ARRÊT DE LA COUR (grande chambre)

4 septembre 2018 (*)

« Pourvoi – Accès aux documents des institutions de l’Union européenne – Règlement (CE) no 1049/2001 – Règlement (CE) no 1367/2006 – Rapport d’analyse d’impact, projet de rapport d’analyse d’impact et avis du comité d’analyse d’impact – Initiatives législatives dans le domaine environnemental – Refus d’accès – Divulgation des documents demandés en cours d’instance – Persistance de l’intérêt à agir – Exception relative à la protection du processus décisionnel en cours d’une institution de l’Union – Présomption générale »

Dans l’affaire C‑57/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 30 janvier 2016,

ClientEarth, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Mes O. W. Brouwer, J. Wolfhagen et F. Heringa, advocaten,

partie requérante,

soutenue par :

République de Finlande, représentée par Mme H. Leppo et M. J. Heliskoski, en qualité d’agents,

Royaume de Suède, représenté par Mmes A. Falk, C. Meyer-Seitz, U. Persson et N. Otte Widgren, en qualité d’agents,

parties intervenantes au pourvoi,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mme F. Clotuche-Duvieusart et M. M. Konstantinidis, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (grande chambre),

composée de M. K. Lenaerts, président, M. A. Tizzano (rapporteur), vice‑président, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. T. von Danwitz, J. L. da Cruz Vilaça, A. Rosas et J. Malenovský, présidents de chambre, MM. E. Juhász, A. Borg Barthet, D. Šváby, Mme M. Berger, MM. E. Jarašiūnas, C. Lycourgos, M. Vilaras et E. Regan, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 3 juillet 2017,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 28 novembre 2017,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, ClientEarth demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 novembre 2015, ClientEarth/Commission (T‑424/14 et T‑425/14, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:848), par lequel celui-ci a rejeté ses recours tendant à l’annulation, d’une part, de la décision de la Commission européenne du 1er avril 2014, refusant l’accès à un rapport d’analyse d’impact concernant un projet d’instrument contraignant définissant le cadre stratégique des procédures d’inspection et de surveillance basées sur les risques et relatives à la législation environnementale de l’Union européenne ainsi qu’à un avis du comité d’analyse d’impact et, d’autre part, de la décision de la Commission du 3 avril 2014, refusant l’accès à un projet de rapport d’analyse d’impact relatif à l’accès à la justice en matière environnementale au niveau des États membres dans le domaine de la politique environnementale de l’Union ainsi qu’à un avis du comité d’analyse d’impact (ci-après, prises ensemble, les « décisions litigieuses »).

 Le cadre juridique

2        Les considérants 1, 2 et 6 du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), énoncent :

« (1)      Le traité sur l’Union européenne consacre la notion de transparence dans son article 1er, deuxième alinéa, selon lequel le traité marque une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens.

(2)      La transparence permet d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel, ainsi que de garantir une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité de l’administration à l’égard des citoyens dans un système démocratique. La transparence contribue à renforcer les principes de la démocratie et le respect des droits fondamentaux tels qu’ils sont définis à l’article 6 du traité UE et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

[...]

(6)      Un accès plus large aux documents devrait être autorisé dans les cas où les institutions agissent en qualité de législateur [...] tout en veillant à préserver l’efficacité du processus décisionnel des institutions. Dans toute la mesure du possible, ces documents devraient être directement accessibles. »

3        Aux termes de l’article 1er de ce règlement :

« Le présent règlement vise à :

a)      définir les principes, les conditions et les limites, fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé, du droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission [...] de manière à garantir un accès aussi large que possible aux documents ;

[...] »

4        L’article 4 dudit règlement, intitulé « Exceptions », dispose, à son paragraphe 3, premier alinéa, et à son paragraphe 6 :

« 3.      L’accès à un document établi par une institution pour son usage interne ou reçu par une institution et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où sa divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

[...]

6.      Si une partie seulement du document demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions susvisées, les autres parties du document sont divulguées. »

5        L’article 12 du même règlement, intitulé « Accès direct sous forme électronique ou par l’intermédiaire d’un registre », prévoit, à son paragraphe 2 :

« [...] les documents législatifs, c’est-à-dire les documents établis ou reçus dans le cadre de procédures visant à l’adoption d’actes légalement contraignants au sein des États membres ou pour ceux-ci, devraient être rendus directement accessibles, sous réserve des articles 4 et 9. »

6        Les considérants 2 et 15 du règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (JO 2006, L 264, p. 13), énoncent :

« (2)      Le sixième programme d’action communautaire pour l’environnement [...] insiste sur la nécessité de fournir des informations environnementales appropriées et d’offrir au public de véritables possibilités de participation au processus décisionnel en matière d’environnement, de manière à renforcer l’obligation de rendre compte et la transparence dans le cadre de la prise de décision, en vue de sensibiliser l’opinion publique et d’obtenir son adhésion aux décisions prises. [...]

[...]

(15)      Lorsque le règlement [no 1049/2001] prévoit des exceptions, celles-ci devraient s’appliquer sous réserve des dispositions plus spécifiques du présent règlement relatives aux demandes d’accès aux informations environnementales. Les motifs de refus en ce qui concerne l’accès aux informations environnementales devraient être interprétés de manière restrictive, en tenant compte de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présente pour le public et du fait que les informations demandées ont ou non trait à des émissions dans l’environnement. [...] »

7        L’article 2, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1367/2006 définit la notion d’« information environnementale » comme suit :

« toute information disponible sous forme écrite, visuelle, sonore, électronique ou toute autre forme matérielle, concernant :

[...]

iii)      les mesures (y compris les mesures administratives), telles que les politiques, les dispositions législatives, les plans, les programmes, les accords environnementaux et les activités ayant ou susceptibles d’avoir des incidences sur les éléments et les facteurs [environnementaux] visés aux points i) et ii), ainsi que les mesures ou activités destinées à protéger ces éléments ;

[...]

v)      les analyses coût-avantages et autres analyses et hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures et activités visées au point iii) ;

[...] »

8        Aux termes de l’article 3 de ce règlement, intitulé « Application du règlement [no 1049/2001] » :

« Le règlement [no 1049/2001] s’applique à toute demande d’accès à des informations environnementales détenues par des institutions ou organes communautaires [...] »

9        L’article 6 du règlement no 1367/2006, intitulé « Application des exceptions relatives aux demandes d’accès à des informations environnementales », prévoit, à son paragraphe 1 :

« En ce qui concerne les dispositions de l’article 4, paragraphe 2, premier et troisième tirets, du règlement [no 1049/2001], à l’exception des enquêtes, notamment celles relatives à de possibles manquements au droit communautaire, la divulgation est réputée présenter un intérêt public supérieur lorsque les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement. Pour ce qui est des autres exceptions prévues à l’article 4 du règlement [no 1049/2001], les motifs de refus doivent être interprétés de manière stricte, compte tenu de l’intérêt public que présente la divulgation et du fait de savoir si les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement. »

 Les antécédents du litige

10      Il ressort de l’arrêt attaqué que, le 20 janvier 2014, ClientEarth, qui est un organisme à but non lucratif ayant pour objet la protection de l’environnement, a présenté à la Commission deux demandes d’accès à des documents détenus par cette institution, sur le fondement du règlement no 1049/2001. La première de ces demandes portait sur un projet de rapport d’analyse d’impact relatif à l’accès à la justice en matière environnementale au niveau des États membres dans le domaine de la politique environnementale de l’Union ainsi que sur l’avis du comité d’analyse d’impact rendu sur ce projet (ci-après les « documents d’analyse d’impact sur l’accès à la justice en matière environnementale »). La seconde demande concernait un rapport d’analyse d’impact portant sur un projet d’instrument contraignant définissant le cadre stratégique des procédures d’inspection et de surveillance basées sur les risques et relatives à la législation environnementale de l’Union ainsi que l’avis de ce même comité rendu sur ce rapport (ci-après les « documents d’analyse d’impact sur les inspections et la surveillance en matière environnementale » et, pris ensemble avec les documents d’analyse d’impact sur l’accès à la justice en matière environnementale, les « documents litigieux »).

11      Par lettres des 13 et 17 février 2014, la Commission a rejeté ces deux demandes en se fondant sur l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001.

12      Le 4 mars 2014, ClientEarth a, en vertu de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement, déposé deux demandes confirmatives auprès de la Commission. Par les décisions litigieuses, la Commission a confirmé le refus d’accès aux documents litigieux.

13      Dans ces décisions, la Commission a, en premier lieu, relevé que ces documents se rapportaient à des analyses d’impact en cours, réalisées en vue de l’adoption d’initiatives législatives, relatives, respectivement, d’une part, aux inspections et à la surveillance en matière environnementale et, d’autre part, à l’accès à la justice en cette même matière. Elle a précisé, à cet égard, que les analyses d’impact étaient destinées à l’aider dans la préparation de ses propositions législatives et que le contenu de ces analyses servait de support aux choix stratégiques opérés dans de telles propositions. Dès lors, selon la Commission, la divulgation, à ce stade, des documents litigieux porterait gravement atteinte à ses processus décisionnels en cours. En effet, cette divulgation affecterait sa marge de manœuvre, réduirait sa capacité à trouver des compromis et risquerait d’engendrer des pressions extérieures qui pourraient entraver ces difficiles processus, lors desquels devrait régner un climat de confiance. La Commission s’est référée, à cet égard, à l’article 17, paragraphe 1 et paragraphe 3, troisième alinéa, TUE.

14      S’agissant plus particulièrement des documents d’analyse d’impact sur les inspections et la surveillance en matière environnementale, la Commission a insisté, d’une part, sur la circonstance que ces inspections et cette surveillance constituaient un élément clé de la mise en œuvre des politiques publiques, domaine dans lequel les institutions de l’Union tentent, depuis l’année 2001, d’attirer l’attention et de promouvoir une action à l’échelle de l’Union, et, d’autre part, sur la nécessité que la discussion soit préservée de facteurs d’influence externe dès lors qu’une telle influence affecterait la qualité du contrôle sur les États membres.

15      En ce qui concerne les documents d’analyse d’impact sur l’accès à la justice en matière environnementale, la Commission a mis l’accent sur la sensibilité de cette question, sur les possibles divergences de vues entre les États membres et sur le fait que dix années s’étaient écoulées depuis la présentation, le 24 octobre 2003, de sa proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, relative à l’accès à la justice en matière d’environnement [COM(2003) 624 final] (JO 2004, C 96, p. 22).

16      Par ailleurs, la Commission a ajouté que différents documents relatifs aux deux analyses d’impact en question étaient déjà disponibles sur Internet et que tous les autres documents se rapportant à ces analyses seraient publiés lors de l’adoption des propositions législatives concernées par le collège des commissaires.

17      La Commission en a conclu que l’accès aux documents litigieux devait être refusé sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001, dès lors que les processus décisionnels s’y rapportant étaient à un stade précoce et sensible.

18      En deuxième lieu, la Commission a considéré qu’aucun intérêt public supérieur ne justifiait la divulgation des documents litigieux. À cet égard, elle a, en substance, observé, d’une part, que, si l’objectif tenant à la préservation, à la protection et à l’amélioration de la qualité de l’environnement ainsi que, par voie de conséquence, de la santé humaine pouvait être atteint grâce à un accès non discriminatoire à la justice, elle ne s’estimait toutefois pas en mesure de déterminer en quoi la divulgation, à ce stade, de ces documents aiderait les personnes habitant dans l’Union à influencer indirectement l’environnement dans lequel elles vivent. En effet, l’accès à la justice serait déjà possible devant les juridictions nationales et les processus décisionnels en cause ne tendraient qu’à l’amélioration de cet accès. En outre, la Commission a rappelé qu’une consultation publique avait été organisée au cours de l’année 2013, lors de laquelle les parties intéressées, dont la société civile, avaient pu contribuer à la définition des grandes lignes des propositions. D’autre part, la communication, à ce stade, des documents litigieux porterait atteinte à ses processus décisionnels et affecterait la possibilité d’atteindre le meilleur compromis possible. L’intérêt public serait mieux assuré par la possibilité de poursuivre ces processus en l’absence de toute pression extérieure.

19      En troisième lieu, la Commission a écarté la possibilité d’accorder un accès partiel aux documents litigieux en vertu de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, dès lors que ceux-ci étaient intégralement couverts par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, de ce règlement.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

20      Par requêtes déposées au greffe du Tribunal le 11 juin 2014, ClientEarth a introduit deux recours tendant à l’annulation, respectivement, de la décision de la Commission du 1er avril 2014 (affaire T‑425/14) et de celle du 3 avril 2014 (affaire T‑424/14), mentionnées au point 1 du présent arrêt. Elle a, en outre, conclu à la condamnation de la Commission aux dépens de la procédure. Par ordonnance du président de la deuxième chambre du Tribunal du 27 avril 2015, ces affaires ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

21      Dans le cadre de ces recours, ClientEarth a soulevé un moyen unique, divisé, en substance, en deux branches. Au soutien de la première branche de ce moyen, tirée d’une violation de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001, elle a avancé trois griefs, concernant, premièrement, l’inapplicabilité de cette disposition, deuxièmement, l’absence d’un risque d’atteinte grave aux processus décisionnels de la Commission et, troisièmement, l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents litigieux. ClientEarth a expressément renoncé au premier grief lors de l’audience devant le Tribunal, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal de cette audience. Par la seconde branche dudit moyen, ClientEarth a prétendu que la Commission avait violé l’obligation de motivation.

22      Le Tribunal a commencé par examiner cette seconde branche et l’a rejetée.

23      S’agissant de la première branche, après avoir constaté que la Commission n’avait pas procédé à un examen individuel et concret des documents litigieux, le Tribunal a néanmoins vérifié si cette institution pouvait refuser l’accès à ceux‑ci, en vertu de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001, en se fondant sur une présomption générale selon laquelle la divulgation de ce type de documents porterait, en principe, gravement atteinte à ses processus décisionnels en cours, au sens de cette disposition.

24      À cette fin, le Tribunal a relevé, premièrement, aux points 68 à 75 de l’arrêt attaqué, que les documents litigieux, en ce qu’ils s’inscrivaient dans la réalisation de deux analyses d’impact, faisaient partie d’une même catégorie de documents.

25      Deuxièmement, le Tribunal a, aux points 76 à 84 dudit arrêt, examiné les règles régissant la préparation et l’élaboration, par la Commission, de propositions politiques, qui découlent notamment de l’article 17, paragraphes 1 à 3, TUE. Il a conclu de cet examen que ces règles imposaient à cette institution, lorsqu’elle prépare et élabore de telles propositions, de veiller à agir de manière pleinement indépendante et dans le seul intérêt général. Il en a déduit qu’il y avait lieu, corrélativement, de mettre cette institution en mesure d’agir de cette manière.

26      Aux points 94 à 96 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a estimé que, après la phase publique de consultation organisée par la Commission dans le cadre de la procédure d’analyse d’impact en vue de recueillir les contributions des parties intéressées, cette institution devait pouvoir bénéficier d’un espace de réflexion autonome, temporairement éloigné des influences et des pressions extérieures de toute nature, de manière à pouvoir décider, sur la base des informations recueillies au cours de cette procédure, en pleine indépendance et dans l’intérêt général, des initiatives politiques à proposer éventuellement. Ainsi, le pouvoir d’initiative de la Commission devrait être préservé de toute emprise d’intérêts publics ou privés qui tenteraient, en dehors de cette consultation, de contraindre cette institution à adopter une initiative, à la modifier ou à y renoncer et qui prolongeraient, voire compliqueraient, la discussion au sein de cette dernière. Or, les rapports d’analyse d’impact comporteraient une comparaison des différentes options politiques examinées par la Commission. Partant, selon le Tribunal, la divulgation desdits rapports, fût-ce à l’état de projets, et des avis rendus par le comité d’analyse d’impact sur ceux-ci comporterait un risque accru que des tiers tentent, en dehors de ladite consultation, d’exercer de manière ciblée une influence sur les choix politiques opérés par cette institution. En particulier, il existerait un risque que des personnes ayant participé à cette même consultation présentent à la Commission de nouvelles observations sur les options et les hypothèses envisagées par cette dernière ou de nouvelles critiques de celles-ci en soutenant que leur point de vue n’a pas été suffisamment ou dûment pris en considération.

27      Dans ces conditions, le Tribunal a considéré, au point 97 de l’arrêt attaqué, que, aux fins de l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001, la Commission était en droit de présumer, sans procéder à un examen concret et individuel de chacun des documents établis dans le cadre de la préparation d’une analyse d’impact, que la divulgation de ceux‑ci porterait, en principe, gravement atteinte à son processus décisionnel d’élaboration d’une proposition politique.

28      Troisièmement, le Tribunal a précisé, aux points 98 et 99 dudit arrêt, que cette présomption était susceptible de s’appliquer aussi longtemps que la Commission n’avait pas pris de décision quant à une éventuelle proposition politique, c’est-à-dire jusqu’à ce que cette institution décide soit d’adopter une initiative, soit d’abandonner l’initiative envisagée.

29      Quatrièmement, le Tribunal a exposé, aux points 100 à 106 de l’arrêt attaqué, que ladite présomption s’appliquait sans égard à la nature, législative ou autre, de la proposition envisagée.

30      Cinquièmement, le Tribunal a, aux points 107 à 110 dudit arrêt, estimé que l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1367/2006 ne s’opposait pas à la reconnaissance de cette même présomption.

31      S’agissant plus particulièrement des documents litigieux, le Tribunal a constaté, aux points 116 à 124 de l’arrêt attaqué, que ces documents relevaient du champ d’application de ladite présomption générale et que ClientEarth n’avait invoqué aucun élément susceptible de renverser cette présomption.

32      Enfin, aux points 133 à 163 dudit arrêt, le Tribunal a estimé qu’aucun des arguments avancés par ClientEarth ne permettait de remettre en cause l’appréciation effectuée par la Commission, selon laquelle aucun intérêt public supérieur ne justifiait la divulgation des documents litigieux.

33      Par conséquent, le Tribunal a rejeté la première branche du moyen unique d’annulation et, partant, les recours dans leur ensemble.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

34      ClientEarth demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner la Commission aux dépens de la procédure, y compris ceux exposés par les éventuelles parties intervenantes.

35      La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi comme non fondé et de condamner ClientEarth aux dépens de la procédure.

36      Par décisions du président de la Cour du 12 juillet 2016, la République de Finlande et le Royaume de Suède ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de ClientEarth. Ces États membres demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué. Le Royaume de Suède sollicite également la condamnation de la Commission à supporter les dépens qu’il a exposés dans le cadre de la procédure de pourvoi.

 Sur le pourvoi

 Sur la persistance de l’intérêt à agir

37      Lors de l’audience du 3 juillet 2017, ClientEarth a fait état de la publication sur Internet de la version finale, en tant que document de travail, du rapport d’analyse d’impact sur une initiative de la Commission concernant l’accès à la justice en matière environnementale en date du 28 juin 2017 [SWD(2017) 255 final], ce que la Commission a confirmé. À la lumière des explications fournies par cette dernière au cours de cette audience, il apparaît que cette publication a fait suite à l’adoption, par cette institution, le 28 avril 2017, d’une communication relative à l’accès à la justice dans le domaine environnemental [C(2017) 2616 final].

38      Par lettre du 2 février 2018, la Commission a informé la Cour qu’elle avait, le 29 janvier 2018, transmis à ClientEarth les documents d’analyse d’impact sur les inspections et la surveillance en matière environnementale. Selon la Commission, cette transmission fait suite à l’adoption par cette institution, le 18 janvier 2018, d’une communication sur les actions destinées à améliorer le respect de la législation environnementale et la gouvernance environnementale [COM(2018) 10 final] ainsi que d’une décision relative à la création d’un nouveau groupe d’experts de la Commission (le forum sur le respect de la législation environnementale et la gouvernance environnementale) [C(2018) 10 final]. La Commission a fait valoir que, à la suite de ladite transmission, ClientEarth avait obtenu l’accès à l’ensemble des documents litigieux, ce qui pourrait conduire la Cour à constater, conformément à l’article 149 du règlement de procédure de celle-ci, qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le présent pourvoi.

39      Dans des observations soumises à la Cour le 20 février 2018, ClientEarth s’est opposée au prononcé d’un éventuel non-lieu à statuer.

40      À cet égard, ClientEarth a fait valoir, en premier lieu, que, contrairement à ce que la Commission avait indiqué, elle n’avait eu accès qu’à trois des quatre documents litigieux et non à l’ensemble de ceux-ci. En effet, elle n’aurait pas encore obtenu communication de l’avis du comité d’analyse d’impact sur le projet de rapport d’analyse d’impact sur l’accès à la justice en matière environnementale. En second lieu, ClientEarth a soutenu qu’elle avait, en tout état de cause, conservé un intérêt à obtenir l’annulation de l’arrêt attaqué et des décisions litigieuses, d’une part, afin d’éviter que l’illégalité dont celles‑ci sont entachées se renouvelle à l’avenir et, d’autre part, dans la mesure où la Commission n’avait pas formellement retiré ces décisions.

41      Par lettre du 16 mars 2018, la Commission a informé la Cour de la transmission à ClientEarth, par un courrier du même jour, de l’avis du comité d’analyse d’impact sur le projet de rapport d’analyse d’impact sur l’accès à la justice en matière environnementale, daté du 21 mai 2014.

42      ClientEarth a présenté des observations sur cette lettre le 27 mars 2018.

43      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, l’objet du litige doit perdurer, de même que l’intérêt à agir, jusqu’au prononcé de la décision juridictionnelle, sous peine de non-lieu à statuer, ce qui suppose que le recours ou, le cas échéant, le pourvoi soit susceptible, par son résultat, de procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir, en ce sens, arrêts du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 61 et jurisprudence citée, ainsi que du 27 juin 2013, Xeda International et Pace International/Commission, C‑149/12 P, non publié, EU:C:2013:433, point 31).

44      En l’occurrence, il n’est pas contesté que ClientEarth avait un intérêt à agir lorsqu’elle a introduit ses recours en annulation devant le Tribunal.

45      Par ailleurs, malgré la publication ou la communication à ClientEarth, au cours de la présente procédure de pourvoi, des différents documents visés aux points 37, 38 et 41 du présent arrêt, il y a lieu de relever, en premier lieu, que les décisions litigieuses n’ont pas été retirées par la Commission, de sorte que le litige a conservé son objet (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, points 48 et 49).

46      En deuxième lieu, comme ClientEarth l’a, en substance, souligné, elle cherchait en l’occurrence à obtenir l’accès aux documents litigieux de manière, notamment, à faire valoir son point de vue dans les processus décisionnels en cours de la Commission et à générer un débat sur les actions projetées par cette institution avant que celle-ci ne prenne de décision quant aux initiatives envisagées, soit en présentant, le cas échéant, une proposition, soit en abandonnant ces initiatives.

47      Or, à la lumière des considérations exposées au point 37 du présent arrêt et des explications fournies par la Commission lors de l’audience devant la Cour, il apparaît que la divulgation du rapport d’analyse d’impact et de l’avis du comité d’analyse d’impact concernant l’accès à la justice en matière environnementale a fait suite à la décision de la Commission de ne pas présenter de proposition législative en la matière et d’adopter une communication. En ce qui concerne la transmission à ClientEarth des documents d’analyse d’impact sur les inspections et la surveillance en matière environnementale, il ressort du point 38 du présent arrêt qu’elle est consécutive à l’adoption, par la Commission, d’une communication sur le respect de la législation environnementale et la gouvernance environnementale ainsi que d’une décision relative à la création d’un nouveau groupe d’experts en la matière. Il semble donc que la divulgation de ces différents documents ne soit intervenue qu’après que la Commission a pris une décision quant aux initiatives envisagées. Dans ces conditions, cette divulgation ne paraît pas avoir permis de rencontrer entièrement les objectifs que poursuivait ClientEarth par la présentation de ses demandes d’accès.

48      En troisième lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’un requérant peut, dans certains cas, conserver un intérêt à demander l’annulation de l’acte attaqué et, le cas échéant, de l’arrêt du Tribunal rejetant le recours introduit contre cet acte pour amener l’auteur dudit acte à apporter, à l’avenir, les modifications appropriées et ainsi éviter le risque de répétition de l’illégalité dont l’acte en question est prétendument entaché (voir, en ce sens, arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 63 ainsi que jurisprudence citée). La persistance de cet intérêt suppose que cette illégalité soit susceptible de se reproduire dans le futur, indépendamment des circonstances particulières de l’affaire en cause (voir, en ce sens, arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 52).

49      Or, en l’occurrence, ClientEarth reproche notamment au Tribunal d’avoir considéré que la Commission était en droit de refuser l’accès aux documents litigieux en se fondant sur la présomption générale selon laquelle la divulgation des documents établis dans le cadre de la préparation d’une analyse d’impact porterait, en principe, gravement atteinte à son processus décisionnel en cours d’élaboration d’une proposition politique, au sens de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001. L’une des illégalités alléguées par ClientEarth réside donc, en substance, dans l’application de cette présomption.

50      Ainsi que le soutient ClientEarth, cette illégalité est susceptible de se reproduire à l’avenir, indépendamment des circonstances particulières de la présente affaire.

51      À cet égard, il convient en effet de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, lorsqu’une institution de l’Union saisie d’une demande d’accès à un document décide de rejeter cette demande sur le fondement de l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement n° 1049/2001, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant à la question de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par cette exception. En outre, le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (voir, en ce sens, arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 31 et jurisprudence citée). Dans certains cas, la Cour a reconnu qu’il était toutefois loisible à cette institution de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 69 et jurisprudence citée).

52      L’objectif de telles présomptions réside ainsi dans la possibilité, pour l’institution de l’Union concernée, de considérer que la divulgation de certaines catégories de documents porte, en principe, atteinte à l’intérêt protégé par l’exception qu’elle invoque, en se fondant sur de telles considérations générales, sans être tenue d’examiner concrètement et individuellement chacun des documents demandés (voir, en ce sens, arrêts du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 73, et du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 47 ainsi que jurisprudence citée).

53      Partant, la présomption générale reconnue par le Tribunal dans la présente affaire est susceptible d’être de nouveau mise en œuvre à l’avenir par la Commission à l’occasion de nouvelles demandes d’accès à des documents établis dans le cadre de la préparation d’une analyse d’impact en cours, ce que cette institution n’a au demeurant pas contesté.

54      De surcroît, ClientEarth est particulièrement exposée à de telles mises en œuvre de ladite présomption dans le futur. Il ressort en effet du point 1 de l’arrêt attaqué que ClientEarth est un organisme à but non lucratif ayant pour objet la protection de l’environnement. À cet égard, ClientEarth fait, en substance, valoir, sans que la Commission en disconvienne, que l’une de ses missions est d’agir en faveur d’une transparence et d’une légitimité accrues du processus législatif de l’Union et qu’il est donc probable qu’elle demande de nouveau accès à des documents analogues aux documents litigieux à l’avenir et que la Commission rejette derechef cette demande sur le fondement de ladite présomption générale. ClientEarth devrait alors former un nouveau recours en annulation pour contester le bien-fondé de cette même présomption.

55      Ainsi, du point de vue de ClientEarth, la question de la légalité de la présomption générale en cause dans la présente affaire s’avère pertinente dans la perspective de demandes futures d’accès à de tels documents (voir, par analogie, arrêt du 7 juin 2007, Wunenburger/Commission, C‑362/05 P, EU:C:2007:322, point 59).

56      Dans de telles conditions, il y a lieu de considérer que ClientEarth a conservé un intérêt à agir. La reconnaissance d’un tel intérêt est, compte tenu du risque de répétition de l’illégalité alléguée et eu égard aux circonstances particulières mentionnées ci-dessus, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

57      Partant, il y a lieu de statuer sur le présent pourvoi.

 Sur le premier moyen

58      Le premier moyen de pourvoi est tiré de ce que le Tribunal a commis une erreur de droit en reconnaissant, aux points 55 à 127 de l’arrêt attaqué, l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents établis dans le cadre de la préparation d’une analyse d’impact, tels que les documents litigieux, est réputée porter, en principe, gravement atteinte au processus décisionnel en cours de la Commission, au sens de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001, aussi longtemps que cette institution n’a pas pris de décision quant à la présentation éventuelle d’une proposition. Ce moyen est divisé en cinq branches, les première à quatrième branches étant soulevées à titre principal et la cinquième branche étant soulevée à titre subsidiaire. Il convient d’examiner, en premier lieu, les première à quatrième branches.

 Argumentation des parties

59      Par la première branche du premier moyen, ClientEarth, soutenue par la République de Finlande et le Royaume de Suède, fait valoir que, en reconnaissant l’existence de ladite présomption générale, le Tribunal a procédé à une application erronée de la jurisprudence de la Cour.

60      En effet, si la Cour a déjà admis l’existence de présomptions générales de confidentialité au bénéfice de différents types de documents, il ressortirait de cette jurisprudence, d’une part, que ces présomptions doivent faire l’objet d’une interprétation et d’une application strictes. D’autre part, les affaires dans lesquelles la Cour a reconnu lesdites présomptions présenteraient différentes caractéristiques, dont aucune ne se retrouverait en l’espèce.

61      En particulier, ces affaires concerneraient toutes un ensemble de documents clairement circonscrits par leur appartenance commune à un dossier afférent à une procédure juridictionnelle ou administrative en cours, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

62      En outre, dans la plupart desdites affaires, les documents en question auraient fait l’objet d’une réglementation spécifique limitant d’une façon ou d’une autre l’accès à ceux-ci. Or, en l’espèce, il existerait bien une réglementation spécifique applicable aux documents litigieux, lesquels comporteraient des informations environnementales, à savoir la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, conclue à Aarhus le 25 juin 1998 (« convention d’Aarhus ») et approuvée au nom de la Communauté européenne par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1), ainsi que le règlement no 1367/2006. Toutefois, cette réglementation viserait, au contraire, àélargir le droit d’accès à ces informations.

63      La Commission réfute ces arguments, ClientEarth déduisant, selon elle, de la jurisprudence de la Cour des règles que celle-ci ne reflète pas. En effet, il résulterait de cette jurisprudence que l’établissement d’une présomption générale de confidentialité suppose, d’une part, que les documents demandés appartiennent à une même catégorie de documents ou soient de même nature et, d’autre part, que l’accès à ces documents risque de porter atteinte au bon déroulement et aux objectifs des procédures auxquelles ils se rapportent.

64      Par la deuxième branche de son premier moyen, ClientEarth, soutenue par la République de Finlande et le Royaume de Suède, fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant, aux points 55 à 99 de l’arrêt attaqué, que l’article 17, paragraphes 1 à 3, TUE permettait de fonder la reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité des documents établis dans le cadre d’une analyse d’impact. D’une part, le Tribunal confondrait confidentialité et indépendance. En effet, ce serait l’opacité, et non la transparence, qui serait susceptible de porter atteinte à l’indépendance de la Commission. La transparence renforcerait, au contraire, cette indépendance, en mettant la Commission en mesure de mieux résister aux éventuelles pressions extérieures. D’autre part, sauf à méconnaître le principe d’interprétation stricte des exceptions au droit d’accès aux documents des institutions, l’article 17 TUE ne saurait constituer une base générale permettant à la Commission de refuser l’accès à de tels documents.

65      La Commission rétorque que le Tribunal a correctement examiné les règles régissant son processus décisionnel et, plus particulièrement, celles figurant à l’article 17, paragraphes 1 à 3, TUE, qui dispose que, lorsque la Commission prépare et élabore des propositions politiques, elle agit en toute indépendance et dans l’intérêt général. Contrairement à ce que prétendrait ClientEarth, ces règles ne prévoiraient pas que la Commission maintient, dans ce cadre, de multiples dialogues constants avec les parties intéressées. Or, comme le Tribunal l’aurait reconnu à juste titre aux points 79 à 84 et 96 de l’arrêt attaqué, il serait en pratique impossible pour la Commission de disposer d’un espace de délibération autonome et d’exercer son pouvoir d’initiative en pleine indépendance si elle était constamment engagée dans de tels dialogues. L’essence de ce pouvoir ne saurait être préservée si les parties intéressées tentaient, en dehors de la consultation publique organisée par cette institution, d’obliger celle-ci à adopter une initiative, à la modifier ou à y renoncer. Au demeurant, l’intérêt du public tenant à la compréhension de son processus décisionnel devrait être satisfait lors de la présentation d’une proposition ou par l’abandon de l’initiative envisagée, puisque, dans un cas comme dans l’autre, la version finale de tout ou partie des documents litigieux sera alors accessible conformément aux lignes directrices concernant l’analyse d’impact, adoptées le 15 janvier 2009 par la Commission (ci-après les « lignes directrices de 2009 »).

66      Par la troisième branche de son premier moyen, ClientEarth, soutenue par le Royaume de Suède, prétend que le Tribunal a commis une erreur de droit en admettant l’existence d’une présomption générale de confidentialité couvrant les documents litigieux, sans vérifier, notamment au point 96 de l’arrêt attaqué, le risque que la divulgation de ce type de documents porte une atteinte spécifique, concrète et effective à l’intérêt protégé à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001. En effet, la reconnaissance d’une telle présomption supposerait que soit, au préalable, démontré le risque d’une telle atteinte.

67      La Commission allègue, au contraire, que le Tribunal a expliqué le risque objectif, réel et spécifique qu’impliquerait cette divulgation pour ses processus décisionnels en cours audit point 96. D’ailleurs, ClientEarth aurait elle-même apporté la preuve de la réalité des pressions extérieures que risquerait de subir la Commission dans le cas d’une telle divulgation en déclarant que l’objectif de sa demande d’accès était de lui permettre de participer à ces processus.

68      Par la quatrième branche du premier moyen, ClientEarth, soutenue par la République de Finlande et le Royaume de Suède, fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 100 à 106 de l’arrêt attaqué, en ne tenant pas compte du fait que les documents litigieux s’inscrivent dans un contexte législatif et sont intrinsèquement liés à la décision de poursuivre, ou non, une initiative législative.

69      En effet, d’une part, lors de l’élaboration des analyses d’impact, la Commission participerait au processus législatif et les documents établis dans ce cadre constitueraient le fondement d’éventuels actes législatifs. Ces documents devraient être qualifiés de « législatifs », au sens de l’article 12, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, si bien qu’ils devraient faire l’objet d’une transparence renforcée. D’autre part, la jurisprudence de la Cour ne justifierait pas la reconnaissance d’une présomption générale de confidentialité couvrant des documents de cette nature.

70      La Commission répond, premièrement, que la procédure législative ne commence qu’avec la présentation d’une proposition législative. Or, la présomption générale reconnue par le Tribunal ne s’appliquerait que jusqu’à ce que la Commission prenne une décision quant à l’adoption éventuelle d’une telle proposition, soit à un moment où il n’existerait encore aucun document législatif. La Commission ajoute que les citoyens auront la possibilité de prendre connaissance des fondements de l’action législative de l’Union dès le moment où la procédure législative débutera, avec la présentation de sa proposition législative, puisque les documents litigieux seront publiés à ce moment-là.

71      Deuxièmement, ainsi que le Tribunal l’aurait constaté au point 105 de l’arrêt attaqué, même à supposer que les documents litigieux doivent être qualifiés de « législatifs », au sens de l’article 12, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, cette disposition s’appliquerait toutefois sans préjudice des articles 4 et 9 de ce règlement et donc de la possibilité de reconnaître une présomption générale couvrant ces documents.

72      Troisièmement, la jurisprudence de la Cour n’exclurait pas la reconnaissance d’une telle présomption dans un contexte législatif.

 Appréciation de la Cour

–       Considérations liminaires

73      Il y a lieu de rappeler que, conformément à son considérant 1, le règlement no 1049/2001 s’inscrit dans la volonté exprimée à l’article 1er, deuxième alinéa, TUE de marquer une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 34).

74      Cet objectif fondamental de l’Union est également reflété, d’une part, à l’article 15, paragraphe 1, TFUE, qui prévoit, notamment, que les institutions, les organes et les organismes de l’Union œuvrent dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture, principe également réaffirmé à l’article 10, paragraphe 3, TUE et à l’article 298, paragraphe 1, TFUE, ainsi que, d’autre part, par la consécration du droit d’accès aux documents à l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2017, Commission/Breyer, C‑213/15 P, EU:C:2017:563, point 52).

75      Il résulte du considérant 2 du règlement no 1049/2001 que la transparence permet de conférer aux institutions de l’Union une plus grande légitimité, efficacité et responsabilité à l’égard des citoyens de l’Union dans un système démocratique. En permettant que les divergences entre plusieurs points de vue soient ouvertement débattues, elle contribue, en outre, à augmenter la confiance de ces citoyens (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, points 45 et 59).

76      À ces fins, l’article 1er de ce règlement prévoit que celui-ci vise à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions de l’Union qui soit le plus large possible (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2017, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑60/15 P, EU:C:2017:540, point 61 et jurisprudence citée).

77      Il ressort également de l’article 4 dudit règlement, qui institue un régime d’exceptions à cet égard, que ce droit d’accès n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé (arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 57). Parmi ces exceptions, l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, de ce même règlement prévoit notamment que l’accès à un document établi par une institution de l’Union pour son usage interne et qui a trait à une question sur laquelle celle-ci n’a pas encore pris de décision est refusé dans le cas où la divulgation de ce document porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie cette divulgation.

78      De telles exceptions dérogeant au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêt du 13 juillet 2017, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑60/15 P, EU:C:2017:540, point 63 et jurisprudence citée).

79      Comme il a été rappelé au point 51 du présent arrêt, lorsque l’institution de l’Union concernée décide, sur le fondement de l’une desdites exceptions, de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui est loisible, dans certains cas, de se fonder à cette fin sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents.

80      Ainsi qu’il découle de la jurisprudence mentionnée audit point 51, la reconnaissance d’une présomption générale au profit d’une nouvelle catégorie de documents suppose toutefois qu’il soit au préalable démontré que la divulgation du type de documents entrant dans cette catégorie serait, de manière raisonnablement prévisible, susceptible de porter effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception en question. Par ailleurs, les présomptions générales constituant une exception à l’obligation d’examen concret et individuel, par l’institution de l’Union concernée, de chaque document visé par une demande d’accès et, d’une manière plus générale, au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents détenus par les institutions de l’Union, elles doivent faire l’objet d’une interprétation et d’une application strictes (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 81).

81      À ce jour, la Cour a reconnu l’existence de présomptions générales de confidentialité au bénéfice de cinq catégories de documents, à savoir les documents d’un dossier administratif afférent à une procédure de contrôle des aides d’État, les mémoires déposés devant les juridictions de l’Union au cours d’une procédure juridictionnelle tant que celle-ci est pendante, les documents échangés entre la Commission et les parties ayant procédé à une notification ou des tiers dans le cadre d’une procédure de contrôle des opérations de concentration entre entreprises, les documents se rapportant à une procédure précontentieuse en manquement, y inclus les documents échangés entre la Commission et l’État membre concerné dans le cadre d’une procédure EU Pilot, et les documents afférents à une procédure d’application de l’article 101 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 77 ainsi que jurisprudence citée ; s’agissant des mémoires déposés devant les juridictions de l’Union, voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2017, Commission/Breyer, C‑213/15 P, EU:C:2017:563, point 41 et jurisprudence citée ; s’agissant des documents échangés dans le cadre d’une procédure EU Pilot, voir arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356, point 51). Dans chacun de ces cas, le refus d’accès en cause portait sur un ensemble de documents clairement circonscrits par leur appartenance commune à un dossier afférent à une procédure administrative ou juridictionnelle en cours (arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 78 ; voir, également, arrêt du 11 mai 2017, Suède/Commission, C‑562/14 P, EU:C:2017:356).

82      C’est à la lumière de ces considérations liminaires qu’il convient d’examiner les première à quatrième branches du premier moyen, prises ensemble.

83      À cette fin, il y a lieu de déterminer si le Tribunal pouvait, sans commettre d’erreur de droit, considérer en substance, aux points 68 à 111 de l’arrêt attaqué, que, aux fins de l’application de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001, la Commission était en droit de présumer que, aussi longtemps qu’elle n’a pas pris de décision quant à une éventuelle proposition, la divulgation des documents établis dans le cadre d’une analyse d’impact porterait, en principe, gravement atteinte à son processus décisionnel en cours d’élaboration d’une telle proposition, et ce indépendamment, d’une part, du caractère législatif ou autre de la proposition envisagée et, d’autre part, de la circonstance que les documents concernés comporteraient des informations environnementales, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1367/2006.

–       Sur le contexte d’élaboration et le contenu des documents litigieux

84      En premier lieu, il importe de rappeler que le considérant 6 du règlement no 1049/2001 indique qu’un accès plus large aux documents devrait être autorisé dans les cas où les institutions de l’Union agissent en qualité de législateur. En effet, la possibilité, pour les citoyens, de contrôler et de connaître l’ensemble des informations qui constituent le fondement de l’action législative de l’Union est une condition de l’exercice effectif par ces derniers de leurs droits démocratiques, reconnus notamment à l’article 10, paragraphe 3, TUE (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 46, ainsi que du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 33). Comme le souligne, en substance, ClientEarth, cet exercice suppose non seulement que ces citoyens disposent des informations en cause afin de comprendre les choix opérés par les institutions de l’Union dans le cadre du processus législatif, mais aussi qu’ils puissent avoir accès à ces informations en temps utile, à un moment qui les mette en mesure de faire valoir utilement leur point de vue sur ces choix.

85      En outre, comme M. l’avocat général l’a souligné aux points 64 et 65 de ses conclusions, il ressort de l’article 12, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, qui met en œuvre le principe découlant du considérant 6 de ce règlement, que doivent être qualifiés de « documents législatifs » et être par conséquent rendus directement accessibles, sous réserve des articles 4 et 9 dudit règlement, non pas uniquement les actes adoptés par le législateur de l’Union, mais, plus généralement, les documents établis ou reçus dans le cadre de procédures visant à l’adoption d’actes légalement contraignants au sein des États membres ou pour ceux-ci.

86      À cet égard, il est vrai que, comme le Tribunal l’a relevé au point 103 de l’arrêt attaqué, lorsque la Commission prépare des documents d’analyse d’impact, tels que les documents litigieux, elle n’agit pas elle‑même en qualité de législateur. De surcroît, la procédure d’analyse d’impact se déroule en amont de la procédure législative au sens strict, laquelle ne commence en effet formellement qu’avec la présentation, par la Commission, d’une proposition législative.

87      Cela étant, il importe de relever que, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, TUE, un acte législatif de l’Union ne peut être adopté que sur proposition de la Commission, sauf dans les cas où les traités en disposent autrement. Le pouvoir d’initiative reconnu à cette institution par cette disposition comprend, d’une part, celui de décider de présenter, ou non, une proposition, hormis les cas dans lesquels ladite institution est tenue de présenter une telle proposition. En particulier, la décision de la Commission d’abandonner, à la suite d’une analyse d’impact, l’initiative législative envisagée met un terme définitif à l’action législative projetée, qui ne peut reprendre que si cette institution revient sur cette décision. D’autre part, le pouvoir d’initiative de la Commission inclut celui de déterminer l’objet, la finalité et le contenu d’une éventuelle proposition, étant rappelé que, conformément à l’article 293, paragraphe 1, TFUE, en dehors des cas visés par cette disposition, le Conseil ne peut, lorsqu’il statue, en vertu des traités, sur proposition de la Commission, amender cette proposition qu’en statuant à l’unanimité (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2015, Conseil/Commission, C‑409/13, EU:C:2015:217, points 70 et 72).

88      Compte tenu de ce pouvoir, la Commission est un acteur essentiel du processus législatif.

89      Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort des points 9 et 33 de l’arrêt attaqué, les documents litigieux se rapportent à des analyses d’impact réalisées en vue de l’adoption, par la Commission, d’initiatives législatives.

90      Dans ce cadre, comme le Tribunal l’a exposé aux points 86 à 88 de l’arrêt attaqué, les analyses d’impact réalisées par cette institution constituent, selon les lignes directrices de 2009, des outils clés permettant de veiller à ce que les initiatives de ladite institution et la législation de l’Union soient élaborées à partir d’informations transparentes, complètes et équilibrées. C’est sur la base de ces informations que la Commission pourra apprécier l’opportunité, la nécessité, la nature et le contenu de telles initiatives. Les rapports d’analyse d’impact comportent plus particulièrement la présentation des différentes options politiques envisagées, l’étude des incidences, des avantages et des inconvénients de ces options ainsi qu’une comparaison desdites options. Bien que ces lignes directrices énoncent que les analyses d’impact ne remplacent pas la prise de décision par la Commission, il ressort du point 9 dudit arrêt que cette institution a indiqué, dans les décisions litigieuses, que les choix politiques opérés dans ses propositions législatives étaient soutenus par le contenu de ces analyses.

91      Il s’ensuit que, à l’instar de ce que soutiennent, en substance, ClientEarth et la République de Finlande, les rapports d’analyse d’impact et les avis du comité d’analyse d’impact qui les accompagnent comportent, dans un tel contexte, des informations constituant des éléments importants du processus législatif de l’Union, faisant partie du fondement de l’action législative de celle-ci.

92      Or, bien que la présentation, par la Commission, d’une proposition de nature législative soit, au stade de l’analyse d’impact, incertaine, la divulgation de ces documents est de nature à accroître la transparence et l’ouverture du processus législatif dans son ensemble, en particulier des étapes préparatoires de ce processus, et, de cette manière, à renforcer le caractère démocratique de l’Union en permettant à ses citoyens de contrôler ces informations et d’essayer d’influencer ledit processus. En effet, comme ClientEarth l’allègue, en substance, une telle divulgation, à un moment où le processus décisionnel de la Commission est en cours, permet, d’une part, aux citoyens de comprendre les options envisagées par cette institution et les choix opérés par celle-ci et, de cette manière, de connaître les considérations qui sous-tendent l’action législative de l’Union. D’autre part, cette divulgation met ces citoyens en mesure de faire valoir utilement leur point de vue sur ces choix avant que ceux-ci ne soient définitivement arrêtés, en ce qui concerne tant la décision de la Commission de présenter une proposition législative que le contenu d’une telle proposition, dont dépend l’action législative de l’Union.

93      Il s’ensuit que, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général aux points 67 et 68 de ses conclusions, de tels documents font, eu égard à leur objet, partie de ceux visés à l’article 12, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

94      Au demeurant, l’importance, pour les citoyens, de pouvoir accéder aux documents établis dans le cadre d’une analyse d’impact, même lorsque le processus décisionnel de la Commission est toujours en cours, n’est pas remise en question par la circonstance, soulignée par cette institution, que, en l’occurrence, ClientEarth aurait eu la possibilité de participer aux consultations publiques organisées par ladite institution dans le cadre des procédures d’analyse d’impact en cause en l’espèce et qu’un certain nombre de documents afférents à ces analyses étaient déjà disponibles publiquement au moment de l’adoption des décisions litigieuses. Bien que de telles consultations visent également à garantir la transparence du processus décisionnel de la Commission et la participation des citoyens à ce processus, elles ne remplacent pas la possibilité pour ces derniers d’accéder, à leur demande, aux rapports d’analyse d’impact et aux avis du comité d’analyse d’impact. En effet, il ressort des lignes directrices de 2009 que les consultations organisées par la Commission ne sont pas nécessairement ouvertes à l’ensemble du public. En outre, il n’est pas établi, en l’espèce, que les informations communiquées dans le cadre de ces consultations et celles contenues dans les documents déjà disponibles publiquement correspondaient, en substance, à celles figurant dans les documents litigieux.

95      Il résulte de ce qui précède que les raisons qui sous-tendent le principe, énoncé au considérant 6 du règlement n° 1049/2001 et mis en œuvre à l’article 12, paragraphe 2, de ce règlement, d’un accès plus large aux documents adoptés par les institutions de l’Union agissant en qualité de législateur, qui sont rappelées au point 84 du présent arrêt, valent également s’agissant des documents établis dans le cadre d’une procédure d’analyse d’impact, tels que les documents litigieux, élaborés en vue de l’adoption éventuelle d’initiatives législatives par la Commission. Ainsi que le soutient ClientEarth, ces documents doivent donc également bénéficier d’un tel accès.

96      En second lieu, il importe également de relever que les documents litigieux comportent des informations environnementales au sens du règlement no 1367/2006.

97      En effet, aux termes de l’article 2, paragraphe 1, sous d), v), de ce règlement, constituent de telles informations, notamment, les informations disponibles sous forme écrite, visuelle, sonore, électronique ou toute autre forme matérielle, concernant les analyses coût-avantages, les autres analyses et les hypothèses économiques utilisées dans le cadre des mesures telles que les politiques, les dispositions législatives, les plans, les programmes et les accords environnementaux. À cet égard, d’une part, il ressort du point 90 du présent arrêt que les rapports d’analyse d’impact comportent notamment l’étude des incidences ainsi que des avantages et des inconvénients des différentes options politiques envisagées par la Commission en vue de l’adoption éventuelle d’une initiative de nature législative ou autre. D’autre part, en l’occurrence, il est établi que les documents litigieux se rapportent à des initiatives législatives envisagées dans le domaine environnemental.

98      Or, le règlement no 1367/2006 poursuit, conformément à son article 1er, l’objectif de garantir une mise à disposition et une diffusion systématiques aussi larges que possible des informations environnementales (arrêt du 13 juillet 2017, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑60/15 P, EU:C:2017:540, point 64 et jurisprudence citée). Il découle, en substance, du considérant 2 de ce règlement que l’accès à ces informations vise en effet à favoriser une participation plus efficace du public au processus décisionnel de manière à renforcer l’obligation des instances compétentes de rendre des comptes dans le cadre de la prise de décision en vue de sensibiliser l’opinion publique et d’obtenir son adhésion aux décisions adoptées (arrêt du 23 novembre 2016, Commission/Stichting Greenpeace Nederland et PAN Europe, C‑673/13 P, EU:C:2016:889, point 80).

99      À cet égard, si l’article 3 du règlement n° 1367/2006 dispose que le règlement no 1049/2001 s’applique à toutes les demandes d’accès aux informations environnementales, l’article 6 de ce premier règlement ajoute des règles plus spécifiques concernant ces demandes qui, en partie, favorisent et, en partie, restreignent cet accès (arrêt du 13 juillet 2017, Saint-Gobain Glass Deutschland/Commission, C‑60/15 P, EU:C:2017:540, point 65 et jurisprudence citée).

100    En particulier, il ressort de l’article 6, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 1367/2006, lu à la lumière du considérant 15 de celui-ci, notamment, que le motif de refus énoncé à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 doit être interprété de manière stricte s’agissant d’informations environnementales, compte tenu de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présente pour le public, tendant ainsi à une transparence accrue de ces informations.

101    Il résulte des considérations exposées aux points 84 à 100 du présent arrêt que sont, en l’occurrence, en cause des documents s’inscrivant dans un processus législatif, documents qui comportent de surcroît des informations environnementales, et que, par conséquent, l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 doit faire l’objet d’une interprétation et d’une application d’autant plus strictes.

–       Sur la présomption générale reconnue dans l’arrêt attaqué

102    Afin de reconnaître l’existence d’une présomption générale de confidentialité des documents établis dans le cadre d’une analyse d’impact aussi longtemps que la Commission n’a pas pris de décision quant à une éventuelle proposition, le Tribunal s’est, comme il a été rappelé au point 26 du présent arrêt, fondé, aux points 94 à 96 de l’arrêt attaqué, sur des considérations générales tirées en substance, d’une part, de l’impératif de préserver l’espace de réflexion de la Commission et la capacité de cette dernière à exercer son pouvoir d’initiative en pleine indépendance et dans le seul intérêt général conformément à l’article 17, paragraphes 1 à 3, TUE, et, d’autre part, du risque que la divulgation des documents établis dans le cadre d’une analyse d’impact afférente à un processus décisionnel en cours entraîne des pressions ou des influences extérieures susceptibles d’affecter le déroulement du processus décisionnel de cette institution.

103    Or, en premier lieu, si la Commission doit, en vertu de l’article 17, paragraphes 1 à 3, TUE, agir de manière pleinement indépendante et dans le seul intérêt général lorsqu’elle réalise des analyses d’impact, il importe de relever que la procédure d’analyse d’impact ne constitue pas un type de procédure qui, en tant que tel, présente des caractéristiques s’opposant, par principe, à ce qu’une pleine transparence soit accordée. Au contraire, comme le Tribunal l’a précisé au point 93 de l’arrêt attaqué, cette procédure se déroule dans un objectif de transparence et d’ouverture du processus décisionnel de la Commission. Il résulte des points 84 à 101 du présent arrêt qu’il doit en aller d’autant plus ainsi lorsque ladite procédure s’inscrit, comme en l’espèce, dans un processus législatif dans le domaine environnemental.

104    En outre, comme le fait, en substance, valoir ClientEarth, en renforçant la légitimité du processus décisionnel de la Commission, la transparence garantit la crédibilité de l’action de celle-ci aux yeux des citoyens et des organisations concernées et contribue ainsi précisément à assurer que cette institution agisse en pleine indépendance et dans le seul intérêt général. C’est plutôt l’absence d’information du public et de débat qui est susceptible de faire naître des doutes sur l’accomplissement, par ladite institution, de ses missions en toute indépendance et dans le seul intérêt général (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 59).

105    En second lieu, ainsi que ClientEarth et les États membres intervenant à son soutien le maintiennent, aucun des motifs retenus par le Tribunal aux points 94 à 96 de l’arrêt attaqué ne permet de caractériser le risque d’une atteinte grave au processus décisionnel en cours de la Commission, au sens de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001. En reconnaissant, sur le fondement de tels motifs, une présomption générale de confidentialité des documents établis dans le cadre d’une analyse d’impact aussi longtemps que la Commission n’a pas pris de décision quant à une éventuelle proposition, le Tribunal a méconnu cette disposition ainsi que le principe d’interprétation et d’application strictes de celle‑ci qui, comme il a été rappelé au point 101 du présent arrêt, est d’une pertinence toute particulière s’agissant de documents établis au cours d’un processus législatif et comportant des informations environnementales.

106    À cet égard, il ne peut certes être exclu que, comme le Tribunal l’a exposé au point 96 de l’arrêt attaqué, en cas de divulgation des rapports d’analyse d’impact et des avis du comité d’analyse d’impact rendus sur ces rapports avant que la Commission n’ait pris de décision quant à une éventuelle proposition, des tiers tentent d’exercer une influence, voire des pressions, sur les choix politiques à opérer par cette institution ou que des parties intéressées ayant soumis des observations au cours de la consultation publique organisée par ladite institution dans le cadre de la procédure d’analyse d’impact présentent de nouvelles remarques sur les options ou les hypothèses envisagées par cette dernière ou de nouvelles critiques de celles-ci.

107    Toutefois, d’une part, dans la mesure où la Commission a, en substance, prétendu que, dans le cas d’une telle divulgation, elle serait engagée dans de multiples dialogues constants avec les parties intéressées, de sorte qu’il lui serait en pratique impossible de disposer d’un espace de réflexion autonome et de prendre en toute indépendance une décision quant aux propositions à éventuellement adopter, il y a lieu de relever que le droit de l’Union n’impose, en principe, pas à cette institution d’entretenir de tels dialogues dans des cas individuels, ce que cette dernière a expressément reconnu lors de l’audience devant la Cour. À cet égard, si l’article 11, paragraphe 2, TUE prévoit que les institutions de l’Union entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile, cette disposition n’implique pas, pour autant, que la Commission serait tenue de répondre, sur le fond et dans chaque cas individuel, aux éventuelles remarques reçues à la suite de la divulgation d’un document sur le fondement du règlement no 1049/2001.

108    D’autre part, et en tout état de cause, le Tribunal n’a pas établi que l’influence ou les pressions extérieures que la Commission pourrait, le cas échéant, subir, en cas de divulgation des documents élaborés dans le cadre d’une analyse d’impact afférente à un processus décisionnel en cours, seraient telles qu’elles risqueraient, de manière générale et indépendamment du contexte spécifique entourant l’analyse d’impact et le processus décisionnel en question ainsi que du contenu concret de chacun des documents demandés, d’entraver la capacité de cette institution à agir en pleine indépendance et dans le seul intérêt général ou encore d’affecter, de prolonger ou de compliquer gravement le bon déroulement des discussions internes et du processus décisionnel de ladite institution. Comme ClientEarth l’allègue en substance, les considérations générales exposées à ce titre par le Tribunal aux points 94 à 96 de l’arrêt attaqué ne sauraient caractériser un tel risque. À cet égard, ainsi qu’il découle des points 92 et 98 du présent arrêt, la manifestation du public ou des parties intéressées au sujet des choix opérés et des options politiques envisagées par la Commission dans le cadre de ses initiatives, en particulier de ses initiatives législatives dans le domaine environnemental, avant que cette dernière n’ait pris de décision quant à l’initiative projetée, fait partie intégrante de l’exercice des droits démocratiques des citoyens de l’Union.

109    Il s’ensuit que, si la Commission doit pouvoir bénéficier d’un espace de réflexion afin de pouvoir décider des choix politiques à opérer et des propositions à éventuellement présenter, c’est à tort que le Tribunal a, en substance, considéré que la protection du pouvoir d’initiative de la Commission et la préservation de la capacité de cette institution à exercer ce pouvoir en toute indépendance et dans le seul intérêt général exigeaient, en principe, que les documents établis dans le cadre d’une analyse d’impact puissent, de manière générale, rester confidentiels jusqu’à ce que ladite institution ait pris une telle décision.

110    Au demeurant, dans la mesure où la Commission a, lors de l’audience devant la Cour, invoqué la circonstance que les documents litigieux ne seraient que des projets internes non finalisés, il convient de souligner, comme cette institution l’a elle-même rappelé dans son mémoire en réponse, que, afin de reconnaître la présomption générale litigieuse, le Tribunal ne s’est pas fondé spécifiquement sur cette circonstance ni sur la nécessité de préserver le processus lié à la rédaction de ces documents. En effet, il ressort des points 94 à 97 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a, à cette fin, plus généralement retenu le risque que la divulgation des rapports d’analyse d’impact, qu’ils soient, ou non, à l’état de projet, et des avis du comité d’analyse d’impact porte gravement atteinte au processus décisionnel en cours de la Commission lié à l’élaboration et à l’adoption de ses propositions.

111    En tout état de cause, il importe de préciser, d’une part, que l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 vise l’accès à des documents à usage interne ayant trait à une question sur laquelle l’institution de l’Union concernée n’a pas encore pris de décision. Or, ni par son libellé ni par l’intérêt qu’elle protège, cette disposition n’exclut la possibilité de demander l’accès aux documents ayant un caractère provisoire. D’autre part, ce caractère n’est pas, en tant que tel, susceptible de démontrer, de manière générale et indépendamment d’une analyse individuelle et concrète de chaque document demandé, le risque d’une atteinte grave au processus décisionnel de la Commission. En effet, une telle atteinte dépend de facteurs tels que l’état d’achèvement du document en question et le stade précis auquel en est le processus décisionnel en cause au moment où l’accès à ce document est refusé, le contexte spécifique entourant ce processus ainsi que les questions devant encore faire l’objet de discussions internes à l’institution concernée.

112    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le Tribunal a commis des erreurs de droit en considérant, aux points 94 à 111 de l’arrêt attaqué, que, aux fins de l’application de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001, la Commission était en droit de présumer que, tant qu’elle n’a pas pris de décision quant à une éventuelle proposition, la divulgation des documents établis dans le cadre d’une analyse d’impact porterait, en principe, gravement atteinte à son processus décisionnel en cours d’élaboration d’une telle proposition, et ce indépendamment, d’une part, du caractère législatif ou autre de la proposition envisagée et, d’autre part, de la circonstance que les documents concernés comporteraient des informations environnementales, au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1367/2006.

113    Partant, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments avancés par ClientEarth et par les États membres intervenant à son soutien, il y a lieu de considérer que les première à quatrième branches du premier moyen sont fondées.

114    Le premier moyen devant être accueilli sur ce fondement, il convient d’annuler l’arrêt attaqué, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la cinquième branche de ce moyen, tirée, à titre subsidiaire, de ce que le Tribunal aurait rendu la présomption générale établie irréfragable, ni le second moyen, également soulevé à titre subsidiaire, selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ne reconnaissant pas l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents litigieux.

 Sur les recours devant le Tribunal

115    Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue, soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

116    En l’espèce, il y a lieu pour la Cour de statuer définitivement sur le litige, qui est en état d’être jugé.

117    Ainsi qu’il a été indiqué au point 21 du présent arrêt, en première instance, ClientEarth a notamment soutenu que les décisions litigieuses violaient l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 au motif que la Commission a considéré, à tort, que la divulgation des documents litigieux risquerait de porter gravement atteinte à ses processus décisionnels en cours, au sens de cette disposition.

118    À cet égard, il ressort de ces décisions, dont le contenu a été rappelé aux points 13 à 17 du présent arrêt, que, afin d’établir l’existence d’un tel risque, la Commission s’est fondée, d’une part, sur des considérations d’ordre général tirées, tout d’abord, de la circonstance que les analyses d’impact serviraient de support aux choix stratégiques opérés par cette institution dans ses propositions législatives, ensuite, de la nécessité de préserver sa marge de manœuvre, son indépendance, sa capacité à trouver des compromis et à agir dans le seul intérêt général ainsi que le climat de confiance devant régner lors des discussions en son sein et, enfin, du risque de pressions extérieures de nature à affecter gravement le déroulement de ces discussions.

119    D’autre part, elle a également invoqué des considérations plus spécifiques relatives aux deux processus décisionnels en cours, ayant trait, en particulier, à leur stade précoce et sensible, au fait que les questions discutées faisaient l’objet de réflexions depuis longtemps et à l’importance de ces questions. S’agissant des documents d’analyse d’impact sur l’accès à la justice en matière environnementale, elle a également souligné la sensibilité de la problématique liée à cette question et l’existence de possibles divergences de vues entre les États membres. En ce qui concerne les documents d’analyse d’impact sur les inspections et la surveillance en matière environnementale, elle a, en outre, mis l’accent sur la nécessité que la discussion soit préservée de facteurs d’influence externe dès lors qu’une telle influence affecterait la qualité du contrôle sur les États membres.

120    S’agissant, d’une part, des motifs d’ordre général mentionnés au point 118 du présent arrêt, ils correspondent, en substance, à ceux retenus par le Tribunal aux points 78 à 97 de l’arrêt attaqué. Or, il résulte des considérations exposées aux points 84 à 112 du présent arrêt que la Commission ne pouvait se fonder sur de tels motifs pour présumer que l’accès aux documents établis dans le cadre d’une analyse d’impact porte, en principe, gravement atteinte à ses processus décisionnels en cours, au sens de l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001, sans procéder à une appréciation concrète et individuelle des documents litigieux.

121    En ce qui concerne, d’autre part, les motifs propres aux deux processus décisionnels en cours, qui sont résumés au point 119 du présent arrêt, ainsi que l’a allégué ClientEarth en première instance, ils ne permettent pas davantage de caractériser le risque concret, effectif et raisonnablement prévisible que l’accès aux documents litigieux porte gravement atteinte à ces processus.

122    Premièrement, la circonstance, à la supposer établie, que les documents litigieux aient été demandés à un stade précoce du processus décisionnel n’est pas, en tant que telle, suffisante pour établir un tel risque (voir, par analogie, arrêt du 17 octobre 2013, Conseil/Access Info Europe, C‑280/11 P, EU:C:2013:671, point 60).

123    Si, dans ses mémoires en défense en première instance, la Commission a fait valoir qu’elle ne saurait être tenue de communiquer au public les rapports d’analyse d’impact à l’état d’avant-projets et leurs modifications successives éventuelles, il découle des considérations exposées au point 111 du présent arrêt que le caractère provisoire d’un document n’est pas non plus susceptible, en tant que tel, de démontrer ce risque. Or, la Commission n’a pas établi, de manière circonstanciée, les raisons pour lesquelles, compte tenu notamment du stade précis auquel en étaient les procédures d’analyse d’impact en cause en l’espèce et eu égard aux questions spécifiques devant encore faire l’objet de discussions internes à la date d’adoption des décisions litigieuses, la divulgation de chacun des documents litigieux, pris individuellement, aurait porté gravement atteinte à ses processus décisionnels en cours.

124    À cet égard, ne saurait prospérer l’argument avancé par la Commission, pris de ce que la communication, avant la fin de la procédure d’analyse d’impact, de ces documents à certaines parties intéressées, qui chercheraient à influencer les travaux de cette institution, risquerait d’entraîner une surreprésentation ainsi qu’une influence disproportionnée des intérêts de ces parties et, ainsi, de fausser le processus décisionnel de ladite institution. En effet, il appartient à la Commission de veiller à prévenir une telle situation, non pas en refusant l’accès auxdits documents, mais en prenant en considération l’ensemble des intérêts en présence, y compris ceux des personnes ou des groupes d’intérêt n’ayant pas sollicité cet accès. Doit également être écarté l’argument de cette institution, selon lequel il ne serait pas dans l’intérêt du public d’avoir accès aux différentes versions des projets de rapport d’analyse d’impact et à leurs modifications successives au motif qu’un tel accès sèmerait la confusion parmi les destinataires de ces documents. En effet, s’il ne peut être exclu qu’une telle circonstance, à la supposer avérée, puisse être prise en compte afin d’écarter l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé, elle n’est en revanche pas de nature à démontrer le risque d’une atteinte grave au processus décisionnel de la Commission. Or, la question de savoir si un tel intérêt existe ne se pose pas dès lors que ce risque n’est pas établi.

125    Deuxièmement, la Commission n’a pas, dans les décisions litigieuses, établi en quoi l’importance des questions traitées dans les documents litigieux et le fait que ces questions font l’objet de réflexions depuis longtemps impliquent que la divulgation de ces documents porterait gravement atteinte à ses processus décisionnels en cours.

126    En ce qui concerne, troisièmement, les arguments de la Commission tirés de la sensibilité desdites questions ainsi que des négociations en cours et de l’existence de possibles divergences de vues entre les États membres, ces arguments ne sont nullement étayés et restent trop abstraits pour établir le risque d’une telle atteinte, de sorte qu’ils ne sauraient prospérer.

127    Quatrièmement, s’agissant des motifs tirés de la nécessité de préserver la discussion de facteurs d’influence externe, ils doivent, eu égard aux considérations exposées aux points 106 à 109 du présent arrêt, être rejetés. En outre, la Commission n’a pas expliqué en quoi une telle influence pourrait, ainsi qu’elle le prétend, affecter la qualité du contrôle sur les États membres.

128    Il résulte de ce qui précède que la Commission a méconnu l’article 4, paragraphe 3, premier alinéa, du règlement no 1049/2001 en refusant de divulguer les documents litigieux sur le fondement de cette disposition. Partant, il convient d’annuler les décisions litigieuses, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments soulevés par ClientEarth au soutien de ses recours en annulation.

 Sur les dépens

129    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute personne qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Aux termes de l’article 140, paragraphe 1, dudit règlement, également rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

130    La Commission ayant succombé en ses moyens dans le cadre du présent pourvoi, ClientEarth ayant conclu à sa condamnation aux dépens et la Cour ayant fait droit aux recours introduits par ClientEarth devant le Tribunal, il y a lieu de condamner la Commission à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par ClientEarth tant en première instance que dans la présente procédure de pourvoi.

131    La République de Finlande et le Royaume de Suède supportent leurs propres dépens afférents à la présente procédure de pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (grande chambre) déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 novembre 2015, ClientEarth/Commission (T424/14 et T425/14, EU:T:2015:848), est annulé.

2)      La décision de la Commission européenne du 1er avril 2014, refusant l’accès à un rapport d’analyse d’impact concernant un projet d’instrument contraignant définissant le cadre stratégique des procédures d’inspection et de surveillance basées sur les risques et relatives à la législation environnementale de l’Union européenne ainsi qu’à un avis du comité d’analyse d’impact, est annulée.

3)      La décision de la Commission européenne du 3 avril 2014, refusant l’accès à un projet de rapport d’analyse d’impact relatif à l’accès à la justice en matière environnementale au niveau des États membres dans le domaine de la politique environnementale de l’Union européenne ainsi qu’à un avis du comité d’analyse d’impact, est annulée.

4)      La Commission européenne est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par ClientEarth en première instance ainsi que dans la procédure de pourvoi.

5)      La République de Finlande et le Royaume de Suède supportent leurs propres dépens afférents à la procédure de pourvoi.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.