DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

10 février 2021  (*)

« Fonction publique – Fonctionnaires – Avis de vacance – Poste de chef d’unité – Rejet de candidature – Personnel d’encadrement intermédiaire – Principe d’impartialité – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑130/19,

Sergio Spadafora, demeurant à [confidentiel] (1), représenté par Me G. Belotti, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Mongin et T. Bohr, en qualité d’agents, assistés de Me A. Dal Ferro, avocat,

partie défenderesse,

soutenue par

CC, représentée par Me S. Orlandi, avocat,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) du 18 mai 2018 par laquelle CC a été nommée cheffe de l’unité [confidentiel] de la direction [confidentiel] et, d’autre part, à la condamnation de la Commission à la réparation du préjudice matériel et moral que le requérant aurait prétendument subi du fait de cette décision,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, P. Nihoul et Mme R. Frendo (rapporteure), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le requérant, M. Sergio Spadafora, est fonctionnaire de grade AD 12 à la Commission européenne.

2        De janvier 2012 à mai 2018, le requérant a exercé ses fonctions dans l’unité [confidentiel] de la direction [confidentiel] de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF). À la suite de la mutation du chef de cette unité, le requérant a, en outre, été nommé, le 1er mars 2014, chef d’unité faisant fonction de celle-ci jusqu’à la nouvelle nomination qui devait intervenir pour ce poste.

3        L’avis de vacance du poste en question a été publié le 24 février 2014. Le 21 mars 2014, le requérant a soumis sa candidature pour cet emploi.

4        Par décision du 30 juin 2014, la Commission a nommé CC, intervenante dans la présente affaire, en qualité de cheffe de l’unité [confidentiel].

5        Le requérant a alors introduit un recours devant le Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne. Par ordonnance du 7 avril 2016, Spadafora/Commission (F‑44/15, EU:F:2016:69), le Tribunal de la fonction publique a rejeté ce recours comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

6        Sur pourvoi du requérant, le Tribunal, par arrêt du 5 décembre 2017, Spadafora/Commission (T‑250/16 P, non publié, EU:T:2017:866, ci-après l’« arrêt Spadafora »), a annulé partiellement l’ordonnance mentionnée au point 5 ci-dessus et, statuant lui-même au fond, a annulé la décision nommant l’intervenante en qualité de cheffe d’unité, au motif que l’impartialité de la présidente du panel de présélection pouvait être mise en cause.

7        Le 15 décembre 2017, la Commission a décidé, premièrement, de nommer rétroactivement l’intervenante en qualité de cheffe d’unité faisant fonction de l’unité [confidentiel] du 1er août 2014 au 5 décembre 2017, deuxièmement, de nommer un autre fonctionnaire en cette qualité à dater du 6 décembre suivant et, troisièmement, de muter l’intervenante auprès du directeur général de l’OLAF à compter du même jour.

8        Le 15 décembre 2017 également, le directeur général de l’OLAF a informé le personnel de la nécessité de reprendre la procédure de nomination du chef d’unité en cause à la suite de l’arrêt Spadafora.

9        À la suite d’un nouvel avis de vacance, publié le même jour, onze personnes, dont l’intervenante et le requérant, se sont portées candidates. Quatre candidats, dont l’intervenante et le requérant, ont été retenus sur une liste restreinte à la suite d’entretiens de présélection qui ont eu lieu au mois de février 2018.

10      Le 5 avril 2018, le requérant a été évalué dans un centre d’évaluation organisé par une société qui avait été chargée par la Commission de mener les entretiens de sélection avec les candidats figurant sur la liste restreinte (ci-après l’« évaluatrice »).

11      Le 20 avril 2018, le requérant a participé à l’entretien final de sélection en présence du directeur général de l’OLAF et du rapporteur de la procédure. Au terme de cet entretien, le requérant s’est vu crédité d’une note de 11 points sur 18. L’intervenante, pour sa part, a obtenu la note la plus élevée de 15 points sur 18.

12      Le 17 mai 2018, au cours d’une réunion avec les cinq chefs d’unité de la direction [confidentiel] de l’OLAF, la responsable de cette direction a fait part d’une information qui lui avait été communiquée lors de la dernière réunion des directeurs, selon laquelle un accord sur la nomination du chef de l’unité [confidentiel] avait été obtenu et que cette nomination serait annoncée dans un avenir proche.

13      Le 18 mai 2018, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a informé le requérant qu’elle avait décidé de nommer un autre candidat au terme de la procédure de sélection et a annoncé à tout le personnel de l’OLAF qu’il s’agissait de l’intervenante (ci-après la « décision de nomination »). Le même jour, le requérant a également été informé du fait qu’il était muté de l’unité [confidentiel] à la direction générale de l’OLAF. Le même jour enfin, le requérant a demandé à l’évaluatrice un retour d’informations.

14      Le 25 mai 2018, le requérant a introduit auprès du directeur général de l’OLAF une demande d’accès aux données à caractère personnel le concernant qui avaient été utilisées dans le cadre de la procédure de sélection. Le requérant fondait sa demande sur l’article 13 du règlement (CE) no 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p 1).

15      Le 24 juillet 2018, le requérant a introduit une réclamation en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne contre la décision de nomination.

16      Le 22 août 2018, le requérant s’est vu communiquer par la direction générale (DG) « Ressources humaines et sécurité » de la Commission le « rapport du centre d’évaluation », le « rapport descriptif » et le « rapport sur le candidat » de l’évaluatrice.

17      La réclamation du requérant a été rejetée par décision de l’AIPN du 26 novembre 2018 (ci-après le « rejet de la réclamation » et, pris ensemble avec la décision de licenciement, les « décisions attaquées »).

II.    Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 février 2019, le requérant a introduit le présent recours.

19      La Commission a déposé le mémoire en défense le 29 mai 2019.

20      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 juin 2019, CC a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission.

21      Par actes déposés au greffe du Tribunal les 1er et 18 juillet 2019, le requérant a demandé que certaines informations contenues dans la requête, dans ses annexes et dans le mémoire en défense ainsi que dans la réplique fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de CC, si celle-ci était admise à intervenir. Il a joint une version non confidentielle de ces documents à ladite demande.

22      Le 18 juillet 2019, le requérant a également déposé la réplique.

23      Le 16 septembre 2019, la Commission a déposé la duplique.

24      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, la juge rapporteure a été affectée à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

25      Par ordonnance du 26 septembre 2019, Spadafora/Commission (T‑130/19, non publiée, EU:T:2019:711), CC a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission. Dès lors que, conformément à l’article 144, paragraphe 2, du règlement de procédure, le requérant avait demandé le traitement confidentiel de certaines informations, ladite ordonnance a provisoirement limité la communication des actes de procédure à l’intervenante à leurs versions non confidentielles, en attendant ses éventuelles observations sur les demandes de traitement confidentiel.

26      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er octobre 2019, le requérant a demandé que certaines informations contenues dans la duplique fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de l’intervenante. Il a joint une version non confidentielle de ce document à ladite demande.

27      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 11 octobre et le 8 novembre 2019, l’intervenante a contesté les demandes de traitement confidentiel susmentionnées.

28      Par acte déposé le 14 octobre 2019, le requérant a présenté un « mémoire complémentaire » au motif que la Commission avait invoqué de nouveaux éléments de fait et de droit dans sa duplique, déposée le 16 septembre précédent. Le 25 octobre suivant, le président de la quatrième chambre du Tribunal a décidé, en vertu de l’article 84, paragraphe 3, du règlement de procédure, de verser ce mémoire au dossier, sous réserve d’une décision ultérieure sur sa recevabilité.

29      Par ordonnance du 28 février 2020, Spadafora/Commission (T‑130/19, non publiée, EU:T:2020:83), le président de la quatrième chambre du Tribunal a partiellement fait droit à la demande de traitement confidentiel du requérant.

30      L’intervenante a déposé son mémoire en intervention le 3 juin 2020 et les parties principales ont déposé leurs observations sur celui-ci dans les délais impartis.

31      Par lettres du greffe du Tribunal du 6 août 2020, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties principales, au titre de l’article 89 du règlement de procédure. Celles-ci y ont répondu dans le délai imparti.

32      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 septembre 2020, le requérant a demandé que certaines informations contenues dans sa réponse aux questions écrites visées au point 31 ci-dessus et dans les annexes à cette réponse fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard de l’intervenante. Il a joint une version non confidentielle de ces documents à ladite demande.

33      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 21 septembre 2019, l’intervenante s’en est remise à la sagesse de la juridiction en ce qui concerne la demande de traitement confidentiel mentionnée au point 32 ci-dessus, tout en affirmant qu’il n’était pas exclu que la divulgation des éléments occultés soit justifiée.

34      Par ordonnance du 22 octobre 2020, Spadafora/Commission (T‑130/19, non publiée, EU:T:2020:522), le président de la quatrième chambre du Tribunal a fait droit à la demande de traitement confidentiel du requérant.

35      Compte tenu de l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

36      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les décisions attaquées ;

–        condamner la Commission à réparer le préjudice matériel et moral qu’il a subi ;

–        condamner la Commission aux dépens.

37      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

38      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant à supporter, outre ses propres dépens, ceux de l’intervenante.

III. En droit

A.      Sur les conclusions en annulation

1.      Sur la recevabilité des conclusions en annulation et des moyens

39      La Commission et l’intervenante contestent l’intérêt du requérant à demander l’annulation des décisions attaquées. La Commission conteste également la recevabilité des premier et deuxième moyens et l’intervenante celle du troisième moyen.

40      Toutefois, le juge de l’Union européenne est en droit d’apprécier, selon les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond un recours, des conclusions ou un moyen sans statuer préalablement sur un grief d’irrecevabilité (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 2002, Conseil/Boehringer, C‑23/00 P, EU:C:2002:118, point 52 ; du 11 juillet 2014, Telefónica de España et Telefónica Móviles España/Commission, T‑151/11, EU:T:2014:631, point 34, et du 19 juin 2014, BN/Parlement, F‑24/12, EU:F:2014:165, point 31).

41      Dans les circonstances de l’espèce et dans un souci d’économie de la procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée le bien-fondé des conclusions en annulation et des moyens invoqués par le requérant à leur soutien sans statuer préalablement sur leur recevabilité, dès lors que lesdites conclusions ainsi que lesdits moyens doivent en tout état de cause être rejetés sur le fond.

2.      Sur le bien-fondé des moyens

42      Le requérant soulève trois moyens à l’appui de ses conclusions en annulation. Le premier moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous d), de la décision C(2016) 3288, concernant le personnel d’encadrement intermédiaire, publiée aux Informations administratives no 33‑2016, du 6 juillet 2016 (ci-après la « décision PEI »). Au vu des développements qui lui sont consacrés, il y a cependant lieu de considérer que le requérant fonde également ce moyen sur l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le deuxième moyen est, quant à lui, tiré de la méconnaissance de l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la décision PEI et, le troisième, de la violation du principe d’impartialité.

a)      Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous d), de la décision PEI et de l’article 7 de la Charte

43      Le premier moyen peut être divisé en deux branches.

1)      Sur la première branche, tirée de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous d), de la décision PEI

44      L’article 8, paragraphe 1, sous d), de la décision PEI dispose :

« 1. Sélection

En cas de publication d’un avis de vacance, les étapes à suivre par [l’AIPN] sont les suivantes :

[…]

(d) Centre d’évaluation

Tous les candidats convoqués à un entretien avec le directeur général concerné et le rapporteur de la procédure participent aux épreuves dans le cadre d’un centre d’évaluation, à moins qu’ils n’aient déjà participé à de telles épreuves au cours des deux années précédant l’échéance du délai de réception des candidatures. Lorsqu’un candidat a pris part aux épreuves d’un centre d’évaluation dans le délai susvisé de deux ans, mais plus de 18 mois avant l’échéance du délai de réception des candidatures, il peut demander à être admis au centre d’évaluation.

Le centre d’évaluation examine le potentiel des candidats et fournit une analyse détaillée de leurs capacités d’encadrement, de leur adaptabilité et d’autres compétences essentielles. Les épreuves comprennent des exercices individuels et/ou collectifs, ainsi que des entretiens approfondis axés sur les capacités d’encadrement. Les résultats obtenus au centre d’évaluation sont pris en compte par [l’AIPN]. »

45      Le requérant fait observer que le « rapport descriptif » et le « rapport sur le candidat » que la Commission lui a communiqués le 22 août 2018 mentionnent qu’ils ont été « créés le 10 juillet » précédent par l’évaluatrice.

46      Dans sa requête, le requérant soutient dès lors que, compte tenu de la date de création des rapports en question, l’AIPN n’a pu en tenir compte, conformément à l’article 8, paragraphe 1, sous d), de la décision PEI, lorsqu’elle a adopté la décision de nomination le 18 mai 2018.

47      Il doit être relevé, toutefois, que les deux rapports mentionnent que les questionnaires qu’ils contiennent ont été remplis le 5 avril 2018. De plus, la cheffe de l’unité « Encadrement intermédiaire » de la DG « Ressources humaines et sécurité » de la Commission a informé l’OLAF, par courriel du 17 avril suivant, qu’elle avait transmis les deux rapports de l’évaluatrice au directeur général de l’OLAF en vue de l’entretien final de sélection. Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que l’AIPN a pris connaissance de ces rapports avant la nomination de l’intervenante au poste de chef de l’unité [confidentiel]. Le grief du requérant tel que présenté dans la requête doit, par conséquent, être rejeté.

48      Au demeurant, le requérant a « rectifié, précisé et complété » son grief dans sa réplique, au vu du courriel du 17 avril 2018 mentionné au point 47 ci-dessus et des explications données par la Commission dans le mémoire en défense.

49      Le requérant admet, dans sa réplique, que l’évaluatrice a effectivement transmis le « rapport descriptif » et le « rapport sur le candidat » au directeur général de l’OLAF avant l’entretien final des candidats et la nomination de l’un d’entre eux. Néanmoins, il soutient que ces rapports ne peuvent être présumés correspondre à ceux qui ont été « créés le 10 juillet 2018 ». Le requérant persiste, à cet égard, à faire observer que les rapports qu’il a reçus le 22 août 2018 mentionnent qu’ils ont été « créés le 10 juillet 2018 », et non qu’ils ont été « extraits » de la base de données de l’évaluatrice à cette date. De plus, il ressortirait du courriel du 17 avril 2018 susmentionné que le directeur général de l’OLAF était tenu de détruire les rapports en sa possession après les entretiens de sélection, de sorte qu’il serait impossible de vérifier si les rapports communiqués le 22 août 2018 correspondaient bien aux rapports initiaux. Il s’ensuivrait, selon le requérant, que l’AIPN a d’abord nommé l’intervenante, puis a motivé cette décision dans le rejet de la réclamation au vu des rapports nouvellement créés par l’évaluatrice, dont rien ne garantit que leur contenu coïncidait avec les rapports sur la base desquels la décision de nomination avait été adoptée.

50      Le requérant précise, à cet égard, que le « rapport descriptif » et le « rapport sur le candidat » « créés le 10 juillet 2018 » ne peuvent être présumés conformes à ceux ayant fondé la décision de nomination, parce que, étant l’œuvre d’une société privée, et non d’une autorité publique, ils ne bénéficient pas de la présomption de légalité attachée aux actes des institutions.

51      Cependant, il y a lieu de considérer que ces rapports conditionnent la conformité des décisions attaquées avec l’article 8, paragraphe 1, sous d), de la décision PEI et en constituent des actes préparatoires. Aussi, comme les décisions attaquées bénéficient incontestablement de la présomption de légalité, le requérant, pour obtenir leur annulation, doit disposer, à tout le moins, d’un faisceau d’indices pertinents et concordants pour la renverser (voir, en ce sens, arrêts du 23 avril 2018, Verein Deutsche Sprache/Commission, T‑468/16, non publié, EU:T:2018:207, point 36, et du 14 mai 2014, Alexandrou/Commission, F‑140/12, EU:F:2014:94, point 53).

52      Or, le seul fait que le « rapport descriptif » et le « rapport sur le candidat » communiqués le 22 août 2018 portent la mention « créés le 10 juillet 2018 » ne suffit pas à cet égard. Le Tribunal relève, à l’instar de la Commission, que cette mention peut correspondre à la date à laquelle ces deux documents ont été extraits de la banque de données de l’évaluatrice et résulter de la simple génération d’une date automatique insérée dans ces deux documents. Partant, cette date ne permet pas à elle seule d’écarter la présomption de légalité des décisions attaquées.

53      Le requérant soutient encore que, même à supposer que le « rapport descriptif » et le « rapport sur le candidat » aient été identiques à ceux communiqués au directeur général de l’OLAF avant l’entretien final de sélection, l’article 8, paragraphe 1, sous d), de la décision PEI n’en aurait pas moins été méconnu, dans la mesure où ces rapports auraient été créés par l’évaluatrice en violation de son droit au respect de la vie privée consacré à l’article 7 de la Charte. En effet, ces rapports contiendraient des données personnelles non adéquates et non limitées à ce qui était nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles ont été traitées, puisqu’ils auraient été créés le 10 juillet 2018, c’est-à-dire à une époque où, la procédure de nomination étant achevée, l’évaluatrice n’aurait plus été habilitée à les établir. Partant, la Commission les aurait elle-même illégalement utilisés pour motiver la décision de nomination de l’intervenante dans le rejet de la réclamation.

54      Ce grief n’est pas fondé. Le traitement des données du requérant par l’évaluatrice le 10 juillet 2018 et par l’AIPN dans le rejet de la réclamation a été effectué légalement, sur la base du consentement de la personne concernée, pour une fin bien déterminée ou en vertu d’un autre fondement légitime au sens de l’article 8 de la Charte, qui consacre, plus spécifiquement que son article 7 cité par le requérant, le droit à la protection des données à caractère personnel.

55      En effet, la collecte des données du requérant par l’évaluatrice était légale, puisqu’elle s’inscrivait dans le cadre de la procédure de sélection à un poste de chef d’unité à laquelle le requérant avait librement décidé de participer et qui était prévue par l’article 8, paragraphe 1, sous d), de la décision PEI.

56      Certes, comme le fait valoir le requérant, la procédure de nomination au sens strict s’est achevée par la nomination de l’intervenante le 18 mai 2018. Toutefois, l’article 8, paragraphe 1, sous d), de la décision PEI autorise l’utilisation des résultats de l’évaluation après cette échéance, puisque, selon cette disposition, les candidats qui ont participé aux épreuves dans le cadre d’un centre d’évaluation dans les deux ans qui précèdent l’échéance du délai de réception des candidatures relative à une nouvelle procédure de sélection sont dispensés d’une nouvelle évaluation.

57      De plus, l’évaluatrice était en droit d’extraire les rapports d’évaluation du requérant le 10 juillet 2018 et de les transmettre à la Commission, puisque celui-ci avait demandé, le 25 mai 2018, à avoir accès aux données à caractère personnel le concernant qui avaient été récoltées dans le cadre de la procédure de sélection. De surcroît, la décision de nomination n’était pas définitive, dans la mesure où le requérant avait introduit une réclamation par laquelle il demandait l’annulation de la décision de nomination et où c’était donc la décision se prononçant sur cette réclamation qui, sauf recours devant le Tribunal, devait mettre définitivement un terme à cette procédure.

58      Pour les mêmes motifs, l’AIPN était fondée à se référer, dans sa décision de rejet de la réclamation, aux rapports d’évaluation communiqués au requérant le 22 août 2018. Il en va d’autant plus ainsi que l’AIPN doit fournir à l’intéressé les motifs du rejet de sa candidature au plus tard à ce stade (voir, en ce sens, arrêts du 20 novembre 2018, Barata/Parlement, T‑854/16, non publié, EU:T:2018:809, point 81, et du 9 juillet 2019, VY/Commission, T‑253/18, non publié, EU:T:2019:488, point 47).

59      Enfin, comme le souligne la Commission, l’avis de vacance relatif au poste de chef de l’unité [confidentiel] comportait un lien vers une note d’information relative au traitement des données à caractère personnel des candidats. Cette note précisait que les données en question seraient collectées afin de servir de support pour toutes les procédures ayant trait à la gestion du personnel, à savoir notamment pour le recrutement.

60      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen n’est pas fondée.

2)      Sur la seconde branche, tirée de la violation de l’article 7 de la Charte

61      Le requérant fait valoir que l’acceptation par l’AIPN du « rapport descriptif » et du « rapport sur le candidat » « créés le 10 juillet 2018 » en violation de son droit au respect de la vie privée consacré à l’article 7 de la Charte lui fait grief en raison des appréciations dénigrantes et dépourvues de pertinence qu’ils contiendraient quant à sa capacité à faire preuve d’extraversion et d’altruisme, lesquelles, de surcroît, restent valables pour toutes les candidatures déposées pendant les 18 mois suivants la date de l’évaluation.

62      Il convient cependant de rappeler que l’AIPN, pour nommer un fonctionnaire à un emploi vacant, dispose d’un large pouvoir d’appréciation pour évaluer, dans l’intérêt du service, les aptitudes des candidats à cet emploi (voir arrêt du 7 février 2019, Duym/Conseil, T‑549/17, non publié, EU:T:2019:72, point 91 et jurisprudence citée). Par extension, les centres d’évaluation qu’elle mandate disposent d’une même latitude. De plus, lorsqu’un fonctionnaire dépose une candidature à un poste, il doit nécessairement accepter le risque que des appréciations défavorables puissent être portées à son égard dans le cadre de la comparaison des mérites des candidats.

63      Dans ce contexte, le contrôle du juge doit se limiter à la question de savoir si l’administration et le centre d’évaluation se sont tenus dans des limites raisonnables et n’ont pas usé de leur pouvoir de manière manifestement erronée (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2019, Duym/Conseil, T‑549/17, non publié, EU:T:2019:72, point 91 et jurisprudence citée). Il incombe au requérant d’apporter la preuve que ces limites ont été dépassées.

64      Or, le requérant n’étaye pas son grief. De surcroît, les considérations que le « rapport descriptif » et le « rapport sur le candidat » contiennent sur la capacité du requérant à faire preuve d’extraversion et d’altruisme ne sont ni manifestement dénigrantes ni manifestement dépourvues de pertinence dans le cadre de l’évaluation d’une candidature à un poste de chef d’unité. Il ressort en effet du dossier que, selon la littérature scientifique, l’extraversion et l’altruisme font partie des cinq traits majeurs permettant de décrire une personnalité d’une manière particulièrement appropriée à un environnement professionnel et il y a lieu de rappeler, à cet égard, que l’article 2, paragraphe 1, de la décision PEI précise que la fonction de chef d’unité suppose l’encadrement permanent et continu d’une unité administrative.

65      Au vu de tout ce qui précède, le premier moyen n’est pas fondé.

b)      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la décision PEI

66      L’article 8, paragraphe 2, de la décision PEI dispose :

« 2. Nomination

Les étapes à suivre par l’[AIPN] avant une nomination sont les suivantes :

(a) Avant de procéder à une nomination, le directeur général concerné consulte le commissaire de tutelle […] »

67      Le requérant fait remarquer que, lors de la réunion du 17 mai 2018 avec ses chefs d’unité, la directrice de la direction [confidentiel] a indiqué qu’un accord pour la nomination du chef de l’unité [confidentiel] avait été obtenu. Contrairement à ce que soutient la Commission dans le rejet de la réclamation, cette directrice n’aurait ainsi nullement fait référence à une consultation du « commissaire de tutelle ». Dès lors, selon le requérant, la décision de nomination serait en réalité le fruit d’un accord entre l’AIPN et un tiers non autorisé par l’article 8, paragraphe 2, sous a), de la décision PEI à intervenir dans la procédure.

68      La Commission rétorque que le requérant interprète erronément le procès-verbal de la réunion du 17 mai 2018. La procédure aurait été correctement suivie dans la mesure où, avant d’adopter la décision de nomination, le directeur général de l’OLAF avait consulté le commissaire de tutelle.

69      À cet égard, il convient de rappeler que les procès-verbaux disposent d’une valeur probante en ce qu’ils retranscrivent des constatations factuelles communiquées aux personnes invitées aux réunions sur lesquelles ils portent (arrêt du 11 septembre 2013, L/Parlement, T‑317/10 P, EU:T:2013:413, point 118).

70      Néanmoins, pour apprécier la force probante d’un tel document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue, tenir compte de l’origine de celui-ci et des circonstances de son élaboration et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable (voir arrêt du 11 décembre 2003, Conserve Italia/Commission, T‑305/00, EU:T:2003:338, point 94 et jurisprudence citée).

71      Or, la nomination du nouveau chef de l’unité [confidentiel] ne constituait pas un point inscrit comme tel à l’ordre du jour de la réunion du 17 mai 2018. Aussi, la mention qu’un accord a été trouvé au sujet de cette nomination n’apparaît qu’une seule fois dans le procès-verbal et figure seulement parmi un ensemble d’informations diverses annoncées sommairement en début de réunion et qui n’a fait l’objet d’aucun commentaire. De plus, la directrice de la direction [confidentiel] ne rapportait pas, en l’espèce, un fait ou un acte dont elle aurait été directement le témoin. Enfin, ledit procès-verbal n’a pas été établi immédiatement, mais seulement le 29 mai suivant, soit douze jours plus tard, et n’a été signé électroniquement qu’à cette date.

72      Dans ces conditions, la seule mention du terme « accord » ne constitue pas une preuve suffisante qu’un « tiers » autre que le commissaire de tutelle de l’OLAF serait intervenu et que l’« accord » en question serait autre chose que l’avis favorable de celui-ci.

73      Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

c)      Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe d’impartialité consacré par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte

74      Le requérant fait valoir que le processus de sélection à l’origine des décisions attaquées a méconnu le principe d’impartialité désormais consacré par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte. Il tire principalement argument des décisions prises par le directeur général de l’OLAF le 15 décembre 2017.

75      À l’appui de son moyen, le requérant fait état de quatre indices qui prouveraient la partialité dont aurait fait preuve l’AIPN au cours de la procédure.

1)      Quant au premier indice

76      En premier lieu, le requérant prétend que, après l’arrêt Spadafora, le directeur général de l’OLAF a envisagé de confier à l’intervenante la tâche de faire à l’avenir fonction de cheffe de l’unité [confidentiel]. Il aurait convoqué les membres de cette unité dès le 7 décembre 2017 pour leur annoncer son intention, mais aurait renoncé à la mettre en œuvre à la suite d’une intervention de l’avocat du requérant.

77      Le requérant produit seulement à l’appui de son allégation une convocation à une réunion dont l’objet était un déjeuner de Noël, puis un courriel de son avocat du 8 décembre 2017 interpelant le directeur général sur son « intention de nommer [l’intervenante] comme [c]he[fe] d’unité faisant fonction de l’unité [confidentiel] ». Dans sa réponse du 9 janvier 2018 à ce courriel, le directeur général de l’OLAF a fait état de trois décisions qu’il avait prises. Premièrement, celle de remplacer la première décision de nomination annulée par l’arrêt Spadafora par une décision nommant l’intervenante sur un poste d’administrateur principal au sein de l’unité [confidentiel] avec effet au 1er août 2014. Deuxièmement, celle de la désigner comme cheffe d’unité faisant fonction pour la période comprise entre cette date et le 5 décembre 2017, date dudit arrêt. Troisièmement, celle de la transférer sur un poste d’administrateur principal rattaché au directeur général avec effet au 6 décembre 2017.

78      À aucun moment le directeur général n’a fait allusion, dans sa réponse du 9 janvier 2018, à l’intention qu’il aurait eu de nommer l’intervenante en qualité de cheffe d’unité faisant fonction de l’unité [confidentiel] pour la période postérieure à l’arrêt Spadafora.

79      Dans ces conditions, cette prétendue intention n’est pas établie à suffisance de droit. Aucun indice de partialité ne saurait par conséquent en être déduit.

2)      Quant au deuxième indice

80      En deuxième lieu, le requérant tire argument du fait que, dans sa note du 15 décembre 2017, le directeur général de l’OLAF a considéré que l’arrêt Spadafora avait annulé la première nomination de l’intervenante en qualité de cheffe de l’unité [confidentiel], pour un simple motif procédural, alors que cet arrêt serait fondé sur la violation d’un principe fondamental du droit de l’Union, à savoir le principe d’impartialité. Il aurait ainsi minimisé cet arrêt en le faisant passer pour un « simple accident de parcours ».

81      Dans sa note en question, le directeur général a informé le personnel que « le 5 décembre 2017, le Tribunal a[vait] annulé, pour des raisons purement procédurales, la nomination en août 2014 de la cheffe de l’unité [confidentiel] » et que « la procédure de nomination devait par conséquent être reprise ».

82      Comme le relève le requérant, cette annulation était fondée sur le motif que l’impartialité de la présidente du panel de présélection pouvait être mise en cause. Cependant, bien que le droit de toute personne de voir ses affaires traitées impartialement soit désormais consacré par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, le vice que constitue sa méconnaissance demeure un vice de procédure et l’annulation sur la base de celui-ci n’a pas un effet radical empêchant l’institution concernée d’adopter à nouveau un acte identique, pour autant qu’elle respecte cette fois les règles de procédure en question (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 65 et jurisprudence citée). C’est d’ailleurs, en substance, la raison pour laquelle le Tribunal a estimé, dans l’arrêt Spadafora, qu’il ne pouvait préjuger de la décision que la Commission serait amenée à prendre au vu de celui-ci et qu’il a rejeté les conclusions indemnitaires du requérant tendant à la réparation de la perte d’une chance d’être nommé (points 121 et 122).

83      L’information diffusée le 15 décembre 2017 est conforme tant à la jurisprudence susmentionnée qu’à l’arrêt Spadafora. Elle ne saurait par conséquent être regardée comme une minimisation de celui-ci.

84      Le deuxième élément relevé par le requérant ne constitue donc pas un indice de partialité du directeur général de l’OLAF.

3)      Quant au troisième indice

85      En troisième lieu, le requérant fait valoir que l’intervenante a été avantagée lors de la seconde procédure de sélection parce que l’AIPN l’a nommée, le 15 décembre 2017, en qualité de cheffe faisant fonction de l’unité [confidentiel] du 1er août 2014 au 5 décembre 2017, de manière à lui attribuer rétroactivement une expérience en cette qualité.

86      Le requérant fait observer, à ce propos, qu’un chef d’unité adjoint avait été nommé dans ladite unité et qu’il aurait dû être désigné pour exercer les fonctions de chef d’unité à partir du 16 février 2015.

87      L’article 27, paragraphe 2, du règlement intérieur de la Commission [C (2000) 3614] (JO 2000, L 308, p. 26) dispose que « [l]e chef d’unité empêché ou dont le poste est vacant est suppléé par le chef d’unité adjoint ou un fonctionnaire désigné par le directeur général […] »

88      Il s’ensuit que, contrairement à ce que suggère le requérant, l’AIPN n’était pas tenue de désigner le chef d’unité adjoint pour exercer les fonctions de chef d’unité, mais qu’elle pouvait, au choix, désigner un autre fonctionnaire à cet effet. Au demeurant, la Commission fait pertinemment valoir que le chef d’unité adjoint n’a été désigné au sein de l’unité [confidentiel] qu’à dater du 16 février 2015 et que sa désignation à compter de ce moment pour exercer les fonctions de chef d’unité n’aurait pas résolu les difficultés pour la période antérieure.

89      Le requérant conteste surtout l’affirmation, figurant dans le rejet de la réclamation, selon laquelle la désignation de l’intervenante comme cheffe d’unité faisant fonction était nécessaire pour éviter que, à la suite de l’arrêt Spadafora, les décisions qu’elle avait prises en tant que cheffe d’unité puissent être contestées. Le requérant objecte à ce propos que les principes de protection de la confiance légitime et de bonne foi limitaient par eux-mêmes l’effet rétroactif de l’arrêt et suffisaient à préserver les actes qu’elle avait accomplis.

90      Il y a lieu de rappeler effectivement que, confrontée à une situation comparable, la Cour a jugé qu’une nomination rétroactive n’était nullement nécessaire, car l’annulation de la première nomination de l’intéressé en tant que fonctionnaire n’entraînait pas, par elle-même, la nullité des actes qu’il avait accomplis, dès lors qu’en apparence il était, à l’époque, régulièrement investi de cette qualité (arrêt du 28 février 1989, van der Stijl et Cullington/Commission, 341/85, 251/86, 258/86, 259/86, 262/86, 266/86, 222/87 et 232/87, EU:C:1989:93, point 28).

91      Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent la Commission et l’intervenante, les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique ne nécessitaient pas, en l’espèce, la désignation rétroactive de cette dernière au poste de chef faisant fonction de l’unité [confidentiel].

92      Toutefois, en l’occurrence, il ne ressort pas du dossier que l’attribution à l’intervenante d’une note supérieure à celle du requérant était fondée sur la nomination rétroactive de celle-ci en qualité de cheffe faisant fonction de l’unité [confidentiel]. Dans le rejet de la réclamation, l’AIPN a expliqué cette différence par l’insuffisance de l’expérience du requérant en matière de management, laquelle ressortait de ce qu’il n’avait pas été en mesure de fournir des réponses très précises aux questions qui lui avaient été posées en ce domaine.

93      De surcroît, en tout état de cause, même à supposer que le panel de sélection ait, dans l’appréciation de la candidature de l’intervenante, pris en considération les fonctions exercées par celle-ci en qualité de cheffe faisant fonction de l’unité [confidentiel], il ressort de la jurisprudence (voir arrêt du 17 octobre 2006, Dehon/Parlement, T‑432/03 et T‑95/05, EU:T:2006:321, point 47 et jurisprudence citée) que, en cas d’annulation d’une nomination, l’AIPN peut, dans le cadre d’une nouvelle procédure, prendre en considération l’expérience et les titres acquis par les candidats durant la période séparant les deux avis de vacance. De même, dans l’arrêt du 28 février 1989, van der Stijl et Cullington/Commission (341/85, 251/86, 258/86, 259/86, 262/86, 266/86, 222/87 et 232/87, EU:C:1989:93, point 36), la Cour a observé que, au moment de son engagement comme agent temporaire, l’agent dont la nomination statutaire avait été annulée avait déjà exercé les fonctions litigieuses et que ses supérieurs hiérarchiques avaient ainsi eu la possibilité d’apprécier s’il disposait des compétences spécifiques requises pour le poste en cause.

94      Par conséquent, c’est à juste titre que l’intervenante expose que sa nomination rétroactive comme cheffe d’unité faisant fonction de l’unité [confidentiel] ne lui procurait aucun avantage indu, puisque, dans le cadre de la nouvelle procédure tendant à pourvoir le poste de chef d’unité, elle aurait de toute manière pu tirer profit de l’expérience qu’elle avait acquise en occupant dans les faits ce poste, et ce même en l’absence d’une nomination rétroactive.

95      Dans ces conditions, cette nomination rétroactive n’est pas un indice de la partialité de l’AIPN.

4)      Quant au quatrième indice

96      En quatrième lieu, le requérant allègue que l’intervenante a bénéficié d’une mutation auprès du directeur général de l’OLAF à compter du 6 décembre 2017, sans aucune tâche à accomplir, ainsi que cela ressortirait du système informatique de gestion du personnel, appelé Sysper. L’intervenante aurait ainsi trouvé une place « dans la salle d’attente privilégiée » de l’AIPN avant sa nouvelle nomination.

97      La Commission et l’intervenante font observer que, dans l’arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission (T‑100/04, EU:T:2008:68, points 223 et 225), le Tribunal a estimé que la participation d’un membre d’un jury de concours à l’évaluation d’un candidat travaillant ou ayant travaillé au sein de la même unité ou de la même direction que lui n’amenait pas, en soi, ce membre à se prononcer sur une affaire au traitement ou à la solution de laquelle il avait un intérêt personnel de nature à compromettre son indépendance. Le Tribunal aurait jugé que, par conséquent, le fait pour certains membres du jury d’avoir travaillé avec certains candidats ne suffisait pas, à lui seul, à établir l’existence d’une situation de conflit d’intérêts.

98      Le requérant rétorque qu’il dénonce non pas une situation de « conflit d’intérêts », mais celle d’un manque d’impartialité.

99      Il convient cependant de rappeler que le conflit d’intérêts n’est qu’une variante du vice de partialité, puisque l’exigence d’impartialité couvre toutes circonstances que le fonctionnaire ou l’agent amené à se prononcer sur une affaire doit raisonnablement comprendre comme étant de nature à apparaître, aux yeux des tiers, comme susceptibles d’affecter son indépendance (arrêt du 19 septembre 2019, GE Healthcare/Commission, T‑783/17, EU:T:2019:624, point 172).

100    Le requérant fait néanmoins observer avec raison que la situation d’un candidat ayant travaillé sous la direction d’un membre du jury se distingue du cas d’espèce où la personne investie à titre exclusif du pouvoir de nomination a créé un poste ad hoc et fait d’un candidat son subordonné direct.

101    Toutefois, pour établir que la désignation de l’intervenante comme collaboratrice directe du directeur général était une manœuvre pour la favoriser, le requérant se borne à alléguer que ce poste n’avait ni intitulé ni description dans Sysper et qu’il ne correspondait à aucune tâche à accomplir.

102    Dans une communication du 15 décembre 2017, le directeur général de l’OLAF indiquait déjà que l’intervenante exercerait une activité dans le domaine juridique. De plus, des courriels échangés le 20 décembre suivant avec l’intervenante, le nouveau chef faisant fonction de l’unité [confidentiel] et le directeur général contredisent l’affirmation selon laquelle aucune tâche n’était liée au poste en question. Dans cet échange, le directeur général confirmait toutes les tâches que l’intervenante avait proposé d’accomplir et y ajoutait celle de le conseiller sur des questions juridiques particulières en cas de besoin. Enfin, l’intervenante précise qu’elle a travaillé principalement sur deux projets. Premièrement, sur un projet de révision du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’OLAF et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p 1). Secondement, sur le projet qui a conduit à l’adoption du règlement (UE) 2018/1725 du Parlement européen et du Conseil, du 23 octobre 2018, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions, organes et organismes de l’Union et à la libre circulation de ces données, et abrogeant le règlement (CE) no 45/2001 et la décision no 1247/2002/CE (JO 2018, L 295, p 39).

103    Le requérant soutient, certes, que ces tâches étaient déjà assumées par d’autres personnes, mais il s’agit là d’une affirmation non étayée. En toute hypothèse, il n’est pas rare qu’un fonctionnaire reprenne des tâches déjà attribuées à d’autres, par exemple pour alléger leur charge de travail ou, comme l’intervenante le soutient, parce qu’il est mieux à même de les accomplir.

104    De surcroît, la proximité créée par la désignation litigieuse doit être relativisée dans la mesure où, comme le soutient l’intervenante sans être contredite sur ce point, le requérant et les autres candidats présélectionnés par le panel de sélection connaissaient le directeur général de l’OLAF depuis plus longtemps qu’elle.

105    Enfin, le fait que, après la décision de nomination, le requérant a lui-même été désigné pour occuper la fonction, précédemment occupée par l’intervenante, de collaborateur direct du directeur général démontre que ce poste répondait à un besoin objectif du service et qu’il ne correspondait pas un traitement de faveur réservé à celle-ci.

106    Il s’ensuit que, même s’il eût été préférable de ne pas désigner l’intervenante comme collaboratrice directe du directeur général alors que la nouvelle procédure de sélection était lancée, cette désignation ne suffit pas, dans les circonstances de la cause, pour conclure au manque d’impartialité de la procédure.

107    Le troisième moyen n’est donc pas fondé.

108    Aucun des moyens n’étant fondé, il y a par conséquent lieu de rejeter les conclusions en annulation.

B.      Sur les conclusions indemnitaires

109    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, dans le cadre d’une demande en dommages et intérêts formulée par un fonctionnaire ou par un agent, la responsabilité de l’Union suppose la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (arrêts du 16 décembre 2010, Commission/Petrilli, T‑143/09 P, EU:T:2010:531, point 45, et du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 122).

110    En l’espèce, le requérant demande au Tribunal de condamner la Commission à réparer le préjudice matériel et moral qu’il aurait subi en raison des irrégularités qu’elle a commises lors de l’adoption de la décision de nomination et qu’il a identifiées dans ses moyens d’annulation. Son préjudice matériel consisterait en la perte d’une chance d’être nommé au poste de chef de l’unité [confidentiel], alors qu’il faisait partie de la liste restreinte des quatre candidats convoqués aux entretiens de sélection. Son préjudice moral résulterait de la réitération d’actes entachés d’illégalité et de l’atteinte à sa réputation et à ses relations professionnelles du fait que la Commission a repris à son compte les appréciations négatives de l’évaluatrice à son propos.

111    Selon une jurisprudence constante, les trois conditions d’engagement de la responsabilité rappelées au point 109 ci-dessus étant cumulatives, la responsabilité de l’institution ne peut être engagée, quand l’une de celles-ci n’est pas satisfaite (arrêts du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14 ; du 10 décembre 2008, Nardone/Commission, T‑57/99, EU:T:2008:555, point 60, et du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 122).

112    En l’espèce, l’illégalité du comportement reproché par le requérant à la Commission n’est pas établie, dès lors que les moyens d’annulation auxquels il renvoie ne sont pas fondés.

113    Il s’ensuit que les conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

C.      Sur la recevabilité du « mémoire complémentaire » déposé par le requérant le 14 octobre 2019

114    Le « mémoire complémentaire » déposé par le requérant le 14 octobre 2019 n’est pas un mémoire prévu par le règlement de procédure. Toutefois, l’Union étant une communauté de droit, les modalités procédurales applicables aux recours dont le juge de l’Union est saisi doivent être interprétées, dans toute la mesure du possible, d’une manière telle que ces modalités puissent recevoir une application qui contribue à la mise en œuvre de l’objectif de garantir une protection juridictionnelle effective des droits que tirent les justiciables du droit de l’Union (arrêt du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 45).

115    En l’espèce, sans qu’il soit besoin de statuer sur le droit qu’aurait une partie requérante, au nom du principe du caractère contradictoire de la procédure et du principe de protection juridictionnelle effective, de présenter, dans un « mémoire complémentaire », des observations sur la duplique, il y a lieu de constater que, même à le supposer recevable, le mémoire déposé le 14 octobre 2019 par le requérant est sans incidence sur la solution du présent litige. En effet, les éléments de la duplique sur lesquels le requérant présente des observations soit ont déjà donné lieu à un débat entre les parties, soit portent, en substance, sur son intérêt à contester les décisions attaquées et ne fondent pas les motifs retenus par le Tribunal aux fins de rejeter le présent recours.

116    Par conséquent, au vu de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

IV.    Sur les dépens

117    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

118    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et l’intervenante, conformément à leurs conclusions.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Sergio Spadafora est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne et par CC.

Gervasoni

Nihoul

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 février 2021.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.


1      Données confidentielles occultées.