DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

29 avril 2020 (*)

« Dessin ou modèle communautaire – Procédure de nullité – Dessin ou modèle communautaire enregistré représentant un outil pour fendre le bois – Dessin ou modèle national antérieur – Motif de nullité – Absence de caractère individuel – Absence d’impression globale différente – Article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 6/2002 – Violation des droits de la défense – Article 62 du règlement no 6/2002 »

Dans l’affaire T‑73/19,

Bergslagernas Järnvaruaktiebolag, établie à Saltsjö-Boo (Suède), représentée par Mes S. Kirschstein-Freund et B. Breitinger, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. S. Hanne, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Scheppach Fabrikation von Holzbearbeitungsmaschinen GmbH, établie à Ichenhausen (Allemagne),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 23 novembre 2018 (affaire R 1455/2018-3), relative à une procédure de nullité entre Scheppach Fabrikation von Holzbearbeitungsmaschinen et Bergslagernas Järnvaru,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak (rapporteure) et O. Porchia, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 février 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 15 avril 2019,

à la suite de l’audience du 14 janvier 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 12 août 2011, la requérante, Bergslagernas Järnvaruaktiebolag, a déposé une demande d’enregistrement d’un dessin ou modèle communautaire à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

2        Le dessin ou modèle dont l’enregistrement a été demandé est reproduit ci-après :

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3        Le dessin ou modèle contesté est destiné à être appliqué à des « outils pour fendre le bois », relevant de la classe 08.03 au sens de l’arrangement de Locarno du 8 octobre 1968 instituant une classification internationale pour les dessins et modèles industriels.

4        Le dessin ou modèle contesté a été enregistré le 12 août 2011 sous le numéro 001289243-0001 et publié au Bulletin des dessins ou modèles communautaires no 205/2011, du 9 septembre 2011.

5        Le 12 juillet 2017, Scheppach Fabrikation von Holzbearbeitungsmaschinen GmbH a introduit auprès de l’EUIPO, en vertu de l’article 52 du règlement no 6/2002, une demande en nullité du dessin ou modèle contesté, en faisant valoir, notamment, que celui-ci ne présentait pas de caractère individuel, au sens de l’article 6 du règlement no 6/2002.

6        À l’appui de sa demande en nullité, Scheppach Fabrikation von Holzbearbeitungsmaschinen s’est prévalue de la divulgation au public d’un dessin ou modèle antérieur, qui a été publié en 1986 en tant que dessin ou modèle enregistré au registre norvégien de la propriété intellectuelle et qui est reproduit ci-après :

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7        Par décision du 12 juin 2018, la division d’annulation a déclaré nul le dessin ou modèle contesté en raison de son absence de caractère individuel.

8        Le 27 juillet 2018, la requérante a formé un recours contre la décision de la division d’annulation.

9        Par décision du 23 novembre 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En substance, elle a estimé que c’était à bon droit que la division d’annulation avait déclaré que le dessin ou modèle contesté était nul, car dépourvu de caractère individuel.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, réformer la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      Au soutien de ses conclusions, tant en annulation qu’en réformation, la requérante soulève deux moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 62 du règlement no 6/2002 et, le second, de la violation de l’article 6, paragraphe 1, du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 62 du règlement no 6/2002

13      À l’appui de son premier moyen, la requérante soutient que la chambre de recours aurait violé son droit à être entendue, tel qu’il est consacré, selon elle, à l’article 62 du règlement no 6/2002, en exposant, dans la décision attaquée, un certain nombre d’arguments et de faits sans lui avoir permis de présenter ses observations. En particulier, selon la requérante, la chambre de recours a avancé pour la première fois, dans la décision attaquée, les arguments et faits suivants, sur lesquels elle prétend ne pas avoir pu prendre position :

–        il est notoire, pour un utilisateur averti, que les outils pour fendre le bois, tels que ceux représentés dans les dessins ou modèles en cause, fonctionnent en soulevant d’abord le levier de la base, puis en l’abaissant après avoir solidement calé un morceau de bois entre deux dents (point 25 de la décision attaquée) ;

–        la forme du corps et celle du levier sont interdépendantes en ce sens que le levier doit être plié en raison de la longueur relativement plus grande du support. En effet, un levier droit serait trop saillant et constituerait facilement un obstacle pour l’utilisateur (point 26 de la décision attaquée) ;

–        un support plus court, face à la charnière, n’impose pas que le levier soit plié. Ces caractéristiques seraient liées l’une à l’autre et reflèteraient une nécessité fonctionnelle de sorte qu’elles ne joueraient qu’un rôle relativement faible dans l’impression globale produite par les deux dessins ou modèles. Par conséquent, ce qui frappera l’utilisateur averti, c’est la conception globale de la base et du levier (points 27 à 29 de la décision attaquée) ;

–        les différences liées à la forme des dents ne sont appréciables qu’après un examen approfondi et risquent donc de passer inaperçues (point 32 de la décision attaquée) ;

–        la forme concerne une partie relativement limitée de l’outil (point 33 de la décision attaquée) ;

–        la charnière est située à l’arrière de la base et n’attire pas l’attention visuelle lors de l’utilisation de l’outil (point 34 de la décision attaquée) ;

–        l’anneau est une caractéristique qui concerne la sécurité des produits et sera perçu comme une caractéristique purement fonctionnelle (point 36 de la décision attaquée).

14      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

15      À cet égard, il convient de relever que, selon l’article 62 du règlement no 6/2002, les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position. Cette disposition consacre, dans le cadre du droit des dessins ou modèles communautaires, le principe général de protection des droits de la défense. En vertu de ce principe général du droit de l’Union européenne, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. Le droit à être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais pas à la position finale que l’administration entend adopter [arrêt du 9 février 2017, Mast-Jägermeister/EUIPO (Gobelets), T‑16/16, EU:T:2017:68, point 57] ni à chaque fait notoire sur lequel elle s’appuie pour arriver à cette position [voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2016, Wolf Oil/EUIPO – SCT Lubricants (CHEMPIOIL), T‑34/15, non publié, EU:T:2016:330, point 83].

16      En l’espèce, d’une part, il y a lieu de constater qu’il ressort du dossier que, dans le cadre de la procédure qui a conduit à l’adoption de la décision attaquée, la requérante a eu la possibilité de présenter ses observations relatives à tous les aspects de la demande en nullité, y compris à l’égard du caractère individuel du dessin ou modèle contesté. Un résumé des observations présentées en réponse à la demande en nullité figure au point 7 de la décision attaquée. En outre, au cours de la procédure qui a conduit à l’adoption de la décision attaquée, la requérante a également eu l’occasion de présenter des arguments et des éléments de faits concernant l’utilisation des produits pertinents et au sujet des caractéristiques visuelles des dessins ou modèles en conflit.

17      D’autre part, ainsi que le relève l’EUIPO, la décision attaquée repose exclusivement sur des faits qui sont notoirement connus, dans la mesure où ils sont susceptibles d’être connus de quiconque, ou qui peuvent être tirés de sources généralement accessibles, ainsi que sur des éléments qui ressortent des représentations des dessins ou modèles en conflit ou sur des faits et des arguments expressément avancés par les parties.

18      En particulier, s’agissant de l’affirmation selon laquelle « il est notoire, pour un utilisateur averti, que les outils pour fendre le bois du type montré dans les deux dessins ou modèles fonctionnent en soulevant d’abord le levier de la base, puis en l’abaissant après avoir solidement calé un morceau de bois entre deux dents » (point 25 de la décision attaquée), celle-ci n’est que la réponse de la chambre de recours à l’argument, déjà avancé par la requérante devant la division d’annulation, selon lequel, en substance, aux fins de l’appréciation de l’impression globale produite par le dessin ou modèle antérieur, seule la représentation de ce dernier en position fermée, telle qu’enregistrée, serait déterminante. Plus spécifiquement, l’affirmation en cause vise à confirmer et à préciser la décision de la division d’annulation dans la mesure où elle a rejeté l’argument de la requérante comme n’étant pas susceptible de remettre en cause l’appréciation de l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit. Cette affirmation répond également à l’argument avancé par la requérante devant la chambre de recours selon lequel l’apparence d’un produit dans une position fermée ressemblant au dessin ou modèle antérieur une fois ouvert était inconnue, étant donné qu’elle n’avait jamais été divulguée.

19      Dès lors, la requérante ne saurait faire valoir que l’affirmation figurant au point 25, seconde phrase, de la décision attaquée a été avancée pour la première fois par la chambre de recours de sorte qu’elle n’a pas pu prendre position à son égard. En outre, s’agissant du fait notoire sur lequel la chambre de recours s’est appuyée au point 25 de la décision attaquée et dont la notoriété a été contestée pour la première fois par la requérante lors de l’audience, il suffit de relever, pour écarter cette argumentation, que la requérante ne présente aucun élément afin de contester la notoriété du fait qu’elle invoque.

20      Par ailleurs, s’agissant des autres arguments et faits mentionnés au point 13 ci-dessus, sur lesquels la requérante estime ne pas avoir pu prendre position, il convient de relever qu’il s’agit de la prise de position de la chambre de recours par rapport aux arguments développés par la requérante, dans le cadre de la procédure qui a conduit à l’adoption de la décision attaquée, visant à souligner les différences qui, selon elle, distinguent les dessins ou modèles en conflit.

21      En toute hypothèse, le seul fait que la position finale de la chambre de recours quant à l’absence de caractère individuel du dessin ou modèle contesté ne corresponde pas à celle exprimée par la requérante devant les instances de l’EUIPO n’est nullement constitutif, selon la jurisprudence évoquée au point 15 ci-dessus, d’une violation du droit de la requérante à être entendue [voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2008, Anvil Knitwear/OHMI – Aprile e Aprile (Aprile), T‑179/07, non publié, EU:T:2008:401, point 24]. Dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’a pas pu prendre position sur les arguments et faits mentionnés au point 13 ci-dessus.

22      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être écarté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 6/2002

23      Il ressort du libellé de l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, que le caractère individuel doit être apprécié, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, au regard de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti, qui doit être différente de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué au public avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. L’article 6, paragraphe 2, du règlement no 6/2002 précise que, aux fins de cette appréciation, il doit être tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle [arrêt du 29 octobre 2015, Roca Sanitario/OHMI – Villeroy & Boch (Robinet à commande unique), T‑334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 15].

24      Conformément à la jurisprudence, le caractère individuel d’un dessin ou modèle résulte d’une impression globale de différence ou d’absence de déjà-vu, du point de vue de l’utilisateur averti, par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, sans tenir compte des différences, bien qu’excédant des détails insignifiants, demeurant insuffisamment marquées pour affecter ladite impression globale, mais en ayant égard à des différences suffisamment marquées pour créer des impressions d’ensemble dissemblables [arrêt du 17 mai 2018, Basil/EUIPO – Artex (Paniers spéciaux pour cycles), T‑760/16, EU:T:2018:277, point 77].

25      Lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève (voir considérant 14 du règlement no 6/2002), du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, d’une éventuelle saturation de l’état de l’art, laquelle peut être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences entre les dessins ou modèles comparés, ainsi que de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu’il subit normalement à cette occasion (arrêt du 17 mai 2018, Paniers spéciaux pour cycles, T‑760/16, EU:T:2018:277, point 78).

26      Enfin, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle, il convient également de tenir compte du point de vue de l’utilisateur averti. Selon une jurisprudence constante, l’utilisateur averti est une personne dotée d’une vigilance particulière et qui dispose d’une certaine connaissance de l’état de l’art antérieur, c’est-à-dire du patrimoine des dessins ou modèles relatifs au produit en cause qui ont été divulgués à la date du dépôt du dessin ou modèle contesté, ou le cas échéant, à la date de priorité revendiquée (voir arrêt du 17 mai 2018, Paniers spéciaux pour cycles, T‑760/16, EU:T:2018:277, point 79 et jurisprudence citée).

27      En l’espèce, l’utilisateur averti a été défini à bon droit par la chambre de recours, sans que cela soit d’ailleurs contesté par la requérante, comme étant une personne qui connaît les outils pour fendre le bois, ce qui inclut les personnes qui utilisent ces outils pour fendre des bûches qui peuvent être brûlées dans une cheminée en petits morceaux (point 18 de la décision attaquée).

28      En outre, la chambre de recours a également estimé à juste titre, sans que cela soit contesté par la requérante, que la liberté du créateur dans l’élaboration d’un outil pour fendre le bois n’était pas très limitée en ce que, même si l’outil avait un but fonctionnel (fendre des morceaux de bois), de sorte qu’il nécessitait une lame et un corps, le créateur pouvait choisir une forme particulière pour le corps et le bras de levier, le manche ou la façon dont l’outil pouvait être fixé sur une surface. La chambre de recours a ajouté que la requérante n’avait fourni aucune preuve de l’existence de contraintes techniques ou juridiques dans la conception d’outils pour fendre le bois manuellement (point 23 de la décision attaquée).

29      Au point 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que le dessin ou modèle contesté produisait une impression de déjà-vu par rapport au dessin ou modèle antérieur, en ce sens qu’il reproduisait les caractéristiques de ce dernier, lesquelles frapperaient immédiatement un utilisateur averti, à savoir une base constituée d’une pièce en un matériau solide avec plusieurs dents saillantes et un levier constitué d’une tige en acier présentant une lame d’un côté et un manche de l’autre. En particulier, au point 25 de la décision attaquée, elle a précisé que le fait que l’outil était représenté en position fermée (dans le dessin ou modèle contesté) et en position ouverte (dans le dessin ou modèle antérieur) n’était déterminant ni dans la comparaison des dessins ou modèles ni dans l’appréciation du caractère individuel. En effet, il serait notoire, pour un utilisateur averti, que les outils pour fendre le bois du type de ceux représentés dans les dessins ou modèles en cause fonctionnent en soulevant d’abord le levier de la base, puis en l’abaissant après avoir solidement calé un morceau de bois entre deux dents. En outre, au point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a relevé que les différences mises en avant par la requérante avaient un poids relativement faible dans l’impression globale produite par les deux dessins ou modèles, laquelle était dominée par l’apparence très similaire d’une base munie de plusieurs dents et d’un levier doté d’un manche et d’une lame.

30      Par le second moyen du recours, tiré de la violation de l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, la requérante conteste cette appréciation et reproche à la chambre de recours d’avoir considéré, à tort, que le dessin ou modèle contesté et le dessin ou modèle antérieur produisaient la même impression globale et que, par conséquent, le dessin ou modèle contesté était dépourvu de caractère individuel.

31      Ce moyen est divisé en deux branches, tirées, en substance, d’une part, d’une appréciation erronée de l’impression globale produite par le dessin ou modèle antérieur, qui s’éloignerait de sa représentation telle qu’enregistrée, et, d’autre part, d’une appréciation erronée du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

 Sur la première branche du second moyen

32      La requérante fait valoir, premièrement, en substance, que l’appréciation de l’impression globale produite par un dessin ou modèle ne peut être fondée que sur ce qui est visible sur la représentation fournie avec la demande d’enregistrement. En particulier, selon la requérante, il découlerait du principe de clarté et de sécurité juridique que, dans le cadre de l’appréciation de l’impression globale produite par le dessin ou modèle contesté, seule l’impression globale produite par la représentation graphique du dessin ou modèle antérieur tel qu’enregistré pourrait être pertinente. L’appréciation de l’impression globale produite par un dessin ou modèle ne saurait donc être effectuée par rapport au produit réel correspondant au dessin ou modèle enregistré.

33      Deuxièmement, la requérante soutient que, au regard du dessin ou modèle antérieur tel qu’il a été enregistré, l’impression globale produite par les dessins ou modèles en cause, dans le cadre d’une comparaison individualisée directe et détaillée, serait très différente. Le dessin ou modèle antérieur ne consisterait qu’en une seule représentation qui serait clairement visible et qui ne contiendrait aucune incertitude. Partant, il n’y aurait aucune place laissée à l’interprétation. Cependant, quand bien même le dessin ou modèle antérieur serait interprété, cela ne justifierait pas la prise en compte du dessin ou modèle antérieur dans des états de fonctionnement ou opérationnels qui ne sont pas représentés dans l’enregistrement.

34      Troisièmement, la requérante allègue que le titulaire du dessin ou modèle antérieur n’aurait pas eu pour objectif d’obtenir la protection pour un dessin ou modèle d’un outil pour fendre le bois dans une position fermée, à moitié fermée, ou dans une position plus ouverte. De l’avis de la requérante, si tel avait été le cas, il aurait dû déposer une demande d’enregistrement de dessin ou modèle comportant diverses vues, ou une demande d’enregistrement multiple illustrant les différents états de fonctionnement. Par ailleurs, l’argument selon lequel, lors de l’interprétation d’un dessin ou modèle, il conviendrait de considérer que le titulaire du dessin ou modèle avait pour intention d’obtenir la protection la plus étendue possible ne conforterait pas non plus le raisonnement de la chambre de recours. En outre, il serait injuste d’étendre les droits du créateur, qui a déposé une demande d’enregistrement avec une seule vue, en augmentant l’étendue de ce dessin ou modèle de manière à couvrir des vues qui ne formaient pas l’objet de la demande d’enregistrement. Tout autre état de fonctionnement que celui illustré dans l’enregistrement serait dépourvu de pertinence.

35      Quatrièmement, la requérante prétend que l’impression globale visuelle du dessin ou modèle antérieur dans une position fermée ne saurait être précisément extraite ou déduite de la représentation du dessin ou modèle antérieur tel qu’enregistré. Partant, l’impression globale visuelle du dessin ou modèle antérieur en position fermée resterait incertaine et trop imprécise pour pouvoir constituer une base de comparaison avec l’impression globale visuelle produite par le dessin ou modèle contesté.

36      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

37      À titre liminaire, il convient de relever que, par ses arguments, la requérante vise notamment à remettre en cause l’affirmation de la chambre de recours figurant au point 25 de la décision attaquée, selon laquelle, en substance, le fait que l’outil est représenté en position fermée (dans le dessin ou modèle contesté) et en position ouverte (dans le dessin ou modèle antérieur) n’est déterminant ni dans la comparaison des dessins ou modèles ni dans l’appréciation du caractère individuel (voir le point 29 ci-dessus). Elle reproche, en substance, à la chambre de recours d’avoir tenu compte, lors de l’appréciation de l’impression globale produite par le dessin ou modèle antérieur, de la représentation de l’outil pour fendre le bois en position fermée, malgré le fait que la représentation graphique dudit dessin ou modèle consistait en une seule vue reproduisant cet outil en position ouverte.

38      S’agissant de l’argument selon lequel l’appréciation de l’impression globale produite par un dessin ou modèle se base uniquement sur la représentation graphique de celui-ci tel qu’il est enregistré et non sur le produit réel correspondant audit dessin ou modèle, il convient de relever, en premier lieu, que, selon la jurisprudence, lors de l’appréciation du caractère individuel d’un dessin ou modèle par rapport à toute antériorité au sein du patrimoine des dessins ou modèles, il convient de tenir compte de la nature du produit auquel le dessin ou modèle s’applique ou dans lequel celui-ci est incorporé et, notamment, du secteur industriel dont il relève, du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle, d’une éventuelle saturation de l’état de l’art, laquelle peut être de nature à rendre l’utilisateur averti plus sensible aux différences entre les dessins ou modèles comparés, ainsi que de la manière dont le produit en cause est utilisé, en particulier en fonction des manipulations qu’il subit normalement à cette occasion [voir arrêt du 7 novembre 2013, Budziewska/OHMI – Puma (Félin bondissant), T‑666/11, non publié, EU:T:2013:584, point 31 et jurisprudence citée].

39      En deuxième lieu, il convient de rappeler, à l’instar de l’EUIPO, que, dans la mesure où, en matière de dessins ou modèles, la personne qui procède à la comparaison est un utilisateur averti, qui se distingue du simple consommateur moyen , il n’est pas erroné de prendre en compte, lors de l’évaluation de l’impression globale produite par les dessins ou modèles en cause, les produits effectivement commercialisés et correspondant à ces dessins ou modèles (arrêt du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C‑281/10 P, EU:C:2011:679, points 73 et 74) ; et cela à tout le moins à titre illustratif, pour confirmer les conclusions déjà tirées de la représentation du dessin ou modèle [arrêt du 4 juillet 2017, Murphy/EUIPO – Nike Innovate (Bracelet de montre électronique), T‑90/16, non publié, EU:T:2017:464, point 53].

40      En l’espèce, ainsi que le relève l’EUIPO, le dessin ou modèle antérieur représente un outil pour fendre le bois constitué d’une base et d’un levier reliés par une charnière, dont la fonction même est de déplacer le levier et donc d’adopter une position fermée ou ouverte pour couper le bois. Ainsi, compte tenu de la circonstance que l’appréciation doit porter sur l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par un dessin ou modèle, en incluant aussi la manière dont le produit représenté par ledit dessin ou modèle est utilisé (voir le point 38 ci-dessus), il ne peut être reproché à la chambre de recours, au vu des caractéristiques de l’outil pour fendre le bois représenté, qui est spécifiquement conçu pour couper du bois en repliant le levier, d’avoir également tenu compte de l’impression produite par le dessin ou modèle en cause sur l’utilisateur averti lorsque l’outil est en position fermée [voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 2013, El Hogar Perfecto del Siglo XXI/OHMI – Wenf International Advisers (Tire-bouchon), T‑337/12, EU:T:2013:601, point 46].

41      En troisième lieu, il convient de relever que le fait que, en l’espèce, la représentation du dessin ou modèle antérieur se limite à une seule vue, représentant l’outil en cause en position ouverte, n’exclut pas la possibilité d’effectuer une comparaison avec le dessin ou modèle contesté dans la mesure où la représentation visuelle en position fermée de l’outil en cause peut être déduite de la représentation du dessin ou modèle antérieur [voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, Senz Technologies/OHMI – Impliva (Parapluies), T‑22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310, point 80 (non publié)].

42      Par ailleurs, il convient de souligner que le règlement no 6/2002 n’exige pas que, en ce qui concerne l’appréciation du caractère individuel au sens de l’article 6 de ce règlement, la représentation graphique d’un dessin ou modèle dont l’enregistrement a été demandé, ni celle d’un dessin ou modèle déjà divulgué au public, contienne des vues reproduisant l’outil en cause dans toute les positions possibles, pour autant que cette représentation graphique permette d’identifier la forme et les caractéristiques du dessin ou modèle [voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2014, Cezar/OHMI – Poli-Eco (Insert), T‑39/13, EU:T:2014:852, point 48].

43      En l’espèce, il y a lieu de considérer que la représentation graphique concernant le dessin ou modèle antérieur, consistant en une seule vue, est claire et dépourvue d’ambiguïté. Dès lors, ainsi que le souligne l’EUIPO à juste titre et contrairement à ce que prétend la requérante, la position fermée d’un outil pour fendre le bois étant inhérente à sa finalité, l’apparence visuelle fermée de l’outil en cause peut être déduite avec suffisamment de clarté et de précision de sa représentation en position ouverte.

44      S’agissant de l’argument selon lequel, par la prise en compte du dessin ou modèle antérieur en position fermée, la chambre de recours aurait violé le principe de clarté et de sécurité juridique en étendant injustement la protection dudit dessin ou modèle antérieur, il convient de relever qu’une telle violation, résultant d’une extension indue de la protection du dessin ou modèle antérieur, n’aurait lieu que dans l’hypothèse où la chambre de recours, lors de l’appréciation de l’impression globale produite par le dessin ou modèle antérieur, aurait pris en considération des caractéristiques ne ressortant pas de la vue produite lors de l’enregistrement de celui-ci, ce qui, cependant, n’est pas le cas en l’espèce. En effet, la représentation graphique concernant le dessin ou modèle antérieur, consistant en une seule vue, étant claire et dépourvue d’ambiguïté (voir le point 43 ci-dessus), toutes les caractéristiques dudit dessin ou modèle ressortent clairement et ont été correctement examinées par la chambre de recours.

45      En outre, ainsi que cela a été constaté par la division d’annulation dans sa décision, les différentes positions des dessins ou modèles en conflit ne pouvaient pas être considérées comme des caractéristiques propres à ceux-ci, de sorte que la circonstance que la chambre de recours a pris en compte le dessin ou modèle antérieur dans sa position fermée ne saurait étendre de manière injuste la protection du dessin ou modèle antérieur au-delà de l’intention de son créateur.

46      Au regard de tout ce qui précède, aucune erreur d’appréciation ne saurait être reprochée à la chambre de recours pour avoir pris en compte, lors de l’appréciation de l’impression globale produite par le dessin ou modèle antérieur, la représentation de l’outil pour fendre le bois en position fermée. Aucune erreur ne saurait non plus être reprochée à la chambre de recours pour ne pas avoir conclu, sur la base de la représentation de cet outil en position fermée, que l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit était différente.

47      Il découle de ce qui précède que la première branche du second moyen doit être écartée comme non fondée.

 Sur la seconde branche du second moyen

48      Par la seconde branche du second moyen, la requérante cherche à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours figurant au point 24 de la décision attaquée (voir le point 29 ci-dessus), selon laquelle le dessin ou modèle contesté produit une impression de déjà-vu par rapport au dessin ou modèle antérieur. En effet, la requérante fait valoir que, quand bien même l’état de fonctionnement des produits illustrés par les dessins ou modèles en conflit serait dépourvu de pertinence et pourrait être ignoré, il n’en demeure pas moins que leurs impressions globales diffèrent.

49      À l’appui de cette branche, elle avance, en substance, deux griefs, le premier concernant l’appréciation erronée de l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit et, le second, concernant l’appréciation des différences entre les dessins ou modèles en conflit.

–       Sur le premier grief, concernant l’appréciation erronée de l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit

50      Par son premier grief, la requérante fait valoir que le fait de savoir si le dessin ou modèle contesté produit une impression de déjà-vu par rapport au dessin ou modèle antérieur est dépourvu de pertinence et constitue un critère juridique erroné. De l’avis de la requérante, seul le fait de savoir si l’impression globale produite sur l’utilisateur averti par le dessin ou modèle contesté diffère de celle produite sur un tel utilisateur par le dessin ou modèle antérieur est déterminante. L’utilisateur averti, qui est doté d’une vigilance particulière, serait conscient des similitudes et des différences et serait capable de les évaluer. En outre, selon la requérante, l’influence des différentes caractéristiques du produit sur l’impression globale qu’il produit dépend du type de produit. S’agissant des produits ayant des caractéristiques plus ou moins standardisées, les différences notables de détail génèreraient une impression globale différente. Lorsqu’il apprécie l’impression produite par un dessin ou modèle, le Tribunal devrait dès lors exclure de son appréciation des caractéristiques d’apparence qui sont également dictées par leur fonction technique. Selon la requérante, de telles caractéristiques comprennent les formes de base du dessin ou modèle revendiqué, qui sont nécessaires afin de conférer au produit concerné sa fonction.

51      La requérante soutient également que l’utilisateur averti qui connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné et qui possède un certain degré de connaissance des éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement et qui, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d’un degré d’attention relativement élevé lorsqu’il les utilise, sait qu’un outil pour fendre le bois consiste en une base constituée d’une pièce en matériau solide avec plusieurs dents saillantes et un levier avec une lame et un manche. Par conséquent, lorsqu’il est confronté aux dessins ou modèles à comparer, l’utilisateur averti ne se concentrerait pas sur ces éléments purement techniques, car ces derniers se retrouveraient sur n’importe quel outil pour fendre le bois. C’est pourquoi ces éléments purement techniques ne produiraient pas non plus une impression de déjà-vu sur l’utilisateur averti. En réalité, selon la requérante, l’utilisateur averti, qui est fréquemment confronté au produit dans son espace de vie principal et est très attentif au dessin ou modèle d’un tel produit, se concentrera sur les éléments caractéristiques du dessin ou modèle en question, qui le distinguent des autres outils pour fendre le bois et qui sont déterminants pour le succès du produit.

52      En l’espèce, premièrement, s’agissant de l’argument selon lequel le fait de savoir si le dessin ou modèle contesté produit une impression de déjà-vu par rapport au dessin ou modèle antérieur serait dépourvu de pertinence et constituerait un critère juridique erroné, il convient de relever que, ainsi que cela a déjà été rappelé au point 23 ci-dessus, conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 6/2002, le caractère individuel doit, d’abord, être apprécié, dans le cas d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, au regard de l’impression globale produite sur l’utilisateur averti [voir arrêt du 25 octobre 2013, Merlin e.a./OHMI – Dusyma (Jeux), T‑231/10, non publié, EU:T:2013:560, point 28 et jurisprudence citée].

53      Il s’ensuit que c’est à tort que la requérante fait valoir que le fait de savoir si le dessin ou modèle contesté produit une impression de déjà-vu par rapport au dessin ou modèle antérieur est dépourvu de pertinence afin d’établir l’existence du caractère individuel du dessin ou modèle contesté.

54      Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel, en substance, lorsqu’il est confronté aux dessins ou modèles en cause, l’utilisateur averti ne se concentrerait pas sur les éléments de base, tels que le corps et le levier, qui sont commun à tout outil pour fendre le bois et seraient également dictés par leur fonction purement technique, il convient de relever, tout d’abord, que, si les éléments commun aux deux dessins ou modèles en conflit, tels que la base (constituée d’une pièce en matériau solide avec plusieurs dents saillantes) et le levier (avec une lame et un manche) sont des éléments de base du type de produit concerné, ils sont également les éléments les plus visibles et les plus importants des deux dessins ou modèles en conflit. Ensuite, ainsi que cela a été constaté à juste titre par la chambre de recours, les éléments de base des produits concernés sont très similaires. Enfin, même à supposer que ces éléments de base puissent avoir une fonction technique, ce que la chambre de recours n’exclut d’ailleurs pas (point 22 de la décision attaquée), il n’est pas établi qu’ils seraient « purement techniques » au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 et, notamment qu’il s’agirait d’éléments dont les caractéristiques d’apparence seraient exclusivement imposées par la fonction technique du produit en cause.

55      Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, il n’y a pas de raison d’ignorer l’apparence spécifique des éléments de base d’un outil pour fendre le bois dans l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit. Par ailleurs, leur apparence étant modifiable, tant les éventuelles différences que les éventuelles similitudes dans leur forme et dans leur positionnement peuvent influencer l’impression globale produite par le produit dans lequel ils ont été incorporées.

56      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a pris en compte les éléments de base du produit incorporé dans les dessins ou modèles en conflit et a constaté que ce qui frappait l’utilisateur averti était la conception globale de la base (munie de dents) et du levier (muni d’une lame et d’un manche), qui étaient très similaires et qui produisaient une impression de déjà-vu sur ce dernier (points 24 et 29 de la décision attaquée).

57      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel, en substance, l’utilisateur averti étant fréquemment confronté au produit en cause dans son espace de vie principal, il serait très attentif au dessin ou modèle d’un tel produit et, notamment, aux éléments caractéristiques qui le distinguent des autres produits et qui sont déterminants pour le succès de ce produit.

58      À cet égard, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, que la perception de l’utilisateur averti, et donc la portée de la protection du dessin ou modèle, ne dépend pas de la fréquence avec laquelle un utilisateur est confronté au type de produit concerné dans la vie réelle. En effet, ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé, à la différence du consommateur moyen en matière de marques, pour lequel le fait d’être confronté à un certain produit, tel qu’un article de mode, peut effectivement jouer un rôle quant à son niveau d’attention, l’utilisateur averti d’un dessin ou modèle est déjà, par nature, une personne qui possède un intérêt particulier pour le design d’un produit donné et qui s’intéresse aux courants du design, de l’art et de la mode qui pourraient être à l’origine d’un tel design. Dès lors, le seul fait d’être confronté à un design particulier ne rend pas l’utilisateur averti plus ou moins attentif, car le niveau d’attention de cet utilisateur est déjà, par nature, relativement élevé [voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, Parapluies, T‑22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310, points 51 et 52 (non publiés) et jurisprudence citée].

59      Compte tenu de ce qui précède, il convient d’écarter le premier grief de la seconde branche du second moyen.

–       Sur le second grief, concernant l’appréciation des différences entre les dessins ou modèles en conflit

60      S’agissant des différences entre les dessins ou modèles en conflit, aux points 26 et 27 de la décision attaquée, la chambre de recours a admis l’existence de différences susceptibles d’affecter l’aspect visuel concernant la forme du corps et celle du levier de l’outil pour fendre le bois. En particulier, elle a relevé que, si le dessin ou modèle contesté se caractérisait, d’une part, par un corps comportant deux supports (servant à fixer l’outil sur une surface, comme un mur ou un sol), dont l’un, situé face à la charnière, était plus long, et, d’autre part, par un levier qui était légèrement plié vers le bas près du manche, le dessin ou modèle antérieur présentait des caractéristiques contraires, à savoir un support plus court, face à la charnière, qui ne nécessitait pas que le levier ait été plié. Au point 28 de la décision attaquée, elle a cependant estimé que, dans la mesure où ces deux paires de caractéristiques étaient interdépendantes et reflétaient une nécessité fonctionnelle, à savoir éviter que le levier ne dépasse inutilement, elles jouaient un rôle relativement faible dans l’impression globale produite par les deux dessins ou modèles.

61      La requérante conteste cette conclusion en faisant notamment valoir que, lors d’une comparaison directe, l’utilisateur averti ne considérera pas que ces deux caractéristiques sont interdépendantes, mais percevra le levier incliné à l’impression droite, élégante, fine et solide produite par le dessin ou modèle contesté comme une évolution conceptuelle du dessin ou modèle antérieur, dont l’apparence globale est équarrie, d’une grande largeur, manquant de souplesse, massive et lourde.

62      À cet égard, il y a lieu de constater que par, son argumentation, qu’elle a confirmée lors de l’audience, la requérante ne remet pas en cause le bien-fondé des appréciations de la chambre de recours en ce qui concerne le fait que les différences concernant la forme du corps et celle du levier sont interdépendantes. En effet, elle conteste seulement l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle, pour l’utilisateur averti, ces différences ne joueraient qu’un faible rôle dans l’impression globale produite par les deux dessins ou modèles.

63      Or, même à supposer que, lors d’une comparaison directe, l’utilisateur averti ne considère pas que les deux différences en cause sont interdépendantes, il y a lieu de considérer qu’il ne percevra pas non plus les différences mises en avant par la requérante et consistant en un levier incliné ainsi qu’en une impression d’un objet élégant, fin et solide produite par le dessin ou modèle contesté comme étant des différences importantes.

64      À cet égard, il convient de rappeler que, même si l’utilisateur averti de référence dispose d’un certain degré de connaissance quant aux différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné et fait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé et d’une vigilance particulière lorsqu’il les utilise, il n’est pas non plus l’expert ou le spécialiste, tel que l’homme du métier, capable d’observer dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les dessins ou modèles en conflit [arrêt du 13 juin 2019, Visi/one/EUIPO – EasyFix (Porte-affichette pour véhicules), T‑74/18, EU:T:2019:417, point 72].

65      Dès lors, ces différences concernant la forme du corps et du levier ne sauraient écarter l’impression de déjà-vu qui se dégage des dessins ou modèles en conflit, eu égard à leurs éléments communs, qui font partie de leurs éléments les plus visibles et les plus importants [voir, en ce sens, arrêts du 29 octobre 2015, Robinet à commande unique, T‑334/14, non publié, EU:T:2015:817, point 74, et du 28 septembre 2017, Rühland/EUIPO – 8 seasons design (Lampe en étoile), T‑779/16, non publié, EU:T:2017:674, point 43].

66      S’agissant des autres différences entre les dessins ou modèles en conflit invoquées par la requérante, à savoir la forme des dents, la forme du manche, la forme de la charnière, la forme de la lame et la présence ou l’absence d’un anneau de sécurité, la chambre de recours a relevé, au point 37 de la décision attaquée, qu’elles avaient toutes un poids relativement faible dans l’impression globale produite par les deux dessins ou modèles, qui était dominée par l’apparence très similaire d’une base munie de plusieurs dents et d’un levier doté d’un manche et d’une lame.

67      La requérante conteste cette appréciation et fait valoir, en substance, premièrement, que les différences entre les dents des deux dessins ou modèles en cause sont immédiatement visibles sans qu’il soit nécessaire de procéder à un « examen approfondi », dès lors que l’utilisateur regarde directement ces dents lorsqu’il y place un morceau de bois à fendre, deuxièmement, qu’il existe d’importantes différences esthétiques entre les éléments communs des dessins ou modèles en cause et que celles concernant le manche sont particulièrement visibles, dès lors que c’est cet élément qui est saisi en premier par l’utilisateur, troisièmement, que, en raison des différences au niveau de la partie reliant la suspension à charnière du manche à la première dent, le dessin ou modèle contesté produit une impression allongée plus élégante et, quatrièmement, que la présence, dans le dessin ou modèle contesté, d’un dispositif de sécurité sous la forme d’un anneau a un impact considérable sur l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit.

68      En l’espèce, il convient de constater, d’emblée, que la requérante ne conteste pas l’affirmation de la chambre de recours, figurant au point 35 de la décision attaquée, selon laquelle, si l’on considère les dessins ou modèles dans leur ensemble, les différences de forme et de longueur des lames (qui sont plus longues dans le dessin ou modèle antérieur que dans le dessin ou modèle contesté) sont peu susceptibles d’influencer l’impression globale produite sur l’utilisateur.

69      En outre, il convient de rappeler que la comparaison des impressions globales produites par les dessins ou modèles doit être synthétique et ne peut se borner à la comparaison analytique d’une énumération de similitudes et de différences. Cette comparaison doit porter uniquement sur les éléments effectivement protégés, sans tenir compte des caractéristiques exclues de la protection [voir arrêt du 13 juin 2017, Ball Beverage Packaging Europe/EUIPO – Crown Hellas Can (Canettes), T‑9/15, EU:T:2017:386, point 79 et jurisprudence citée].

70      De plus, si l’utilisateur averti dispose d’un certain degré de connaissance quant aux différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné et fait preuve d’un niveau d’attention relativement élevé, l’utilisateur averti n’observe pas dans le détail les différences minimes susceptibles d’exister entre les dessins ou modèles en conflit. En effet, il n’est pas l’expert ou le spécialiste, tel que l’homme du métier, capable d’observer dans le détail ces différences minimes (voir point 64 ci-dessus).

71      Dès lors, même si, comme le soutient la requérante, l’utilisateur averti se tient droit devant l’outil pour fendre le bois lors de son utilisation et regarde directement les dents lorsqu’il place une pièce de bois sur une dent, il ne sera pas capable de reconnaître, sans un « examen approfondi », les différences entre les dents arrondies du dessin ou modelé contesté et les dents acérées plus courtes du dessin ou modèle antérieur. Par ailleurs, il ne peut être exclu que, au moment de l’utilisation de l’outil pour fendre le bois, l’utilisateur averti ne se concentre pas sur les dents et leurs caractéristiques physiques, mais plutôt sur le morceau de bois en prêtant une attention particulière à ce que ce dernier soit bien placé sur le corps de l’outil ainsi que bien coupé par la lame.

72      Les mêmes considérations sont valables en ce qui concerne les différences décrites de manière très minutieuse et détaillée par la requérante, concernant la lame et le manche des dessins ou modèles en conflit, ainsi que la forme de la charnière. En particulier, s’agissant de la différence liée à la forme de cette dernière, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté qu’elle était peu susceptible de modifier l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit, étant donné qu’elle était située à l’arrière de la base, près du support (ou « tige ») et que, de ce fait, elle était peu visible.

73      Dès lors, ces différences ne sauraient écarter l’impression de déjà-vu qui se dégage des dessins ou modèles en conflit, eu égard à leurs éléments communs, qui font partie de leurs éléments les plus visibles et les plus importants. En effet, de telles différences demeurent insuffisamment marquées pour produire, à elles seules, sur l’utilisateur averti une impression globale dissemblable, en tenant compte du degré faiblement limité de liberté du créateur dans l’élaboration du dessin ou modèle. Elles s’avèrent donc inaptes à conférer un caractère individuel au dessin ou modèle contesté.

74      Enfin, s’agissant de la différence liée à la présence ou l’absence d’un dispositif de sécurité circulaire, force est de constater que, ainsi que cela a été relevé, à juste titre, par la chambre de recours, il s’agit d’une caractéristique concernant la sécurité de l’outil en cause. En effet, ainsi que le reconnait la requérante elle-même, le dispositif en cause a une attribution fonctionnelle, dans la mesure où il permet de maintenir les deux parties ensemble lorsque l’outil n’est pas utilisé, de façon à éviter tout contact non désiré avec les dents ou avec la lame. Or, même à supposer que, ainsi que le fait valoir la requérante, ce dispositif ne soit pas perçu par l’utilisateur averti comme purement fonctionnel, notamment en raison de sa forme géométrique de base arrondie, il convient de considérer que, compte tenu de la taille très petite de ce dispositif par rapport aux éléments communs de l’outil en cause, il ne sera pas perçu, contrairement à ce que prétend la requérante, comme un élément de dessin remarquable, susceptible d’être reconnu comme l’une des caractéristiques distinctives du dessin ou modèle contesté. En particulier, le dessin ou modèle contesté ne sera pas perçu par l’utilisateur averti comme composé par trois éléments au lieu de deux en raison de la présence dudit dispositif. En effet, ce dernier est tellement petit par rapport aux autres éléments communs des dessins ou modèles en conflit que, dans le cadre d’une appréciation globale de l’impression produite par ces derniers, il reste, ainsi que le relève à juste titre l’EUIPO au point 38 de le mémoire en réponse, un élément nécessairement secondaire.

75      Ce constat ne saurait être remis en cause par le fait que les outils pour fendre le bois, tels qu’illustrés par le dessin ou modèle contesté, sont généralement installés dans le salon ou dans un autre espace de vie, ou dans toute autre position aisément accessible et proche de la cheminée. En effet, ainsi que cela a été précisé au point 58 ci-dessus, la perception de l’utilisateur averti, et donc la portée de la protection du dessin ou modèle, ne dépend pas de la fréquence avec laquelle un utilisateur est confronté au type de produit concerné dans la vie réelle. Dès lors, le seul fait d’être confronté, avec une certaine fréquence, à un design particulier ne rend pas l’utilisateur averti plus ou moins attentif, car le niveau d’attention de cet utilisateur est déjà, par nature, relativement élevé [voir, en ce sens, arrêt du 21 mai 2015, Parapluies, T‑22/13 et T‑23/13, EU:T:2015:310, points 51 et 52 (non publiés) et jurisprudence citée].

76      Par conséquent, contrairement à ce que la requérante fait valoir, le dispositif de sécurité ne joue pas un rôle important dans l’impression globale produite par les dessins ou modèles en conflit.

77      Dès lors, compte tenu de tout ce qui précède, il convient de constater que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a considéré que les différences entre les dessins ou modèles en conflit avaient un poids relativement faible dans l’impression globale produite par ces derniers, qui était dominée par l’apparence très similaire d’une base munie de plusieurs dents et d’un levier doté d’un manche et d’une lame.

78      Il s’ensuit que le second grief de la seconde branche doit être écarté. Par conséquent, il convient d’écarter la seconde branche du second moyen comme étant non fondée et, partant, d’écarter le second moyen dans son ensemble.

79      Aucun des moyens soulevés par la requérante au soutien de ses conclusions n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bergslagernas Järnvaruaktiebolag est condamnée aux dépens.

Kanninen

Póltorak

Porchia

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 avril 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.