ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)

du 9 mars 2000 (1)

«Agent temporaire - Classement en grade - Expérience professionnelle»

Dans l'affaire T-29/97,

Alain Libéros, agent temporaire de la Commission des Communautés européennes,demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Me M.-A. Lucas, avocat aubarreau de Liège, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me E. Korn, 21,rue de Nassau,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall,conseiller juridique, et Mme F. Duvieusart-Clotuche, membre du service juridique,en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. C. Gómez dela Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission du 15mars 1996 arrêtant le classement définitif du requérant au grade A 7 et de ladécision de la Commission du 5 novembre 1996 rejetant la réclamationadministrative du requérant,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),

juge: M. B. Vesterdorf,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 22 novembre 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 31 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-aprèsle «statut») prévoit:

«1.    Les candidats ainsi choisis sont nommés:

-    fonctionnaires de la catégorie A ou du cadre linguistique:

    au grade de base de leur catégorie ou de leur cadre,

[...]

2.    Toutefois, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut déroger auxdispositions visées ci-avant dans les limites suivantes:

[...]

    

b)    pour les autres grades [que les grades A 1, A 2, A 3 et LA 3], à raison:

    -    d'un tiers s'il s'agit de postes rendus disponibles,

    -    de la moitié s'il s'agit de postes nouvellement créés.

Sauf pour le grade LA 3, cette disposition s'applique par série de six emplois àpourvoir dans chaque grade.»

2.
    Par décision du 1er septembre 1983, la Commission a précisé les critères applicablesà la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement (ci-aprèsla «décision du 1er septembre 1983»). Sous réserve des exceptions expressémentprévues par les articles 1er et 5 de ladite décision, celle-ci s'applique tant àl'engagement des fonctionnaires qu'à celui des agents temporaires.

3.
    L'article 2, deuxième alinéa, de la décision du 1er septembre 1983 énonce:

«La durée minimum d'expérience professionnelle pour le classement au premieréchelon dans le grade de base de chaque carrière est de:

-    12 ans pour les grades A 5 et LA 5

-    3 ans pour les grades A 7 et LA 7

[...]»

4.
    L'article 2, troisième alinéa, de la même décision, dispose:

«L'expérience professionnelle est appréciée en prenant en considération l'activitéexercée antérieurement à la date de l'offre d'emploi [...]»

5.
    Enfin, son article 2, sixième alinéa, est ainsi libellé:

«L'expérience professionnelle n'est décomptée qu'à partir de l'obtention dupremier diplôme donnant accès, conformément à l'article 5 du statut, à la catégoriedans laquelle l'emploi est à pourvoir, sous réserve de ce qui est prévu à l'article 2de l'annexe I de la présente décision et elle doit être d'un niveau correspondant àcette catégorie.»

6.
    Par décision publiée aux Informations administratives n° 635, du 16 juillet 1990, laCommission a communiqué les règles internes relatives au traitement des demandeset réclamations introduites au titre de l'article 90 du statut et à la méthode decalcul des délais (ci-après les «Informations administratives»). Les points pertinentsen l'espèce, figurant sous les intitulés «Demande» et «Réclamation», sont ainsirédigés:

«Demande

[...]

2.3.    Lieu d'introduction:

Afin de faciliter la gestion et la coordination des activités administratives, lademande doit être présentée auprès du secrétariat général de la Commission [...]

Si l'intéressé a la qualité de fonctionnaire ou d'autre agent, une copie de lademande devra être présentée par la voie hiérarchique sauf si l'objet de lademande concerne le supérieur hiérarchique immédiat; dans ce cas, elle seraprésentée directement à l'autorité immédiatement supérieure [...]

Le cachet d'enregistrement du premier service récepteur fera foi de la présentationde la demande ainsi que de sa date. Dans le cas de demandes présentées par laposte ou par télex, ce sera le cachet de ces services qui fera foi.

[...]»

«Réclamation

[...]

2.3. Lieu d'introduction:

Tout ce qui est indiqué à propos de la demande s'applique également ici.

[...]

3.2. Décision et délais:

L'administration doit notifier la décision motivée à l'intéressé dans un délai dequatre mois à partir du jour de l'introduction de la réclamation. Contre le rejet dela réclamation, l'intéressé pourra présenter en voie contentieuse un recours devantle Tribunal de première instance des Communautés européennes dans un délai detrois mois qui court du jour de la notification de la décision prise en réponse à laréclamation. À l'expiration du délai de quatre mois, l'absence de réponse à laréclamation vaut décision implicite de rejet susceptible également de faire l'objetdu recours précité dans le délai de trois mois à compter de la date d'expiration dudélai de réponse.

Les délais prévus dans le cadre de cette procédure courent à compter de la dated'enregistrement au secrétariat général ou, le cas échéant, à l'une des unitésindiquées au point 2.3 (voir sous 'Demande‘).

À la différence de la demande, lorsqu'une décision explicite de rejet d'uneréclamation intervient après la décision implicite de rejet, mais dans le délai durecours précité, elle fait à nouveau courir ce délai.

[...]»

Faits à l'origine du litige

7.
    Le 25 octobre 1993, le requérant a posé sa candidature auprès de la Commissiondans le cadre d'une sélection d'agents temporaires. L'avis de sélection pour l'unité3 «Politique de la qualité et certification et marquage de conformité» de ladirection B «Politique réglementaire et normalisation; réseaux télématiques» de ladirection générale «Industrie» (DG III) spécifiait que le poste en cause était deniveau A 7/A 4.

8.
    Le 17 octobre 1994, la Commission a proposé au requérant un emploi d'agenttemporaire en précisant qu'il exercerait les fonctions d'administrateur, pour unedurée de trois ans, et qu'il serait classé «dans la catégorie A, grade 7, échelon 1(sous réserve de la confirmation par le comité de classement qui établiraultérieurement [son] classement définitif)».

9.
    Le requérant a accepté l'offre de la Commission le 14 novembre 1994 et a, par lamême occasion, indiqué qu'il était prêt à se mettre au service de la Commission àcompter du 1er juillet 1995.

10.
    Le 23 juin 1995, le requérant a signé le contrat d'engagement, portant la date du7 octobre 1994, selon lequel il était engagé pour exercer les fonctionsd'administrateur (article 2, premier alinéa) et classé dans la catégorie A, grade 7,échelon 1, l'ancienneté dans cet échelon prenant effet le 1er juillet 1995 (article 3).

11.
    Le 30 août 1995, le requérant a adressé une note au président du comité declassement portant demande de reclassement au grade A 5 compte tenu de sonexpérience professionnelle de quinze ans, six mois et six jours à la dated'établissement de son contrat d'engagement à la Commission, le 7 octobre 1994.

12.
    La Commission a communiqué au requérant un avenant au contrat d'engagement,daté du 15 mars 1996, arrêtant son classement définitif au grade A 7, échelon 3,avec ancienneté dans cet échelon au 1er juillet 1995 (ci-après la «décision du 15mars 1996»).

13.
    Le 28 mars 1996, le requérant a saisi la Commission d'une réclamation, au titre del'article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision du 15 mars 1996 en cequ'elle ne donnait pas suite à sa demande de reclassement au grade A 5 avecbonification d'ancienneté correspondante. La réclamation a été enregistrée ausecrétariat général de la Commission le 23 avril 1996.

14.
    Par décision du 5 novembre 1996, la réclamation a été expressément rejetée (ci-après la «décision du 5 novembre 1996»). Le requérant a accusé réception deladite décision le 11 novembre 1996. Cette décision précise que, conformément àl'article 2, deuxième et sixième alinéas, de la décision de 1983, le diplôme qui a étépris en compte pour le décompte de l'expérience du requérant est sa maîtrised'administration économique et sociale obtenue en juin 1983 et que, enconséquence, son expérience a été décomptée de juin 1983 à octobre 1994, datede la lettre d'offre d'emploi, ce qui correspond à onze ans et quatre mois. Ladécision du 5 novembre 1996 mentionne également que l'autorité investie dupouvoir de nomination (ci-après l' «AIPN») a, pour se conformer au principedégagé par le Tribunal dans son arrêt du 5 octobre 1995, Alexopoulou/Commission(T-17/95, RecFP p. I-A-227 et II-683), selon lequel il est admissible, à titreexceptionnel, de recruter au grade supérieur d'une carrière, notamment lorsque lesbesoins spécifiques du service exigent le recrutement d'un titulaire particulièrementqualifié ou lorsque la personne recrutée possède des qualifications exceptionnelles,procédé à un nouvel examen du dossier du requérant, estimé qu'il n'y avait pas lieude modifier son appréciation et, en conséquence, considéré qu'il n'y avait pas lieu,en l'espèce, d'accorder une telle dérogation.

Procédure et conclusions des parties

15.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 février 1997, le requérant aintroduit le présent recours.

16.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrirla procédure orale et a invité la Commission, dans le cadre des mesuresd'organisation de la procédure, à produire le texte des Informations administrativeset le texte de la décision du 1er septembre 1983, dans leur version en vigueur en1995. Les parties ont été priées de répondre oralement à certaines questions lorsde l'audience.

17.
    Par lettre du 27 octobre 1999, le requérant a informé le Tribunal du retrait de sonmoyen tiré d'une violation de l'obligation de motivation et de l'article 31,paragraphe 2, du statut.

18.
    Par lettre du 8 novembre 1999, la Commission a produit les documents demandéspar le Tribunal.

19.
    Conformément aux dispositions des articles 14, paragraphe 2, et 51, paragraphe 2,du règlement de procédure du Tribunal, la première chambre a attribué, le 9novembre 1999, l'affaire au président M. Vesterdorf, siégeant en qualité de jugeunique.

20.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses auxquestions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 22 novembre 1999.

21.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision du 15 mars 1996;

-    annuler la décision du 5 novembre 1996;

-    condamner la Commission aux dépens.

22.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours comme non fondé;

-    statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

23.
    Le requérant fait valoir que le délai de quatre mois dont dispose l'administrationen vertu de l'article 90, paragraphe 2, du statut pour répondre à une réclamationcommence à courir le jour où elle est en mesure de prendre connaissance de cettedernière, c'est-à-dire le jour de son dépôt. Dès lors, le requérant ayant déposé saréclamation le 28 mars 1996, il admet que le délai de recours a expiré le 28 octobre1996 et, partant, que sa requête était tardive.

24.
    Cependant, il ressortirait de la jurisprudence que le non-respect des délais deréclamation ou de recours ne fait pas obstacle à leur recevabilité lorsque l'intéresséa commis une erreur excusable (arrêts de la Cour du 18 octobre 1977,Schertzer/Parlement, 25/68, Rec. p. 1729, points 19 à 21; du 5 avril 1979,Orlandi/Commission, 117/78, Rec. p. 1613, points 9 à 11; du 15 décembre 1994,Bayer/Commission, C-195/91 P, Rec. p. I-5619, point 25, et arrêt du Tribunal du 16mars 1993, Blackman/Parlement, T-33/89 et T-74/89, Rec. p. II-249, point 34).

25.
    Le requérant fait valoir, à cet égard, qu'une telle excuse pourrait lui être reconnuedans la mesure où un fonctionnaire de la direction générale «Personnel etadministration» (DG IX) lui a indiqué que, selon le point 3.2. des Informationsadministratives, les délais de réponse à la réclamation et de recours commencentà courir à compter de la date d'enregistrement de la réclamation au secrétariatgénéral, soit, en l'espèce, le 23 avril 1996. Les informations ainsi portées à saconnaissance l'auraient donc induit en erreur quant au point de départ des délaiset, partant, quant à la date d'expiration du délai de recours.

26.
    La Commission se borne à rappeler les dispositions des Informationsadministratives relatives au lieu d'introduction de la réclamation (point 2.3) ainsiqu'à la décision et aux délais (point 3.2).

Appréciation du Tribunal

27.
    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu'il ressort d'une jurisprudence constanteque les délais de réclamation et de recours fixés par les articles 90 et 91 du statutsont d'ordre public et ne sont pas à la disposition des parties ou du juge dès lorsqu'ils ont été institués en vue d'assurer la clarté et la sécurité des situationsjuridiques (voir arrêts de la Cour du 23 janvier 1997, Coen, C-246/95, Rec. p. I-403,point 21, et du Tribunal du 23 avril 1996, Mancini/Commission, T-113/95, RecFPp. I-A-185 et II-543, point 20).

28.
    Il y a lieu de constater, au préalable, que la date à retenir pour la computation dudélai de réponse à la réclamation préalable correspond, aux termes mêmes del'article 90, paragraphe 2, du statut, au jour de l'introduction de la réclamation etnon, comme le prétend la Commission dans les Informations administratives, le jourde sa réception. Dès lors, le délai de réponse prévu dans cette disposition acommencé à courir le 28 mars 1996, date à laquelle le requérant a saisi laCommission d'une réclamation à l'encontre de la décision du 5 mars 1996.

29.
    Il ressort de l'article 90, paragraphe 2, du statut que le défaut de réponse à laréclamation, quatre mois après son introduction, vaut décision implicite de rejetsusceptible de faire l'objet d'un recours au sens de l'article 91 du statut. Enapplication de l'article 91, paragraphe 3, deuxième tiret, du statut, en l'absence deréponse explicite à la réclamation dans le délai statutaire, le recours doit être formédans un délai de trois mois à compter de la date d'expiration du délai de réponse.Toutefois, selon cette dernière disposition, une décision explicite de rejet intervenueaprès l'expiration du délai de réponse à la réclamation mais avant l'expiration dudélai de recours fait à nouveau courir ce dernier délai. En l'espèce, le délai derecours ayant expiré le 28 octobre 1996, la décision explicite de rejet du 5novembre 1996, notifiée au requérant le 11 novembre 1996, n'a pas pu faire courirun nouveau délai. Dès lors, le présent recours, introduit le 11 février 1997, estintervenu tardivement.

30.
    Il s'ensuit que le recours doit être déclaré irrecevable à moins que le Tribunal neconstate que le requérant a commis une erreur excusable. La notion d'erreurexcusable doit, selon une jurisprudence constante (voir, notamment, arrêtsBayer/Commission, précité, points 26 à 28, Blackman/Parlement, précité, points 34à 36, et, en dernier lieu, ordonnance du Tribunal du 3 février 1998,Polyvios/Commission, T-68/96, Rec. p. II-153, point 43), être interprétée de façonrestrictive et ne peut viser que des circonstances exceptionnelles où, notamment,l'institution concernée a adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans unemesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l'esprit d'unjusticiable de bonne foi et faisant preuve de la diligence requise d'une personnenormalement avertie.

31.
    Dans son arrêt Blackman/Parlement, précité (points 35 à 36), le Tribunal a estiméque l'introduction d'une réclamation, dans le délai statutaire, auprès d'un serviceincompétent, sur la base d'informations erronées fournies par ce même service,lequel s'est borné à renvoyer la réclamation à l'intéressé sans la transmettre auservice effectivement compétent, auprès duquel celle-ci a, de ce fait, été introduitetardivement, constitue une erreur excusable.

32.
    En l'espèce, le point 3.2 des Informations administratives était de nature à créerune confusion dans l'esprit du requérant. En effet, ledit point prévoit,contrairement à l'article 90, paragraphe 3, du statut, que «[l]es délais [...] courentà compter de la date d'enregistrement au secrétariat général ou, le cas échéant, àl'une des unités indiquées au point 2.3». En outre, la Commission n'a pas contestéqu'un fonctionnaire de la DG IX a indiqué au requérant que le délai de réponseà la réclamation commençait à courir à la date d'enregistrement de la réclamationau secrétariat général, soit, en l'espèce, à partir du 23 avril 1996. Enfin, il y a lieud'observer que la Commission fait elle-même référence, dans le paragrapheintroductif de la décision du 5 novembre 1996, à la date d'enregistrement ausecrétariat général. En effet, ledit paragraphe est ainsi libellé:

«Par note du 28 mars 1996 enregistrée au secrétariat général le 23 avril 1996 sousle n° 451/96, M. Libéros a introduit une réclamation au titre de l'article 90,paragraphe 2, du statut contre l'avenant à son contrat d'engagement du 15 mars1996 le classant agent temporaire de grade A 7/3.»

33.
    Dans ces circonstances et au vu de l'application faite par le Tribunal de la notiond'«erreur excusable» dans l'arrêt Blackman/Parlement, précité, il convient deconstater que le requérant a commis une telle erreur en l'espèce. Il y a donc lieude retenir la date du 23 avril 1996 comme point de départ du délai de réponse. Enconséquence, la recevabilité du présent recours n'est plus contestable puisque,conformément à l'article 91, paragraphe 3, deuxième tiret, du statut, la décision du5 novembre 1996 est intervenue dans le délai de recours, au regard de ce point dedépart, et fait donc à nouveau courir ce délai à compter de sa notification, à savoirle 11 novembre 1996.

34.
    Il s'ensuit qu'il convient d'accueillir le présent recours comme recevable.

Sur le fond

Sur le moyen tiré d'une détermination erronée de la durée de l'expérienceprofessionnelle du requérant

Arguments des parties

35.
    Le requérant rappelle que la durée de son expérience professionnelle prise encompte aux fins de son classement en grade a été calculée en application del'article 2, deuxième et sixième alinéas, de la décision du 1er septembre 1983. Lesixième alinéa de ladite décision énonce, comme principe général, que l'expérienceprofessionnelle n'est décomptée qu'à partir de l'obtention du premier diplômedonnant accès à la catégorie dans laquelle l'emploi est à pourvoir.

36.
    En ayant estimé la durée de l'expérience professionnelle du requérant à onze anset quatre mois, la Commission aurait commis une erreur. En effet, conformémentaux articles 31 et 32 du statut, son expérience aurait dû être appréciée non pas àla date de l'offre d'emploi, mais à la date de la prise d'effet du contratd'engagement, soit au 1er juillet 1995. Ainsi calculée, la durée de son expérienceprofessionnelle serait de douze ans et quelques jours, ce qui lui conférerait laqualification requise pour un classement au grade A 5.

37.
    Au soutien de sa thèse, le requérant invoque l'arrêt du Tribunal du 7 février 1991,Tagaras/Cour de justice (T-18/89 et T-24/89, Rec. p. II-53, points 63 et 66), duquelil ressortirait que l'appréciation de la formation et de l'expérience professionnellespécifique d'un intéressé doit être effectuée au regard de la formation et del'expérience professionnelle dont il justifie à la date de sa nomination, c'est-à-direà la date de son entrée en service. Une telle solution, transposée au cas de l'agenttemporaire, serait également conforme à l'objectif des articles 31 et 32 du statut quiest de permettre à l'administration de valoriser l'expérience professionnelle desfonctionnaires et agents antérieure à l'entrée en service (voir, notamment, en ce quiconcerne l'article 32, deuxième alinéa, du statut, l'arrêt de la Cour du 14 juin 1988,Lucas/Commission, 47/87, Rec. p. 3019, point 12).

38.
    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la Commission, un classement selonce critère ne permettrait pas à l'intéressé de retarder indûment son entrée enservice afin d'obtenir un meilleur classement, puisque c'est à la Commission qu'ilreviendrait d'accepter la date proposée pour que le contrat d'emploi puisseeffectivement entrer en vigueur.

39.
    Enfin, l'accord contractuel que le requérant prétend avoir passé avec laCommission n'aurait porté que sur un classement provisoire et ne saurait donc faireobstacle à la contestation du classement définitif. Pour étayer son affirmation, lerequérant rappelle qu'il n'a pas signé la proposition d'avenant à son contratcomprenant son classement définitif, mais a, au contraire, introduit une réclamationadministrative à l'encontre de cette décision.

40.
    La Commission précise, en premier lieu, que lorsque l'administration publie, dansle cadre d'une procédure globale de sélection d'agents temporaires, un postecouvrant plusieurs carrières à la fois, comme le poste en cause qui visait un niveauA 7/A 4, elle se réserve la possibilité de faire une offre qui, lors de l'engagementde l'agent temporaire, tienne compte des disponibilités en effectifs à ce momentet, en fonction de celles-ci, de l'expérience professionnelle antérieure pertinente del'intéressé. Le grade qui est alors attribué à l'intéressé est arrêté conformément àl'article 2 de la décision du 1er septembre 1983.

41.
    Quant à l'arrêt Tagaras/Cour de justice, précité, invoqué par le requérant, il seraitdénué de pertinence, car la partie défenderesse dans cette affaire, d'une part, avaitchoisi d'apprécier la situation professionnelle du requérant au moment du dépôtde son acte de candidature et non, comme en l'espèce, à la date de l'offre d'emploiet, d'autre part, n'avait pas arrêté de décision générale relative à la nomination engrade et au classement en échelon lors du recrutement.

42.
    En deuxième lieu, la Commission fait valoir que le requérant a accepté lesconditions d'engagement fixées par sa proposition. Or, l'offre concernait un posted'administrateur, fonctions qui relèvent indéniablement de la carrière A 7/A 6. Deplus, le contrat souscrit par le requérant prévoyait un classement au grade A 7,échelon 1. Ce dernier ne pourrait donc prétendre à un reclassement dans une autrecarrière, sauf à accepter qu'il puisse revenir unilatéralement sur les conditions deson engagement.

43.
    En troisième lieu, à supposer qu'il faille examiner la vocation du requérant à unrecrutement dans une carrière supérieure, la Commission invoque le critère de ladétermination du dies ad quem énoncé à l'article 2, troisième alinéa, de la décisiondu 1er septembre 1983, à savoir la date de l'offre d'emploi. Ce serait à cette dateque les conditions d'engagement, telles que la durée, la nature du contrat etl'emploi auquel l'agent sera affecté, sont fixées. Ne pas admettre cette solutionreviendrait à laisser à l'agent temporaire la possibilité de retarder, de sa seuleinitiative, la date de sa prise de fonctions dans l'unique but d'être recruté dans unecarrière supérieure.

44.
    En quatrième lieu, la Commission souligne que, dans sa réclamation ainsi que danssa note du 30 août 1995 à l'attention du président du comité de classement, lerequérant avait lui-même évalué la durée de son expérience professionnelle aumois d'octobre 1994 et non à la date de son entrée en fonctions.

45.
    En dernier lieu, la Commission conteste, à la lumière de l'arrêt du Tribunal du 30mars 1993, Klinke/Cour de justice (T-30/92, Rec. p. II-375, point 26), que lesarticles 31 et 32 du statut aient la même finalité. Dès lors, la conclusion durequérant quant à la date pertinente à prendre en compte en vue de sonclassement serait tirée d'une démonstration qui repose sur une affirmation inexacteen droit et serait, par conséquent, manifestement erronée.

Appréciation du Tribunal

46.
    À titre liminaire, il y a lieu d'observer que l'obtention par le requérant de samaîtrise d'administration économique et sociale en juin 1983 constitue le point dedépart pour le calcul de son expérience professionnelle, que la Commission aproposé un emploi au requérant le 17 octobre 1994, que la date d'établissement ducontrat d'engagement, signé par le requérant le 23 juin 1995, est le 7 octobre 1994et que la Commission a refusé de prendre en compte une expérienceprofessionnelle acquise après l'offre d'emploi d'octobre 1994.

47.
    En outre, il convient de rappeler que la Commission, dans la décision du 5novembre 1996, a conclu non seulement que, en application de l'article 2, deuxièmealinéa, de la décision du 1er septembre 1983 et au vu de l'expérience professionnelledu requérant à la date de l'offre d'emploi, ce dernier ne pouvait pas bénéficier d'unclassement au grade A 5, mais également que ni les qualités réelles et l'expérienceprofessionnelle du requérant ni les compétences et les qualités requises pour leposte ne présentaient un caractère exceptionnel pouvant justifier une nominationà un grade supérieur. La Commission a donc réexaminé la situation du requérantà la lumière de l'arrêt Alexopoulou/Commission, précité.

48.
    Le requérant fait valoir que son expérience professionnelle aurait dû être appréciéenon pas à la date de l'offre d'emploi, mais à la date de la prise d'effet du contratd'engagement, soit le 1er juillet 1995. En conséquence, il convient d'examiner, au vudes circonstances de l'espèce, si l'article 2 de la décision du 1er septembre 1983, telqu'appliqué individuellement en l'espèce par la Commission qui ne prend encompte que l'expérience professionnelle antérieure à l'offre d'emploi, enfreint lafinalité de l'article 31 du statut.

49.
    À cet égard, il ressort de l'arrêt du Tribunal du 9 juillet 1997, Monaco/Parlement(T-92/96, RecFP p. I-A-195 et II-573, point 46), que «[l']exercice du pouvoirdiscrétionnaire conféré à l'AIPN par l'article 31, paragraphe 2, du statut peut,conformément à la jurisprudence, être réglementé par des décisions internes, tellesque les nouvelles directives internes du Parlement. En effet, rien n'interdit, enprincipe, à l'AIPN d'établir, par la voie d'une décision interne de caractère général,des règles pour l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère le statut [...]Une telle directive interne doit être regardée comme une règle de conduiteindicative que l'administration s'impose à elle-même et dont elle ne peut s'écartersans préciser les raisons qui l'ont amenée à le faire, sous peine d'enfreindre leprincipe de l'égalité de traitement [...]»

50.
    Or, la décision du 15 mars 1996 applique une décision interne de caractère général,à savoir la décision du 1er septembre 1983 qui indique, expressément, à l'article 2,troisième alinéa, la date retenue pour le calcul de l'expérience professionnelle priseen compte pour le classement, à savoir la date de l'offre d'emploi.

51.
    Cette règle de conduite est conforme à la finalité du statut, tant pour des raisonsadministratives que pour des raisons de fond.

52.
    En effet, en premier lieu, il n'est pas possible de tenir compte au moment del'établissement de l'offre d'emploi d'une expérience professionnelle éventuellementacquise dans l'intervalle compris entre l'offre d'emploi et la prise effective defonctions du candidat.

53.
    En deuxième lieu, il ne s'écoule que très peu de temps, normalement, entrel'établissement de l'offre d'emploi et son envoi au candidat, de même qu'entre leditenvoi et l'acceptation ou le refus de l'offre.

54.
    En troisième lieu, d'une manière générale, la signature du contrat et la prise defonctions effective de l'agent ne sont guère éloignées dans le temps.

55.
    En dernier lieu, imposer à l'institution de revoir les termes de l'offre d'emploi aprèsson acceptation par l'agent recruté afin de tenir compte de l'expérienceprofessionnelle acquise par ce dernier entre le moment de l'offre et la prise defonctions effective permettrait à l'agent de repousser, sans raison objective nicontrôle effectif possible par l'institution, la prise de fonctions en vue d'obtenir unmeilleur classement.

56.
    Quant à l'argument du requérant tiré de l'arrêt Tagaras/Cour de justice, précité,il convient d'observer que les circonstances de l'espèce se distinguent de cellesayant donné lieu à l'arrêt invoqué. Dans cette affaire, il n'y avait, notamment, pasde décision générale relative à la nomination en grade et au classement en échelonlors du recrutement. En outre, la partie défenderesse avait retenu la date de dépôtde l'acte de candidature - date différente et bien antérieure à celle retenue par laCommission en l'espèce - pour apprécier l'expérience professionnelle de l'intéressé.Cet arrêt est donc dénué de pertinence en l'espèce.

57.
    Il s'ensuit que la Commission était en droit, dans sa décision du 15 mars 1996, defixer la date de l'offre d'emploi comme date ultime pour la prise en compte del'expérience professionnelle, en application de sa décision du 1er septembre 1983.

58.
    Il résulte de ce qui précède que le moyen au fond du requérant doit être rejeté.

Sur les dépens

59.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partiequi succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois,l'article 88 du même règlement prévoit que, dans les litiges entre les Communautéset leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.En l'espèce, chaque partie supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    Chaque partie supportera ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2000.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français.

RecFP