ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre élargie)

24 septembre 2019 (*)

« Aides d’État – Aide mise en exécution par le Luxembourg – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et illégale et ordonnant sa récupération – Décision anticipative (tax ruling) – Avantage – Principe de pleine concurrence – Caractère sélectif – Présomption – Restriction de concurrence – Récupération »

Dans les affaires T‑755/15 et T‑759/15,

Grand-Duché de Luxembourg, représenté initialement par Mme D. Holderer et par M. T. Uri, puis par M. Uri, en qualité d’agents, assistés initialement de Mes D. Waelbroeck, S. Naudin et A. Steichen, puis de Mes Waelbroeck et Steichen, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑755/15,

soutenue par

Irlande, représentée initialement par Mmes E. Creedon, G. Hodge et M. A. Joyce, puis par Mmes Hodge, M. Browne et M. Joyce, et enfin par M. Joyce et Mme J. Quaney, en qualité d’agents, assistés de MM. P. Gallagher, M. Collins, SC, B. Doherty et Mme S. Kingston, barristers,

partie intervenante,

Fiat Chrysler Finance Europe, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par M. J. Rodríguez, solicitor, Mes G. Maisto et M. Engel, avocats,

partie requérante dans l’affaire T‑759/15,

soutenue par

Irlande, représentée initialement par Mmes E. Creedon, G. Hodge, K. Duggan et M. A. Joyce, puis par Mmes Hodge, Duggan, M. Browne et M. Joyce, et enfin par M. Joyce et Mme J. Quaney, en qualité d’agents, assistés de MM. M. Collins, P. Gallagher, SC, Mme S. Kingston et M. B. Doherty, barristers,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. P.-J. Loewenthal et B. Stromsky, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet des demandes fondées sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2016/2326 de la Commission, du 21 octobre 2015, concernant l’aide d’État SA.38375 (2014/C ex 2014/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur de Fiat (JO 2016, L 351, p. 1),

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie),

composé de M. M. van der Woude, président, Mme V. Tomljenović (rapporteur), M. E. Bieliūnas, Mme A. Marcoulli et M. A. Kornezov, juges,

greffier : Mme S. Spyropoulos, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 juin 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Sur la décision anticipative accordée par les autorités fiscales luxembourgeoises à FFT

1        Le 14 mars 2012, le conseiller fiscal de Fiat Chrysler Finance Europe, anciennement dénommée Fiat Finance and Trade Ltd (ci‑après « FFT »), a adressé une lettre aux autorités fiscales luxembourgeoises afin de solliciter une décision fiscale anticipée en matière d’imposition (ou décision anticipative). [confidentiel] (1

2        Le 3 septembre 2012, les autorités fiscales luxembourgeoises ont adopté une décision anticipative en faveur de FFT (ci-après la « décision anticipative en cause »). Ladite décision était contenue dans un courrier dans lequel il était indiqué que, « en ce qui concern[ait] la lettre, datée du 14 mars 2012, relative aux activités de financement intragroupe de FFT, il [était] confirmé que l’analyse des prix de transfert a[vait] été réalisée conformément à la circulaire 164/2 du 28 janvier 2011 et qu’elle respect[ait] le principe de pleine concurrence ».

3        Le courrier du 3 septembre 2012 précisait également que la décision qu’il contenait serait contraignante pour les autorités fiscales pendant une période de cinq années (soit de l’année fiscale 2012 à l’année fiscale 2016).

B.      Sur la procédure administrative devant la Commission

4        Le 19 juin 2013, la Commission européenne a envoyé au Grand-Duché de Luxembourg une première demande de renseignements concernant des informations détaillées sur les pratiques nationales en matière de décisions anticipatives. Cette première demande de renseignements a été suivie par de nombreux échanges entre le Grand-Duché de Luxembourg et la Commission jusqu’à l’adoption, par cette dernière, le 24 mars 2014, d’une décision enjoignant au Grand-Duché de Luxembourg de lui fournir des informations.

5        Le 11 juin 2014, la Commission a ouvert la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (ci-après la « décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen ») concernant la décision anticipative en cause. Entre le jour de l’adoption de la décision d’ouverture et le 15 juillet 2015, la Commission a échangé à de nombreuses reprises avec le Grand-Duché de Luxembourg, ainsi qu’avec FFT, au sujet notamment de la décision anticipative en cause.

C.      Sur la décision attaquée

6        Le 21 octobre 2015, la Commission a adopté la décision (UE) 2016/2326, concernant l’aide d’État SA.38375 (2014/C ex 2014/NN) mise à exécution par le Luxembourg en faveur de Fiat (JO 2016, L 351, p. 1, ci-après la « décision attaquée »).

1.      Description de la mesure contestée

7        Dans la section 2 de la décision attaquée, intitulée « Description de la mesure », en premier lieu, la Commission a décrit FFT, le bénéficiaire de la décision anticipative en cause, qui faisait partie du groupe automobile Fiat/Chrysler (ci‑après le « groupe Fiat/Chrysler »). Elle a indiqué que FFT fournissait des services de trésorerie et des financements aux sociétés dudit groupe établies en Europe, à l’exclusion de celles établies en Italie, et qu’elle opérait depuis le Luxembourg, où son siège social était établi. La Commission a précisé que FFT était en particulier active dans le financement par le marché et les investissements de liquidités, les relations avec les acteurs du marché financier, les services de coordination et de conseils financiers aux sociétés du groupe, les services de gestion de trésorerie aux sociétés du groupe, le financement intersociétés à court ou à moyen terme et la coordination avec les autres sociétés de financement (considérants 34 à 51 de la décision attaquée).

8        En deuxième lieu, la Commission a procédé à une description de la décision anticipative en cause, précisant qu’elle avait été adoptée par l’administration fiscale luxembourgeoise le 3 septembre 2012. Elle a indiqué que cette décision faisait suite, d’une part, à la lettre du 14 mars 2012 du conseiller fiscal de FFT adressée à l’administration fiscale luxembourgeoise, contenant une demande d’approbation d’un accord en matière de prix de transfert, et, d’autre part, à un rapport en matière de prix de transfert contenant une analyse des prix de transfert élaborée par le conseiller fiscal à l’appui de la demande d’adoption d’une décision anticipative de la part de FFT (ci-après le « rapport sur les prix de transfert ») (considérants 9, 53 et 54 de la décision attaquée).

9        La Commission a décrit la décision anticipative en cause comme avalisant une méthode d’affectation des bénéfices à FFT au sein du groupe Fiat/Chrysler, ce qui permettait à FFT de déterminer annuellement le montant de son impôt sur les sociétés à verser au Grand-Duché de Luxembourg. Elle a précisé que la décision anticipative avait été contraignante durant une période de cinq ans, à compter de l’exercice fiscal de 2012 jusqu’à celui de 2016 (considérants 52 et 54 de la décision attaquée).

10      La Commission a constaté que, selon le rapport sur les prix de transfert, la méthode la plus appropriée pour déterminer le bénéfice imposable de FFT était la méthode transactionnelle de la marge nette (ci-après la « MTMN »). Cette méthode consiste, selon la Commission, à prendre en considération les marges nettes perçues lors de transactions comparables effectuées par des sociétés indépendantes. Ce choix était justifié, selon ledit rapport, par le fait que FFT fournissait exclusivement des services financiers à des entreprises appartenant au groupe Fiat/Chrysler. La Commission a ajouté que, selon le rapport sur les prix de transfert, la rémunération due à FFT, qui constituait le bénéfice imposable, devait être établie par rapport aux capitaux qui seraient nécessaires à FFT pour exercer ses fonctions et pour supporter les risques encourus, compte tenu des actifs utilisés (considérants 55 et 56 de la décision attaquée).

11      Plus précisément, la Commission a constaté que le rapport sur les prix de transfert, tel qu’avalisé par la décision anticipative en cause, proposait de calculer une rémunération globale due à FFT pour ses activités de financement et de trésorerie et pour les risques qu’elle assumait se composant des deux éléments suivants (considérant 70 de la décision attaquée) :

–        une « rémunération du risque », calculée en multipliant les fonds propres réglementaires hypothétiques de FFT, estimés par l’application par analogie du dispositif de Bâle II à 28 500 000 euros, par le rendement escompté avant impôts, estimé à 6,05 %, à l’aide du modèle d’évaluation des actifs financiers (ci-après le « MEDAF ») ;

–        une « rémunération des fonctions », calculée en multipliant ce qui est désigné comme étant les fonds propres de FFT utilisés pour exercer les fonctions, estimés à 93 710 000 euros, par le taux d’intérêt du marché appliqué aux dépôts à court terme, estimé à 0,87 %.

12      En outre, la Commission a relevé que la décision anticipative en cause avait avalisé la proposition du rapport sur les prix de transfert de ne pas rémunérer la part des capitaux propres de FFT désignée comme couvrant les investissements financiers de FFT dans Fiat Finance North America Inc. (ci‑après « FFNA ») et Fiat Finance Canada Ltd (ci‑après « FFC ») (considérant 69 de la décision attaquée).

2.      Description des règles luxembourgeoises en matière de prix de transfert

13      La Commission a indiqué que la décision anticipative en cause avait été adoptée sur le fondement de l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts sur les revenus luxembourgeois (loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, telle que modifiée, ci-après le « code des impôts »), et de la circulaire L.I.R. no 164/2 du directeur des contributions luxembourgeoises, du 28 janvier 2011 (ci-après la « circulaire »). À cet égard, d’une part, la Commission a relevé que ledit article établissait le principe de pleine concurrence en droit fiscal luxembourgeois, selon lequel les transactions entre sociétés d’un même groupe (ci-après les « sociétés intégrées ») devaient être rémunérées comme si elles avaient été acceptées par des sociétés indépendantes négociant dans des circonstances comparables dans des conditions de pleine concurrence (ci-après les « sociétés autonomes »). D’autre part, elle a ajouté que la circulaire précisait notamment comment déterminer une rémunération de pleine concurrence en ce qui concernait plus particulièrement les sociétés de financement de groupe (considérants 74 à 83 de la décision attaquée).

3.      Description des lignes directrices de l’OCDE

14      La Commission a exposé les principes de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) en matière de prix de transfert et indiqué que les prix de transfert faisaient référence aux prix facturés pour des transactions commerciales entre diverses entités appartenant à un même groupe de sociétés. Elle a affirmé que, pour éviter que les sociétés multinationales ne soient incitées financièrement à attribuer aussi peu de bénéfices que possible aux territoires qui imposaient plus fortement leurs bénéfices, les administrations fiscales n’auraient dû accepter les prix de transfert entre sociétés intégrées que lorsque, conformément au principe de pleine concurrence, les transactions avaient été rémunérées comme si elles avaient été acceptées par des sociétés autonomes négociant dans des circonstances comparables dans des conditions de pleine concurrence. La Commission a précisé que ce principe figurait à l’article 9 du modèle de convention fiscale de l’OCDE concernant le revenu et la fortune (ci-après le « modèle de convention de l’OCDE ») (considérants 84 à 87 de la décision attaquée).

15      La Commission a rappelé que les principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales, adoptés par le comité des affaires fiscales de l’OCDE le 27 juin 1995 et revus le 22 juillet 2010 (ci-après les « lignes directrices de l’OCDE »), énuméraient cinq méthodes pour établir une approximation des prix de pleine concurrence pour les transactions et la répartition des bénéfices entre les sociétés intégrées. Seules deux d’entre elles étaient pertinentes dans le cadre de la décision attaquée (considérants 88 et 89 de la décision attaquée).

16      La première méthode, qui est une méthode traditionnelle fondée sur les transactions, est la méthode du prix comparable sur le marché libre (ci-après la « CUP »). La Commission a rappelé que la méthode CUP comparait le prix facturé pour le transfert de biens ou de services dans le cadre d’une transaction entre deux entreprises associées l’une à l’autre avec le prix facturé pour le transfert de biens ou de services dans le cadre d’une transaction comparable effectuée entre deux entreprises indépendantes l’une de l’autre dans des circonstances comparables (considérant 90 de la décision attaquée).

17      La seconde méthode est la MTMN, qui constitue une méthode indirecte utilisée pour établir une approximation des prix de pleine concurrence pour les transactions et de la répartition des bénéfices entre les sociétés d’un même groupe. La Commission a décrit cette méthode comme consistant à estimer le montant potentiel du bénéfice en vertu du principe de pleine concurrence pour une activité considérée dans son ensemble, plutôt que pour des transactions spécifiques. Elle a précisé que, dans ce cadre, il convenait de choisir un indicateur du niveau de bénéfices, tel que les coûts, le chiffre d’affaires ou des investissements fixes, et de lui appliquer un taux de bénéfice reflétant celui observé dans des transactions comparables effectuées sur le marché libre (considérant 91 de la décision attaquée).

4.      Appréciation de la mesure contestée

18      Dans la section 7 de la décision attaquée, intitulée « Appréciation de la mesure contestée », la Commission a conclu à l’existence d’une aide d’État.

19      Après avoir rappelé les conditions de l’existence d’une aide d’État, selon lesquelles, pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou effectuée au moyen de ressources d’État, deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire et, quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence, la Commission a considéré que la première condition était remplie en l’espèce. À cet égard, d’une part, elle a relevé que la décision anticipative en cause était imputable au Grand-Duché de Luxembourg. D’autre part, la Commission a constaté que cette décision avait donné lieu à une perte de ressources d’État, dès lors que toute réduction de l’impôt dû par FFT avait entraîné une perte de recettes fiscales dont le Grand-Duché de Luxembourg aurait pu disposer en l’absence de cette réduction (considérants 185 à 188 de la décision attaquée).

20      S’agissant des deuxième et quatrième conditions, d’une part, la Commission a considéré que, FFT appartenant à un groupe exerçant ses activités dans l’ensemble des États membres, toute aide octroyée en sa faveur était susceptible d’affecter les échanges à l’intérieur de l’Union. D’autre part, elle a considéré que, dans la mesure où la décision anticipative en cause exonérait FFT d’une dette fiscale, elle améliorait sa position financière et, de ce fait, faussait ou menaçait de fausser la concurrence (considérant 189 de la décision attaquée).

21      S’agissant de la troisième condition de l’existence d’une aide d’État, la Commission a considéré que la décision anticipative en cause conférait un avantage sélectif à FFT, dans la mesure où elle avait entraîné une réduction de l’impôt dû par l’intéressée au Luxembourg en s’écartant de l’impôt qu’elle aurait dû payer en vertu du système ordinaire de l’impôt sur les sociétés (considérant 190 de la décision attaquée).

22      À titre liminaire, la Commission a rappelé que, selon la jurisprudence, une analyse en trois étapes s’impose pour déterminer si une mesure fiscale est sélective. Dans un premier temps, il s’agit de déterminer quel est le régime commun ou normal applicable dans l’État membre, à savoir le « système de référence ». Dans un deuxième temps, il y a lieu de déterminer si la mesure fiscale en question constitue une dérogation à ce système, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre opérateurs économiques se trouvant, au regard des objectifs intrinsèques du système, dans une situation factuelle et juridique comparable. La Commission a ensuite rappelé que, dans un troisième temps, si la mesure constitue une dérogation au système de référence, il convient que l’État établisse si cette mesure est justifiée par la nature ou l’économie générale du système de référence (considérant 192 de la décision attaquée).

23      S’agissant de la première étape, liée à la détermination du système de référence, la Commission a estimé que, en l’espèce, ledit système était le système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg, dont l’objectif était l’imposition des bénéfices de toutes les sociétés soumises à l’impôt au Luxembourg. Elle a précisé, à cet égard, que le système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg s’appliquait aux sociétés indigènes et aux sociétés étrangères résidentes au Luxembourg, y compris aux succursales luxembourgeoises des sociétés étrangères. La Commission a considéré que le fait qu’il existait une différence en matière de calcul des bénéfices imposables entre les sociétés autonomes et les sociétés intégrées n’avait aucune incidence sur l’objectif du système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg, qui était d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés résidentes du Luxembourg, qu’elles soient ou non intégrées et que les deux types de société se trouvent dans une situation factuelle et juridique similaire au regard de l’objectif intrinsèque de ce système. La Commission a rejeté l’ensemble des arguments soulevés par le Grand-Duché de Luxembourg et par FFT selon lesquels l’article 164 du code des impôts ou la circulaire constituaient le système de référence pertinent ainsi que leur argument selon lequel le système de référence à prendre en considération pour apprécier la sélectivité de la décision anticipative en cause ne devait inclure que des entreprises soumises aux règles en matière de prix de transfert (considérants 193 à 215 de la décision attaquée).

24      S’agissant de la deuxième étape, la Commission a indiqué que la question de savoir si une mesure fiscale constituait une dérogation au système de référence coïncidait généralement avec la constatation qu’un avantage avait été conféré au bénéficiaire par l’intermédiaire de cette mesure. Selon elle, lorsqu’une mesure fiscale entraîne une réduction injustifiée de l’impôt dû par un bénéficiaire qui, en l’absence de cette mesure, devrait acquitter un impôt plus élevé selon le système de référence, cette réduction constituait l’avantage conféré par la mesure fiscale en même temps que la dérogation au système de référence. En outre, la Commission a rappelé que, selon la jurisprudence, dans le cas d’une mesure individuelle, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa sélectivité (considérants 216 à 218 de la décision attaquée).

25      Ensuite, la Commission a affirmé qu’une mesure fiscale qui conduit une société appartenant à un groupe à facturer des prix de transfert qui ne sont pas proches de ceux qui seraient pratiqués entre des entreprises indépendantes, conformément au principe de pleine concurrence, conférait un avantage à cette société en ce qu’elle aboutit à une réduction de son assiette fiscale et, partant, de l’impôt exigible en application du système général de l’impôt sur les sociétés, ce que la Cour aurait admis. Dès lors, la Commission a précisé qu’elle devait vérifier si la méthode avalisée par l’administration fiscale luxembourgeoise au moyen de la décision anticipative en cause aux fins de la détermination des bénéfices imposables de FFT au Luxembourg s’écartait d’une méthode qui débouchait sur une approximation fiable d’un résultat basé sur le marché et, de ce fait, du principe de pleine concurrence. Dans ce cas, la décision anticipative serait considérée comme procurant un avantage sélectif à FFT au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérants 222 à 227 de la décision attaquée).

26      En conséquence, la Commission a estimé que le principe de pleine concurrence faisait nécessairement partie intégrante de son appréciation, au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, des mesures fiscales accordées aux sociétés intégrées, indépendamment de la question de savoir si un État membre avait incorporé ce principe dans son système juridique national. La Commission a alors précisé que, en réponse aux arguments du Grand‑Duché de Luxembourg soulevés dans le cadre de la procédure administrative, elle n’avait pas examiné si la décision anticipative en cause respectait le principe de pleine concurrence, tel que défini à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts ou dans la circulaire, mais qu’elle avait cherché à déterminer si l’administration fiscale luxembourgeoise avait procuré un avantage sélectif à FFT au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérants 228 à 231 de la décision attaquée).

27      En premier lieu, la Commission a considéré que plusieurs des choix méthodologiques validés par le Grand-Duché de Luxembourg et sous‑tendant l’analyse des prix de transfert dans la décision anticipative en cause conduisaient à une réduction de l’impôt sur les sociétés dont les sociétés autonomes auraient dû s’acquitter (considérants 234 à 240 de la décision attaquée).

28      Premièrement, s’agissant des capitaux propres à rémunérer, la Commission a considéré que les fonds propres réglementaires hypothétiques de FFT, choisis par le conseiller fiscal, ne constituaient pas un indicateur approprié du niveau de bénéfices lors de l’application de la MTMN pour estimer une rémunération de pleine concurrence pour les fonctions exercées par FFT. La Commission a alors constaté que, en prenant en considération les fonds propres réglementaires hypothétiques, d’un montant de 28,5 millions d’euros, plutôt que les capitaux propres comptables, d’un montant de 287,5 millions d’euros en 2011, sur la base duquel le MEDAF était appliqué, le conseiller fiscal avait divisé par 10 la rémunération imposable de FFT. La Commission a précisé qu’elle avait rejeté l’ensemble des arguments du Grand-Duché de Luxembourg et de FFT à cet égard (considérants 248 à 266 de la décision attaquée).

29      Deuxièmement, s’agissant de l’application du dispositif de Bâle II pour déterminer les fonds propres réglementaires hypothétiques, la Commission a considéré que le Grand-Duché de Luxembourg avait commis des erreurs l’ayant conduit à sous-estimer le montant des fonds propres réglementaires hypothétiques de FFT et ayant abouti à un abaissement du montant de l’impôt exigible de FFT (considérants 267 à 276 de la décision attaquée).

30      Troisièmement, la Commission a considéré que le conseiller fiscal avait procédé à plusieurs déductions rapportées aux capitaux restants de FFT, qui s’écartaient d’un résultat fondé sur le marché. Tout d’abord, elle a estimé que, si les fonds propres réglementaires hypothétiques avaient été correctement estimés, il était probable que les capitaux propres n’auraient pas été supérieurs aux fonds propres réglementaires. Ensuite, la Commission a considéré que la décision du conseiller fiscal d’isoler la composante des fonds propres appelée « fonds propres couvrant les investissements financiers dans FFNA et FFC » et de lui accorder une rémunération nulle afin d’estimer l’assiette fiscale de FFT était inappropriée. La Commission a indiqué que les arguments du Grand-Duché de Luxembourg, à cet égard, ne pouvaient convaincre (considérants 277 à 291 de la décision attaquée).

31      Quatrièmement, la Commission a estimé que le choix fait par le conseiller fiscal de retenir un bêta de 0,29 lors de l’application du MEDAF pour déterminer le rendement des capitaux propres à appliquer aux fonds propres réglementaires hypothétiques de FFT entraînait une affectation des bénéfices à FFT qui n’était pas conforme au principe de pleine concurrence (considérants 292 à 301 de la décision attaquée).

32      À la lumière des constatations exposées ci-dessus, la Commission a considéré notamment, premièrement, que le niveau de rémunération approprié pour les fonctions de financement et de trésorerie de FFT devait être établi sur la base des fonds propres comptables, deuxièmement, que 2012 constituait une année de référence appropriée pour apprécier l’assiette fiscale de FFT au Luxembourg, troisièmement, que le rendement des capitaux propres avant impôts de 6,05 % (et celui après impôts de 4,3 %), accepté par la décision anticipative en cause et calculé selon le MEDAF, était bien en deçà des rendements de capitaux propres requis dans le secteur financier, qui étaient restés constamment à 10 % et au-delà, quatrièmement, que le rendement de capitaux propres requis était de 10 % après impôts appliqués au montant intégral des capitaux propres comptables (considérants 302 à 311 de la décision attaquée).

33      En deuxième lieu, la Commission a rejeté l’argument de FFT selon lequel le groupe Fiat/Chrysler n’aurait bénéficié d’aucun avantage étant donné que toute augmentation de l’assiette fiscale au Luxembourg aurait été intégralement compensée par une augmentation de la déduction fiscale dans d’autres États membres (considérants 312 à 314 de la décision attaquée).

34      En troisième lieu, à titre subsidiaire, elle a estimé que, en toute hypothèse, la décision anticipative en cause octroyait un avantage sélectif y compris au regard du système de référence plus limité, invoqué par le Grand-Duché de Luxembourg et par FFT, composé de l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et de la circulaire, qui prévoyaient le principe de pleine concurrence en droit fiscal luxembourgeois (considérants 315 à 317 de la décision attaquée).

35      En quatrième lieu, la Commission s’est opposée à l’argument de FFT selon lequel, pour démontrer l’existence d’un traitement sélectif en sa faveur résultant de la décision anticipative en cause, elle aurait dû comparer cette décision anticipative avec la pratique de l’administration fiscale luxembourgeoise sur la base de la circulaire, en particulier avec les décisions anticipatives accordées à d’autres sociétés de financement et de trésorerie que le Grand-Duché de Luxembourg avait fournies à la Commission en guise d’échantillon représentatif de sa pratique en matière de décision anticipative (considérants 318 à 336 de la décision attaquée).

36      En cinquième lieu, ni le Grand-Duché de Luxembourg ni FFT n’auraient fourni le moindre motif pouvant justifier le traitement sélectif de FFT résultant de la décision anticipative en cause. La Commission n’aurait pas non plus identifié un motif justifiant le traitement préférentiel dont FFT aurait bénéficié (considérants 337 et 338 de la décision attaquée).

37      La Commission a alors conclu, au regard des considérations qui précèdent, que la décision anticipative en cause avait octroyé à FFT un avantage sélectif, dans la mesure où elle avait entraîné une réduction de l’impôt dû par FFT, à titre principal, au titre du système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg en comparaison avec les sociétés autonomes et, à titre subsidiaire, au titre du système d’imposition des sociétés intégrées (considérants 339 et 340 de la décision attaquée).

38      Enfin, la Commission a considéré que le bénéficiaire de l’avantage en cause était le groupe Fiat/Chrysler dans son ensemble, dans la mesure où FFT formait une unité économique avec les autres entités dudit groupe, qui avaient bénéficié de la réduction de l’impôt octroyé à FFT, compte tenu du fait que cette réduction de l’impôt avait eu nécessairement pour effet d’abaisser les conditions de prix de ses prêts intragroupe (considérants 341 à 345 de la décision attaquée).

39      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, la Commission a conclu que la décision anticipative en cause constituait une aide d’État et qu’il s’agissait d’une aide au fonctionnement (considérants 346 et 347 de la décision attaquée).

40      Dans la section 8 de la décision attaquée, intitulée « Caractère incompatible de l’aide avec le marché intérieur », la Commission a considéré que l’aide octroyée à FFT était incompatible avec le marché intérieur. En cela, elle a constaté, d’une part, que le Grand-Duché de Luxembourg n’aurait invoqué aucune des dérogations prévues à l’article 107, paragraphes 2 et 3, TFUE et, d’autre part, que l’aide en question, qui devait être considérée comme une aide au fonctionnement, ne pouvait être normalement considérée comme étant compatible avec le marché intérieur (considérants 348 à 351 de la décision attaquée).

41      Dans la section 9 de la décision attaquée, intitulée « Caractère illégal de l’aide », la Commission a constaté que le Grand-Duché de Luxembourg ne lui avait notifié, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, aucun projet de la décision anticipative en cause et n’avait pas respecté l’obligation de suspension lui incombant conformément à cet article. En conséquence, il s’agissait d’une aide d’État illégale mise à exécution en violation de ladite disposition (considérants 352 et 353 de la décision attaquée).

42      Dans la section 10 de la décision attaquée, intitulée « Récupération », premièrement, la Commission a estimé que les arguments avancés par le Grand-Duché de Luxembourg liés au respect des principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique étaient dénués de fondement (considérants 354 à 364 de la décision attaquée).

43      Deuxièmement, la Commission a indiqué qu’elle n’était pas tenue de fixer le montant exact de l’aide à récupérer, dès lors qu’il suffisait que la décision attaquée comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant. En l’espèce, la Commission a proposé, dans la décision attaquée, une méthode susceptible d’éliminer l’avantage sélectif conféré à FFT par la décision anticipative en cause et a précisé qu’elle pourrait également accepter une autre méthode de calcul si le Grand-Duché de Luxembourg en proposait une avant la date de mise en œuvre de la décision attaquée, pour autant que cette méthode donne lieu à une approximation fiable d’un résultat basé sur le marché (considérants 365 à 369 de la décision attaquée).

44      Troisièmement, la Commission a estimé que le Grand-Duché de Luxembourg devrait d’abord récupérer auprès de FFT l’aide illégale et incompatible avec le marché intérieur octroyée au moyen de la décision anticipative en cause. Si FFT n’était pas en mesure de restituer le montant intégral de l’aide, le Grand-Duché de Luxembourg devait récupérer le montant restant auprès de Fiat Chrysler Automobiles NV, qui avait succédé à Fiat SpA, étant donné que c’est cette unité qui contrôlait le groupe auquel FFT appartenait (considérant 370 de la décision attaquée).

45      À titre de conclusion, la Commission a considéré que le Grand-Duché de Luxembourg, au moyen de la décision anticipative en cause, avait octroyé illégalement une aide d’État à FFT et au groupe auquel cette dernière appartenait, en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, que cette aide était incompatible avec le marché intérieur et que, en conséquence, ladite aide devait être récupérée par le Grand-Duché de Luxembourg auprès de FFT ou auprès de Fiat Chrysler Automobiles si FFT ne restituait pas le montant intégral de l’aide (considérant 371 de la décision attaquée).

46      Le dispositif de la décision attaquée est libellé comme suit :

« Article premier

[La décision anticipative en cause], qui permet à [FFT] de fixer son assiette fiscale au Luxembourg sur une base annuelle pour une période de cinq ans, constitue une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE qui est incompatible avec le marché intérieur et a été mise illégalement à exécution par le [Grand-Duché de] Luxembourg en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE.

Article 2

1. Le [Grand-Duché de] Luxembourg est tenu de récupérer l’aide incompatible et illégale visée à l’article 1er auprès de [FFT].

2. Toute somme ne pouvant être récupérée auprès de [FFT] à la suite de la récupération décrite au paragraphe 1 est récupérée auprès de Fiat Chrysler Automobiles NV.

3. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupération effective.

4. Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004.

Article 3

1. La récupération de l’aide attribuée visée à l’article 1er est immédiate et effective.

2. Le [Grand-Duché de] Luxembourg veille à ce que la présente décision soit mise en œuvre dans les quatre mois suivant la date de sa notification.

Article 4

1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, le [Grand-Duché de] Luxembourg communique à la Commission les informations concernant la méthode utilisée pour le calcul du montant exact de l’aide.

2. Le [Grand-Duché de] Luxembourg tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article 1er. Il transmet immédiatement, à la demande de la Commission, des informations sur les mesures déjà prises et les mesures prévues pour se conformer à la présente décision.

Article 5

Le Grand-Duché de Luxembourg est destinataire de la présente décision. »

II.    Procédure et conclusions des parties

A.      Sur la phase écrite de la procédure et les conclusions des parties dans l’affaire T755/15

47      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 décembre 2015, le Grand‑Duché de Luxembourg a introduit le recours dans l’affaire T‑755/15, visant à l’annulation de la décision attaquée.

1.      Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

48      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 juin 2016, le Grand-Duché de Luxembourg a demandé que l’affaire soit jugée par une formation de jugement élargie. Le Tribunal a pris acte, en application de l’article 28, paragraphe 5, de son règlement de procédure, du fait que l’affaire T‑755/15 avait été renvoyée devant la cinquième chambre élargie.

49      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée le 26 septembre 2016, le juge rapporteur a été affecté, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, à la septième chambre élargie, à laquelle l’affaire T‑755/15 a, par conséquent, été attribuée.

50      Un membre de la septième chambre élargie du Tribunal ayant été empêché de siéger, par décision du 6 février 2017, le président du Tribunal a désigné le vice‑président du Tribunal pour compléter la chambre.

51      Par décision du 12 décembre 2017, le président de la septième chambre élargie du Tribunal a fait droit à la proposition du juge rapporteur de faire juger l’affaire T‑755/15 par priorité en vertu de l’article 67, paragraphe 2, du règlement de procédure.

2.      Sur la demande de traitement accéléré

52      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 30 décembre 2015, le Grand‑Duché de Luxembourg a demandé que l’affaire T‑755/15 soit traitée selon la procédure accélérée prévue à l’article 151 du règlement de procédure. Le 2 février 2016, le Tribunal a décidé de ne pas faire droit à cette demande.

3.      Sur les interventions

53      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 avril 2016, le Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

54      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 avril 2016, l’Irlande a demandé à intervenir au soutien des conclusions du Grand-Duché de Luxembourg.

55      Par ordonnance du 25 mai 2016, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit aux demandes d’intervention du Royaume-Uni et de l’Irlande.

56      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 novembre 2016, le Royaume-Uni a retiré son intervention.

57      Par ordonnance du 15 décembre 2016, le président de la septième chambre élargie du Tribunal a rayé le Royaume‑Uni de l’affaire T‑755/15 en tant que partie intervenante.

4.      Sur les demandes de traitement confidentiel

58      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 29 avril 2016, le 27 juin 2016 et le 24 octobre 2016, le Grand-Duché de Luxembourg a demandé le traitement confidentiel, à l’égard du Royaume-Uni et de l’Irlande, de certaines informations contenues dans la requête, dans la réplique, dans la duplique ainsi que dans certaines annexes de ces mémoires. Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 janvier 2017, le Grand-Duché de Luxembourg a informé le Tribunal qu’il souhaitait maintenir ses demandes de traitement confidentiel à l’égard de l’Irlande, dans l’hypothèse d’une jonction des affaires T‑755/15 et T‑759/15.

5.      Sur les conclusions des parties

59      Le Grand-Duché de Luxembourg conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le présent recours recevable et fondé ;

–        à titre principal, annuler la décision attaquée ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée pour autant qu’elle ordonne la récupération de l’aide ;

–        condamner la Commission aux dépens.

60      L’Irlande, qui intervient au soutien des conclusions du Grand-Duché de Luxembourg, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler partiellement ou totalement la décision attaquée.

61      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours non fondé ;

–        condamner le Grand-Duché de Luxembourg aux dépens.

B.      Sur la phase écrite de la procédure et les conclusions des parties dans l’affaire T759/15

62      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 décembre 2015, FFT a introduit le recours dans l’affaire T‑759/15, visant à l’annulation de la décision attaquée.

1.      Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

63      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée le 26 septembre 2016, le juge rapporteur a été affecté, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, à la septième chambre élargie, à laquelle l’affaire T-759/15 a, par conséquent, été attribuée.

64      Sur proposition de la septième chambre, le Tribunal a décidé, le 15 février 2017, de renvoyer l’affaire devant une formation de jugement élargie.

65      Un membre de la septième chambre élargie du Tribunal ayant été empêché de siéger, par décision du 23 février 2017, le président du Tribunal a désigné le vice-président du Tribunal pour compléter la chambre.

66      Par décision du 12 décembre 2017, le président de la septième chambre élargie du Tribunal a fait droit à la proposition du juge rapporteur de faire juger l’affaire T‑759/15 par priorité en vertu de l’article 67, paragraphe 2, du règlement de procédure.

2.      Sur la demande de procédure accélérée

67      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 29 décembre 2015, FFT a demandé que l’affaire T‑759/15 soit traitée selon la procédure accélérée prévue à l’article 151 du règlement de procédure. Le 2 février 2016, le Tribunal a décidé de ne pas faire droit à cette demande.

3.      Sur les interventions

68      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 avril 2016, le Royaume-Uni a demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

69      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 avril 2016, l’Irlande a demandé à intervenir au soutien des conclusions de FFT.

70      Par ordonnance du 18 juillet 2016, le président de la cinquième chambre du Tribunal a fait droit aux demandes en intervention du Royaume-Uni et de l’Irlande.

71      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 9 novembre 2016, le Royaume‑Uni a retiré son intervention.

72      Par ordonnance du 15 décembre 2016, le président de la septième chambre élargie a rayé le Royaume-Uni de l’affaire T‑759/15 en tant que partie intervenante.

4.      Sur les demandes de traitement confidentiel

73      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 20 mai 2016, le 11 juin 2016, le 27 juillet 2016 et le 28 juillet 2016, FFT a demandé le traitement confidentiel, à l’égard du Royaume‑Uni et de l’Irlande, de certaines informations dans la requête, dans le mémoire en défense, dans la réplique ainsi que dans certaines annexes de ces mémoires.

74      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 17 janvier 2017, FFT a indiqué que, dans l’hypothèse d’une jonction avec l’affaire T‑755/15, elle confirmait ses demandes de confidentialité à l’égard de l’Irlande.

5.      Sur les conclusions des parties

75      FFT conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler les articles 1er à 4 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

76      L’Irlande, qui intervient au soutien des conclusions de FFT, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler partiellement ou totalement la décision attaquée.

77      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours non fondé ;

–        condamner FFT aux dépens.

C.      Sur la jonction aux fins de la phase orale de la procédure et sur la phase orale de la procédure dans les affaires T755/15 et T759/15

1.      Sur la jonction

78      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er décembre 2016, le Grand-Duché de Luxembourg a demandé la jonction des affaires T‑755/15 et T‑759/15 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance.

79      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er décembre 2016, FFT a également demandé la jonction des affaires T‑755/15 et T‑759/15 aux fins de la phase orale de la procédure et de la décision mettant fin à l’instance.

80      Par ordonnance du président de la septième chambre élargie du Tribunal du 27 avril 2018, les parties entendues, les affaires T‑755/15 et T‑759/15 ont été jointes aux fins de la phase orale de la procédure, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure. Par la même ordonnance, il a été décidé d’exclure les données confidentielles du dossier accessible à l’Irlande.

2.      Sur la phase orale de la procédure dans les affaires T755/15 et T759/15

81      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 7 février 2017, le Grand-Duché de Luxembourg a demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, conformément à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

82      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 10 février 2017, FFT a demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, conformément à l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

83      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure dans les affaires T‑755/15 et T‑759/15. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a demandé aux parties de répondre à des questions écrites. Les parties ont déféré à ces demandes dans les délais impartis.

84      Le 24 mai 2017, FFT a déposé un mémoire offrant de nouvelles preuves, sur lequel les parties ont fourni leurs observations.

85      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 21 juin 2018.

III. En droit

A.      Sur la jonction des affaires aux fins du présent arrêt

86      En vertu de l’article 19, paragraphe 2, du règlement de procédure, le président de la septième chambre élargie du Tribunal a déféré la décision sur la jonction des affaires T‑755/15 et T‑759/15 aux fins de la décision mettant fin à l’instance, qui relevait de sa compétence, à la septième chambre élargie du Tribunal.

87      Les parties ayant été entendues lors de l’audience à l’égard d’une jonction éventuelle, il y a lieu de joindre aux fins de la décision mettant fin à l’instance les affaires T‑755/15 et T‑759/15, pour cause de connexité, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure.

B.      Sur les moyens invoqués et sur la structure de l’examen des présents recours

88      Les recours introduits dans les affaires T‑755/15 et T‑759/15 tendent à l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle qualifie la décision anticipative en cause d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et en ce qu’elle ordonne la récupération des sommes qui n’auraient pas été collectées par le Grand‑Duché de Luxembourg auprès de FFT et du groupe Fiat/Chrysler au titre de l’impôt sur les sociétés.

89      À l’appui de son recours, le Grand‑Duché de Luxembourg soulève trois moyens.

90      Le premier moyen, qui a trait, en substance, à la condition de l’existence d’une aide sélective et à la compétence de la Commission en matière fiscale, se divise en trois branches. Premièrement, le Grand-Duché de Luxembourg estime que, dans le cadre de l’examen de la sélectivité de la mesure contestée, la Commission a erronément considéré que le cadre de référence pertinent était le régime général d’imposition des sociétés (première branche). Deuxièmement, le Grand‑Duché de Luxembourg fait valoir que la Commission n’a pas établi que la décision anticipative en cause constituait une dérogation au cadre de référence retenu, ni qu’il dérogeait au principe de pleine concurrence (deuxième branche). Troisièmement, le Grand-Duché de Luxembourg estime que la Commission a violé les articles 4 et 5 TUE, et l’article 114 TFUE, en procédant à une harmonisation fiscale déguisée, consistant à imposer un principe de pleine concurrence sui generis (troisième branche).

91      Le deuxième moyen, qui se divise en deux branches, est tiré d’une violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et de l’obligation de motivation de la Commission prévue à l’article 296 TFUE, dès lors que cette dernière n’aurait établi ni l’existence d’un avantage (première branche) ni celle d’une restriction de concurrence (seconde branche).

92      Le troisième moyen, soulevé à titre subsidiaire, est tiré d’une violation de l’article 14, paragraphe 1, du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1). Toutefois, ce règlement ayant été abrogé par le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d'application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), applicable à la date de la décision attaquée, ledit moyen doit être entendu comme étant tiré de la violation de l’article 16, paragraphe 1, de ce dernier règlement. Ce moyen se divise en deux branches. Le Grand‑Duché de Luxembourg fait valoir que Commission a ordonné la récupération de l’aide en méconnaissance du principe de sécurité juridique (première branche) et de ses droits de la défense (seconde branche).

93      À l’appui de son recours, FFT soulève quatre moyens.

94      Le premier moyen, qui se divise en deux branches, est tiré d’une violation de l’article 107 TFUE. Au soutien de la première branche de son premier moyen, FFT fait valoir que la Commission a fait une application erronée de la notion d’avantage sélectif. Dans ce cadre, elle soulève quatre griefs. Le premier grief est tiré d’une erreur dans la détermination du cadre de référence pertinent. Le deuxième grief est tiré d’une erreur dans l’application, dans une acception inédite et imprécise, du principe de pleine concurrence. Le troisième grief est tiré de l’absence de preuve de l’octroi d’un avantage bénéficiant au groupe Fiat/Chrysler. Le quatrième grief est tiré du fait que, à supposer même que la décision anticipative en cause déroge au système général de l’impôt sur les sociétés, il existerait une justification à une telle dérogation. Au soutien de la seconde branche de son premier moyen, FFT fait valoir que la Commission n’a pas établi que la décision anticipative en cause était susceptible de fausser la concurrence.

95      Le deuxième moyen, qui se divise également en deux branches, est tiré d’une violation de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. La Commission aurait manqué à son obligation de motivation en n’expliquant pas dans la décision attaquée comment elle a dégagé le principe de pleine concurrence du droit de l’Union et en quoi ce principe consiste (première branche). Ensuite, la Commission n’aurait pas exposé les motifs pour lesquels elle a considéré que la décision anticipative en cause faussait la concurrence (seconde branche).

96      Le troisième moyen est tiré d’une violation du principe de sécurité juridique. FFT fait valoir que la définition du principe de pleine concurrence retenue par la Commission crée une insécurité juridique et une confusion quant aux conditions dans lesquelles une décision anticipative est susceptible d’enfreindre les règles encadrant les aides d’État.

97      Le quatrième moyen est tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, dès lors que la Commission n’a pas évalué la décision anticipative en cause au regard des règles pertinentes adoptées par l’OCDE.

98      Il ressort de l’exposé de l’ensemble des constats qui précèdent que le Grand-Duché de Luxembourg et FFT soulèvent, certes dans un ordre différent, cinq séries de moyens, tirés, en substance :

–        pour la première série, de la violation des articles 4 et 5 TUE, en ce que l’analyse de la Commission conduirait à une harmonisation fiscale déguisée (troisième branche du premier moyen dans l’affaire T‑755/15) ;

–        pour la deuxième, de la violation de l’article 107 TFUE, de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE ainsi que des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, en ce que la Commission a considéré que la décision anticipative en cause octroyait un avantage, notamment au motif que ladite décision anticipative n’était pas conforme au principe de pleine concurrence (deuxième branche du premier moyen et première branche du deuxième moyen dans l’affaire T‑755/15, deuxième et troisième griefs de la première branche du premier moyen, première branche du deuxième moyen, troisième moyen et quatrième moyen dans l’affaire T‑759/15) ;

–        pour la troisième, de la violation de l’article 107 TFUE, en ce que la Commission a constaté la sélectivité de cet avantage (première branche du premier moyen dans l’affaire T‑755/15 et premier grief de la première branche du premier moyen dans l’affaire T‑759/15) ;

–        pour la quatrième, de la violation de l’article 107 TFUE et de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE, en ce que la Commission a constaté que la mesure en cause restreignait la concurrence et faussait les échanges entre États membres (seconde branche du deuxième moyen dans l’affaire T‑755/15 et seconde branche des premier et deuxième moyens dans l’affaire T‑759/15) ;

–        pour la cinquième, de la violation du principe de sécurité juridique et des droits de la défense, en ce que la Commission a ordonné la récupération de l’aide en cause (troisième moyen dans l’affaire T‑759/15).

99      Le Tribunal examinera les moyens dans l’ordre des séries de moyens mentionnées au point 98 ci‑dessus.

C.      Sur la première série de moyens, tirés de la violation des articles 4 et 5 TUE, en ce que la Commission aurait procédé à une harmonisation fiscale déguisée

100    Le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir, en substance, que la Commission a outrepassé ses compétences et violé les articles 4 et 5 TUE en procédant à une harmonisation fiscale déguisée, alors même que la fiscalité directe relève d’une compétence exclusive des États membres, en vertu de l’article 114 TFUE. Il ajoute que la Commission se serait érigée en « chambre d’appel des administrations fiscales » nationales, en contrôlant si la décision anticipative en cause avait un caractère anormal au regard du droit luxembourgeois et de l’OCDE.

101    L’Irlande estime que la décision attaquée viole la répartition des compétences entre l’Union et les États membres, établie, notamment, par l’article 3, paragraphe 6, TUE et l’article 5, paragraphes 1 et 2, TUE, l’imposition directe relevant de la compétence exclusive des États membres. Elle estime ainsi que la Commission procéderait à une harmonisation déguisée.

102    La Commission conteste cette argumentation.

103    En substance, les parties s’opposent sur la question de savoir si la Commission a enfreint les règles d’attribution des compétences dans la mesure où, dans la décision attaquée, elle aurait procédé à une harmonisation fiscale déguisée.

104    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, même si la fiscalité directe relève, en l’état actuel du développement du droit de l’Union, de la compétence des États membres, ces derniers doivent néanmoins exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union (voir arrêt du 12 juillet 2012, Commission/Espagne, C‑269/09, EU:C:2012:439, point 47 et jurisprudence citée). Ainsi, les interventions des États membres dans les domaines qui n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation dans l’Union, tels que la fiscalité directe, ne sont pas exclues du champ d’application de la réglementation relative au contrôle des aides d’État. Partant, la Commission peut qualifier une mesure fiscale d’aide d’État pour autant que les conditions d’une telle qualification soient réunies (voir, en ce sens, arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 28 ; du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 81, et du 25 mars 2015, Belgique/Commission, T‑538/11, EU:T:2015:188, points 65 et 66).

105    Certes, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, relèvent de la compétence des États membres la désignation des bases d’imposition et la répartition de la charge fiscale sur les différents facteurs de production et les différents secteurs économiques (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 97).

106    Toutefois, cela n’implique pas que toute mesure fiscale, qui affecte notamment la base d’imposition prise en compte par les autorités fiscales, échappe à l’application de l’article 107 TFUE. En effet, si une telle mesure opère, en fait, une discrimination entre des sociétés se trouvant dans une situation comparable au regard de l’objectif poursuivi par cette mesure fiscale et de ce fait confère aux bénéficiaires de la mesure des avantages sélectifs qui favorisent « certaines » entreprises ou « certaines » productions, elle pourra être considérée comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, point 104).

107    Il découle de ce qui précède que, la Commission étant compétente pour veiller au respect de l’article 107 TFUE, il ne saurait lui être reproché d’avoir outrepassé ses compétences lorsqu’elle a examiné la décision anticipative en cause afin de vérifier si elle constituait une aide d’État et, dans l’affirmative, si elle était compatible avec le marché intérieur, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

108    C’est donc à tort que le Grand-Duché de Luxembourg soutient que la Commission s’est érigée en chambre de recours fiscal du Grand-Duché de Luxembourg, dès lors que la Commission n’a fait qu’exercer ses compétences en vertu de l’article 107 TFUE en examinant la question de savoir si la décision anticipative en cause était conforme au droit des aides d’État.

109    Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas violé les articles 4 et 5 TUE ni l’article 114 TFUE, en adoptant la décision attaquée.

110    Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments du Grand‑Duché de Luxembourg et de l’Irlande.

111    Premièrement, pour autant que le Grand-Duché de Luxembourg et l’Irlande font valoir que la Commission a procédé à une harmonisation fiscale déguisée en faisant abstraction des règles luxembourgeoises pour conclure que le calcul de l’impôt n’était pas conforme au principe de pleine concurrence et en invoquant des règles qui ne font pas partie du système fiscal luxembourgeois, cet argument doit être rejeté comme non fondé.

112    En effet, il découle, certes, de la jurisprudence exposée au point 105 ci‑dessus que la Commission ne dispose pas, à ce stade du développement du droit de l’Union, de la compétence lui permettant de définir de façon autonome l’imposition dite « normale » d’une entreprise intégrée en faisant abstraction des règles fiscales nationales.

113    Toutefois, si l’imposition dite « normale » est définie par les règles fiscales nationales et si l’existence même d’un avantage doit être établie par rapport à celle-ci, il n’en demeure pas moins que, comme cela a été rappelé au point 106 ci-dessus, une mesure fiscale qui affecte la base imposable prise en compte par les autorités fiscales peut entrer dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ainsi, en examinant la question de savoir si la décision anticipative en cause était conforme aux règles en matière d’aide d’État, la Commission n’a procédé à aucune « harmonisation fiscale », mais a exercé la compétence que lui conférait l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en vérifiant notamment, dans un cas concret, si ladite décision anticipative conférait à son bénéficiaire un avantage par rapport à l’imposition dite « normale », telle que définie par le droit fiscal national.

114    Deuxièmement, le Grand-Duché de Luxembourg et l’Irlande font valoir que la décision attaquée crée une « insécurité juridique totale », non seulement au sein des États membres, mais également dans des États tiers, que cette mesure a été vivement critiquée notamment par des dirigeants des États-Unis d’Amérique, qu’il s’agit d’une « première » qui serait illégale et qu’elle conduit les États membres à notifier toutes leurs décisions anticipatives et à remettre en cause les décisions anticipatives existantes. De tels arguments doivent être écartés comme étant non fondés.

115    D’une part, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait considéré que toute décision anticipative constituait nécessairement une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE. En effet, pour autant qu’elle n’octroie aucun avantage sélectif, notamment en ce qu’elle n’aboutit pas une diminution de la charge fiscale de son bénéficiaire en dérogeant aux règles d’imposition « normales », une telle décision anticipative ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE et n’est pas soumise à une obligation de notification au titre de l’article 2 du règlement 2015/1589.

116    D’autre part, contrairement à ce que soutiennent le Grand-Duché de Luxembourg et l’Irlande, la décision attaquée n’est pas de nature à créer une « insécurité juridique totale » dans les États membres ou les États tiers. En effet, elle constitue uniquement l’application à la décision anticipative en cause des articles 107 et 108 TFUE, selon lesquels une mesure publique qui constituerait une aide incompatible avec le marché intérieur est prohibée et doit être récupérée.

117    Il ressort de tout ce qui précède que le moyen visant à établir que la Commission a procédé à une harmonisation fiscale déguisée doit être rejeté comme étant non fondé.

D.      Sur la deuxième série de moyens, tirés de l’absence d’un avantage

1.      Observations liminaires

118    À titre liminaire, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence, la qualification d’aide d’État requiert que toutes les conditions visées à l’article 107 TFUE soient remplies. Il est ainsi établi que, pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’aide d’État au sens de cette disposition, premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, troisièmement, elle doit accorder un avantage sélectif à son bénéficiaire et, quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, point 40 et jurisprudence citée).

119    En l’espèce, il y a lieu de relever que, comme cela ressort des points 21 à 37 ci‑dessus, dans la décision attaquée, la Commission a examiné concomitamment les deux critères de l’existence d’un avantage et de la sélectivité de la mesure en cause.

120    Plus précisément, d’une part et à titre principal, la Commission a considéré que la décision anticipative en cause conférait un avantage sélectif à FFT, au regard du système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg, au motif que la méthodologie avalisée dans ladite décision anticipative n’était pas conforme au principe de pleine concurrence, qui faisait nécessairement partie intégrante de l’appréciation par la Commission, au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, des mesures fiscales accordées aux sociétés d’un groupe, indépendamment de la question de savoir si un État membre avait incorporé ce principe dans son système juridique national, et selon lequel les transactions intragroupe auraient dû être rémunérées comme si elles avaient été négociées entre des entreprises indépendantes (ci-après le « principe de pleine concurrence tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée ») (voir considérants 219 à 231 de la décision attaquée et notamment considérant 228 de ladite décision). La Commission a alors exposé, aux considérants 234 à 311 de la décision attaquée, son raisonnement selon lequel la méthode de détermination du bénéfice imposable de FFT, avalisée par la décision anticipative en cause, ne permettait pas d’aboutir à une approximation fiable d’un résultat obtenu dans des conditions de marché (résultat de pleine concurrence).

121    D’autre part et à titre subsidiaire, la Commission a considéré que la décision anticipative en cause conférait un avantage à FFT au motif qu’elle dérogeait à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et à la circulaire, qui établissent le principe de pleine concurrence en droit luxembourgeois (voir considérants 316 et 317 de la décision attaquée). La Commission a alors renvoyé à son analyse, selon laquelle la méthode validée dans la décision anticipative en cause ne permettait pas d’aboutir à une approximation fiable d’un résultat de marché, telle qu’effectuée dans le cadre de son raisonnement principal (voir considérants 234 à 311 de la décision attaquée).

122    L’approche de la Commission consistant à examiner concomitamment les critères de l’avantage et de la sélectivité n’est pas en soi erronée, dès lors que, comme le fait observer la Commission, tant l’avantage que le caractère sélectif de celui-ci sont examinés. Néanmoins, le Tribunal estime opportun d’examiner, d’abord, si la Commission pouvait conclure à bon droit à l’existence d’un avantage avant de procéder, le cas échéant, à l’examen de la question de savoir si cet avantage devait être considéré comme étant sélectif.

123    À cet égard, il importe de relever que, bien que certains arguments soulevés par le Grand-Duché du Luxembourg et FFT, dont ceux exposés dans la deuxième branche du premier moyen du Grand‑Duché de Luxembourg, soient présentés comme portant sur la sélectivité de la mesure en cause, le Tribunal considère qu’ils tendent également à faire constater que la Commission a erronément considéré que la mesure en cause conférait un avantage à FFT. Le Tribunal examinera donc les arguments soulevés dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen du Grand‑Duché de Luxembourg conjointement avec les moyens tendant à contester la conclusion de la Commission selon laquelle la décision anticipative en cause a conféré un avantage à FFT.

124    Au regard de ces observations, le Tribunal examinera les moyens soulevés au soutien de l’argumentation selon laquelle FFT n’a pas bénéficié d’un avantage, en distinguant, dans un premier temps, les griefs formulés à l’encontre du raisonnement de la Commission exposé à titre principal, puis, dans un deuxième temps, ceux portant sur le raisonnement exposé à titre subsidiaire. Enfin, dans un troisième temps, le Tribunal examinera le grief soulevé par le Grand-Duché de Luxembourg selon lequel la Commission aurait manqué de prouver l’existence d’un avantage au niveau du groupe Fiat/Chrysler.

2.      Sur le raisonnement à titre principal de la Commission, selon lequel la décision anticipative en cause dérogeait au système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg 

125    Les moyens soulevés par le Grand-Duché de Luxembourg et FFT tendant à contester l’examen de l’avantage, opéré à titre principal par la Commission, peuvent être résumés de la manière suivante. Premièrement, le Grand‑Duché de Luxembourg et FFT, soutenus par l’Irlande, contestent l’existence du principe de pleine concurrence tel que la Commission le décrit dans la décision attaquée et l’application qu’elle en fait en tant que critère de l’appréciation de l’existence d’un avantage sélectif. Deuxièmement, le Grand-Duché de Luxembourg conteste la conclusion de la Commission selon laquelle la méthode validée par la décision anticipative en cause pour déterminer le montant d’imposition dont FFT a dû s’acquitter n’est pas conforme au principe de pleine concurrence.

a)      Sur les moyens tirés d’une erreur dans l’application du principe de pleine concurrence dans le domaine du contrôle des aides d’État

126    En substance, le Grand‑Duché de Luxembourg et FFT reprochent à la Commission d’avoir identifié un principe de pleine concurrence propre au droit de l’Union, en violation de l’autonomie fiscale des États membres, et d’avoir examiné la décision anticipative en cause au regard de ce principe, sans prendre en compte le droit luxembourgeois. Ils font également valoir que, en faisait application du principe de pleine concurrence tel que décrit dans la décision attaquée, la Commission aurait violé les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, et méconnu son obligation de motivation.

127    La Commission conteste cette argumentation.

128    Pour rappel, aux considérants 219 à 231 de la décision attaquée, la Commission a exposé qu’elle pouvait examiner, afin de constater l’existence d’un avantage sélectif, si une décision anticipative, telle que celle en cause, s’écartait du principe de pleine concurrence tel que décrit dans la décision attaquée. Elle a alors précisé les contours dudit principe de pleine concurrence.

129    Avant toute chose, il importe de relever que, comme cela ressort notamment des considérants 216, 231 et 311 de la décision attaquée, l’examen au regard du principe de pleine concurrence tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée s’inscrit dans le cadre de son analyse de l’avantage sélectif effectuée à titre principal. Ainsi qu’il ressort des considérants 216, 219 et 301 de la décision attaquée, cette analyse consiste à examiner si la décision anticipative en cause déroge au système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg. À cet égard, il importe de relever que la Commission a préalablement indiqué, aux considérants 194 à 199 de la décision attaquée, que l’objectif du système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg était d’imposer les bénéfices de toutes les sociétés résidentes du Luxembourg, qu’elles soient ou non intégrées et que ces deux types de sociétés se trouvent dans une situation factuelle et juridique similaire au regard de cet objectif.

130    S’agissant de la définition du principe de pleine concurrence, la Commission a affirmé, aux considérants 222 et 225 de la décision attaquée, que, selon ce principe, les transactions intragroupe devraient être rémunérées comme si elles avaient été négociées entre des entreprises indépendantes. Elle a ajouté, au considérant 226 de la décision attaquée, que l’objectif dudit principe était de s’assurer que les transactions intragroupe soient traitées, à des fins fiscales, en tenant compte du montant du bénéfice qui aurait été réalisé si la transaction avait été conclue par des entreprises autonomes. La Commission a, par ailleurs, soutenu, lors de l’audience, que le principe de pleine concurrence était, selon elle, un outil pour l’appréciation du niveau de prix des transactions intragroupe.

131    S’agissant de la nature juridique du principe de pleine concurrence, la Commission a estimé, au considérant 228 de la décision attaquée, que le principe de pleine concurrence faisait nécessairement partie de l’examen, au titre de l’article 107 TFUE, des mesures fiscales accordées aux sociétés d’un groupe, indépendamment de la question de savoir si l’État membre avait incorporé ce principe dans son système juridique national. Elle a précisé que le principe de pleine concurrence qu’elle appliquait était un principe général d’égalité de traitement en matière de taxation, qui relevait de l’application de l’article 107 TFUE. La Commission a fondé ce constat sur l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416), sur le régime fiscal de centres de coordination en Belgique, dans lequel la Cour aurait considéré que la méthode de détermination des revenus imposables prévue par ledit régime conférait un avantage sélectif auxdits centres. Plus précisément, la Commission s’est référée au point 96 dudit arrêt, dans lequel la Cour a constaté que la méthode de détermination des revenus imposables desdits centres « ne permettait pas d’aboutir à des prix de transfert proches de ceux qui [étaie]nt pratiqués dans des conditions de libre concurrence ».

132    S’agissant de l’application du principe de pleine concurrence, au considérant 227 de la décision attaquée, la Commission a indiqué que, « pour apprécier si le [Grand-Duché de] Luxembourg a[vait] accordé un avantage sélectif à FFT, la Commission d[eva]it par conséquent vérifier si la méthode avalisée par l’administration fiscale luxembourgeoise au moyen de la [décision anticipative en cause] aux fins de la détermination des bénéfices imposables de FFT au Luxembourg s’écart[ait] d’une méthode qui débouch[ait] sur une approximation fiable d’un résultat basé sur le marché et, de ce fait, du principe de pleine concurrence ». Elle a ajouté, au considérant 228 de la décision attaquée, que le principe de pleine concurrence était appliqué pour déterminer si le bénéfice imposable d’une société appartenant à un groupe aux fins du calcul de l’impôt sur les sociétés avait été calculé en appliquant une méthode qui se rapprochait des conditions du marché, de sorte que cette société ne bénéficiait pas d’un traitement plus favorable, en application du système général de l’impôt sur les sociétés, que celui réservé à des sociétés non intégrées dont les bénéfices imposables étaient déterminés par le marché.

133    Il importe donc d’examiner si la Commission pouvait analyser la mesure en cause au regard du principe de pleine concurrence tel que décrit dans la décision attaquée et exposé aux points 130 à 132 ci-dessus, qui consiste à vérifier si des transactions intragroupe sont rémunérées comme si elles avaient été négociées dans des conditions de marché.

134    Ainsi que cela a été exposé au point 104 ci‑dessus, selon une jurisprudence constante, même si la fiscalité directe relève, en l’état actuel du développement du droit de l’Union, de la compétence des États membres, ces derniers doivent néanmoins exercer cette compétence dans le respect du droit de l’Union (voir arrêt du 12 juillet 2012, Commission/Espagne, C‑269/09, EU:C:2012:439, point 47 et jurisprudence citée). Ainsi, les interventions des États membres en matière de fiscalité directe, quand bien même elles portent sur des questions qui n’ont pas fait l’objet d’une harmonisation dans l’Union, ne sont pas exclues du champ d’application de la réglementation relative au contrôle des aides d’État.

135    Il en découle que la Commission peut qualifier une mesure fiscale d’aide d’État pour autant que les conditions d’une telle qualification soient réunies (voir, en ce sens, arrêts du 2 juillet 1974, Italie/Commission, 173/73, EU:C:1974:71, point 28, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 81). En effet, les États membres doivent exercer leur compétence en matière fiscale en conformité avec le droit de l’Union (arrêt du 3 juin 2010, Commission/Espagne, C‑487/08, EU:C:2010:310, point 37). Par conséquent, les États membres doivent s’abstenir de prendre, dans ce contexte, toute mesure susceptible de constituer une aide d’État incompatible avec le marché intérieur.

136    Or, s’agissant de la condition selon laquelle la mesure en cause doit octroyer un avantage économique, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, sont considérées comme des aides d’État les interventions qui, sous quelque forme que ce soit, sont susceptibles de favoriser directement ou indirectement des entreprises, ou qui doivent être considérées comme un avantage économique que l’entreprise bénéficiaire n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 40 et jurisprudence citée ; arrêt du 9 octobre 2014, Ministerio de Defensa et Navantia, C‑522/13, EU:C:2014:2262, point 21).

137    Plus précisément, une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises un traitement fiscal avantageux qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que celle des autres contribuables constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêt du 15 mars 1994, Banco Exterior de España, C‑387/92, EU:C:1994:100, point 14 ; voir, également, arrêt du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 46 et jurisprudence citée).

138    Dans le cas des mesures fiscales, l’existence même d’un avantage ne peut être établie que par rapport à une imposition dite « normale » (arrêt du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, point 56). Partant, une telle mesure confère un avantage économique à son bénéficiaire dès lors qu’elle allège les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, de ce fait, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques (arrêt du 9 octobre 2014, Ministerio de Defensa et Navantia, C‑522/13, EU:C:2014:2262, point 22).

139    En conséquence, afin de déterminer s’il existe un avantage fiscal, il convient de comparer la situation du bénéficiaire résultant de l’application de la mesure en cause avec celle de celui-ci en l’absence de la mesure en cause (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2018, Cellnex Telecom et Telecom Castilla-La Mancha/Commission, C‑91/17 P et C‑92/17 P, non publié, EU:C:2018:284, point 114), et en application des règles normales d’imposition.

140    Dans le contexte de la détermination de la situation fiscale d’une société intégrée qui fait partie d’un groupe d’entreprises, il y a lieu de relever d’emblée que les prix des transactions intragroupe effectuées par celle‑ci ne sont pas déterminés dans des conditions de marché. En effet, ces prix sont convenus entre des sociétés appartenant au même groupe, de sorte qu’ils ne sont pas soumis aux forces du marché.

141    Or, lorsque le droit fiscal national n’opère pas de distinction entre les entreprises intégrées et les entreprises autonomes aux fins de leur assujettissement à l’impôt sur les sociétés, ce droit entend imposer le bénéfice résultant de l’activité économique d’une telle entreprise intégrée comme s’il résultait de transactions effectuées à des prix de marché. Dans ces conditions, il convient de constater que, lorsqu’elle examine dans le cadre de la compétence que lui confère l’article 107, paragraphe 1, TFUE une mesure fiscale octroyée à une telle entreprise intégrée, la Commission peut comparer la charge fiscale d’une telle entreprise intégrée résultant de l’application de ladite mesure fiscale avec la charge fiscale résultant de l’application des règles d’imposition normales du droit national d’une entreprise, placée dans une situation factuelle comparable, exerçant ses activités dans des conditions de marché.

142    D’ailleurs et comme la Commission l’a relevé à bon droit dans la décision attaquée, ces conclusions sont corroborées par l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416), qui concernait le droit fiscal belge, lequel prévoyait que les sociétés intégrées et les sociétés autonomes soient traitées dans les mêmes conditions. En effet, la Cour a reconnu au point 95 de cet arrêt la nécessité de comparer un régime d’aide dérogatoire à celui de « droit commun fondé sur la différence entre produits et charges pour une entreprise exerçant ses activités dans des conditions de libre concurrence ».

143    Dans ce cadre, si, par le biais de ladite mesure fiscale octroyée à une société intégrée, les autorités nationales ont accepté un certain niveau de prix d’une transaction intragroupe, l’article 107, paragraphe 1, TFUE permet à la Commission de contrôler si ce niveau de prix correspond à celui qui aurait été pratiqué dans des conditions de marché, afin de vérifier s’il en résulte un allégement des charges grevant normalement le budget de l’entreprise en cause, lui conférant ainsi un avantage au sens dudit article. Le principe de pleine concurrence, tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée, constitue alors un outil permettant d’effectuer cette vérification dans le cadre de l’exercice de ses compétences au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. La Commission a d’ailleurs précisé, à bon droit, au considérant 225 de la décision attaquée, que le principe de pleine concurrence intervenait comme un « critère de référence » pour déterminer si une société intégrée bénéficiait, en vertu d’une mesure fiscale qui détermine ses prix de transfert, d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

144    Il convient en outre de préciser que, lorsque la Commission fait application de cet outil afin de contrôler si le bénéfice imposable d’une entreprise intégrée en application d’une mesure fiscale correspond à une approximation fiable d’un bénéfice imposable dégagé dans des conditions de marché, elle ne peut constater l’existence d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE qu’à condition que l’écart entre les deux facteurs de comparaison aille au‑delà des imprécisions inhérentes à la méthode appliquée pour obtenir ladite approximation.

145    En l’espèce, la décision anticipative en cause porte sur la détermination de la rémunération de FFT pour ses activités de financement intragroupe et de trésorerie aux fins de l’établissement de son bénéfice imposable au titre du code des impôts luxembourgeois, qui, indépendamment de la question de savoir si les règles normales d’imposition doivent être définies de façon large ou étroite, tend à ce que les entreprises intégrées et les entreprises autonomes au Luxembourg soient taxées de la même manière s’agissant de l’impôt sur les sociétés. La Commission était donc en mesure de vérifier si le bénéfice imposable de FFT en application de la décision anticipative en cause était inférieur à la charge fiscale de FFT en l’absence de ladite décision anticipative et en application des règles normales d’imposition du droit luxembourgeois. Étant donné que FFT est une entreprise intégrée et que le code des impôts luxembourgeois vise à taxer le bénéfice résultant de l’activité économique d’une telle entreprise intégrée comme s’il résultait de transactions effectuées à des prix de marché, il y a lieu, dans le cadre de l’examen de la décision anticipative en cause, de comparer le bénéfice imposable de FFT résultant de l’application de ladite décision anticipative avec la situation, résultant de l’application des règles d’imposition normales du droit luxembourgeois, d’une entreprise, dans une situation factuelle comparable, exerçant ses activités dans des conditions de libre concurrence. Dans ce cadre, si la décision anticipative en cause a accepté un certain niveau de prix pour les transactions intragroupe, il convient de contrôler si ce niveau de prix correspond à celui qui aurait été pratiqué dans des conditions de marché.

146    Dans ce contexte, il importe de préciser que, s’agissant de l’examen de la question de savoir si une entreprise intégrée a obtenu un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir utilisé une méthode de détermination des prix de transfert qu’elle considère appropriée dans le cas d’espèce afin d’examiner le niveau des prix de transfert pour une transaction, ou pour plusieurs transactions étroitement liées, faisant partie de la mesure contestée. Il incombe néanmoins à la Commission de justifier son choix méthodologique.

147    Même si la Commission a observé à bon droit qu’elle ne saurait être formellement liée par les lignes directrices de l’OCDE, il n’en demeure pas moins que ces lignes directrices se fondent sur des travaux importants réalisés par des groupes d’experts renommés, qu’elles reflètent le consensus atteint à l’échelle internationale en ce qui concerne les prix de transfert et qu’elles revêtent de ce fait une importance pratique certaine dans l’interprétation des questions relatives aux prix de transfert, ainsi que l’a reconnu la Commission au considérant 87 de la décision attaquée.

148    Dès lors, c’est à bon droit que la Commission a considéré qu’elle pouvait examiner, dans le cadre de son analyse au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, si des transactions intragroupe étaient rémunérées comme si elles avaient été négociées dans des conditions de marché. Ce constat n’est pas remis en cause par les autres arguments du Grand-Duché de Luxembourg et de FFT.

149    Premièrement, s’agissant de l’argument de FFT selon lequel la Commission n’a indiqué aucun fondement juridique à son principe de pleine concurrence, il y a lieu, certes, de relever que, aux considérants 228 et 229 de la décision attaquée, la Commission a exposé que le principe de pleine concurrence tel que décrit dans la décision attaquée existait indépendamment de l’incorporation d’un tel principe dans le système juridique national. Elle a également précisé qu’elle n’avait pas examiné si la décision anticipative en cause respectait le principe de pleine concurrence prévu à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts ou dans la circulaire, qui incorporent le principe de pleine concurrence en droit luxembourgeois. De même, la Commission a affirmé que le principe de pleine concurrence dont elle a fait application était distinct de celui consacré à l’article 9 du modèle de convention de l’OCDE.

150    Toutefois, la Commission a également précisé, au considérant 228 de la décision attaquée, que le principe de pleine concurrence faisait nécessairement partie intégrante de l’examen, au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, des mesures fiscales accordées aux sociétés d’un groupe et que le principe de pleine concurrence était un principe général d’égalité de traitement en matière de taxation, qui relevait de l’application de l’article 107 TFUE.

151    Il ressort donc de la décision attaquée que le principe de pleine concurrence, tel que décrit par la Commission, est un outil qu’elle a utilisé, à bon droit, dans le cadre de l’examen mené au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

152    Certes, lors de l’audience, la Commission a soutenu que le principe de pleine concurrence tel que décrit dans la décision attaquée ne relevait pas du droit de l’Union, ni du droit international, mais qu’il était inhérent au système ordinaire de taxation tel que prévu par le droit national. Ainsi, selon la Commission, si un État membre choisit, dans le cadre de son système fiscal national, l’approche de l’entité juridique distincte, selon laquelle le droit fiscal s’attache aux entités juridiques et non aux entités économiques, le principe de pleine concurrence est nécessairement un corollaire de cette approche, qui a une valeur contraignante dans l’État membre en cause, indépendamment de la question de savoir si le principe de pleine concurrence a été, explicitement ou implicitement, incorporé en droit national.

153    À cet égard, le Grand-Duché de Luxembourg et FFT ont indiqué lors de l’audience que, par ces affirmations, la Commission semblait modifier sa position quant au principe de pleine concurrence tel que décrit dans la décision attaquée. Toutefois, à supposer que l’interprétation avancée par le Grand-Duché de Luxembourg et FFT soit avérée, il y a lieu de relever, en tout état de cause, que la Commission ne saurait modifier, au stade de l’audience, la base juridique du principe de pleine concurrence telle qu’elle a été exposée dans la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, EU:T:1998:140, point 116). En toute hypothèse, il y a lieu de constater que la précision apportée lors de l’audience ne remet pas en cause le constat fait au point 151 ci‑dessus selon lequel il ressort de la décision attaquée que le principe de pleine concurrence intervient dans le cadre de l’examen au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. D’ailleurs, il ressort de l’ensemble des écritures du Grand-Duché de Luxembourg et de FFT que ceux-ci ont bien compris la décision attaquée en ce sens que le principe de pleine concurrence tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée intervient dans le cadre de l’examen d’une mesure fiscale nationale au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

154    Il convient donc de rejeter l’argument de FFT selon lequel la Commission n’a indiqué aucun fondement juridique au principe de pleine concurrence tel que décrit dans la décision attaquée.

155    Deuxièmement, dans la mesure où FFT soutient que la Commission n’a pas précisé le contenu du principe de pleine concurrence tel que décrit dans la décision attaquée, il suffit de constater qu’il ressort de la décision attaquée qu’il s’agit d’un outil permettant de contrôler que les transactions intragroupe soient rémunérées comme si elles avaient été négociées entre des entreprises indépendantes (voir point 151 ci-dessus). Il convient donc d’écarter cet argument.

156    Troisièmement, le Grand‑Duché de Luxembourg reproche, en substance, à la Commission d’avoir examiné la décision anticipative en cause à la lumière du principe de pleine concurrence tel que décrit dans la décision attaquée alors que celui‑ci serait un critère étranger au droit fiscal luxembourgeois. Il soutient que le principe de pleine concurrence tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée lui permettrait de prescrire des normes méthodologiques aux fins de la détermination du bénéfice imposable qui ne figurent pas dans la législation nationale et que cela aurait pour conséquence une harmonisation déguisée en matière de fiscalité directe en contravention avec l’autonomie fiscale des États membres. Toutefois, cet argument doit être rejeté.

157    En effet, à cet égard il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté aux points 138 et 141 ci-dessus, si l’imposition dite « normale » est définie par les règles fiscales nationales et si l’existence même d’un avantage doit être établie par rapport à celles-ci, il n’en demeure pas moins que, si ces règles nationales prévoient que les sociétés intégrées sont imposées dans les mêmes conditions que les sociétés autonomes, l’article 107, paragraphe 1, TFUE permet à la Commission de contrôler si le niveau des prix des transactions intragroupe, accepté par les autorités nationales pour la détermination de la base d’imposition d’une entreprise intégrée, correspond au niveau de prix qui aurait été celui pratiqué dans des conditions de pleine concurrence.

158    Par conséquent, lorsque la Commission examine si la méthode validée par une mesure fiscale nationale aboutit à un résultat qui a été établi en conformité avec le principe de pleine concurrence tel qu’il a été défini au point 151 ci‑dessus, elle n’outrepasse pas ses compétences.

159    En outre, pour autant que le Grand-Duché de Luxembourg et FFT soutiennent que la Commission a fait une appréciation à la lumière du principe de pleine concurrence sans examiner l’existence d’un avantage au moyen du droit fiscal national, il suffit de relever qu’il ressort clairement des considérants 231, 266, 276, 291, 301 et 339 de la décision attaquée que la Commission a examiné si la décision anticipative en cause aboutissait à une réduction de la charge fiscale de FFT par rapport à celle qu’elle aurait normalement dû supporter en application des règles d’imposition luxembourgeoises. Elle a donc bien cherché à examiner si la décision anticipative en cause avait abouti à une diminution de la charge fiscale en application des règles de droit nationales. Si la Commission a, dans ce contexte, opéré son examen au regard du principe de pleine concurrence, elle a utilisé ledit principe, ainsi que cela a été constaté au point 151 ci‑dessus, en tant qu’outil lui permettant de vérifier si le niveau des prix de transfert de FFT avait été artificiellement diminué par rapport à une situation dans laquelle les prix auraient été constitués selon les conditions de marché. En conséquence, l’argument selon lequel la Commission a substitué aux règles de droit fiscal luxembourgeoises une norme étrangère doit être écarté.

160    Quatrièmement, FFT et l’Irlande font valoir, en substance, que la Commission aurait indûment affirmé, dans la décision attaquée, l’existence d’un principe général d’égalité de traitement en matière de taxation.

161    Certes, la Commission a indiqué, au considérant 228 de la décision attaquée, que le principe de pleine concurrence était un principe général d’égalité de traitement en matière de taxation, qui relevait du champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Toutefois, une telle formulation ne doit pas être isolée de son contexte et ne saurait être interprétée en ce sens que la Commission aurait affirmé l’existence d’un principe général d’égalité de traitement devant l’impôt inhérent à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ce qui donnerait une portée trop extensive audit article.

162    En tout état de cause, il ressort implicitement, mais nécessairement, des considérants 222 à 231 de la décision attaquée, et en particulier des considérants 226 et 229 de cette décision, que le principe de pleine concurrence tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée a été appréhendé par celle-ci uniquement comme un outil lui permettant de contrôler que les transactions intragroupe sont rémunérées comme si elles avaient été négociées entre des entreprises indépendantes. L’argument de FFT et de l’Irlande ne saurait remettre en cause le constat fait au point 146 ci‑dessus selon lequel la Commission pouvait examiner, dans le cadre de son analyse au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, si des transactions intragroupe étaient rémunérées comme si elles avaient été négociées dans des conditions de marché.

163    Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de FFT et de l’Irlande à cet égard.

164    Cinquièmement, FFT reproche à la Commission de s’être écartée, dans la décision attaquée, de la conception du principe de pleine concurrence qu’elle avait retenue dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen. Elle fait valoir, à cet égard, que la Commission s’était référée, aux points 14 et 62 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, à l’article 9 du modèle de convention de l’OCDE.

165    À cet égard, il importe de relever que FFT ne tire aucune conséquence juridique de son allégation selon laquelle le principe de pleine concurrence tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée serait différent du principe de pleine concurrence auquel la Commission s’est référée dans la décision d’ouverture de la procédure. Par conséquent, cet argument doit être rejeté comme inopérant.

166    En tout état de cause, cet argument doit également être rejeté comme étant non fondé.

167    En effet, d’une part, si la Commission s’est référée, au point 14 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, au « principe de pleine concurrence tel qu’énoncé à l’article 9 [du modèle de convention de l’OCDE] », cette référence a été faite dans le cadre de la section intitulée « Introduction aux décisions fiscales en matière de prix de transfert ». Il ne ressort pas du point 14 de la décision d’ouverture de la procédure, invoqué par FFT, que la Commission aurait fondé son évaluation provisoire sur la base de l’article 9 du modèle de convention de l’OCDE. De même, si la Commission s’est référée, au considérant 62 de la décision d’ouverture de la procédure invoqué par FFT, aux lignes directrices de l’OCDE, la Commission ne le présente que comme un « document de référence » ou comme des « lignes directrices appropriées ». Or, une telle présentation n’est pas différente de celle retenue par la Commission dans la décision attaquée.

168    D’autre part, force est de constater qu’il ressort des considérants 58 et 59 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen que la Commission a exposé, dès ce stade de la procédure, sa position selon laquelle elle peut appliquer le principe de pleine concurrence, dans le cadre du contrôle au titre de l’article 107 TFUE, afin d’examiner si une mesure fiscale confère un avantage sélectif à une entreprise intégrée.

169    À cet égard, il importe de relever que, au considérant 61 de la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, la Commission a exposé qu’une méthode d’imposition appliquée à des prix de transfert qui ne respectent pas le principe de pleine concurrence et aboutit à une diminution de l’assiette fiscale de son bénéficiaire conférait un avantage. Elle a alors fondé ce constat sur l’arrêt du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission (C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416), comme elle l’a fait par la suite dans la décision attaquée.

170    Sixièmement, il y a lieu de rejeter l’argument de FFT selon lequel la position de la Commission sur le principe de pleine concurrence se départit de sa pratique décisionnelle antérieure, dans la mesure où cette pratique décisionnelle, concernant d’autres affaires, ne saurait affecter la validité d’une décision contestée, qui ne peut s’apprécier qu’au regard des règles objectives du traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2010, Todaro Nunziatina & C., C‑138/09, EU:C:2010:291, point 21).

171    Septièmement, pour autant que FFT indique que la Commission a été très opaque quant à la notion de principe de pleine concurrence qu’elle avait retenue, refusant de lui fournir les projections que cette dernière avait faites dans le cadre d’un séminaire sur les aides d’État à Bruxelles, il y a lieu de rejeter cet argument comme étant inopérant. En effet, la position de la Commission ayant trait au principe de pleine concurrence ressort des considérants 219 à 231 de la décision attaquée, de sorte que le fait qu’elle n’ait pas fourni de projections à la suite d’un séminaire est sans aucune influence sur la légalité de la décision attaquée.

172    Huitièmement, FFT fait valoir que le principe de pleine concurrence tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée serait distinct de celui retenu par l’OCDE. Elle soutient que ce dernier permettrait des « adaptations judicieuses », telles que la non-prise en considération de la participation de ses filiales dans le cadre du calcul de la rémunération des fonctions de FFT. Cela serait, d’ailleurs, expliqué dans le rapport d’une société de consultance économique joint en annexe à la requête. Cet argument doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé.

173    En effet, s’agissant de l’affirmation selon laquelle le principe de pleine concurrence serait distinct de celui retenu par l’OCDE, FFT ne soulève aucun argument concret, à l’exception de celui afférent à la prise en compte de ses participations. Or, pour autant que FFT fait valoir que la Commission aurait méconnu le paragraphe 2.74 des lignes directrices de l’OCDE, selon lequel des ajustements judicieux doivent être faits dans l’application de la MTMN, il convient de constater, outre le fait que la Commission, ainsi que cela a été exposé au point 147 ci‑dessus, n’est pas formellement liée par ces lignes directrices, que, contrairement à ce que soutient FFT, la Commission n’a pas écarté la possibilité d’opérer des « ajustements judicieux ». En effet, la Commission s’est bornée à constater que, en l’espèce, l’exclusion des participations de FFT dans FFNA et FFC n’était pas justifiée, question qui sera d’ailleurs examinée aux points 273 à 278 ci‑après.

174    En outre, d’une part, pour autant que FFT renvoie au rapport d’une société de consultance économique dans lequel un expert a développé des arguments visant à montrer que la Commission n’aurait pas dû prendre en considération les participations de FFT dans des filiales, le renvoi à cette argumentation est, conformément à une jurisprudence constante, irrecevable, car elle ne figure pas dans le corps même de la requête. À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, si le texte de la requête peut être étayé et complété sur des points spécifiques par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels dans celle-ci, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale (voir arrêt du 30 janvier 2007, France Télécom/Commission, T‑340/03, EU:T:2007:22, point 167 et jurisprudence citée).

175    D’autre part, et en toute hypothèse, à supposer même que la Commission n’ait pas procédé, à tort, aux « ajustements judicieux » auxquels FFT fait référence, il convient de constater que cela n’influerait pas sur le constat selon lequel FFT ne fournit aucun argument permettant de comprendre les raisons pour lesquelles le principe de pleine concurrence retenu par la Commission serait erroné. En effet, le fait que des « ajustements judicieux » soient prévus par les lignes directrices de l’OCDE pour prendre en considération chaque situation de fait, et que les circonstances donnant lieu à de tels ajustements puissent exister en l’espèce, ne remet pas en cause le constat que, en substance, le principe de pleine concurrence requiert que les entreprises intégrées facturent des prix de transfert qui reflètent ceux qui seraient facturés dans des conditions de concurrence, ce qui correspond à l’examen auquel la Commission a procédé dans la décision attaquée.

176    Neuvièmement, il convient de rejeter l’argument du Grand‑Duché de Luxembourg selon lequel le principe de pleine concurrence tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée serait subjectif et arbitraire. En effet, d’une part, il suffit de constater que l’examen au regard du principe de pleine concurrence consiste, ainsi que cela ressort du considérant 231 de la décision attaquée, à examiner si la méthode de détermination des prix de transfert avalisée dans la décision anticipative en cause permet d’aboutir à une approximation fiable d’un résultat de marché. D’autre part, la Commission se réfère largement, aux fins de son analyse, aux lignes directrices de l’OCDE, lesquelles font l’objet d’un large consensus. Le Grand-Duché de Luxembourg et FFT ne contestent d’ailleurs pas ce dernier point.

177    Dixièmement, FFT fait valoir que la Commission a manqué d’expliquer sur quel fondement elle avait dégagé le principe de pleine concurrence tel que décrit dans la décision attaquée ainsi que le contenu de ce principe, en méconnaissance de son obligation de motivation, telle que prévue à l’article 296 TFUE.

178    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, paragraphe 2, TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296, paragraphe 2, TFUE doit être appréciée non seulement au regard de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 15 juillet 2004, Espagne/Commission, C‑501/00, EU:C:2004:438, point 73 et jurisprudence citée).

179    En l’espèce, il a déjà été constaté aux points 149 à 151 et 154 ci‑dessus, que, contrairement à ce que soutient FFT, la Commission a précisé le fondement juridique ainsi que le contenu du principe de pleine concurrence aux considérants 219 à 231 de la décision attaquée. Il importe donc de constater que, s’agissant de ces questions, la décision attaquée est suffisamment motivée. D’ailleurs, ainsi que cela a été constaté au point 153 ci‑dessus, il ressort de l’ensemble des écritures du Grand-Duché de Luxembourg et de FFT que ceux-ci ont bien compris la décision attaquée en ce sens que le principe de pleine concurrence tel que décrit par la Commission dans ladite décision intervenait dans le cadre de l’examen d’une mesure fiscale nationale au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

180    Onzièmement, pour autant que FFT fait valoir que le principe de pleine concurrence tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée aux considérants 219 à 231 et plus précisément au considérant 228 de la décision attaquée crée une insécurité juridique et une confusion telles qu’il ne permet pas de comprendre si une décision anticipative reposant sur des prix de transfert méconnaîtra ou non le droit des aides d’État, un tel argument doit être rejeté.

181    Selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique, qui est un principe général du droit de l’Union, exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (arrêt du 15 février 1996, Duff e.a./Commission, C‑63/93, EU:C:1996:51, point 20).

182    Or, d’une part, il importe de rappeler que la notion d’aide d’État est définie en fonction des effets de la mesure sur le positionnement concurrentiel de son bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 87). Il en découle que l’article 107 TFUE interdit toute mesure d’aide, indépendamment de sa forme ou de la technique réglementaire utilisée pour octroyer une telle aide (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 79).

183    D’autre part, il convient de rappeler que le droit fiscal luxembourgeois prévoit que les entreprises intégrées et les entreprises autonomes sont soumises, dans les mêmes conditions, à l’impôt sur les sociétés. Dans ces conditions, il était prévisible que la Commission puisse vérifier, au titre de l’examen prévu par l’article 107 TFUE, si la méthode de détermination des prix de transfert avalisée dans la décision anticipative s’écartait d’un prix qui aurait été fixé dans des conditions de marché, aux fins d’examiner si ladite décision anticipative conférait un avantage à son bénéficiaire.

184    En tout état de cause, dans la mesure où FFT se borne à affirmer qu’elle considère que la rédaction du considérant 228 de la décision attaquée manque en clarté et serait source d’insécurité juridique, il suffit de rappeler que la décision attaquée doit être lue dans son ensemble. Or, ainsi qu’il ressort des points 130 à 132 ci‑dessus, la Commission a précisé, dans la décision attaquée, la définition, la portée et la nature juridique du principe de pleine concurrence. En outre, ainsi que cela a été constaté au point 115 ci‑dessus, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait considéré que toute décision anticipative constituait nécessairement une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE. En effet, pour autant qu’elle n’octroie aucun avantage sélectif, notamment en ce qu’elle n’aboutit pas à une diminution de la charge fiscale de son bénéficiaire, une telle décision anticipative ne constitue pas une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE et n’est pas soumise à une obligation de notification au titre de l’article 2 du règlement 2015/1589.

185    Douzièmement, pour autant que FFT soutient que la Commission a violé le principe de protection de la confiance légitime dès lors que personne n’a prévu, ni n’aurait pu prévoir, que la Commission appliquerait un principe de pleine concurrence autre que celui prévu par l’OCDE, un tel grief doit être rejeté.

186    En effet, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique chez lequel une institution, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître des espérances fondées (voir arrêt du 24 octobre 2013, Kone e.a./Commission, C‑510/11 P, non publié, EU:C:2013:696, point 76 et jurisprudence citée). Or, en l’espèce, FFT n’établit ni même n’allègue en quoi elle aurait reçu des assurances précises de la Commission selon lesquelles la décision anticipative en cause ne remplirait pas les conditions d’une aide au sens de l’article 107 TFUE. De plus, le seul fait que FFT considère que la Commission aurait expressément fondé certaines décisions antérieures en matière d’aides d’État sur le principe de pleine concurrence prévu à l’article 9 du modèle de convention de l’OCDE ne constitue pas des assurances précises au sens de la jurisprudence exposée ci‑dessus.

187    Dans ces conditions, l’ensemble des griefs soulevés par le Grand-Duché de Luxembourg et FFT et portant sur le principe de pleine concurrence tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée doivent être rejetés comme étant en partie non fondés et en partie inopérants.

b)      Sur le moyen tiré d’une méthodologie de calcul erronée dans la détermination de la rémunération de FFT

188    Le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir, en substance, que la décision anticipative en cause n’a pas conféré un avantage à FFT, celle‑ci n’ayant pas entraîné une diminution du montant de l’impôt dont FFT s’est acquittée. Dans ce cadre, le Grand‑Duché de Luxembourg conteste l’existence de prétendues erreurs de méthodologie de calcul de la rémunération de FFT, qui auraient été validées par les autorités fiscales luxembourgeoises, et que la Commission a relevées dans la décision attaquée.

189    La Commission conteste l’argumentation du Grand-Duché de Luxembourg.

1)      Observations liminaires

190    Par la deuxième branche de son premier moyen, le Grand‑Duché de Luxembourg expose que la Commission n’a pas démontré que la méthodologie validée dans la décision anticipative en cause n’était pas conforme au principe de pleine concurrence, qu’il s’agisse du principe de pleine concurrence incorporé en droit national luxembourgeois, des lignes directrices de l’OCDE ou du principe de pleine concurrence tel que décrit par la Commission dans la décision attaquée.

191    En substance, le Grand-Duché de Luxembourg conteste les cinq erreurs dans la méthode de calcul de la rémunération de FFT qui auraient été identifiées par la Commission.

192    Tout d’abord, le Grand-Duché de Luxembourg remet en cause, en substance, l’appréciation de la Commission selon laquelle les capitaux propres de FFT n’auraient pas dû être segmentés, un taux unique ayant dû être appliqué à l’intégralité des capitaux propres comptables de FFT (ci‑après la « première erreur »).

193    Ensuite, le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que, contrairement à ce qu’a affirmé la Commission dans la décision attaquée, il n’a commis aucune erreur en entérinant l’utilisation des fonds propres réglementaires hypothétiques (ci‑après la « deuxième erreur ») ni en calculant le montant de ces fonds propres réglementaires hypothétiques (ci‑après la « troisième erreur »). En outre, il conteste avoir commis une erreur en avalisant la déduction des participations de FFT dans FFC et FFNA (ci-après la « quatrième erreur »). Ces deuxième, troisième et quatrième erreurs se rattachent à la première erreur, relative à la segmentation des capitaux.

194    Enfin, le Grand‑Duché de Luxembourg conteste une cinquième erreur identifiée par la Commission, portant sur le calcul du taux de rendement de 6,05 %, appliqué aux capitaux réglementaires hypothétiques (ci‑après la « cinquième erreur »).

195    Bien que les cinq erreurs contestées par le Grand-Duché de Luxembourg n’aient pas été clairement identifiées comme telles dans la décision attaquée, notamment la première erreur, portant sur la segmentation des capitaux propres, il importe de constater que ces cinq erreurs ressortent, en substance, du texte de ladite décision.

196    En effet, il y a lieu de rappeler que la Commission a constaté, aux considérants 248 à 301 de la décision attaquée (sections 7.2.2.5 à 7.2.2.9 de ladite décision), que la méthode de détermination de la rémunération de l’activité de financement de FFT, entérinée par la décision anticipative en cause, comportait plusieurs erreurs dans les choix méthodologiques, de paramètres et d’ajustement. À cet égard, il y a lieu de constater que les erreurs identifiées portent, d’une part, sur le montant des capitaux à rémunérer, à savoir sur l’indicateur du niveau de bénéfices, et, d’autre part, sur le taux de rendement à appliquer.

197    S’agissant, d’une part, du montant des capitaux à rémunérer, la Commission a considéré, en substance, que le choix de segmenter les capitaux propres en trois catégories auxquelles sont appliqués des taux de rendement différents est erroné, ce qui correspond à la première erreur. En effet, ainsi que cela ressort notamment des considérants 265, 278 et 287 de la décision attaquée, la Commission a estimé qu’un taux de rendement unique aurait dû être appliqué aux capitaux propres comptables dans leur intégralité. La Commission a ainsi affirmé, au considérant 265 de la décision attaquée, que, en utilisant les capitaux propres comptables, il n’aurait pas été nécessaire de calculer une « rémunération des fonctions » distincte.

198    La première erreur sous-tend les deuxième à quatrième erreurs, qui font chacune l’objet d’une section bien identifiée dans la décision attaquée. Tout d’abord, aux considérants 249 à 266 de la décision attaquée (section 7.2.2.6 de ladite décision.), la Commission a considéré que l’utilisation des fonds propres réglementaires hypothétiques en tant qu’indicateur du niveau de bénéfices était erronée, ce qui correspond à la deuxième erreur. Ensuite, aux considérants 267 à 276 de la décision attaquée (section 7.2.2.7), la Commission a affirmé que, à supposer que les fonds propres réglementaires hypothétiques puissent être utilisés, l’application par analogie du dispositif de Bâle II, aux fins de la détermination du niveau des fonds propres réglementaires hypothétiques de FFT, était erronée, ce qui correspond à la troisième erreur. Enfin, aux considérants 277 à 291 de la décision attaquée (section 7.2.2.8), la Commission a estimé que la déduction des participations de FFNA et FFC était erronée, ce qui correspond à la quatrième erreur.

199    S’agissant, d’autre part, du taux de rendement, la Commission a considéré, aux considérants 292 à 301 de la décision attaquée (section 7.2.2.9), que le niveau de taux de rendement des capitaux à rémunérer, calculé à hauteur de 6,05 %, en application du MEDAF, était erroné, ce qui correspond à la cinquième erreur.

200    Le Tribunal examinera donc successivement les cinq erreurs identifiées par la Commission et contestées par le Grand‑Duché de Luxembourg, telles exposées aux points 196 à 199 ci‑dessus.

201    À cet égard, le Tribunal relève que, dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen de l’affaire T‑755/15, le Grand‑Duché de Luxembourg et la Commission s’opposent sur l’étendue du contrôle que la Commission pouvait exercer sur la méthodologie utilisée par le Grand-Duché de Luxembourg pour calculer la rémunération de FFT dans la décision anticipative en cause, compte tenu des aléas inhérents à l’évaluation des prix de transfert et du fait qu’il s’agit d’une intrusion dans la liberté d’action des autorités nationales.

202    Il importe de rappeler que, dans le cadre du contrôle des aides d’État, il appartient, en principe, à la Commission de rapporter dans la décision attaquée la preuve de l’existence d’une telle aide (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2007, Olympiaki Aeroporia Ypiresies/Commission, T‑68/03, EU:T:2007:253, point 34, et du 25 juin 2015, SACE et Sace BT/Commission, T‑305/13, EU:T:2015:435, point 95). Dans ce contexte, la Commission est tenue de conduire la procédure d’examen des mesures en cause de manière diligente et impartiale, afin de disposer, lors de l’adoption d’une décision finale établissant l’existence et, le cas échéant, l’incompatibilité ou l’illégalité de l’aide, des éléments les plus complets et fiables possibles (voir, en ce sens, arrêts du 2 septembre 2010, Commission/Scott, C‑290/07 P, EU:C:2010:480, point 90, et du 3 avril 2014, France/Commission, C‑559/12 P, EU:C:2014:217, point 63).

203    En revanche, il incombe à l’État membre qui a introduit une différenciation entre des entreprises de démontrer que celle‑ci est justifiée par la nature et l’économie du système en cause. En effet, la notion d’aide d’État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre les entreprises et, partant, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent (voir, en ce sens, arrêt du 21 juin 2012, BNP Paribas et BNL/Commission, C‑452/10 P, EU:C:2012:366, points 120 et 121 et jurisprudence citée).

204    Compte tenu de ce qui précède, il incombait à la Commission de démontrer, dans la décision attaquée, que les conditions d’existence d’une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, étaient réunies. À cet égard, il y a lieu de constater que, s’il est constant que l’État membre dispose d’une marge d’appréciation dans l’approbation des prix de transfert, cette marge d’appréciation ne saurait toutefois conduire à priver la Commission de sa compétence pour contrôler que les prix de transfert en cause ne conduisent pas à l’octroi d’un avantage sélectif au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Dans ce contexte, la Commission doit tenir compte du fait que le principe de pleine concurrence lui permet de vérifier si un prix de transfert avalisé par un État membre correspond à une approximation fiable d’un résultat fondé sur le marché et si l’écart éventuellement constaté dans le cadre de cet examen ne va pas au‑delà des imprécisions inhérentes à la méthode appliquée pour obtenir ladite approximation.

205    Le Grand‑Duché de Luxembourg et la Commission s’opposent également quant au degré de contrôle que peut opérer le Tribunal sur les appréciations de la Commission liées au calcul du bénéfice imposable de FFT. En effet, selon la Commission, le Tribunal devrait opérer un contrôle restreint de ces appréciations économiques qui sont complexes. À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il résulte de l’article 263 TFUE, l’objet du recours en annulation est le contrôle de la légalité des actes adoptés par les institutions de l’Union qui y sont énumérées. Dès lors, l’analyse des moyens soulevés dans le cadre d’un tel recours n’a ni pour objet ni pour effet de remplacer une instruction complète de l’affaire dans le cadre d’une procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2010, Commission/Deutsche Post, C‑399/08 P, EU:C:2010:481, point 84).

206    S’agissant du domaine des aides d’État, il y a lieu de rappeler que la notion d’aide d’État, telle que définie dans le traité FUE, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêts du 4 septembre 2014, SNCM et France/Corsica Ferries France, C‑533/12 P et C‑536/12 P, EU:C:2014:2142, point 15, et du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 87).

207    Quant à la question de savoir si une méthode de détermination d’un prix de transfert d’une société intégrée est conforme au principe de pleine concurrence, il convient de rappeler que, ainsi que cela a déjà été indiqué ci‑dessus, lorsqu’elle utilise cet outil dans le cadre de son appréciation au titre de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la Commission doit tenir compte de sa nature approximative. Le contrôle du Tribunal tend donc à vérifier si les erreurs identifiées dans la décision attaquée, sur la base desquelles la Commission a fondé sa constatation quant à l’existence d’un avantage, vont au‑delà des imprécisions inhérentes à l’application d’une méthode destinée à obtenir une approximation fiable d’un résultat fondé sur le marché.

208    C’est à la lumière de ces précisions qu’il convient d’examiner les différentes erreurs identifiées par la Commission.

2)      Sur la première erreur, liée à l’absence de prise en considération de la totalité des capitaux propres de FFT

209    Le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que la Commission a considéré à tort qu’il convenait de prendre en considération la totalité des capitaux propres comptables pour appliquer à FFT un rendement uniforme de 10 %, indépendamment de ses différentes activités. Il soutient que la méthodologie avalisée par la décision anticipative en cause applique le principe de l’« analyse fonctionnelle » de manière conforme aux règles luxembourgeoises et de l’OCDE, visant à tenir compte du caractère mixte des activités de FFT, en prenant en considération les actifs utilisés et les risques assumés. Selon le Grand-Duché de Luxembourg, il conviendrait donc d’isoler, pour déterminer la rémunération de FFT, les actifs ou les capitaux qui se rattachent à l’exploitation des transactions ou des fonctions pertinentes, de sorte que seuls les actifs d’exploitation et les capitaux employés doivent être pris en compte, conformément aux lignes directrices de l’OCDE. La circulaire transposerait ces exigences, dans la mesure où, d’abord, elle exclut de son périmètre les fonctions de holding, ensuite, elle reprend la terminologie des lignes directrices de l’OCDE et, enfin, elle identifie les capitaux propres couvrant les risques afférents aux activités de financement.

210    La Commission conteste ces arguments.

i)      Observations sur la décision anticipative en cause

211    Premièrement, ainsi qu’il ressort de la décision anticipative en cause et comme cela a été constaté dans la décision attaquée (voir notamment considérant 70 de ladite décision), la décision anticipative en cause porte sur la détermination de la rémunération de FFT pour ses activités de financement intragroupe et de trésorerie. L’impôt dû par FFT au Luxembourg est alors calculé en appliquant le taux d’imposition normal des sociétés, applicable au Luxembourg, au bénéfice net réalisé par FFT, sur la base de la rémunération entérinée par la décision anticipative en cause.

212    À cet égard, tout d’abord, il importe de rappeler que la décision anticipative en cause détermine la rémunération de FFT pour les transactions relevant de son activité de financement intragroupe et de trésorerie. Il est constant entre les parties que ce type de transaction est soumis à l’impôt au titre du code des impôts.

213    Ensuite, les parties ne contestent pas que, les transactions constituant l’activité de financement intragroupe et de trésorerie de FFT étant des transactions intragroupe, la décision anticipative en cause concerne la détermination du prix de transfert de celles-ci à un niveau qui correspond au niveau qui aurait été pratiqué si ce type de transaction avait été conclu entre des sociétés autonomes, soumises aux conditions du marché. En outre, elles ne contestent pas que cette décision anticipative permet à FFT de déterminer sa base imposable au Luxembourg.

214    Enfin, dans la décision attaquée la Commission n’a pas contesté le choix, entériné par la décision anticipative en cause, de l’utilisation de la MTMN en tant que méthode pour la détermination du niveau approprié des prix de transfert pour les transactions constituant l’activité de financement et de trésorerie de FFT. À cet égard, il est constant que l’application correcte de la MTMN, en l’espèce, consiste dans une analyse du rendement des capitaux.

215    Les parties s’opposent donc, en substance, uniquement en ce qui concerne le niveau de la rémunération de FFT pour les transactions relevant de ses activités de financement intragroupe et de trésorerie.

216    Deuxièmement, ainsi qu’il ressort du rapport sur les prix de transfert, et comme la Commission l’a constaté dans le tableau 2 de la décision attaquée et aux considérants  61, 62, 65 et 70 de ladite décision, celui-ci a retenu, aux fins du calcul du rendement sur capital, la segmentation des capitaux propres de FFT, dont le montant total s’élève à 287 477 000 euros, en trois catégories de fonds, à savoir :

–        d’abord, les fonds propres réglementaires hypothétiques, au sens du dispositif de Bâle II, pour rémunérer les « risques », soit 28 523 000  euros, auxquels est appliqué un taux de rendement de 6,05 % ;

–        ensuite, les fonds propres utilisés pour compenser les participations dans FFNA et FFC, et liés aux activités de « holding » de FFT, soit 165 244 000 euros, à partir desquels aucun rendement n’a été appliqué ;

–        enfin, les fonds propres utilisés pour exercer les « fonctions », soit 93 710 000 euros, auxquels est appliqué un taux de rendement de  0,87 %. Ceux-ci correspondent au total des capitaux propres comptables, diminué des fonds propres réglementaires hypothétiques et du montant des participations de FFT dans FFNA et FFC.

217    À cet égard, les parties ne contestent pas que la segmentation des capitaux propres limite la base des capitaux pris en compte pour le calcul de ce rendement. Elles s’opposent, en substance, sur le principe même consistant, dans le cadre de la MTMN, à affecter des capitaux à des fonctions spécifiques soumises à des taux de rendement distincts. En effet, le Grand-Duché de Luxembourg et FFT estiment que cette segmentation des capitaux est non seulement conforme aux lignes directrices de l’OCDE et à la circulaire, mais également appropriée compte tenu des différentes activités de FFT. La Commission considère, au contraire, qu’une telle segmentation est erronée.

218    Il convient donc d’examiner si la Commission a correctement considéré que la segmentation des capitaux propres, auxquels sont appliqués des taux de rendement distincts, ne permettait pas d’aboutir à une approximation fiable d’un résultat de pleine concurrence et, ainsi, contribuait à une diminution de la charge fiscale de FFT.

ii)    Sur la possibilité de procéder à la segmentation des capitaux dans les lignes directrices de l’OCDE et dans la circulaire

219    Comme les parties l’ont reconnu, en substance, lors de l’audience, la circulaire et les lignes directrices de l’OCDE, auxquelles la première renvoie, n’autorisent pas ni n’interdisent la possibilité de segmenter les capitaux d’une société intégrée, en fonction de ses différentes activités.

220    En tout état de cause, aucun des arguments soulevés par le Grand‑Duché de Luxembourg dans ses écritures ne permet de constater que les lignes directrices de l’OCDE ou la circulaire permettaient de procéder à la segmentation des capitaux afin d’obtenir un résultat de pleine concurrence.

221    Premièrement, le Grand‑Duché de Luxembourg soutient que l’application d’un taux de rendement uniforme aux capitaux propres de FFT, dans leur intégralité, méconnaît les préconisations des lignes directrices de l’OCDE et notamment l’exigence d’opérer une analyse dite « fonctionnelle » de l’activité de l’entreprise concernée, consistant à distinguer les différentes activités d’une entreprise et à identifier les actifs et risques liés à ces activités. À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce que fait valoir le Grand‑Duché de Luxembourg, le point D.1.2.2 des lignes directrices de l’OCDE, ayant trait à l’« analyse fonctionnelle », ne permet pas de conclure qu’il était correct, en l’espèce, de segmenter les capitaux de FFT en fonction de ses différentes activités.

222    En effet, il ressort du paragraphe 1.42 des lignes directrices de l’OCDE que ce sont les actifs liés à chaque activité, et non les capitaux, qui peuvent être isolés et rattachés à des risques ou à des activités spécifiques. Or, si, comme le Grand‑Duché de Luxembourg le soutient, tant la rentabilité du capital que celle des actifs peut être retenue comme indicateur pour l’application de la MTMN, cela ne revient toutefois pas à assimiler les capitaux propres aux actifs d’exploitation. En effet, à la différence des actifs d’exploitation, les capitaux sont fongibles et sont exposés à un risque quelle que soit l’activité qu’ils servent à réaliser.

223    Deuxièmement, pour autant que le Grand-Duché de Luxembourg renvoie aux paragraphes 2.77 et 2.78 des lignes directrices de l’OCDE, il suffit de constater à cet égard, à l’instar de la Commission, que, s’il en ressort que, en substance, d’une part, seuls les éléments qui sont liés à une transaction doivent être pris en compte, aucun d’entre eux ne prévoit que seuls les capitaux qui seraient liés aux activités imposables devraient être pris en considération. Or, ainsi que le fait valoir la Commission à juste titre, les capitaux sont, par nature, fongibles.

224    Troisièmement, pour autant que le Grand-Duché de Luxembourg soutient qu’il serait possible en droit luxembourgeois de rattacher certains capitaux à certaines fonctions, force est de constater que, ainsi qu’il a été exposé aux points 212 à 215 ci-dessus, la décision anticipative en cause ne concerne que la détermination de la rémunération de FFT pour les transactions relevant de ses activités de financement intragroupe et de trésorerie, à un niveau de pleine concurrence. Ainsi qu’il ressort des points 137 à 139 ci‑dessus, la Commission était en mesure de contrôler, en vertu de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, si le niveau de cette rémunération était inférieur à un niveau de pleine concurrence et, par conséquent, si la décision anticipative avait conféré un avantage à FFT. L’analyse fonctionnelle de la transaction contrôlée permet notamment de choisir, le cas échéant, la partie testée, la méthode de prix de transfert la plus appropriée et l’indicateur financier à tester ou d’identifier les facteurs de comparabilité importants à prendre en compte.

225    En revanche, la décision anticipative en cause ne concerne pas la question de savoir si, en raison d’une analyse fonctionnelle de FFT, certaines parties des capitaux de FFT ne sont pas soumis à l’impôt au titre du code des impôts luxembourgeois.

226    En outre, le Grand-Duché de Luxembourg fonde son allégation sur un article juridique sur la fiscalité luxembourgeoise et sur un règlement grand‑ducal. Néanmoins, il convient de constater que, à supposer même que ces éléments, portant sur le droit luxembourgeois, soient pertinents pour examiner, dans le cadre de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la question de savoir si la rémunération de FFT était inférieure à un niveau de pleine concurrence, ceux-ci ne démontrent pas que les capitaux propres de FFT pouvaient être segmentés, en fonction de ses différentes activités, aux fins du calcul du rendement du capital.

227    D’une part, pour autant que le Grand-Duché de Luxembourg renvoie au règlement grand-ducal du 16 juillet 1987, modifiant le règlement grand-ducal du 23 juillet 1983 portant exécution de l’article 1er de la loi du 23 juillet 1983 modifiant certaines dispositions de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (publié au Mémorial A no 65 du 6 août 1987, p. 1540), il convient de souligner que celui-ci dispose qu’« il est admis que les biens de l’actif sont financés par les fonds propres dans l’ordre suivant : immobilisations corporelles et incorporelles, immobilisations financières, valeurs du disponible et du réalisable ». Force est donc de constater que ledit règlement grand-ducal ne prévoit pas, contrairement à ce que prétend le Grand‑Duché de Luxembourg, que les capitaux propres d’une société puissent être affectés à des actifs déterminés d’une société.

228    D’autre part, pour autant que le Grand‑Duché de Luxembourg invoque un extrait d’une revue juridique sur la fiscalité luxembourgeoise selon lequel, « en s’appuyant sur des considérations purement économiques, la doctrine allemande admet que les ressources à long terme sont affectées prioritairement au financement des actifs à long terme » et que, « [d]ans cette logique, il est permis de considérer que les fonds propres financent d’abord les actifs immobilisés », force est de relever que cet élément de doctrine ne suffit pas à étayer la position du Grand-Duché de Luxembourg selon laquelle les capitaux propres d’une société peuvent être segmentés, dans le cadre de l’application de la MTMN, afin d’être affectés à des actifs ou à des activités spécifiques. En effet, si cet extrait peut être compris en ce sens que les participations détenues par une société seraient financées en priorité par les fonds propres, la réponse à la question de savoir si une telle considération est pertinente dans le cadre de l’application de la MTMN et, plus particulièrement, aux fins de déterminer un rendement sur les capitaux ne ressort pas clairement du texte de cet extrait. De surcroît, cet extrait est présenté sans indication exacte du contexte dans lequel il s’insère et sans être corroboré par d’autres éléments de doctrine, de sorte de sa force probante est fortement limitée.

229    Partant, il y a lieu de conclure que la segmentation des capitaux d’une société intégrée en fonction de ses différentes activités n’est ni explicitement autorisée ni interdite. Dans ces conditions, il convient de vérifier si la segmentation opérée dans la décision anticipative en cause est appropriée, compte tenu des particularités du cas d’espèce.

iii) Sur le caractère approprié de la segmentation des capitaux propres

230    Les parties s’opposent sur la question de savoir si la Commission a commis une erreur en considérant qu’il était inapproprié, en l’espèce, de procéder à la segmentation des capitaux propres.

231    En premier lieu, il y a lieu de constater que, en l’espèce, la segmentation des capitaux propres de FFT ne se justifie pas par la nécessité de différencier la rémunération des différentes fonctions de FFT.

232    En effet, contrairement à ce que soutient en substance le Grand‑Duché de Luxembourg, la segmentation des capitaux propres, entérinée dans la décision anticipative en cause, ne reflète pas les différentes fonctions ou activités identifiées dans le rapport sur les prix de transfert, dans le cadre de l’analyse dite « fonctionnelle » et pour lesquelles la décision anticipative en cause valide le niveau de rémunération.

233    Ainsi qu’il a été constaté au point 211 ci‑dessus, la méthode entérinée dans la décision anticipative en cause ne porte pas sur la détermination de la rémunération des activités de holding de FFT, mais exclusivement sur la rémunération des fonctions de financement intragroupe et de trésorerie de FFT.

234    À cet égard, force est de constater que le rapport sur les prix de transfert [confidentiel].

235    Or, les trois catégories de fonds propres validées par la décision anticipative en cause portent respectivement sur la rémunération des risques, la rémunération des activités de holding et la rémunération des fonctions. De plus, s’agissant de cette dernière catégorie, il importe de souligner que le rapport sur les prix de transfert précise que [confidentiel]. Ce segment correspond donc à l’intégralité des activités de FFT faisant l’objet de la décision anticipative en cause.

236    Il découle donc de ces constations que, contrairement à ce que soutient le Grand‑Duché de Luxembourg, la segmentation des capitaux propres ne tend pas à satisfaire à l’exigence de différenciation des fonctions de FFT.

237    En second lieu, il importe de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que la segmentation des capitaux propres telle qu’entérinée dans la décision anticipative en cause était inappropriée, dès lors que celle-ci repose sur une analyse purement artificielle de l’utilisation des fonds propres de FFT.

238    Premièrement, il y a lieu de relever que, ainsi que la Commission l’a affirmé, en substance, au considérant 282 de la décision attaquée, la segmentation des capitaux propres de FFT n’était pas appropriée, dès lors que de tels fonds sont, par nature fongibles. En effet, dans la mesure où  l’intégralité des capitaux propres de FFT est exposée aux risques, et est disponible pour soutenir la solvabilité de FFT, ces capitaux devraient être rémunérés dans leur intégralité, sans qu’il y ait lieu de les segmenter.

239    À cet égard, à supposer qu’il soit vrai qu’une partie des capitaux propres de FFT est affectée aux participations dans FFNA et FFC, qui auraient déjà été imposées et ne seraient donc plus imposables, ce fait n’influe nullement sur le constat que cette partie des capitaux propres est également exposée aux risques et devrait donc faire l’objet d’une rémunération des risques.

240    En effet, comme cela ressort des considérants 247 et 286 de la décision attaquée, en procédant à une segmentation des capitaux propres plutôt qu’en retenant la totalité des capitaux propres comme base à partir de laquelle le rendement du capital est calculé, le Grand‑Duché de Luxembourg néglige le fait que l’intégralité des capitaux propres est nécessaire pour assurer les fonctions de financement et, le cas échéant, absorber les pertes liées aux activités de financement. En effet, comme la Commission l’a rappelé à l’audience, si le ratio de levier entre le capital et les montants prêtés passait de [confidentiel] % à 1,3 ou 1,5 %, il serait alors inférieur à ce qui serait acceptable pour un établissement de crédit.

241    En outre, il y a lieu de souligner que, ainsi que la Commission l’a estimé au considérant 247 de la décision attaquée sans que le Grand-Duché de Luxembourg le conteste, FFT joue un rôle de transformation des échéances et d’intermédiation financière, dès lors qu’elle emprunte sur les marchés pour les besoins de financement du groupe. En effet, ainsi qu’il ressort du considérant 43 de la décision attaquée, le financement de FFT provient d’instruments tels que l’émission d’obligations, de prêts bancaires à terme, des lignes de crédits affectées et non affectées. Force est donc de constater que, comme l’a d’ailleurs reconnu le Grand-Duché de Luxembourg dans le cadre de ses réponses aux questions lors de l’audience, lorsqu’elle emprunte sur le marché afin de financer ses activités, c’est l’ensemble des capitaux de FFT qui est pris en considération par les acteurs du marché auprès de qui elle emprunte. Or, la segmentation des capitaux propres en fonction des activités de FFT ne tient pas compte du fait que ses bénéfices imposables varieront en fonction de ses coûts d’emprunt, qui dépendent, notamment, de l’importance de son capital.

242    Deuxièmement, et en toute hypothèse, les trois segments, tels qu’entérinés dans la décision anticipative en cause, sont artificiels.

243    Tout d’abord, s’agissant du premier segment, à savoir les fonds propres utilisés pour supporter les risques, il suffit de rappeler que, ainsi qu’il a été constaté au point 238 ci-dessus, l’intégralité des capitaux propres de FFT sont exposés aux risques.

244    Ensuite, s’agissant du deuxième segment, à savoir les fonds propres utilisés pour les participations dans FFNA et FFC, il suffit de rappeler que, dès lors que les capitaux sont fongibles, la partie des fonds qui correspond au montant des participations dans FFNA et FFC ne saurait être scindée du reste des fonds propres de FFT. En effet, contrairement à ce que font valoir tant le Grand‑Duché de Luxembourg que FFT, dans ses observations lors de l’audience, quand bien même la détention des participations de FFNA et de FFC ne donnerait lieu à aucun dividende imposable, FFNA et FFC ayant vu leurs dividendes déjà imposés avant d’être distribués à FFT en tant que holding, il n’en demeure pas moins que, en cas d’insolvabilité de FFT, les fonds propres liés à la détention de ces participations, à l’instar du reste de tous les autres fonds propres, seraient utilisés pour éponger les dettes de FFT. Dans ces conditions, les capitaux de FFT, qu’ils puissent ou non être rattachés aux participations qu’elle détient, sont, en toute hypothèse, exposés aux risques et doivent être pris en considération dans le cadre du calcul de la rémunération de FFT.

245    En outre, dans un contexte intragroupe, les participations d’une société mère dans ses filiales pourraient être conçues, en réalité, comme une forme d’injection de capital alternative à l’octroi d’un prêt intragroupe. Ainsi, la distinction entre le deuxième segment et le premier, lequel correspond, selon le rapport sur les prix de transfert aux fonds propres exposés aux risques, notamment de crédit et de contrepartie (considérant 58 de la décision attaquée), est, pour cette raison également, artificielle, dans la mesure où tous les deux pourraient être l’expression, en définitive, d’une opération de financement intragroupe, ainsi que le Grand‑Duché de Luxembourg l’a, en substance, confirmé lors de l’audience.

246    Enfin, s’agissant du troisième segment, à savoir les fonds propres utilisés pour exercer les fonctions, force est de constater, ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 277 de la décision attaquée, que celui‑ci correspond aux capitaux propres résiduels, obtenus après déduction des deux premiers segments des capitaux propres totaux. Il s’ensuit que, de par son caractère résiduel, ce segment ne correspond, en réalité, à aucune fonction ou activité donnée. En outre, ainsi que la Commission l’a affirmé à juste titre au considérant 265 de la décision attaquée, ce segment ne correspond à aucune composante habituelle des fonds propres utilisés dans le calcul des exigences de rendement. De surcroît, il y a lieu de relever que le [confidentiel]. Or, ces fonctions correspondent aux fonctions pour lesquelles est calculée la rémunération de FFT, telle qu’avalisée par la décision anticipative en cause. En conséquence, force est de constater que cette segmentation est nécessairement inappropriée.

247    Il découle donc de ces constats que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant, en substance, que la segmentation des capitaux propres était erronée et que l’intégralité des capitaux propres de FFT devait être prise en compte aux fins de la rémunération des risques.

248    Les autres arguments du Grand-Duché de Luxembourg ne sauraient convaincre.

249    Pour autant que le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que FFT aurait dû s’acquitter d’un même montant d’imposition si ses activités avaient été réparties entre trois entités distinctes, cet argument ne saurait prospérer.

250    En effet, d’une part, ainsi qu’il a été constaté au point 235 ci‑dessus, la segmentation des capitaux propres ne correspond pas aux différentes fonctions exercées par FFT. D’autre part, comme il a été relevé au point 241 ci-dessus, l’ensemble des capitaux de FFT est pris en considération par les acteurs du marché auprès de qui elle emprunte et sa capacité d’emprunt affecte nécessairement ses activités de financement et ses bénéfices. Il ne saurait donc être considéré que FFT devrait s’acquitter d’un même taux d’imposition si ses capitaux étaient détenus par trois sociétés distinctes pour exercer des activités avec un rendement différent. En outre, comme il a été établi au point 240 ci‑dessus, les capitaux propres de FFT liés aux activités de financement seraient insuffisants au regard des risques encourus s’ils étaient pris en considération. En tout état de cause, cet argument doit être rejeté dans la mesure où il vise une situation hypothétique, étrangère à celle qui fait l’objet de la présente affaire.

251    À la lumière de tout ce qui précède, il y a lieu de constater que la Commission a correctement considéré que l’intégralité des capitaux propres de FFT aurait dû être prise en compte aux fins du calcul de la rémunération de ses activités de financement intragroupe et de trésorerie.

3)      Sur la deuxième erreur, liée à la prise en considération des fonds propres réglementaires hypothétiques

252    Le Grand-Duché de Luxembourg conteste, en substance, l’appréciation de la Commission selon laquelle il était erroné de prendre en compte les fonds propres réglementaires hypothétiques pour la rémunération des risques liés aux activités de financement intragroupe et de trésorerie de FFT. À cet égard,  le Grand‑Duché de Luxembourg conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle il n’existerait aucune rationalité économique à appliquer un rendement de capitaux propres à une base formée par les capitaux réglementaires de FFT alors que la MTMN exige d’évaluer les capitaux propres affectés aux différentes fonctions de FFT, ajoutant que le dispositif de Bâle II et que le MEDAF sont des normes internationales.

253    La Commission s’oppose à cette argumentation au motif que le calcul de la base imposable à partir des capitaux hypothétiques réglementaires réalisé par FFT serait, d’une part, erroné, et, d’autre part, incohérent.

254    En premier lieu, il y a lieu de rappeler que, ainsi que l’a fait observer la Commission aux considérants 254 et 262 de la décision attaquée, sans que le Grand-Duché de Luxembourg le conteste, le dispositif de Bâle II définit les fonds propres réglementaires requis comme étant une proportion des actifs détenus par une banque ou un établissement financier, pondérée par le risque sous-jacent de chacun de ces actifs. Les fonds propres réglementaires constituent ainsi l’estimation, par le régulateur, d’un niveau minimal de capitalisation que doit maintenir une banque ou un autre établissement financier et ne constituent pas un droit dans les bénéfices de l’entité en cause, ni dans la rémunération des risques supportés par cette entité.

255    En deuxième lieu, s’agissant de l’appréciation de la Commission, à titre principal, selon laquelle le choix, entériné par la décision anticipative en cause, consistant à prendre en considération le capital réglementaire hypothétique de FFT est erroné, il convient de constater, ainsi que la Commission le fait valoir, que, à la différence des capitaux propres comptables utilisés pour les activités de financement de FFT, les fonds propres réglementaires ne présentent aucun lien avec les bénéfices qu’un investisseur réclamerait à la société dans laquelle il investit.  En effet, les fonds propres réglementaires ne constituent pas un indicateur approprié des bénéfices engrangés par une banque ou un établissement financier, mais uniquement la mise en œuvre d’une obligation prudentielle imposée à ces établissements. Les fonds propres réglementaires hypothétiques, déterminés par l’application par analogie du dispositif de Bâle II, ne peuvent, a fortiori, constituer un indicateur approprié pour déterminer la rémunération du risque auquel sont exposés les capitaux de FFT.

256    Aucun des arguments soulevés par le Grand‑Duché de Luxembourg n’est de nature à remettre en cause ce constat.

257    Premièrement, la circonstance, invoquée par le Grand-Duché de Luxembourg, en réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, selon laquelle l’administration fiscale s’est interrogée sur la question de savoir si FFT était correctement capitalisée ne justifie pas que les fonds propres réglementaires hypothétiques aient été utilisés comme indicateur du niveau de bénéfices.

258    Deuxièmement, l’argument du Grand‑Duché de Luxembourg selon lequel FFT était tenue de disposer, en tant que société de financement, d’un capital minimal conformément à la circulaire doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, il suffit de constater, comme la Commission le fait observer, qu’une telle obligation ne justifie pas que le capital minimal, détenu en conformité avec cette obligation, constitue un indicateur du niveau de bénéfices approprié, une obligation réglementaire ne reflétant pas les parts de bénéfices engrangés.

259    En troisième lieu, s’agissant de l’appréciation de la Commission, à titre subsidiaire, selon laquelle il existerait une incohérence à prendre en considération les fonds propres réglementaires hypothétiques pour déterminer le rendement des capitaux propres comptables, à la différence du rendement des fonds propres réglementaires, premièrement, force est de constater que, à supposer même qu’il ait été correct de retenir les seuls fond propres réglementaires hypothétiques en tant qu’indicateur du niveau de bénéfices, le Grand‑Duché de Luxembourg n’offre aucune explication convaincante pour justifier l’incohérence dans la méthodologie retenue.

260    Or, comme la Commission l’a exposé aux considérants 253 et 254 de la décision attaquée, un rendement des capitaux propres est un ratio de rentabilité. La prise en considération des capitaux propres comptables permet d’établir le bénéfice net, qui constitue la rémunération des actionnaires, tandis que les fonds propres réglementaires ne reflètent aucun droit dans les bénéfices de la société, mais représentent uniquement les fonds qu’une société réglementée est tenue de détenir.

261    Les arguments du Grand-Duché de Luxembourg selon lesquels la méthode utilisée pour déterminer le rendement sur capitaux propres n’est pas « incohérente » parce que, d’une part, elle permet de prendre en considération les activités distinctes de FFT et, d’autre part, le dispositif de Bâle II est une référence internationale tout comme le MEDAF doivent être rejetés comme inopérants à cet égard. En effet, aucun d’entre eux ne permet d’expliquer les raisons pour lesquelles les fonds propres réglementaires peuvent être utilisés pour déterminer le rendement des capitaux propres comptables.

262    Deuxièmement, il convient également de relever que, ainsi que la Commission l’a constaté au considérant 263 de la décision attaquée, dans la mesure où l’exercice de comparaison de FFT, effectué dans le rapport sur les prix de transfert aux fins du calcul du MEDAF, avec 66 sociétés identifiées par le conseiller fiscal ne repose pas sur les fonds propres réglementaires hypothétiques de ces 66 sociétés, le choix des fonds propres réglementaires hypothétiques de FFT en tant qu’indicateur du niveau de bénéfices est incohérent.

263    À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de constater que c’est à bon droit que la Commission a considéré que le Grand‑Duché de Luxembourg n’aurait pas dû prendre les capitaux réglementaires hypothétiques de FFT comme base pour le calcul de la rémunération du risque.

264    Dès lors qu’il a été constaté que la Commission avait correctement considéré que les fonds propres réglementaires hypothétiques ne pouvaient être utilisés aux fins du calcul de la rémunération de FFT, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments du Grand-Duché de Luxembourg tendant à contester l’appréciation de la Commission selon laquelle le calcul des fonds propres réglementaires hypothétiques de FFT était erroné (la troisième erreur). En effet, ce raisonnement a été développé par la Commission à titre subsidiaire, ainsi que cela ressort du considérant 276 de la décision attaquée, et se fonde sur la prémisse erronée selon laquelle les fonds propres réglementaires hypothétiques pouvaient être utilisés en tant qu’indicateur du niveau de bénéfices pour calculer la rémunération des risques supportés par FFT.

4)      Sur la quatrième erreur, liée à l’absence de prise en considération des participations de FFT

265    Le Grand-Duché de Luxembourg conteste l’appréciation de la Commission selon laquelle les capitaux liés aux participations de FFT dans FFC et FFNA auraient dû être pris en considération dans le calcul de la rémunération des activités de financement intragroupe et de trésorerie de FFT.

266    Tout d’abord, le Grand-Duché de Luxembourg soutient que la Commission aurait dû considérer que la rémunération des participations dans FFNA et FFC était par définition exclue du champ d’application des prix de transfert. En effet, les dividendes en provenance des participations seraient exonérés de l’impôt et aucune charge financière ne serait associée à ce financement, ni déduite non plus.

267    Ensuite, le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que, contrairement à ce qu’affirme la Commission au considérant 282 de la décision attaquée, en droit luxembourgeois, toute source de financement doit être allouée dans la mesure du possible à chaque actif de société. Or, les participations détenues par FFT seraient financées par des fonds propres, d’un montant de 165 244 000 euros, qui se trouveraient en dehors du champ d’application des prix de transfert et devraient être exclus des calculs tendant à la rémunération des risques supportés par FFT pour son activité de financement intragroupe.

268    En outre, le Grand‑Duché de Luxembourg fait valoir que l’application des règles du dispositif de Bâle II permet l’exclusion des participations dans d’autres établissements de crédit. Dans la mesure où la Commission a rejeté cet argument, au considérant 281 de la décision attaquée, au motif que FFT n’était pas un établissement de crédit, le Grand-Duché de Luxembourg considère que cette approche est incohérente avec le reste de la décision attaquée, dans laquelle la Commission a appliqué le dispositif de Bâle II.

269    De surcroît, le Grand-Duché de Luxembourg conteste l’appréciation de la Commission, formulée au considérant 286 de la décision attaquée, selon laquelle, en substance, les participations dans FFNA et FFC ne pourraient pas être déduites des capitaux propres comptables, parce que cela ferait tomber l’effet de levier de FFT, qui correspond au ratio d’endettement/fonds propres, qui est de [confidentiel] % en prenant en compte ces participations, [confidentiel] du ratio d’endettement de la moyenne des banques européennes – qui est de 2,9 % ou de 3,3 % selon l’échantillonnage. En effet, d’une part, le panel des banques retenu par la Commission et la moyenne en résultant ne seraient en rien un référentiel déterminant, d’autres banques ayant des ratios d’endettement plus élevés. D’autre part, il aurait fallu prendre en compte non pas les fonds propres comptables individuels, mais les fonds propres comptables consolidés. De plus, l’échantillon utilisé par la Commission ne serait pas non plus représentatif.

270    Enfin, le Grand-Duché de Luxembourg estime que la comparaison faite par la Commission, au considérant 288 de la décision attaquée, avec Fiat Finance SpA (ci‑après « FF »), société de trésorerie établie en Italie, ne serait ni pertinente ni conclusive. À cet égard, il conteste qu’il y ait lieu d’appliquer à FF la même méthodologie que celle appliquée à FFT, à savoir celle consistant à déduire les participations des fonds propres, parce que cela conduirait FF à des capitaux négatifs. D’une part, FF serait un sujet fiscal italien et non luxembourgeois. D’autre part, tout ce que la Commission aurait montré serait que, dans le cas de FF, les participations auraient été financées par la dette.

271    À titre liminaire, il y a lieu de constater que, aux considérants 277 à 290 de la décision attaquée, la Commission a estimé, en substance, que le Grand-Duché de Luxembourg avait commis une erreur d’appréciation en isolant les « investissements financiers dans FFNA et FFC », que FFT avait évalué à 165 244 000 euros (tableau 2 de la décision attaquée) et en leur accordant une rémunération nulle. Cela aura conduit, selon la Commission, à une réduction de l’impôt exigible de FFT.

272    Il importe également de relever qu’il est constant que la méthode entérinée par le Grand-Duché de Luxembourg dans la décision anticipative en cause vise, aux fins de l’établissement de l’impôt dû par FFT, à déterminer la rémunération que celle‑ci aurait obtenue pour ses activités de financement intragroupe et de trésorerie si elle avait opéré dans des conditions de marché. La méthode en question consiste à calculer le rendement du capital. Dans ce contexte, certes, le fait que FFT ne soit pas imposable, en tant que société holding, sur les dividendes qu’elle reçoit de FFNA et de FFC, dont il est constant qu’elles sont imposées sur les dividendes, pourrait donner à penser que les capitaux affectés à ces participations ne doivent pas être pris en considération pour déterminer l’impôt dont FFT devrait s’acquitter si elle opérait en pleine concurrence. Toutefois, une telle affirmation ne saurait prospérer pour les motifs suivants.

273    Premièrement, il y a lieu de constater que, comme le fait valoir à juste titre la Commission au considérant 282 de la décision attaquée, les capitaux propres sont fongibles. En cas d’insolvabilité de FFT, les créanciers seront remboursés sur la base de la totalité des capitaux propres. Dès lors, contrairement à ce que fait valoir le Grand-Duché de Luxembourg, ainsi que FFT dans ses observations lors de l’audience, quand bien même la détention des participations de FFNA et de FFC ne donnerait lieu à aucun dividende imposable, celles-ci ayant vu leurs dividendes déjà imposés avant d’être distribués à FFT en tant que holding, il n’en demeure pas moins que, en cas d’insolvabilité de FFT, les fonds propres liés à la détention de ces participations, à l’instar du reste de tous les autres fonds propres, seraient utilisés pour éponger les dettes de FFT. Dans ces conditions, les capitaux de FFT, qu’ils puissent ou non être rattachés aux participations qu’elle détient, sont, en toute hypothèse, exposés aux risques et doivent être pris en considération dans le cadre du calcul de la rémunération de FFT, et ce quand bien même les participations dans FFNA et FFC ne seraient à l’origine d’aucun revenu imposable.

274    Deuxièmement, il importe de souligner que, ainsi que la Commission le relève à juste titre, le Grand‑Duché de Luxembourg n’établit pas que les autres sociétés avec lesquelles elle a comparé FFT ont déduit de leurs capitaux leurs participations dans des filiales ou qu’il ne soit pas courant que des établissements financiers opérant sur le marché détiennent de telles participations. Dans ces conditions, c’est à bon droit que la Commission a considéré qu’exclure les participations de FFT dans ses deux filiales ne permettait pas de procéder à une comparaison appropriée de FFT avec d’autres entreprises opérant sur le marché.

275    Troisièmement, force est de constater que, à supposer même que les principes du dispositif de Bâle II se soient appliqués en l’espèce, FFT ne satisferait pas à la condition requise pour déduire une partie du montant de ses capitaux propres, à hauteur des participations dans FFNA et FFC, à savoir que FFT, FFNA et FFC ne fassent pas l’objet de comptes consolidés au Luxembourg. En effet, comme la Commission l’a relevé aux considérants 112 et 281 de la décision attaquée, et comme le Grand-Duché de Luxembourg l’a confirmé en réponse aux mesures d’organisation de la procédure, les comptes de FFT étaient consolidés au Luxembourg.

276    Quatrièmement, il y a lieu de relever que, si le Grand-Duché de Luxembourg conteste que le ratio de levier de FFT doive être comparé à l’échantillon de banques retenu par la Commission, il n’en demeure pas moins qu’il n’avance aucun argument ni aucune preuve permettant de comprendre pour quelles raisons – s’il doit être considéré que les fonds propres couvrant les investissements financiers dans FFNA et FFC ne doivent pas être pris en considération alors qu’ils constituent près de 60 % du total des capitaux propres de FFT (tableau 2 de la décision attaquée) – ce ratio ne serait pas nettement inférieur à celui identifié par la Commission et même à celui retenu par le Grand-Duché de Luxembourg lui‑même.

277    En effet, dans la mesure où le ratio de levier se calcule par rapport au montant des capitaux propres, il y a lieu de constater que, si le ratio de levier de [confidentiel] %, identifié par la Commission, [confidentiel] lorsque tous les capitaux propres de FFT étaient pris en compte, [confidentiel] si la fraction des capitaux propres, à hauteur des participations dans FFNA et FFC, n’était pas prise en compte. Un tel constat s’impose, peu importe que la norme de marché soit de 2,9 %, ou de 3,3 %, comme identifiée par la Commission, ou même de 4 à 4,5 %, comme cela ressort de l’échantillon des ratios retenus par le Grand-Duché de Luxembourg.

278    À la lumière des considérations exposées aux points 271 à 277 ci‑dessus, il y a lieu de constater que la Commission a correctement considéré que le Grand-Duché de Luxembourg avait exclu à tort une partie des capitaux propres de FFT, à hauteur de ses participations dans ses filiales, du capital devant être pris en considération pour déterminer la rémunération de FFT pour ses activités de financement intragroupe et de trésorerie.

279    Il découle de l’ensemble de constatations exposées aux points 209 à 278 ci‑dessus que c’est à bon droit que la Commission a considéré que l’intégralité des capitaux propres de FFT aurait dû être prise en compte aux fins du calcul de la rémunération de FFT et qu’un taux unique aurait dû être appliqué. En tout état de cause, elle a également correctement considéré que la méthode consistant, d’une part, à retenir les capitaux réglementaires hypothétiques de FFT et, d’autre part, à exclure les participations de FFT dans FFNA et FFC du montant des capitaux à rémunérer ne permettait pas d’aboutir à un résultat de pleine concurrence.

280    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la méthode entérinée par le Grand-Duché de Luxembourg a minimisé la rémunération de FFT, sur la base de laquelle est déterminé l’impôt dû par celle‑ci, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les griefs du Grand‑Duché de Luxembourg relatifs à la cinquième erreur identifiée par la Commission, portant sur le taux de rendement. En effet, le seul constat que le montant des capitaux à rémunérer ait été sous-estimé suffit, en l’espèce, à établir l’existence d’un avantage.

281    Premièrement, le ratio entre les capitaux effectivement pris en compte dans la méthode retenue par la décision anticipative en cause et la totalité des capitaux propres est d’une importance telle que l’erreur dans la détermination des capitaux à rémunérer conduit nécessairement à une diminution de la charge fiscale de FFT, indépendamment du niveau du taux de rendement unique à appliquer. En effet, le montant des capitaux réglementaires hypothétiques, qui s’élève à 28 millions d’euros, ne représente qu’environ 10 % du montant total des capitaux propres, qui s’élève quant à lui à 287 millions d’euros.

282    Deuxièmement, ainsi que cela a été constaté au point 211 ci‑dessus, la méthode de détermination de la rémunération des activités de financement intragroupe et de trésorerie de FFT, telle qu’entérinée dans la décision anticipative en cause, se compose de deux étapes, à savoir, premièrement, la détermination du montant du capital à rémunérer et, deuxièmement, la détermination du taux de rendement à appliquer. Or, dans le cadre de la première étape, la méthode avalisée par la décision anticipative en cause distingue entre trois montants distincts auxquels sont appliqués trois taux distincts, déterminés selon des méthodes différentes. En conséquence, dès lors que la première étape du calcul est erronée, il n’est pas nécessaire d’examiner la deuxième étape de ce calcul. En effet, le constat d’une erreur dans la première étape de la méthode entérinée dans la décision anticipative en cause rend nécessairement sans objet l’examen d’éventuelles erreurs dans le calcul du taux de rendement qui constitue la deuxième étape de cette méthode. Le calcul du rendement devrait être intégralement repris par le Grand-Duché de Luxembourg à l’aune du montant des capitaux qui auraient dû être pris en considération. Il ressort, d’ailleurs, du considérant 311 de la décision attaquée qu’une estimation correcte de l’assiette fiscale de FFT devrait être calculée sur la base de l’application d’un taux unique au montant intégral de ses capitaux propres comptables.

283    Or, il importe de relever que, s’agissant du montant du taux de rendement, les parties s’opposent sur la question de savoir si celui-ci devrait s’élever à 10 %, ainsi que le fait valoir la Commission, ou à 6,05 %, ainsi que le soutient le Grand‑Duché de Luxembourg (considérant 304 de la décision attaquée). En conséquence, à supposer même que ce soit le taux le plus bas qui trouve à s’appliquer, le montant de la rémunération de FFT qui en résulterait resterait bien supérieur à celui entériné par la décision anticipative en cause. En effet, ce taux, qui correspond à celui appliqué au premier segment, serait appliqué à l’intégralité du montant des capitaux propres, qui représente un montant dix fois plus important que celui auquel ce taux a été appliqué en vertu de la décision anticipative en cause. Dans ce contexte, il y a lieu de relever que, en tout état de cause, aucun des arguments du Grand‑Duché de Luxembourg relatifs au taux de rendement ne sauraient invalider le constat de la Commission quant à l’existence d’un avantage.

284    En conséquence, le Tribunal estime que, bien que le Grand‑Duché de Luxembourg ait contesté la cinquième erreur identifiée par la Commission, portant sur le taux de rendement (voir point 194 ci‑dessus), il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé de ces arguments.

285    Dans ces conditions, l’ensemble des griefs soulevés par le Grand‑Duché de Luxembourg portant sur l’examen par la Commission de la méthode de détermination de la rémunération de FFT doivent être rejetés.

286    Il découle de l’ensemble des constatations opérées aux points 211 à 285 ci‑dessus que la Commission a correctement considéré que la décision anticipative en cause avait avalisé une méthode de détermination de la rémunération de FFT qui ne permettait pas d’aboutir à un résultat de pleine concurrence et qui aboutissait à une diminution de la charge fiscale de FFT. Partant, c’est à bon droit qu’elle a considéré, dans le cadre de son raisonnement à titre principal, que la décision anticipative en cause conférait un avantage à FFT.

3.      Sur le raisonnement formulé à titre subsidiaire par la Commission selon lequel la décision anticipative en cause dérogeait à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et à la circulaire

287    Le seul constat, opéré au point 286 ci-dessus, que la Commission n’a pas commis d’erreur dans le cadre de son raisonnement formulé à titre principal suffit pour considérer que la Commission a établi que la décision anticipative en cause a conféré un avantage à FFT. Néanmoins, le Tribunal estime opportun d’examiner, à titre surabondant, le raisonnement formulé à titre subsidiaire par la Commission, selon lequel ladite décision anticipative dérogeait à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et à la circulaire.

288    À cet égard, le Tribunal relève que, dans le cadre de la deuxième branche de son premier moyen, le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que la décision anticipative en cause est conforme au principe de pleine concurrence tel qu’il est prévu en droit national luxembourgeois.

289    La Commission conteste ces arguments.

290    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, à titre subsidiaire, dans la section 7.2.4 de la décision attaquée, intitulée « Raisonnement à titre subsidiaire : avantage sélectif en raison d’une dérogation à l’article 164 [du code des impôts] et/ou à la circulaire » (considérants 315 à 317 de la décision attaquée), la Commission a considéré que la décision anticipative en cause conférait un avantage à FFT au motif qu’elle dérogeait au principe de pleine concurrence en droit luxembourgeois, prévu à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et dans la circulaire (voir considérants 316 et 317 de la décision attaquée).

291    En effet, au considérant 316 de la décision attaquée, la Commission a exposé ce qui suit : 

« [E]n tant que raisonnement subsidiaire, […] [la décision anticipative en cause] confère également à FFT un avantage sélectif dans le cadre du système de référence plus limité composé des sociétés de groupe qui appliquent des prix de transfert et qui relèvent de l’article 164, [paragraphe] 3, [du code des impôts] et de la circulaire. Cette disposition établit le principe de pleine concurrence en droit fiscal luxembourgeois selon lequel les transactions entre sociétés d’un même groupe doivent être rémunérées à un même niveau de prix, qui aurait été accepté par des sociétés indépendantes négociant dans des circonstances comparables dans des conditions de pleine concurrence. La section 2 de la circulaire contient notamment une description du principe de pleine concurrence tel qu’il est défini dans les principes de l’OCDE applicables en matière de prix de transfert et transposés en droit national. »

292    Ensuite, au considérant 317 de la décision attaquée, la Commission a rappelé qu’elle avait déjà démontré, dans le cadre de la section 7.2.2 de ladite décision, que la décision anticipative en cause ne permettait pas d’aboutir à une approximation fiable d’un résultat de pleine concurrence. Sur la base de ce constat, elle a conclu que la décision anticipative en cause « confér[ait] aussi un avantage sélectif au titre du système de référence plus limité de l’article 164, paragraphe 3, [du code des impôts] ou de la circulaire, étant donné qu’[elle] entraîn[ait] une diminution de l’impôt exigible de FFT par rapport à la situation dans laquelle le principe de pleine concurrence énoncé dans cette disposition aurait été correctement appliqué ».

293    Il ressort clairement des considérants 316 et 317 de la décision attaquée que la Commission a conclu que la décision anticipative en cause conférait un avantage sélectif à FFT, étant donné qu’elle entraînait une diminution de l’impôt exigible par rapport à la situation dans laquelle le principe de pleine concurrence énoncé à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et dans la circulaire aurait été correctement appliqué.

294    Or, force est de constater que la Commission a fondé cette conclusion sur son examen de la décision anticipative en cause effectuée dans le cadre de son analyse à titre principal. Elle a ainsi affirmé qu’elle avait déjà démontré, dans le cadre de la section 7.2.2 de la décision attaquée, que la décision anticipative en cause ne permettait pas d’aboutir à une approximation fiable d’un résultat de pleine concurrence.

295    À cet égard, premièrement, il y a lieu de constater que l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts dispose que « les distributions cachées de bénéfices sont à comprendre dans le revenu imposable » et qu’« [i]l y a distribution cachée de bénéfices notamment si un associé, sociétaire ou intéressé reçoit directement ou indirectement des avantages d’une société ou d’une association dont normalement il n’aurait pas bénéficié s’il n’avait pas eu cette qualité ». En outre, la circulaire prévoit, en son point 2, que, « si un service intragroupe a été rendu, il échet de déterminer, comme pour les autres types de transferts intragroupe, si la rémunération convenue est conforme au principe de pleine concurrence, c’est-à-dire correspond au prix qui aurait été pratiqué et accepté par des entreprises indépendantes dans des circonstances comparables ». Il en découle que l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et la circulaire prévoient que la rémunération des transactions intragroupe doit être déterminée comme si le prix de ces transactions avait été conclu entre des entreprises autonomes. Le Grand-Duché de Luxembourg et FFT ne contestent d’ailleurs pas l’appréciation de la Commission, formulée au considérant 75 de la décision attaquée, selon laquelle ces dispositions établissent le principe de pleine concurrence en droit luxembourgeois.

296    Deuxièmement, force est de constater que la circulaire renvoie à l’article 9 du modèle de convention de l’OCDE et aux lignes directrices de l’OCDE en tant que norme internationale de référence pour l’établissement de prix de transfert. Or, dans le cadre de son analyse à titre principal de l’avantage sélectif, la Commission s’est largement référée aux lignes directrices de l’OCDE, notamment pour identifier les cinq erreurs dans la méthode de détermination de la rémunération de FFT. Il s’ensuit que la même grille d’analyse pouvait être utilisée par la Commission dans le cadre de son analyse à titre principal comme dans le cadre de son analyse à titre subsidiaire.

297    Partant, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant qu’elle pouvait transposer son analyse effectuée au regard du principe de pleine concurrence tel que décrit dans la décision attaquée, consistant à déterminer la rémunération de FFT, afin de conclure que la décision anticipative en cause conférait un avantage à FFT du fait que cette dernière s’était acquittée d’un impôt moindre par rapport à celui dont elle aurait dû s’acquitter en application de l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et de la circulaire.

298    Les arguments du Grand-Duché de Luxembourg selon lesquels la décision anticipative en cause serait conforme au droit luxembourgeois ne saurait remettre en cause le constat opéré au point 297 ci‑dessus. En effet, de tels arguments ont déjà été écartés aux points 226 et 227 ci‑dessus.

299    Il découle de l’ensemble de ces constatations que c’est à bon droit que la Commission a considéré que, en tout état de cause, la décision anticipative en cause conférait un avantage sélectif à FFT au motif qu’elle entraînait une diminution de la charge fiscale de FFT par rapport à celle dont elle aurait dû s’acquitter en application de l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et de la circulaire.

4.      Sur le moyen tiré de l’absence d’un avantage au niveau du groupe 

300    Le Grand-Duché de Luxembourg et FFT font valoir, en substance, que la Commission n’a pas démontré l’existence d’un avantage au niveau du groupe Fiat/Chrysler et a ainsi violé son obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE ainsi que l’article 107 TFUE.

301    Plus précisément, le Grand-Duché de Luxembourg estime que la motivation de la décision attaquée est manifestement défaillante et contradictoire en ce que la Commission a refusé, au considérant 314 de cette décision, de prendre en considération ses effets au niveau du groupe Fiat/Chrysler, tout en invoquant en même temps les effets de cet avantage pour désigner, aux considérants 342 et 344 de ladite décision, ledit groupe comme étant le bénéficiaire de la prétendue aide en cause.

302    D’une part, le Grand-Duché de Luxembourg soutient que, à la différence des faits dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 31 août 2010, France Télécom/Commission (C‑81/10 P, non publiée, EU:C:2010:475, point 43), les éventuelles charges subies par les autres filiales, telles qu’une imposition plus élevée, ne sont pas « sans rapport » avec l’avantage que FFT aurait obtenu. D’autre part, il s’appuie sur l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004, points 115 et 116), pour reprocher à la Commission de ne pas avoir recherché ni motivé en quoi le groupe Fiat/Chrysler avait réellement bénéficié d’un avantage.

303    FFT soutient, quant à elle, que la Commission a méconnu l’article 107 TFUE en ignorant l’effet de la décision anticipative en cause sur le groupe Fiat/Chrysler dans son ensemble afin de déterminer si FFT et le groupe Fiat/Chrysler avaient bénéficié d’un avantage.

304    D’une part, FFT fait observer que, au considérant 155 de la décision 2011/276/UE de la Commission, du 26 mai 2010, concernant l’aide d’État sous la forme d’un accord fiscal transactionnel mise à exécution par la Belgique en faveur de la société Umicore SA (ex- « Union Minière SA ») [aide d’État C 76/03 (ex NN 69/03)] (JO 2011, L 122, p. 76, ci‑après la « décision Umicore »), la Commission a reconnu que les administrations nationales fiscales devaient bénéficier d’une marge d’appréciation dans l’évaluation des prix de transfert. Or, l’avantage allégué en faveur de FFT ne serait pas disproportionné et résulterait seulement de cette marge d’appréciation.

305    D’autre part, FFT fait observer que, au considérant 314 de la décision attaquée, la Commission a estimé à tort qu’il n’y avait pas lieu d’examiner si l’impact de la décision anticipative en cause n’était pas neutre au niveau du groupe. FFT fait ainsi valoir que, même si les opérations entre elle-même et une autre société du groupe lui avaient donné une marge bénéficiaire supérieure au Luxembourg, cela aurait signifié que l’autre société du groupe Fiat/Chrysler aurait eu le droit de déduire d’autant plus d’intérêts en frais.

306    Par ailleurs, FFT soutient que la décision attaquée est contradictoire, dès lors que la Commission, d’une part, conclut que l’avantage fiscal bénéficie à l’ensemble du groupe et, d’autre part, refuse de prendre en considération l’effet de la mesure sur l’ensemble du groupe. Or, FFT fait valoir que, en l’espèce, à la différence des faits dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 novembre 2009, France et France Télécom/Commission (T‑427/04 et T‑17/05, EU:T:2009:474), les effets de la mesure sont neutralisés au niveau du groupe, de sorte qu’il n’existe pas d’avantage.

307    En outre, FFT fait valoir que les sept arrêts auxquels la Commission renvoie n’étayent pas la position selon laquelle il ne lui reviendrait pas de contrôler l’existence d’un avantage au niveau du groupe Fiat/Chrysler.

308    À cet égard, FFT fait observer que l’importance de l’effet sur le groupe Fiat/Chrysler, afin d’établir si la décision anticipative en cause a conféré un avantage, est illustrée par les difficultés rencontrées par ledit groupe, dans la mesure où l’administration fiscale italienne a considéré que le bénéfice imposable de FFT était trop élevé pour être considéré comme ayant été réalisé dans des conditions de pleine concurrence. Par conséquent, FFT aurait surestimé son bénéfice imposable et versé trop d’impôts sur les sociétés au Luxembourg.

309    Enfin, s’agissant de différents points méthodologiques, FFT estime que la Commission aurait dû appliquer un critère de proportionnalité pour déterminer si la décision anticipative en cause lui conférait un avantage. Par ailleurs, FFT fait valoir qu’elle soutient sans réserve les arguments du Grand-Duché de Luxembourg, dans le cadre de l’affaire T‑755/15, portant sur la méthode de détermination de sa rémunération et tendant à contester les erreurs identifiées par la Commission.

310    La Commission s’oppose à ces arguments.

311    À titre liminaire, il y a lieu de relever que le Grand-Duché de Luxembourg n’opère aucune distinction entre les arguments qu’il avance, que ce soit pour établir l’existence d’une violation de l’article 107 TFUE ou celle d’un défaut de motivation à cet égard. Toutefois, force est de constater que, en substance, son argumentation vise à établir, d’une part, un défaut de motivation, dans la mesure où il existerait une incohérence dans la décision attaquée, et, d’autre part, une violation de l’article 107 TFUE, dans la mesure où, selon lui, ainsi que selon FFT, la Commission ne pouvait pas conclure que FFT et le groupe Fiat/Chrysler avaient bénéficié d’un avantage.

312    S’agissant, en premier lieu, de la prétendue incohérence de la décision attaquée, d’une part, il convient de relever que, au considérant 314 de la décision attaquée, la Commission a conclu, en substance, que FFT avait bénéficié d’un avantage sélectif dans la mesure où sa charge fiscale au Luxembourg avait été diminuée. À cet égard, la Commission a également relevé, audit considérant, que, selon la jurisprudence, le fait que cette diminution de l’impôt au Luxembourg ait conduit à une charge fiscale plus importante dans un autre État membre serait sans influence sur la qualification de cette mesure d’aide.

313    D’autre part, aux considérants 341 à 345 de la décision attaquée, la Commission a estimé que, si la décision anticipative en cause procurait un avantage sélectif à FFT au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, le traitement fiscal avantageux accordé à FFT bénéficierait audit groupe dans son ensemble, dans la mesure où FFT et le groupe Fiat/Chrysler formaient une unité économique. La Commission a précisé, à cet égard, que, le montant de l’impôt payé par FFT ayant une influence sur les conditions de prix des prêts intragroupe qu’elle octroyait aux sociétés dudit groupe, les réductions d’impôt dues par FFT avaient pour effet d’abaisser les conditions de prix de ses prêts intragroupe.

314    Il y a donc lieu de constater, s’agissant de la condition de l’existence d’un avantage, qui constitue la troisième condition nécessaire au constat de l’existence d’une aide d’État selon la jurisprudence citée au point 118 ci‑dessus, qu’il n’existe aucune incohérence dans les appréciations de la Commission dans la décision attaquée quant à la détermination du bénéficiaire de l’aide, celui-ci étant identifié, en substance, comme étant FFT, directement, et le groupe Fiat/Chrysler, indirectement, pour autant que FFT forme une unité économique, et, partant, une entreprise, au sens du droit des aides d’État, avec le groupe Fiat/Chrysler.

315    Ce premier grief du Grand-Duché de Luxembourg, tiré d’un défaut de motivation, doit donc être rejeté comme étant non fondé.

316    S’agissant du grief selon lequel la Commission aurait violé l’article 107 TFUE en considérant que FFT et le groupe Fiat/Chrysler auraient bénéficié d’un avantage, il y a lieu de constater, d’emblée, que, ainsi que la Commission l’indique, le Grand‑Duché de Luxembourg n’avance aucun argument établissant que le groupe Fiat/Chrysler et FFT ne constitueraient pas une unité économique au sens du droit des aides d’État. En tout état de cause, ainsi que l’a relevé la Commission au considérant 342 de la décision attaquée, FFT est intégralement contrôlée par Fiat SpA, qui contrôle à son tour le groupe Fiat/Chrysler. Dès lors, tout avantage qui bénéficierait à FFT bénéficierait audit groupe dans son ensemble, en particulier si cela entraîne, comme la Commission le fait observer sans être contredite sur ce point par le Grand-Duché de Luxembourg, des conditions de prêts, consentis par FFT aux autres sociétés du groupe, plus avantageuses en raison de la diminution de la charge fiscale dont cette dernière bénéficie.

317    En outre, et en toute hypothèse, à supposer même que ce facteur puisse être pertinent, il y a lieu de constater que ni le Grand‑Duché de Luxembourg ni FFT n’établissent que les réductions d’impôt dont cette dernière bénéficierait au Luxembourg seraient « neutralisées » par des hausses d’impôt dans d’autres États membres.

318    Par ailleurs, même si tel était le cas, une telle « neutralisation » ne permettrait pas de considérer que FFT ou le groupe Fiat/Chrysler n’ont pas bénéficié au Luxembourg d’un avantage. En effet, il y a lieu de constater que, dans le cadre d’une mesure fiscale, l’existence d’un avantage se détermine par rapport aux règles d’imposition normales, de sorte que les règles fiscales d’un autre État membre ne sont pas pertinentes (voir, par analogie, arrêt du 11 novembre 2004, Espagne/Commission, C‑73/03, non publié, EU:C:2004:711, point 28). En conséquence, dès lors qu’il a été établi qu’une entreprise intégrée bénéficie en vertu d’une mesure fiscale accordée par un État membre d’une réduction de la charge fiscale qu’il aurait normalement dû supporter en application des règles d’imposition normale, la situation fiscale d’une autre entreprise du groupe dans un autre État membre n’a pas d’incidence sur l’existence d’un avantage. Pour ce même motif, et sans même qu’il soit nécessaire de statuer sur la recevabilité des documents déposés par FFT à la suite de la réplique et visant à établir qu’une procédure d’arbitrage a été ouverte pour éviter une double imposition de FFT au Luxembourg et en Italie, il y a lieu de rejeter comme étant non fondé l’argument de FFT selon lequel, en substance, en toute hypothèse, ses revenus seraient imposés soit en Italie soit au Luxembourg, de sorte qu’elle ne bénéficierait pas d’un avantage.

319    Aucun des arguments que le Grand-Duché de Luxembourg et FFT avancent à cet égard ne sauraient remettre en cause ce constat.

320    Premièrement, pour autant que le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que la Commission ne pouvait se référer à l’ordonnance du 31 août 2010, France Télécom/Commission (C‑81/10 P, non publiée, EU:C:2010:475, point 43), dans la mesure où elle n’a pas recherché si le groupe Fiat/Chrysler avait réellement bénéficié d’un avantage, il y a lieu de rejeter cet argument comme étant non fondé. En effet, à cet égard, il suffit de constater que, au considérant 343 de la décision attaquée, la Commission a estimé que tout traitement fiscal favorable à FFT bénéficiait nécessairement aux autres sociétés du groupe pour lesquelles elle facturait des prix de transfert.

321    Deuxièmement, pour autant que le Grand-Duché de Luxembourg invoque l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004, points 115 et 116), afin d’établir que la Commission aurait dû rechercher si le groupe Fiat/Chrysler avait réellement bénéficié d’un avantage, il y a lieu de constater, hormis le fait que ledit arrêt a été annulé par la Cour (arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a., C‑128/16 P, EU:C:2018:591), que les faits dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt sont, en toute hypothèse, sans rapport avec les faits de l’espèce.

322    En effet, dans l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), le Tribunal a jugé que la Commission avait commis une erreur en considérant que les bénéficiaires d’une aide étaient les groupements d’intérêt économique (GIE) et leurs membres, alors qu’il ne pouvait être établi que leurs membres, qui étaient les seuls visés par l’ordre de récupération, bénéficiaient d’avantages sélectifs.

323    En l’espèce, la Commission a établi à suffisance de droit que non seulement FFT mais également toutes les sociétés faisant partie du groupe et traitant avec FFT bénéficieraient de l’avantage fiscal octroyé par FFT, compte tenu de son incidence sur les conditions de prix de ses prêts intragroupe. Cet argument du Grand-Duché de Luxembourg doit donc être rejeté comme étant non fondé.

324    Troisièmement, pour autant que FFT estime que la Commission aurait dû appliquer un critère de proportionnalité pour déterminer si la décision anticipative en cause conférait un avantage, notamment compte tenu de la décision Umicore, il y a lieu de rejeter cet argument comme étant non fondé. En effet, d’une part, il y a lieu de rappeler que la Commission n’est pas liée par sa pratique décisionnelle. D’autre part, ainsi qu’elle le souligne dans la décision Umicore, la Commission a reconnu une marge d’appréciation aux autorités fiscales dans le cadre d’une transaction mettant fin à un litige permettant ainsi d’éviter un procès possiblement long ou incertain, et non dans le cadre d’une décision anticipative visant à déterminer l’impôt dont une société devrait s’acquitter dans le futur.

325    Il ressort de ce qui précède que le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

326    Partant, à la lumière des considérations exposées aux points 118 à 325 ci‑dessus, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas violé l’article 107 TFUE en constatant que FFT et le groupe Fiat/Chrysler avaient bénéficié d’un avantage résultant du fait que FFT s’était acquittée d’un impôt moindre par rapport à celui dont une entreprise opérant des transactions sur le marché aurait dû s’acquitter.

327    Dans ces conditions, la deuxième série de moyens soulevés par le Grand-Duché de Luxembourg et FFT, tirés de l’existence d’un avantage, doit être rejetée dans son ensemble.

E.      Sur la troisième série de moyens, tirés de l’absence de sélectivité de l’avantage octroyé à FFT

328    Par le premier moyen dans l’affaire T‑755/15 et par le premier grief de la première branche du premier moyen dans l’affaire T‑759/15, le Grand‑Duché de Luxembourg et FFT font valoir que la Commission a erronément considéré que la décision anticipative en cause était une mesure sélective. Ils soutiennent principalement que, dans le cadre de son analyse de la sélectivité en trois étapes, la Commission a pris en considération un cadre de référence erroné. Selon eux, la décision anticipative en cause ne déroge pas au régime d’imposition des sociétés intégrées, qui serait le cadre de référence pertinent. Ils soutiennent ainsi que la Commission a manqué de démontrer que la décision anticipative en cause avait été octroyée à FFT à des conditions plus avantageuses que celles accordées à d’autres sociétés intégrées.

329    En outre, le Grand-Duché de Luxembourg et FFT contestent l’argument de la Commission selon lequel elle pouvait, en toute hypothèse, présumer la sélectivité de la décision anticipative en cause, dès lors qu’il s’agissait d’une mesure individuelle et qu’elle avait établi qu’elle conférait un avantage à FFT. Ils font valoir que la jurisprudence distingue entre les mesures individuelles ad hoc et les mesures fiscales individuelles d’application d’un dispositif fiscal général. Dans ce dernier cas, la sélectivité ne pourrait être présumée, mais devrait être examinée par rapport au droit et à la pratique luxembourgeoise pour établir si ses conditions d’application sont discriminatoires ou si la marge de discrétion laissée aux autorités nationales est excessive. Le Grand-Duché de Luxembourg et FFT font alors valoir que la décision anticipative en cause n’est pas une mesure individuelle ad hoc, mais une mesure individuelle qui s’inscrit dans le cadre d’un régime général qui prescrit l’imposition de charges supplémentaires, à savoir la législation sur les prix de transfert, ainsi que cela était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 juin 2015, Commission/MOL (C‑15/14 P, EU:C:2015:362).

330    L’Irlande fait valoir que, selon la jurisprudence et la doctrine, le seul système de référence pertinent pour examiner la sélectivité d’une mesure fiscale est le système fiscal de l’État membre dans lequel ladite mesure s’inscrit, et non un système fiscal abstrait ou hypothétique, comme la Commission l’aurait appliqué à tort dans la décision attaquée. Elle estime que le système de référence devant être pris en considération est celui du régime spécifique d’imposition des sociétés intégrées.

331    La Commission conteste l’ensemble de ces arguments.

332    À titre liminaire, il convient de rappeler que l’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être clairement distinguée de la détection concomitante d’un avantage économique, en ce que, lorsque la Commission a décelé la présence d’un avantage, pris au sens large, découlant directement ou indirectement d’une mesure donnée, elle est tenue d’établir, en outre, que cet avantage profite spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises. Il lui incombe, pour ce faire, de démontrer, en particulier, que la mesure en cause introduit des différenciations entre les entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation comparable. Il faut donc que l’avantage soit octroyé de façon sélective et qu’il soit susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d’autres (arrêt du 4 juin 2015, Commission/MOL, C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 59).

333    Il convient cependant d’observer que l’exigence de sélectivité diverge selon que la mesure en cause est envisagée comme un régime général d’aides ou comme une aide individuelle. Dans ce dernier cas, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa sélectivité (ci-après la « présomption de sélectivité »). En revanche, lors de l’examen d’un régime général d’aide, il est nécessaire d’identifier si la mesure en cause, nonobstant le constat qu’elle procure un avantage de portée générale, le fait au bénéfice exclusif de certaines entreprises ou de certains secteurs d’activités (arrêts du 4 juin 2015, Commission/MOL, C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 60, et du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 49 ; voir également, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2016, Orange/Commission, C‑211/15 P, EU:C:2016:798, points 53 et 54). Il convient de préciser que, dans le cas où est en cause une aide individuelle, la présomption de sélectivité s’opère indépendamment de la question de savoir s’il existe sur le ou les marchés concernés des opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêt du 13 décembre 2017, Grèce/Commission, T‑314/15, non publié, EU:T:2017:903, point 79).

334    Il résulte également d’une jurisprudence constante que, aux fins de qualifier une mesure fiscale nationale qui ne constitue pas une mesure individuelle de « sélective », la Commission doit, dans un premier temps, identifier le régime fiscal commun ou « normal » applicable dans l’État membre concerné et, dans un second temps, démontrer que la mesure fiscale en cause déroge audit régime commun, dans la mesure où elle introduit des différenciations entre des opérateurs se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime commun, dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêts du du 8 septembre 2011, Paint Graphos e.a., C‑78/08 à C‑80/08, EU:C:2011:550, point 49 ; du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 57, et du 13 décembre 2017, Grèce/Commission, T‑314/15, non publié, EU:T:2017:903, point 85).

335    La notion d’« aide d’État » ne vise toutefois pas les mesures introduisant une différenciation entre des entreprises qui se trouvent au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans une situation factuelle et juridique comparable et, partant, a priori sélectives, lorsque l’État membre concerné parvient à démontrer que cette différenciation est justifiée dès lors qu’elle résulte de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent (voir arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P , EU:C:2016:981, point 58 et jurisprudence citée).

336    C’est donc au terme d’une méthode en trois étapes, telle que présentée aux points 334 et 335 ci-dessus, qu’il est possible de conclure qu’une mesure fiscale nationale qui ne constitue pas une mesure individuelle présente un caractère sélectif.

337    En l’espèce, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a procédé, à titre principal, à l’examen de la sélectivité de la mesure en cause en suivant les trois étapes mentionnées aux points 334 à 336 ci-dessus. Toutefois, elle a également appliqué la présomption de sélectivité selon laquelle une mesure est présumée sélective lorsqu’elle confère un avantage et qu’il s’agit d’une aide individuelle. En effet, au considérant 218 de la décision attaquée, et dans ses écritures, la Commission a rappelé que, « selon la Cour, dans le cas d’une mesure d’aide individuelle, par opposition à un régime, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa sélectivité » et que FFT bénéficie en l’espèce d’une « mesure d’aide individuelle ». La Commission a par ailleurs souligné, lors de l’audience en réponse aux questions du Tribunal, qu’elle a démontré la sélectivité de l’avantage en cause de plusieurs façons dans la décision attaquée, y compris au moyen de la présomption de sélectivité, dont la légalité n’a toutefois été confirmée par la jurisprudence qu’après l’adoption de la décision attaquée.

338    Le Tribunal estime opportun de commencer par examiner l’argumentation du Grand-Duché de Luxembourg et de FFT selon laquelle la Commission ne pouvait pas présumer la sélectivité de l’aide, ni constater qu’ils n’auraient pas renversé la présomption de sélectivité.

339    En premier lieu, s’agissant de la présomption de sélectivité, il y a lieu de rappeler que, ainsi que cela ressort, en substance, de la jurisprudence citée au point 333 ci-dessus, celle-ci s’applique à la double condition que la mesure en cause, d’une part, constitue une aide individuelle (et non un régime d’aide) et, d’autre part, octroie un avantage à l’entreprise qui en est la bénéficiaire. S’agissant d’une présomption simple, il appartient donc en conséquence à la partie requérante, afin de la renverser, d’établir que l’une ou l’autre de ces deux conditions n’est pas remplie.

340    Premièrement, s’agissant de la condition liée à l’existence d’un avantage, il importe de constater que celle-ci est remplie. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 286 ci-dessus, le Grand-Duché de Luxembourg et FFT n’étaient pas parvenus à démontrer que la Commission avait conclu à tort que le montant d’imposition dont FFT devait s’acquitter était inférieur à celui dont elle aurait dû s’acquitter dans des conditions normales de marché.

341    Deuxièmement, s’agissant de la condition liée à ce que la mesure en cause soit une aide individuelle, le Grand-Duché de Luxembourg et FFT contestent, en substance, tant dans leurs écritures que lors de l’audience en réponse aux questions du Tribunal, que la décision anticipative en cause puisse constituer une aide individuelle ad hoc. Il s’agirait, selon eux, d’une mesure individuelle d’application qui s’inscrit dans le cadre d’un régime général, telle que cela était le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 juin 2015, Commission/MOL, (C‑15/14 P, EU:C:2015:362).

342    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 1er, sous e), du règlement 2015/1589, une aide individuelle est une aide qui n’est pas accordée sur la base d’un régime d’aide, ou qui est accordée sur la base d’un régime d’aide mais qui devrait être notifiée en vertu de l’article 2 dudit règlement.

343    Aux termes de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, constitue un régime d’aide « toute disposition sur la base de laquelle, sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises, définies d’une manière générale et abstraite dans ladite disposition et toute disposition sur la base de laquelle une aide non liée à un projet spécifique peut être octroyée à une ou à plusieurs entreprises pour une période indéterminée et/ou pour un montant indéterminé ».

344    Les considérations suivantes peuvent être dégagées de la définition du régime d’aide prévue par l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, énoncée au point 343 ci-dessus, tel qu’interprétée par la jurisprudence.

345    Premièrement, l’existence d’un régime d’aide implique, en principe, l’identification de dispositions sur le fondement desquelles les aides sont octroyées. Il a néanmoins déjà été jugé que, dans le cadre de l’examen d’un régime d’aide et en l’absence d’identification d’un acte juridique instituant un tel régime d’aide, la Commission peut se fonder sur un ensemble de circonstances de nature à déceler l’existence en fait d’un régime d’aide (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 1994, Allemagne et Pleuger Worthington/Commission, C‑324/90 et C‑342/90, EU:C:1994:129, points 14 et 15).

346    Deuxièmement, dans la mesure où les aides individuelles sont accordées sans l’intervention de mesures d’application supplémentaires, les éléments essentiels d’un régime d’aide doivent nécessairement ressortir des dispositions identifiées comme étant le fondement dudit régime.

347    Troisièmement, lorsque les autorités nationales appliquent un régime d’aide, ces autorités ne sauraient disposer d’une marge d’appréciation quant à la détermination des éléments essentiels de l’aide en question et quant à l’opportunité de son octroi. En effet, pour que l’existence de telles mesures d’application soit exclue, le pouvoir des autorités nationales devrait se limiter à une application technique des dispositions censées constituer le régime en cause, le cas échéant après avoir vérifié que les demandeurs réunissent les conditions préalables pour bénéficier de celui‑ci.

348    Quatrièmement, il découle de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 que les actes fondant le régime d’aide doivent définir les bénéficiaires de manière générale et abstraite, même si l’aide qui leur est accordée reste indéterminée.

349    En l’espèce, il y a lieu de constater que, ainsi que l’a souligné la Commission en réponse aux questions lors de l’audience, la décision anticipative en cause ne saurait être considérée comme une mesure accordée sur la base d’un régime d’aide.

350    Tout d’abord, il importe de relever que ni le système général d’imposition des sociétés, ni le régime spécifique d’imposition des sociétés intégrées, ni aucune autre disposition identifiée par les parties ne constituent un régime au sens de l’article 1er, sous d), première et seconde parties de phrase, du règlement 2015/1589, sur la base duquel la mesure en cause a été octroyée à FFT. Les parties n’invoquent pas non plus un ensemble de circonstances de nature à déceler l’existence en fait d’un régime d’aide.

351    Ensuite, il importe de relever que la mesure en cause ne porte pas, de manière générale, sur l’adoption, par les autorités fiscales, de décisions anticipatives, mais sur une décision anticipative qui concerne spécifiquement et précisément FFT (voir arrêt du 13 décembre 2017, Grèce/Commission, T‑314/15, non publié, EU:T:2017:903, points 80 et 81). Or, il est constant que la décision anticipative en cause a pour objet de déterminer le montant d’imposition dont seule FFT doit s’acquitter en vertu des dispositions fiscales luxembourgeoises applicables, de sorte que la décision anticipative en cause porte exclusivement sur la situation individuelle de FFT. Il y a donc lieu de constater que les éléments essentiels de la mesure d’aide et notamment les éléments constitutifs de l’avantage, à savoir l’entérinement d’une méthode de détermination de la rémunération de FFT sur la base d’une segmentation des capitaux propres et de l’application de taux de rendement différents en fonction de cette segmentation s’écartant ainsi d’un résultat de pleine concurrence, ressortent uniquement de la décision anticipative en cause et non pas de dispositions du droit fiscal luxembourgeois, sur la base duquel la décision anticipative en cause aurait été adoptée.

352    Enfin, il importe de constater, en toute hypothèse, que, ainsi que l’a indiqué le Grand‑Duché de Luxembourg en réponse aux questions orales du Tribunal, il ressort de la législation luxembourgeoise même que l’administration fiscale dispose d’une marge d’appréciation afin d’évaluer, au regard des circonstances de chaque espèce, la meilleure méthode pour calculer le montant imposable de chaque société soumettant une demande de décision anticipative. En effet, l’octroi de décisions anticipatives par les autorités fiscales luxembourgeoises nécessite, dans chaque cas, une analyse spécifique donnant lieu à une appréciation complexe. Cette marge d’appréciation dont l’administration luxembourgeoise dispose dans chaque décision anticipative exclut ainsi que la décision anticipative en cause ne constitue qu’une mesure d’application d’un régime d’aide.

353    À cet égard, il importe de souligner que le fait que la décision anticipative en cause ne constitue pas une mesure isolée, mais qu’elle soit l’une des très nombreuses décisions anticipatives accordées à des entreprises au Luxembourg, est sans influence sur le constat que, dès lors que la décision anticipative en cause octroyait un avantage à FFT, un telle décision anticipative constitue une aide individuelle à cette entreprise.

354    Il ressort de l’ensemble de ces considérations, et notamment des points 345 et 350 ci‑dessus, que la décision anticipative en cause ne constitue pas un régime d’aide ni une mesure d’aide individuelle adoptée en vertu d’un régime d’aide, au sens de l’article 1er, sous d), première et seconde parties de phrase, du règlement 2015/1589. En effet, d’une part, la décision anticipative en cause ne contient aucune disposition sur la base de laquelle il serait possible d’octroyer des aides au sens de l’article 1er, sous d), première et seconde parties de phrase du règlement 2015/1589. D’autre part, aucun élément ne permet de considérer que cette décision anticipative aurait été adoptée sur la base d’une telle disposition.

355    Dans ces conditions, il y a donc lieu de constater que la décision anticipative en cause doit être considérée comme constitutive d’une aide individuelle, au sens de l’article 1er, sous e), du règlement 2015/1589.

356    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments soulevés par le Grand-Duché de Luxembourg et par FFT.

357    D’une part, il y a lieu de rejeter comme étant non fondé l’argument du Grand-Duché de Luxembourg selon lequel, en substance, la Commission ne pouvait pas remettre en cause une aide adoptée en application d’un régime d’aide sans préalablement remettre en cause ledit régime, la décision anticipative en cause n’ayant pas été adoptée en application d’un régime d’aide.

358    D’autre part, pour autant que FFT fait valoir que la décision anticipative en cause représenterait l’application au Luxembourg des règles en matière de prix de transfert et que la Commission aurait manqué de déterminer quelles entreprises se trouvaient dans des circonstances comparables à FFT, en fait et en droit, et de prendre en compte les différences significatives entre sociétés de groupe et sociétés autonomes, il y a lieu de rejeter cet argument comme étant inopérant. En effet, cet argument ne remet pas en cause le constat selon lequel la mesure en cause est une aide individuelle ad hoc.

359    À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission n’a, en toute hypothèse, pas commis d’erreur en considérant que l’avantage conféré à FFT par la décision anticipative en cause était sélectif, dès lors que les conditions liées à la présomption de sélectivité étaient remplies en l’espèce.

360    En tout état de cause, et à supposer même que la présomption de sélectivité n’ait pas trouvé à s’appliquer, il y a lieu de relever que la Commission a également considéré que l’avantage conféré à FFT par la décision anticipative en cause était sélectif au regard de l’examen en trois étapes mentionné aux points 334 à 336 ci‑dessus. Pour rappel, cet examen consiste, dans une première étape, à identifier le cadre de référence pertinent, puis, dans une deuxième étape, à examiner si la mesure en cause déroge à ce cadre de référence et, enfin, dans une troisième étape, à vérifier si une telle dérogation peut être justifiée par la nature et l’économie des règles composant le cadre de référence. La Commission a opéré cet examen en retenant comme cadre de référence, à titre principal, le système général de l’impôt sur les sociétés luxembourgeois et, à titre subsidiaire, l’article 164 du code des impôts et la circulaire.

361    Or, s’agissant des première et deuxième étapes, il convient de relever que, indépendamment du cadre de référence retenu par la Commission, qu’il s’agisse du système général de l’impôt sur les sociétés ou de l’article 164 du code des impôts et de la circulaire, la Commission a correctement pu considérer que la décision anticipative dérogeait aux règles composant chacun des cadres de référence. En effet, ainsi qu’il a été constaté aux point 286 et 299 ci‑dessus, la Commission a correctement considéré, autant dans son analyse à titre principal, au regard du système général de l’impôt sur les sociétés, que dans son analyse à titre subsidiaire, au regard de l’article 164 du code des impôts et de la circulaire, que la décision anticipative en cause conférait un avantage à FFT. Or, ainsi qu’il a été constaté au point 122 ci‑dessus, la Commission a examiné de manière concomitante l’existence d’un avantage et l’existence, dans le cadre de l’examen de la sélectivité, d’une dérogation aux cadres de référence préalablement identifiés. En effet, ainsi que la Commission l’a affirmé au considérant 217 de la décision attaquée, la question de savoir si la décision anticipative en cause constitue une dérogation au cadre de référence coïncide avec la constatation de l’avantage conféré au bénéficiaire par cette mesure.

362    Dans ces conditions, il y a lieu de constater que les arguments des parties tendant à contester le cadre de référence identifié par la Commission sont inopérants et de rejeter, comme étant non fondés, les arguments tendant à contester l’analyse de la Commission s’agissant de la deuxième étape de son raisonnement, à savoir l’examen d’une dérogation au cadre de référence.

363    S’agissant de la troisième étape, il importe de relever que, dans la décision attaquée, d’une part, la Commission a estimé que ni le Grand-Duché de Luxembourg ni FFT n’avaient fourni le moindre motif permettant de justifier le traitement sélectif de FFT résultant de la décision anticipative en cause. D’autre part, elle a affirmé ne pas avoir non plus identifié de motif justifiant le traitement préférentiel dont FFT aurait bénéficié (considérants 337 et 338 de la décision attaquée).

364    En outre, pour autant que FFT fait valoir, aux fins de la justification de la dérogation, que la décision anticipative en cause est conforme au principe de pleine concurrence, il suffit de constater que cet argument repose sur une prémisse erronée.

365    S’agissant de l’argument de FFT selon lequel la décision anticipative en cause permettrait d’éviter une double taxation, force est de constater que, ainsi que la Commission le relève à juste titre, FFT ne soutient pas ni n’établit qu’elle ne pouvait éviter une double taxation qu’à la condition que la décision anticipative en cause soit adoptée. Par ailleurs, en toute hypothèse, il importe de constater que, comme la Commission le fait observer à juste titre, la question de la double taxation est sans rapport et sans influence sur celle de la détermination de la sélectivité d’un avantage.

366    Il découle donc des considérations exposées aux points 360 à 365 ci‑dessus que la Commission n’a commis aucune erreur en concluant à la sélectivité de la mesure en cause sur la base de l’analyse de la sélectivité en trois étapes.

367    Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter, dans leur ensemble, la troisième série de moyens, soulevés par le Grand‑Duché de Luxembourg et FFT, tirés de l’absence de sélectivité de l’avantage octroyé à FFT.

F.      Sur la quatrième série de moyens, tirés d’une restriction de concurrence

368    Le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que la Commission n’a pas rapporté la preuve, en violation des articles 107 et 296 TFUE, d’une quelconque restriction de concurrence, actuelle ou potentielle.

369    Selon le Grand-Duché de Luxembourg, d’une part, la Commission n’établit ni au considérant 189 de la décision attaquée ni aux considérants 343 et 345 de ladite décision en quoi l’exonération de FFT d’une dette fiscale qu’elle aurait été normalement obligée de payer aurait pour effet de renforcer sa position ou celle du groupe Fiat/Chrysler sur un marché quelconque. D’autre part, la seule référence générique, au considérant 189 de la décision attaquée, à la position financière dudit groupe serait manifestement insuffisante pour caractériser un tel effet, même potentiel.

370    FFT  fait également valoir que la Commission a violé les articles 107 et 296 TFUE, dans la mesure où elle n’aurait pratiquement pas analysé, dans la décision attaquée, l’incidence de la décision anticipative en cause sur la concurrence.

371    En premier lieu, FFT reproche à la Commission de s’être contentée, au considérant 189 de la décision attaquée, d’affirmer que la décision anticipative en cause avait renforcé sa position financière et celle du groupe Fiat/Chrysler et était de ce fait susceptible de fausser la concurrence.

372    En outre, FFT souligne que, selon la jurisprudence, une mesure doit être évaluée selon ses effets et non selon ses objectifs. Or, la simple affirmation selon laquelle la dette fiscale réduite au Luxembourg aurait renforcé la capacité de concurrence du groupe Fiat/Chrysler équivaut à une condamnation par objet, alors que seul compte l’effet. La Commission ne saurait toujours présumer que la concurrence est faussée. Elle ajoute que les faits de l’espèce sont complexes et qu’il fallait tenir compte de l’effet global de la décision anticipative en cause sur le groupe.

373    De surcroît, FFT soutient que, même à supposer qu’elle ait bénéficié d’un impôt sur les sociétés exagérément bas au Luxembourg, elle ne fournit pas de services ou de biens à des tiers, de sorte qu’elle n’a aucune capacité de concurrence sur un marché dont la concurrence pourrait être faussée.

374    En deuxième lieu, FFT soutient que les indications figurant au considérant 345 de la décision attaquée, et dont elle estime qu’elles ne participent pas à l’analyse des effets sur la concurrence faite dans la décision attaquée, sont inexactes.

375    En troisième lieu, FFT fait valoir que la Commission fait reposer sa conclusion selon laquelle la décision anticipative en cause a affecté la concurrence sur la supposition selon laquelle elle aurait moins payé d’impôts sur les sociétés qu’une société autonome. Or, FFT conteste cette comparaison.

376    La Commission conteste ces arguments.

377    S’agissant de la constatation, par la Commission, de l’existence d’une restriction de concurrence, qui constitue la quatrième condition de l’existence d’une aide d’État, il convient de relever que, au considérant 189 de la décision attaquée, tout d’abord, la Commission a rappelé qu’une mesure octroyée par l’État était considérée comme faussant ou menaçant de fausser la concurrence lorsqu’elle était de nature à renforcer la position concurrentielle de son bénéficiaire par rapport à d’autres entreprises concurrentes. Ensuite, elle a constaté que, dans la mesure où la décision anticipative en cause avait exonéré FFT d’une dette fiscale qu’elle aurait normalement été obligée de payer en vertu du système général de l’impôt sur les sociétés, cette décision anticipative faussait ou menaçait de fausser la concurrence en renforçant la position financière de FFT et du groupe Fiat/Chrysler.

378    En outre, aux considérants 343 à 345 de la décision attaquée, qui traitent du bénéficiaire de la mesure contestée, la Commission a précisé que la décision anticipative en cause bénéficiait à l’ensemble du groupe Fiat/Chrysler, dans la mesure où elle octroyait des ressources supplémentaires non seulement à FFT, mais à tout le groupe. La Commission a ajouté que le montant de l’impôt payé par FFT au Luxembourg avait une influence sur les conditions de prix des prêts intragroupe qu’elle octroyait aux société du groupe, ces conditions étant fixées en fonction du coût moyen du capital du groupe. La Commission en a conclu que les réductions de l’impôt dû par FFT avaient nécessairement pour effet d’abaisser les conditions de prix de ses prêts intragroupe.

379    Ainsi qu’il a été exposé au point 178 ci‑dessus, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte incriminé, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et au juge de l’Union d’exercer son contrôle.

380    Appliqué à la qualification d’une mesure d’aide, ce principe exige que soient indiquées les raisons pour lesquelles la Commission considère que la mesure en cause entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. À cet égard, même dans les cas où il ressort des circonstances dans lesquelles l’aide a été accordée qu’elle est de nature à affecter les échanges entre États membres et à fausser ou à menacer de fausser la concurrence, il incombe tout au moins à la Commission d’évoquer ces circonstances dans les motifs de sa décision (arrêts du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, point 89, et du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam, C‑494/06 P, EU:C:2009:272, point 49).

381    En ce qui concerne la condition relative à la distorsion de concurrence, il ressort de la jurisprudence que les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent en principe les conditions de concurrence (arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, point 30, et du 3 mars 2005, Heiser, C‑172/03, EU:C:2005:130, point 55).

382    Selon une jurisprudence constante, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide sur les échanges entre États membres et une distorsion de concurrence effective, mais seulement d’examiner si l’aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir arrêt du 10 janvier 2006, Cassa di Risparmio di Firenze e.a., C‑222/04, EU:C:2006:8, point 140 et jurisprudence citée).

383    Par ailleurs, s’agissant en particulier des aides au fonctionnement telles que l’aide en cause, ainsi que le fait valoir la Commission, il ressort de la jurisprudence qu’elles visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait dû normalement supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales et faussent en principe les conditions de concurrence (voir arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 136 et jurisprudence citée).

384    En l’espèce, il convient de constater qu’il ressort des considérants 189, 343 et 345 de la décision attaquée, dont le contenu est repris aux points 377 et 380 ci‑dessus, que la Commission a considéré que FFT et le groupe auquel elle appartenait bénéficiaient d’un avantage résultant d’une réduction d’impôt dont les autres sociétés concurrentes ne disposaient pas et qui était donc de nature à renforcer sa position financière sur le marché, de sorte que la décision anticipative en cause restreignait la concurrence. Selon la Commission, la diminution de la charge fiscale de FFT, résultant de la décision anticipative en cause, octroyait des ressources supplémentaires à l’ensemble du groupe, dans la mesure où elle avait pour effet d’abaisser les conditions de prix pour ses prêts intragroupe. Or, à la lumière de la jurisprudence exposée aux points 379 à 382 ci‑dessus, il convient de constater que ces éléments suffisent à considérer que la Commission a évoqué les circonstances pour lesquelles elle a considéré que la mesure en cause était susceptible d’affecter la concurrence et de fausser les échanges. Il convient, à cet égard, de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 7 ci‑dessus, FFT fournit des services de trésorerie et des financements aux sociétés dudit groupe établies en Europe, à l’exclusion de celles établies en Italie.

385    Il y a donc lieu de considérer que la Commission n’a pas violé son obligation de motivation ni commis d’erreur d’appréciation en concluant que la mesure en cause était de nature à restreindre la concurrence sur le marché, dès lors que la réduction fiscale correspondante améliorait la position financière de FFT et du groupe auquel elle appartenait au détriment de celle de ses concurrents.

386    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments du Grand‑Duché de Luxembourg et de FFT.

387    En premier lieu, dans la mesure où le Grand-Duché de Luxembourg invoque l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), il y a lieu de relever, comme cela a été indiqué au point 321 ci-dessus, que cet arrêt du Tribunal a été annulé par la Cour dans son arrêt du 25 juillet 2018, Commission/Espagne e.a. (C‑128/16 P, EU:C:2018:591).

388    En tout état de cause, il importe de constater que, dans l’arrêt du 17 décembre 2015, Espagne e.a./Commission (T‑515/13 et T‑719/13, EU:T:2015:1004), le Tribunal a conclu à une insuffisance de motivation de la décision de la Commission dans la mesure où les raisons pour lesquelles l’avantage conféré aux investisseurs, et non aux compagnies maritimes et aux chantiers navals ayant reçu l’aide, était de nature à entraîner une distorsion de concurrence n’en ressortaient pas suffisamment clairement. Or, les faits de l’espèce sont différents, dans la mesure où l’avantage est conféré à FFT et au groupe auquel elle appartient. Dès lors, les circonstances de la présente affaire ne requièrent aucune autre explication que celle exposant que FFT, et les sociétés du groupe Fiat/Chrysler, en devant s’acquitter d’un impôt réduit, avaient bénéficié d’un avantage, de sorte que la concurrence sur les marchés sur lesquels les sociétés du groupe Fiat/Chrysler opéraient s’en trouvait affectée.

389    En deuxième lieu, FFT invoque trois arrêts au soutien de son argumentation selon laquelle la Commission aurait dû entreprendre un examen plus minutieux des faits.

390    Premièrement, s’agissant des arrêts du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission (730/79, EU:C:1980:209, point 11), et du 15 juin 2000, Alzetta e.a./Commission (T‑298/97, T‑312/97, T‑313/97, T‑315/97, T‑600/97 à T‑607/97, T‑1/98, T‑3/98 à T‑6/98 et T‑23/98, EU:T:2000:151, point 80), force est de constater que, contrairement à ce que soutient FFT, si la Commission a, dans ces affaires, identifié de manière spécifique le marché pertinent, l’état antérieur de la concurrence ainsi que la finalité de l’aide, il ne ressort d’aucun de ces arrêts que la Commission doit procéder systématiquement à une telle analyse lorsqu’elle expose les raisons pour lesquelles la mesure en cause fausse la concurrence. Or, ainsi qu’il a été constaté au point 384 ci-dessus, la Commission a identifié les raisons pour lesquelles la mesure en cause constituait une aide au fonctionnement permettant à FFT et aux sociétés du groupe Fiat/Chrysler de bénéficier d’un avantage et de renforcer leur position financière et, s’agissant de FFT, d’abaisser les conditions de prix de ses prêts intragroupe.

391    Par ailleurs, à la différence des faits dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission (C‑329/93, C‑62/95 et C‑63/95, EU:C:1996:394), dans lequel la Cour a annulé la décision de la Commission pour défaut de motivation, et contrairement aux faits ayant donné lieu à l’arrêt du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission (296/82 et 318/82, EU:C:1985:113), en l’espèce, la Commission a bel et bien exposé les motifs pour lesquels elle estimait qu’il existait une restriction de concurrence.

392    Ces arguments doivent donc être écartés comme étant non fondés.

393    En troisième lieu, pour autant que FFT fait valoir qu’une mesure doit être évaluée selon ses effets et non selon ses objectifs, il suffit de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 118 ci-dessus qu’une aide doit fausser, ou menacer de fausser, la concurrence.  Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été constaté au point 384 ci‑dessus, la Commission a correctement considéré que la mesure en cause avait pour effet de fausser la concurrence.

394    En quatrième lieu, dans la mesure où FFT soutient que la Commission fait reposer sa conclusion selon laquelle la décision anticipative en cause a affecté la concurrence sur la supposition erronée selon laquelle elle aurait moins payé d’impôts sur les sociétés qu’une société autonome, cet argument doit être écarté comme étant non fondé. En effet, la Commission a estimé, à bon droit, que FFT avait bénéficié d’un avantage fiscal, de sorte qu’elle était en droit de conclure qu’un tel avantage serait de nature à fausser la concurrence sur les marchés sur lesquels FFT et le groupe auquel elle appartenait opéraient.

395    En cinquième lieu, dans la mesure où FFT soutient que, même à supposer qu’elle ait bénéficié d’un impôt sur les sociétés exagérément bas au Luxembourg, elle ne fournit pas de services ou de biens à des tiers, de sorte qu’elle n’a aucune capacité de concurrence sur un marché dont la concurrence pourrait être faussée, ou que les biens et les services que les sociétés du groupe offrent obéissent aux conditions du marché, ces arguments doivent être écartés comme étant non fondés. En effet, dès lors qu’elle bénéficie d’une réduction de sa charge fiscale, FFT est en mesure de financer les activités d’autres sociétés du groupe à moindre coût, faussant ainsi la concurrence sur les marchés sur lesquels ces dernières sont actives.

396    En sixième lieu, FFT soutient que les indications figurant au considérant 345 de la décision attaquée, et dont elle estime qu’elles ne participent pas à l’analyse des effets sur la concurrence faite dans la décision attaquée, sont inexactes. Selon FFT, c’est à tort que la Commission y a estimé qu’il existait un lien entre le montant de l’impôt payé par FFT au Luxembourg et le montant des intérêts que FFT applique aux prêts qu’elle fait aux sociétés du groupe Fiat/Chrysler. À cet égard, il suffit de constater que, ainsi que FFT le reconnaît, par ailleurs, elle-même, le fait que la Commission ait commis une erreur dans le montant des intérêts à prendre en considération est sans influence sur le constat de l’existence d’une restriction de concurrence. Cet argument doit donc être rejeté comme inopérant.

397    En septième lieu, pour autant que FFT fait valoir qu’il existe une similitude entre la décision annulée par la Cour dans l’arrêt du 30 avril 2009, Commission/Italie et Wam (C‑494/06 P, EU:C:2009:272), et la présente affaire, cet argument, qu’elle n’a pas soulevé dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, comme la Commission le soutient, dans la première affaire, la Cour a relevé que l’aide en question ne constituait pas une aide au fonctionnement. En outre, FFT n’a pas remis en question la jurisprudence, sur laquelle la Commission s’est reposée en l’espèce, selon laquelle les aides au fonctionnement faussent, en principe, les conditions de concurrence. FFT n’établit pas non plus qu’une telle présomption ne s’appliquerait pas en l’espèce.

398    À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de rejeter les moyens soulevés par le Grand-Duché de Luxembourg et par FFT selon lesquels la Commission n’aurait pas établi l’existence d’une restriction de concurrence.

G.      Sur la cinquième série de moyens, tirés de la récupération de l’aide

399    Cette série de moyens, soulevée à titre subsidiaire par le Grand‑Duché de Luxembourg, qui a trait à la récupération de l’aide, se divise en deux branches.

1.      Sur la première branche, tirée d’une violation du règlement 2015/1589 en ce que la récupération de la prétendue aide en cause est incompatible avec le principe de sécurité juridique

400    Le Grand-Duché de Luxembourg soutient que la Commission a violé le principe de sécurité juridique et l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 en ordonnant la récupération de la prétendue aide en cause.

401    L’Irlande  indique partager le point de vue du Grand-Duché de Luxembourg, selon lequel la Commission a enfreint le principe de sécurité juridique.

402    La Commission conteste ces arguments.

403    Il convient de rappeler que l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 prévoit ce qui suit :

« En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire […] La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l ’encontre d’un principe général de droit de l’Union. »

404    Dans la décision attaquée, tout d’abord, la Commission a indiqué que, en vertu de l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, elle devait ordonner la récupération de toute aide illégale et incompatible avec le marché intérieur, à moins que cette récupération ne soit contraire à un principe général de droit (considérants 354 et 355 de la décision attaquée). Ensuite, la Commission a considéré que les arguments du Grand-Duché de Luxembourg selon lesquels la récupération enfreindrait les principes de protection de la confiance légitime et de sécurité juridique étaient dénués de fondement (considérant 364 de la décision attaquée). D’une part, s’agissant de la protection de la confiance légitime, elle fait observer qu’elle n’a fourni aucune assurance précise au Grand-Duché de Luxembourg ou à FFT (considérants 356 à 358 de la décision attaquée). D’autre part, s’agissant de la violation du principe de sécurité juridique, il n’existerait aucune pratique décisionnelle antérieure susceptible d’avoir engendré des incertitudes quant au fait que des décisions anticipatives puissent donner lieu à l’octroi d’une aide d’État. Par ailleurs, et en particulier, la Commission rappelle que, selon la jurisprudence, elle n’est pas tenue d’indiquer le montant exact de l’aide à récupérer (considérants 360 à 363 de la décision attaquée).

405    Selon la jurisprudence, le principe de sécurité juridique, qui est un principe général du droit de l’Union, exige que les règles de droit soient claires et précises et vise à garantir la prévisibilité des situations et des relations juridiques relevant du droit de l’Union (arrêt du 15 février 1996, Duff e.a./Commission, C‑63/93, EU:C:1996:51, point 20).

406    En l’espèce, premièrement, pour autant que le Grand-Duché de Luxembourg soutient que, conformément à l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, la récupération ne devrait pas être ordonnée, car elle enfreindrait le principe de sécurité juridique, il y a lieu de constater que la règle de droit ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, à savoir l’article 107 TFUE, et les quatre conditions d’existence d’une telle aide, qui sont rappelées au point 118 ci-dessus, est claire et précise.

407    À cet égard, il importe de rappeler que la notion d’aide d’État est définie en fonction des effets de la mesure sur le positionnement concurrentiel de son bénéficiaire (voir, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 87). Il en découle que l’article 107 TFUE interdit toute mesure d’aide, indépendamment de sa forme ou de la technique réglementaire utilisée pour octroyer une telle aide (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2016, Commission/World Duty Free Group e.a., C‑20/15 P et C‑21/15 P, EU:C:2016:981, point 79).

408    Il s’ensuit qu’il n’existe aucun doute que toute mesure publique, telle qu’une décision anticipative, remplissant les conditions visées à l’article 107 TFUE est, en principe, prohibée et doit faire l’objet d’un ordre de récupération.

409    Deuxièmement, et en toute hypothèse, force est de constater que, ainsi que la Commission l’a relevé, aucun fait objectif ne permettait au Grand‑Duché de Luxembourg ou à FFT de conclure que la Commission n’appliquerait pas l’article 107 TFUE à des décisions anticipatives. D’une part, il ressort de la pratique décisionnelle de la Commission, à laquelle elle fait référence à la note en bas de page no 71 de la décision attaquée et dont le Grand-Duché de Luxembourg ne conteste pas le bien‑fondé, qu’elle a, par le passé, examiné la compatibilité de décisions anticipatives avec l’article 107 TFUE. D’autre part, le Grand-Duché de Luxembourg ne conteste pas que la Commission a déjà procédé à l’examen de mesures fiscales individuelles et a eu recours au principe de pleine concurrence pour ordonner la récupération d’aides.

410    Dans ces conditions, la seule application de l’article 107 TFUE à la décision anticipative en cause ne saurait constituer une violation du principe de sécurité juridique. Partant, aucune violation de ce principe ne saurait valablement être invoquée pour justifier que, en application de l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, l’aide résultant de la décision anticipative en cause ne soit pas récupérée.

411    Les autres arguments soulevés par le Grand-Duché de Luxembourg et l’Irlande ne sauraient convaincre.

412    Tout d’abord, pour autant que le Grand-Duché de Luxembourg soutient que la grille d’analyse de l’assiette fiscale de FFT utilisée par la Commission n’aurait pas été suffisamment prévisible, qu’il faudrait faire preuve de souplesse en n’exigeant pas un niveau de précision irréaliste et qu’il ne saurait être considéré qu’il ait été de mauvaise foi, il convient de rappeler que les États membres disposent d’une marge d’appréciation dans la détermination des prix de transfert et que c’est uniquement si la Commission relève une erreur dans la détermination desdits prix qui est telle que ces prix de transfert ne correspondent pas à une approximation fiable d’un résultat de marché qu’elle est en droit de constater l’existence d’une aide (voir point 204 ci-dessus). En l’espèce, le Tribunal a constaté que la Commission avait pu à bon droit conclure que le Grand-Duché de Luxembourg avait entériné, par la décision anticipative en cause, des erreurs dans la méthode de détermination de la rémunération de FFT telles qu’elles ne permettaient pas d’aboutir à un prix de transfert qui refléterait des prix qui auraient été négociés dans des conditions de marché. Dans ces conditions, il ne peut être considéré que la Commission ait exigé un niveau de précision irréaliste, ni que sa grille d’analyse soit imprévisible. Le Grand-Duché de Luxembourg ne saurait donc valablement faire valoir qu’il n’était pas prévisible que la Commission constate l’existence d’une aide et en ordonne la récupération.

413    Ensuite, pour autant que le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que sa pratique des décisions anticipatives était conforme au code de conduite dans le domaine de la fiscalité des entreprises et aux lignes directrices de l’OCDE, il suffit de relever que la Commission a constaté que, par la décision anticipative en cause, qui ne lui a pas été notifiée, le Grand-Duché de Luxembourg avait accordé une aide d’État incompatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107 TFUE. Ce faisant, d’une part, elle n’a pas remis en cause la pratique des décisions anticipatives en tant que telle. D’autre part, l’examen de l’existence d’une aide d’État se fait au regard des critères prévus à l’article 107 TFUE. Dans ces circonstances, le fait que des textes en matière de prix de transfert aient été approuvés par le Conseil de l’Union européenne ou par l’OCDE, lesquels ne sont pas contraignants pour la Commission, est sans influence sur le constat que la décision anticipative en cause octroie un avantage sélectif à FFT.

414    En outre, le Grand-Duché de Luxembourg et l’Irlande soutiennent que l’application du principe de sécurité juridique peut exiger la limitation de l’effet rétroactif d’un acte en présence de risques économiques graves et lorsque les parties intéressées sont de bonne foi, conditions qui seraient réunies en l’espèce. Or, dans la mesure où le Grand-Duché de Luxembourg soulève cet argument aux fins de contester la récupération de la mesure d’aide en cause, il suffit de rappeler qu’un ordre de récupération ne constitue pas une application rétroactive d’un acte. En effet, la suppression d’une aide illégale par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité et vise au rétablissement de la situation antérieure (arrêt du 19 octobre 2005, CDA Datenträger Albrechts/Commission, T-324/00, EU:T:2005:364, point 77 et jurisprudence citée).

415    En tout état de cause, dans la mesure où le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que la décision attaquée emporterait des répercussions économiques graves, ou des troubles graves pour lui et pour d’autres États membres comme cela l’aurait été notamment observé par des représentants des États-Unis d’Amérique, d’une part, il y a lieu de constater que l’article 16, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 ne prévoit pas qu’une aide déclarée incompatible pourrait ne pas être récupérée pour un tel motif. D’autre part, aucun des arguments évoqués par le Grand-Duché de Luxembourg ne permet d’établir l’existence de telles répercussions économique graves. En effet, il est clair que la récupération de la mesure en cause ne peut avoir, en tant que telle, d’effets négatifs économiques pour le Grand-Duché du Luxembourg, les sommes récupérées étant affectées à ses finances publiques. De plus, contrairement à ce que semble faire valoir le Grand‑Duché de Luxembourg, en tant que telle, la récupération auprès de FFT de l’aide perçue par celle-ci en application de la décision anticipative en cause ne saurait avoir pour conséquence directe une éventuelle « remise en cause d’un très grand nombre de décisions anticipatives au Grand-Duché de Luxembourg et potentiellement des milliers dans tous les autres États membres ». En effet, le seul fait que la Commission ait remis en cause une décision anticipative octroyant un avantage sélectif à une entreprise signifie uniquement que ladite décision anticipative, adoptée en violation de l’article 107 TFUE, fera l’objet d’une récupération, mais non que toutes les décisions anticipatives, y compris celles qui ne constituent pas des aides d’État, feront l’objet d’une récupération.

416    Dès lors, il n’y a pas lieu de considérer que la décision attaquée a des conséquences nouvelles ou graves sur la fiscalité internationale, la Commission ayant toujours eu la compétence pour examiner si toute mesure fiscale constitue une aide d’État au sens l’article 107 TFUE.

417    Enfin, pour autant que l’Irlande soutient, en substance, que la Commission ne pourrait, comme elle l’a fait dans la décision attaquée, suggérer, lorsqu’elle n’identifie pas le montant de l’aide, que l’État membre s’adresse à elle pour le déterminer, il suffit de constater que, en l’espèce, le Grand-Duché de Luxembourg ne prétend ni n’établit que les appréciations formulées par la Commission, au considérant 311 de la décision attaquée, à l’encontre de la méthodologie de calcul de l’imposition due par FFT auraient été si imprécises qu’il aurait été dans l’impossibilité de calculer le montant de l’aide reçue, sans s’adresser à la Commission, de sorte que la décision attaquée aurait créé une insécurité juridique. Au contraire, le Grand-Duché de Luxembourg reconnaît avoir estimé le montant de l’aide à récupérer à 23,1 millions d’euros. Cet argument doit donc être écarté comme étant non fondé.

418    À la lumière de ce qui précède, la première branche de la série de moyens liés à la récupération doit être rejetée comme étant non fondée.

2.      Sur la seconde branche, tirée d’une violation du règlement 2015/1589 en ce que la récupération de la prétendue aide en cause serait contraire aux droits de la défense

419    Le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que, conformément à la pratique décisionnelle de la Commission, lorsque le montant d’une aide ne peut être évalué, il n’y a pas lieu de la récupérer. En effet, en l’absence de possibilité de quantifier l’aide de manière précise ou de paramètres permettant à un État membre, en coopération avec la Commission, de procéder à une quantification précise de l’aide, ses droits de la défense seraient enfreints et cela constituerait un obstacle à la récupération.

420    À cet égard, le Grand-Duché de Luxembourg fait observer qu’il a certes requis du bénéficiaire de l’aide alléguée le versement d’une somme sur un compte bloqué. Cette somme aurait été calculée suivant les indications de la Commission figurant au considérant 311 de la décision attaquée, assorties de la précision suivant laquelle ce calcul était sans préjudice de la contestation de la méthodologie retenue par la Commission. Toutefois, le Grand‑Duché de Luxembourg considère que ce calcul est totalement artificiel dans la mesure où il serait impossible d’évaluer de manière précise l’aide alléguée, « sauf à avoir recours aux appréciations parfaitement arbitraires retenues par la Commission en l’espèce ». En effet, il n’y aurait pas, en substance, un prix de transfert correct, selon l’OCDE et la Commission, mais une large fourchette de prix corrects. De plus, le Grand-Duché de Luxembourg n’aurait aucune latitude plausible pour s’écarter de la méthodologie proposée par la Commission dans la décision attaquée.

421    La Commission conteste ces arguments.

422    Dans la décision attaquée, la Commission a estimé, d’abord, au considérant 367, que, selon la jurisprudence, si le droit de l’Union ne contraint pas à fixer le montant exact de l’aide à récupérer, il suffit en revanche que la décision de la Commission comporte des indications permettant à son destinataire de déterminer lui-même, sans difficultés excessives, ce montant. Elle a précisé, ensuite, qu’elle avait identifié, au considérant 311 de la décision attaquée, une méthode susceptible d’éliminer l’avantage sélectif conféré à FFT si le Grand-Duché de Luxembourg choisissait de conserver la MTMN, tout en mentionnant le fait qu’il pourrait utiliser une autre méthode avant la date de mise en œuvre de la présente décision (considérants 367 à 369 de la décision attaquée).

423    En l’espèce, premièrement, il y a lieu de constater que le Grand‑Duché de Luxembourg ne conteste pas l’appréciation de la Commission selon laquelle il ressort de l’arrêt du 18 octobre 2007, Commission/France (C‑441/06, EU:C:2007:616, point 29 et jurisprudence citée), qu’une décision de la Commission ne doit pas nécessairement indiquer le montant de l’aide à récupérer si elle comporte des indications permettant à l’État membre de déterminer lui-même sans difficultés excessives ce montant.

424    Deuxièmement, il y a lieu de relever que le Grand-Duché de Luxembourg ne fait pas valoir que, en l’espèce, la décision attaquée ne donnerait pas d’indications lui permettant de déterminer lui-même le montant à récupérer. En effet, d’une part, il reconnaît ainsi avoir calculé et évalué ce montant à 23,1 millions d’euros, afin d’en obtenir la récupération auprès de FFT. D’autre part, loin de considérer que la méthode de calcul retenue par la Commission serait imprécise, il se borne à faire valoir, en substance, que ladite méthode ne lui donnerait pas la « latitude plausible pour s’écarter de la position dogmatique de la Commission ». Ce faisant, le Grand‑Duché de Luxembourg reconnaît, à tout le moins implicitement, que ladite méthode est suffisamment précise pour lui permettre de calculer le montant de l’aide à récupérer.

425    Dans ces circonstances, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé les droits de la défense du Grand-Duché de Luxembourg en n’indiquant pas le montant de l’aide à récupérer dans la décision attaquée.

426    Aucun des arguments soulevés par le Grand-Duché de Luxembourg n’est susceptible de remettre en cause cette conclusion.

427    D’abord, dans la mesure où le Grand-Duché de Luxembourg fait valoir que le fait qu’il a demandé à FFT qu’un montant de 23,1 millions d’euros soit versé sur un compte bloqué est sans préjudice du fait qu’il conteste la méthodologie de calcul retenue par la Commission, cet argument doit être écarté comme étant inopérant. En effet, le Grand-Duché de Luxembourg n’établit pas que la décision attaquée serait insuffisamment précise au point qu’il ne serait pas en mesure de déterminer le montant devant être récupéré. En effet, il se borne à contester la méthodologie retenue par la Commission aux fins de calculer le montant de l’aide à récupérer, qu’il qualifie d’arbitraire. Or, la question de savoir si la méthodologie est correcte ou non n’a aucun rapport avec la violation des droits de la défense, de laquelle est tirée la seconde branche de la cinquième série de moyens.

428    Ensuite, dans la mesure où le Grand-Duché de Luxembourg soutient que, en identifiant une « large fourchette » de montants possibles, la décision attaquée ne respecte pas l’exigence visant à identifier le montant de l’aide de façon relativement précise, d’une part, il suffit de relever que la Commission, en fixant une méthode que le Grand-Duché de Luxembourg a suivie, a satisfait à la condition exposée dans la jurisprudence mentionnée au point 423 ci-dessus, selon laquelle la méthode doit permettre de déterminer sans difficulté le montant à récupérer. D’autre part, la fourchette proposée par la Commission ne porte pas sur le montant de l’aide à récupérer mais sur le montant qu’elle estime approprié pour l’assiette fiscale de FFT. Or, Une telle indication est suffisamment précise pour permettre au Grand‑Duché de Luxembourg de calculer le montant de l’aide à récupérer.  Par ailleurs, le fait que la Commission ait affirmé que d’autres méthodes auraient pu conduire à d’autres montants et qu’elle donnait la possibilité de proposer une méthode alternative pour le calcul du montant à récupérer ne saurait remettre en cause le fait que la décision attaquée contient des indications suffisamment précises quant à la récupération ni empêcher, en soi, la récupération de l’aide.

429    Dans ces conditions, la seconde branche de la cinquième série de moyens liée à la récupération et cette série de moyens dans son ensemble doivent être rejetées comme étant non fondées.

430    Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que les recours dans les affaires T‑755/15 et T‑759/15 doivent être rejetés.

IV.    Sur les dépens

A.      Dans l’affaire T755/15

431    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Grand-Duché de Luxembourg ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

432    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. L’Irlande supportera donc ses propres dépens.

B.      Dans l’affaire T759/15

433    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. FFT ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

434    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. L’Irlande supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T755/15 et T759/15 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Le Grand-Duché de Luxembourg supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne dans l’affaire T755/15.


4)      Fiat Chrysler Finance Europe supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission dans l’affaire T759/15.

5)      L’Irlande supportera ses propres dépens.

Van der Woude

Tomljenović

Bieliūnas

Marcoulli

 

Kornezov

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. van der Woude


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Sur la décision anticipative accordée par les autorités fiscales luxembourgeoises à FFT

B. Sur la procédure administrative devant la Commission

C. Sur la décision attaquée

1. Description de la mesure contestée

2. Description des règles luxembourgeoises en matière de prix de transfert

3. Description des lignes directrices de l’OCDE

4. Appréciation de la mesure contestée

II. Procédure et conclusions des parties

A. Sur la phase écrite de la procédure et les conclusions des parties dans l’affaire T755/15

1. Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

2. Sur la demande de traitement accéléré

3. Sur les interventions

4. Sur les demandes de traitement confidentiel

5. Sur les conclusions des parties

B. Sur la phase écrite de la procédure et les conclusions des parties dans l’affaire T759/15

1. Sur la composition de la formation de jugement et sur le traitement prioritaire

2. Sur la demande de procédure accélérée

3. Sur les interventions

4. Sur les demandes de traitement confidentiel

5. Sur les conclusions des parties

C. Sur la jonction aux fins de la phase orale de la procédure et sur la phase orale de la procédure dans les affaires T755/15 et T759/15

1. Sur la jonction

2. Sur la phase orale de la procédure dans les affaires T755/15 et T759/15

III. En droit

A. Sur la jonction des affaires aux fins du présent arrêt

B. Sur les moyens invoqués et sur la structure de l’examen des présents recours

C. Sur la première série de moyens, tirés de la violation des articles 4 et 5 TUE, en ce que la Commission aurait procédé à une harmonisation fiscale déguisée

D. Sur la deuxième série de moyens, tirés de l’absence d’un avantage

1. Observations liminaires

2. Sur le raisonnement à titre principal de la Commission, selon lequel la décision anticipative en cause dérogeait au système général de l’impôt sur les sociétés du Luxembourg

a) Sur les moyens tirés d’une erreur dans l’application du principe de pleine concurrence dans le domaine du contrôle des aides d’État

b) Sur le moyen tiré d’une méthodologie de calcul erronée dans la détermination de la rémunération de FFT

1) Observations liminaires

2) Sur la première erreur, liée à l’absence de prise en considération de la totalité des capitaux propres de FFT

i) Observations sur la décision anticipative en cause

ii) Sur la possibilité de procéder à la segmentation des capitaux dans les lignes directrices de l’OCDE et dans la circulaire

iii) Sur le caractère approprié de la segmentation des capitaux propres

3) Sur la deuxième erreur, liée à la prise en considération des fonds propres réglementaires hypothétiques

4) Sur la quatrième erreur, liée à l’absence de prise en considération des participations de FFT

3. Sur le raisonnement formulé à titre subsidiaire par la Commission selon lequel la décision anticipative en cause dérogeait à l’article 164, paragraphe 3, du code des impôts et à la circulaire

4. Sur le moyen tiré de l’absence d’un avantage au niveau du groupe

E. Sur la troisième série de moyens, tirés de l’absence de sélectivité de l’avantage octroyé à FFT

F. Sur la quatrième série de moyens, tirés d’une restriction de concurrence

G. Sur la cinquième série de moyens, tirés de la récupération de l’aide

1. Sur la première branche, tirée d’une violation du règlement 2015/1589 en ce que la récupération de la prétendue aide en cause est incompatible avec le principe de sécurité juridique

2. Sur la seconde branche, tirée d’une violation du règlement 2015/1589 en ce que la récupération de la prétendue aide en cause serait contraire aux droits de la défense

IV. Sur les dépens

A. Dans l’affaire T755/15

B. Dans l’affaire T759/15



*      Langues de procédure : le français et l’anglais.


1      Données confidentielles occultées.