DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

8 septembre 2021 (*)

« Régime linguistique – Avis de concours généraux pour le recrutement d’administrateurs dans le domaine de la santé publique et de la sécurité alimentaire – Limitation du choix de la langue 2 parmi quatre langues – Règlement no 1 – Article 1er quinquies, paragraphe 1, article 27 et article 28, sous f), du statut – Discrimination fondée sur la langue – Intérêt du service – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑355/18,

Royaume d’Espagne, représenté par Mme S. Centeno Huerta et M. L. Aguilera Ruiz, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. N. Ruiz García, L. Vernier, Mmes D. Milanowska, I. Galindo Martín et M. T. Lilamand, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de l’avis de concours généraux EPSO/AD/340/18, pour la constitution d’une liste de réserve dans le domaine de la santé et de la sécurité alimentaire (audit, inspection et évaluation), et EPSO/AD/341/18, pour la constitution d’une liste de réserve dans le domaine de la sécurité alimentaire (politique et législation) (JO 2018, C 97 A, p. 1),

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias (rapporteur) et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 3 décembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 mars 2018, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO), créé en vertu de la décision 2002/620/CE du Parlement européen, du Conseil, de la Commission, de la Cour de justice, de la Cour des comptes, du Comité économique et social, du Comité des régions et du médiateur, du 25 juillet 2002 (JO 2002, L 197, p. 53), a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours généraux EPSO/AD/340/18, pour la constitution d’une liste de réserve dans le domaine de la santé et de la sécurité alimentaire (audit, inspection et évaluation), et EPSO/AD/341/18, pour la constitution d’une liste de réserve dans le domaine de la sécurité alimentaire (politique et législation) (JO 2018, C 97 A, p. 1, ci-après l’« avis attaqué »). Selon l’avis attaqué, à partir de ces listes de réserve, la Commission européenne pourra recruter de nouveaux membres de la fonction publique en tant qu’« administrateurs ». Il y est, par ailleurs, précisé que les lauréats du concours EPSO/AD/340/18 seront en principe recrutés par la direction F « Audits et analyse dans les domaines de la santé et de l’alimentation » de la direction générale (DG) de la santé et de la sécurité alimentaire, à Grange (Irlande).

2        Il est indiqué, dans la partie introductive de l’avis attaqué, que celui-ci et ses annexes constituent le cadre juridique applicable aux procédures de sélection y afférentes et que les intéressés doivent se reporter à son annexe III pour les dispositions générales applicables aux concours généraux.

3        Les concours concernés par l’avis attaqué se déroulent en six étapes.

4        La première étape consiste, pour les intéressés, à remplir un acte de candidature et à le valider. Lors de la deuxième étape, qui est prévue si le nombre des candidats inscrits aux concours est supérieur à un certain seuil fixé par le directeur de l’EPSO, les candidats sont invités à passer une série de tests de type « questionnaire à choix multiple » (QCM) sur ordinateur, visant à évaluer leurs capacités de raisonnement verbal, de raisonnement numérique et de raisonnement abstrait. Dans le cadre de la troisième étape, pour chaque concours, l’EPSO vérifie le respect des conditions d’admission générales définies par l’avis attaqué et le jury contrôle la conformité des candidatures avec les conditions d’admission particulières prévues par cet avis, sur la base des données fournies dans les actes de candidature. La quatrième étape consiste en l’évaluation des candidats jugés admissibles à la troisième étape, sur la base des informations fournies dans la section de l’acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent », par référence aux critères de sélection figurant dans l’avis attaqué. À l’issue de cette procédure de sélection sur titres, un nombre de candidats correspondant au maximum à trois fois le nombre de lauréats visés pour chaque concours sont invités à la cinquième étape, appelée « Centre d’évaluation », dans le cadre duquel les candidats sont évalués au moyen de quatre épreuves, portant sur différentes compétences générales et spécifiques, conformément aux tableaux figurant, pour le concours concerné, dans l’avis attaqué. C’est dans le cadre de cette cinquième étape que se déroulent les tests de type QCM mentionnés ci-dessus si le nombre des candidats ne dépasse pas le seuil fixé par le directeur de l’EPSO. Enfin, lors de la sixième et dernière étape, après vérification de l’admissibilité des candidats au regard de leurs pièces justificatives, le jury établit, pour chaque concours, une liste de réserve comportant les noms des candidats admissibles ayant obtenu toutes les notes minimales requises ainsi que les meilleures notes globales, à concurrence du nombre visé de lauréats.

5        Selon la section de l’avis attaqué intitulée « Puis-je poser ma candidature ? », au titre des conditions particulières d’admission aux concours concernés par ledit avis, ce dernier exige un « niveau C1 au minimum (connaissance approfondie) » dans une des langues officielles de l’Union européenne, cette langue étant désignée comme la « langue 1 » des concours (ci-après la « langue 1 »), et un « niveau B2 au minimum (connaissance satisfaisante) » dans une deuxième langue, désignée comme la « langue 2 » des concours (ci-après la « langue 2 »), à choisir par le candidat parmi l’allemand, l’anglais, le français et l’italien, étant précisé que celle-ci doit obligatoirement être différente de la langue choisie par le candidat en tant que « langue 1 ».

6        Dans la même section de l’avis attaqué, il est indiqué que les candidats seront appelés à utiliser leur langue 1 pour les tests de type QCM sur ordinateur et leur langue 2 pour l’acte de candidature, le centre d’évaluation et la communication entre l’EPSO et les candidats ayant présenté une candidature valide.

7        Il y est, d’ailleurs, précisé ce qui suit :

« L’article 28, [sous] f), du statut [des fonctionnaires de l’Union européenne] dispose que nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union. Les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne les moyens utilisés pour évaluer la capacité des candidats à travailler dans une deuxième langue.

Les candidats doivent remplir l’acte de candidature dans leur langue 2.

La méthode de sélection sur titres employée par l’autorité investie du pouvoir de nomination dans l’avis de concours (à savoir [l’]“Évaluateur de talent”), nécessite de procéder à l’examen comparatif des connaissances et aptitudes des candidats afin de retenir les plus adéquats par rapport aux fonctions à exercer […]

L’obligation de remplir l’acte de candidature dans la langue 2 contribuera à l’évaluation de l’aptitude des candidats à démontrer qu’ils possèdent une connaissance satisfaisante de cette langue ainsi que les compétences requises pour l’exercice des fonctions décrites dans l’annexe I de l’avis de concours.

Les lauréats recrutés pour ces domaines particuliers doivent avoir une connaissance satisfaisante (niveau B2 minimum) de l’allemand, de l’anglais, du français ou de l’italien. Si la connaissance d’autres langues peut être un atout, dans le domaine concerné (dans les services de la Commission et à l’agence spécialisée implanté[s] à Bruxelles, en Irlande et en Italie), les lauréats auront recours à l’allemand, à l’anglais, au français ou à l’italien dans le cadre de leur travail, pour la communication interne, pour la communication avec les parties prenantes externes ou pour les publications ou les rapports ; une connaissance satisfaisante de l’une de ces quatre langues est donc indispensable en ce qui concerne ces services. Ce choix est dicté par l’intérêt du service et, par conséquent, un lauréat n’ayant pas une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais, du français ou de l’italien ne serait pas immédiatement opérationnel. »

8        Il ressort, enfin, de l’annexe III de l’avis attaqué que les procédures de réexamen interne et de réclamation administrative relatives au déroulement des concours concernés par l’avis attaqué doivent être introduites dans la langue 2 choisie par les candidats.

 Procédure et conclusions des parties

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 juin 2018, le Royaume d’Espagne a introduit le présent recours.

10      À l’introduction de ce recours était pendant, devant la Cour, un pourvoi introduit par la Commission le 25 novembre 2016, enregistré sous le numéro d’affaire C‑621/16 P, à l’encontre de l’arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495). Par cet arrêt, le Tribunal avait annulé les avis des concours généraux EPSO/AD/276/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs (JO 2014, C 74 A, p. 1), et EPSO/AD/294/14, pour la constitution d’une liste de réserve d’administrateurs dans le domaine de la protection des données pour le Contrôleur européen de la protection des données (JO 2014, C 391 A, p. 1).

11      Le 28 juin 2018, la Commission a demandé, sur le fondement de l’article 69, sous d), du règlement de procédure du Tribunal, la suspension de la procédure dans la présente affaire, au regard de l’influence que pourrait avoir, sur les questions soulevées dans cette affaire, l’arrêt qu’allait rendre la Cour dans l’affaire C‑621/16 P.

12      Le 13 juillet 2018, le Royaume d’Espagne a fait savoir au Tribunal qu’il ne s’opposait pas à une telle suspension.

13      Par décision du président de la cinquième chambre du 19 juillet 2018, la procédure dans la présente affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt dans l’affaire C‑621/16 P.

14      Le 26 mars 2019, la Cour a rendu deux arrêts dans les affaires Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249) et Commission/Italie (C‑621/16 P, EU:C:2019:251). Par le premier de ces arrêts, la Cour a annulé l’appel à manifestation d’intérêt Agents contractuels – Groupe de fonctions I – chauffeurs (H/F), EP/CAST/S/16/2016 (JO 2016, C 131 A, p. 1), ainsi que la base de données établie en vertu dudit appel à manifestation d’intérêt, dans la mesure où le Parlement européen n’avait pas établi que la limitation du choix de la deuxième langue de la procédure de sélection en question aux seules langues allemande, anglaise et française était objectivement et raisonnablement justifiée au regard d’un objectif légitime d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel (arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 79). Par le second de ces arrêts, la Cour a rejeté le pourvoi introduit par la Commission à l’encontre de l’arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission (T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495). À la suite du prononcé de ce dernier arrêt, la procédure a repris dans la présente affaire et, le 3 avril 2019, le Tribunal a demandé aux parties de présenter leurs observations sur les conclusions à tirer des deux arrêts de la Cour susmentionnés dans les écritures qu’elles allaient prochainement déposer auprès du Tribunal. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai imparti.

15      Le 5 juillet 2019, la Commission a déposé le mémoire en défense.

16      Le 23 septembre 2019, le Royaume d’Espagne a déposé la réplique.

17      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le juge rapporteur a été affecté à la neuvième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

18      Le 5 novembre 2019, la Commission a déposé la duplique.

19      Le 26 novembre 2019, le Royaume d’Espagne a demandé la tenue d’une audience.

20      Les parties ayant été interrogées à cet effet par le Tribunal le 18 septembre 2020, le 5 octobre 2020, la présente affaire a été jointe à l’affaire T‑554/19 aux fins de la phase orale de la procédure.

21      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 3 décembre 2020.

22      Le Royaume d’Espagne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’avis attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

23      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le Royaume d’Espagne aux dépens.

 En droit

24      À l’appui de son recours, le Royaume d’Espagne invoque, formellement, quatre moyens, tirés, le premier, de la violation des articles 1er et 2 du règlement no 1 du Conseil, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385), tel que modifié (ci-après le « règlement no 1 »), de l’article 22 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et de l’article 1er quinquies du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), le deuxième, de la violation des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 22 de la Charte ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, et des articles 27 et 28, sous f), du statut, le troisième, de la violation de l’article 1er du règlement no 1, de l’article 22 de la Charte, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, ainsi que des articles 27 et 28, sous f), du statut, en raison d’une discrimination fondée sur la langue, et, le quatrième, de la violation des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 22 de la Charte, de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, ainsi que des articles 27 et 28, sous f), du statut, en raison d’une discrimination fondée sur la nationalité et sur la langue « parlée » (à savoir la langue principale d’un candidat, qui peut être soit sa langue maternelle, soit la langue habituellement ou principalement parlée par lui).

 Sur l’objet et la portée du présent recours

25      Le Royaume d’Espagne met en cause la légalité de l’avis attaqué sur deux plans. D’une part, par ses deuxième et troisième moyens, il conteste la limitation imposée par l’avis attaqué quant au choix de la langue 2 des concours en cause parmi l’allemand, l’anglais, le français et l’italien (ci-après la « limitation litigieuse »). D’autre part, le Royaume d’Espagne met en cause, par ses premier et quatrième moyens, les règles posées dans l’avis attaqué selon lesquelles les candidats doivent utiliser la langue 2 des concours pour rédiger leur acte de candidature et pour les épreuves du centre d’évaluation (ci-après la « première obligation litigieuse ») ainsi que celles imposant aux candidats d’utiliser la langue 2 dans leurs échanges avec l’EPSO et pour les procédures de réexamen interne et de réclamation administrative relatives au déroulement des concours en cause (ci-après la « seconde obligation litigieuse »).

26      La Commission considère que les deuxième et troisième moyens, mais aussi le premier moyen, sont intrinsèquement liés, dans la mesure où, par ceux-ci, le Royaume d’Espagne conteste, en substance, la limitation litigieuse. En effet, selon la Commission, la légalité du régime des communications entre l’EPSO et les candidats est corrélée à la légalité de la limitation litigieuse. La Commission répond, ainsi, dans ses écritures, de manière conjointe aux trois premiers moyens invoqués par le Royaume d’Espagne. En outre, elle fait valoir, dans la duplique, que, selon la jurisprudence de la Cour, seul le statut est pertinent pour examiner les questions soulevées dans la présente affaire, à l’exclusion du règlement no 1.

27      Avant d’examiner les différents aspects de l’avis attaqué contestés par le Royaume d’Espagne, il convient de rappeler le cadre législatif et jurisprudentiel dans lequel se situe la présente affaire.

 Le cadre législatif et jurisprudentiel

28      L’article 1er du règlement no 1 prévoit ce qui suit :

« Les langues officielles et les langues de travail des institutions de l’Union sont l’allemand, l’anglais, le bulgare, le croate, le danois, l’espagnol, l’estonien, le finnois, le français, le grec, le hongrois, l’irlandais, l’italien, le letton, le lituanien, le maltais, le néerlandais, le polonais, le portugais, le roumain, le slovaque, le slovène, le suédois et le tchèque. »

29      Ainsi qu’il est rappelé au point 67 de l’arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission (C‑566/10 P, EU:C:2012:752), si l’article 1er du règlement no 1 énonce explicitement quelles sont les langues de travail des institutions de l’Union, son article 6 prévoit que celles-ci peuvent déterminer les modalités d’application du régime linguistique établi par ce règlement dans leurs règlements intérieurs respectifs.

30      Par ailleurs, l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut dispose que, dans l’application de ce dernier, est interdite toute discrimination, telle qu’une discrimination fondée, notamment, sur la langue.

31      En outre, l’article 28, sous f), du statut dispose que nul ne peut être nommé fonctionnaire s’il ne justifie posséder une connaissance approfondie d’une des langues de l’Union et une connaissance satisfaisante d’une autre langue de l’Union. Si cette disposition précise que la connaissance satisfaisante d’une autre langue est exigée « dans la mesure nécessaire aux fonctions » que le candidat est appelé à exercer, elle n’indique pas les critères qui peuvent être pris en considération pour limiter le choix de cette langue parmi les langues officielles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 85 (non publié) et jurisprudence citée, et ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 55 et jurisprudence citée].

32      De tels critères ne résultent pas non plus de l’article 27 du statut, dont le premier alinéa dispose, sans faire référence à des connaissances linguistiques, que « [l]e recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union », et qu’« aucun emploi ne peut être réservé aux ressortissants d’un État membre déterminé ». Il en va de même du deuxième alinéa de cet article, qui se borne à énoncer que « [l]e principe de l’égalité des citoyens de l’Union permet à chaque institution d’adopter des mesures appropriées si elle constate un déséquilibre important entre nationalités parmi les fonctionnaires, qui ne se justifie pas par des critères objectifs », en précisant, notamment, que « [c]es mesures appropriées doivent être justifiées et ne peuvent jamais se traduire par des critères de recrutement autres que ceux fondés sur le mérite ».

33      Enfin, selon l’article 1er, paragraphe 1, sous f), de l’annexe III du statut, l’avis de concours peut spécifier éventuellement les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir. Toutefois, il ne découle pas de cette disposition une autorisation générale pour limiter le choix de la deuxième langue d’un concours à un nombre restreint de langues officielles parmi celles mentionnées à l’article 1er du règlement no 1 [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 86 (non publié) et jurisprudence citée, et ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 56 et jurisprudence citée].

34      Il ressort de ce qui vient d’être exposé que la limitation du choix de la deuxième langue des candidats à un concours à un nombre restreint de langues, à l’exclusion des autres langues officielles, déterminées à l’article 1er du règlement no 1, constitue une discrimination fondée sur la langue, en principe interdite en vertu de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 66). Il est, en effet, évident que, par une telle limitation, certains candidats potentiels, à savoir ceux qui possèdent une connaissance satisfaisante d’au moins une des langues désignées, sont favorisés, en ce qu’ils peuvent participer au concours et être, ainsi, recrutés en tant que fonctionnaires ou agents de l’Union, alors que d’autres, qui ne possèdent pas une telle connaissance, en sont exclus [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 91 (non publié) et jurisprudence citée, et ordonnance du 5 septembre 2019, Italie/Commission, T‑313/15 et T‑317/15, non publiée, EU:T:2019:582, point 57 et jurisprudence citée].

35      Néanmoins, selon la jurisprudence, il ressort de l’ensemble des dispositions susvisées que l’intérêt du service peut constituer un objectif légitime pouvant être pris en considération. Notamment, si l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du statut interdit, certes, toute discrimination fondée sur la langue, son paragraphe 6, première phrase, prévoit, toutefois, que des limitations à cette interdiction sont possibles, à condition qu’elles soient « objectivement et raisonnablement justifiée[s] » et qu’elles répondent à des « objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel » (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 89).

36      Par ailleurs, selon la jurisprudence, pour autant qu’un objectif d’intérêt général puisse être invoqué et sa réalité démontrée, une différence de traitement doit, en outre, respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elle doit être apte à réaliser l’objectif visé et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (voir arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 93 et jurisprudence citée).

37      Ainsi, le large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union en ce qui concerne l’organisation de leurs services, de même que l’EPSO, lorsque ce dernier exerce, comme en l’espèce, des pouvoirs qui lui sont dévolus par lesdites institutions, se trouve impérativement encadré par l’article 1er quinquies du statut, de telle sorte que les différences de traitement fondées sur la langue résultant d’une limitation du régime linguistique d’un concours à un nombre restreint de langues officielles ne peuvent être admises que si une telle limitation est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 90 et jurisprudence citée).

38      Dans ce cadre, il appartient au juge de l’Union d’effectuer un examen in concreto des règles établissant le régime linguistique des concours tels que ceux concernés par l’avis attaqué, dès lors que seul un tel examen est susceptible de permettre d’établir les connaissances linguistiques qui peuvent objectivement être exigées, dans l’intérêt du service, par les institutions, dans le cas de fonctions particulières, et, partant, si une limitation éventuelle du choix des langues pouvant être utilisées pour participer à ces concours est objectivement justifiée et proportionnée aux besoins réels du service (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 94).

39      Plus particulièrement, le juge de l’Union doit non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 104 et jurisprudence citée).

40      C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner l’ensemble des moyens présentés par le Royaume d’Espagne.

 En ce qui concerne la limitation litigieuse

41      Le présent recours vise à contester, en premier lieu, la limitation litigieuse, qui restreint le choix de la langue 2 des concours qu’il régit à l’allemand, à l’anglais, au français et à l’italien. Les candidats doivent, ainsi, choisir une de ces quatre langues, et ce pour les motifs exposés dans cet avis comme suit (voir point 7 ci-dessus) :

« [...] Si la connaissance d’autres langues peut être un atout, dans le domaine concerné (dans les services de la Commission et à l’agence spécialisée implantée à Bruxelles, en Irlande et en Italie), les lauréats auront recours à l’allemand, à l’anglais, au français ou à l’italien dans le cadre de leur travail, pour la communication interne, pour la communication avec les parties prenantes externes ou pour les publications ou les rapports ; une connaissance satisfaisante de l’une de ces quatre langues est donc indispensable en ce qui concerne ces services. Ce choix est dicté par l’intérêt du service et, par conséquent, un lauréat n’ayant pas une connaissance satisfaisante de l’allemand, de l’anglais, du français ou de l’italien ne serait pas immédiatement opérationnel. »

42      Partant, le Tribunal doit se prononcer, à la lumière de l’argumentation présentée par le Royaume d’Espagne, sur la question de savoir si, en instaurant la limitation litigieuse, l’EPSO a violé l’article 1er quinquies du statut, en instaurant une différence de traitement non justifiée.

43      À cet égard, au vu de la nature et de la portée des arguments avancés par le Royaume d’Espagne dans le cadre de ses deuxième et troisième moyens, ces derniers doivent être examinés ensemble.

 En ce qui concerne la première obligation litigieuse

44      Par le présent recours, le Royaume d’Espagne met en cause, en deuxième lieu, la première obligation litigieuse, laquelle impose aux candidats, une fois effectué leur choix quant à la langue 2 des concours en cause, non seulement de compléter leur acte de candidature dans cette langue, mais également de l’utiliser dans le cadre de certaines épreuves de ces concours.

45      L’avis attaqué comporte, à cet égard, des motifs distincts de ceux censés justifier la limitation litigieuse, à tout le moins en ce qui concerne l’obligation de remplir l’acte de candidature dans la langue 2. En effet, remplir ledit acte de candidature dans cette langue contribuera, selon l’avis attaqué, à l’évaluation de l’aptitude des candidats à démontrer qu’ils possèdent une connaissance satisfaisante de ladite langue ainsi que les compétences requises pour l’exercice des fonctions concernées par les concours en cause. S’agissant, plus particulièrement, de la méthode de sélection sur titres, à savoir l’« Évaluateur de talent », celui-ci « nécessite de procéder à l’examen comparatif des connaissances et aptitudes des candidats » (voir point 7 ci-dessus).

46      À cet égard, force est de constater que, tout en présupposant une certaine limitation telle que la limitation litigieuse, cet extrait de l’avis attaqué ne fournit aucun élément permettant au Tribunal de juger de son caractère justifié en ce qui concerne les langues proposées aux candidats ou leur nombre.

47      En effet, la première obligation litigieuse est fondée sur la prémisse selon laquelle la connaissance d’une des quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 constitue un critère valable pour la sélection de candidats susceptibles d’être immédiatement opérationnels dans le cadre des concours en cause. Ainsi, les motifs invoqués à cet égard, qui auraient pu être énoncés indépendamment de la limitation des langues parmi lesquelles le choix des candidats pour la langue 2 des concours devrait, en l’espèce, être effectué, constituent des motifs secondaires et corrélés aux motifs principaux justifiant la limitation litigieuse. Il s’ensuit que le Tribunal ne devra examiner ces motifs secondaires justifiant l’utilisation de la langue 2 des concours en cause au regard du quatrième moyen invoqué par le Royaume d’Espagne (voir point 25 ci-dessus) que s’il conclut que la limitation litigieuse est, en elle-même, justifiée.

 En ce qui concerne la seconde obligation litigieuse

48      Le présent recours vise, en troisième et dernier lieu, la seconde obligation litigieuse, laquelle impose aux candidats d’utiliser la langue 2 dans leurs échanges avec l’EPSO et pour les procédures de réexamen interne et de réclamation administrative. À cet égard, l’avis attaqué ne comporte pas de motivation distincte des motifs exposés ci-dessus concernant la limitation litigieuse ou la première obligation litigieuse.

49      Le Royaume d’Espagne soutient que la restriction concernant le régime des communications entre les candidats et l’EPSO requérait une motivation distincte, expresse et autonome, alors que, en l’espèce, une telle motivation fait défaut. Il convient, dès lors, de considérer que, par ses arguments, le Royaume d’Espagne fait valoir, en substance, un défaut de motivation de l’avis attaqué à cet égard. Pour la Commission, le régime des communications entre les candidats et l’EPSO serait indissociable de la question de la limitation litigieuse, relative au choix de la langue 2 des concours en cause.

50      Il convient, sur ce point, de rappeler qu’il ne saurait être inféré de l’obligation incombant à l’Union de respecter la diversité linguistique qu’il existe un principe général du droit assurant à chaque personne le droit à ce que tout ce qui serait susceptible d’affecter ses intérêts soit rédigé dans sa langue en toutes circonstances et selon lequel les institutions seraient tenues, sans qu’aucune dérogation n’y soit autorisée, d’utiliser l’ensemble des langues officielles dans toute situation (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 37 et jurisprudence citée).

51      En particulier, dans le cadre spécifique des procédures de sélection du personnel de l’Union, la Cour a jugé que les institutions ne sauraient se voir imposer des obligations allant au-delà des exigences prévues à l’article 1er quinquies du statut (voir arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 39 et jurisprudence citée).

52      À cet égard, s’il n’est pas exclu que l’intérêt du service puisse justifier la limitation du choix de la langue 2 d’un concours organisé par l’EPSO à un nombre restreint de langues officielles, et ce même dans le cadre des concours ayant une nature générale et y compris pour ce qui est de la langue des communications entre les candidats et l’EPSO, une telle limitation doit, néanmoins, impérativement reposer sur des éléments objectivement vérifiables, tant par les candidats aux concours que par les juridictions de l’Union, de nature à justifier les connaissances linguistiques exigées, qui doivent être proportionnées aux besoins réels du service (voir arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 124 et jurisprudence citée).

53      Or, il convient de considérer, en l’espèce, que les motifs énoncés dans l’avis attaqué pour justifier la première obligation litigieuse sont censés justifier, en substance, également, la seconde obligation litigieuse. Plus spécifiquement, l’obligation imposée aux candidats d’utiliser la langue 2 des concours en cause également dans le cadre de leurs échanges avec l’EPSO est justifiée, selon l’avis attaqué, par l’intention de l’EPSO d’évaluer la capacité desdits candidats à communiquer dans cette langue et, ainsi, en partie, leur capacité à travailler dans celle-ci. Au contraire, il ne ressort aucunement de l’avis attaqué que l’obligation en cause soit imposée aux candidats pour des raisons liées aux modalités et à la gestion du déroulement desdits concours, contrairement à ce que semble prétendre le Royaume d’Espagne.

54      Par conséquent, les motifs justifiant, en substance, la seconde obligation litigieuse constituent des motifs secondaires, au même titre que ceux justifiant la première obligation litigieuse, de sorte qu’ils ne devront être examinés que si le Tribunal aboutit à la conclusion que la limitation litigieuse est en elle-même justifiée (voir point 47 ci-dessus).

55      À cet égard, contrairement à ce que soutient le Royaume d’Espagne, il ne saurait être déduit de la jurisprudence que la justification fournie dans un avis de concours tel que l’avis attaqué concernant le régime linguistique des communications entre les candidats et l’EPSO devrait être distincte des motifs justifiant le régime linguistique des concours concernés en général.

56      Partant, au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’examiner en premier lieu et conjointement, à la lumière des considérations rappelées aux points 28 à 39 ci-dessus, les deuxième et troisième moyens, par lesquels le Royaume d’Espagne vise à contester la limitation litigieuse.

 Sur les deuxième et troisième moyens, tirés de la violation des articles 1er et 6 du règlement no 1, de l’article 22 de la Charte ainsi que de l’article 1er quinquies, paragraphes 1 et 6, de l’article 27 et de l’article 28, sous f), du statut

57      Afin de répondre à l’argumentation présentée par le Royaume d’Espagne dans le cadre de ses deuxième et troisième moyens, il y a lieu d’examiner si la limitation litigieuse est, d’abord, objectivement justifiée et, ensuite, proportionnée aux besoins réels du service au sens de la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus.

58      Ainsi qu’il ressort de l’avis attaqué, l’objectif poursuivi par la limitation litigieuse est le besoin de disposer, au terme des procédures de sélection en cause, de lauréats immédiatement opérationnels. Les lauréats disposant d’une connaissance d’une des quatre langues proposées dans l’avis attaqué seraient immédiatement opérationnels pour deux raisons. Ces personnes auraient à utiliser au moins une de ces quatre langues, d’une part, dans le cadre de leur travail en interne, à savoir pour la communication interne et pour la rédaction des publications ou des rapports, et, d’autre part, dans leurs activités dirigées vers l’extérieur, à savoir pour la communication avec les « parties prenantes externes ». Il est, du reste, mentionné dans l’avis attaqué que les services concernés par les procédures de sélection en cause sont les services de la Commission et « l’agence spécialisée implantée à Bruxelles, en Irlande et en Italie » (voir point 7 ci-dessus).

59      Avant d’examiner les raisons pour lesquelles les lauréats des concours en cause doivent, selon l’avis attaqué, maîtriser une des quatre langues susmentionnées afin de pouvoir être considérés comme immédiatement opérationnels à la lumière des éléments produits à cet égard par la Commission, il y a lieu de répondre à l’argument du Royaume d’Espagne selon lequel l’objectif de disposer de lauréats immédiatement opérationnels ne constituerait pas un objectif légitime susceptible de justifier la limitation litigieuse.

 Sur l’objectif consistant à sélectionner des lauréats immédiatement opérationnels

60      Le Royaume d’Espagne fait valoir que les connaissances linguistiques d’un lauréat des concours en cause devraient être considérées comme secondaires par rapport à ses compétences professionnelles. Le Royaume d’Espagne soutient, en substance, que, si les compétences linguistiques des candidats se voyaient reconnaître une importance décisive dans le cadre des procédures de sélection en cause, il y aurait un risque que, au terme de ces procédures, soient sélectionnés des lauréats qui, tout en étant « immédiatement opérationnels », ne disposeraient pas, pour autant, des plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, tel que l’exige des fonctionnaires de l’Union l’article 27 du statut. Partant, l’objectif de sélectionner des lauréats immédiatement opérationnels ne constituerait pas un objectif légitime susceptible de justifier la limitation litigieuse.

61      La Commission réfute cette argumentation.

62      Selon la jurisprudence, une limitation telle que la limitation litigieuse doit répondre à des « objectifs légitimes d’intérêt général dans le cadre de la politique du personnel » (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 89). L’intérêt du service peut, par ailleurs, constituer un objectif légitime susceptible d’être pris en considération dans un cas comme celui de l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 88).

63      Or, il y a lieu de considérer que, sauf stipulation contraire de l’avis de concours y afférent, il existe bien un intérêt du service à ce que les personnes recrutées par les institutions de l’Union au terme d’une procédure de sélection telle que les procédures de sélection en cause puissent être immédiatement opérationnelles et, ainsi, capables d’assumer rapidement les fonctions que lesdites institutions ont l’intention de leur confier (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 91 et jurisprudence citée).

64      À cet égard, même à supposer qu’il faille toujours nécessairement prévoir un temps d’adaptation à de nouvelles tâches et à de nouvelles habitudes de travail ainsi que le temps nécessaire pour l’intégration dans un nouveau service, il est légitime pour une institution de chercher à recruter des personnes qui soient, dès leur prise de fonctions, capables, à tout le moins, d’une part, de communiquer avec leur hiérarchie et leurs collègues et d’avoir, ainsi, la capacité de saisir aussi rapidement et parfaitement que possible la portée des fonctions qui leur sont confiées et le contenu des tâches qu’elles vont devoir accomplir et, d’autre part, d’échanger avec les collaborateurs et les correspondants externes des services en cause. En effet, ainsi qu’il a été jugé, les connaissances linguistiques des fonctionnaires sont un élément essentiel de leur carrière (arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, point 96). Partant, il doit être considéré comme légitime pour une institution de chercher à recruter des personnes qui puissent utiliser efficacement et comprendre aussi bien que possible la ou les langues utilisées dans le cadre professionnel dans lequel ces personnes vont être intégrées.

65      Par ailleurs, force est de constater que la capacité des lauréats d’un concours tel que les concours en cause à être immédiatement opérationnels ne fait pas obstacle à ce qu’ils disposent également des qualités exigées par l’article 27, premier alinéa, du statut (voir point 32 ci-dessus), ces capacité et qualités n’étant en aucun cas antinomiques.

66      Certes, la Cour a jugé que, bien que les connaissances linguistiques des candidats puissent, voire doivent, faire l’objet d’une évaluation lors d’une procédure de concours, afin que les institutions s’assurent que lesdits candidats possèdent les connaissances requises par l’article 28, sous f), du statut, cette évaluation poursuit un objectif indépendant de celle visant la détermination des « plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité », au sens de l’article 27, premier alinéa, du statut. Ainsi, les connaissances linguistiques ne sauraient être assimilées aux « compétences » au sens de cette dernière disposition (arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 82).

67      En l’espèce, les connaissances linguistiques des candidats ne constituent qu’un parmi les nombreux critères pris en considération dans le cadre des procédures de sélection en cause. En effet, ainsi qu’il ressort des conditions particulières énoncées dans l’avis attaqué, les candidats doivent disposer de diplômes sanctionnant des cycles complets d’études universitaires dans les domaines concernés ainsi que d’une expérience professionnelle d’au moins quatre ans en rapport direct avec la nature des fonctions concernées (voir JO 2018, C 97 A, p. 3). Ils doivent, par ailleurs, dans la partie de l’acte de candidature intitulée « Évaluateur de talent », apporter des réponses à des questions relatives à des problématiques relevant desdits domaines (voir JO 2018, C 97 A, p. 3). En outre, l’annexe II de l’avis attaqué énonce les critères de sélection propres à chacun des deux concours concernés (voir JO 2018, C 97 A, p. 9 et 10).

68      À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence rappelée au point 36 ci-dessus, pour autant qu’un objectif d’intérêt général puisse être invoqué et sa réalité démontrée, une différence de traitement telle que celle résultant de la limitation litigieuse doit, en outre, respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire qu’elle doit être apte à réaliser l’objectif visé et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre.

69      Ainsi, la Cour a jugé que, dans la mesure où l’objectif de recruter des fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité peut être mieux préservé lorsque les candidats sont autorisés à présenter les épreuves de sélection dans leur langue maternelle ou dans la deuxième langue qu’ils considèrent maîtriser le mieux, il appartient aux institutions de mettre en balance l’objectif légitime justifiant une limitation telle que la limitation litigieuse et l’objectif d’identifier les candidats ayant les plus hautes qualités de compétence. Il en va de même s’agissant de la mise en balance de l’objectif légitime justifiant une limitation telle que la limitation litigieuse et des possibilités d’apprentissage par les fonctionnaires recrutés, au sein des institutions, des langues nécessaires à l’intérêt du service (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2012, Italie/Commission, C‑566/10 P, EU:C:2012:752, points 94 et 97).

70      Il ressort de ce qui vient d’être exposé que l’examen de la mise en balance des différents objectifs et possibilités mentionnés au point 69 ci-dessus dans le cadre des procédures de sélection en cause relève, en réalité, de la question de savoir si la limitation litigieuse va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif légitime invoqué. Or, ce contrôle et l’examen des arguments y afférents présentés par le Royaume d’Espagne aux points 67 à 77 de la requête ne doivent être effectués que s’il a été préalablement constaté que la limitation litigieuse est apte à réaliser l’objectif en question (voir point 68 ci-dessus).

71      Partant, il convient, dans un premier temps et à la lumière des arguments présentés par le Royaume d’Espagne, de se pencher sur la question de savoir si l’avis attaqué et les éléments de preuve produits par la Commission permettent d’établir, objectivement, l’existence d’un intérêt du service susceptible de justifier la limitation litigieuse (voir, par analogie, arrêt du 26 mars 2019, Commission/Italie, C‑621/16 P, EU:C:2019:251, point 95). Plus spécifiquement, il convient d’examiner les raisons pour lesquelles, selon l’avis attaqué, la connaissance d’une des quatre langues proposées dans celui-ci permettrait aux lauréats des concours concernés de devenir des fonctionnaires immédiatement opérationnels une fois recrutés.

 En ce qui concerne les éléments portant sur l’utilisation au sein des services concernés par les concours en cause des quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2

72      Le Royaume d’Espagne soutient que les motifs invoqués dans l’avis attaqué pour justifier la limitation litigieuse sont génériques, subjectifs et imprécis et que les raisons pour lesquelles les quatre langues proposées aux candidats pour la sélection de la langue 2 des concours en cause ont été choisies par l’EPSO ne sont pas établies. En outre, il n’existerait pas de langue de travail unique au sein de la DG « Santé » et, en tout état de cause, les quatre langues proposées dans l’avis attaqué ne seraient pas les seules langues de travail au sein de cette dernière.

73      Selon la Commission, il convient de faire une distinction entre, d’une part, l’allemand, l’anglais et le français, qui constitueraient des langues de travail des services de la Commission, et, d’autre part, l’italien.

74      S’agissant de l’allemand, de l’anglais et du français, la Commission fait valoir qu’elle a adopté des règles internes configurant son régime linguistique, dans le cadre de l’exercice de l’autonomie accordée aux institutions au titre des articles 335 et 336 TFUE ainsi que des articles 28, sous f), 29, paragraphe 1, et 30 du statut, et produit certains documents à cet égard (annexes B.1 à B.3).

75      Pour ce qui est de l’italien, la Commission avance qu’une masse critique du personnel de la DG « Santé » aurait l’italien comme langue principale. Par ailleurs, la Commission produit des documents visant à établir les connaissances linguistiques des fonctionnaires et des agents dépendant de cette DG (annexes B.4 et B.5).

–       Sur les éléments fournis par la Commission visant à établir l’existence d’un régime linguistique propre à ses services

76      La Commission produit à cet égard, en premier lieu, la communication SEC(2000) 2071/6 du président de la Commission, du 29 novembre 2000, relative à la simplification du processus décisionnel de cette institution (annexe B.1), ainsi qu’un extrait du procès-verbal de la mille-cinq-cent-deuxième réunion de la Commission, du 29 novembre 2000, établi le 6 décembre 2000 sous la référence PV(2002) 1502, portant approbation, par le collège des membres, de cette communication (annexe B.2).

77      En deuxième lieu, la Commission produit un document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption », qu’elle qualifie de « règles arrêtées par habilitation par le président de la Commission, relatives à l’adoption des décisions de la Commission par voie de procédure orale, de procédure écrite et par habilitation » (annexe B.3), adoptées sur le fondement des modalités d’application de son règlement intérieur. L’habilitation octroyée à cet égard à son président aurait été prévue dans l’objectif d’établir « des exigences minimales de compréhension et de communication du collège ».

78      Enfin, en troisième lieu, en réponse aux mesures d’organisation de la procédure que lui a adressées le Tribunal, la Commission a produit certains documents relatifs à la mise en œuvre des « règles » contenues dans le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » ainsi que, en tant qu’annexe R.3, sa communication SEC(2006) 1489 final, du 20 décembre 2006, relative à « la traduction à la Commission », assortie d’un document exposant les « règles de traduction après 2006 ». Cette communication aurait été adoptée lors de la réunion du collège des membres de la Commission du 20 décembre 2006, dont elle a également produit le procès-verbal (annexe R.4).

79      Il convient de relever, tout d’abord, que, en ce qui concerne la communication SEC(2000) 2071/16, la Commission se réfère au point 2.2, paragraphe 3, de ce texte, limitant, selon elle, le nombre des « langues de travail » de ses services à trois, à savoir l’allemand, l’anglais et le français. Partant, les éléments de preuve examinés ci-après ne sont pas pertinents en ce qui concerne l’inclusion de l’italien parmi les quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2.

80      Ensuite, il y a lieu de constater que l’objet de la communication SEC(2000) 2071/16 consiste, en substance, à évaluer les différents types de procédure de prise de décision par le collège des membres de la Commission, tels qu’ils étaient prévus par son règlement intérieur dans sa version en vigueur au moment où ladite communication a été émise, et à en proposer la simplification. C’est dans un tel contexte et en se référant à un type précis de procédure, à savoir la procédure écrite, que le point 2.2 de cette communication, invoqué par la Commission dans le mémoire en défense, indique que « les documents doivent être diffusés dans les trois langues de travail de la Commission », sans, par ailleurs, les nommer. Or, ce seul passage, quand bien même il comporte l’expression « langues de travail », ne suffit pas pour établir que l’allemand, l’anglais et le français sont les langues effectivement utilisées par tous les services de la Commission dans leur travail au quotidien (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 113).

81      Certes, la Commission fait valoir que, bien que limitées au collège, ces règles auraient des incidences sur l’ensemble de ses services. Toutefois, force est de constater qu’elle ne présente aucun argument et ne fournit aucun élément susceptible d’étayer cette affirmation.

82      En outre, la portée de la référence aux « langues de travail » de la Commission doit être nuancée eu égard à d’autres passages de cette communication.

83      Ainsi, d’une part, il résulte du point 2.2 de la communication SEC(2000) 2071/6 que, dans le cadre de la procédure par habilitation, par laquelle la Commission peut habiliter un ou plusieurs de ses membres à prendre des décisions en son nom et sous sa responsabilité, le texte de la décision à adopter est « présenté dans une seule langue de travail et/ou dans sa version qui fait foi ».

84      D’autre part, le point 5.2 de la communication SEC(2000) 2071/6 met en évidence le rôle de la DG « Traduction » de la Commission, qui est « pleinement impliqué[e] dans le processus » décisionnel. Il y est, notamment, précisé qu’« une des causes majeures de retard dans le lancement ou l’achèvement des procédures écrites et des procédures par habilitation est l’obtention des traductions, y compris des textes révisés par les juristes linguistes », raison pour laquelle une transmission à temps des documents concernés à la DG « Traduction » paraissait indispensable.

85      Partant, ainsi que le relève le Royaume d’Espagne, la communication SEC(2000) 2071/6 ne permet pas de tirer des conclusions utiles quant à l’utilisation effective de l’allemand, de l’anglais et du français dans le travail quotidien des services de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 117), et encore moins dans le cadre de l’exercice des fonctions visées dans l’avis attaqué.

86      Compte tenu de ce qui précède, il convient de relever que, ainsi que l’indique le Royaume d’Espagne, les documents produits en tant qu’annexes B.1 et B.2 ne sauraient s’analyser comme comportant des modalités d’application du régime linguistique général établi par le règlement no 1, au sens de l’article 6 de ce dernier. Ces documents ne font que refléter une pratique administrative établie au sein de la Commission, consistant à utiliser l’allemand, l’anglais et le français comme langues dans lesquelles les documents doivent être rendus disponibles pour être soumis à l’approbation du collège de ses membres. De manière générale, il ne ressort pas du dossier de la présente affaire qu’il existait, au moment de la publication de l’avis attaqué, une décision de la Commission fixant les règles concernant la langue ou les langues de travail en son sein.

87      Cette constatation ne saurait être remise en cause par le document produit en annexe B.3 par la Commission, intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » (voir point 77 ci-dessus).

88      Ce document fait référence, notamment, à l’utilisation de « langues procédurales », notion qui devrait être comprise comme désignant les langues qui servent à la compréhension du contenu d’un projet d’acte en vue de son adoption par le collège des membres de la Commission ou, le cas échéant, par un organe délégué. Il résulte dudit document que les « langues procédurales » sont l’allemand, l’anglais et le français et que leur utilisation varie selon le type de procédure d’adoption d’acte.

89      Ainsi, en ce qui concerne les procédures orales et écrites, ce document indique qu’un projet d’acte et ses annexes éventuelles sont soumis aux membres de la Commission dans les trois langues procédurales ainsi que, le cas échéant, dans la ou les langues nécessaires pour l’entrée en vigueur ou la notification de l’acte concerné. Il y est également précisé que, à la suite de l’adoption d’un tel acte, les versions de celui-ci dans les autres langues éventuellement nécessaires pour la publication ou la transmission à d’autres institutions de l’Union doivent être établies le plus rapidement possible.

90      S’agissant des procédures d’adoption d’acte par habilitation ou délégation, il résulte dudit document que l’organe délégué peut accepter d’adopter un acte sur la base d’une seule langue procédurale, mais que, le cas échéant, la ou les versions de celui-ci dans la ou les autres langues nécessaires pour l’entrée en vigueur ou la notification de cet acte doivent également être rendues disponibles. En outre, de même que pour les procédures orales et écrites, le document en question énonce que les versions dudit acte dans les autres langues éventuellement nécessaires pour la publication ou la transmission à d’autres institutions de l’Union doivent être établies le plus rapidement possible.

91      Par ailleurs, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » prévoit que le président de la Commission peut, dans certaines conditions, accorder, ponctuellement ou à titre permanent, des dérogations quant au nombre de langues procédurales devant être utilisées pour le lancement d’une procédure d’adoption ou à la fois pour le lancement d’une telle procédure et pour l’adoption de l’acte concerné.

92      En ce qui concerne, en particulier, les dérogations permanentes, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » précise que celles-ci peuvent être accordées, dans une pluralité de domaines, pour certains dossiers récurrents par des notes officielles émanant du secrétaire général ou du cabinet du président de la Commission.

93      En réponse à une mesure d’organisation de la procédure que le Tribunal lui a adressée, la Commission a précisé que le document produit en annexe B.3 était extrait du « Manuel des procédures opérationnelles », à savoir un guide électronique interne élaboré par les services de son secrétariat général et ayant pour objet, notamment, de codifier la pratique administrative susmentionnée. S’agissant de la date d’adoption et de l’application dans le temps de ce guide, la Commission s’est bornée à se référer à la note SEC(2003) 153 de son secrétaire général à l’attention des directeurs généraux et des chefs de service, du 11 février 2003, relative à la mise à jour dudit guide et à sa diffusion sur son site Intranet.

94      Or, à supposer même que la version du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » produite par la Commission en annexe au mémoire en défense fût bien celle existante à la date de la publication de l’avis attaqué, un document extrait du « Manuel des procédures opérationnelles » ne saurait s’analyser comme une décision du président de cette institution de fixer les langues de présentation des documents soumis au collège de ses membres (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 134). Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de considérer que ce document a été formellement approuvé par le président de la Commission, et encore moins par le collège de ses membres.

95      En outre, force est de constater que ce document, lu à la lumière des modalités d’application du règlement intérieur de la Commission, auxquelles cette dernière fait référence dans le mémoire en défense, est loin d’indiquer une utilisation exclusive des trois langues « procédurales » dans les procédures qu’il vise.

96      En effet, d’une part, il résulte dudit document que, certes, le lancement d’une procédure d’adoption d’acte nécessite, en règle générale et sans préjudice de la possibilité d’utiliser une seule langue dans les procédures d’habilitation et de délégation, la présentation du projet d’acte dans les trois langues procédurales. Il n’en demeure pas moins que l’adoption de ce projet peut ou doit, selon les exigences découlant de la nature de l’acte concerné, rendre nécessaire la disponibilité de l’acte concerné également dans une ou plusieurs autres versions linguistiques, voire, lorsque l’acte en question est destiné à être publié au Journal officiel ou à être transmis à d’autres institutions, dans toutes les langues officielles de l’Union. D’autre part, ainsi qu’il ressort également de ce document, des dérogations sont possibles quant au nombre de langues procédurales utilisées pour le lancement d’une procédure d’adoption, voire aussi pour l’adoption d’un projet d’acte (voir point 91 ci-dessus).

97      En ce qui concerne, en particulier, les dérogations permanentes dont il est question au point 91 ci-dessus, le document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » indique que, par exemple, les décisions individuelles en matière d’aides d’État sont établies dans l’une des langues procédurales, « généralement l’anglais et le français ». S’agissant des autres domaines visés par ce type de dérogations, des notes émanant du secrétaire général de la Commission que cette dernière a produites devant le Tribunal en réponse à des mesures d’organisation de la procédure autorisent la présentation de projets d’acte dans une seule « langue procédurale ». Force est, toutefois, de constater que la plupart de ces notes n’identifient pas celle des trois « langues procédurales » qui peut concrètement être utilisée, ce qui ne permet pas d’en tirer des conclusions utiles. Il convient, enfin, de relever que, dans les quelques cas où la langue « procédurale » est identifiée dans ces notes, il y est précisé que les documents concernés sont à rédiger soit en anglais ou en français, soit seulement en langue anglaise et, le cas échéant, dans « l’autre langue officielle utilisée » par la partie intéressée.

98      En tout état de cause, de même qu’en ce qui concerne les documents produits en annexes B.1 et B.2 (voir points 76, 85 et 86 ci-dessus), il ne ressort pas du document intitulé « Exigences linguistiques en fonction de la procédure d’adoption » qu’il existe un lien spécifique entre le travail des services de la Commission et les procédures décisionnelles dont le déroulement ledit document semble encadrer. Partant, ces documents ne sauraient être considérés comme justifiant la limitation litigieuse.

99      En effet, à supposer même que les membres d’une institution déterminée utilisent exclusivement une ou certaines langues dans leurs délibérations, il ne saurait être présumé, sans davantage d’explications, qu’un fonctionnaire nouvellement recruté qui ne maîtrise aucune de ces langues ne serait pas capable de fournir immédiatement un travail utile au sein de cette institution (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 137 et jurisprudence citée). Ainsi, la Commission aurait dû, en l’espèce, établir en quoi chacune des langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 des concours en cause présenterait une utilité particulière pour l’exercice des fonctions visées dans cet avis (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 77).

100    Il ne ressort pas non plus des documents produits par la Commission que l’ensemble des trois langues qualifiées de « langues procédurales » soient effectivement utilisées par ses services dans leur travail au quotidien. En outre, ainsi qu’il a été indiqué au point 84 ci-dessus, le service de traduction de la Commission est « pleinement » impliqué dans le processus décisionnel. Le document produit en annexe B.1 fait également mention des délais nécessaires pour l’obtention des traductions ainsi que de la nécessité d’une transmission à temps des documents concernés au service de traduction. Il s’ensuit que c’est non pas le service matériellement responsable de la rédaction d’un document, mais bien la DG « Traduction », qui établit les versions de ce document dans les « langues procédurales » nécessaires en vue de leur transmission au collège des membres, le service responsable de l’élaboration de ce document se limitant à une tâche de vérification du texte traduit. Il est, en effet, difficilement envisageable qu’un service de la Commission puisse exiger de chaque membre de son personnel de fournir trois versions linguistiques des documents à soumettre pour adoption au collège.

101    Enfin, dans la mesure où aucun fonctionnaire n’est tenu d’avoir une connaissance satisfaisante de l’ensemble des trois langues ici concernées parmi les quatre langues proposées par l’avis attaqué pour le choix de la langue 2, il est tout aussi difficilement envisageable que la mission d’établir un projet d’acte dans les versions linguistiques requises pour sa transmission au collège soit simultanément répartie entre un nombre correspondant de fonctionnaires relevant du service responsable pour la rédaction de ce projet. Cela devient encore plus difficile à envisager dans la mesure où il n’existe aucune garantie qu’il y ait, au sein de chaque service, des fonctionnaires disposant d’une connaissance satisfaisante de l’ensemble des trois langues concernées.

102    Eu égard à l’analyse qui précède, il y a lieu de constater que les documents produits par la Commission en annexes B.1 à B.3 ne sauraient être considérés comme étant de nature à démontrer que la limitation du choix de la langue 2 des concours concernés par l’avis attaqué soit apte à répondre à des besoins réels du service, à savoir un intérêt du service à ce que les personnes nouvellement recrutées soient immédiatement opérationnelles.

103    L’appréciation qui précède ne saurait être remise en cause par les arguments que la Commission tire de la communication SEC(2006) 1489 final (voir annexe R.3, point 78 ci-dessus). Selon la Commission, il résulte de cette communication, en particulier de son annexe intitulée « Règles de traduction après 2006 », que, s’agissant de certains documents à usage interne, seule une traduction en anglais, en français et en allemand serait exigée, en sus d’une éventuelle langue faisant foi.

104    Il convient, à cet égard, de relever que le contenu de la communication SEC(2006) 1489 final a pour effet non pas d’infirmer, mais, bien au contraire, de confirmer les appréciations exposées ci-dessus. En effet, les « règles de traduction après 2006 », présentées en annexe à cette communication, ne mentionnent l’allemand, l’anglais et le français que comme langues cibles dans lesquelles doivent être traduites certaines catégories de documents, sans aucunement en définir la langue source. Par ailleurs, pour la grande majorité des catégories de documents visées par lesdites règles, une traduction dans toutes les langues officielles est prévue, la traduction vers les seules langues allemande, anglaise et française étant, en réalité, l’exception.

105    Dans ces conditions, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cette pièce, il convient de considérer que la communication SEC(2006) 1489 final ne présente pas de pertinence pour la résolution du présent litige.

–       Sur les éléments fournis par la Commission visant à démontrer l’utilisation des quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 des concours concernés par le personnel affecté à la DG « Santé »

106    La Commission produit, en annexe B.4 du mémoire en défense, un tableau qui comporte des données statistiques sur les langues utilisées par les fonctionnaires et les agents temporaires affectés à la DG « Santé » à la date du 31 août 2017. Par ailleurs, le tableau produit en annexe B.5 comporte de telles données sur les langues utilisées par l’ensemble du personnel affecté à cette DG, à savoir par un total de 969 personnes. Selon les indications fournies par la Commission dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure que le Tribunal lui a adressée, ce dernier tableau comprend des données concernant l’ensemble du personnel affecté à la DG en question, y compris le personnel affecté à Grange, et lesdites données reflètent la situation au 1er juin 2019.

107    Dans la réplique, le Royaume d’Espagne fait valoir que ces documents n’apportent pas la preuve de besoins linguistiques particuliers de ladite DG. La Commission n’aurait, par ailleurs, fourni aucune information concernant le service par lequel les lauréats des concours concernés seraient recrutés situé en Irlande.

108    Contrairement à ce que prétend le Royaume d’Espagne, il est bien indiqué dans l’annexe B.5 que le tableau y figurant comporte des informations concernant l’ensemble du personnel de la DG « Santé » et recense les connaissances linguistiques des membres de ce personnel, en tenant compte de manière conjointe de la première, de la deuxième et de la troisième langue déclarées par ces personnes.

109    Ainsi que la Commission l’a, par ailleurs, confirmé lors de l’audience, il convient de considérer que les éléments concernant les fonctionnaires et les agents temporaires de la DG « Santé » qui sont exposés dans le tableau produit en annexe B.4 doivent être considérés comme étant pris en compte dans le tableau produit en annexe B.5, et ce malgré le fait que les dates de référence de ces deux tableaux ne sont pas identiques. Or, il convient, d’une part, de considérer que les données figurant dans l’annexe B.5 sont susceptibles d’être regardées comme reflétant, globalement, l’état des connaissances linguistiques du personnel concerné à la date de la publication de l’avis attaqué, à savoir le 15 mars 2018. En effet, si la date de référence de ces éléments est postérieure à celle de la publication de l’avis attaqué, elle n’en est cependant pas très éloignée. D’autre part, dans la mesure où le tableau produit en annexe B.5 tient compte de l’ensemble du personnel de la DG « Santé », y compris le personnel contractuel, il doit être considéré comme illustrant de manière plus fiable la réalité linguistique au sein des services concernés. Il y a, dès lors, lieu de tenir compte des éléments figurant dans ledit tableau dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé du motif tiré de la nécessité pour les personnes nouvellement recrutées d’être immédiatement opérationnelles, tel qu’énoncé dans l’avis attaqué.

110    En ce qui concerne les données relatives à la première langue déclarée par les personnes concernées, les quatre premières langues déclarées sont le français (135 personnes), l’anglais (126 personnes), l’italien (76 personnes) et l’allemand (74 personnes), devant le néerlandais (56 personnes), l’espagnol (52 personnes) et le grec (41 personnes).

111    S’agissant des données se rapportant à la deuxième langue déclarée par ces personnes, les quatre premières langues déclarées sont l’anglais (485 personnes), le français (174 personnes), l’allemand (24 personnes) et le néerlandais (15 personnes), suivies par l’italien (13 personnes), l’espagnol (9 personnes) et le grec (4 personnes). Concernant le niveau de connaissance des langues déclarées en tant que deuxième langue, ainsi qu’il a été confirmé par la Commission lors de l’audience, il convient de considérer qu’il s’agit d’une connaissance satisfaisante, étant donné qu’une telle connaissance d’une deuxième langue constitue une condition de recrutement au sein de la fonction publique de l’Union selon l’article 28, sous f), du statut.

112    Enfin, pour ce qui est des données relatives à la troisième langue déclarée par les personnes concernées, les quatre premières langues sont le français (230 personnes), l’anglais (108 personnes), l’allemand (71 personnes) et l’espagnol (58 personnes), suivies par l’italien (27 personnes), le néerlandais (19 personnes) et le suédois (7 personnes).

113    Force est de constater que ces données, prises dans leur ensemble, ne font que recenser les connaissances linguistiques du personnel affecté à la DG « Santé ». Elles ne permettent, dès lors, ni à elles seules ni en combinaison avec les documents examinés aux points 76 à 105 ci-dessus d’établir quelles sont la ou les langues effectivement utilisées par les services concernés dans leur travail au quotidien, voire la ou les langues qui seraient indispensables à l’exercice des fonctions visées par l’avis attaqué. Partant, ces données ne permettent pas d’établir quelles sont la ou les langues dont une connaissance satisfaisante permettrait aux lauréats des concours concernés par cet avis d’être immédiatement opérationnels dès leur recrutement.

114    S’agissant, plus particulièrement, de l’italien, la Commission a affirmé, lors de l’audience, que, en raison des connaissances linguistiques du personnel, il s’agit d’une langue de communication entre collègues habituelle au sein de la DG « Santé ». Or, cette affirmation ne saurait infirmer les constatations exposées au point 113 ci-dessus. Certes, la langue dans laquelle sont susceptibles d’échanger les personnes affectées à la même DG dépend des connaissances linguistiques de ces personnes. Toutefois, le fait que plusieurs collègues sont susceptibles d’échanger dans une langue qui leur est commune ne signifie aucunement que ces personnes seront amenées à travailler et à communiquer avec leur hiérarchie ou avec leurs autres collègues dans cette langue.

115    Par ailleurs, il importe de rappeler qu’une limitation du choix de la deuxième langue des candidats à un concours à un nombre restreint de langues officielles ne saurait être considérée comme objectivement justifiée et proportionnée lorsque figurent, parmi ces langues, outre une langue dont la connaissance est souhaitable, voire nécessaire, d’autres langues dont la connaissance ne confère aucun avantage particulier aux lauréats potentiels d’un concours par rapport à celle d’une autre langue officielle. En effet, s’il est admis, comme alternative à la seule langue dont la connaissance constitue un avantage pour un fonctionnaire nouvellement recruté, d’autres langues dont la connaissance ne constitue pas un atout, il n’existe aucune raison valable de ne pas admettre également toutes les autres langues officielles [voir arrêt du 15 septembre 2016, Italie/Commission, T‑353/14 et T‑17/15, EU:T:2016:495, point 140 (non publié)].

116    Ainsi, même s’il devait être considéré que les connaissances linguistiques du personnel en activité peuvent indiquer que, pour être immédiatement opérationnelle sur le plan de la communication interne, une personne nouvellement recrutée devrait maîtriser une langue bénéficiant d’un degré de diffusion particulièrement élevé au sein de ce personnel, les données produites par la Commission, en l’espèce, ne sauraient justifier la limitation imposée par l’avis attaqué au choix de la langue 2 des concours en cause.

117    En effet, il résulte de l’analyse des données relatives aux langues déclarées à titre de première et deuxième langues (voir points 110 et 111 ci-dessus) que seule une connaissance satisfaisante de l’anglais et, dans une bien moindre mesure, du français pourrait être considérée comme conférant un avantage aux lauréats potentiels des concours en cause. En effet, 611 et 309 personnes sur un total de 969 personnes affectées à la DG « Santé » ont une connaissance à tout le moins satisfaisante, respectivement, de l’anglais et du français, alors que seulement 98 et 89 membres du personnel de cette DG ont une connaissance à tout le moins satisfaisante, respectivement, de l’allemand et de l’italien.

118    Ainsi, ces données ne permettent pas d’expliquer pourquoi un candidat disposant, par exemple, d’une connaissance approfondie de l’espagnol et d’une connaissance satisfaisante de l’allemand pourrait être immédiatement opérationnel alors qu’un candidat disposant d’une connaissance approfondie de l’espagnol et d’une connaissance satisfaisante du néerlandais ne le serait pas. Certes, seulement 71 personnes ont déclaré disposer d’une connaissance à tout le moins satisfaisante du néerlandais. Or, dans la mesure où les 98 et les 91 personnes ayant déclaré disposer d’une telle connaissance, respectivement, de l’allemand et de l’italien ne sont, en toute logique, pas toutes affectées au même service de la DG « Santé », mais sont susceptibles d’être dispersées dans des structures, voire des pays différents, l’écart entre les données concernant ces deux langues et les données concernant le néerlandais ne saurait être considéré comme pertinent dans le cadre du présent litige.

119    Interrogée sur ces hypothèses lors de l’audience, la Commission a allégué que le personnel concerné n’est pas amené à communiquer uniquement entre collègues, dès lors que, au sein de la DG « Santé », il y aurait beaucoup d’échanges non seulement avec les diverses agences et centres de recherche, mais également avec des experts externes.

120    Indépendamment de la question de savoir si ces affirmations de la Commission trouvent appui dans les éléments produits devant le Tribunal dans le cadre de la présente affaire, force est de constater qu’une personne nouvellement recrutée au sein d’un service de la fonction publique de l’Union ne saurait être considérée comme étant immédiatement opérationnelle si elle ne dispose pas de connaissances linguistiques lui permettant d’échanger avec, à tout le moins, une grande partie de ses collègues. En effet, même à supposer qu’un membre du personnel d’une institution dispose des connaissances linguistiques spécifiques lui permettant d’échanger avec des experts externes, ses compétences ne pourraient être exploitées par le service au sein duquel il serait appelé à exercer ses fonctions que si cette personne disposait également des connaissances linguistiques lui permettant de présenter les résultats de ses échanges à ses collègues et à ses supérieurs hiérarchiques.

121    S’agissant, en outre, des données relatives à la troisième langue déclarée par les personnes concernées, elles ne sauraient, en tout état de cause, être prises en compte. En effet, conformément à l’article 28, sous f), du statut, la connaissance de seules deux langues officielles est exigée pour le recrutement des fonctionnaires de l’Union. Par ailleurs, il résulte de l’article 45, paragraphe 2, du statut que la capacité à travailler dans une troisième langue est une condition préalable à la première promotion après le recrutement d’un fonctionnaire. Or, en l’occurrence, il ne ressort nullement du tableau produit par la Commission que l’ensemble du personnel concerné a déjà fait preuve d’une telle capacité ou bien que ces personnes ont obtenu leur première promotion. Qui plus est, ladite annexe ne concerne pas seulement des fonctionnaires, mais l’ensemble du personnel affecté à la DG « Santé », à savoir, en toute logique, des agents temporaires et des agents contractuels, ces derniers n’étant pas soumis au même régime de promotion que celui prévu par le statut pour les fonctionnaires (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement, C‑377/16, EU:C:2019:249, point 58).

122    Il s’ensuit que les données relatives aux connaissances linguistiques du personnel affecté à la DG « Santé » fournies en annexes B.4 et B.5 ne permettent, ni prises isolément ni prises ensemble avec les éléments produits en annexes B.1 à B.3, de justifier la limitation du choix de la langue 2 des concours en cause au regard de l’objectif de disposer de lauréats immédiatement opérationnels.

 En ce qui concerne les éléments portant sur l’utilisation des quatre langues proposées en tant que langue 2 dans l’avis attaqué dans le domaine concerné par les concours en cause

123    Selon le Royaume d’Espagne, aucune des quatre langues proposées aux candidats pour le choix de la langue 2 des concours en cause n’est indispensable au regard des tâches que les lauréats de ces concours seront appelés à effectuer. Par ailleurs, les fonctions que ceux-ci seront appelés à exercer telles que décrites dans l’avis attaqué nécessiteraient, en réalité, la connaissance de davantage de langues que ces quatre langues et ne justifieraient pas, en tout état de cause, la limitation litigieuse.

124    Plus spécifiquement, l’ensemble des tâches liées aux postes à pourvoir seraient réalisées en relation avec tous les États membres, et non seulement avec ceux dont les langues officielles correspondent aux quatre langues proposées aux candidats en l’espèce. De surcroît, pour ce qui est plus spécifiquement du concours EPSO/AD/341/18, cet avis indiquerait que les lauréats seraient amenés à se déplacer fréquemment, sans que ces déplacements fussent limités à des États membres dont la langue officielle serait une de ces quatre langues.

125    À titre subsidiaire, le Royaume d’Espagne fait valoir qu’il existe d’autres langues dont l’importance serait équivalente ou supérieure à celle des quatre langues proposées dans l’avis attaqué, notamment l’espagnol, deuxième langue la plus parlée dans le monde. Plus particulièrement, l’inclusion de l’allemand parmi les quatre langues susmentionnées ne serait pas justifiée alors que des langues dont l’usage serait plus répandu sont exclues.

126    La Commission relève que, selon l’avis attaqué, dans le domaine concerné, les lauréats des concours en cause auront recours à l’allemand, à l’anglais, au français ou à l’italien dans le cadre de leur travail. En ce qui concerne l’inclusion de la langue italienne parmi les quatre langues proposées dans l’avis attaqué, la Commission fait état d’un lien spécial qu’entretiendrait la DG « Santé » avec des services ou des agences situés en Italie. Elle fait par ailleurs état, tout particulièrement, de l’étroite coopération de cette DG avec l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), dont le siège se trouve en Italie, tout en indiquant que cet argument n’est présenté qu’à titre surabondant, le principal motif justifiant l’inclusion, parmi les quatre langues susmentionnées, de l’italien étant que cette langue aurait un poids spécifique plus important que d’autres langues dans le contexte de la DG « Santé ».

127    À cet égard, il y a lieu de constater, d’une part, que, selon ce qui a été exposé aux points 76 à 105 ci-dessus, il ne ressort des documents produits en annexes B.1 à B.3 par la Commission, qui ne comportent, d’ailleurs, aucune référence à l’italien, aucun lien nécessaire entre les procédures décisionnelles de cette institution, notamment celles se déroulant au sein du collège de ses membres, et les fonctions bien spécifiques que les lauréats des concours concernés seront susceptibles d’exercer dans le domaine de la santé et de la sécurité alimentaire.

128    D’autre part, les éléments fournis par la Commission dans les documents constituant les annexes B.4 et B.5 ne permettent pas non plus de tirer des conclusions s’agissant de la ou des langues effectivement utilisées par les membres du personnel de la DG « Santé » dans leur travail au quotidien (voir points 106 à 122 ci-dessus).

129    Partant, aucun élément du dossier ne permet de considérer que, pour être immédiatement opérationnelles, les personnes nouvellement recrutées dans le domaine concerné doivent disposer d’une connaissance satisfaisante de l’une quelconque des quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 des concours en cause. Il n’y a, ainsi, pas lieu d’examiner les arguments supplémentaires présentés par le Royaume d’Espagne à cet égard.

130    Ces conclusions ne sauraient être infirmées par l’argument présenté à titre surabondant par la Commission et portant sur la coopération étroite entre la DG « Santé » et l’EFSA. En effet, la Commission ne produisant aucun élément concernant les langues de travail utilisées dans cette agence, cet argument ne saurait être pris en compte dans le cadre de la présente analyse. Il en va de même s’agissant d’éventuels autres services ou agences qui, selon la Commission, seraient situés également en Italie et avec lesquels ladite DG entretiendrait un lien spécial (voir point 43 du mémoire en défense), services ou agences que la Commission n’identifie, par ailleurs, pas dans ses écritures.

131    En réponse à une question qui lui a été posée lors de l’audience, la Commission a cependant précisé que la langue de travail au sein de l’EFSA est l’anglais, tout en ajoutant qu’il est très probable qu’une majorité du personnel qui y est affecté parle l’italien. Selon la Commission, la nationalité du pays du siège d’un service ou d’une agence de l’Union est souvent surreprésentée parmi le personnel, notamment pour ce qui est des assistants ou des agents auxiliaires.

132    Toutefois, rien ne permet de considérer que, du fait que la majorité du personnel d’une agence ou d’un service de l’Union parle une langue, cette langue devienne automatiquement une langue de travail au sein de ladite agence ou dudit service, et encore moins qu’une personne ayant une connaissance satisfaisante de cette langue serait, de ce fait, opérationnelle dès son recrutement au sein de cette agence ou de ce service. En effet, la connaissance de cette langue majoritaire ne saurait être considérée que comme un atout supplémentaire pour un lauréat d’un concours tel que ceux en cause qui disposerait, en tout état de cause, d’une connaissance à tout le moins satisfaisante de la langue de travail de l’agence ou du service au sein duquel il serait appelé à exercer ses fonctions.

133    Ainsi, même à admettre que, dans le cas d’espèce, la majorité des membres du personnel affecté aux agences et aux autres services de la DG « Santé » ou aux organismes avec lesquels cette dernière coopère régulièrement et qui ont leur siège en Italie parlent l’italien, ce qui ne ressort cependant pas du dossier, aucun élément ne permet d’en déduire qu’une personne qui dispose d’une connaissance satisfaisante de l’italien serait opérationnelle dès son recrutement au terme des concours en cause.

134    Eu égard à tout ce qui précède, il convient de considérer que les éléments factuels soumis par la Commission à l’appui de ses arguments ne permettent pas d’étayer les conclusions qu’elle en tire. Plus spécifiquement, ces éléments ne permettent pas de considérer qu’exiger des candidats aux concours en cause qu’ils disposent d’une connaissance satisfaisante de l’une quelconque des quatre langues proposées dans l’avis attaqué pour le choix de la langue 2 desdits concours permette de sélectionner de lauréats opérationnels dès leur recrutement.

135    Partant, il y a lieu d’accueillir les deuxième et troisième moyens invoqués par le Royaume d’Espagne et, par conséquent, d’annuler l’avis attaqué dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argumentation présentée par le Royaume d’Espagne s’agissant de la proportionnalité de la limitation litigieuse ni ses premier et quatrième moyens (voir points 25 et 44 à 56 ci-dessus), s’agissant des obligations litigieuses.

136    S’agissant des effets de cette annulation, il y a lieu de relever que, pour des raisons analogues à celles exposées aux points 83 à 87 de l’arrêt du 26 mars 2019, Espagne/Parlement (C‑377/16, EU:C:2019:249), l’annulation de l’avis attaqué ne saurait avoir d’incidence sur d’éventuels recrutements déjà effectués sur la base des listes de réserve établies à la suite des procédures de sélection en cause, au regard de la confiance légitime dont bénéficient les lauréats qui se seraient d’ores et déjà vu offrir un poste sur le fondement de leur inscription sur lesdites listes (voir, en ce sens, arrêt du 9 septembre 2020, Italie/Commission, T‑437/16, sous pourvoi, EU:T:2020:410, point 230 et jurisprudence citée).

 Sur les dépens

137    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Royaume d’Espagne.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      L’avis de concours généraux EPSO/AD/340/18, pour la constitution d’une liste de réserve dans le domaine de la santé et de la sécurité alimentaire (audit, inspection et évaluation), et EPSO/AD/341/18, pour la constitution d’une liste de réserve dans le domaine de la sécurité alimentaire (politique et législation), est annulé.

2)      La Commission européenne est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Royaume d’Espagne.

Costeira

Gratsias

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.