ORDONNANCE DE LA COUR

28 janvier 2021(*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑626/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 novembre 2020,

Arkadiusz Kaminski, demeurant à Etobicoke, Ontario (Canada), représenté par Mes E. Pijewska, M. Mazurek et par W. Trybowski, radcowie prawni,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Polfarmex S.A., établie à Kutno (Pologne), représentée par Me B. Matusiewicz-Kulig, adwokat,

partie demanderesse en première instance,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente, M. N. Piçarra et Mme K. Jürimäe (rapporteure), juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. M. Campos Sánchez-Bordona, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, M. Arkadiusz Kaminski demande l’annulation de l’arrêt du 23 septembre 2020, Polfarmex/EUIPO – Kaminski (SYRENA), (T‑677/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:424), par lequel celui-ci a, dans le cadre d’une procédure de déchéance entre Polfarmex et M. Kaminski, annulé la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 11 juillet 2019 (affaires jointes R 1861/2018-2 et R 1840/2018-2), en ce qu’elle a maintenu l’enregistrement de la marque de l’Union européenne n° 9262767 pour les « voitures » relevant de la classe 12 autres que les « voitures de courses ».

 Sur la demande d’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la partie requérante invoque quatre arguments. En premier lieu, elle fait valoir l’importance générale de la question de l’interprétation par le Tribunal des conditions de distinction de catégories ou sous-catégories de produits dans le cadre de l’appréciation de l’usage sérieux d’une marque, pour le développement et la cohérence de l’ensemble de la pratique en matière de marques de l’Union européenne, en particulier en ce qui concerne les véhicules. La partie requérante estime ainsi que le premier moyen du pourvoi donne à la Cour l’occasion de confirmer et de développer les lignes directrices spécifiques quant aux critères à appliquer à cet égard.

7        En deuxième lieu, en ce qui concerne l’appréciation de la preuve de l’usage pour une partie des produits au titre de l’article 18, paragraphe 1, ainsi que de l’article 58, paragraphe 1, sous a), et paragraphe 2, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), la partie requérante reproche au Tribunal d’avoir procédé, aux points 58 à 105 et 126 à 128 de l’arrêt attaqué, à une distinction erronée des sous-catégories « voitures de course », « voitures de sport » et « voitures électriques », ce qui serait en contradiction avec les arrêts du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO (C‑714/18 P, EU:C:2020:573) et du 22 octobre 2020, Ferrari (C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854). Dans ce contexte, la partie requérante estime que les objectifs d’unité et de cohérence du droit de l’Union justifient l’annulation des arrêts qui sont en contradiction avec la jurisprudence de rang supérieur.

8        En troisième lieu, elle reproche au Tribunal l’existence d’une contradiction entre les points 57 et 125 de l’arrêt attaqué, en ce qui concerne la question, qu’elle estime essentielle, de la distinction de sous-catégories de produits au sein de la catégorie « voitures ». Dans ce contexte, la partie requérante ajoute que le Tribunal a manqué à son obligation de motivation en vertu de l’article 36 du statut de la Cour. Compte tenu de l’objectif de cohérence de l’ordre juridique de l’Union, il conviendrait d’éviter de telles contradictions au sein de la jurisprudence de l’Union.

9        En quatrième lieu, la partie requérante reproche au Tribunal d’avoir violé le principe de proportionnalité, en rompant l’équilibre entre les intérêts du titulaire de la marque de l’Union européenne et ceux des tiers, à savoir ses concurrents potentiels. En effet, le Tribunal imposerait au titulaire de la marque de l’Union européenne la charge, injustement lourde, de prouver l’usage pour différents types de produits, en la considérant comme la condition nécessaire de l’usage sérieux pour l’ensemble de la catégorie des produits. Selon la partie requérante, une telle charge de la preuve est contraire à la jurisprudence issue des arrêts du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO (C‑714/18 P, EU:C:2020:573) et du 22 octobre 2020, Ferrari (C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854).

10      Afin d’examiner la demande d’admission du pourvoi présentée par la partie requérante, il convient de relever, à titre liminaire, que c’est à celle-ci qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 26 novembre 2020, Scorify/EUIPO, C‑418/20 P, non publiée, EU:C:2020:968, point 17 et jurisprudence citée).

11      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut a pour but de limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 26 novembre 2020, Scorify/EUIPO, C‑418/20 P, non publiée, EU:C:2020:968, point 18 et jurisprudence citée).

12      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la violation de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

13      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

14      En l’occurrence, s’agissant, en premier lieu, des arguments évoqués aux points 6, 7 et 9 de la présente ordonnance qui, étant étroitement liés, peuvent être examinés conjointement, la partie requérante invoque l’existence d’une contradiction entre les points 58 à 105 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal apprécie les éléments de preuve du requérant pour chacune des « sous-catégories » distinguées, et les points 126 à 128 de cet arrêt, dans lesquels le Tribunal indique les raisons pour lesquelles les « voitures de course » constituent une sous-catégorie autonome au sein de la catégorie « voitures », avec les arrêts du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO (C‑714/18 P, EU:C:2020:573) et du 22 octobre 2020, Ferrari (C‑720/18 et C‑721/18, EU:C:2020:854). Dans le même contexte, elle allègue également que le Tribunal a imposé à un titulaire de la marque de l’Union européenne une charge de la preuve injustement lourde afin de prouver l’usage pour différents types de produits et ce, en contradiction avec le principe de proportionnalité et l’approche suivie dans ces arrêts. Selon la partie requérante, la question de la distinction de catégories ou sous-catégories de produits revêt une importance primordiale pour le développement de l’ensemble de la pratique de l’Union concernant l’appréciation de l’usage sérieux de la marque.

15      À cet égard, concernant les arguments tirés d’une incohérence de l’arrêt attaqué avec la jurisprudence de la Cour et d’une violation du principe de proportionnalité, il importe de souligner que, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, une telle argumentation n’est pas, en soi, suffisante pour établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, le demandeur devant respecter, à cette fin, l’ensemble des exigences énoncées au point 12 de la présente ordonnance. Or, en l’occurrence, si la partie requérante précise les points de l’arrêt attaqué et ceux des décisions de la Cour qui auraient été méconnus, elle ne fournit toutefois pas d’indications suffisantes sur la similitude des situations visées dans la jurisprudence évoquée permettant d’établir la réalité de la contradiction invoquée (voir, en ce sens, ordonnance du 13 février 2020, Confédération nationale du Crédit Mutuel / Crédit Mutuel Arkéa, C‑867/19 P, non publiée, EU:C:2020:103, points 17 et 18). Par ailleurs, la partie requérante n’indique pas non plus les raisons concrètes pour lesquelles la contradiction avec la jurisprudence ou la violation du principe de proportionnalité soulèveraient une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

16      En ce qui concerne l’allégation selon laquelle la question de la distinction de catégories ou sous-catégories de produits revêt une importance pour le développement du droit de l’Union, il y a lieu de rappeler que la partie requérante au pourvoi doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’elle invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi. Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement des arguments d’ordre général (ordonnance du 4 juin 2020, Société des produits Nestlé/Amigüitos pets & life et EUIPO, C‑97/20 P, non publiée, EU:C:2020:442, point 18 et jurisprudence citée). Toutefois, une telle démonstration fait défaut dans l’allégation de la partie requérante En effet, elle se borne à affirmer que la Cour est invitée à confirmer et à développer les lignes directrices spécifiques appropriées quant aux critères à appliquer dans l’appréciation de l’usage sérieux de la marque sans pour autant fournir des arguments concrets et propres au cas d’espèce afin de prouver en quoi cette question est importante pour le développement du droit de l’Union.

17      En second lieu, par son argumentation résumée au point 8 de la présente ordonnance, la partie requérante fait valoir une contradiction entre, d’une part, le point 57 de l’arrêt attaqué, où le Tribunal estime qu’il est approprié d’apprécier les éléments de preuve produits par le requérant pour les trois sous-catégories en cause, à savoir « voitures de course », « voitures de sport », « voitures électriques » et, d’autre part, le point 125 de cet arrêt, où il a jugé qu’« il convient d’apprécier si les voitures de course sont susceptibles de constituer une sous-catégorie ». Ce faisant, le Tribunal aurait, d’une part, directement refusé de confirmer l’existence de ces trois sous-catégories au sein de la catégorie « voitures », et, d’autre part, manqué à son obligation de motivation en exprimant deux positions différentes sur la même question.

18      Il convient de constater que si la partie requérante identifie ainsi une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal, il n’est ni expliqué à suffisance ni, en tout état de cause, démontré en quoi une telle erreur, à la supposer établie, soulèverait une question importante pour l’unité et la cohérence du droit de l’Union qui justifierait l’admission du pourvoi. En effet, s’il est vrai que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le défaut, l’insuffisance ou la contradiction de motivation constitue une erreur de droit qui peut être invoquée dans le cadre d’un pourvoi, l’admission d’un pourvoi demeure toutefois subordonnée au respect des conditions spécifiques consistant, pour la requérante au pourvoi, à démontrer que ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 3 décembre 2020, Dermavita/EUIPO, C‑400/20 P, non publiée, EU:C:2020:997, point 19 et jurisprudence citée). Or, la partie requérante n’explique aucunement les raisons pour lesquelles la contradiction de motivation de l’arrêt attaqué qu’elle allègue soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

19      Dans ces conditions, il convient de conclure que la demande présentée par la partie requérante n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

20      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

21      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

22      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la partie requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      Arkadiusz Kaminski supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.