ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

5 juin 2019 (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Régime disciplinaire – Actes contraires à la dignité de la fonction – Enquête administrative – Mandat confié à l’IDOC – Principe d’impartialité – Principe de bonne administration – Droits de la défense – Procédure disciplinaire – Principe d’égalité des armes – Sanction disciplinaire de blâme – Proportionnalité – Préjudice moral »

Dans l’affaire T‑273/18,

Belén Bernaldo de Quirós, ancienne fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me M. Casado García-Hirschfeld, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Berscheid, B. Mongin et Mme R. Striani, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du 6 juillet 2017 de la Commission infligeant la sanction de blâme à la requérante en application de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de l’annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne et, en tant que de besoin, de la décision du 31 janvier 2018 portant rejet de la réclamation introduite par la requérante à l’encontre de ladite décision et, d’autre part, à la réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi à la suite de ces décisions,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, F. Schalin et Mme M. J. Costeira (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 mars 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Mme BelénBernaldo de Quirós, a été engagée comme fonctionnaire à la Commission européenne le 1er janvier 1987. Après avoir été chef de l’unité « Multilinguisme », elle est devenue, le 1er janvier 2013, chef de l’unité « Bureau des stages », nouvellement créée et rattachée à la direction « Jeunesse et sport » de la direction générale (DG) « Éducation et culture », désormais dénommée « Éducation, jeunesse, sport et culture ».

2        Le 6 février 2014, cinq gestionnaires de dossiers concernant le recrutement des stagiaires travaillant dans l’unité de la requérante ont déposé une plainte contre elle par note transmise au directeur général de la DG « Éducation, jeunesse, sport et culture ». Dans cette note, lesdits gestionnaires lui reprochaient, en particulier, un comportement inacceptable envers les collaborateurs de l’unité et des irrégularités dans la procédure de sélection des stagiaires à la Commission.

3        Le 26 mars 2014, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») de la Commission a mandaté l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) pour mener une enquête administrative concernant la requérante. Le mandat conféré à l’IDOC était, notamment, libellé en ces termes :

« Cette enquête vise à déterminer dans quelle mesure [la requérante] aurait adopté un comportement inapproprié vis-à-vis de certains membres de son unité et aurait méconnu les procédures de sélection des stagiaires à la Commission. »

4        Le 22 juin 2015, l’IDOC a transmis son rapport d’enquête administrative à l’AIPN, au titre de l’article 2 de l’annexe IX du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »). Dans son rapport, l’IDOC concluait que la requérante apparaissait susceptible d’avoir commis des manquements aux obligations statutaires. En particulier, l’IDOC estimait, premièrement, que « le comportement de [la requérante] vis-à-vis de Mme B.[, chef d’unité adjoint,] du 1er janvier 2013 au 31 mai 2013 appara[issai]t revêtir l’ensemble des éléments constitutifs du harcèlement moral », deuxièmement, que « le comportement de [la requérante] vis-à-vis de Mme C. au cours de la réunion d’unité du 22 avril 2013 [était] susceptible de constituer un comportement inapproprié au sens de l’article 12 du statut » et, troisièmement, que « [la requérante] a[vait] modifié le système de sélection des candidats à un stage d’une façon ne permettant pas de garantir un traitement égal et transparent de tous les candidats et [qui] a[vait] pu être perçu comme en favorisant certains au détriment d’autres. Compte tenu des fonctions et des responsabilités de [la requérante], son initiative pourrait être considérée comme un manquement à l’article 21 du statut ».

5        Au vu du rapport d’enquête de l’IDOC, le directeur général de la DG « Ressources humaines et sécurité » a décidé, ce même 22 juin 2015, de donner mandat à l’IDOC afin de procéder à l’audition de la requérante, au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut. Par courrier du 12 août 2015, les conseils de la requérante ont contesté cette décision de l’AIPN portant délégation de pouvoirs à l’IDOC pour mener cette audition. Le 9 septembre 2015, l’AIPN a confirmé à la requérante que son audition serait conduite par deux membres de l’IDOC et lui a répondu que, selon la pratique constante et établie, elle pouvait autoriser l’IDOC à conduire l’audition au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut à sa place, dès lors que l’IDOC lui soumettait ensuite le compte rendu de l’audition afin qu’elle décide de la suite à donner au dossier. Par lettre du 16 septembre 2015, les conseils de la requérante ont déposé, auprès de l’AIPN, des observations écrites en vue de l’audition, dans lesquelles ils ont réitéré leur contestation. Le 23 septembre 2015, la requérante a été auditionnée par l’IDOC en présence de ses conseils.

6        Le 6 octobre 2015, l’IDOC a informé la requérante qu’il avait décidé de faire droit à ses demandes d’audition de témoins supplémentaires et a procédé aux auditions de quatre membres de l’unité « Bureau des stages » à l’époque des faits. Les comptes rendus de ces auditions ont été transmis, pour commentaires éventuels, à la requérante le 23 octobre 2015. Son conseil a transmis ses commentaires par lettre du 5 novembre 2015.

7        Entre-temps, dans le cadre de la réorganisation de la direction « Jeunesse et sport » de la DG « Éducation, jeunesse, sport et culture », le directeur général de cette DG a annoncé, le 2 octobre 2015, à la requérante qu’il était envisagé de la muter de son poste de chef de l’unité « Bureau des stages » à un poste de conseiller au sein de la DG « Éducation, jeunesse, sport et culture ». Contestant ce projet de mutation, la requérante a, en date du 9 novembre 2015, introduit auprès de l’AIPN une demande sur le fondement de l’article 24 du statut sollicitant l’assistance de la Commission « dans le cadre du comportement adopté par ses supérieurs hiérarchiques […] à son égard […] prenant notamment la forme d’un harcèlement moral ». Par décision du 30 novembre 2015, l’AIPN a modifié l’affectation de la requérante, à compter du 1er décembre 2015, conformément audit projet de mutation. Cette décision a fait l’objet d’un recours en annulation, lequel a été rejeté par arrêt du 19 octobre 2017, Bernaldo de Quirós/Commission (T‑649/16, non publié, EU:T:2017:736).

8        Le 22 décembre 2015, l’AIPN a décidé d’ouvrir la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline à l’égard de la requérante, au vu du compte rendu de son audition au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut et des documents l’accompagnant. L’AIPN a adressé au conseil de discipline le rapport prévu à l’article 12 de cette annexe qu’elle a également transmis à la requérante.

9        Dans le cadre de la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, les conseils de la requérante ont déposé des observations écrites devant ce conseil et la requérante a été entendue par ce dernier en date du 5 octobre 2016. L’avis motivé du conseil de discipline a été rendu le 26 janvier 2017. Dans cet avis, le conseil de discipline a conclu que la requérante avait porté atteinte à la dignité de sa fonction, au sens de l’article 12 du statut, d’une part, en ayant exercé des pressions sur un membre de l’unité « Bureau des stages » pour que celui-ci fasse circuler le 3 avril 2013 deux courriels, notamment auprès de collaborateurs extérieurs à l’unité, comportant une référence aux erreurs commises par le chef d’unité adjoint de la requérante, Mme B., et, d’autre part, en ayant fait preuve de violence verbale à l’égard de cette dernière en lui adressant l’invective « Toi et les tiens, tu te tais » au cours d’une réunion d’unité tenue le 22 avril 2013 lors de laquelle cette personne était intervenue pour défendre un autre collègue de l’unité, Mme C. Le conseil de discipline a considéré toutefois qu’il serait inapproprié de proposer l’imposition d’une sanction disciplinaire pour la seule constatation, qu’il a estimée somme toute limitée, d’une atteinte à la dignité de la fonction et, dans ces conditions, il a proposé de ne pas imposer de sanction disciplinaire à l’égard de la requérante.

10      Le 2 mai 2017, un panel de trois directeurs généraux de la Commission, composant l’AIPN tripartite, a entendu la requérante, en application de l’article 22 de l’annexe IX du statut. Avant cette audition, le conseil de la requérante avait adressé une note datée du 28 avril 2017 à l’AIPN tripartite.

11      Le 6 juillet 2017, en application de l’article 9, paragraphe 1, sous b), de l’annexe IX du statut, l’AIPN tripartite a décidé d’infliger la sanction de blâme à la requérante (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, l’AIPN tripartite a, en substance, considéré que le comportement de la requérante envers son chef d’unité adjoint, Mme B., tel que décrit au point 9 ci-dessus, constituait un manquement à l’article 12 du statut, lequel impose au fonctionnaire de s’abstenir de tout acte et de tout comportement qui puisse porter atteinte à la dignité de sa fonction. L’AIPN tripartite a, à cet égard, relevé que, en vertu de l’article 86, paragraphe 1, du statut, tout manquement aux obligations statutaires exposait son auteur à une sanction disciplinaire. Dans ces conditions, dès lors qu’il était établi que la requérante avait enfreint son obligation découlant de l’article 12 du statut à deux reprises, l’AIPN tripartite a décidé de ne pas suivre l’avis du conseil de discipline selon lequel la seule constatation d’une atteinte à la dignité de la fonction n’était pas susceptible d’être sanctionnée.

12      Le 3 octobre 2017, la requérante a introduit une réclamation à l’encontre de la décision attaquée, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 31 janvier 2018.

13      Le 1er décembre 2017, la requérante a été mise en invalidité.

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2018, la requérante a introduit le présent recours.

15      Le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal le 26 juillet 2018.

16      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2018.

17      La duplique a été déposée au greffe du Tribunal le 30 octobre 2018.

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        annuler, en tant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner la Commission au paiement d’une somme symbolique de un euro au titre du préjudice moral subi à la suite de ces décisions ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation de la décision attaquée

20      À titre liminaire, il y a lieu de relever que la requérante conclut à l’annulation de la décision attaquée et, « en tant que de besoin », à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 14 décembre 2017, RL/Cour de justice de l’Union européenne, T‑21/17, EU:T:2017:907, point 26). La décision de rejet de la réclamation étant en l’espèce dépourvue de contenu autonome, le recours doit être regardé comme étant dirigé contre la décision attaquée.

21      Au soutien de ses conclusions en annulation dirigées contre la décision attaquée, la requérante soulève quatre moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation du mandat confié à l’IDOC. Le deuxième moyen porte sur la violation du principe du respect des droits de la défense dans le cadre de l’article 3 de l’annexe IX du statut. Le troisième moyen concerne la violation du principe d’égalité des armes lors de l’audition visée à l’article 22 de cette annexe. Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de proportionnalité, d’une erreur de fait et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la sanction disciplinaire de blâme infligée. Ainsi, les trois premiers moyens ne visent pas directement la décision attaquée, mais des actes intervenus au cours de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de cette décision et qui l’auraient entachée d’illégalité par voie de conséquence.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du mandat confié à l’IDOC

22      Par le premier moyen, la requérante soulève une violation du mandat confié à l’IDOC. Ce moyen est divisé en deux branches. La première branche concerne le dépassement du mandat de l’IDOC, tant sur le plan temporel que matériel. La seconde branche porte sur une violation du principe de bonne administration et le manque d’impartialité, tant subjective qu’objective, de l’IDOC.

–       Sur la première branche, relative au dépassement du mandat de l’IDOC, tant sur le plan temporel que matériel

23      La requérante fait valoir que, ainsi qu’il résulte de son rapport d’enquête administrative du 22 juin 2015, l’IDOC a outrepassé le mandat confié par l’AIPN « tant sur l’aspect temporel que matériel ». En effet, ce mandat l’aurait uniquement chargé de mener une enquête administrative visant à « déterminer dans quelle mesure [la requérante] aurait adopté un comportement inapproprié vis-à-vis de certains membres de son unité et aurait méconnu les procédures de sélection des stagiaires à la Commission ».

24      Premièrement, la requérante soutient que le mandat conféré par l’AIPN à l’IDOC devait se limiter à l’examen des faits qui se sont déroulés pendant la période visée par ce mandat et des allégations portant sur cette période, à savoir celle durant laquelle elle était chef de l’unité « Bureau des stages », en l’occurrence la période couvrant les années 2013 à 2015. Or, l’IDOC aurait enquêté sur une période antérieure, à savoir les années 2011 et 2012. Dès lors, en auditionnant son ancien chef d’unité adjoint, Mme L., qui ne travaillait plus avec la requérante pendant la période visée par le mandat, l’IDOC aurait outrepassé les limites temporelles de son mandat.

25      Deuxièmement, la requérante considère que l’IDOC a également élargi le champ matériel de son enquête à des circonstances étrangères au mandat en cause. Elle reproche à l’enquête d’avoir visé son comportement envers le chef d’unité adjoint, Mme B., et un autre membre de l’unité, Mme C., alors que ces deux personnes ne s’étaient pas associées à la plainte déposée par les cinq membres de son unité. En outre, l’enquête aurait porté sur les conséquences d’une prétendue modification irrégulière du système de sélection des stagiaires, et non sur la méconnaissance des procédures de sélection des stagiaires comme il est défini dans le mandat. Par ailleurs, l’enquête aurait également dépassé le cadre matériel du mandat fixé, dans la mesure où, d’une part, l’IDOC avait auditionné son ancien chef d’unité adjoint, qui faisait partie d’une autre unité, et où, d’autre part, le rapport de l’IDOC évoquait des informations concernant son comportement envers des membres d’une autre unité se rapportant à l’année 2014.

26      La Commission, quant à elle, réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la première branche du premier moyen.

27      À titre liminaire, il convient de rappeler les dispositions statutaires régissant l’enquête administrative et les missions dévolues à l’IDOC à cet égard.

28      L’article 86 du statut dispose :

« 1.      Tout manquement aux obligations auxquelles le fonctionnaire ou l’ancien fonctionnaire est tenu, au titre du […] statut, commis volontairement ou par négligence, l’expose à une sanction disciplinaire.

2.      L’[AIPN] ou l’Office européen de lutte antifraude peuvent ouvrir une enquête administrative, en vue de vérifier l’existence d’un manquement au sens du paragraphe 1, lorsque des éléments de preuve laissant présumer l’existence d’un manquement ont été portés à leur connaissance.

3.      Les règles, procédures et sanctions disciplinaires, ainsi que les règles et procédures régissant les enquêtes administratives, sont établies à l’annexe IX. »

29      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, il est prévu :

« Dès qu’une enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) révèle la possibilité qu’un fonctionnaire ou un ancien fonctionnaire d’une institution est personnellement impliqué dans une affaire, ce dernier en est tenu informé pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête. En toute circonstance, des conclusions se rapportant nommément à un fonctionnaire ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que ce dernier ait été en mesure de présenter ses observations sur les faits le concernant. Les conclusions font état de ces observations. »

30      L’article 2, paragraphes 1 et 2, de l’annexe IX du statut prévoit :

« 1.      Les règles définies à l’article 1er de la présente annexe s’appliquent mutatis mutandis aux autres enquêtes administratives effectuées par l’[AIPN].

2.      L’[AIPN] informe l’intéressé de la fin de l’enquête et lui communique les conclusions du rapport d’enquête et, sur sa demande et sous réserve de la protection des intérêts légitimes de tierces parties, tous les documents qui sont en rapport direct avec les allégations formulées à son encontre. »

31      Selon l’article 3 de l’annexe IX du statut, il est prévu :

« Sur la base du rapport d’enquête, après avoir communiqué au fonctionnaire concerné toutes les pièces du dossier et après l’avoir entendu, l’[AIPN] peut : […] c) en cas de manquement aux obligations, conformément à l’article 86 du statut […] i) décider de l’ouverture de la procédure disciplinaire prévue à la section 4 de la présente annexe […] »

32      En application de l’article 2, paragraphe 3, de l’annexe IX du statut, la Commission a adopté, le 28 avril 2004, la décision C(2004) 1588 fixant les dispositions générales d’exécution concernant la conduite des enquêtes administratives et des procédures disciplinaires, publiée aux Informations administratives no 86‑2004, du 30 juin 2004 (ci-après les « DGE de 2004 »).

33      L’article 2, paragraphes 1 et 3, des DGE de 2004, relatif aux attributions et aux fonctions de l’IDOC, prévoit :

« 1.      L’IDOC effectue les enquêtes administratives. Au sens des présentes dispositions, on entend par “enquêtes administratives” toutes les actions menées par le fonctionnaire mandaté qui visent à établir les faits et, le cas échéant, à déterminer s’il y a un manquement aux obligations auxquelles les fonctionnaires de la Commission sont soumis.

[…]

3.      L’IDOC mène les procédures disciplinaires pour l’AIPN. »

34      L’article 3 des DGE de 2004, portant sur les modalités relatives à l’exercice des pouvoirs d’enquête administrative, dispose :

« 1.      Le directeur ainsi que les autres membres de l’IDOC exercent leurs pouvoirs d’enquête administrative de manière indépendante. Ainsi, dans l’exercice de ces pouvoirs, ils ne demandent ni ne reçoivent d’instructions. Ils sont habilités à se procurer les documents, à requérir toute personne relevant du statut de fournir des informations et à réaliser des contrôles sur place.

2.      Les enquêtes administratives sont menées de manière approfondie, à charge et à décharge, et pendant une période appropriée aux circonstances et à la complexité du cas.

3.      L’IDOC peut recevoir l’appui d’autres fonctionnaires ou services spécialisés. »

35      Suivant l’article 4 des DGE de 2004, relatif à l’ouverture et à la conduite des enquêtes administratives, il est prévu :

« 1.      L’enquête administrative est ouverte soit d’initiative, soit à la demande d’un directeur général et d’un chef de service, par le [d]irecteur général du personnel et de l’administration en accord avec le [s]ecrétaire général.

[…]

3.      La décision portant ouverture d’une enquête administrative désigne le directeur de l’IDOC ou un autre fonctionnaire [comme étant] responsable de l’enquête, définit l’objet et la portée de celle-ci et requiert des fonctionnaires qui en sont chargés de déterminer les responsabilités en la matière sur la base des faits et des circonstances particulières, voire, s’il y a lieu, en vue de la responsabilité individuelle des fonctionnaires concernés [par l’enquête].

4.      Dès qu’une enquête administrative met en lumière la possibilité qu’un fonctionnaire soit personnellement impliqué dans une affaire, ce dernier en est tenu informé pour autant que cette information ne nuise pas au déroulement de l’enquête. En tout état de cause, des conclusions se rapportant nommément à un fonctionnaire ne peuvent être tirées à l’issue de l’enquête sans que ce dernier ait été en mesure d’exprimer son avis au sujet de l’ensemble des faits le concernant. Les conclusions feront état de cet avis.

[…]

5.      L’IDOC soumet un rapport d’enquête au [d]irecteur général du personnel et de l’administration […] Ce rapport expose les faits et [les] circonstances en cause ; il établit si les règles et les procédures applicables à la situation ont été respectées et il détermine les éventuelles responsabilités individuelles en tenant compte des circonstances aggravantes ou atténuantes. Les copies de toutes les pièces pertinentes et des comptes rendus des auditions sont jointes au rapport.

6.      Le [d]irecteur général du personnel et de l’administration informe [le fonctionnaire concerné] de la fin de l’enquête et lui communique les conclusions du rapport d’enquête et, sur demande, tous les documents qui sont en rapport direct avec les allégations formulées à son encontre, sous réserve de la protection des intérêts légitimes de tierces parties.

[…] »

36      Aux fins de décrire le fonctionnement des procédures disciplinaires mises en place par l’annexe IX du statut, le rôle de l’IDOC tel qu’il résulte des DGE de 2004 ainsi que l’apport de la jurisprudence et la pratique administrative, l’IDOC a rédigé un guide pratique, dénué de valeur normative, à l’intention du personnel de la Commission, relatif aux enquêtes administratives et aux procédures pré-disciplinaires et disciplinaires (ci-après le « guide pratique de l’IDOC »). La rubrique « Que se passe-t-il au cours d’une enquête ? », figurant à la page 5 du guide pratique de l’IDOC, dispose, en ce qui concerne la conduite de l’enquête administrative :

« Au cours d’une enquête administrative, les enquêteurs disposent d’un large éventail de pouvoirs, comme celui d’obtenir des documents, d’effectuer des enquêtes sur place (notamment d’avoir accès à des données informatiques) et de requérir des informations de toute personne soumise au statut. Ils peuvent également demander l’assistance d’autres fonctionnaires ou services spécialisés de la Commission.

Les auditions constituent une partie essentielle de l’enquête. Elles ont pour finalité de recueillir tous les renseignements pertinents pour l’enquête et de présenter les faits allégués et/ou les preuves matérielles à [la (aux) personne(s) intéressée(s)]. Les personnes suivantes peuvent être entendues :

–        [la ou les personnes intéressées] par l’enquête administrative ;

–        les collègues et tous les autres témoins concernés ;

–        des personnes extérieures aux institutions, si elles y consentent.

[…] »

37      Ainsi, conformément aux dispositions du statut et de l’annexe IX de celui-ci, lorsque l’AIPN est d’avis qu’un manquement à ses obligations est susceptible d’être reproché à un fonctionnaire, il lui incombe de mener une enquête administrative. Cette dernière est diligentée par l’IDOC en ce qui concerne la Commission. En effet, aux termes de l’article 4, paragraphe 3, des DGE de 2004, la décision portant ouverture d’une enquête administrative doit désigner le directeur de l’IDOC ou un autre fonctionnaire comme étant responsable de l’enquête et définir l’objet et la portée de celle-ci. Cette enquête administrative est clôturée par un rapport d’enquête établi après que le fonctionnaire concerné a été préalablement et dûment entendu.

38      En l’espèce, il convient de relever que, à la suite du dépôt de la plainte contre la requérante de cinq membres de son unité, l’AIPN a mandaté l’IDOC pour mener une enquête administrative à son égard. Le mandat conféré à l’IDOC, en date du 26 mars 2014, était, notamment, libellé en ces termes :

« Cette enquête vise à déterminer dans quelle mesure [la requérante] aurait adopté un comportement inapproprié vis-à-vis de certains membres de son unité et aurait méconnu les procédures de sélection des stagiaires à la Commission. »

39      Par la première branche du premier moyen, la requérante reproche à l’IDOC d’avoir outrepassé son mandat confié par l’AIPN « tant sur l’aspect temporel que matériel ».

40      À cet égard, il ressort des dispositions mentionnées aux points 28 à 35 ci-dessus, et en particulier de l’article 3 des DGE de 2004, que l’IDOC est habilité, dans l’exercice de ses pouvoirs d’enquête administrative, à se procurer les documents, à requérir toute personne relevant du statut de fournir des informations et à réaliser des contrôles sur place. Selon ces dispositions, l’IDOC mène les enquêtes administratives de manière approfondie, à charge et à décharge, et pendant une période appropriée aux circonstances et à la complexité du cas. Il peut également recevoir l’appui d’autres fonctionnaires ou d’autres services spécialisés.

41      De même, en accord avec les dispositions de l’annexe IX du statut et celles de l’article 3 des DGE de 2004, il découle de la rubrique « Que se passe-t-il au cours d’une enquête ? », figurant à la page 5 du guide pratique de l’IDOC et dont les termes ont été rappelés au point 36 ci-dessus, que l’IDOC dispose d’un large éventail de pouvoirs, comme celui d’obtenir des documents, d’effectuer des enquêtes sur place, notamment d’avoir accès à des données informatiques, et de requérir des informations de toute personne soumise au statut. Il peut également demander l’assistance d’autres fonctionnaires ou d’autres services spécialisés de la Commission. De plus, l’IDOC peut auditionner non seulement la ou les personnes intéressées par l’enquête administrative, mais également les collègues et tous les autres témoins concernés.

42      Il résulte de l’ensemble de ces dispositions que, dans l’exercice de ses pouvoirs d’enquête administrative, l’IDOC dispose d’un large pouvoir d’appréciation, notamment quant aux choix des témoins et à leur utilité au regard des besoins de l’enquête. En effet, dès lors que les investigations ont pour but d’améliorer la compréhension des faits et, le cas échéant, de déterminer s’il y a eu un manquement aux obligations statutaires du fonctionnaire concerné pendant la période visée par le mandat d’enquête confié à l’IDOC, ce dernier devrait être en mesure d’enquêter de manière approfondie et de recueillir ainsi tous les renseignements pertinents pour la rédaction de son rapport d’enquête.

43      En premier lieu, la requérante ne saurait valablement reprocher à l’IDOC d’avoir outrepassé son mandat d’un point de vue temporel en procédant à l’audition de son ancien chef d’unité adjoint, Mme L.

44      L’audition de l’ancien chef d’unité adjoint de la requérante, Mme L., rentrait pleinement dans le cadre du mandat de l’IDOC, comme le souligne à juste titre la Commission. En effet, ainsi qu’il ressort à bon droit du rapport d’enquête de l’IDOC, cette audition a été effectuée en vue d’apporter un éclairage complémentaire quant au comportement de la requérante. Comme l’a relevé à juste titre le conseil de discipline, ladite audition avait pour objet de renforcer la crédibilité des allégations du chef d’unité adjoint de la requérante, Mme B., selon lesquelles elle n’était pas la seule personne ayant éprouvé des difficultés sérieuses de collaboration avec la requérante, et donc portant sur des faits couverts par le mandat en cause, à savoir le comportement de cette dernière à l’égard des membres de l’unité « Bureau des stages » lorsqu’elle en était le chef. En outre, le rapport d’enquête précise expressément que le témoignage de l’ancien chef d’unité adjoint porte sur des faits antérieurs à la période visée par le mandat en cause et que l’enquête portait sur le comportement de la requérante envers des personnes estimant en avoir souffert et ayant travaillé sous sa responsabilité au cours de l’année 2013.

45      Il s’ensuit que, dans la mesure où l’enquête administrative portait sur des faits intervenus au cours de l’année 2013 et où l’audition de l’ancien chef d’unité adjoint de la requérante, lorsqu’elle dirigeait l’unité « Multilinguisme », a été considérée à bon droit comme étant pertinente aux fins d’apprécier la véracité de ces faits, il y a lieu de considérer que l’IDOC n’a pas outrepassé son mandat en procédant à cette audition. Par ailleurs, ainsi que l’a relevé la Commission, il convient d’observer qu’aucun fait antérieur ou postérieur à la période visée par le mandat en cause n’a été retenu dans les conclusions du rapport d’enquête de l’IDOC en tant que fait qui serait établi par l’enquête et sur lequel reposerait la justification de la sanction finalement imposée.

46      En second lieu, la requérante ne saurait pas non plus valablement reprocher à l’IDOC d’avoir outrepassé son mandat d’un point de vue matériel.

47      En particulier, la requérante ne saurait prétendre que l’IDOC ait élargi le champ matériel de son enquête en analysant son comportement envers le chef d’unité adjoint, Mme B., et un autre membre de l’unité, Mme C., alors que ces deux personnes ne s’étaient pas associées à la plainte déposée par cinq membres de son unité. En effet, le mandat en cause n’était pas limité au comportement de la requérante envers les plaignants, mais concernait son comportement envers « certains membres de son unité », y compris donc ceux qui ne s’étaient pas formellement associés à ladite plainte, comme le chef d’unité adjoint, Mme B., et un autre membre de l’unité, Mme C. Rien n’interdisait également à l’IDOC d’entendre ces dernières personnes. En tout état de cause, il convient de relever que les faits analysés dans le rapport d’enquête de l’IDOC se sont produits au cours de la période de collaboration entre la requérante et lesdites personnes au sein de l’unité concernée.

48      Quant au grief de la requérante selon lequel l’enquête aurait porté sur les conséquences d’une prétendue modification irrégulière du système de sélection des stagiaires, et non sur la méconnaissance des procédures de sélection des stagiaires comme il est défini dans le mandat en cause, il ne saurait être accueilli. La requérante n’apporte aucune démonstration au soutien de ce grief. En tout état de cause, il ressort du rapport d’enquête de l’IDOC que ce dernier a examiné dans quelle mesure la requérante aurait méconnu les procédures de sélection des stagiaires à la Commission, conformément au mandat qui lui avait été confié par l’AIPN.

49      Par ailleurs, la requérante ne saurait non plus valablement prétendre que l’enquête ait également dépassé le cadre matériel du mandat fixé dans la mesure où le rapport d’enquête de l’IDOC évoquerait des informations concernant son comportement à l’égard de membres d’une autre unité se rapportant à l’année 2014. En effet, ainsi qu’il ressort de ce rapport, les personnes ainsi visées faisaient partie de l’unité « Informatique », laquelle fournissait un appui technique pour le système de sélection des stagiaires opérée par l’unité de la requérante, de sorte que leurs auditions avaient permis d’obtenir des informations pertinentes sur ledit système de sélection, conformément au mandat confié par l’AIPN. En tout état de cause, il importe de relever que ces informations concernant le comportement de la requérante n’ont pas été utilisées dans les conclusions du rapport d’enquête de l’IDOC.

50      De même, la requérante ne saurait valablement reprocher à l’IDOC d’avoir dépassé le cadre matériel de son mandat en procédant à l’audition de son ancien chef d’unité adjoint, Mme L., qui travaillait dans une autre unité pendant la période couverte par ledit mandat. En effet, ainsi qu’il ressort des points 43 à 45 ci-dessus, cette audition rentrait pleinement dans le cadre du mandat de l’IDOC et s’est même avérée utile aux fins d’apprécier la véracité de faits intervenus au cours de l’année 2013.

51      Dès lors, il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la première branche du premier moyen doit être écartée.

–       Sur la seconde branche, relative à une violation du principe de bonne administration et au manque d’impartialité, tant subjective qu’objective, de l’IDOC

52      La requérante fait valoir que, conformément à l’article 3, paragraphe 2, des DGE de 2004, le mandat délivré à l’IDOC lui imposait de « déterminer les éventuelles responsabilités individuelles en tenant compte de toute circonstance aggravante ou atténuante ». À cet égard, la requérante relève que, selon la jurisprudence, en vertu du principe de bonne administration, l’autorité compétente de l’Union européenne a l’obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce. Or, en l’espèce, l’IDOC aurait fait preuve de partialité tant subjective qu’objective, ce qui constituerait une violation dudit principe.

53      Premièrement, s’agissant du manque d’impartialité subjective, la requérante reproche essentiellement à l’IDOC d’avoir permis à un de ses membres, M. T. L., d’une part, de cosigner le rapport d’enquête rédigé à charge contre elle et, d’autre part, d’enquêter notamment sur les modifications qu’elle avait apportées au système de sélection des stagiaires, alors que celui-ci se trouvait en situation évidente de conflit d’intérêts, au sens de l’article 11 bis, paragraphe 1, du statut. En effet, ce fonctionnaire aurait été recruté comme stagiaire en 2010 par la responsable du service des stages de l’époque, le chef d’unité adjoint, Mme B., sur la base d’un dossier de candidature incomplet qui aurait dû le rendre inéligible. Le maintien de cet enquêteur, au vu de ces circonstances, mais également du caractère biaisé de l’enquête, serait de nature à mettre en doute l’impartialité subjective que doit manifester l’IDOC.

54      Deuxièmement, s’agissant du manque d’impartialité objective, la requérante reproche à l’IDOC d’avoir mené son enquête à charge en violation de l’article 3, paragraphe 2, des DGE de 2004. En particulier, elle fait valoir que certains témoins, membres de l’unité concernée durant la période couverte par l’enquête, n’auraient été entendus que postérieurement au dépôt du rapport d’enquête de l’IDOC en raison de sa demande insistante. De plus, eu égard aux questions posées à ces témoins et à la durée très brève de leurs auditions ainsi qu’aux procès-verbaux d’audition succincts les concernant, ces auditions supplémentaires auraient été menées de manière purement formelle, en vue de masquer la partialité de l’IDOC. En outre, certains éléments à décharge auraient été omis dans le rapport d’enquête de l’IDOC, notamment l’impact de l’absentéisme au sein de l’unité et le harcèlement commis par le chef d’unité adjoint, Mme B. Par ailleurs, la confidentialité n’aurait pas été davantage respectée par l’IDOC, ce dernier ayant communiqué à des personnes tierces à l’enquête des documents confidentiels recueillis dans le cadre de l’enquête contenant des données à caractère personnel la concernant.

55      La Commission, quant à elle, réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la seconde branche du premier moyen.

56      Par la seconde branche du premier moyen, la requérante soutient que l’IDOC a violé le principe de bonne administration en faisant preuve de partialité tant subjective qu’objective dans la conduite de l’enquête administrative, alors que le mandat délivré par l’AIPN lui imposait de « déterminer les éventuelles responsabilités individuelles en tenant compte de toute circonstance aggravante ou atténuante ».

57      L’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), qui, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, TUE, a la même valeur juridique que les traités, consacre le droit à une bonne administration. Ce droit implique, en vertu de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, notamment, le droit pour toute personne de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions, les organes et les organismes de l’Union.

58      Selon la jurisprudence, l’administration est tenue, en vertu du principe de bonne administration, d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce dont elle est saisie et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation ainsi que d’assurer le bon déroulement et l’efficacité des procédures qu’elle met en œuvre (voir arrêt du 26 septembre 2014, B&S Europe/Commission, T‑222/13, non publié, EU:T:2014:837, point 39 et jurisprudence citée).

59      En ce qui concerne les enquêtes administratives de l’IDOC visées à l’article 3, paragraphe 2, des DGE de 2004, le respect du principe de bonne administration suppose qu’une enquête impartiale et contradictoire soit effectuée afin d’établir la réalité des faits allégués et les circonstances entourant ces derniers. Cette disposition exige, en effet, que ces enquêtes soient menées « de manière approfondie, à charge et à décharge ». Cette exigence d’impartialité découle également de l’article 4, paragraphe 5, des DGE de 2004, selon lequel le rapport d’enquête de l’IDOC expose les faits et les circonstances en cause, établit si les règles et les procédures applicables à la situation ont été respectées et détermine les éventuelles responsabilités individuelles « en tenant compte des circonstances aggravantes ou atténuantes ».

60      L’exigence d’impartialité qui s’impose à l’administration, en vertu de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte ainsi que des DGE de 2004, recouvre deux aspects. En premier lieu, l’administration doit être subjectivement impartiale, c’est-à-dire qu’aucun de ses membres ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, l’impartialité personnelle se présumant jusqu’à preuve du contraire. En second lieu, l’administration doit être objectivement impartiale, c’est-à-dire qu’elle doit offrir les garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime [voir arrêt du 22 novembre 2018, Brahma/Cour de justice de l’Union européenne, T‑603/16, EU:T:2018:820, point 147 (non publié) et jurisprudence citée].

61      En l’espèce, la requérante met en cause, premièrement, l’impartialité subjective de l’IDOC. En particulier, elle reproche à l’IDOC d’avoir permis à l’un de ses membres, M. T. L., de participer à l’enquête administrative la visant et d’enquêter notamment sur les modifications qu’elle avait apportées au système de sélection des stagiaires à la Commission, alors que celui-ci aurait été recruté comme stagiaire en 2010 par la responsable du service des stages de l’époque, le chef d’unité adjoint, Mme B., sur la base d’un dossier de candidature irrégulier qui aurait dû le rendre inéligible.

62      À cet égard, d’abord, il convient de constater que l’allégation de la requérante selon laquelle la candidature pour un poste de stagiaire de l’enquêteur en question aurait été retenue irrégulièrement n’est aucunement démontrée. En effet, comme l’a souligné la Commission, le versement au dossier d’une partie incomplète de l’acte de candidature de cet enquêteur obtenue dans des conditions non explicitées ne saurait établir, en tant que tel et à lui seul, la preuve d’une irrégularité.

63      Ensuite, le seul fait qu’un membre de l’IDOC a été recruté comme stagiaire en 2010 ne saurait prouver une prise de parti ou des préjugés personnels de sa part lors de l’appréciation portant sur les modifications du système de sélection des stagiaires à la Commission effectuées postérieurement par la requérante. Rien n’indique à cet égard que les circonstances de la candidature en cause introduite en 2009 auraient pu avoir eu pour effet d’orienter l’enquête administrative aux dépens de la requérante. En tout état de cause, le processus d’éligibilité de cette candidature a eu lieu de façon indépendante dudit enquêteur, le contraire n’ayant pas été démontré.

64      En outre, il convient également de constater que le rôle de la responsable du service des stages de l’époque, le chef d’unité adjoint, Mme B., dans le processus d’éligibilité de la candidature en cause n’est pas établi. En effet, la requérante n’a pas démontré que le dossier de candidature en cause ait été sélectionné personnellement par cette ancienne responsable du service des stages, que l’enquêteur concerné connût cette dernière ou son rôle dans la sélection des dossiers de candidature en général ou du sien en particulier, que celle-ci, devenue son chef d’unité adjoint, ait bénéficié d’un préjugé favorable dans le cadre de l’enquête la visant et qu’un lien de causalité existât entre ces faits, à supposer qu’ils soient établis.

65      Il s’ensuit que, l’impartialité personnelle de l’enquêteur de l’IDOC en cause étant présumée et la requérante n’apportant aucune preuve documentée valable pour démontrer le contraire, le conflit d’intérêts allégué par cette dernière n’est nullement établi. Dès lors, le grief de la requérante tiré de l’impartialité subjective de l’IDOC ne saurait prospérer.

66      La requérante met en cause, deuxièmement, l’impartialité objective de l’IDOC. En particulier, elle reproche à l’IDOC d’avoir mené son enquête exclusivement à charge, en négligeant les témoignages ou les éléments à décharge.

67      À cet égard, d’abord, il convient de relever que, conformément à la jurisprudence, l’autorité chargée d’une enquête administrative, telle que l’IDOC, à laquelle il incombe d’instruire les dossiers qui lui sont soumis de façon proportionnée, dispose d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne la conduite de l’enquête et en particulier en ce qui concerne l’évaluation de la qualité et de l’utilité de la coopération fournie par des témoins (voir arrêt du 11 juillet 2013, Tzirani/Commission, F‑46/11, EU:F:2013:115, point 124 et jurisprudence citée).

68      Ensuite, l’allégation de la requérante selon laquelle les auditions supplémentaires de témoins faites à sa demande ont été menées de manière purement formelle afin de masquer la partialité de l’IDOC n’est aucunement démontrée. Ainsi que l’a relevé le conseil de discipline, au point 64 de son avis motivé, le fait que l’audition de ces témoins n’a été effectuée que sur demande de la requérante ne permet pas de considérer que l’IDOC ne s’est pas conformé à son devoir d’impartialité. Par ailleurs, ainsi que le fait observer la Commission, il convient de constater que les rapports d’audition ne démontrent pas que ces témoins aient été traités différemment des autres témoins, tant en ce qui concerne les questions posées que la durée de ces auditions.

69      De même, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle certains éléments à décharge ont été omis dans le rapport d’enquête de l’IDOC, tels que l’impact de l’absentéisme au sein de l’unité et le harcèlement commis par le chef d’unité adjoint, Mme B., il convient de constater que cette allégation n’est pas de nature à mettre en cause l’impartialité de l’IDOC dans la conduite de l’enquête administrative. En tout état de cause, ladite allégation est sans rapport avec le comportement de la requérante envers certains membres de son unité, comportement sur lequel portait l’enquête administrative, conformément aux termes du mandat conféré à l’IDOC.

70      Enfin, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la confidentialité de ses données personnelles a été méconnue par l’IDOC, il résulte des pièces du dossier que la personne ayant reçu le document concerné n’en a finalement obtenu qu’une annexe, dont elle connaissait déjà le contenu. En tout état de cause, même à la supposer avérée, la violation alléguée de cette confidentialité ne saurait emporter l’illégalité de l’enquête administrative menée par l’IDOC ni affecter l’appréciation par l’AIPN des éléments de preuve de l’enquête (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2017, HD/Parlement, T‑652/16 P, non publié, EU:T:2017:828, point 44).

71      Il résulte du développement qui précède que la requérante n’a pas démontré que l’IDOC n’ait pas offert les garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à son impartialité objective. Dès lors, le grief de la requérante tiré de l’impartialité objective de l’IDOC ne saurait non plus prospérer.

72      En conséquence, il y a lieu d’écarter également la seconde branche du premier moyen et, partant, ce dernier dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe du respect des droits de la défense dans le cadre de l’article 3 de l’annexe IX du statut

73      La requérante soutient que les dispositions de l’article 3 de l’annexe IX du statut, reprises à l’article 4, paragraphe 4, des DGE de 2004, imposent à l’AIPN de recueillir les commentaires de l’intéressé sur le rapport d’enquête avant de prendre une décision quant à l’ouverture éventuelle d’une procédure disciplinaire. L’audition obligatoire de l’intéressé par l’AIPN constituerait une règle de droit strict. Or, en l’espèce, l’AIPN, en la personne du directeur général de la DG « Ressources humaines et sécurité », a délégué à l’IDOC l’audition prévue par l’article 3 de l’annexe IX du statut, alors que celle-ci aurait dû être faite par l’AIPN elle-même. L’AIPN aurait donc ouvert la procédure disciplinaire la visant en violation dudit article 3 et sans lui avoir donné la possibilité d’être entendue par l’autorité chargée de la décision d’ouvrir une enquête disciplinaire, en l’occurrence l’AIPN.

74      À cet égard, la requérante relève que la délégation de compétence de l’AIPN à l’IDOC pour conduire l’audition prévue à l’article 3 de l’annexe IX du statut est considérée par la Commission comme « une pratique constante et établie », ainsi qu’il ressort de la lettre du 9 septembre 2015 confirmant le mandat confié à l’IDOC. Or, les pratiques administratives, tout comme les directives internes adoptées par les institutions de l’Union, ne sauraient déroger aux dispositions du statut. En outre, selon la requérante, la décision C(2013) 3288 final du 4 juin 2013 de la Commission, relative à l’exercice des pouvoirs dévolus par le statut à l’AIPN et par le régime applicable aux autres agents à l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après la « décision C(2013) 3288 »), ne permettrait pas au directeur général de la DG « Ressources humaines et sécurité » de déléguer ladite audition à l’IDOC. Par ailleurs, ladite délégation contredirait la jurisprudence selon laquelle l’IDOC et l’AIPN sont « deux organes séparés et autonomes », alors que l’IDOC aurait joué, dans cette affaire, le rôle de juge et de partie.

75      La requérante fait valoir que cette irrégularité ne peut pas être couverte par l’existence d’un compte rendu de l’audition ou par les auditions subséquentes. Le non-respect d’une telle formalité obligeant l’AIPN à auditionner elle-même l’intéressé, en tant qu’autorité chargée de la décision d’ouvrir une enquête disciplinaire, constituerait une violation des formes substantielles au sens de l’article 263 TFUE. Devant l’AIPN, elle aurait eu la possibilité d’influer sur le contenu de la décision quant à l’ouverture éventuelle d’une procédure disciplinaire et, notamment, de faire état des irrégularités commises par l’IDOC. Or, il n’y aurait eu aucun contact direct entre l’AIPN et elle. Dès lors, la tenue par l’IDOC de l’audition prévue à l’article 3 de l’annexe IX du statut contreviendrait au principe d’impartialité et à ses droits de la défense, de sorte que la décision attaquée subséquente serait illégale.

76      La Commission, quant à elle, réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du deuxième moyen.

77      À titre liminaire, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense, dont le droit d’être entendu fait partie intégrante, constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui s’applique à toute personne et doit être garanti dans toutes les procédures susceptibles d’aboutir à un acte faisant grief [voir arrêt du 22 novembre 2018, Brahma/Cour de justice de l’Union européenne, T‑603/16, EU:T:2018:820, point 156 (non publié) et jurisprudence citée].

78      Ce principe fondamental du respect des droits de la défense au cours d’une procédure précédant l’adoption d’un acte faisant grief est, par ailleurs, expressément consacré par la Charte. En effet, en particulier, l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte indique que le droit de toute personne de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions de l’Union comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise contre elle. Ni la Charte ni le traité de Lisbonne n’ont modifié la portée du principe imposant le respect des droits de la défense tel qu’énoncé antérieurement dans la jurisprudence de l’Union.

79      Conformément à la jurisprudence en matière de fonction publique de l’Union, le respect des droits de la défense, qui a pour corollaire le principe du contradictoire, exige que le fonctionnaire à l’égard duquel une institution de l’Union a entamé une procédure administrative ait été mis en mesure, au cours de cette procédure, de faire valoir utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, des circonstances alléguées et des documents que cette institution entend utiliser contre lui à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction aux dispositions du statut [voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2018, Brahma/Cour de justice de l’Union européenne, T‑603/16, EU:T:2018:820, points 158 et 159 (non publiés) et jurisprudence citée, et du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 97].

80      En l’espèce, la requérante estime que ses droits de la défense ont été violés en ce que, dans le cadre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, elle n’a pas été directement entendue par l’AIPN elle-même, mais par l’IDOC, alors que cette disposition exigerait, selon elle, qu’elle soit entendue par l’AIPN.

81      À cet égard, il résulte des dispositions de l’article 3 de l’annexe IX du statut et de l’article 4, paragraphe 4, des DGE de 2004, lesquelles ont été rappelées aux points 31 et 35 ci-dessus, que l’obligation d’entendre le fonctionnaire, prévue auxdites dispositions, vise à imposer à l’AIPN de recueillir les commentaires de l’intéressé sur l’ensemble des faits en cause avant d’adopter, sur la base du rapport d’enquête, une décision sur l’ouverture éventuelle d’une procédure disciplinaire. Cette obligation vise donc à permettre au fonctionnaire intéressé de s’exprimer pendant la phase de la procédure portant sur l’établissement des faits en vue de l’ouverture éventuelle d’une procédure disciplinaire (arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission, T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74, point 77).

82      Il convient de relever que les dispositions susmentionnées n’exigent pas que l’audition visée à l’article 3 de l’annexe IX du statut soit tenue devant l’AIPN. Il importe plutôt que l’intéressé puisse être mis en mesure de faire valoir utilement son point de vue sur l’établissement des faits effectué lors de l’enquête administrative.

83      En outre, l’article 5 des DGE de 2004, relatif à l’audition visée à l’article 3 de l’annexe IX du statut, prévoit :

« 1.      Le fonctionnaire entendu en application de l’article 3 de l’annexe IX du statut signe le compte rendu de son audition ou transmet ses commentaires et/ou remarques dans un délai de 15 jours [calendaires] à compter de la réception de celui-ci. En l’absence de toute réaction dans ce délai et hormis [les] cas de force majeure, le compte rendu est réputé approuvé.

2.      Si l’AIPN ou une personne mandatée par elle à cet effet doit avoir des entretiens avec certaines personnes à la suite de l’audition visée à l’article 3 de l’annexe IX du statut, le fonctionnaire intéressé reçoit, sur demande, une copie des comptes rendus signés des entretiens, à condition que les faits qui y sont mentionnés soient en relation directe avec les allégations préliminaires formulées à l’encontre du fonctionnaire. »

84      Il ressort de cette disposition que l’AIPN a la possibilité de mandater une personne, en l’occurrence l’IDOC, pour procéder à l’audition de certaines personnes, y compris de l’intéressé, en ce qui concerne l’audition visée à l’article 3 de l’annexe IX du statut. La personne chargée de cette audition agit donc au nom de l’AIPN.

85      À cet égard, il y a lieu de relever que, conformément à l’article 2 des DGE de 2004, dont les dispositions ont été rappelées au point 33 ci-dessus, l’IDOC a notamment pour mission d’effectuer les enquêtes administratives visant à établir les faits et de mener les procédures disciplinaires pour l’AIPN. C’est précisément dans le cadre de cette mission d’assistance à l’AIPN attribuée par les DGE de 2004 que l’IDOC est en mesure de recevoir également mandat de l’AIPN pour procéder, au nom et pour le compte de cette dernière, à l’audition prévue à l’article 3 de l’annexe IX du statut. L’IDOC peut ainsi être chargé par l’AIPN de procéder à ladite audition dans le cadre de l’instruction de l’affaire et de l’établissement des faits, mais il ne décide pas des suites à donner à la procédure sur laquelle il a enquêté. En effet, l’adoption de la décision sur l’ouverture éventuelle d’une procédure disciplinaire au titre dudit article 3 incombe exclusivement à l’AIPN.

86      En l’espèce, il convient de constater que l’AIPN s’est limitée à mandater l’IDOC pour procéder à l’audition prévue à l’article 3 de l’annexe IX du statut, mais que l’adoption proprement dite de la décision visée audit article 3 n’a fait l’objet d’aucune délégation. Cette décision a en effet été prise par l’AIPN.

87      De plus, contrairement à ce que prétend la requérante, aucune violation de la décision C(2013) 3288 n’a été commise en l’espèce, dès lors que la répartition des compétences au sein de la Commission a été respectée. En effet, la décision C(2013) 3288, telle que modifiée par la décision C(2014) 9864 du 16 décembre 2014, publiée aux Informations administratives no 47‑2014, du 17 décembre 2014, applicable en l’espèce, comprend, en annexe, un tableau dans lequel est précisée la composition de l’AIPN compétente en fonction de l’objet de l’acte dont il s’agit. Ainsi, il ressort du titre VI de ce tableau, intitulé « Discipline […] », que l’AIPN compétente pour l’audition préalable et l’engagement d’une procédure disciplinaire, au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, est, s’agissant des fonctionnaires des grades AST/SC 1 à AD 14, le directeur général de la DG « Ressources humaines et sécurité ». À cet égard, il ressort de la décision de ce dernier du 13 septembre 2013, relative à l’exercice des pouvoirs de l’AIPN et de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement, modifiée par sa décision du 18 décembre 2014, elle-même consécutive à la décision C(2014) 9864 du 16 décembre 2014 et publiée aux Informations administratives no 48‑2014, du 19 décembre 2014, procédant essentiellement à une répartition des compétences au sein de la DG « Ressources humaines et sécurité », que ce directeur général a sous-délégué au directeur de l’IDOC les pouvoirs qui lui avaient été délégués par la décision C(2013) 3288 en ce qui concerne l’audition préalable visée à l’article 3 de l’annexe IX du statut.

88      Par ailleurs, contrairement à ce que prétend la requérante, le fait que la jurisprudence a considéré que l’IDOC et l’AIPN étaient « deux organes séparés et autonomes » ne signifie pas que l’IDOC ne peut pas recevoir mandat de l’AIPN pour conduire l’audition visée à l’article 3 de l’annexe IX du statut. Il convient, en effet, de relever à cet égard que, ainsi que l’a souligné la Commission, cette jurisprudence se rapporte aux recommandations faites par l’IDOC à l’AIPN dans le rapport d’enquête qu’elle lui remet à la fin de l’enquête administrative, en application de l’article 4, paragraphe 5, des DGE de 2004.

89      En outre, il y a lieu de relever que le fait que l’audition en cause a été menée par l’IDOC ne signifie pas que la requérante n’a pas été mise en mesure de faire valoir utilement son point de vue auprès de l’AIPN sur la réalité et la pertinence des faits, des circonstances alléguées et des documents faisant l’objet du dossier disciplinaire la concernant et sur lequel l’AIPN était tenue de prendre une décision en vertu de l’article 3 de l’annexe IX du statut. En effet, ainsi qu’il ressort des pièces du dossier, la requérante, accompagnée de son conseil, a non seulement eu la possibilité de présenter des observations et de s’assurer de leur transcription correcte dans le compte rendu de l’audition en cause, conformément à l’article 5 des DGE de 2004, mais a aussi pu adresser des observations quant au compte rendu de son audition afin de faire connaître à l’AIPN sa position à ce sujet. De même, les comptes rendus d’audition des témoins entendus après la requérante lui ont été transmis afin de la mettre en mesure de communiquer ses éventuelles observations, ce qu’elle a précisément fait par lettre du 5 novembre 2015. Ainsi, il convient de constater que la requérante a pu faire connaître à l’AIPN ses observations sur l’ensemble des éléments du dossier avant que cette dernière ne statue en vertu de l’article 3 de l’annexe IX du statut.

90      La requérante a ainsi eu la possibilité de s’exprimer avant l’adoption, le 22 décembre 2015, de la décision d’ouvrir la procédure disciplinaire, conformément à l’article 3 de l’annexe IX du statut. Elle ne peut donc pas prétendre qu’elle ne pouvait pas faire valoir auprès de l’IDOC certains éléments, notamment les irrégularités de l’enquête, qu’elle aurait pu faire valoir devant l’AIPN. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, comme cela a été exposé au point 5 ci-dessus, par courriers des 12 août et 16 septembre 2015, la requérante a adressé à l’AIPN ses observations écrites en vue de son audition du 23 septembre 2015, dans lesquelles elle contestait notamment la délégation de pouvoirs de l’AIPN confiée à l’IDOC pour mener cette audition.

91      En tout état de cause, ainsi que l’a relevé la Commission, il convient de rappeler que, pour qu’une violation des droits de la défense entraîne l’annulation de la décision concernée, il est nécessaire que cette violation ait pu avoir une incidence sur le contenu de celle-ci (voir arrêt du 23 octobre 2012, Eklund/Commission, F‑57/11, EU:F:2012:145, point 99 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, la requérante ne démontre pas que, si elle avait été auditionnée directement par l’AIPN, elle aurait pu apporter d’autres éléments que ceux déjà portés à la connaissance de cette dernière et que, ainsi, le contenu de sa décision aurait pu être différent. Il s’ensuit que l’allégation de la requérante selon laquelle la décision, adoptée en vertu de l’article 3 de l’annexe IX du statut, aurait été différente si elle avait été entendue directement par l’AIPN est purement hypothétique et n’est fondée sur aucun élément de preuve.

92      Au demeurant, il convient de signaler que, ainsi qu’il ressort des points 50 à 59 de l’avis motivé du conseil de discipline, ce dernier partage la même analyse que celle exposée ci-dessus.

93      Il résulte des considérations qui précèdent que le déroulement de la procédure administrative ne révèle aucun élément ayant été de nature à porter atteinte aux droits de la défense de la requérante en ce que, dans le cadre de l’article 3 de l’annexe IX du statut, elle n’a pas été directement entendue par l’AIPN elle-même, mais par l’IDOC. Cette disposition n’a, par ailleurs, pas été violée.

94      En conséquence, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen soulevé par la requérante.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité des armes lors de l’audition visée à l’article 22 de l’annexe IX du statut

95      La requérante fait valoir que, lors de son audition du 2 mai 2017 devant l’AIPN au titre de l’article 22 de l’annexe IX du statut, deux membres de l’IDOC, dont l’un avait représenté ce dernier devant le conseil de discipline, étaient présents avant, pendant et après cette audition aux côtés de l’AIPN tripartite. Elle soutient que le fait que l’AIPN tripartite puisse préparer l’audition aux côtés de l’IDOC avant que celle-ci ne se tienne, puis délibérer après l’audition et le départ de la personne faisant l’objet de la procédure disciplinaire et de ses conseils, constitue une atteinte au principe d’égalité des armes garanti à l’article 47 de la Charte. Cette omniprésence de l’IDOC ne serait pas équitable et mettrait en évidence une influence déterminante quant à l’appréciation des faits par l’administration et, partant, sur le contenu de la décision attaquée. La requérante considère également que l’IDOC n’avait aucune délégation de compétence pour pouvoir assister aux délibérations de l’AIPN.

96      À cet égard, la requérante relève que, selon la jurisprudence, l’AIPN et l’IDOC sont deux organes séparés et autonomes. Or, en l’espèce, l’IDOC n’aurait cessé de jouer le rôle de juge et de partie. En effet, l’IDOC aurait mené seul une enquête à charge conduite de manière irrégulière, décidé seul ou insufflé seul à l’AIPN l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure disciplinaire, tenté en vain d’obtenir un avis du conseil de discipline en faveur d’une sanction et participé à l’audition avec l’AIPN tripartite pour obtenir une décision contraire à l’avis motivé du conseil de discipline.

97      Par ailleurs, la requérante fait valoir que le refus de lui communiquer le procès-verbal de l’audition du 2 mai 2017 concernant les échanges entre, d’une part, l’AIPN et elle et, d’autre part, l’IDOC et l’AIPN est illégal. Elle soutient que, selon la jurisprudence, l’AIPN était tenue d’établir un tel procès-verbal, puisque la décision attaquée se fonde sur les échanges ayant eu lieu pendant ladite audition.

98      La Commission, quant à elle, réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du troisième moyen.

99      Par le troisième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la présence des membres de l’IDOC, aux côtés de l’AIPN tripartite, pendant et après son audition du 2 mai 2017, visée à l’article 22 de l’annexe IX du statut, voire lors des délibérations de cette dernière, constitue une atteinte au principe d’égalité des armes.

100    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 22 de l’annexe IX du statut prévoit :

« 1.      Après avoir entendu le fonctionnaire, l’[AIPN] prend sa décision conformément aux articles 9 et 10 de la présente annexe, dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du conseil [de discipline]. Cette décision doit être motivée.

2.      Si l’[AIPN] décide de classer l’affaire sans prononcer de sanction disciplinaire, elle en informe le fonctionnaire concerné par écrit et sans délai. Le fonctionnaire concerné peut demander que cette décision figure dans son dossier individuel. »

101    Il convient également de rappeler que le principe d’égalité des armes découle dans le droit de l’Union de l’article 47 de la Charte et assure la protection conférée par l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

102    Selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité des armes, qui est un corollaire de la notion même de procès équitable et a pour but d’assurer l’équilibre entre les parties à la procédure, implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire. Ce principe a pour but d’assurer l’équilibre procédural entre les parties à une procédure judiciaire, en garantissant l’égalité des droits et des obligations de ces parties en ce qui concerne, notamment, les règles régissant l’administration des preuves et le débat contradictoire devant le juge (voir arrêt du 28 juillet 2016, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., C‑543/14, EU:C:2016:605, points 40 et 41 et jurisprudence citée).

103    Toutefois, il y a lieu de relever que, selon une jurisprudence tout aussi constante, la procédure devant la Commission n’étant pas judiciaire, mais administrative, la Commission ne saurait être qualifiée de « tribunal » au sens de l’article 6 de la CEDH. Dès lors, le respect des caractéristiques que cet article impose à un « tribunal » ne saurait être exigé de la Commission lorsque, dans le cadre d’une procédure disciplinaire, elle procède à l’audition du fonctionnaire en cause. Partant, le droit à un procès équitable, tel que celui visé par cette disposition, ne saurait être invoqué dans le cadre d’une telle procédure (voir, en ce sens, ordonnance du 16 juillet 1998, N/Commission, C‑252/97 P, EU:C:1998:385, point 52 ; arrêts du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T‑74/96, EU:T:1998:58, point 339, et du 11 mai 2010, Nanopoulos/Commission, F‑30/08, EU:F:2010:43, point 187). Conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, le même constat s’impose concernant l’invocabilité de l’article 47 de la Charte à l’encontre de l’AIPN dans le cadre d’une procédure disciplinaire, puisque cet article ne fait que transposer ledit article 6 dans le droit de l’Union.

104    La procédure disciplinaire ne s’apparente pas à une procédure judiciaire qui, lors de l’audition par l’AIPN tripartite visée à l’article 22 de l’annexe IX du statut, opposerait l’IDOC d’une part et le fonctionnaire concerné d’autre part et dans le cadre de laquelle le principe d’égalité des armes pourrait être invoqué. La procédure disciplinaire est une procédure administrative destinée à permettre à l’autorité compétente d’adopter, le cas échéant, une sanction appropriée à l’égard d’un fonctionnaire ayant enfreint ses obligations statutaires. C’est dans ce cadre que l’IDOC est chargé d’assister l’AIPN afin de lui permettre de statuer.

105    Dans ces conditions, le moyen de la requérante tiré de la violation, lors de la procédure disciplinaire, du principe d’égalité des armes, tel que résultant des dispositions de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH et de l’article 47 de la Charte, doit être considéré comme étant inopérant, l’AIPN tripartite ne constituant pas un « tribunal » au sens de ces dispositions.

106    En tout état de cause, il convient de relever que la requérante n’a nullement démontré son allégation selon laquelle l’IDOC avait joué un rôle déterminant, voire décisif, en ce qui concerne l’adoption de la décision attaquée par l’AIPN.

107    Par ailleurs, s’agissant du grief de la requérante selon lequel l’IDOC n’avait aucune délégation de compétence pour pouvoir assister aux délibérations de l’AIPN, il convient de préciser que, ainsi que l’a rappelé la Commission, la présence des membres de l’IDOC pendant et après l’audition de la requérante du 2 mai 2017 aux côtés de l’AIPN tripartite, voire lors des délibérations de cette dernière, découle des besoins du service. En effet, lors de l’audition visée à l’article 22 de l’annexe IX du statut, l’IDOC se limite à assurer le secrétariat de l’AIPN tripartite et doit, dès lors, avoir connaissance des considérations de l’AIPN à l’issue de l’audition et des éléments d’appréciation qui motiveront sa décision finale. À cet égard, le rôle de l’IDOC est d’assister l’AIPN afin de lui permettre de statuer de la manière la plus éclairée possible, ce que l’IDOC a précisément fait en l’espèce, conformément à sa mission. Le rôle de l’IDOC ne saurait en aucun cas être considéré comme décisionnel à cet égard.

108    Enfin, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la jurisprudence imposerait à l’AIPN tripartite d’établir un procès-verbal de l’audition visée à l’article 22 de l’annexe IX du statut, il y a également lieu d’écarter cette allégation.

109    À cet égard, il ressort du point 305 de l’arrêt du 5 décembre 2012, Z/Cour de justice (F‑88/09 et F‑48/10, EU:F:2012:171), invoqué par la requérante, que l’administration est tenue d’établir un procès-verbal d’une audition dans les trois hypothèses suivantes : premièrement, une norme lui en fait obligation, deuxièmement, l’administration entend se fonder sur les échanges ayant eu lieu pendant ladite audition ou encore, troisièmement, la personne en cause en fait la demande au plus tard au début de l’audition.

110    Or, le cas d’espèce de la requérante ne rentre dans aucune de ces hypothèses envisagées par cet arrêt. En effet, premièrement, aucune disposition du statut ou des DGE de 2004 ne prévoit l’établissement d’un procès-verbal en ce qui concerne l’audition visée à l’article 22 de l’annexe IX du statut. Deuxièmement, la requérante n’a pas demandé avant son audition qu’un procès-verbal soit dressé et une telle demande ne figurait pas non plus dans la note du 28 avril 2017 adressée à l’AIPN tripartite, mentionnée au point 10 ci-dessus. Troisièmement, la décision attaquée ne se fonde que sur des faits établis au cours de la procédure disciplinaire, cette audition ayant eu pour seul objet de permettre à l’intéressée de présenter ses moyens de défense, et non de lui signifier des charges nouvelles, de sorte que ladite audition n’a fait surgir aucun fait nouveau ni aucune circonstance aggravante ou atténuante que l’AIPN a pris en compte dans sa décision.

111    En tout état de cause, il convient de constater que la requérante n’a nullement démontré son allégation selon laquelle l’absence d’un procès-verbal d’audition avait porté atteinte à ses droits de la défense et était de nature à affecter la validité de la décision attaquée.

112    En conséquence, il y a lieu de rejeter le troisième moyen soulevé par la requérante.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de proportionnalité, d’une erreur de fait et d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne la sanction disciplinaire de blâme infligée

113    La requérante soutient que la sanction disciplinaire de blâme infligée dans la décision attaquée n’est ni nécessaire ni proportionnée. Cette sanction violerait le principe de proportionnalité visé à l’article 10 de l’annexe IX du statut.

114    À cet égard, la requérante soulève une erreur de fait. Elle fait valoir que la réalité des faits retenus contre elle dans la décision attaquée n’est pas établie.

115    Ainsi, premièrement, il ne ressortirait nullement du dossier qu’elle ait eu, à plusieurs reprises, une attitude hostile envers son chef d’unité adjoint, Mme B. Au contraire, le dossier contiendrait des preuves de l’hostilité de cette dernière à son égard, ainsi que cela résulterait des témoignages à décharge de certains membres de son unité.

116    Deuxièmement, les deux courriels du 3 avril 2013 en cause dans la décision attaquée ne contiendraient aucune critique ou formule diffamatoire envers le chef d’unité adjoint, Mme B., mais se borneraient à relever des erreurs afin de les corriger et d’éviter tout inconvénient. Il serait, en outre, inexact d’affirmer dans cette décision qu’elle aurait exercé des pressions sur un membre de l’unité « Bureau des stages » pour l’envoi de ces courriels, étant donné que cet envoi relevait des tâches de secrétariat de ce membre de l’unité. Dès lors, le procédé de l’envoi desdits courriels par l’intermédiaire d’une collaboratrice, et non directement depuis sa messagerie, ne saurait justifier, à lui seul, la sanction de blâme infligée.

117    Troisièmement, contrairement à ce qui est énoncé au point 15 de la décision attaquée, les propos qu’elle aurait tenus au cours de la réunion d’unité du 22 avril 2013 auraient bien été rapportés par des membres de son unité qui se seraient concertés au préalable. Cette concertation des témoins serait absolument vraisemblable en raison des difficultés relationnelles avérées au sein de cette unité. Dès lors, eu égard à sa contestation de ces propos et à la concertation des témoins les ayant relatés, l’AIPN ne pourrait conclure que ceux-ci seraient suffisamment établis et, partant, constitutifs d’un comportement contraire à la dignité de la fonction au sens de l’article 12 du statut.

118    Quatrièmement, l’authenticité de la déclaration contestée « Toi et les tiens, tu te tais », que la requérante aurait formulée au cours de la réunion d’unité du 22 avril 2013, n’aurait pas été établie. En effet, aucun des témoins ayant rapporté cette déclaration lors de leurs auditions ne s’accorderait sur son contenu exact. De plus, hormis ces témoins, lesquels feraient tous partie des plaignants ayant déclenché l’enquête initiale la visant, aucun autre membre de l’unité présent à cette réunion n’aurait confirmé ladite déclaration. En tout état de cause, à supposer même qu’une telle déclaration fût établie, celle-ci ne permettrait pas de démontrer l’existence d’un comportement abusif au sens de l’article 12 du statut, justifiant une sanction disciplinaire. À cet égard, le fait de qualifier une simple invective de violence verbale manquerait de proportionnalité.

119    Par ailleurs, la requérante fait également valoir que la décision attaquée a négligé de prendre en compte certaines circonstances atténuantes ou certains éléments à décharge, ce qui s’analyserait en une erreur manifeste d’appréciation de l’AIPN. Ainsi, le doute raisonnable aurait dû être retenu pour la déclaration contestée « Toi et les tiens, tu te tais » et le bien-fondé de l’envoi des deux courriels litigieux. De même, dans le cadre de l’appréciation du critère relatif à « la nature de la faute et des circonstances dans lesquelles elle a été commise », visé à l’article 10 de l’annexe IX du statut, l’AIPN aurait dû notamment prendre en considération la situation de conflit entre deux camps au sein de son unité et le fait que ce conflit fût également attribuable au comportement du chef d’unité adjoint, Mme B. D’autres éléments prévus à l’article 10 de l’annexe IX du statut, tels que la conduite du fonctionnaire tout au long de sa carrière, son ancienneté ou encore le niveau de ses responsabilités ainsi que l’évaluation externe de ses compétences managériales, n’auraient pas non plus été pris en compte par l’AIPN.

120    Enfin, s’agissant du critère relatif au degré d’intentionnalité ou de négligence dans la faute commise, visé à l’article 10 de l’annexe IX du statut, la requérante soutient qu’il ressort des considérations évoquées ci-dessus que l’AIPN ne pouvait pas conclure à l’existence d’un comportement délibérément contraire à la dignité de ses fonctions de sa part. Il s’agirait d’un pur procès d’intention ne s’appuyant sur aucun élément concret. La requérante en conclut que la sanction de blâme infligée est disproportionnée au regard du comportement reproché, de sorte que l’AIPN a commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard.

121    La Commission, quant à elle, réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet du quatrième moyen.

122    À titre liminaire, il convient de rappeler que la légalité de toute sanction disciplinaire présuppose que la réalité des faits reprochés à l’intéressé soit établie (voir arrêt du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, point 90 et jurisprudence citée).

123    Selon l’article 10 de l’annexe IX du statut, « [l]a sanction disciplinaire infligée est proportionnelle à la gravité de la faute commise ». Sont énumérés de manière non exhaustive audit article, sous a) à i), les critères dont l’AIPN doit tenir compte pour déterminer la gravité de la faute et décider de la sanction à infliger.

124    S’agissant de l’évaluation de la gravité des manquements constatés par le conseil de discipline à la charge du fonctionnaire et du choix de la sanction qui apparaît, au vu de ces manquements, comme étant la plus appropriée, ceux‑ci relèvent en principe du large pouvoir d’appréciation de l’AIPN, à moins que la sanction infligée ne soit disproportionnée par rapport aux faits révélés. Ainsi, selon une jurisprudence bien établie, l’AIPN dispose du pouvoir de procéder à une appréciation de la responsabilité du fonctionnaire, différente de celle portée par le conseil de discipline, ainsi que de choisir, par suite, la sanction disciplinaire qu’elle estime adéquate pour sanctionner les fautes disciplinaires retenues (voir arrêt du 11 avril 2016, FU/Commission, F‑49/15, EU:F:2016:72, point 121 et jurisprudence citée).

125    Une fois la matérialité des faits établie, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont jouit l’AIPN en matière disciplinaire, le contrôle juridictionnel doit se limiter à une vérification de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 180 et jurisprudence citée).

126    Pour apprécier la proportionnalité d’une sanction disciplinaire par rapport à la gravité des faits retenus, le Tribunal doit prendre en considération le fait que la détermination de la sanction est fondée sur une évaluation globale par l’AIPN de tous les faits concrets et de toutes les circonstances propres à chaque cas d’espèce, étant rappelé que le statut ne prévoit pas de rapport fixe entre les sanctions qui y sont indiquées et les différentes catégories de manquements commis par les fonctionnaires et ne précise pas dans quelle mesure l’existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction. L’examen du juge de première instance est, dès lors, limité à la question de savoir si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l’AIPN a été effectuée de façon proportionnée, étant précisé que, lors de cet examen, le juge ne saurait se substituer à l’AIPN quant aux jugements de valeur portés à cet égard par celle‑ci (voir arrêt du 19 novembre 2014, EH/Commission, F‑42/14, EU:F:2014:250, point 93 et jurisprudence citée).

127    C’est sur la base des éléments exposés aux points 122 à 126 ci-dessus qu’il y a lieu d’apprécier les arguments avancés par la requérante concernant une prétendue violation du principe de proportionnalité.

128    En l’espèce, d’abord, la requérante conteste la matérialité de certains faits qui auraient été retenus contre elle dans la décision attaquée. Ces faits et la contestation de leur réalité ont été développés aux points 115 à 118 ci-dessus.

129    En particulier, premièrement, s’agissant de son attitude hostile à plusieurs reprises envers son chef d’unité adjoint, Mme B., il y a lieu de relever que, bien que ce fait ait été mentionné au point 12 de la décision attaquée, l’AIPN a considéré, au point 24 de cette décision, que celui-ci ne suffisait pas à conclure à l’existence d’un harcèlement moral au titre de l’article 12 bis du statut. De même, ce fait n’a finalement pas été retenu par l’AIPN afin de justifier la sanction de blâme infligée à la requérante pour violation de l’article 12 du statut, l’AIPN s’étant fondée sur deux autres faits isolés pour imposer cette sanction. Il s’ensuit que, étant donné que l’AIPN ne s’est pas appuyée dans la décision attaquée sur ladite attitude de la requérante pour fonder sa sanction, l’examen de la matérialité du fait susmentionné ne doit pas être effectué, celui-ci étant sans incidence sur la décision attaquée. Partant, ce premier grief invoqué par la requérante doit être écarté comme étant inopérant.

130    En tout état de cause, au regard des éléments du dossier, il y a lieu de considérer que l’AIPN a, à juste titre, constaté que la requérante avait eu une attitude hostile à plusieurs reprises envers son chef d’unité adjoint. En effet, il résulte de plusieurs pièces du dossier, notamment du point 235 de l’avis du conseil de discipline, que la requérante a fait preuve, envers son chef d’unité adjoint, d’une attitude hostile ou, à tout le moins, d’une « forte inimitié », certes réciproque, qui a développé une situation de conflit entre deux camps opposés au sein de l’unité et suscité des difficultés importantes dans les relations de travail. À cet égard, il convient également de constater que les témoignages à décharge de certains membres de l’unité concernée n’ont pas été négligés, ceux-ci figurant dans le dossier. Partant, le premier grief invoqué par la requérante doit également et en tout état de cause être écarté comme étant non fondé.

131    Deuxièmement, s’agissant du caractère critique des deux courriels du 3 avril 2013 en cause dans la décision attaquée et des pressions exercées sur un membre de l’unité pour leur envoi, il convient de relever qu’il résulte suffisamment des pièces du dossier, et tout particulièrement des explications fournies par la collaboratrice ayant envoyé ces courriels, que la requérante a exercé des pressions sur elle pour effectuer cet envoi. Comme le souligne la Commission, ce procédé a fait apparaître une volonté de la requérante d’émettre une critique à l’encontre de son chef d’unité adjoint sans en assumer la responsabilité. Il s’ensuit que l’AIPN a, à juste titre, constaté, dans la décision attaquée, la réalité desdites pressions exercées par la requérante. La matérialité de ces faits a, par ailleurs, été tenue pour établie par le conseil de discipline, aux points 279 à 286 de son avis. Partant, ce deuxième grief invoqué par la requérante doit également être écarté.

132    Troisièmement, s’agissant de l’hypothèse de la requérante d’une concertation des témoins ayant relaté des propos qu’elle aurait tenus au cours de la réunion d’unité du 22 avril 2013, il convient de constater que, à cet égard, la requérante n’a apporté aucun élément valable de nature à remettre en cause la conclusion, au point 15 de la décision attaquée, selon laquelle cette hypothèse n’avait jamais été vérifiée. Partant, ce troisième grief soulevé par la requérante doit être rejeté.

133    Quatrièmement, s’agissant de l’authenticité de la déclaration contestée « Toi et les tiens, tu te tais », que la requérante aurait formulée au cours de la réunion d’unité du 22 avril 2013, il y a lieu, au regard des éléments du dossier, de considérer que l’AIPN a, à juste titre, constaté la matérialité de cette déclaration. En effet, ladite déclaration a non seulement été évoquée par plusieurs témoins, mais elle n’a en outre été démentie par aucun des témoins entendus, ni même par ceux ayant apporté un témoignage à décharge de la requérante. Indépendamment des termes précis utilisés, l’authenticité d’une telle déclaration a indubitablement été établie à suffisance de droit par l’AIPN dans la décision attaquée. La réalité de cette déclaration a, par ailleurs, été tenue pour établie par le conseil de discipline, aux points 287 à 291 de son avis. Partant, ce quatrième grief invoqué par la requérante doit également être écarté. Il s’ensuit que l’erreur de fait soulevée par la requérante doit être rejetée.

134    Ensuite, la requérante reproche à l’AIPN d’avoir négligé de prendre en compte, dans la décision attaquée, certaines circonstances atténuantes ou certains éléments à décharge. Il convient donc de les examiner.

135    S’agissant, en premier lieu, du grief tiré de ce que l’AIPN n’aurait pas pris en considération le doute raisonnable pour la déclaration contestée « Toi et les tiens, tu te tais » ni le bien-fondé de l’action en ce qui concerne l’envoi des deux courriels litigieux, il suffit de relever que la requérante ne précise pas davantage ses allégations à cet égard. Ce grief, simplement énoncé et qui n’est étayé d’aucune argumentation, doit donc être rejeté. En tout état de cause, ainsi qu’il ressort du point 133 ci-dessus, les éléments du dossier ne remettent pas en cause la matérialité de ladite déclaration. De même, les raisons invoquées par la requérante pour expliquer l’envoi des deux courriels litigieux ne saurait nullement justifier le caractère inapproprié et délibéré de ces courriels ainsi que des pressions exercées à cet égard. Partant, ce premier grief doit être rejeté.

136    S’agissant, en deuxième lieu, du grief tiré de ce que l’AIPN n’aurait pas pris en considération, dans le cadre de l’appréciation du critère relatif à « la nature de la faute et des circonstances dans lesquelles elle a[vait] été commise », visé à l’article 10 de l’annexe IX du statut, la situation de conflit entre deux camps au sein de l’unité de la requérante et le fait que ce conflit ait été également attribuable au comportement du chef d’unité adjoint, Mme B., il convient d’observer que, au point 30 de la décision attaquée, l’AIPN a tenu compte, dans le cadre dudit critère, de l’existence d’une relation conflictuelle mutuelle entre la requérante et son chef d’unité adjoint. Néanmoins, l’AIPN a estimé, en accord avec le conseil de discipline, que les deux incidents en cause, ayant fondé la sanction infligée, ne correspondaient pas à ce qui était attendu d’un membre du personnel d’encadrement et constituaient une atteinte à la dignité de la fonction. L’erreur manifeste d’appréciation n’est donc pas établie et, partant, ce deuxième grief doit être écarté.

137    S’agissant, en troisième lieu, du grief tiré de ce que l’AIPN n’aurait pas pris en compte d’autres éléments prévus à l’article 10 de l’annexe IX du statut, tels que la conduite du fonctionnaire tout au long de sa carrière, son ancienneté ou encore le niveau de ses responsabilités, il suffit de relever que la requérante ne précise pas davantage ses allégations à cet égard et que, par conséquent, ce grief doit être rejeté, car simplement énoncé, mais nullement étayé. Néanmoins, il ressort clairement des points 34, 36 et 37 de la décision attaquée que l’AIPN a pris explicitement en considération tous les éléments susmentionnés ainsi que d’autres critères visés à l’article 10 de l’annexe IX du statut. L’erreur manifeste d’appréciation n’est donc pas non plus établie et, partant, ce troisième grief doit être rejeté.

138    S’agissant, en quatrième lieu, du grief tiré de ce que l’AIPN n’aurait pas pris en compte l’évaluation externe des compétences managériales de la requérante, il convient de relever que, pour décider de la sanction disciplinaire à infliger, l’AIPN n’était pas tenue de prendre en considération, en tant que telles, ces compétences comme circonstances atténuantes. Lesdites compétences recoupent en effet d’autres critères visés à l’article 10 de l’annexe IX du statut, tels que le grade et l’ancienneté du fonctionnaire ou encore le niveau de ses fonctions et de ses responsabilités, ce que l’AIPN a précisément pris en considération dans la décision attaquée. L’erreur manifeste d’appréciation n’est donc pas établie et, partant, ce quatrième grief doit être rejeté.

139    S’agissant, en cinquième lieu, du grief tiré de ce que, compte tenu des circonstances de l’espèce, l’AIPN ne pouvait pas, dans le cadre du critère relatif au degré d’intentionnalité ou de négligence dans la faute commise, visé à l’article 10 de l’annexe IX du statut, conclure à l’existence d’un comportement délibérément contraire à la dignité de ses fonctions de la part de la requérante, il convient de relever, ainsi qu’il ressort des points 131 et 133 ci-dessus, qu’il a été établi à suffisance de droit que la requérante avait précisément accompli les faits reprochés de manière délibérée. Il en résulte donc que l’AIPN n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation à cet égard et, partant, ce cinquième grief doit également être rejeté.

140    Il s’ensuit qu’aucun élément ne permet de conclure que la sanction infligée est disproportionnée au regard du comportement reproché.

141    Il ressort ainsi de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’AIPN n’a pas commis d’erreur de fait ni d’erreur manifeste d’appréciation et que la décision attaquée ne viole aucunement le principe de proportionnalité visé à l’article 10 de l’annexe IX du statut.

142    En conséquence, le quatrième moyen soulevé par la requérante doit être rejeté et, partant, les conclusions en annulation dans leur intégralité.

 Sur les conclusions indemnitaires

143    La requérante demande au Tribunal de condamner la Commission au paiement d’une somme symbolique de un euro en réparation du préjudice moral qu’elle estime avoir subi.

144    À cet égard, la requérante soutient que, eu égard aux irrégularités graves et multiples ayant marqué cette affaire, la simple annulation de la décision attaquée ne saurait suffire à réparer son préjudice moral. Elle considère avoir subi un préjudice moral détachable du comportement de la Commission, ayant eu l’intention de lui nuire et de la blesser depuis le début de la procédure disciplinaire. Cette situation lui aurait infligé des injustices, une atteinte à sa réputation et à son moral, des ennuis de santé, une invalidité et une fin de carrière déshonorante, contrairement à l’impunité des agissements de la Commission. La requérante en conclut que toutes ces circonstances lui ont causé un préjudice moral qu’elle évalue symboliquement à un euro, dès lors qu’aucune indemnisation financière ne pourra calmer le mal infligé.

145    La Commission, quant à elle, réfute les arguments de la requérante et conclut au rejet de la demande indemnitaire.

146    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante en matière de fonction publique, si une demande en indemnité présente un lien étroit avec une demande en annulation, le rejet de cette dernière, soit comme irrecevable, soit comme non fondée, entraîne également le rejet de la demande indemnitaire (voir arrêts du 30 septembre 2003, Martínez Valls/Parlement, T‑214/02, EU:T:2003:254, point 43 et jurisprudence citée, et du 28 février 2018, Paulini/BCE, T‑764/16, non publié, EU:T:2018:101, point 86).

147    En l’espèce, les conclusions en indemnité présentent un tel lien avec les conclusions en annulation.

148    Les conclusions en annulation ayant été rejetées, les conclusions en indemnité doivent l’être également.

149    Il découle de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

150    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Mme Belén Bernaldo de Quirós est condamnée aux dépens.

Prek

Schalin

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 juin 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

H. Kanninen


*      Langue de procédure : le français.