DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

12 décembre 2019 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale BIOTON – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement (UE) 2017/1001 – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑255/19,

Baustoffwerke Gebhart & Söhne GmbH & Co. KG, établie à Aichstetten (Allemagne), représentée par Me E. Strauß, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes J. Schäfer et A. Söder, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 20 février 2019 (affaire R 1887/2018-4), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal BIOTON comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de M. A. Kornezov, président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. G. Hesse (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 18 avril 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 3 juillet 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 30 janvier 2018, la requérante, Baustoffwerke Gebhart & Söhne GmbH & Co. KG, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal BIOTON.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 19 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, notamment, à la description suivante : « Matériaux de construction non métalliques ; éléments de revêtement ; éléments de façade ; briques ».

4        Par décision du 12 septembre 2018, la demande d’enregistrement a été partiellement rejetée par l’examinateur pour une partie des produits visés, à savoir pour les produits décrits au point 3 ci-dessus, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c) et b), du règlement 2017/1001, au motif que la marque demandée était descriptive et, partant, dépourvue de caractère distinctif.

5        Le 25 septembre 2018, la requérante a formé un recours, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 20 février 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, la chambre de recours a considéré que le signe demandé devait être refusé à l’enregistrement en application, d’une part, de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et, d’autre part, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, dès lors que, en tant qu’indication descriptive, le signe demandé était dépourvu de caractère distinctif.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et admettre pour publication la demande de marque de l’Union européenne BIOTON pour tous les produits visés ;

–        à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire à l’EUIPO en lui enjoignant de modifier la décision de la quatrième chambre de recours dans l’affaire R1887/2018-4 et d’admettre l’enregistrement de la marque de l’Union européenne BIOTON pour tous les produits visés ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        La requérante invoque en substance deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, et le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7 paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001

10      La requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré à tort que le signe BIOTON représentait des caractéristiques des produits en cause en ce que ceux-ci pouvaient être fabriqués en argile de manière écologique. Selon la requérante, le public germanophone ne comprend pas chaque combinaison de mots qui contient le préfixe « bio » comme descriptive et compréhensible. En l’occurrence, l’argile en tant que matière première ne saurait être cultivée, ni fabriquée de manière respectueuse de l’environnement. Ainsi, les produits en cause ne seraient pas décrits par le signe demandé BIOTON.

11      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

12      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci.

13      Les signes ou indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 sont réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service [arrêts du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 30, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 37].

14      Pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques [voir arrêts du 12 janvier 2005, Deutsche Post EURO EXPRESS/OHMI (EUROPREMIUM), T‑334/03, EU:T:2005:4, point 25 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 25 et jurisprudence citée].

15      En outre, il est de jurisprudence constante qu’une marque constituée d’un mot composé d’éléments dont chacun est descriptif des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé est elle-même descriptive des caractéristiques de ces produits ou de ces services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 2017/1001, sauf s’il existe un écart perceptible entre le mot et la simple somme des éléments qui le composent. Cela suppose que, en raison du caractère inhabituel de la combinaison de ces éléments par rapport auxdits produits ou services, le mot crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, de sorte qu’il prime la somme desdits éléments [voir, en ce sens, arrêt du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, EU:T:2005:247, point 27 et jurisprudence citée].

16      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si la chambre de recours a considéré à juste titre que le signe BIOTON tombait sous le coup de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/2001.

17      S’agissant, d’abord, du public pertinent, il n’est pas contesté que celui-ci comprend notamment les professionnels du secteur de la construction, ainsi que l’a relevé la chambre de recours au point 21 de la décision attaquée. En outre, le signe verbal en cause étant composé de termes appartenant à l’allemand, c’est au regard d’un public germanophone que doit se faire l’appréciation.

18      En ce qui concerne, ensuite, le point de savoir si le signe BIOTON présente, pour le public pertinent, un rapport suffisamment direct et concret de nature à lui permettre de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques, il convient de constater, tout d’abord, que le signe en cause est constitué par un mot composé de la juxtaposition des deux éléments verbaux « bio » et « ton ».

19      En ce qui concerne, premièrement, le terme allemand « Ton », qui signifie « argile », il est constant qu’il fait référence à la matière première qui peut être utilisée pour façonner les produits en cause.

20      S’agissant, deuxièmement, du sens de l’élément verbal « bio », la requérante argue, en substance, que celui-ci est compris, en allemand, comme une référence à un aliment naturel ou produit de manière naturelle. En outre, ce terme se référerait à des matières premières vivantes qui repoussent, telles que le bois ou le coton.

21      À cet égard, il convient de relever, ainsi que la chambre de recours l’a souligné, en substance, au point 13 de la décision attaquée, que l’élément verbal « bio » a acquis un sens plus large dans le langage courant. En particulier, dans le commerce, son utilisation comme préfixe ou suffixe a acquis aujourd’hui une portée hautement évocatrice, qui peut éventuellement être perçue d’une manière différente selon le produit mis en vente auquel il est rattaché, mais qui, de manière générale, renvoie à l’idée de respect de l’environnement, de l’utilisation de matières naturelles, voire de procédés de fabrication écologiques [voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2015, Laverana/OHMI (BIO organic), T‑610/14, non publié, EU:T:2015:613, point 17 et jurisprudence citée]. Une telle constatation peut également être effectuée à l’égard de la perception de l’élément verbal « bio » par le public germanophone.

22      Ainsi, en fonction du produit concerné, le terme « bio » peut être perçu par le public pertinent comme indiquant que le produit a été fabriqué à base de matières naturelles, voire dans des conditions respectueuses de l’environnement.

23      En l’occurrence, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré, au point 14 de la décision attaquée, que le terme « bio » était de nature à être perçu, par le public pertinent, comme descriptif de certaines caractéristiques des produits en cause, qui peuvent, notamment, être fabriqués à la base d’argile cuite, une matière première d’origine naturelle, et, le cas échéant, être produits dans le respect de l’environnement.

24      Il convient de vérifier, ensuite, s’il existe un écart perceptible entre le mot « bioton » et la simple somme des éléments qui le composent au sens de la jurisprudence citée au point 15 ci-dessus.

25      À l’instar de la chambre de recours, il y a lieu de constater que la somme des éléments « bio » et « ton » ne s’écarte pas du terme « bioton ». En effet, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours au point 16 de la décision attaquée, le terme « bioton », correspondant à la simple juxtaposition de deux termes descriptifs, sans qu’y soit apportée une modification inhabituelle, notamment d’ordre grammatical ou sémantique, de ceux-ci, reste descriptif des produits en cause pour ce qui concerne certaines de leurs caractéristiques, dont l’indication de la matière de base, la provenance naturelle de celle-ci et la manière dont ils sont produits. Ainsi, ce terme ne crée pas une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, de sorte qu’il ne prime pas la somme desdits éléments, au sens de la jurisprudence citée au point 15 ci-dessus.

26      Le fait que, selon la requérante, à la suite d’une recherche sur l’internet, le terme « bioton » n’apparaît pas en tant que désignant des produits semblables aux produits en cause ne saurait remettre en question ce constat. En effet, pour que l’EUIPO oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il n’est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services, tels que ceux pour lesquels la demande est présentée, ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de ladite disposition, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32).

27      Par ailleurs, en ce qui concerne les marques antérieures invoquées par la requérante, il y a lieu de rappeler que les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne qui sont prises par les chambres de recours en vertu du règlement 2017/1001 relèvent d’une compétence liée et non pas d’un pouvoir discrétionnaire, si bien que la légalité des décisions de ces mêmes chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union (voir arrêt du 6 septembre 2018, Bundesverband Souvenir – Geschenke – Ehrenpreise/EUIPO, C‑488/16 P, EU:C:2018:673, point 72 et jurisprudence citée) et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure à celles-ci (arrêt du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47), y compris lorsque cette pratique concerne des décisions nationales.

28      À cet égard, s’agissant, en particulier, de la décision d’une chambre de recours rendue dans l’affaire R 663/99-3 concernant la demande d’enregistrement de la marque de l’Union européenne BIOSILK du 31 juillet 1996, citée par la requérante au point 14 de la requête, celle-ci ne saurait remettre en cause cette conclusion. En effet, cette demande portait sur des produits de soin et de beauté relevant de la classe 3 par rapport auxquels l’élément verbal « bio » au sens de « vie » n’était pas descriptif selon la chambre de recours concernée. Étant donné que, depuis cette décision, ainsi qu’il a été exposé au point 21 ci-dessus, la signification de l’élément verbal « bio » a évolué de sorte qu’il renvoie de manière générale à l’idée de respect de l’environnement, de l’utilisation de matières naturelles, voire de procédés de fabrication écologiques, c’est à bon droit que, en l’espèce, la chambre de recours a considéré que ladite décision n’était pas transposable.

29      Par conséquent, il résulte de ce qui précède que le premier moyen invoqué par la requérante, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, doit être écarté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7 paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

30      La requérante fait valoir que la chambre de recours a considéré, à tort, que le signe demandé pour les produits en cause n’aurait pas de caractère distinctif.

31      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2017/1001, il suffit qu’un des motifs absolus de refus s’applique pour que le signe ne puisse être enregistré comme marque de l’Union européenne (voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2002, DKV/OHMI, C‑104/00 P, EU:C:2002:506, point 29).

32      Par conséquent, dès lors que, ainsi que cela ressort de l’examen du premier moyen, le signe dont l’enregistrement est demandé revêt un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et que ce motif justifie à lui seul le refus d’enregistrement, il n’est pas nécessaire, en l’espèce, d’examiner le bien-fondé du moyen tiré d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement [voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2018, Addiko Bank/EUIPO (STRAIGHTFORWARD BANKING), T‑9/18, non publié, EU:T:2018:827, point 38 et jurisprudence citée].

33      Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

34      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Baustoffwerke Gebhart & Söhne GmbH & Co. KGest condamnée aux dépens.

Kornezov

Kowalik‑Bańczyk

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.