ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

9 décembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne figurative BASIC – Noms commerciaux nationaux antérieurs basic et basic AG – Motifs relatifs de refus – Utilisation dans la vie des affaires d’un signe dont la portée n’est pas seulement locale – Article 8, paragraphe 4, et article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement (CE) no 207/2009 [devenus article 8, paragraphe 4, et article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001] – Déclaration de nullité partielle – Décision prise à la suite de l’annulation par le Tribunal d’une décision antérieure – Renvoi de l’affaire devant une chambre de recours – Incompétence de l’auteur du renvoi – Article 1er quinquies du règlement (CE) no 216/96 – Recours incident »

Dans l’affaire T‑722/18,

Repsol, SA, établie à Madrid (Espagne), représentée par Mes J.‑B. Devaureix et J. C. Erdozain López, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. H. O’Neill et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Basic AG Lebensmittelhandel, établie à Munich (Allemagne), représentée par Me D. Altenburg, avocate,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 22 août 2018 (affaire R 178/2018‑2), relative à une procédure de nullité entre Basic Lebensmittelhandel et Repsol,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins (rapporteur), président, V. Kreuschitz et G. De Baere, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 7 décembre 2018,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 4 mars 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 27 février 2019,

vu le recours incident de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 27 février 2019,

vu le mémoire en réponse de la requérante au recours incident déposé au greffe du Tribunal le 10 juillet 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO au recours incident déposé au greffe du Tribunal le 28 juin 2019,

vu les réponses aux mesures d’organisation de la procédure déposées au greffe du Tribunal par l’EUIPO le 4 mars 2020 et par la requérante le 6 mars 2020,

à la suite de l’audience du 3 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 janvier 2007, la requérante, Repsol, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant, avec revendication des couleurs bleue, rouge, orange et blanche :

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3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, des classes 35 et 39 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, notamment, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 35 : « Vente au détail commerciale de tabac, presse, batteries, jouets » ;

–        classe 39 : « Services de distribution de produits alimentaires de consommation basique, pâtisserie et confiserie, crème glacée, aliments prêts à l’emploi, tabac, presse, piles, jouets ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 34/2007, du 16 juillet 2007.

5        La marque contestée a été enregistrée le 4 mai 2009 sous le numéro 5648159.

6        Le 26 septembre 2011, l’intervenante, Basic AG Lebensmittelhandel, a présenté une demande de nullité partielle de la marque contestée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

7        Cette demande était fondée sur l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001], et sur l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001], lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement (devenu article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001).

8        À l’appui de sa demande en nullité, dans la mesure où elle était fondée sur les dispositions combinées de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, l’intervenante a invoqué la marque de l’Union européenne figurative antérieure suivante, déposée le 15 janvier 2004, enregistrée le 29 avril 2005 et dûment renouvelée :

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9        Cette marque antérieure désignait des produits et des services relevant des classes 29 à 33, 35, 42 et 43.

10      À l’appui de sa demande en nullité, dans la mesure où elle était fondée sur les dispositions combinées de l’article 53, paragraphe 1, sous c), et de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009, l’intervenante a invoqué les « enseignes », au sens de l’article 5 du Gesetz über den Schutz von Marken und sonstigen Kennzeichen (Markengesetz) (loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs), du 25 octobre 1994 (BGBl. 1994 I, p. 3082, et BGBl. 1995 I, p. 156), basic et basic AG, qu’elle utiliserait dans la vie des affaires en Allemagne et en Autriche pour la fourniture de services de « vente au détail de produits alimentaires, d’articles de droguerie, de produits biologiques et d’autres produits de consommation courante, services de restauration (alimentation) ».

11      En vue d’étayer ses droits sur ces enseignes, l’intervenante a joint une série d’éléments de preuve à sa demande en nullité, comprenant des captures d’écran imprimées à partir de son site Internet, ses rapports annuels pour les années 2004 à 2006, des lettres d’un fournisseur, un bordereau de livraison, des factures, des statistiques de ventes, une déclaration sous serment établie par un membre de son département marketing, des tableaux détaillant les chiffres d’affaires qu’elle a réalisés, des brochures commerciales, du matériel promotionnel et publicitaire, un diplôme d’« entrepreneur de l’année 2006 » décerné à deux de ses dirigeants, des coupures de presse datées de 2003 à 2006 et un jugement du Landgericht München I (tribunal régional de Munich I, Allemagne) du 9 septembre 2006.

12      Dans sa demande en nullité, l’intervenante a également cité les dispositions pertinentes des articles 5 et 15 de la loi sur la protection des marques et autres signes distinctifs ainsi que des décisions des juridictions allemandes interprétant ces dispositions.

13      Le 24 mai 2012, l’intervenante a répondu à des observations déposées par la requérante le 29 décembre 2011 et a fourni une série d’éléments de preuve destinés à établir que la marque de l’Union européenne figurative antérieure reproduite au point 8 ci-dessus avait fait l’objet d’un usage sérieux. Elle a présenté des éléments de preuve supplémentaires en annexe à des observations qu’elle a déposées le 4 mars 2013.

14      Par décision du 8 octobre 2013, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, et a déclaré la nullité partielle de la marque contestée, à savoir dans la mesure où celle-ci était enregistrée pour les services visés au point 3 ci-dessus. La division d’annulation a estimé qu’il n’était, par conséquent, pas nécessaire d’examiner le motif de nullité fondé sur les dispositions combinées de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

15      Le 2 décembre 2013, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 (devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001), contre la décision de la division d’annulation.

16      Par décision du 11 août 2015, la première chambre de recours de l’EUIPO a entériné la décision de la division d’annulation et a rejeté le recours. Elle a considéré que cette dernière avait fait une correcte application du motif de nullité prévu à l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement. À cet égard, elle a notamment constaté qu’il ressortait à suffisance de droit des éléments de preuve fournis par l’intervenante que les signes antérieurs basic et basic AG avaient fait l’objet d’une utilisation dans la vie des affaires dont la portée n’était pas seulement locale au sens de cette dernière disposition. À l’instar de la division d’annulation, elle a estimé qu’il n’était pas nécessaire d’examiner le motif de nullité fondé sur les dispositions combinées de l’article 53, paragraphe 1, sous a), et de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 octobre 2015, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de la chambre de recours du 11 août 2015, qui a été enregistré sous le numéro d’affaire T‑609/15.

18      Par arrêt du 21 septembre 2017, Repsol YPF/EUIPO – Basic (BASIC) (T‑609/15, EU:T:2017:640), le Tribunal a annulé la décision de la chambre de recours du 11 août 2015 au motif que cette dernière ne pouvait conclure, sur la base des seuls éléments de preuve sur lesquels elle avait fondé cette décision, à savoir ceux énoncés au point 11 ci-dessus, que la condition tenant à l’utilisation des signes invoqués dans la vie des affaires était remplie. Le Tribunal a relevé, s’agissant de la période pertinente, qu’il appartenait à l’intervenante d’établir que les signes basic et basic AG étaient utilisés dans la vie des affaires en Allemagne non seulement à la date du dépôt de la demande d’enregistrement de la marque contestée, mais aussi à la date du dépôt de la demande en nullité. Or, si les éléments de preuve en cause démontraient à suffisance de droit que lesdits signes étaient utilisés dans la vie des affaires en Allemagne à la première date, en revanche, ils n’établissaient pas qu’ils l’étaient encore à la seconde.

19      Le 24 janvier 2018, à la suite de l’arrêt du 21 septembre 2017, BASIC (T‑609/15, EU:T:2017:640), l’affaire a, sur le fondement du règlement délégué (UE) 2017/1430 de la Commission, du 18 mai 2017, complétant le règlement no 207/2009 et abrogeant les règlements (CE) no 2868/95 et (CE) no 216/96 (JO 2017, L 205, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement délégué (UE) 2018/625 de la Commission, du 5 mars 2018, complétant le règlement 2017/1001, et abrogeant le règlement délégué 2017/1430 (JO 2018, L 104, p. 1)], et plus particulièrement de son article 35, paragraphe 4 (devenu article 35, paragraphe 4, du règlement délégué 2018/625), été renvoyée par le président des chambres de recours devant la deuxième chambre de recours, sous la référence R 178/2018‑2.

20      Par décision du 22 août 2018 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours, après avoir examiné chacun des motifs de nullité invoqués par l’intervenante, a annulé la décision de la division d’annulation dans la mesure où elle accueillait la demande en nullité pour les services de « [v]ente au détail commerciale de tabac, presse, batteries, jouets » relevant de la classe 35 et les « [s]ervices de distribution de tabac, presse, piles, jouets » relevant de la classe 39. En revanche, elle a confirmé cette dernière décision dans la mesure où elle accueillait la demande en nullité pour les « [s]ervices de distribution de produits alimentaires de consommation basique, pâtisserie et confiserie, crème glacée, aliments prêts à l’emploi » relevant de la classe 39. Elle est parvenue à ces conclusions notamment après avoir pris en considération, lors de son examen du motif de nullité prévu à l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, les éléments de preuve que l’intervenante avait produits le 24 mai 2012 (voir point 13 ci-dessus).

 Conclusions des parties

 Sur les conclusions présentées à l’appui du recours principal

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

22      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur les conclusions présentées à l’appui du recours incident

23      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle annule la décision de la division d’annulation ;

–        condamner la requérante aux dépens.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours incident ;

–        condamner l’intervenante aux dépens exposés pour son mémoire en réponse au recours incident.

25      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        accueillir le recours incident en ce qu’il tend à l’annulation partielle de la décision attaquée pour violation de l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours incident en ce qu’il tend à l’annulation partielle de la décision attaquée pour violation de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 En droit

26      À l’appui du recours principal, la requérante invoque deux moyens. Le premier, soulevé à titre principal, est tiré d’une violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009 (devenu article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001). Le second, soulevé à titre subsidiaire, est tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 4, du règlement no 207/2009.

27      À l’appui du recours incident, l’intervenante invoque deux moyens. Le premier est tiré d’une application erronée du motif de nullité prévu à l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement. Le second est tiré d’une application erronée du motif de nullité prévu à l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

28      Le premier moyen soulevé par la requérante se subdivise en deux branches. Dans le cadre de la première, elle fait valoir que l’affaire a été réattribuée à la deuxième chambre de recours sur une base juridique erronée, à savoir l’article 35, paragraphe 4, du règlement délégué 2017/1430. Dans le cadre de la seconde, elle invoque une violation de l’article 65, paragraphe 6, du règlement no 207/2009, en substance, en faisant grief à la chambre de recours d’avoir méconnu l’autorité de la chose jugée s’attachant à l’arrêt du 21 septembre 2017, BASIC (T‑609/15, EU:T:2017:640), en ayant tenu compte, dans la décision attaquée, lors de son examen du motif de nullité prévu à l’article 53, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, du même règlement, des éléments de preuve supplémentaires présentés le 24 mai 2012.

29      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

30      S’agissant de la première branche du premier moyen soulevé par la requérante, il convient de constater que, ainsi qu’il est au demeurant constant entre les parties, la disposition sur la base de laquelle l’affaire aurait dû être réattribuée à une chambre de recours à la suite de l’arrêt du 21 septembre 2017, BASIC (T‑609/15, EU:T:2017:640), était l’article 1er quinquies du règlement (CE) no 216/96 de la Commission, du 5 février 1996, portant règlement de procédure des chambres de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (JO 1996, L 28, p. 11), tel que modifié par le règlement (CE) no 2082/2004 de la Commission, du 6 décembre 2004 (JO 2004, L 360, p. 8), et non l’article 35, paragraphe 4, du règlement délégué 2017/1430.

31      En effet, si l’article 80 du règlement délégué 2017/1430 a abrogé, notamment, le règlement no 216/96, toutefois, il prévoyait que celui-ci continuait de s’appliquer « aux procédures en cours jusqu’à leur terme lorsque le […] règlement [délégué 2017/1430] ne s’appliqu[ait] pas, conformément à son article 81 ». Or, il résultait de l’article 81, paragraphe 2, sous j), du règlement délégué 2017/1430 que le titre V de celui-ci, sous lequel figurait notamment son article 35, paragraphe 4, ne s’appliquait pas aux recours introduits devant la chambre de recours avant le 1er octobre 2017. Tel est bien le cas en l’espèce, étant donné que l’arrêt du 21 septembre 2017, BASIC (T‑609/15, EU:T:2017:640), portant annulation, dans sa totalité, de la décision de la chambre de recours du 11 août 2015, a eu pour effet d’éliminer rétroactivement cette décision de l’ordre juridique et de rendre à nouveau pendant le recours formé par la requérante devant l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation le 2 décembre 2013, à savoir antérieurement au 1er octobre 2017.

32      L’article 1er quinquies du règlement no 216/96, tel que modifié, intitulé « Renvoi d’une affaire suite à un arrêt de la Cour de justice », prévoyait ce qui suit :

« 1. Si, en application de l’article [65], paragraphe 6, du règlement [no 207/2009], les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt de la Cour de justice annulant en tout ou en partie la décision d’une chambre de recours ou de la [g]rande chambre incluent un nouvel examen par les chambres de recours de l’affaire qui a fait l’objet de cette décision, le présidium décide si l’affaire est renvoyée à la chambre qui a pris cette décision, à une autre chambre ou à la [g]rande chambre.

2. Lorsque l’affaire est renvoyée à une autre chambre, celle-ci est composée de façon à n’inclure aucun des membres ayant pris part à la décision attaquée. Cette dernière disposition ne s’applique pas lorsque l’affaire est renvoyée à la [g]rande chambre. »

33      L’article 35, paragraphe 4, du règlement délégué 2017/1430 prévoyait ce qui suit :

« Lorsqu’une décision d’une chambre de recours sur une affaire a été annulée ou réformée par un arrêt définitif du Tribunal ou, le cas échéant, de la Cour de justice, le président des chambres de recours, en vue de se conformer à cet arrêt conformément à l’article 65, paragraphe 6, du règlement […] no 207/2009, réattribue l’affaire conformément au paragraphe 1 du présent article à une chambre de recours qui n’est pas composée des membres qui avaient adopté la décision annulée, sauf lorsque l’affaire est déférée à la grande chambre de recours […] ou lorsque la décision annulée avait été prise par la grande chambre. »

34      Ainsi, en application de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, du règlement no 216/96, tel que modifié, la décision de réattribution d’une affaire à une chambre de recours donnée à la suite d’un arrêt d’annulation relevait de la compétence du présidium des chambres de recours, alors que, en application de l’article 35, paragraphe 4, du règlement délégué 2017/1430, cette décision relevait de la compétence du président des chambres de recours. Partant, il convient de conclure que, en l’espèce, la décision de réattribuer l’affaire à la deuxième chambre de recours à la suite de l’arrêt du 21 septembre 2017, BASIC (T‑609/15, EU:T:2017:640), a été prise par une autorité qui n’était pas compétente pour le faire, en l’occurrence le président des chambres de recours.

35      L’EUIPO, sans remettre en cause la conclusion qui précède, fait valoir que, bien que la réattribution de l’affaire en cause ait été opérée sur le fondement de l’article 35, paragraphe 4, du règlement délégué 2017/1430, en pratique, elle était conforme aux exigences posées par l’article 1er quinquies du règlement no 216/96, tel que modifié. Selon l’EUIPO, il peut, en effet, être considéré que, en l’espèce, le présidium a examiné et a approuvé la réattribution de l’affaire à la deuxième chambre de recours, dès lors que, lors de sa réunion du 23 avril 2018, il n’a émis aucune objection à l’encontre de cette réattribution, dont il était fait mention dans un rapport qui, en vertu d’une décision du président des chambres de recours applicable depuis le 1er octobre 2017, est approuvé par ce dernier et présenté au présidium afin de l’informer des affaires annulées au cours d’une période donnée et de lui permettre de faire valoir d’éventuelles observations à l’égard de leur réattribution.

36      Ces allégations doivent être rejetées. En effet, le simple fait que le présidium ait été informé d’une décision de réattribution prise par une autorité incompétente, à savoir une autorité autre que lui-même, et qu’il n’ait formulé aucune objection à l’encontre de cette décision ne saurait signifier qu’il doit être considéré comme étant l’auteur de celle-ci et, partant, qu’il a été remédié à l’illégalité constatée au point 34 ci-dessus. Il convient de faire remarquer, dans ce contexte, que l’EUIPO n’a fait état d’aucune disposition réglementaire permettant de parvenir à la conclusion contraire.

37      Il y a lieu de rejeter également l’argument de l’EUIPO, auquel s’est ralliée l’intervenante lors de l’audience, selon lequel le résultat aurait été le même s’il avait été fait application, en l’espèce, de l’article 1er quinquies du règlement no 216/96, tel que modifié, en ce sens que l’affaire aurait également été réattribuée à une chambre de recours en vue de son réexamen, et selon lequel la requérante n’explique pas en quoi l’application de l’article 35, paragraphe 4, du règlement délégué 2017/1430 plutôt que celle de la disposition susvisée lui aurait causé un quelconque préjudice.

38      Il est vrai qu’il ressort de la jurisprudence qu’une irrégularité de procédure n’entraîne l’annulation en tout ou en partie d’une décision que s’il est établi que, en l’absence de cette irrégularité, la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent [voir arrêt du 1er février 2018, Philip Morris Brands/EUIPO – Explosal (Superior Quality Cigarettes FILTER CIGARETTES Raquel), T‑105/16, EU:T:2018:51, point 78 et jurisprudence citée].

39      En l’espèce, force est de constater, toutefois, que l’argument de l’EUIPO relatif à l’incidence de la violation de l’article 1er quinquies du règlement no 216/96, tel que modifié, sur le contenu de la décision attaquée est de nature totalement spéculative. Certes, en application de cette disposition, le présidium aurait réattribué l’affaire à une chambre de recours afin qu’elle statue à nouveau sur celle-ci. Certes également, son choix aurait aussi pu se porter sur la deuxième chambre de recours. Toutefois, il aurait tout autant pu réattribuer l’affaire à une autre chambre de recours, y compris celle qui avait pris la décision annulée par le Tribunal, sans même, dans cette dernière hypothèse, à la différence de ce qui résultait de l’article 35, paragraphe 4, du règlement délégué 2017/1430, devoir la composer de façon à n’inclure aucun des membres ayant pris part à cette décision. Étant donné que le choix et la composition de la chambre de recours est une étape préalable à la prise de décision et a une influence primordiale sur le contenu de cette dernière, il n’est possible ni d’affirmer ni d’infirmer que, en renvoyant une affaire à une autre chambre de recours, la décision que doit prendre ladite chambre de recours serait différente [voir, en ce sens, arrêt du 3 juillet 2013, Cytochroma Development/OHMI – Teva Pharmaceutical Industries (ALPHAREN), T‑106/12, non publié, EU:T:2013:340, point 31].

40      Enfin, c’est en vain que l’EUIPO invoque le fait que la requérante n’a pas soulevé, devant la deuxième chambre de recours, la question de la réattribution de l’affaire sur une base juridique erronée alors que, par lettre du greffe des chambres de recours du 24 janvier 2018, soit près de sept mois avant l’adoption de la décision attaquée, elle avait été informée du renvoi de ladite affaire devant ladite chambre de recours sur le fondement de l’article 35, paragraphe 4, du règlement délégué 2017/1430. En effet, cette lettre ne constituait qu’une simple lettre d’information, ne contenant aucune invitation de présenter d’éventuelles observations.

41      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la première branche du premier moyen du recours principal doit être accueillie et la décision attaquée annulée dans sa totalité, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la seconde branche de ce moyen ni le second moyen de ce recours. Cette annulation ayant pour effet de priver d’objet le recours incident, qui vise à l’annulation partielle de la décision attaquée, il n’y a plus lieu de statuer sur celui-ci.

 Sur les dépens

42      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En outre, aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non‑lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

43      En l’espèce, au titre du recours principal, l’EUIPO et l’intervenante ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la requérante, conformément aux conclusions de cette dernière. À cet égard, l’EUIPO et l’intervenante supporteront chacun la moitié des dépens de la requérante.

44      Au titre du recours incident, étant donné que le défaut d’objet de celui-ci résulte du bien-fondé du recours principal, il y a également lieu de condamner l’EUIPO et l’intervenante à supporter leurs propres dépens ainsi que, chacun, la moitié de ceux de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 22 août 2018 (affaire R 178/20182) est annulée.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur le recours incident.

3)      L’EUIPO et Basic AG Lebensmittelhandel supporteront leurs propres dépens ainsi que, chacun, la moitié de ceux exposés par Repsol, SA.

Collins

Kreuschitz

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 décembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.