DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

26 septembre 2016 (*)

« Recours en annulation – Aides d’État – Énergie nucléaire – Aide en faveur de l’unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point – Contrat d’écart compensatoire, accord du secrétaire d’État et garantie de crédit – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Défaut d’affectation substantielle de la position concurrentielle – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑382/15,      

Greenpeace Energy eG, établie à Hambourg (Allemagne), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe(1), représentées par Mes D. Fouquet et J. Nysten, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. É. Gippini Fournier, T. Maxian Rusche et Mme P. Němečková, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2015/658, du 8 octobre 2014, concernant la mesure d’aide SA.34947 (2013/C) (ex 2013/N) que le Royaume-Uni envisage de mettre à exécution à titre de soutien en faveur de l’unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point (JO 2015, L 109, p. 44),

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, J. Schwarcz et Mme V. Tomljenović, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

1        Les requérantes, Greenpeace Energy eG et les neuf autres requérantes dont les noms figurent en annexe, produisent, à partir de sources d’énergie renouvelables, et commercialisent de l’électricité. Les troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième et dixième requérantes exploitent aussi des installations de production d’électricité par cogénération et exercent des activités de distribution d’électricité, ces dernières activités étant, en partie, réalisées par le biais de filiales.

2        Plus précisément, la première requérante, Greenpeace Energy, est une coopérative énergétique fondée par l’organisation environnementale Greenpeace. Sa filiale à 100 %, Planet Energy, a planifié ou exploite déjà 15 centrales éoliennes et trois centrales solaires, leur production d’électricité étant destinée à être utilisée en vue de l’approvisionnement des clients de Greenpeace Energy.

3        La deuxième requérante, Oekostrom AG für Energieerzeugung und -handel, est une entreprise d’approvisionnement en électricité. Elle approvisionne environ 45 000 clients en Autriche avec de l’électricité produite uniquement à partir d’énergies renouvelables.

4        La troisième requérante, Stadtwerke Aalen GmbH, qui est détenue à 100 % par la ville de Aalen (Allemagne), investit dans la cogénération et des installations d’électricité verte. Elle opère également dans le domaine du chauffage urbain.

5        La quatrième requérante, Stadtwerke Bietigheim-Bissingen GmbH, qui appartient à 100 % à la ville de Bietigheim-Bissingen (Allemagne), exerce entre autres des activités de distribution d’électricité ainsi que dans le domaine du chauffage urbain.

6        La cinquième requérante, Stadtwerke Schwäbisch Hall GmbH, est une filiale à 100 % de la ville de Schwäbisch Hall (Allemagne). Elle a mis en place un réseau de chauffage et d’installations de cogénération décentralisées qui fonctionnent en grande partie avec du biogaz et du biométhane.

7        La sixième requérante, Stadtwerke Tübingen GmbH, est une entreprise communale à 100 %. Elle dispose d’une puissance installée de plus de 57 mégawatts provenant de sources d’énergies renouvelables et d’environ 27 mégawatts (MW) provenant de la cogénération.

8        La septième requérante, Stadtwerke Mühlacker GmbH, exerce des opérations de production d’électricité, ainsi que dans le domaine du chauffage. Elle produit une quantité d’électricité de 18 gigawattheure (GWh) par an à partir de sources d’énergie renouvelables.

9        La huitième requérante, Energieversorgung Filstal GmbH & Co. KG, est un gestionnaire de réseaux locaux d’électricité et de chauffage urbain.

10      La neuvième requérante, Stadtwerke Mainz AG, appartient, en partie directement et en partie indirectement, à 100 % à la ville de Mayence (Allemagne). Son objet social est, entre autres, l’approvisionnement en électricité et en chauffage.

11      La dixième requérante, Stadtwerke Bochum Holding GmbH, approvisionne plus de 200 000 citoyens de la ville de Bochum (Allemagne) en électricité, en gaz, en eau et en chauffage urbain. En outre, la société produit, stocke et fournit de l’électricité et du gaz dans toute l’Allemagne. La part d’énergies renouvelables dans le bouquet d’électricité de la dixième requérante est actuellement d’environ 43,3 %.

12      Toutes les requérantes vendent leur électricité, de gré à gré et directement, mais également sur la bourse de l’énergie européenne (ci-après l’« EEX »).

13      Le 22 octobre 2013, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a notifié à la Commission européenne un paquet d’aides d’État composé de plusieurs mesures visant à soutenir la nouvelle unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point (Royaume-Uni) (ci-après les « mesures notifiées »).

14      En premier lieu, les mesures notifiées consistent en ce qu’il est convenu d’appeler un contrat d’écart compensatoire (ci-après le «CfD») qui est censé garantir un revenu assuré pendant la phase opérationnelle de l’unité C de la centrale de Hinkley Point. Ainsi, dans le cadre du CfD, le bénéficiaire reçoit un niveau de revenus qui sera déterminé par la somme du prix du marché de gros auquel il vend l’électricité et d’un paiement compensatoire correspondant à la différence entre le prix d’exercice prédéterminé et le prix de référence observé au cours de la période de référence précédente. Lorsque le prix de référence est inférieur au prix d’exercice, la contrepartie du CfD paie la différence. Inversement, lorsque le prix de référence est supérieur au prix d’exercice, le bénéficiaire est tenu de payer la différence à la contrepartie du CfD. Le prix de référence est une moyenne pondérée des prix de gros fixés par le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord pour tous les opérateurs soutenus par un CfD. Dans le cas du bénéficiaire du CfD en cause, le prix de référence pertinent est le prix de référence du marché de l’électricité de base, qui s’applique à tous les opérateurs producteurs d’électricité de base. Le prix d’exercice a été fixé à 92,5 livres sterling (GBP)/mégawattheure (MWh) (environ 130 euros/MWh) en termes nominaux de l’année 2012.

15      La contrepartie du contrat est une entité qui sera financée par une obligation statutaire liant solidairement tous les fournisseurs agréés.

16      En deuxième lieu, le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord octroie une garantie de crédit pour les obligations émises dans le cadre de la construction de l’unité C de la centrale de Hinkley Point, c’est-à-dire qu’il garantit le paiement en temps utile du principal et des intérêts d’obligations émises à concurrence d’une valeur estimée à 17 milliards de GBP (environ 23,9 milliards d’euros).

17      En troisième lieu, par un accord du secrétaire d’État, les investisseurs se voient accorder, en ce qui concerne l’unité C de la centrale de Hinkley Point, un droit à indemnisation au cas où le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord déciderait de fermer la centrale pour des raisons politiques.

18      La NNB Generation Company Limited (ci-après « NNB »), une filiale de la société française Électricité de France (EDF), est indiquée en tant que bénéficiaire.

19      L’unité C de la centrale ne sera pas raccordée au réseau avant 2023.

20      Le 18 décembre 2013, la Commission a ouvert une procédure formelle d’examen conformément à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant les mesures notifiées (ci-après la « décision d’ouverture »). Par la décision d’ouverture, publiée au Journal officiel de l’Union européenne le 7 mars 2014 (JO 2014, C 69, p. 60), la Commission a invité les parties intéressées à lui présenter des observations sur cette mesure.

21      Dans la décision d’ouverture, la Commission a examiné l’ensemble des mesures notifiées et les a considérées comme constituant une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

22      Par sa décision (UE) 2015/658, du 8 octobre 2014, concernant la mesure d’aide SA.34947 (2013/C) (ex 2013/N) que le Royaume-Uni envisage de mettre à exécution à titre de soutien en faveur de l’unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point (JO 2015, L 109, p. 44), la Commission a approuvé les mesures notifiées (ci-après la « décision attaquée »).

23      Le dispositif de la décision attaquée prévoit ce qui suit :

« Article premier

L’aide octroyée en faveur de la centrale nucléaire de Hinkley Point C sous la forme d’un contrat d’écart compensatoire, de l’accord du secrétaire d’État et d’une garantie de crédit, ainsi que tous les éléments qui s’y rapportent, que le Royaume-Uni prévoit de mettre en œuvre, est compatible avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, [sous] c), [TFUE].

L’exécution de cette aide est dès lors autorisée.

Article 2

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord est destinataire de la présente décision. »

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 juillet 2015, les requérantes ont introduit le présent recours.

25      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 16 octobre 2015, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

26      Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal les 9, 25, 26, 27, 30 novembre et les 2 et 3 décembre 2015, la République slovaque, la Hongrie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, NNB, la République française, la République tchèque et la République de Pologne, ont, respectivement, demandé à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

27      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable et fondé ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

28      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

29      En vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, la Commission ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

30      La Commission fait valoir en substance que les requérantes n’ont pas qualité pour agir en raison de l’absence d’affectation directe et individuelle des requérantes par la décision attaquée au sens de la deuxième variante de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Pour ce qui est de la troisième variante de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, la Commission estime que, outre le fait que les requérantes ne sont pas directement concernées par la décision attaquée, cette dernière n’est pas un acte règlementaire ne comportant pas de mesures d’exécution.

31      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

32      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée a pour unique destinataire le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Dans ces conditions, le présent recours en annulation n’est recevable, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si les requérantes sont directement et individuellement concernées par la décision attaquée ou si les requérantes sont directement concernées par la décision attaquée et si cette dernière constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

 Sur l’affectation individuelle des requérantes au sens de la deuxième variante de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE

33      Il convient de vérifier si les requérantes sont individuellement affectées par la décision attaquée.

34      Si l’auteur du recours met en cause le bien-fondé de la décision appréciant la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur, il doit démontrer qu’il bénéficie d’un statut particulier au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17) (voir arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 28 et jurisprudence citée).

35      Selon cette jurisprudence, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223).

 Sur la participation à la procédure ouverte au titre des règles relatives aux aides d’État

36      Les première, deuxième et cinquième requérantes font valoir que leur affectation individuelle résulte de leur participation en tant que parties intéressées au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE en ce qu’elles ont présenté des observations écrites dans le cadre de la procédure formelle d’examen précédant la décision attaquée.

37      Certes, il a été jugé que le fait qu’une entreprise a été à l’origine de la plainte ayant donné lieu à l’ouverture d’une telle procédure, le fait qu’elle a été entendue en ses observations et le fait que le déroulement de cette procédure a été largement déterminé par ses observations sont des éléments pertinents dans le cadre de l’appréciation de la qualité pour agir de cette entreprise (arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, points 24 et 25, et du 27 avril 1995, ASPEC e.a./Commission, T‑435/93, EU:T:1995:79, point 63).

38      En l’espèce, les requérantes n’ont cependant pas établi que le déroulement de la procédure qui a conduit à l’adoption de la décision attaquée a été largement déterminé par leurs observations.

39      De plus, il ne saurait être inféré de la seule participation d’une requérante à la procédure administrative qu’elle a qualité pour agir. Une requérante doit, en tout état de cause, démontrer que la mesure faisant l’objet de la décision attaquée était susceptible d’affecter substantiellement sa position sur le marché (voir ordonnance du 7 mars 2013, UOP/Commission, T‑198/09, non publiée, EU:T:2013:105, point 27 et jurisprudence citée) ou que cette décision l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières.

40      En conséquence, il convient de rejeter l’argument tendant à soutenir une affectation individuelle des première, deuxième et cinquième requérantes du seul fait de leur participation à la procédure formelle d’examen précédant la décision attaquée.

 Sur l’affectation substantielle de la position des requérantes sur le marché

41      S’agissant de la détermination d’une affectation substantielle de la position sur le marché d’une entreprise mettant en cause le bien-fondé d’une décision d’appréciation de l’aide prise à l’issue de la procédure formelle d’examen, la Cour a eu l’occasion de préciser que la seule circonstance qu’un acte était susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant dans le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouvait dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait en tout état de cause suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme individuellement concernée par ledit acte. Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire, mais doit établir, en outre, qu’elle est dans une situation de fait qui l’individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (voir arrêt du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, points 32 et 33 et jurisprudence citée).

42      À cet égard, il y a également lieu de rappeler qu’un tel statut particulier, caractérisant un sujet autre que les destinataires d’une décision, au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17), par rapport à tout autre opérateur économique, n’a pas nécessairement à être déduit d’éléments tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de la concession de l’aide en question. La concession d’une aide d’État peut porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur également d’autres manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide. De même, l’intensité d’une telle atteinte est susceptible de varier selon un grand nombre de facteurs, tels que, notamment, la structure du marché en cause ou la nature de l’aide en question. La démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait, dès lors, être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation de ses performances commerciales ou financières (voir arrêts du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, point 53 et jurisprudence citée, et du 26 septembre 2014, Dansk Automat Brancheforening/Commission, T‑601/11, EU:T:2014:839, point 42 et jurisprudence citée).

43      De plus, l’existence d’une affectation substantielle de la position d’une partie requérante sur le marché ne dépend pas directement du montant de l’aide, mais de l’importance de l’atteinte que cette aide peut porter à ladite position. Une telle atteinte peut varier pour des aides d’un montant similaire en fonction de critères tels que la taille du marché concerné, la nature spécifique de l’aide, la longueur de la période pour laquelle elle a été accordée, le caractère principal ou secondaire de l’activité affectée pour la partie requérante et les possibilités de celle-ci de contourner les effets négatifs de l’aide (voir arrêt du 12 juin 2014, Sarc/Commission, T‑488/11, non publié, EU:T:2014:497, point 37 et jurisprudence citée). En particulier, la description de la structure du marché pertinent requiert que le requérant fournisse les principaux éléments relatifs à l’étendue géographique de ce marché, à ses parts et à celles de ses concurrents sur ledit marché ainsi que leur éventuelle évolution depuis l’octroi de la mesure contestée (voir, en ce sens, arrêt du 12 juin 2014, Sarc/Commission, T‑488/11, non publié, EU:T:2014:497, point 43).

44      Enfin, s’agissant de l’étendue du contrôle juridictionnel, il convient de rappeler, qu’il n’appartient pas au juge de l’Union européenne, au stade de l’examen de la recevabilité, de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre les requérantes et l’entreprise bénéficiaire de l’aide en cause. Il incombe seulement aux requérantes d’indiquer de façon pertinente les raisons pour lesquelles l’aide en cause est susceptible de léser leurs intérêts légitimes en affectant substantiellement leur position sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 28).

45      En l’espèce, la Commission conteste, en substance, que les requérantes se trouvent en concurrence avec l’opérateur de l’unité C de la centrale nucléaire de Hinkley Point. De l’avis de cette institution, les activités des requérantes dans le commerce de l’électricité se concentreraient sur le « sous-marché de l’électricité issue d’énergies renouvelables » et la vente de l’électricité que les requérantes produisent s’opèrerait dans le cadre des régimes d’aide nationaux, à savoir l’Erneuerbare-Energien-Gesetz (loi allemande relative aux énergies renouvelables, ci-après la « loi EEG ») et la Kraft-Wärme-Kopplungsgesetz (loi allemande relative à la cogénération, ci-après la « loi KWKG »), lesquelles feraient en sorte que les investissements des requérantes soient soustraits du marché libre de l’électricité. L’unité C de la centrale d’Hinkley Point ne saurait avoir d’incidence sur le prix de cette électricité, car l’électricité d’origine nucléaire ne serait pas un produit de substitution de l’électricité d’origine renouvelable. En toute hypothèse, les requérantes ne commercialiseraient que de l’électricité issue de sources d’énergie renouvelables en Allemagne et en Autriche, tandis que le projet bénéficiant des aides se situerait au Royaume-Uni. À l’échelle du marché de l’électricité de l’Union, la situation concurrentielle des requérantes ne se distinguerait donc pas de celle de milliers d’entreprises semblables dans les 27 autres États membres, voire au Royaume-Uni, où se situe le projet. Finalement, la Commission conteste que les requérantes soient substantiellement affectées par la mesure notifiées faisant l’objet de la décision attaquée.

46      En premier lieu, s’agissant du point de savoir si les requérantes se trouvent dans une « situation concurrentielle » avec le bénéficiaire, il y a lieu de relever ce qui suit.

47      Premièrement, il y a lieu de constater que, au point 63 de la requête, les requérantes se réfèrent au marché intérieur de l’énergie de l’Union en tant que marché géographique pertinent.

48      À cet égard, il y a lieu de relever qu’ont été adoptées par l’Union diverses réglementations ayant pour objet de résorber progressivement les entraves en vue de permettre la mise en place d’un marché intérieur de l’électricité pleinement opérationnel, dans lequel se trouvent notamment intensifiés les échanges transfrontaliers d’électricité dans l’Union et au sein duquel tous les fournisseurs pourront fournir leurs produits et les consommateurs choisir librement leur fournisseur. Tel est le cas, en particulier, de la directive 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 96/92/CE – Déclarations concernant les opérations de déclassement et de gestion des déchets (JO 2003, L 176, p. 37), de la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54 (JO 2009, L 211, p. 55), du règlement (CE) n° 1228/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2003, sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité (JO 2003, L 176, p. 1), et du règlement (CE) n° 714/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 13 juillet 2009, sur les conditions d’accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d’électricité et abrogeant le règlement n° 1228/2003 (JO 2009, L 211, p. 15) (arrêt du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft, C‑573/12, EU:C:2014:2037, point 86).

49      En l’occurrence, il est vrai que les première et deuxième requérantes, dont les sièges se trouvent en Allemagne et en Autriche, respectivement, sont des entreprises spécialisées dans le commerce de l’électricité issue de sources d’énergie renouvelables ayant des clients dans ces États membres. Il est également exact que les huit autres requérantes sont des entreprises communales ayant leurs sièges en Allemagne. En outre, elles ne précisent pas dans leurs écrits si elles approvisionnent des clients en dehors de l’Allemagne.

50      Toutefois, rien en l’espèce ne permet de conclure que les requérantes exercent leurs opérations de production et de commercialisation d’électricité sur des marchés géographiquement isolés du marché d’électricité de l’Union.

51      En effet, aucun des éléments versés au dossier fournis par les parties au litige ne permet d’inférer que les activités de production et de commercialisation des requérantes en dehors de l’Allemagne et de l’Autriche sont entravées d’une manière conduisant à leur exclusion du marché d’électricité de l’Union, qu’il s’agisse d’entraves de natures factuelle ou juridique. Il n’est pas établi que les requérantes ne pourraient procéder à des exportations ou à des importations d’électricité si elles le souhaitaient.

52      De plus, il n’est pas contesté que le bénéficiaire de l’aide en cause ne sera pas non plus exclu des opérations transfrontalières de commercialisation d’électricité.

53      Il convient, dès lors, d’entériner l’argument des requérantes selon lequel l’étendue géographique du marché pertinent en l’espèce est celle de la totalité du marché intérieur de l’énergie de l’Union.

54      Deuxièmement, l’argument de la Commission, selon lequel, d’une part, l’électricité d’origine nucléaire n’est pas un produit de substitution de l’électricité d’origine renouvelable et, d’autre part, les requérantes exercent leur activité sur un « sous-marché  de l’électricité issue d’énergies renouvelables », doit être compris en ce sens que la Commission conteste, en particulier, que les requérantes et le bénéficiaire de l’aide en cause produisent et commercialisent des produits se trouvant dans un rapport de concurrence.

55      À cet égard, il suffit de rappeler que la nature de l’électricité est telle que, une fois admise dans le réseau de transport ou de distribution, il est difficile d’en déterminer l’origine et notamment la source d’énergie à partir de laquelle elle a été produite (arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra, C‑379/98, EU:C:2001:160, point 79, et du 1er juillet 2014, Ålands Vindkraft, C‑573/12, EU:C:2014:2037, point 87).

56      Au vu de ce constat, s’il est vrai qu’il appartient aux requérantes de démontrer les conditions de la recevabilité de leur recours, il n’en reste pas moins que la Commission ne saurait prétendre d’une manière générale que les produits énergétiques concernés en l’espèce ne sont pas substituables. Plus précisément, l’argument de la Commission quant au prétendu fait que l’électricité d’origine nucléaire ne serait pas un produit de substitution de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables ne se fondant pas sur des éléments précis, ne serait-ce que des éléments relatifs aux particularités de la demande ou de l’offre en matière d’électricité, ne saurait remettre en question valablement l’allégation contraire des requérantes.

57      S’agissant du point de savoir si les requérantes agissent dans le cadre d’un « sous-marché  de l’électricité issue d’énergies renouvelables », il y a lieu de rappeler qu’aucune disposition de la directive 2009/72 ne justifie une subdivision du marché de l’électricité de l’Union en différents sous-marchés en fonction de la distinction qui peut être faite, au stade de la production de l’électricité, entre les énergies primaires utilisées.

58      Au contraire, selon le considérant 8 de cette directive, pour assurer la concurrence et la fourniture d’électricité au prix le plus bas possible, les États membres et les autorités de régulation nationales devraient faciliter l’accès transfrontalier pour les nouveaux fournisseurs d’électricité produite à partir de différentes sources d’énergie ainsi que pour les nouveaux producteurs d’énergie.

59      Ensuite, selon le considérant 57 de la directive 2009/28/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l’utilisation de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et modifiant puis abrogeant les directives 2001/77/CE et 2003/30/CE (JO 2009, L 140, p. 16), il est nécessaire de soutenir l’intégration au réseau de transport et de distribution de l’énergie produite à partir de sources renouvelables ainsi que l’utilisation de systèmes de stockage de l’énergie pour une production intermittente intégrée d’énergie à partir de ces sources.

60      De même, il ressort de la première phrase du considérant 43 de la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relative à l’efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2004/8/CE et 2006/32/CE (JO 2012, L 315, p. 1) que les États membres doivent établir, sur la base de critères objectifs, transparents et non discriminatoires, les règles régissant la prise en charge et le partage des coûts liés aux raccordements au réseau et au renforcement des réseaux, ainsi qu’aux adaptations techniques nécessaires pour intégrer les nouveaux producteurs d’électricité issue de la cogénération à haut rendement. Selon la troisième phrase du même considérant, il convient de faciliter l’accès au réseau pour l’électricité produite par cogénération à haut rendement, en particulier pour les petites unités de cogénération et les unités de microcogénération.

61      De plus, il convient de rappeler que, les États membres ont la possibilité d’imposer à un gestionnaire de réseau de distribution de donner la priorité à l’accès des installations utilisant des sources d’énergies renouvelables ou des déchets ou à celles opérant selon la technologie de la cogénération à haut rendement, le tout au sens de l’article 25, paragraphe 4, de la directive 2009/72, de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2009/28, et de l’article 15, paragraphe 5, de la directive 2012/27.

62      Selon le considérant 60 de la directive 2009/28, un accès prioritaire et un accès garanti pour l’électricité provenant de sources d’énergie renouvelables sont importants pour intégrer les sources d’énergie renouvelables dans le marché intérieur de l’électricité. Par ailleurs, il ne saurait être déduit de la directive 2012/27 que l’accès prioritaire au réseau des installations de production par cogénération poursuit un autre but.

63      Or, l’intégration au réseau de transport et de distribution de l’énergie produite à partir de sources renouvelables et les efforts pour intégrer les nouveaux producteurs d’électricité issue de la cogénération ne sauraient être interprétés comme visant à l’établissement d’un marché d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables ou par cogénération, lequel devrait être distingué d’autres marchés d’électricité, ceci étant valable non seulement pour les nouveaux producteurs et fournisseurs, mais aussi pour ceux qui sont déjà établis sur le marché.

64      Il résulte de ce qui précède que l’électricité issue d’énergies renouvelables et celle produite par cogénération, d’une part, et l’électricité issue d’autres sources d’énergie primaire, d’autre part, constituent des produits énergétiques relevant du même marché. Il ne saurait donc être question d’un « sous-marché de l’électricité issue d’énergies renouvelables ».

65      Il s’ensuit que l’électricité produite et commercialisée par les requérantes et celle produite et commercialisée par le bénéficiaire de l’aide résultant des mesures notifiées se trouvent dans un rapport de concurrence.

66      Troisièmement, s’agissant de l’argument de la Commission, selon lequel les requérantes serait exclues, en vertu des aides octroyées en vertu de la loi EEG et la loi KWKG, du marché de l’électricité, il résulte de la requête que, en effet, toutes les requérantes exploitent un certain nombre d’installations bénéficiant d’une aide accordée en vertu de la loi EEG (ci-après les « installations EEG »).

67      Cependant, d’une part, il ne ressort pas des éléments versés au dossier fournis par les parties au litige que toutes les installations exploitées par les requérantes bénéficient d’aides octroyée en vertu de la loi EEG ou d’autres avantages financiers ayant pour effet que les activités des requérantes seraient entièrement soustraites à l’influence des forces de l’offre et de la demande du marché de l’électricité.

68      À cet égard, sans perdre de vue le fait que c’est aux requérantes qu’incombe la charge de la preuve en ce qui concerne les conditions de la recevabilité du recours, il convient de relever d’emblée que la Commission n’apporte pas d’éléments susceptibles d’invalider l’allégation des requérantes, d’ailleurs, très explicite dans leurs écrits, selon laquelle leur modèle d’activité principal reposerait en grande partie sur la production et la commercialisation d’électricité dite « verte » en Allemagne, conformément à l’article 20, paragraphe 1, point 2, de la loi EEG.

69      Or, en l’occurrence, il est constant que ce type de commercialisation relève d’opérations qui ne s’effectuent que dans le cadre du marché de l’électricité et non à l’extérieur de celui-ci.

70      D’autre part, s’agissant des installations EEG, il résulte de l’article 24, paragraphe 1, de la loi EEG, que ces installations sont exclues du régime de soutien prévu par ladite loi dans le cas d’une chute des prix de l’électricité à la bourse EPEX Spot SE située à Paris (France) pendant au moins six heures consécutives. Dans un pareil cas, les opérateurs des installations EEG se voient exposés aux pleins effets de la concurrence.

71      En outre, il y a lieu de tenir compte de l’article 22 de la loi EEG, selon lequel les installations EEG ne peuvent être subventionnées que pour une période maximale de 20 ans à laquelle s’ajoute l’année de la mise en service. Or, selon un argument des requérantes, qui n’a pas été contesté par la Commission, d’un point de vue technique, les installations EEG sont en mesure de produire de l’électricité pendant de nombreuses années au-delà de la période pendant laquelle elles sont subventionnées. Dans la mesure où ces installations produisent de l’électricité, cette dernière peut être vendue en tant qu’électricité « verte », et ce, également sur le fondement de l’article 20, paragraphe 1, point 2, de la loi EEG, avec pour effet que la production de ces installations ne saurait être considérée comme se trouvant en dehors du marché de l’électricité.

72      De même, le renvoi de la Commission à la loi KWKG ne saurait valablement étayer son affirmation, selon laquelle les requérantes exploitant des installations de production d’électricité par cogénération vendraient cette électricité « en dehors du marché par l’intermédiaire de régimes publics de soutien ».

73      En effet, selon l’article 4, paragraphe 3, de la loi KWKG, tel que mentionné à l’annexe B.3. au mémoire sur l’exception d’irrecevabilité, l’opérateur d’une installation de production par cogénération vend son électricité à un gestionnaire du réseau. S’il est vrai que ledit opérateur bénéficie d’un supplément selon l’article 7 de cette loi, il n’en demeure pas moins qu’il opère sur le marché de l’électricité du fait qu’il est tenu de vendre l’électricité produite par cogénération dans ses installations à des prix qui sont convenus dans le cadre du marché de l’électricité.

74      Il s’ensuit que, dans la mesure où les requérantes ne bénéficient pas d’aides octroyées en vertu de la loi EEG, soit parce qu’elles commercialisent de l’électricité au titre de l’article 20, paragraphe 1, point 2, de cette loi, soit parce que, conformément à l’article 24 de la loi EEG, certaines installations EEG sont exclues du régime de soutien prévu par cette loi dans le cas d’une chute des prix de l’électricité, et dans la mesure où elles commercialisent de l’électricité produite par cogénération, elles opèrent directement en tant que productrices et fournisseurs d’électricité sur le marché d’électricité.

75      À cet égard, c’est, dès lors, à bon droit qu’elles affirment être des concurrentes du bénéficiaire des mesures notifiées.

76      En second lieu, s’agissant de la question de savoir si la décision attaquée affecte la position des requérantes sur le marché d’une façon substantielle dans la mesure où elles sont concurrentes du bénéficiaire de l’aide résultant des mesures notifiées, il y a lieu de relever ce qui suit.

77      Premièrement, il convient de rappeler, ainsi qu’il découle notamment de la jurisprudence récente de la Cour (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 110), que le concurrent mettant en cause le bien-fondé de l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur doit apporter des données quant à la structure du marché concerné.

78      À cet égard, tout d’abord, il convient de relever que les requérantes n’ont pas fourni au Tribunal les principaux éléments relatifs à la structure du marché de l’électricité de l’Union. Plus précisément, elles n’ont pas fourni d’informations concernant leurs parts de marché ou celles de leurs concurrents (voir, à l’égard de ce critère, arrêt du 12 juin 2014, Sarc/Commission, T‑488/11, non publié, EU:T:2014:497, point 43).

79      Certes, afin d’illustrer l’impact des mesures notifiées et, partant, de la décision attaquée, sur leur position concurrentielle, les requérantes ont produit une étude intitulée « Energy Brainpool », en tant qu’annexe A.5 à la requête, celle-ci se référant notamment à l’évolution des prix de l’électricité, en raison du raccordement au réseau de l’unité C de la centrale de Hinkley Point en 2023, dans le segment allemand du marché de l’électricité de l’Union.

80      Plus précisément, cette dernière étude se présente comme une analyse de l’évolution des prix de l’électricité en Allemagne et, en partie, au Royaume-Uni, dans l’hypothèse de la construction de l’unité C de la centrale de Hinkley Point compte tenu de l’état actuel des réseaux de transport d’électricité entre les Royaume-Uni et le continent, notamment des interconnexions (scénario Hinkley). Cette analyse est suivie d’une évaluation de l’évolution des prix de l’électricité en Allemagne et au Royaume-Uni dans l’hypothèse de la construction de l’unité C de cette centrale en fonction d’une amplification future des capacités d’interconnexions entre le Royaume-Uni et le continent (scénario Hinkley +). S’ajoute à cela l’examen des prix de l’électricité dans l’Union dans l’hypothèse de la construction de cette même unité C et d’autres centrales nucléaires en Europe de l’Est (scénario Domino+).

81      Toutefois, sans qu’il soit besoin de se pencher sur la question, d’ailleurs fortement disputée entre les parties au litige, qui est de savoir si cette étude a une valeur probante ou non, force est de constater qu’à l’égard de la structure du marché de l’électricité de l’Union, elles ne contient que des informations incomplètes.

82      L’étude « Energy Brainpool » se réfère notamment aux « structures des réseaux de transport » actuelles et futures et, à cet égard, à un certain nombre d’éléments nécessaires pour la compréhension de la structure du marché de l’électricité de l’Union, en ses segments français et néerlandais, lesquels sont, en l’occurrence, susceptibles d’influencer les activités de production et de distribution d’énergie des requérantes.

83      Plus précisément, dans ses diagrammes 4 et 5, l’étude « Energy Brainpool» fait état des capacités d’interconnexion entre les réseaux de transport susceptibles de transporter l’électricité en provenance du Royaume-Uni vers le continent, les données à cet effet étant exprimées en des chiffres allant de 1 000 à 4 000 MW.

84      Certes, la structure du marché intérieur de l’électricité de l’Union ne saurait être appréhendée d’une façon adéquate sans la prise en considération des réseaux de transport et des capacités des interconnexions entre les États membre, lesquelles, par ailleurs, ainsi qu’il ressort du considérant 59 de la directive 2009/28, peuvent contribuer notamment à l’intégration de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables.

85      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 2, point 1, du règlement n° 714/2009, une interconnexion représente une ligne de transport qui traverse ou enjambe une frontière entre des États membres et qui relie les réseaux de transport nationaux des États membres. Il découle de l’article 2, point 13 de la directive 2009/72 que relèvent de la notion d’interconnexion les équipements utilisés pour interconnecter les réseaux électriques.

86      Toutefois, ladite étude n’enlève rien à l’incertitude quant à l’agencement actuel ou futur des autres réseaux susceptibles d’avoir une influence sur les opérations des requérantes dans le domaine de la production et de la distribution d’électricité. En particulier, ladite étude ne contient aucun élément permettant de déduire la structure des réseaux de distribution à même de transporter de l’électricité dans le marché de l’électricité de l’Union, pour autant que ces réseaux peuvent influencer les activités des requérantes.

87      De surcroît, l’étude « Energy Brainpool» ne permet aucune conclusion quant aux parts du marché actuelles ou futures des autres producteurs, fournisseurs qui se trouvent dans un rapport de concurrence avec les requérantes, qu’il s’agisse d’électricité produite à partir de sources d’énergies renouvelables ou bien d’électricité produite par cogénération ou encore d’électricité provenant d’autres sources d’énergie.

88      Deuxièmement, ainsi qu’il a été précisé au point 35 ci-dessus, la mise en évidence du statut particulier, caractérisant un sujet autre que les destinataires d’une décision, au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17), dont se prévaut un concurrent mettant en cause le bien-fondé de l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur, doit être effectuée par rapport à tout autre opérateur économique (voir, en ce sens, arrêts du 27 avril 1995, ASPEC e.a./Commission, T‑435/93, EU:T:1995:79, point 70 ; du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, EU:T:1996:153, point 47, et ordonnance du 27 mai 2004, Deutsche Post et DHL/Commission, T‑358/02, EU:T:2004:159, point 48).

89      À cet égard, dès lors, les éléments fournis par un tel requérant afin de démontrer une affectation de sa position concurrentielle doivent permettre également de déduire que cette atteinte se distingue de celles des autres opérateurs affectés par ladite aide (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08, EU:T:2012:351, point 57, et du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 30). En particulier, en matière de concurrence sur le marché de l’électricité, le concurrent doit prouver l’existence d’une atteinte à sa position concurrentielle de nature à le distinguer des autres opérateurs susceptibles d’être lésés par la mesure litigieuse (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, points 29, 33 et 37).

90      En l’espèce, ainsi que les requérantes l’allèguent elles-mêmes et ainsi qu’il a été exposé aux points 502 et suivants de la décision attaquée, le paquet des mesures notifiées produit des effets sur la totalité du marché de l’électricité de l’Union sur lequel les requérantes exercent leurs activités en tant que concurrentes du bénéficiaire de l’aide. Il s’ensuit que la décision attaquée est susceptible d’avoir des répercussions sur l’ensemble des producteurs et fournisseurs d’électricité, et ce, indépendamment de la source d’énergie primaire utilisée pour la production.

91      Dès lors, il ne saurait être conclu que la mise en service de l’unité C de la centrale de Hinkley Point ne provoque pas pour les requérantes un certain manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence de l’aide résultant des mesures notifiées.

92      Toutefois, il ne peut pas être établi que l’éventuelle atteinte à la situation concurrentielle des requérantes, résultant d’un manque à gagner ou d’une évolution moins favorable, se distingue de l’atteinte à la situation concurrentielle de l’ensemble des autres opérateurs affectés en raison de la même aide.

93      Font défaut à cet égard, non seulement des éléments qui permettent d’identifier la position des requérantes sur le marché par rapport aux producteurs et fournisseurs d’électricité produite à partir de sources d’énergie autres que les énergies renouvelables et la cogénération, mais aussi, notamment, les éléments qui auraient permis d’identifier la position des requérantes par rapport à d’autres producteurs et fournisseurs d’électricité produite à partir d’énergies renouvelables ne bénéficiant pas d’aides octroyées en vertu de la loi EEG.

94      Sans qu’il soit nécessaire de se pencher sur la question de savoir si cette étude a une valeur probante suffisante, il y a lieu de constater que l’étude « Energy Brainpool » ne saurait permettre d’établir la position des requérantes sur le marché par rapport aux autres opérateurs sur le marché d’électricité de l’Union, et ce pour les motifs suivants.

95      Certes, cette étude contient des informations en ce qui concerne l’impact de la construction de l’unité C de la centrale Hinkley Point sur l’ensemble des opérateurs dans le domaine de la production et de la commercialisation de l’électricité. À ce titre, il résulte de la page 2 de cette étude qu’elle se base sur un modèle de simulation établi par l’auteur de l’étude, lequel modélise l’intégralité du marché européen de l’électricité, incluant l’Union, la Norvège et la Suisse, et ce, jusqu’en 2040 avec une précision horaire (Power2Sim).

96      Cependant, aucune distinction ne peut être faite entre, d’une part, l’influence de l’activité de cette centrale sur les opérations de production et de distribution d’électricité des requérantes et, d’autre part, l’influence de l’activité de cette centrale sur les opérations de même type des autres acteurs du marché de l’électricité.

97      Qui plus est, cette étude ne contient aucune précision quant à la situation des producteurs et des distributeurs d’électricité provenant des installations de production par cogénération.

98      Or, selon les indications mêmes des troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième et dixième requérantes, leurs installations de production d’électricité par cogénération représentent une partie importante de leurs opérations de commercialisation d’électricité.

99      Troisièmement, s’agissant du caractère substantiel de l’atteinte à la position des requérantes sur le marché, les requérantes ont, sur la base de chiffres, qui sont, par ailleurs, contestés par la Commission, exposé des arguments tendant à démontrer une « situation concurrentielle particulière » du fait que la production d’électricité par l’unité C de la centrale de Hinkley Point serait susceptible d’influencer négativement leur production et leur fourniture d’électricité, ce qui se traduirait par un manque à gagner important.

100    Certes, en produisant, dans la requête, des calculs relatifs à leurs chiffres d’affaires, les requérantes entendent illustrer l’impact que pourrait avoir la mesure d’aide en cause sur leur situation économique selon une appréciation de l’évolution des prix de l’électricité en Allemagne, cette appréciation ayant été effectuée au moment de l’introduction de la requête.

101    Toutefois, le prétendu manque à gagner n’est pas justifié par des éléments de preuve correspondants, l’étude « Energy Brainpool » ne pouvant étayer les allégations des requérantes à cet effet, et ce, indépendamment du point de savoir si cette étude a une valeur probante ou non.

102    En effet, s’il est vrai que les trois scénarios envisagés par l’étude permettent d’avoir une vision d’ensemble des effets de l’unité C de la centrale de Hinkley Point sur le segment du marché de l’électricité en Allemagne sur la base de ce qu’il est convenu d’appeler le « merit-order », à savoir, plus précisément, l’ordre dans lequel les installations de production d’électricité ont été reliées au réseau en fonction de la demande, telle que celle-ci se développe, entre autres, dans le cadre des opérations effectuées à la bourse de l’électricité, il n’en reste pas moins que la grande majorité des données de cette étude, à savoir celles contenues aux pages 1 à 37, ne constituent que des prévisions d’ordre général.

103    Ce constat vaut également pour ce qui est de l’argument des requérantes censé confirmer une baisse de prix susceptible de conduire au manque à gagner et qui vise à démontrer que la construction de l’unité C de la centrale de Hinkley Point engendrerait un recul du prix de l’électricité de base d’environ 0,2 euros/MWh en 2040 en ce qui concerne les résultats annuels sur le marché allemand, ce montant représentant une baisse de prix de 0,46 %.

104    Par ailleurs, les trois scénarios ne démontrent pas un manque à gagner ou une évolution moins favorable propres aux requérantes.

105    À cet égard, s’il est exact que, à la page 38, l’étude indique que la commercialisation directe représente 10 % de l’activité de la première requérante, cette donnée ne saurait être prise en considération. En effet, ainsi que le souligne l’auteur de l’étude, cette donnée n’a été fournie que par la première requérante et ne peut être vérifiée.

106    De plus, s’il est constant qu’un nombre important des données utilisées dans cette étude sont publiques, les données publiques ne constituent que celles présentées dans le chapitre 3.1., ainsi que dans la liste des sources de l’étude. À ce titre, il convient de mentionner le rapport de l’Agence internationale de l’énergie (IEA), « World Energy Outlook », de 2014, ainsi qu’une étude commandée par la Commission, intitulée « EU energy, transport and GHG emissions – trends to 2050 », présentant l’évolution du parc des centrales en Europe.

107    Cependant, les données fournies par les requérantes quant au prétendu manque à gagner ne sauraient être déduites des ouvrages susmentionnés, vu qu’ils n’ont pas été versés au dossier.

108    Qui plus est, ni les montants précisés dans les annexes 6 et 7 de la requête ni les explications apportées par les requérantes aux points 74 à 85 de ce dernier document, ne permettent de lever l’incertitude concernant l’exactitude des allégations quant à l’existence d’un manque à gagner propre aux requérantes.

109    S’agissant desdites annexes, force est de constater qu’elles ne fournissent aucun élément de preuve permettant de vérifier l’exactitude des chiffres qu’elles mentionnent. Il en va de même pour les citations dans les notes de bas de page aux points 75 à 85 de la requête. Ces citations représentent des renvois à des rapports d’activité pour les années 2013 ou 2014 qui, n’ayant pas été versés au dossier et ne pouvant être examinés, ne sauraient emporter la conviction.

110    Par ailleurs, aucune appréciation de l’exactitude des données fournies quant au prétendu manque à gagner concernant l’électricité produite par cogénération ne peut être faite sur le fondement des écrits des requérantes ou des annexes à ces documents, y compris, notamment, l’étude « Energy Brainpool».

111    Pour le surplus, les allégations des requérantes quant à la commercialisation de l’électricité de gré à gré et directe, ainsi qu’à la participation à l’EEX ne sont étayées par aucune donnée précise permettant de déterminer, ne serait-ce que d’une manière approximative, le volume actuel ou futur des contrats de gré à gré, d’une part, ou la quote-part actuelle ou future des contrats négociés à l’EEX, d’autre part.

112    Ensuite, s’agissant de l’argument des requérantes portant sur la survenance de prix négatifs à la bourse EPEX Spot SE, il convient de constater que la circonstance que l’article 24 de la loi EEG pourrait conduire à une absence d’aides pour les installations EEG au cas où les prix de l’électricité chuteraient en dessous de zéro pendant au moins six heures consécutives, démontre, certes, que les mesures litigieuses pourraient exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence entre ces opérateurs et NNB.

113    Font défaut, toutefois, des données précises quant au volume des contrats conclus dans le cadre de ladite bourse.

114    En outre, rien ne permet de conclure que la situation des contrats des requérantes se distingue de celle de l’ensemble des opérateurs qui sont soumis au même phénomène.

115    Compte tenu de ces considérations, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la décision attaquée serait susceptible de porter une atteinte substantielle à leur position concurrentielle sur le marché de l’électricité de l’Union.

 Sur les objectifs de politique environnementale et énergétique tels que poursuivis par les requérantes

116    Ainsi qu’il a été rappelé au point 35 ci-dessus, l’affectation individuelle des sujets autres que les destinataires d’une décision, au sens de la deuxième variante du quatrième alinéa de l’article 263, TFUE, peut découler non seulement d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne, mais également de certaines qualités qui leur sont particulières.

117    À cet égard, les requérantes soutiennent en substance qu’une qualité particulière peut être déduite du fait qu’elles développent les énergies renouvelables et la technologie de la cogénération, et poursuivraient de ce fait les objectifs environnementaux et de politique énergétique de l’Union. À ce titre, les requérantes indiquent également qu’elles refusent de recourir à l’énergie nucléaire.

118    À ce titre, il importe de relever que, à supposer même que les objectifs poursuivis par les requérantes dans le cadre de leur modèle d’activité sont les mêmes que les objectifs de la politique de l’Union dans les domaines de la protection de l’environnement et de l’énergie, tels que prévus aux articles 191, paragraphe 1, et 194, paragraphe 1, sous c), TFUE, une seule et simple coïncidence à cet égard ne saurait constituer une particularité propre aux requérantes.

119    En effet, d’autres opérateurs du marché de l’électricité peuvent poursuivent les mêmes objectifs.

120    En tout état de cause, selon les points 373 et 374 de la décision attaquée, les mesures notifiées sont censées contribuer, entre autres, à la réalisation de l’objectif de sécurité de l’approvisionnement, lequel constitue, selon l’article 194, paragraphe 1, sous b), TFUE, également l’un des objectifs principaux de l’Union dans le domaine de la politique de l’énergie.

121    Or, les requérantes n’établissent, à cet égard, pas en quoi la circonstance qu’elles fondent leur modèle d’activité sur l’un des objectifs de politique de l’Union, les distingue du bénéficiaire de l’aide résultant des mesures notifiées, dont l’activité commerciale s’apparente à un objectif relevant également du traité FUE.

122    Les arguments visant à souligner la particularité des troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième et dixième requérantes en tant que gestionnaires de réseaux de distribution ne sauraient infirmer ce constat.

123    Plus précisément, de l’avis de ces requérantes, leur affectation individuelle, au sens de la deuxième variante du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE, ressortirait de l’obligation, en vertu de l’article 25, paragraphe 4, de la directive 2009/72 de l’article 16, paragraphe 2, de la directive 2009/28 et de l’article 15, paragraphe 5, de la directive 2012/27, d’accorder la priorité aux installations de production utilisant des sources d’énergie renouvelables ou exploitées selon le principe de la cogénération. Les requérantes devraient, selon l’article 25, paragraphe 7, de la directive 2009/72, mettre en œuvre des mesures d’efficacité énergétique ainsi que de gestion des réseaux pour assurer la priorité d’accès des installations utilisant des énergies renouvelables ou la cogénération audits réseaux. Quant à lui, le paquet des mesures notifiées rendrait les installations nécessaires pour la prise de telles mesures non rentables. Les frais de réseau augmenteraient, cette augmentation devant, en fin de compte, être répercutée sur les consommateurs finals.

124    À cet égard, il convient de relever d’emblée que l’obligation, pour les troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième et dixième requérantes, de donner priorité à l’accès des installations utilisant des sources d’énergies renouvelables ou des déchets ou opérant selon la technologie de la cogénération, ne saurait être remise en cause en tant que telle par le fait que l’unité C de la centrale de Hinkley Point injectera de l’électricité dans les réseaux de l’Union. Les requérantes conservent leur obligation de traiter prioritairement les sources d’énergies visées aux dispositions citées au point précédent, et ce, sans que l’activité de l’unité C de la centrale de Hinkley Point ne remette en question cette obligation.

125    S’agissant, concrètement, de l’obligation des requérantes de mettre en œuvre des mesures d’efficacité énergétique ainsi que de gestion des réseaux pour assurer la priorité d’accès des installations utilisant des énergies renouvelables ou la cogénération audits réseaux, il convient de relever que, ainsi que la Commission le fait valoir, les conséquences de l’activité de l’unité C de la centrale de Hinkley Point sont identiques pour tous les gestionnaires de réseaux. À cet effet, les requérantes ne démontrent pas l’existence d’une qualité qui leur est particulière en ce sens que leur situation pourrait être distinguée de la situation des autres gestionnaires de réseaux du marché de l’électricité de l’Union.

126    Par ailleurs, il convient de relever que, en toute hypothèse, ainsi que le relèvent les requérantes elles-mêmes, une éventuelle augmentation des frais de réseau serait, en fin de compte, répercutée sur les consommateurs finals.

127    Dès lors, l’argument tendant à illustrer l’existence d’une affectation individuelle en raison de la particularité des troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième et dixième requérantes en tant que gestionnaires de réseaux et du fait de la mise en cause de la planification du développement de leurs réseaux, ainsi que de la mise en cause de la gestion de ces derniers, y compris de la distribution des capacités produites, doit être rejeté.

 Sur l’argument selon lequel la décision attaquée constitue un précédent

128    Aux fins de démontrer leur statut particulier au sens de la jurisprudence issue de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17), les requérantes invoquent également le fait que la décision attaquée constitue un « précédent » suscitant des « convoitises » dans les États membres. Ainsi, quelques États membres auraient déjà exprimé leur volonté de construire de nouvelles centrales nucléaires financées par un CfD. Cet effet d’imitation accentuerait encore davantage la distorsion de concurrence et cette évolution signifierait, à moyen terme, la fin économique des requérantes.

129    À cet égard, il y a lieu de relever d’emblée que seuls les effets juridiques propres à la décision attaquée peuvent être pris en compte aux fins de démontrer l’affectation individuelle des requérantes.

130    Or, la possibilité, pour la Commission, d’adopter, dans le futur, des décisions en matière d’aides d’État pour d’autres projets de centrales nucléaires constitue un élément qui ne repose pas sur la décision attaquée.

131    De plus, à supposer même que la décision attaquée constitue effectivement un précédent pour d’autres projets de centrales nucléaires telles qu’envisagées par d’autres États membres et même s’il n’est pas a priori exclu que la construction de nouvelles centrales nucléaires dans d’autres État membres entraînent, elle aussi, une baisse des prix de l’électricité sur le marché de l’électricité de l’Union, il n’en demeure pas moins que les requérantes ne démontrent pas l’incidence que pourrait avoir d’autres centrales nucléaires sur leur propre position sur le marché. De plus, les effets de la construction d’autres centrales nucléaires se répercuteraient sur l’intégralité des producteurs et fournisseurs d’électricité et des gestionnaires de réseau dans l’Union, sans que les requérantes aient démontré en l’espèce en quoi une éventuelle atteinte, du fait desdites centrales nucléaires, à leur position sur le marché se distingue de la situation concurrentielle des autres opérateurs sur le marché de l’électricité de l’Union.

132    L’existence d’une affectation individuelle des requérantes ne pouvant pas être retenue sur la base d’un tel constat, il convient de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la décision attaquée constitue un précédent pour d’autres États membres.

 Sur la protection juridique effective selon l’article 47 de la Charte

133    Afin de démontrer une affectation individuelle au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les requérantes font valoir que, du fait que l’article 107 TFUE les protège dans la mesure où il vise à empêcher que leur situation concurrentielle soit affectée par des interventions étatiques en faveur de certaines entreprises, il faut également qu’elles bénéficient d’une protection juridique effective au sens de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Selon la jurisprudence de la Cour, le besoin de protection juridique indispensable à la recevabilité d’un recours en annulation fait défaut tant qu’une telle protection peut être demandée devant des juridictions nationales qui peuvent introduire une demande de décision préjudicielle devant la Cour. Or, les requérantes ne disposeraient précisément pas de cette possibilité. Aucune d’entre elles ne pourrait introduire un recours au Royaume-Uni, étant donné qu’aucune d’elles n’y possèderait d’établissement. Ainsi, il leur serait impossible de faire demander une décision préjudicielle.

134    À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que l’article 47 de la Charte n’a pas pour objet de modifier le système de contrôle juridictionnel prévu par les traités, et notamment les règles relatives à la recevabilité des recours formés directement devant la juridiction de l’Union, ainsi qu’il découle également des explications afférentes à cet article 47, lesquelles doivent, conformément aux articles 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et 52, paragraphe 7, de la Charte, être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci (arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 97, et du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 43).

135    Ainsi, toutes les conditions de recevabilité prévues à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE doivent être examinées à la lumière du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective, sans pour autant aboutir à écarter ces conditions, qui sont expressément prévues par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 98 et jurisprudence citée, et du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 44).

136    Dès lors que, en l’absence d’éléments de droit ou factuels pertinents ou suffisamment convaincants, les requérantes ne sont pas parvenues à démontrer que les conditions spécifiques de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, étaient remplies, le recours au droit à une protection juridique effective, tel que prévu à l’article 47 de la Charte ne saurait remédier au manquement auxdites conditions.

137    De plus, il convient de rappeler que le contrôle juridictionnel du respect de l’ordre juridique de l’Union est assuré, ainsi qu’il ressort de l’article 19, paragraphe 1, TUE, non seulement par la Cour, mais également par les juridictions des États membres. En effet, le traité FUE a, par ses articles 263 et 277 TFUE, d’une part, et par son article 267 TFUE, d’autre part, établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes de l’Union, en le confiant au juge de l’Union (arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, points 90 et 92, et du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 45).

138    À ce titre, il convient de préciser que les justiciables ont, dans le cadre d’une procédure nationale, le droit de contester en justice la légalité de toute décision ou de tout autre acte national relatif à l’application à leur égard d’un acte de l’Union de portée générale, en excipant de l’invalidité de ce dernier (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 46 et jurisprudence citée).

139    Il s’ensuit que le renvoi en appréciation de validité constitue, au même titre que le recours en annulation, une modalité du contrôle de la légalité des actes de l’Union (arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 95, et du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 47).

140    À cet égard, il importe de rappeler que, lorsqu’une juridiction nationale estime qu’un ou plusieurs moyens d’invalidité d’un acte de l’Union avancés par les parties ou, le cas échéant, soulevés d’office, sont fondés, elle doit surseoir à statuer et saisir la Cour d’une procédure de renvoi préjudiciel en appréciation de validité, cette dernière étant seule compétente pour constater l’invalidité d’un acte de l’Union (voir arrêt du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, EU:C:2006:10, points 27 et 30 et jurisprudence citée ; arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 96, et du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 48).

141    À l’égard des personnes qui ne satisfont pas aux conditions de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, pour porter un recours devant la juridiction de l’Union, il incombe donc aux États membres de prévoir un système de voies de recours et de procédures permettant d’assurer le respect du droit fondamental à une protection juridictionnelle effective (voir arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 100 et jurisprudence citée ; arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 49).

142    Cette obligation des États membres a été réaffirmée à l’article 19, paragraphe 1, second alinéa, TUE selon lequel ceux-ci « établissent les voies de recours nécessaires pour assurer une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l’Union » (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 101). Une telle obligation résulte également de l’article 47 de la Charte s’agissant des mesures prises par les États membres mettant en œuvre le droit de l’Union au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 50).

143    En l’espèce, ainsi qu’il découle des points 6 et suivants de la décision attaquée, l’aide résultant des mesures notifiées se compose d’une garantie destinée à assurer un crédit que les investisseurs doivent contracter sur le marché des capitaux et d’une mesure garantissant des revenus stables pendant l’exploitation de l’unité C de la centrale une fois que celle-ci aura été construite, financée par les fonds des investisseurs.

144    Les requérantes n’établissent pas sur la base d’éléments de droit ou de fait que les composantes de l’aide en cause constituent des mesures qui ne peuvent être attaquées en tant que telles devant le juge national. À l’égard de la question de savoir si elles ont accès au juge national, les requérantes se bornent à rappeler qu’elles ne disposent pas d’établissement au Royaume-Uni, sans toutefois démontrer que le seul fait qu’elles ne possèdent pas d’établissement dans cet État membre les empêche d’y introduire un recours.

145    Dès lors, il convient de rejeter leur argument concernant la protection juridique effective.

146    Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter l’argumentation des requérantes tendant à établir une affectation individuelle au sens de la deuxième variante du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE. Il s’ensuit que, indépendamment de la question de savoir si les requérantes sont également directement concernées par la décision attaquée, le présent recours en annulation ne remplit pas les conditions de recevabilité prévues à cette disposition.

 Sur l’existence d’un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution

147    Ainsi qu’il a été relevé au point 32 ci-dessus, le présent recours peut être déclaré recevable, en vertu de la troisième variante du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE, si les requérantes sont directement concernées par la décision attaquée et que cette dernière constitue un acte réglementaire qui ne comporte pas de mesures d’exécution.

148    À l’égard de la notion d’« acte réglementaire », il convient de rappeler que celle-ci doit être comprise comme visant tout acte de portée générale à l’exception des actes législatifs (ordonnance du 14 janvier 2015, SolarWorld e.a./Commission, T‑507/13, EU:T:2015:23, point 64). Cependant, ainsi que la Cour l’a d’ores et déjà jugé, il ressort de l’article 263, quatrième alinéa, troisième branche, TFUE que cette notion ne saurait viser l’ensemble des actes de portée générale, mais qu’elle se rapporte à une catégorie plus restreinte d’actes de cette nature. Recourir à une interprétation contraire reviendrait à vider de son sens la distinction opérée par les deuxième et troisième branches de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE entre les termes « actes » et « actes réglementaires » (arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 58).

149    En l’espèce, force est de constater d’emblée que la décision attaquée ne s’applique pas à des situations déterminées objectivement et ne produit pas d’effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir, en ce sens, ordonnance du 14 janvier 2015, SolarWorld e.a./Commission, T‑507/13, EU:T:2015:23, point 64).

150    La décision attaquée ayant pour unique destinataire le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et concernant une aide individuelle, dès lors qu’elle est octroyée à une centrale identifiée dans la décision même, elle a une portée individuelle. Dès lors, il ne peut s’agir d’un acte réglementaire, au sens de la troisième variante du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, ordonnance du 3 avril 2014, CFE-CGC France Télécom-Orange/Commission, T‑2/13, non publiée, EU:T:2014:226, point 28, et arrêt du 3 décembre 2014, Castelnou Energía/Commission, T‑57/11, EU:T:2014:1021, point 23).

151    En conséquence, il convient de rejeter l’argument des requérantes quant à l’existence d’un acte réglementaire au sens de la troisième variante du quatrième alinéa de l’article 263 TFUE.

152    Au vu de ce qui précède, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’éventuelle affectation directe des requérantes au sens de cette disposition et sans qu’il soit besoin de se pencher sur la question de savoir si la décision attaquée ne comporte pas de mesures d’exécution au sens de cette même disposition, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble comme irrecevable en raison d’un défaut de qualité pour agir des requérantes.

 Sur les demandes d’intervention

153    Conformément à l’article 144, paragraphe 3, du règlement de procédure lorsque le défendeur dépose une exception d’irrecevabilité ou d’incompétence, visée à l’article 130, paragraphe 1, il n’est statué sur la demande d’intervention qu’après le rejet ou la jonction de l’exception au fond.

154    En l’espèce, le recours étant rejeté dans son ensemble, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes d’intervention présentées par NNB, la République slovaque, la Hongrie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la République française, la République tchèque et la République de Pologne (ordonnance du 21 janvier 2016, Proforec/Commission, T‑120/15, non publiée, EU:T:2016:50, point 37).

 Sur les dépens

155    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission, à l’exception de ceux afférents aux demandes d’intervention.

156    En application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, les requérantes, la Commission, NNB, la République slovaque, la Hongrie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la République française, la République tchèque et la République de Pologne supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes d’intervention présentées par NNB Generation Company Limited, la République slovaque, la Hongrie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la République française, la République tchèque et la République de Pologne.

3)      Greenpeace Energy eG et les autres requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne à l’exception de ceux afférents aux demandes d’intervention.

4)      Greenpeace Energy et les autres requérantes dont les noms figurent en annexe, la Commission, NNB Generation Company Limited, la République slovaque, la Hongrie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, la République française, la République tchèque et la République de Pologne supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 26 septembre 2016.

Le greffier

 

       Le président

E.  Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’allemand.


1 –      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.