-dessus.

16      La demande en nullité était fondée sur plusieurs marques antérieures figuratives et verbales, communautaires et nationales, portant sur le signe BOTOX, enregistrées notamment pour des produits relevant de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante : « Produits pharmaceutiques pour le traitement de troubles neurologiques, dystonie musculaire, troubles des muscles lisses, troubles du système nerveux autonome, maux de tête, rides, hyperhydrose, blessures sportives, paralysie cérébrale, spasmes, tremblements et douleurs ». La plus ancienne de ces marques avait été enregistrée le 12 avril 1991 et la plus récente le 7 août 2003.

17      Les motifs invoqués à l’appui de la demande en nullité étaient ceux visés à l’article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement n° 40/94, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et l’article 8, paragraphes 4 et 5, dudit règlement.

18      Le 4 avril 2007, la division d’annulation a rejeté la demande en nullité.

19      Le 1er juin 2007, le demandeur en nullité a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d’annulation.

20      Par décision du 5 juin 2008 (ci-après la « seconde décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a accueilli ce recours. En particulier, elle a considéré que, bien que la marque BOTOCYL ne prêtait pas à confusion avec la « marque antérieure », la demande en nullité reposant sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 était fondée.

 Conclusions des parties

 Affaire T‑345/08

21      La première requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la première décision attaquée ;

–        rejeter le recours formé par le demandeur en nullité contre la décision de la division d’annulation du 28 mars 2007 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris ceux supportés par la première requérante devant l’OHMI.

22      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la première requérante aux dépens.

 Affaire T‑357/08

23      La seconde requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la seconde décision attaquée ;

–        rejeter le recours formé par le demandeur en nullité contre la décision de la division d’annulation du 4 avril 2007 ;

–        condamner l’OHMI aux dépens, y compris ceux supportés par la seconde requérante devant l’OHMI.

24      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la seconde requérante aux dépens.

 En droit

25      Les requérantes invoquent deux moyens à l’appui de leurs recours. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Le second moyen est pris de la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94 (devenu article 75 du règlement n° 207/2009).

 Sur la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

26      À titre liminaire, les requérantes ne contestent pas que le demandeur en nullité soit titulaire d’une marque antérieure enregistrée. Elles font aussi valoir, sans être contredites par l’OHMI, qu’il n’est pas contesté que le public pertinent est constitué du grand public auquel il convient d’ajouter, en ce qui concerne la marque BOTOX, le public spécialisé des professionnels de santé.

–       Sur la renommée des marques antérieures

27      Les requérantes soutiennent qu’aucune preuve ne permet d’établir que la marque BOTOX était renommée à la date du dépôt des marques contestées, ce qui serait d’ailleurs hautement improbable dès lors que moins de trois mois et un peu plus de cinq mois se sont écoulés entre l’enregistrement de la marque communautaire figurative n° 2015832 BOTOX, le 12 février 2002, et, respectivement, le dépôt de la marque BOTOLIST, le 6 mai 2002, et celui de la marque BOTOCYL, le 19 juillet 2002. Ce serait donc à bon droit que la division d’annulation a décidé que les preuves présentées à cet égard par le demandeur en nullité étaient insuffisantes. Quelle que soit la preuve qui a pu être produite par le demandeur en nullité, celle-ci n’établirait pas que la marque était renommée à la date de dépôt des marques contestées. Les données relatives aux ventes de 1999 et de 2003 ne seraient pas visées dans la décision attaquée et ne sauraient, à elles seules, fonder une conclusion relative à la renommée. Les éléments relatifs à la couverture médiatique remonteraient, pour la plupart, à une période postérieure à la date de dépôt des marques contestées. Ceux qui seraient antérieurs à cette date seraient irrecevables parce qu’ils n’auraient pas été traduits en français, langue de la procédure devant l’OHMI. Les éléments de preuve supplémentaires présentés devant la chambre de recours seraient nouveaux et tardifs. Ils auraient dû être déclarés irrecevables en vertu de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (devenu article 76, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009). La traduction en français d’un article paru dans le quotidien The Guardian, le 3 novembre 2001, ne suffirait pas, à elle seule, à prouver la renommée. De plus, même si les enquêtes d’opinion réalisées en 2003 et en 2004 peuvent être pertinentes pour établir la connaissance par le public du Royaume-Uni de la marque BOTOX pendant ces années, il ne serait pas possible d’extrapoler ces données pour les appliquer à la situation qui existait en mai ou en juillet 2002 du fait de l’introduction relativement récente de BOTOX sur les marchés. Les références faites au BOTOX dans des dictionnaires ne seraient également pas aptes à démontrer le degré nécessaire de connaissance auprès du grand public, dès lors que ces références ne se fonderaient pas sur la connaissance par le grand public d’un terme ou d’un mot particulier. Quant à la décision du United Kingdom Intellectual Property Office (Office de la propriété intellectuelle du Royaume-Uni) du 26 avril 2005, BOTOX/BOTOMASK, il conviendrait de relever que la marque postérieure BOTOMASK avait été déposée le 25 octobre 2002, qu’elle était enregistrée pour des produits relevant de la classe 3 et qu’il a été fait droit au recours pour les « produits de beauté non chirurgicaux » et les « cosmétiques », mais pas pour les « savons, parfumerie, huiles essentielles ». Aussi juste que puisse être cette décision, elle ne serait pas de nature à indiquer autre chose que le fait que le demandeur en nullité a partiellement obtenu gain de cause face à une marque déposée à la fin du mois d’octobre 2002, soit plus de trois ou de six mois après le dépôt des marques contestées.

28      L’OHMI fait valoir que les éléments de preuve présentés par le demandeur en nullité démontrent que les marques antérieures avaient acquis une immense renommée en ce qui concerne les « produits pharmaceutiques pour le traitement des rides », à tout le moins au Royaume-Uni, les 6 mai et 19 juillet 2002.

–       Sur la similitude des marques en cause

29      Les requérantes soutiennent que les similitudes entre les marques en cause ne sont pas suffisantes pour créer le lien nécessaire afin de fonder un constat de violation au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Ces similitudes se limiteraient en effet à la syllabe « bot » ou aux syllabes « boto ». La syllabe « bot » figurant dans la marque antérieure viserait de manière évidente et non équivoque le principe actif présent dans le produit pharmaceutique, à savoir la toxine botulique. Pris isolément, cet élément de la marque antérieure ne présenterait pas de caractère distinctif. Au contraire, le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, qui ne serait en tout état de cause pas élevé, résulterait de la combinaison de l’élément descriptif et non distinctif « bot » ou « boto » avec la terminaison surprenante « x » ou « ox ». Le mot « botox » resterait en mémoire non en raison de sa première partie, mais du fait de sa terminaison. Comparées à BOTOX, les marques BOTOLIST et BOTOCYL seraient structurées de façon différente. L’élément commun ne serait pas distinctif et les éléments par lesquels les marques se différencieraient, à savoir « ox » ou « x », opposés à « olist » et « list » ou « ocyl » et « cyl », suffiraient à distinguer les marques de façon à éviter que ne se crée le lien requis. Les deux marques ne sauraient donc s’opposer, car l’élément « bot » ou « boto » figurant dans la marque antérieure serait descriptif et dépourvu de caractère distinctif. Le résultat devrait être le même que les marques postérieures utilisent ou non l’élément en question dans un sens descriptif et non distinctif. Il n’existerait aucune preuve suffisante à l’appui des conclusions que l’OHMI chercherait à faire valoir en ce qui concerne la démonstration du lien requis par la jurisprudence.

30      L’OHMI souligne que, aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, les consommateurs doivent établir un lien entre les marques en conflit. Le point 42 de l’arrêt de la Cour du 27 novembre 2008, Intel Corporation (C‑252/07, Rec. p. I‑8823), intervenu après l’adoption des décisions attaquées, fournirait une liste non exhaustive de critères pertinents à prendre en considération pour cette analyse. Une appréciation globale de ces critères aboutirait à la conclusion que la force des marques antérieures, leur caractère distinctif acquis par l’usage et la proximité existant entre la plupart des produits désignés par les marques compensent le degré plus faible de similitude entre les signes. Il serait dès lors plus que plausible que le public se souvienne des enregistrements antérieurs au Royaume-Uni, aussi bien le signe verbal que figuratif, lorsqu’il achète des cosmétiques portant la marque BOTOLIST ou la marque BOTOCYL. Le lien entre les marques serait, en fait, raisonnablement fort.

–       Sur les effets de l’usage sans juste motif de la marque contestée

31      Les requérantes font valoir que le dossier ne permet pas d’établir que l’utilisation des marques BOTOLIST et BOTOCYL est susceptible de porter préjudice ou de tirer profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque BOTOX. Aucun élément de preuve ne justifierait la conclusion faite à cet égard par la chambre de recours dans les décisions attaquées. De plus, aucune preuve ne démontrerait que les requérantes ont agi sans juste motif en déposant les marques contestées.

32      L’OHMI relève que, pour ce qui est du profit tiré indûment du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures (parasitisme), la chambre de recours a considéré que l’usage des marques BOTOLIST et BOTOCYL tirerait indûment profit de la renommée des marques antérieures parce que le public verrait un lien entre les marques et les produits qu’elles distinguent. En l’espèce, l’OHMI estime que le « lien » entre les marques est suffisamment important pour permettre un détournement de la renommée des marques antérieures dans le domaine des cosmétiques. Au Royaume-Uni, une partie significative du public connaîtrait les marques antérieures en tant que traitement pharmaceutique antirides. L’image à laquelle les marques antérieures seraient associées serait celle d’un produit antivieillissement. Or, de nombreux produits cosmétiques auraient ou prétendraient avoir un effet antivieillissement. Ils auraient pour but de cacher les rides et les traces laissées par l’âge. L’association avec les marques antérieures suggérerait que les produits des requérantes ont un effet comparable à celui obtenu avec le produit BOTOX. En quelque sorte, l’association faite par le public pertinent entre BOTOLIST et BOTOCYL, d’une part, et BOTOX, d’autre part, suggérerait la promesse d’une jeunesse éternelle. Mis en présence de produits cosmétiques portant ces marques, le public pertinent serait incité à les acheter en raison de l’association faite avec les marques antérieures.

33      En ce qui concerne le préjudice porté au caractère distinctif des marques antérieures (dilution), l’OHMI souligne que la chambre de recours a indiqué que l’usage des marques contestées entraînerait la perte du statut unique des marques antérieures BOTOX, qui constituait la base de leur renommée. En effet, le caractère distinctif intrinsèque des marques antérieures proviendrait de la combinaison fantaisiste des deux éléments contractés « bot » (pour « botulinum ») et « tox » (pour « toxine »). Comme la chambre de recours l’a indiqué, les requérantes pourraient utiliser des préfixes descriptifs tels que « bot » (pour « botanique ») ou « botu » (pour « botulisme »), mais il n’y aurait pas de raison que les requérantes ou tout autre opérateur créent une marque dont le préfixe est l’élément distinctif « boto ». L’utilisation de BOTOLIST, BOTOCYL et d’autres marques commençant par « boto » entraînerait une perte d’attrait des marques antérieures, parce que le seul élément qui garantirait un rapport entre les préparations pour le traitement des rides et Allergan serait la dernière lettre « x » de BOTOX. Le changement du comportement économique du public serait prévisible en ce sens que ce dernier n’associerait plus l’élément « boto » à Allergan. Ses marques seraient amputées d’une partie substantielle de ce qui fait leur valeur. L’utilisation des marques contestées ouvrirait la voie à d’autres utilisations par d’autres opérateurs, lesquelles réduiraient progressivement le caractère exclusif des marques antérieures qui s’en trouveraient diluées. Le risque de dilution serait renforcé par le fait que les requérantes ont enregistré plusieurs marques communautaires et que l’utilisation de BOTOLIST et de BOTOCYL pour des cosmétiques suggérerait aux consommateurs que des effets antivieillissement semblables à ceux obtenus par des injections de BOTOX peuvent être obtenus sans contrôle médical, par des moyens probablement moins onéreux, moins dangereux et moins douloureux. Alors que les preuves documentaires produites par le demandeur en nullité démontreraient que les effets de traitement des rides des produits pharmaceutiques pour le traitement des rides BOTOX sont scientifiquement prouvés, rien n’indiquerait cela pour les produits des requérantes.

34      S’agissant de l’usage sans juste motif, l’OHMI rappelle que la chambre de recours a conclu dans la décision attaquée à une absence de juste motif au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Les requérantes ne produiraient pas le moindre élément de droit ou de fait pour réfuter cette conclusion, alors que la notion d’usage « sans juste motif » est un moyen de défense et qu’il ressort de la répartition de la charge de la preuve prévue à l’article 74, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 qu’il revient à la partie qui invoque cette défense de présenter des éléments de fait à son appui.

 Appréciation du Tribunal

35      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 :

« Sur opposition du titulaire d’une marque antérieure au sens du paragraphe 2, la marque demandée est […] refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque communautaire antérieure, elle jouit d’une renommée dans la Communauté et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.»

36      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous a), dudit règlement :

« La marque communautaire est déclarée nulle sur demande présentée auprès de l’O[HMI] […] lorsqu’il existe une marque antérieure visée à l’article 8, paragraphe 2, et que les conditions énoncées au paragraphe 1 ou au paragraphe 5 de cet article sont remplies. »

37      Afin de vérifier si la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, lu conjointement avec l’article 52, paragraphe 1, sous a), dudit règlement en faisant droit aux recours et aux demandes de nullité, il convient d’apprécier si les conditions nécessaires à leur application sont, en l’espèce, remplies.

–       Observations liminaires

38      À titre liminaire, il y a lieu de relever que les demandes en nullité sont fondées sur plusieurs marques communautaires et nationales, figuratives et verbales, portant sur le signe BOTOX, enregistrées pour la quasi-totalité avant que les marques demandées BOTOLIST et BOTOCYL ne soient déposées respectivement les 6 juin et 19 juillet 2002 (voir points 2 des décisions attaquées). Ce sont ces marques, et non la seule marque communautaire figurative n° 2015832 BOTOX évoquée par les requérantes (voir point 27 ci-dessus), qui constituent les marques antérieures invoquées par le demandeur en nullité.

39      À cet égard, la chambre de recours s’est implicitement mais nécessairement démarquée de l’approche suivie par la division d’annulation, qui avait fondé ses décisions sur le seul enregistrement de la marque communautaire antérieure n° 2015832 du signe figuratif BOTOX, en considérant que la renommée était acquise tant pour les marques figuratives que pour les marques verbales BOTOX enregistrées avant le 6 mai 2002, que celles-ci soient communautaires ou nationales. Cette approche de la chambre de recours peut être illustrée par le fait qu’elle ne se réfère pas, dans les décisions attaquées, à l’élément figuratif de la marque communautaire précitée.

40      Dans ce contexte, et comme cela a été indiqué lors de l’audience, l’examen du Tribunal peut se limiter aux marques nationales antérieures enregistrées au Royaume-Uni pour le traitement des rides (soit la marque nationale verbale n° 2255853 portant sur le signe BOTOX et la marque nationale figurative n° 2255854 portant sur le signe BOTOX, enregistrées le 14 décembre 2000), dès lors qu’il s’agit du territoire pour lequel le plus d’éléments de preuve ont été produits par le demandeur en nullité. En effet, le simple fait qu’un motif relatif de refus soit constaté dans un État membre suffit à justifier l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 octobre 2006, Armacell/OHMI – nmc (ARMAFOAM), T‑172/05, Rec. p. II‑4061, point 33]. Les conditions énoncées par cette disposition seront donc examinées à la lumière de la perception des consommateurs du Royaume-Uni.

41      Partant, au vu du raisonnement exposé dans les décisions attaquées sur le motif relatif de refus tiré de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, il y a lieu de vérifier, premièrement, si ces marques nationales antérieures bénéficient d’une renommée au Royaume-Uni ; deuxièmement, si les marques contestées présentent une similitude avec ces marques antérieures ; troisièmement, si un usage sans juste motif des marques contestées tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée des marques antérieures ou leur porterait préjudice. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffirait à rendre inapplicables les dispositions de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA-FINDERS), T-67/04, Rec. p. II-1825, point 30).

–       Sur la renommée des marques antérieures

42      Pour satisfaire à la condition relative à la renommée, une marque antérieure doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle (arrêt de la Cour du 14 septembre 1999, General Motors, C‑375/97, Rec. p. I‑5421, point 31, et arrêt SPA-FINDERS, point 41 supra, point 34).

43      En l’espèce, la chambre de recours a relevé ce qui suit au point 34 de la première décision attaquée et au point 35 de la seconde décision attaquée :

« De l’avis de la [c]hambre, et contrairement à ce qu’a indiqué la [d]ivision [d’]annulation dans sa décision, la marque BOTOX peut être considérée comme renommée, et ce dans tous les États membres. Cette renommée, au demeurant, se doit surtout à la publicité indirecte du produit à travers les médias, c’est-à-dire grâce à des articles de presse qui ont servi à familiariser le grand public avec la toxine botulique (à l’origine, un poison dangereux) et la découverte qu’elle pouvait servir efficacement pour effacer certaines rides du visage. Si une large portion de la population a entendu parler du BOTOX, c’est donc la conséquence de cette intense campagne médiatique lancée au début des années 2000. »

44      Les requérantes considèrent qu’il n’existe aucune preuve d’une telle renommée à la date du dépôt des marques contestées, les 6 mai et 19 juillet 2002, ou que, en tout état de cause, les preuves fournies ne permettent pas d’établir cette renommée (voir point 27 ci-dessus).

45      Il ressort toutefois de l’examen des différentes preuves produites par le demandeur en nullité à l’appui, tout d’abord, des demandes en nullité, puis des recours devant la chambre de recours, que celle-ci n’a pas violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 en considérant que la marque BOTOX jouissait d’une renommée.

46      En premier lieu, le demandeur en nullité a fourni dans ses demandes le montant des ventes des produits commercialisés sous la marque BOTOX dans quatorze États membres, soit à cette époque tous les États membres de la Communauté européenne à l’exception du Luxembourg, de 1999 à 2003. La chambre de recours se réfère à ces informations aux points 3 des décisions attaquées, qui résument les faits pertinents. L’examen de ces données permet d’établir que les ventes des produits commercialisés sous la marque BOTOX ont généré un chiffre d’affaires global en augmentation de 2002 [environ 48 millions de dollars des États-Unis (USD)] à 2003 (environ 58 millions USD). Le Royaume-Uni est l’État membre où les ventes sont les plus importantes, avec près de 15 % du chiffre d’affaires global réalisé entre 1999 et 2002. Les ventes sont passées au Royaume-Uni de 2,357 millions USD en 1999 à 9,325 millions USD en 2002.

47      Contrairement à ce que font valoir les requérantes (voir point 27 ci-dessus), ces données sont évoquées dans la décision attaquée et peuvent être prises en considération en tant que preuve indirecte pour apprécier la renommée. En effet, de telles données reflètent les ventes réalisées au sein de l’Union européenne et permettent d’apprécier leur augmentation. De plus, il ne s’agit pas des seuls éléments présentés pour établir la renommée des produits vendus sous la marque BOTOX.

48      En deuxième lieu, compte tenu du fait que la marque BOTOX identifie un produit pharmaceutique vendu sous prescription, pouvant avoir à la fois des applications thérapeutiques et cosmétiques, sans qu’il soit possible d’en faire la publicité directe auprès du grand public, le demandeur en nullité s’est prévalu dans ses demandes de la promotion de la marque BOTOX auprès des praticiens, en fournissant différents articles scientifiques datés de 1999 et de 2001. La chambre de recours se réfère à cette promotion aux points 3 des décisions attaquées. Les documents communiqués sur ce point sont des articles publiés en 1999 et 2001 en anglais dans des revues scientifiques.

49      Ces articles permettent effectivement d’étayer l’affirmation faite par le demandeur en nullité sur ce point. Cette activité de promotion auprès des praticiens n’est d’ailleurs pas contestée en tant que telle par les requérantes, qui se contentent d’alléguer devant le Tribunal que ces articles, comme d’autres éléments de preuve, sont irrecevables faute d’avoir été traduits en français, langue de la procédure devant l’OHMI (voir point 27 ci-dessus et point 54 ci-après).

50      En troisième lieu, en complément de cette activité de promotion, le demandeur en nullité a invoqué dans ses demandes l’importante couverture médiatique auprès du grand public et au sein de l’Union des produits commercialisés sous la marque BOTOX. La chambre de recours se réfère à cette forte médiatisation aux points 3 des décisions attaquées. Les documents communiqués sur ce point sont plusieurs articles de presse, publiés depuis 2001 dans le quotidien du Royaume-Uni The Guardian ou dans des publications diffusées au Royaume-Uni et dans d’autres pays (« The Botox Boom » paru dans le magazine Newsweek du 13 mai 2002, dont il fait la couverture, « New uses for a poison turned wrinkle warrior » paru dans le quotidien The International Herald Tribune du 3 mars 2003), ainsi que des articles publiés en allemand, en italien, en français, en néerlandais et en espagnol. Une traduction en français de certains passages de l’article publié le 3 novembre 2001 dans le quotidien The Guardian a été communiquée en annexe au recours déposé par le demandeur en nullité.

51      Pour contester la force probante de ces documents, les requérantes soutiennent que ces éléments remontent pour la plupart à une période postérieure à la date de dépôt de la marque BOTOLIST, le 6 mai 2002, ou de la marque BOTOCYL, le 19 juillet 2002, et qu’ils n’auraient donc pas à être pris en considération pour établir la renommée. Elles font également valoir, s’agissant notamment des quelques documents qui remontent à une période antérieure aux dates de dépôt des marques contestées, que tous les documents qui ne sont pas ou qui n’ont pas été traduits en français, langue de la procédure devant l’OHMI, sont irrecevables. En toute hypothèse, la traduction en français de certains passages de l’article publié dans le quotidien The Guardian le 3 novembre 2001 ne suffirait pas à elle seule à prouver le caractère distinctif ou la renommée (voir point 27 ci-dessus).

52      À cet égard, si la renommée d’une marque antérieure doit être établie à la date de dépôt de la demande de marque contestée, les documents portant une date postérieure à cette date ne sauraient toutefois être privés de valeur probante s’ils permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date. Il ne saurait être exclu a priori qu’un document établi un certain temps avant ou après cette date puisse contenir des indications utiles compte tenu du fait que la renommée d’une marque s’acquiert, en général, progressivement. La valeur probante d’un tel document est susceptible de varier en fonction de la proximité plus ou moins élevée de la période couverte avec la date de dépôt [voir, par analogie, ordonnance de la Cour du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, Rec. p. I‑1159, point 31 ; arrêt de la Cour du 17 avril 2008, Ferrero Deutschland/OHMI et Cornu, C‑108/07 P, non publié au Recueil, point 53 ; arrêt du Tribunal du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, Rec. p. II‑5959, point 82].

53      En l’espèce, les articles de presse produits permettent bien d’établir l’existence d’une importante couverture médiatique en ce qui concerne les produits commercialisés sous la marque BOTOX à la date du dépôt des marques contestées. L’article du journal The Guardian du 3 novembre 2001 fait référence à un mouvement déjà bien ancré qui permettait à toute personne disposant d’une somme raisonnable d’obtenir le même traitement cosmétique que celui qui serait prodigué à plusieurs célébrités. D’autres articles, publiés quelques jours ou quelques semaines après la date du dépôt de la marque BOTOLIST (le 6 mai 2002) ou avant la date du dépôt de la marque BOTOCYL (le 19 juillet 2002), confirment la renommée dont disposait BOTOX auprès du grand public. L’article qui fait la couverture du magazine Newsweek du 13 mai 2002 en est l’illustration.

54      Par ailleurs, s’agissant du caractère prétendument irrecevable de tous les articles qui n’ont pas été fournis ou traduits en français, il convient de relever que l’existence même d’articles extraits d’une publication scientifique ou de la presse généraliste constitue un élément pertinent pour établir la renommée des produits commercialisés sous la marque BOTOX auprès du grand public indépendamment du contenu positif ou négatif de ces articles. La valeur probante de ces documents ne saurait dépendre en tant que telle de leur traduction dans la langue de procédure devant l’OHMI. Une telle traduction peut s’avérer utile, par exemple, en cas de doute sur le contenu de l’article, mais elle ne peut être érigée en condition de recevabilité d’un document fourni à titre de preuve. En outre, les requérantes qui n’ont pas, devant la chambre de recours, fait grief à la division d’annulation d’avoir accepté de prendre en compte les éléments de preuve non traduits en français n’indiquent pas en quoi, outre la date de publication, les différents articles présentés par le demandeur en nullité ne permettent pas d’établir la renommée des produits commercialisés sous la marque BOTOX auprès du grand public.

55      En quatrième lieu, le demandeur en nullité a fait valoir dans ses demandes que la marque BOTOX est à ce point connue que ce mot a été introduit dans plusieurs dictionnaires de langue anglaise, qui reconnaissent ce mot comme marque. La chambre de recours se réfère à cette indication aux points 3 des décisions attaquées. Les références initialement communiquées sur ce point sont les éditions 2003 de deux dictionnaires. D’autres références seront communiquées en annexe aux recours devant la chambre de recours, à savoir les éditions 2002 de trois autres dictionnaires.

56      Contrairement à ce que font valoir les requérantes (voir point 27 ci-dessus), les références faites dans les éditions 2002 et 2003 de plusieurs dictionnaires publiés au Royaume-Uni constituent bien un des éléments de preuve à même d’établir la renommée de la marque BOTOX dans ce pays ou auprès du public anglophone de l’Union. En effet, l’insertion d’un mot dans un dictionnaire traduit une certaine reconnaissance du public.

57      En cinquième lieu, le demandeur en nullité a joint à sa réponse aux observations présentées par les requérantes sur ses demandes en nullité une copie d’une décision du 26 avril 2005 du United Kingdom Intellectual Property Office statuant sur une demande en nullité de l’enregistrement de la marque BOTOMASK enregistrée au Royaume-Uni pour des cosmétiques. Cette action était fondée notamment sur plusieurs marques antérieures BOTOX. Dans sa décision, le United Kingdom Intellectual Property Office fait état de la renommée de la marque BOTOX au Royaume-Uni pour donner raison au demandeur en nullité en ce qui concerne certaines classes de produits.

58      Dans leurs observations sur cet élément de preuve, les requérantes indiquent qu’une telle décision permet seulement d’établir que le demandeur en nullité a partiellement obtenu gain de cause face à une marque déposée à la fin du mois d’octobre 2002, c’est-à-dire plus de trois ou de six mois après le dépôt des marques contestées (voir point 27 ci-dessus). Ces observations ne visent en rien le contenu de la décision du United Kingdom Intellectual Property Office. Au vu de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, elles ne remettent ainsi pas en cause l’intérêt que peut avoir cette décision pour établir la renommée de la marque BOTOX au Royaume-Uni.

59      En sixième lieu, en annexe aux recours devant la chambre de recours, le demandeur en nullité a produit la déclaration d’un de ses dirigeants, aux termes de laquelle, sur le marché de la réduction des plis et des rides au niveau du visage au Royaume-Uni, la part de marché du BOTOX était en décembre 2003 de 74,3 %, celle de DYSPORT de 24,7 % et celle de NEUROBLOC de 1 %. Cette déclaration indique également que le BOTOX était, sur le plan de la renommée, le troisième traitement antirides du visage en 2003 et en 2004, après les crèmes et lotions antirides vendues avec ou sans ordonnance et que, sur l’ensemble des consommateurs, 29 % en 2003 et 33 % en 2004 montraient une connaissance spontanée du produit.

60      Le demandeur en nullité a également produit en annexe à ces recours une étude de marché réalisée en septembre et en octobre 2004 au Royaume-Uni, pour comparer la connaissance des produits esthétiques non chirurgicaux dans le public, à savoir les produits dérivés de la toxine botulinum, dont le BOTOX et son principal concurrent, le DYSPORT. Cette étude indique que, bien que seulement 0,19 % de la population féminine ait testé le produit BOTOX en 2003, 29 % de cette population connaissait son existence. Le degré de connaissance atteignait 75 % en 2003 dans la partie du public qui connaissait au moins un traitement des lignes faciales. En 2004, 86 % de cette partie du public ignorait que le BOTOX était également destiné à d’autres usages que le traitement des rides du visage.

61      Pour contester la force probante de ces documents, les requérantes soutiennent que ces éléments auraient dû être déclarés irrecevables en vertu de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 du fait de leur nouveauté et de leur tardiveté. Elles font aussi valoir que, même si l’étude de marché peut être pertinente pour ce qui est de la situation en 2003 et en 2004 au Royaume-Uni, cela ne suffirait pas pour établir la situation qui existait en mai ou en juillet 2002 (voir point 27 ci-dessus).

62      À cet égard, il convient de relever que, aux termes de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, « [l’OHMI] peut ne pas tenir compte des faits que les parties n’ont pas invoqués ou des preuves qu’elles n’ont pas produites en temps utile ». Cette disposition confère un large pouvoir d’appréciation à la chambre de recours. En l’espèce, étant donné que la chambre de recours ne s’est pas expressément prononcée sur la recevabilité des éléments de preuve fournis en annexe aux recours du demandeur en nullité devant la chambre de recours, celle-ci a implicitement mais nécessairement estimé qu’ils étaient recevables. En acceptant de tels documents, la chambre de recours n’a ainsi fait qu’user du large pouvoir d’appréciation qui lui est conféré par l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94. Contrairement à ce que font valoir les requérantes, la chambre de recours n’était pas tenue de déclarer irrecevables la déclaration du dirigeant du demandeur en nullité ou l’étude de marché jointes au recours déposé devant elle.

63      Par ailleurs, ainsi que cela a déjà été indiqué en ce qui concerne la critique faite à l’encontre d’autres éléments de preuve produits en annexe aux demandes en nullité, si la renommée d’une marque antérieure doit être établie à la date de dépôt de la demande, les documents portant une date postérieure à cette date ne sont toutefois pas privés de valeur probante s’ils permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date (voir point 52 ci-dessus). En l’espèce, compte tenu du fait que la renommée s’acquière, en général, progressivement, il y a lieu de considérer que la connaissance qu’avait le grand public de la marque BOTOX au Royaume-Uni et les parts de marché de ces produits n’étaient pas sensiblement inférieures en 2002 aux niveaux caractérisés en 2003 ou en 2004. L’examen de ces données permet, en effet, d’observer que, s’il y a une augmentation de la connaissance d’une année sur l’autre, ce qui traduit une renommée de plus en plus importante, cette augmentation reste relativement faible.

64      En conclusion, compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve présentés par le demandeur en nullité, la chambre de recours n’a pas violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 en considérant que la marque BOTOX jouissait, à la date du dépôt des marques contestées, les 6 mai ou 19 juillet 2002, d’une renommée en ce qui concerne les « produits pharmaceutiques pour le traitement des rides » au Royaume-Uni.

–       Sur la similitude des marques en cause

65      Afin de satisfaire à la condition relative à la similitude des marques posée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre la marque antérieure jouissant d’une renommée et la marque contestée [arrêts de la Cour du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon et Adidas Benelux, C‑408/01, Rec. p. I‑12537, points 27 et 31, et Intel Corporation, point 30 supra, point 58 ; arrêt du Tribunal du 16 avril 2008, Citigroup et Citibank/OHMI – Citi (CITI), T‑181/05, Rec. p. II‑669, points 64 et 65]. Il suffit que le degré de similitude entre la marque antérieure jouissant d’une renommée et la marque contestée ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre elles, alors même qu’il ne les confond pas. L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce (arrêt CITI, précité, points 64 et 65, et, par analogie, arrêt Adidas-Salomon et Adidas Benelux, précité, points 29 à 31).

66      Après l’adoption des décisions attaquées, la Cour a précisé quels pouvaient être les facteurs pertinents à prendre en compte dans l’appréciation globale du lien évoqué dans l’arrêt Adidas Salomon et Adidas Benelux, point 65 supra. Parmi ces facteurs, la Cour a cité le degré de similitude entre les marques en conflit ; la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné ; l’intensité de la renommée de la marque antérieure ; le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure, et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (arrêt Intel Corporation, point 30 supra, points 41 et 42).

67      S’agissant du degré de similitude entre les marques en conflit, la Cour a relevé que, plus celles-ci étaient similaires, plus il était vraisemblable que la marque postérieure évoquera, dans l’esprit du public pertinent, la marque antérieure renommée. La Cour a toutefois précisé que la simple similitude entre les marques en conflit ne suffisait pas à conclure à l’existence d’un lien entre ces marques. En effet, il se peut que ces marques soient enregistrées respectivement pour des produits ou des services pour lesquels les publics concernés ne se chevauchent pas (arrêt Intel Corporation, point 30 supra, points 44 à 46).

68      C’est au vu de cette jurisprudence qu’il y a lieu d’examiner les décisions attaquées. En l’espèce, la chambre de recours a relevé aux points 35 à 41 de la première décision attaquée et 36 à 42 de la seconde décision attaquée, ce qui suit :

« 35 [ou 36]. La deuxième condition tient à la similitude entre les marques. Lors de l’examen du motif de nullité tiré de l’article 8, paragraphe 1, du [règlement n° 40/94], la chambre a conclu que, compte tenu de la comparaison des produits, le degré de similitude n’était pas suffisant pour engendrer un risque de confusion quant à l’origine industrielle et commerciale des produits respectifs.

36 [ou 37]. La question qui doit être posée est si ce degré relatif de similitude est également suffisant pour écarter l’application de l’article 8, paragraphe 5, du [règlement n° 40/94]. À cet égard, il convient de rappeler que la Cour de justice a été appelée à se prononcer sur cette question précise. Or, elle a précisé que l’application de la norme en question n’est pas subordonnée à l’existence d’un degré de similitude entre les marques tel qu’il peut exister un risque de confusion. Elle a indiqué qu’il est ‘suffisant que le degré de similitude soit tel que le public concerné établisse un lien entre le signe renommé et la marque attaquée’ (arrêt Adidas-Salomon et Adidas Benelux, point 65 supra, point 31).

37 [ou 38]. L’absence de risque de confusion entre BOTOLIST[/BOTOCYL] et BOTOX ne doit donc pas écarter l’application de l’article 8, paragraphe 5, du [règlement n° 40/94]. Il faut déterminer si le public concerné peut faire un ‘lien’ entre les deux marques.

38 [ou 39]. De l’avis de la [c]hambre, la réponse est affirmative. Le public concerné – aussi bien les praticiens que le grand public – ne manquera pas de remarquer que BOTOLIST[/BOTOCYL] commence par BOTO-, ce qui représente la quasi-totalité de la marque BOTOX, qu’il connaît bien. Cela l’amènera tout naturellement à faire le lien entre les deux marques (et, bien entendu, entre les produits, quoique différents, qu’elles distinguent) pour les raisons suivantes.

39 [ou 40]. BOTO- n’est pas un préfixe courant, ni dans le domaine pharmaceutique ni cosmétique. Il n’a aucune signification descriptive. Il ne peut même pas être considéré comme une abréviation de ‘botulique’, puisque ce mot commence par BOTU-. La titulaire affirme que de nombreuses marques commencent par BOT- (afin de créer une association d’idées avec les essences botaniques), mais ne nie pas qu’il n’y en ait guère qui commencent par BOTO-. Or, c’est précisément ce qui importe en l’espèce. Ce préfixe est si peu ordinaire sur le marché qu’il peut amener le public, confronté à BOTOX et BOTOLIST[/BOTOCYL], à établir un lien entre elles.

40 [ou 41]. La titulaire affirme que sa marque BOTOLIST[/BOTOCYL] ne s’inspire aucunement de la marque BOTOX mais plutôt du nom générique ‘botulinum’. L’argument aurait convaincu la chambre si la marque choisie avait été BOTULIST[/BOTUCYL]. La titulaire n’explique pas pourquoi elle a adopté le préfixe BOTO- alors que le mot auquel elle veut que le public pense est ‘botulinum’ ou ‘botulique’.

41 [ou 42]. La chambre conclut donc que le public sera tout naturellement amené à établir un lien (dans le sens précisé par la Cour dans l’arrêt Adidas) entre la marque BOTOLIST[/BOTOCYL] et le nom renommé BOTOX avant même de l’associer à ‘botulinum’. »

69      Dans les présentes affaires, l’absence de risque de confusion n’est pas contestée. Établir un tel risque n’est, d’ailleurs, pas exigé pour satisfaire aux conditions posées par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 (voir point 65 ci-dessus). Le débat se limite donc à savoir si le raisonnement suivi par la chambre de recours dans les décisions attaquées permet de considérer qu’est satisfaite la condition relative à l’existence d’un certain degré de similitude entre les marques antérieures et les marques contestées tel que le public établisse un lien.

70      À cet égard, il y a lieu de relever que le raisonnement de la chambre de recours repose sur l’idée que le public concerné remarquera que les marques BOTOLIST et BOTOCYL commencent par « boto », tout comme la marque BOTOX qu’il connaît bien. Pour la chambre de recours, le préfixe « boto » n’est pas descriptif. Il est peu ordinaire et ne peut pas être considéré comme une abréviation de « botulique » ou « botulinum ».

71      Selon les requérantes, la chambre de recours aurait dû prendre en considération la première syllabe « bot », laquelle serait descriptive et non distinctive. Cette affirmation s’appuie sur l’allégation selon laquelle la syllabe « bot » renverrait de « manière évidente et non équivoque » au principe actif du produit pharmaceutique, à savoir la toxine botulique.

72      Or, une telle allégation n’est pas fondée. À supposer que le signe BOTOX renvoie au principe actif de ce produit pharmaceutique, il faudrait alors le décomposer, d’une part, en « bo » pour « botulinum » et, d’autre part, en « tox » pour « toxine ». La syllabe « bot » n’a pas de signification particulière et aucune raison n’est invoquée pour permettre de comprendre en quoi elle devrait être préférée au préfixe « boto » pris en considération par la chambre de recours.

73      À supposer d’ailleurs que le signe BOTOX puisse être décomposé en « bo » pour « botulinum » et « tox » pour « toxine » en référence au principe actif qu’il utilise, il conviendrait alors de considérer que ce terme a acquis un caractère distinctif, intrinsèque ou par l’usage, à tout le moins au Royaume-Uni.

74      Au point 63 de la décision BOTOX/BOTOMASK du 26 avril 2005 (voir point 57 ci-dessus), par exemple, le United Kingdom Intellectual Property Office a indiqué à ce propos que, « en l’espèce, il semble que la marque BOTOX de la demanderesse soit intrinsèquement pleinement distinctive, nonobstant sa renommée » et que, « [c]ompte tenu de sa renommée et de son caractère distinctif intrinsèque, cette marque peut bénéficier d’une protection étendue ».

75      De même, dans le cadre de l’examen du risque de confusion, la chambre de recours a relevé aux points 25 des décisions attaquées qu’elle acceptait l’argument du demandeur en nullité selon lequel son produit antirides à injecter, commercialisé sous la marque BOTOX, était connu de tout le monde. La chambre de recours a considéré, à juste titre compte tenu des éléments de preuve produits dans le cadre de l’examen des données relatives à la renommée des marques antérieures (voir points 51 et suivants ci-dessus), que sa « notoriété se doit à la très forte médiatisation à laquelle a donné lieu ce médicament, volontiers présenté comme ‘produit-miracle’ dans la presse du monde entier » et que, « à travers cette médiatisation, le public a aussi été familiarisé avec le principe actif du médicament, c’est-à-dire la toxine botulique, dont le nom anglais a inspiré la marque : botulinum toxin ». La chambre de recours indique également aux points 26 des décisions attaquées que « le nom BOTOX est immédiatement associé par le public à ce médicament antirides et à l’entreprise qui le fabrique et le commercialise ».

76      Enfin, l’importance de la part de marché du BOTOX au Royaume-Uni, 74,3 % en 2003, tout comme le degré de connaissance de la marque de 75 % au sein du public spécialisé habitué aux traitements pharmaceutiques contre les rides, suffit à étayer l’existence d’un degré considérable de reconnaissance sur le marché, ce qu’évoque la chambre de recours dans les décisions attaquées quand elle indique, par exemple aux points 38 et 39, que le public concerné connaît bien la marque BOTOX.

77      Les arguments des requérantes ne sont donc pas de nature à remettre en cause le raisonnement suivi dans les décisions attaquées pour caractériser le degré de similitude entre les marques en cause.

78      Par ailleurs, dans la mesure où la simple similitude entre les marques en conflit ne suffit pas à conclure à l’existence d’un lien entre ces marques, dès lors qu’il se peut que ces marques soient enregistrées respectivement pour des produits ou des services pour lesquels les publics concernés ne se chevauchent pas (voir point 67 ci-dessus), il convient de relever que la chambre de recours reconnaît dans les décisions attaquées que les produits pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées sont différents tout en mettant en exergue un certain chevauchement, qualifié de « faible degré de similitude » en ce qui concerne les « produits pharmaceutiques pour le traitement des rides » du demandeur en nullité et les « produits cosmétiques, notamment crèmes » des requérantes (voir points 18 à 21 des décisions attaquées). Dans le cadre de l’examen au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, la chambre de recours estime ainsi, à juste titre, que ces produits, quoique différents, n’en relèvent pas moins de « secteurs de marché voisins » (voir points 38 et 44 de la première décision attaquée ainsi que 39 et 45 de la seconde décision attaquée).

79      En conséquence, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que, compte tenu des différents éléments évoqués dans les décisions attaquées, le public serait tout naturellement amené à établir un lien entre les marques BOTOLIST et BOTOCYL et la marque renommée BOTOX, avant même de l’associer au « botulinum ».

–       Sur les effets de l’usage de la marque contestée

80      À titre liminaire, pour ce qui est de savoir si les requérantes ont établi que l’usage des marques BOTOLIST et BOTOCYL obéissait à un juste motif, il y a lieu de relever qu’elles n’exposent à ce titre aucun élément. Or, il revient aux requérantes d’exposer le contenu d’un tel « juste motif », lequel est un moyen de défense.

81      S’agissant de la troisième des conditions énumérées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 (voir point 41 ci-dessus), il convient de l’analyser en trois types de risque distincts, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure (voir arrêt CITI, point 65 supra, point 75, et la jurisprudence citée).

82      Eu égard au libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, il suffit qu’il existe un seul des trois types de risque susvisés pour que cette disposition soit d’application. Le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque, mais il doit apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice. Une telle conclusion peut être établie notamment sur la base de déductions logiques résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toute autre circonstance de l’espèce (voir arrêt CITI, point 65 supra, points 76 à 78, et la jurisprudence citée).

83      Dans l’arrêt Intel Corporation, point 30 supra, la Cour a précisé les critères pertinents pour effectuer une telle analyse, lesquels sont applicables par analogie à la présente affaire. En premier lieu, il y a lieu de considérer que les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas. Plus l’évocation de la marque antérieure par la marque postérieure est immédiate et forte, plus est important le risque que l’utilisation actuelle ou future de la marque postérieure tire un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou leur porte préjudice. Il en découle que, à l’instar de l’existence d’un lien entre les marques en conflit, l’existence de l’une des atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94 ou d’un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent les critères énumérés ci-dessus. Au demeurant, s’agissant de l’intensité de la renommée et du degré de caractère distinctif de la marque antérieure, plus le caractère distinctif et la renommée de cette marque seront importants, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise (voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, point 30 supra, points 66 à 69).

84      En deuxième lieu, le fait que la marque antérieure jouit d’une grande renommée pour certaines catégories spécifiques de produits ou de services, que ces produits ou ces services et les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée ne sont pas similaires ou ne sont pas notablement similaires, que la marque antérieure est unique s’agissant de n’importe quels produits ou services et que la marque postérieure évoque la marque antérieure renommée dans l’esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, ne suffisent pas pour établir l’existence d’un profit indu et/ou d’un préjudice au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. En particulier, l’existence d’un lien entre les marques en conflit ne dispense pas le titulaire de la marque antérieure de rapporter la preuve d’une atteinte effective et actuelle à sa marque, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94, ou d’un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur (voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, point 30 supra, points 70 et 71).

85      En troisième lieu, s’agissant plus particulièrement du préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, il n’est pas nécessaire que la marque antérieure soit unique pour que puisse être établie l’existence d’une telle atteinte ou d’un risque sérieux qu’elle se produise dans le futur. En effet, une marque renommée a nécessairement un caractère distinctif, caractère à tout le moins acquis par l’usage. Partant, même si une marque antérieure renommée n’est pas unique, l’usage d’une marque identique ou similaire postérieure peut être de nature à affaiblir le caractère distinctif dont jouit ladite marque antérieure. Cependant, plus la marque antérieure présente un caractère unique, plus l’usage d’une marque postérieure identique ou similaire sera susceptible de porter préjudice à son caractère distinctif. Par ailleurs, un premier usage d’une marque identique ou similaire postérieure peut suffire, le cas échéant, à causer un préjudice effectif et actuel au caractère distinctif de la marque antérieure ou à faire naître un risque sérieux qu’un tel préjudice se produise dans le futur. Enfin, le préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure est constitué dès lors que se trouve affaiblie l’aptitude de cette marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et utilisée comme provenant du titulaire de ladite marque, l’usage de la marque postérieure entraînant une dispersion de l’identité de la marque antérieure et de son emprise sur l’esprit du public. Il s’ensuit que la preuve que l’usage de la marque postérieure porte ou porterait préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure suppose que soient démontrés une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée consécutive à l’usage de la marque postérieure ou un risque sérieux qu’une telle modification se produise dans le futur. Il est en revanche indifférent, aux fins d’apprécier si l’usage de la marque postérieure porte ou porterait préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, que le titulaire de la marque postérieure tire ou non un réel avantage commercial du caractère distinctif de la marque antérieure (voir, par analogie, arrêt Intel Corporation, point 30 supra, points 72 à 78).

86      C’est au vu de cette jurisprudence qu’il y a lieu d’examiner le contenu des décisions attaquées. En l’espèce, la chambre de recours a relevé, aux points 42 à 44 de la première décision attaquée et 43 à 45 de la seconde décision attaquée, ce qui suit :

« 42 [ou 43]. Il reste donc à examiner si l’usage sans juste motif de BOTOLIST[/BOTOCYL] tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée du BOTOX ou lui porterait préjudice.

43 [ou 44]. L’unique motif donné par le titulaire pour employer la séquence BOTO- dans BOTOLIST[/BOTOCYL] est de faire allusion à ‘botulinum’. Or, comme l’on vient de le voir ce nom commence par BOTU-. La chambre considère donc que le titulaire n’a justifié d’aucun motif valable pour reproduire un début de marque identique qui reproduit dans sa presque totalité la marque renommée.

44 [ou 45]. En utilisant une marque inspirée de BOTOX en rapport à des produits appartenant à des secteurs du marché voisins, la titulaire ne provoque pas un risque de confusion sur le marché mais tire indûment profit du fort caractère distinctif dont jouit la marque antérieure auprès du public. Ce dernier, pour les raisons indiquées, verra forcément un lien entre les deux marques et les produits qu’elles distinguent et cessera de percevoir la spécificité et l’unicité de la marque BOTOX qui constituent la base de sa renommée ».

87      Au vu du contenu des décisions attaquées, force est de constater que la chambre de recours est assez lapidaire quand elle établit les effets de l’usage des marques contestées. En substance, la raison invoquée tient au fait que le public concerné verra forcément un lien entre les marques en conflit et les produits qu’elles distinguent, à savoir, d’une part, les « produits pharmaceutiques pour le traitement des rides » commercialisés sous la marque BOTOX et, d’autre part, les « produits cosmétiques, notamment crèmes », commercialisés sous les marques BOTOLIST et BOTOCYL.

88      Cependant, il convient de relever que cette explication a fait l’objet d’importants développements dans le cadre de la procédure administrative et devant le Tribunal. Le demandeur en nullité a ainsi indiqué que la marque BOTOLIST comme la marque BOTOCYL, enregistrées conjointement par le groupe L’Oréal, entendent concrètement profiter du caractère distinctif et de la renommée acquise par le BOTOX en matière de traitement des rides, ce qui aura pour effet d’amoindrir la valeur de cette marque. Ces risques sont suffisamment sérieux et non hypothétiques pour justifier l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. Lors de l’audience, les requérantes ont ainsi reconnu que même si leurs produits ne contenaient pas de toxine botulique, elles entendaient tout de même profiter de l’image qui était associée à ce produit, laquelle se retrouve dans la marque BOTOX, marque unique à cet égard (voir, en ce sens, arrêt Intel Corporation, point 30 supra, point 56).

89      Il ressort de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94

 Arguments des parties

90      Les requérantes font valoir que, en ce qui concerne les conclusions selon lesquelles, d’une part, la marque antérieure BOTOX est renommée, et, d’autre part, l’utilisation des marques contestées tire indûment profit du caractère distinctif et de la réputation de ladite marque antérieure et leur porte préjudice, la décision attaquée n’est pas motivée, en ce qu’il n’est absolument pas établi sur quelles constatations de fait ou sur quels arguments juridiques elle se fonde. En ce qui concerne le défaut de motivation relatif à la renommée, la seule référence aux arguments du demandeur en nullité, visés aux points 3, 11 et 13 des décisions attaquées, ne pourrait pas justifier l’absence de constatation de fait. La chambre de recours aurait dû constater les faits avant de conclure qu’une marque est renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 40/94. En l’absence de telles constatations, les requérantes ne seraient pas en mesure de se défendre devant le Tribunal et celui-ci ne serait pas en mesure de juger si les conclusions de la chambre de recours se fondent effectivement sur des constatations de fait. Ces arguments s’appliqueraient mutatis mutandis en ce qui concerne le défaut de motivation relatif au préjudice. Il ne serait pas possible de comprendre en quoi l’utilisation de BOTOLIST et de BOTOCYL tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque BOTOX ou porterait préjudice à son caractère distinctif ou à sa renommée.

91      L’OHMI soutient que, même si l’exposé des motifs est relativement succinct, il contient toutes les informations nécessaires pour comprendre la décision attaquée et en contester la légalité devant le juge de l’Union.

 Appréciation du Tribunal

92      En vertu de l’article 73, première phrase, du règlement n° 40/94, l’OHMI est tenu de motiver ses décisions. Cette motivation a le double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du Tribunal du 15 mars 2006, Develey/OHMI (Forme d’une bouteille en plastique), T‑129/04, Rec. p. II‑811, point 18, et la jurisprudence citée].

93      En l’espèce, la chambre de recours expose dans les décisions attaquées la motivation permettant de comprendre pour quelles raisons la marque BOTOX est renommée. Ces raisons ressortent en effet tant du résumé des faits pertinents pour l’analyse que de l’analyse juridique proprement dite effectuée par la chambre de recours dans les décisions attaquées.

94      Pour ce qui est de la motivation de la décision attaquée concernant les effets de l’usage sans juste motif de la marque demandée, pour lapidaire qu’elle soit, elle ressort néanmoins des points 42 à 44 de la première décision attaquée et 43 à 45 de la seconde décision attaquée. Les requérantes disposent à cet égard de toutes les informations pertinentes pour leur permettre de contester cette motivation dans le cadre du présent recours. Par ailleurs, même si la légalité des décisions attaquées doit être examinée à la lumière de la jurisprudence pertinente, il ne peut être reproché à la chambre de recours de n’avoir pas pris en considération dans les décisions attaquées, adoptées les 28 mai et 5 juin 2008, le contenu de l’arrêt Intel Corporation, point 30 supra, prononcé le 27 novembre 2008.

95      Il ressort de ce qui précède que le second moyen doit être rejeté.

96      Partant, il y a lieu de rejeter les recours dans leur ensemble.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les recours sont rejetés.

2)      Helena Rubinstein SNC est condamnée aux dépens dans l’affaire T‑345/08.

3)      L’Oréal SA est condamnée aux dépens dans l’affaire T‑357/08.

Azizi

Cremona

Frimodt Nielsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.