DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

15 septembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale Le-Vel – Marque nationale verbale antérieure LEVEL – Motif relatif de refus – Absence de risque de confusion – Absence de similitude des produits et des services – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] »

Dans l’affaire T‑331/20,

Laboratorios Ern, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Me S. Correa Rodríguez, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. M. Vuijst et D. Gája, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Le-Vel Brands, LLC, établie à Frisco, Texas (États-Unis),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 20 mars 2020 (affaire R 2113/2019‑4), relative à une procédure d’opposition entre Laboratorios Ern et Le-Vel Brands,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, V. Kreuschitz et G. De Baere (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 mai 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 10 novembre 2020,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 16 mars 2016, Le-Vel Brands, LLC, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Le-Vel.

3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé, relèvent, notamment, des classes 3 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour polir, dégraisser et abraser ; parfumerie ; aromates pour boissons [huiles essentielles] ; arômes alimentaires à base d’huiles essentielles ; parfums à usage personnel ; huiles parfumées pour la fabrication de produits cosmétiques » ;

–        classe 35 : « Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau ; services d’un magasin de vente au détail et de vente au détail en ligne liés à la vente de préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver, préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions capillaires, dentifrices, préparations d’aromathérapie, huiles essentielles pour l’aromathérapie, huiles essentielles pour calmer les nerfs, arômes pour boissons [huiles essentielles], arômes alimentaires à base d’huiles essentielles, huiles naturelles à usage cosmétique ; services d’un magasin de vente au détail et de vente au détail en ligne liés à la vente d’huiles parfumées dégageant des arômes lorsqu’elles sont chauffées, huiles pour la parfumerie pour la fabrication de produits cosmétiques, crèmes d’aromathérapie, lotions d’aromathérapie, produits cosmétiques pour le soin de la bouche et des dents, produits pour rafraîchir l’haleine, non à usage médical, sprays buccaux, non à usage médical, bandelettes rafraîchissantes pour l’haleine, sprays corporels [non médicinaux], fragrances à usage personnel, lotions et crèmes parfumées pour le corps, cosmétiques de soins de beauté ; services d’un magasin de vente au détail et de vente au détail en ligne liés à la vente de produits cosmétiques de soins de beauté, cosmétiques à utiliser sur la peau, produits cosmétiques pour le soin des ongles, produits exfoliants pour les pieds, préparations et traitements capillaires, produits lavants à usage personnel, préparations au collagène pour application cosmétique, sérums à usage cosmétique ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques de l’Union européenne no 91/2016, du 19 mai 2016.

5        Le 17 août 2016, la requérante, Laboratorios Ern, SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 [devenus article 46 et article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], à l’enregistrement de la marque demandée pour l’ensemble des produits et des services visés par la demande d’enregistrement.

6        L’opposition était fondée sur la marque espagnole verbale LEVEL, déposée le 4 octobre 2013 et enregistrée le 27 mars 2014 sous le numéro 03092831, désignant les produits relevant de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice et correspondant à la description suivante : « Produits pharmaceutiques, préparations vétérinaires ; produits hygiéniques pour la médecine ; aliments et substances diététiques à usage médical ou vétérinaire, aliments pour bébés ; compléments alimentaires pour êtres humains et animaux ; emplâtres, matériel pour pansements ; matières pour plomber les dents et pour empreintes dentaires ; produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides ».

7        Par décision du 24 juillet 2019, la division d’opposition a accueilli l’opposition pour une partie des produits et des services pour lesquels l’enregistrement était demandé et a rejeté l’opposition pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus.

8        Le 20 septembre 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 60 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition en ce qu’elle avait rejeté l’opposition.

9        Par décision du 20 mars 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours, considérant que c’était à juste titre que la division d’opposition avait rejeté l’opposition pour les produits et services visés au point 3 ci-dessus. À cette fin, elle a relevé que les produits et services concernés étaient différents de sorte qu’il ne pouvait exister un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, quel que soit le degré de similitude des signes.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et refuser l’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

12      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 16 mars 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 [voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12 ; du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C‑714/18 P, EU:C:2020:573, point 2 et jurisprudence citée, et du 24 mars 2021, Novomatic/EUIPO – adp Gauselmann (Power Stars), T‑588/19, non publié, EU:T:2021:157, point 20]. Par suite, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 faites par la requérante dans ses écritures comme visant la disposition d’une teneur identique du règlement no 207/2009, à savoir l’article 8, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

13      À l’appui du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

14      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. En vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement 2017/1001], il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans un État membre dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

15      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée ; arrêts du 15 mars 2018, Marriott Worldwide/EUIPO – Graf (Représentation d’un taureau ailé), T‑151/17, non publié, EU:T:2018:144, point 30, et du 24 février 2021, Sonova/EUIPO – Digitmarket (B-Direct), T‑61/20, non publié, EU:T:2021:101, point 30].

16      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée ; arrêt du 24 février 2021, B-Direct, T‑61/20, non publié, EU:T:2021:101, point 31].

17      Il convient de relever que la requérante conteste les conclusions de la chambre de recours relatives, d’une part, à l’absence de similitude entre les produits et services en cause et, d’autre part, à l’absence de risque de confusion.

 Sur la comparaison des produits et des services

18      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée ; arrêts du 4 octobre 2018, Frinsa del Noroeste/EUIPO – Alimentos Friorizados (Alfrisa), T‑820/17, non publié, EU:T:2018:647, point 33, et du 24 février 2021, B-Direct, T‑61/20, non publié, EU:T:2021:101, point 38].

19      Les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [arrêts du 22 janvier 2009, easyHotel, T‑316/07, EU:T:2009:14, point 57 ; du 14 septembre 2011, Olive Line International/OHMI – Knopf (O-live), T‑485/07, non publié, EU:T:2011:467, point 72, et du 12 mars 2020, Sumol + Compal Marcas/EUIPO – Heretat Mont-Rubi (SUM011), T‑296/19, non publié, EU:T:2020:93, point 41].

20      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient de vérifier si c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que les produits et les services en cause étaient différents.

 S’agissant des produits relevant de la classe 3 visés par la marque demandée

–       Sur la « parfumerie », les « parfums à usage personnel » et les « huiles parfumées pour la fabrication de cosmétiques »

21      Au point 15 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que la « parfumerie », les « parfums à usage personnel » et les « huiles parfumées pour la fabrication de cosmétiques » compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée étaient différents des produits pharmaceutiques et hygiéniques compris dans la classe 5 et visés par la marque antérieure. Elle a observé que les premiers avaient pour objet d’imprégner le corps d’une odeur agréable, tandis que les seconds étaient destinés au traitement médical ou aux soins de santé. Elle a ajouté que ces produits empruntaient des canaux de distribution différents, à savoir, pour les premiers, des drogueries ou des supermarchés et, pour les seconds, des pharmacies. Par ailleurs, lesdits produits ne provenaient pas des mêmes producteurs, ne s’adressaient pas aux mêmes consommateurs finaux et n’étaient ni concurrents ni complémentaires.

22      La requérante fait valoir, tout d’abord, que la « parfumerie », les « parfums à usage personnel » et les « huiles parfumées pour la fabrication de cosmétiques » visés par la marque demandée n’ont pas pour unique finalité d’apporter une odeur agréable aux consommateurs. De nombreux parfums et huiles parfumées seraient utilisés comme solution de médecine douce pour traiter, par exemple, l’insomnie, l’anxiété et les maux de tête. Ensuite, certains parfums ou certaines huiles parfumées qui protègent la peau seraient vendus uniquement en pharmacie, ainsi que le démontrerait le document figurant dans l’annexe no 8 de la requête. Enfin, lesdits produits et les produits pharmaceutiques compris dans la classe 5 et visés par la marque antérieure pourraient être fabriqués par les mêmes entreprises. À cet égard, il serait établi que les entreprises spécialisées dans la protection et le soin du corps fabriquent tant des produits médicaux que non médicaux.

23      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

24      En premier lieu, s’agissant de la destination des produits, c’est à juste titre que la chambre de recours a relevé que la « parfumerie », les « parfums à usage personnel » et les « huiles parfumées pour la fabrication de cosmétiques » avaient une destination différente de celle des produits pharmaceutiques et hygiéniques relevant de la classe 5 et visés par la marque antérieure.

25      En effet, contrairement aux produits pharmaceutiques et hygiéniques qui sont destinés au traitement médical ou aux soins de santé, les produits de « parfumerie » visés par la marque demandée sont des produits de beauté et d’hygiène corporelle. Ils sont généralement utilisés pour prendre soin du corps humain et l’embellir en lui donnant une odeur ou un aspect agréables [voir, en ce sens, arrêts du 16 novembre 2006, Jabones Pardo/OHMI – Quimi Romar (YUKI), T‑278/04, non publié, EU:T:2006:351, point 56, et du 5 octobre 2020, Laboratorios Ern/EUIPO – SBS Bilimsel Bio Çözümler (apiheal), T‑51/19, non publié, EU:T:2020:468, point 41]. Il en va de même, a fortiori, des « parfums à usage personnel », qui visent à imprégner son propre corps d’une odeur agréable. Quant aux « huiles parfumées pour la fabrication de cosmétiques », il convient de relever qu’elles peuvent être utilisées pour donner une odeur agréable à des produits cosmétiques.

26      Dans la mesure où la requérante suggère que les produits de « parfumerie », les « parfums à usage personnel » et les « huiles parfumées pour la fabrication de cosmétiques » compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée peuvent être utilisés en tant que médecine douce, il convient de relever, à l’instar de l’EUIPO, qu’il n’est aucunement spécifié, dans la liste de produits visés par ladite marque, que de tels produits sont destinés à un usage médical. Au contraire, cette marque vise les parfums dont il est précisé qu’ils sont « à usage personnel » et les huiles parfumées dont il est précisé qu’elles sont utilisées « pour la fabrication de cosmétiques ».

27      À cet égard, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure d’opposition, l’EUIPO peut seulement prendre en compte la liste de produits ou de services telle qu’elle figure dans la demande de marque, sous la seule réserve des éventuelles limitations de cette dernière, conformément à l’article 43, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 [voir, en ce sens, arrêts du 20 avril 2018, Mitrakos/EUIPO – Belasco Baquedano (YAMAS), T‑15/17, non publié, EU:T:2018:198, point 30, et du 19 septembre 2019, Unifarco/EUIPO – GD Tecnologie Interdisciplinari Farmaceutiche (TRICOPID), T‑359/18, non publié, EU:T:2019:626, point 92].

28      Dès lors, la requérante ne saurait utilement s’appuyer sur l’existence d’huiles parfumées et de parfums utilisés en tant que médecine douce ou dans le cadre de l’aromathérapie, laquelle est dénuée de pertinence au vu de la spécification des produits visés par la marque demandée. Du reste, une telle utilisation desdits produits n’a pas été démontrée à suffisance de droit.

29      En deuxième lieu, s’agissant des canaux de distribution des produits, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que les produits pharmaceutiques et hygiéniques relevant de la classe 5 visés par la marque antérieure étaient plutôt vendus dans des pharmacies, étant donné que ces produits ont un usage médical, tandis que les produits de « parfumerie », les « parfums à usage personnel » et les « huiles parfumées pour la fabrication de cosmétiques », relevant de la classe 3 visés par la marque demandée étaient vendus dans des drogueries ou des supermarchés.

30      Dans la mesure où la requérante fait valoir que certains parfums particuliers protégeant la peau ne seraient vendus qu’en pharmacie, il y a lieu de relever que cet argument se fonde sur un document figurant dans l’annexe no 8 de la requête, lequel a été produit pour la première fois devant le Tribunal. Or, le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 65 du règlement no 207/2009. Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui [arrêts du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 ; du 29 septembre 2011, Telefónica O2 Germany/OHMI – Loopia (LOOPIA), T‑150/10, non publié, EU:T:2011:552, point 15, et du 13 mai 2020, Divaro/EUIPO – Grendene (IPANEMA), T‑288/19, non publié, EU:T:2020:201, point 69]. En conséquence, il convient de déclarer irrecevable l’annexe no 8 de la requête, le document qu’elle contient n’ayant pas été produit par la requérante dans le cadre de la procédure administrative.

31      Au demeurant, même à supposer que certains parfums particuliers soient vendus en pharmacie et que les canaux de distribution des produits de « parfumerie » et « parfums à usage personnel » se recoupent partiellement avec ceux de certains produits visés par la marque antérieure, ce que la requérante n’a pas suffisamment étayé, cette circonstance ne permettrait pas de conclure à leur similitude.

32      Quant aux « huiles parfumées pour la fabrication de produits cosmétiques », il ne saurait être constaté qu’elles sont généralement vendues dans des pharmacies au même titre que les produits pharmaceutiques et hygiéniques relevant de la classe 5 visés par la marque antérieure, ce que la requérante n’invoque d’ailleurs pas.

33      En troisième lieu, s’agissant de l’origine habituelle des produits, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté que les produits de « parfumerie », les « parfums à usage personnel » et les « huiles parfumées pour la fabrication de cosmétiques », relevant de la classe 3 visés par la marque demandée et les produits pharmaceutiques et hygiéniques compris dans la classe 5 et visés par la marque antérieure n’émanaient pas des mêmes producteurs. L’allégation de la requérante selon laquelle les fabricants de soins du corps produisent également des produits médicaux, à la supposer établie, n’est pas pertinente, étant donné que les produits susmentionnés visés par la marque demandée ne sont pas des « soins du corps ». En tout état de cause, la requérante admet que les produits pharmaceutiques sont normalement fabriqués par l’industrie pharmaceutique et n’a pas invoqué que les produits susmentionnés visés par la marque demandée étaient habituellement fabriqués par cette même industrie.

34      En quatrième lieu, la requérante ne remet pas en cause les constatations de la chambre de recours relatives au fait que les produits de « parfumerie », les « parfums à usage personnel » et les « huiles parfumées pour la fabrication de cosmétiques », relevant de la classe 3 visés par la marque demandée et les produits pharmaceutiques et hygiéniques compris dans la classe 5 et visés par la marque antérieure ne sont ni concurrents ni complémentaires.

35      Il s’ensuit que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à l’absence de similitude entre, d’une part, la « parfumerie », les « parfums à usage personnel » et les « huiles parfumées pour la fabrication de cosmétiques » compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée et, d’autre part, les produits pharmaceutiques et hygiéniques destinés au traitement médical ou aux soins de santé relevant de la classe 5 visés par la marque antérieure.

–       Sur les « préparations pour polir, dégraisser et abraser »

36      Au point 14 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté qu’il n’existait aucune similitude entre, d’une part, les « préparations pour polir, dégraisser et abraser », compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée et, d’autre part, les produits compris dans la classe 5 et protégés par la marque antérieure, en particulier, les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides ». Elle a relevé que ces produits avaient des destinations différentes et que, par conséquent, ils n’empruntaient pas les mêmes canaux de distribution, n’avaient pas les mêmes producteurs et n’étaient ni concurrents, ni complémentaires.

37      La requérante avance que les « préparations pour polir, dégraisser et abraser », compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée et les produits compris dans la classe 5 et protégés par la marque antérieure, en particulier, les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides » ont la même nature et la même utilisation, dans la mesure où ils consistent en des substances chimiques ou biologiques utilisées pour nettoyer et éliminer des éléments indésirables. De plus, ils seraient vendus dans les mêmes rayons des grands magasins et proviendraient probablement des mêmes entreprises.

38      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

39      En premier lieu, s’agissant de la nature et de la destination des produits, c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides » compris dans la classe 5 et protégés par la marque antérieure étaient des produits chimiques, utilisés notamment dans des exploitations agricoles, permettant d’éliminer les animaux nuisibles présents sur les plantes, les champignons ou les végétaux non désirés, tandis que les « préparations pour polir, dégraisser et abraser » compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée étaient considérés comme des produits d’embellissement ou de nettoyage permettant de polir, dégraisser et frotter des surfaces.

40      La requérante ne parvient pas à remettre en cause cette appréciation. En effet, d’une part, elle erre en affirmant que tant les « préparations pour polir, dégraisser et abraser », compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée que les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides » compris dans la classe 5 et protégés par la marque antérieure sont utilisés pour nettoyer et se débarrasser de tâches de saleté ou de graisse. En effet, une telle utilisation est uniquement la propriété des premiers produits.

41      D’autre part, contrairement à ce qu’invoque la requérante et ainsi que l’a relevé la chambre de recours à juste titre, le simple fait que les « préparations pour polir, dégraisser et abraser », compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée et les produits compris dans la classe 5 et protégés par la marque antérieure en particulier, les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides » sont tous composés de substances chimiques ou biologiques ne saurait suffire à établir une similitude pertinente.

42      En deuxième lieu, s’agissant du circuit de distribution des produits, c’est sans commettre d’erreurs que la chambre de recours a retenu que les « préparations pour polir, dégraisser et abraser », compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée et les produits compris dans la classe 5 et protégés par la marque antérieure, en particulier, les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides » n’empruntaient pas les mêmes canaux de distribution. À cet égard, outre que la requérante n’étaye aucunement son allégation selon laquelle ces produits sont vendus dans les mêmes rayons des grands magasins, il y a lieu de constater que ces produits sont généralement vendus dans des rayons distincts destinés, d’une part, aux produits de nettoyage et, d’autre part, aux produits de jardinerie et d’entretien des espaces extérieurs.

43      En troisième lieu, s’agissant de l’origine habituelle des produits, la requérante ne parvient pas à démontrer que les « préparations pour polir, dégraisser et abraser », compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée et les produits compris dans la classe 5 et protégés par la marque antérieure, en particulier, les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides » sont habituellement produits par les mêmes entreprises. En effet, il suffit de relever que son argument selon lequel lesdits produits proviennent « au stade de la commercialisation » des mêmes entreprises, n’est pas suffisamment compréhensible. En outre, la requérante admet elle-même que cette circonstance est seulement probable.

44      En quatrième lieu, la requérante ne remet pas en cause les constatations de la chambre de recours relatives au fait que les « préparations pour polir, dégraisser et abraser », compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée et les produits compris dans la classe 5 et protégés par la marque antérieure, en particulier, les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides » ne sont ni concurrents ni complémentaires.

45      Il s’ensuit que c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu à l’absence de similitude entre, d’une part, les « préparations pour polir, dégraisser et abraser », compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée et, d’autre part, les produits compris dans la classe 5 protégés par la marque antérieure, en particulier, les « produits pour la destruction d’animaux nuisibles ; fongicides, herbicides ».

–       Sur les « aromates pour boissons [huiles essentielles] ; arômes alimentaires à base d’huiles essentielles »

46      Au point 16 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les « aromates pour boissons [huiles essentielles] ; arômes alimentaires à base d’huiles essentielles » compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée étaient différents des « aliments et substances diététiques à usage médical ou vétérinaire, aliments pour bébés ; compléments alimentaires pour êtres humains et animaux » compris dans la classe 5 et visés par la marque antérieure. Elle a constaté que la nature, la destination et les consommateurs de ces produits étaient différents et que les produits n’étaient pas non plus complémentaires ni concurrents.

47      Selon la requérante, il ressort d’une décision de la division d’opposition du 18 janvier 2017 que les « aromates pour boissons [huiles essentielles] ; arômes alimentaires à base d’huiles essentielles » présentent un faible degré de similitude avec les substances et préparations pharmaceutiques.

48      L’EUIPO conteste l’argument de la requérante.

49      Il convient de relever que la requérante ne saurait remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours exposée au point 46 ci-dessus en se limitant à invoquer une décision de la division d’opposition de l’EUIPO.

50      En effet, il importe de noter que la requérante s’est limitée à faire référence à une décision de la division d’opposition de l’EUIPO et que la chambre de recours ne saurait, en tout état de cause, être liée par une décision d’une instance inférieure [arrêts du 13 décembre 2016, Apax Partners/EUIPO – Apax Partners Midmarket (APAX), T‑58/16, non publié, EU:T:2016:724, point 38 ; du 5 octobre 2017, Forest Pharma/EUIPO – Ipsen Pharma (COLINEB), T‑36/17, non publié, EU:T:2017:690, point 62, et du 15 octobre 2020, Decathlon/EUIPO – Athlon Custom Sportswear (athlon custom sportswear), T‑349/19, non publié, EU:T:2020:488, point 86].

51      La requérante n’est donc pas parvenue à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours relative à l’absence de similitude entre, d’une part, les « aromates pour boissons [huiles essentielles] ; arômes alimentaires à base d’huiles essentielles » compris dans la classe 3 et visés par la marque demandée et, d’autre part, les « aliments et substances diététiques à usage médical ou vétérinaire, aliments pour bébés ; compléments alimentaires pour êtres humains et animaux » compris dans la classe 5 et couverts par la marque antérieure.

 S’agissant des services relevant de la classe 35 et visés par la marque demandée

52      Aux points 17 et 18 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les services compris dans la classe 35 et visés par la marque demandée, à savoir, d’une part, les « services d’un magasin de vente au détail et de vente au détail en ligne » portant sur des produits compris dans la classe 3 et, d’autre part, les services de « publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau », étaient différents des produits relevant de la classe 5 visés par la marque antérieure.

53      La requérante soutient, en substance, que, nonobstant le fait que des services et des produits ont, par définition, une nature différente, les entreprises fabriquant des produits tels que ceux de la classe 3 peuvent également fournir un service de vente au détail de ces produits de sorte qu’il existerait un lien entre les services compris dans la classe 35 et visés par la marque demandée et les produits relevant de la classe 5 visés par la marque antérieure.

54      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

55      Il convient de relever que l’argumentation de la requérante procède d’une certaine confusion dans la mesure où elle se réfère à la fabrication et à la vente au détail de produits compris dans la classe 3 sans aucunement se référer aux produits relevant de la classe 5 protégés par la marque antérieure et qui servent de base à la comparaison.

56      À cet égard, il convient de constater que la chambre de recours a, à juste titre, comparé les services de vente au détail et de vente au détail en ligne compris dans la classe 35 et visés par la marque demandée avec les produits compris dans la classe 5 et protégés par la marque antérieure. En particulier, elle a vérifié si ces produits et services présentaient un rapport de complémentarité au sens de la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus. À cette fin, elle a observé que les services de vente au détail et de vente au détail en ligne portaient sur des produits relevant de la classe 3. Or, aucun de ces produits ne présentait une similitude ou une identité avec les produits compris dans la classe 5 et visés par la marque antérieure. Elle a donc constaté qu’il n’existait pas un lien étroit entre les services compris dans la classe 35 et visés par la marque demandée et les produits compris dans la classe 5 et protégés par la marque antérieure de nature à établir un rapport de complémentarité entre ces produits et services.

57      Par ailleurs, la requérante n’a pas invoqué d’arguments visant à contester l’appréciation de la chambre de recours relative aux services de « publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureaux » relevant de la classe 35 visés par la marque demandée.

58      Ainsi, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a conclu que les services relevant de la classe 35 visés par la marque demandée étaient différents des produits relevant de la classe 5 visés par la marque antérieure.

 Sur le risque de confusion

59      La requérante estime que, au regard de la haute similitude des signes sur le plan visuel et de leur identité sur le plan phonétique, reconnue par l’EUIPO, ainsi que du fait que les produits et services en conflit sont « étroitement liés », les consommateurs seront amenés à confondre les marques en conflit ou à tout le moins à penser qu’ils proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

60      L’EUIPO conteste ces arguments.

61      Il résulte des points 18 à 58 ci-dessus que, contrairement à ce que prétend la requérante, c’est à bon droit que la chambre de recours a conclu que les produits et les services en cause étaient différents.

62      Or, selon la jurisprudence rappelée au point 16 ci-dessus, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives.

63      Dès lors, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté, au point 19 de la décision attaquée, que, en raison de l’absence de similitude entre les produits et services en cause et, par conséquent, de l’absence de l’une des conditions cumulatives nécessaires à l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent était exclu. À cet égard, ainsi que ladite chambre l’a relevé, une éventuelle similitude des signes en cause est sans incidence sur cette conclusion.

64      Partant, l’argumentation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a commis une erreur dans l’appréciation du risque de confusion des marques en conflit doit être écartée.

65      Il convient donc de rejeter le moyen unique de la requérante et, par conséquent, le recours, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la deuxième partie du premier chef de conclusions de la requérante contestée par l’EUIPO.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente procédure, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Laboratorios Ern, SA, est condamnée aux dépens.

Collins

Kreuschitz

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.