DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

17 novembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative THE ONLY ONE by alphaspirit wild and perfect – Marque de l’Union européenne verbale antérieure ONE – Motifs relatifs de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (CE) n° 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001] – Décision prise à la suite de l’annulation par le Tribunal d’une décision antérieure – Article 72, paragraphe 6, du règlement (UE) 2017/1001 – Autorité de la chose jugée »

Dans l’affaire T‑616/20,

Société des produits Nestlé SA, établie à Vevey (Suisse), représentée par Mes A. Jaeger-Lenz et C. Elkemann, avocates,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes G. Sakalaitė-Orlovskienė et D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Amigüitos pets & life, SA, établie à Lorca (Espagne), représentée par Me N. Fernández Fernández-Pacheco, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 29 juillet 2020 (affaire R 424/2020‑5), relative à une procédure d’opposition entre Société des produits Nestlé et Amigüitos pets & life,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva (rapporteure) et T. Perišin, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 5 octobre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 14 décembre 2020,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 15 décembre 2020,

vu la désignation d’un autre juge pour compléter la chambre à la suite du décès de M. le juge Berke survenu le 1er août 2021,

à la suite de l’audience du 23 septembre 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 28 avril 2016, l’intervenante, Amigüitos pets & life, SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé, en revendiquant les couleurs blanche, rouge et noire, est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 5 et 31 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Compléments alimentaires, protéiniques et vitaminés pour animaux, en particulier pour chiens ; stimulants alimentaires pour animaux, y compris recouvrements alimentaires pour l’administration de médicaments ; préparations d’oligo-éléments pour la consommation humaine et animale ; protéines (compléments de) pour animaux, suppléments alimentaires, diététiques, protéiques, antibiotiques pour animaux ; compléments alimentaires pour animaux à usage vétérinaire ; additifs destinés à la nutrition animale à usage vétérinaire ; animaux (produits pour le bain) ; antiparasitaires (colliers) pour animaux ; appâts pour animaux de compagnie ; bains parasiticides pour animaux [préparations] ; colliers antipuces pour animaux ; sperme d’animaux ; sperme animal pour l’insémination animale ; préparations répulsives pour éloigner les animaux ; médicaments à usage vétérinaire ; couches absorbantes en cellulose pour animaux de compagnie ; poudres antipuces pour animaux ; préparations pharmaceutiques pour le soin de la peau des animaux ; préparations pharmaceutiques pour animaux, produits pour laver les animaux, couches jetables pour éduquer les animaux de compagnie ; traitement pour la peau des animaux à usage vétérinaire ; vaccins contre le piétin ; vitamines pour animaux ; lotions et produits pour laver les animaux ; parasiticides ; produits antiparasitaires ; collerettes antiparasitaires pour animaux ; préparations bactériennes et bactériologiques à usage vétérinaire ; préparations enzymatiques à usage vétérinaire ; aminoacides à usage vétérinaire, graisses à usage vétérinaire, remèdes à usage vétérinaire, ciments pour sabots d’animaux, produits pharmaceutiques et vétérinaires ; produits hygiéniques pour la médecine » ;

–        classe 31 : « Aliments pour animaux ; aliments pour chiens ; aliments contenant du foie, poulet, agneau, bœuf, poisson, porc pour nourrir les chiens ; aliments sous forme de tacos, anneaux et barres pour nourrir les chiens ; aliments en boîte pour chiens ; aliments pour chien aromatisés au fromage ; aliments pour chiens de course ; boissons pour chiens ; friandises comestibles pour chiens ; aliments pour chiens ; biscuits pour chien ; os pour chiens ; os à mâcher et digérables pour chiens ; lait utilisé comme aliment pour chiens ; litière pour chiens ; aliments pour chiens ; préparations alimentaires pour chiens ; produits comestibles à mâcher pour chiens ; animaux vivants ; semences, plantes et fleurs naturelles ; produits agricoles, horticoles, forestiers et semences, non compris dans d’autres classes ; appâts (aliments pour animaux domestiques) ; fortifiantes (substances alimentaires) pour animaux ; objets comestibles à mâcher pour animaux ; aliments pour oiseaux ; biscuits pour chiens ; protéines pour l’alimentation des animaux ; sable aromatique pour animaux domestiques ; boissons pour animaux de compagnie ; produits à répandre sur les litières des animaux ; friandises pour animaux ».

4        La demande d’enregistrement a été publiée au Bulletin des marques de l’Union Européenne n° 2016/117, du 27 juin 2016.

5        Le 21 septembre 2016, la requérante, Société des produits Nestlé SA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure ONE, déposée le 23 décembre 2013 et enregistrée le 6 mai 2014 sous le numéro 012460275, désignant les produits relevant de la classe 31 et correspondant à la description suivante : « Aliments pour les animaux ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 [devenu l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

8        Le 7 décembre 2017, la division d’opposition a considéré que la marque demandée était susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ONE, ou de leur porter préjudice, et, par conséquent, a accueilli l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 pour la plupart des produits relevant des classes 5 et 31. En revanche, la division d’opposition a rejeté l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, dudit règlement pour les « préparations d’oligo-éléments pour la consommation humaine » relevant de la classe 5 et les « fleurs » relevant de la classe 31.

9        Le 7 février 2018, l’intervenante a formé un recours, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 19 novembre 2018, la quatrième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours formé par l’intervenante contre la décision de la division d’opposition. Plus particulièrement, elle a accueilli l’opposition de la requérante, d’une part, sur le fondement des motifs énoncés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, pour les produits identiques ou au moins moyennement similaires, et, d’autre part, sur le fondement des motifs énoncés à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, pour les produits avec un faible degré de similitude et pour les produits différents.

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 janvier 2019, l’intervenante a introduit un recours visant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours du 19 novembre 2018 pour violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

12      Par arrêt du 19 décembre 2019, Amigüitos pets & life/EUIPO – Société des produits Nestlé (THE ONLY ONE by alphaspirit wild and perfect) (T‑40/19, non publié, ci-après l’« arrêt d’annulation », EU:T:2019:890), le Tribunal a accueilli les deux moyens soulevés par Amigüitos pets & life et a annulé ladite décision. En substance, le Tribunal a estimé que le très faible degré de similitude des signes en conflit ne permettait pas de considérer qu’il existait un risque de confusion entre eux, en dépit de la similitude, voire de l’identité, des produits. Selon le Tribunal, cette conclusion n’était pas remise en cause par les arguments de l’EUIPO et de la requérante selon lesquels la marque antérieure avait un caractère distinctif accru et une renommée, susceptibles de compenser tout éventuel affaiblissement du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure. En effet, le Tribunal a constaté que les preuves produites par la requérante devant l’EUIPO ne permettaient d’établir que la renommée de la marque PURINA ONE et non celle de la marque antérieure. Dès lors, en l’absence d’une évaluation par la chambre de recours, conformément à la jurisprudence, de la possibilité d’établir la renommée de la marque antérieure sur la base d’une marque présentée sous une forme différente, notamment sous celle du signe PURINA ONE, et de la question de savoir si les éléments de différence entre ces deux marques faisaient obstacle à ce que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant de la même entreprise, le Tribunal a conclu que les arguments de l’EUIPO et de la requérante n’étaient pas susceptibles de remettre utilement en cause la conclusion selon laquelle il n’y avait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

13      Par ordonnance du 4 juin 2020, Société des produits Nestlé/Amigüitos pets & life et EUIPO (C‑97/20 P, non publiée, EU:C:2020:442), la Cour a refusé d’admettre le pourvoi de la requérante.

14      À la suite de l’ordonnance du 4 juin 2020, Société des produits Nestlé/Amigüitos pets & life et EUIPO (C‑97/20 P, non publiée, EU:C:2020:442), l’affaire a été renvoyée, par décision du présidium des chambres de recours du 19 février 2020, devant la cinquième chambre de recours, sous la référence R 424/2020‑5, pour qu’elle statue à nouveau.

15      Par décision du 29 juillet 2020 (ci-après la « décision attaquée »), le recours de l’intervenante a été accueilli et l’opposition formulée par la requérante a été rejetée dans son intégralité.

16      Tout d’abord, la chambre de recours a fait siennes les conclusions de l’arrêt d’annulation en ce qui concerne, d’une part, le public pertinent et le niveau d’attention de celui-ci et, d’autre part, la comparaison des produits concernés et des marques en conflit.

17      Ensuite, la chambre de recours a considéré que le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure était normal, même si, selon elle, il n’était pas nécessaire de se prononcer, en tout état de cause, sur ledit caractère, étant donné que, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal avait déjà constaté que le très faible degré de similitude des signes en conflit ne permettait pas de conclure à l’existence d’un risque de confusion.

18      Par ailleurs, s’agissant de la revendication du caractère distinctif accru de la marque antérieure, la chambre de recours a observé que, selon l’arrêt d’annulation, les éléments de preuve invoqués par la requérante devant l’EUIPO ne démontraient pas un tel caractère, mais uniquement la renommée de la marque PURINA ONE. À cet égard, la chambre de recours a constaté, d’une part, que le Tribunal avait procédé lui-même aux appréciations relatives au caractère distinctif accru de la marque antérieure et, d’autre part, que les conclusions tirées à cet égard par le Tribunal, notamment aux points 103 à 111 de l’arrêt d’annulation, avaient acquis un caractère définitif de chose jugée et étaient contraignantes à son égard. Sur ce fondement, la chambre de recours a conclu que la marque antérieure ne possédait pas le caractère distinctif accru revendiqué.

19      En outre, étant donné que, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal avait constaté qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a conclu que l’opposition fondée sur ladite disposition devait être rejetée.

20      Enfin, sur la base de la considération selon laquelle la preuve de la renommée de la marque antérieure n’avait pas été rapportée, la chambre de recours a relevé qu’une des conditions requises par l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 n’était pas satisfaite, de sorte que l’opposition devait être rejetée également à ce titre.

 Conclusions des parties

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens de la procédure devant le Tribunal ;

–        condamner l’intervenante aux dépens de la procédure devant l’EUIPO.

22      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la détermination du droit matériel applicable ratione temporis

23      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 28 avril 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement n° 207/2009 (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12, et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

24      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites, par la chambre de recours dans la décision attaquée et par les parties dans leurs écritures, à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, à l’article 46, paragraphe 1, sous a), et à l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001, comme visant, respectivement, l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, l’article 41, paragraphe 1, sous a), et l’article 75, première phrase, du règlement nº 207/2009, tel que modifié, dont la teneur est identique.

25      En revanche, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001, notamment celles de son article 72, paragraphe 6, en l’espèce.

 Sur le fond

26      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, trois moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, le deuxième, de la violation de l’article 75, première phrase, du règlement n° 207/2009 et, le troisième, de la violation de l’article 41, paragraphe 1, sous a), de ce dernier règlement, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du même règlement.

27      Par son premier moyen, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt d’annulation, au sens de l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001.

28      En substance, la requérante considère que la chambre de recours a effectué une mauvaise interprétation de son pouvoir de réexamen lors de l’adoption de la décision attaquée, dans la mesure où elle n’a pas examiné si la marque antérieure pouvait se prévaloir de la renommée de la marque PURINA ONE aux fins d’apprécier son caractère distinctif accru et sa renommée au regard de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement nº 207/2009.

29      À cet égard, la requérante relève que, dans l’arrêt d’annulation, le Tribunal avait expressément reconnu que la question de savoir si la renommée de la marque antérieure pouvait être établie sur la base d’une marque présentée sous une forme différente n’avait été ni évoquée ni examinée dans la décision annulée de la quatrième chambre de recours. Dans ces circonstances, elle estime que, lors du réexamen de l’affaire après annulation, la chambre de recours aurait dû effectuer une telle analyse.

30      La requérante ajoute que, contrairement à ce qui ressort de la décision attaquée, le Tribunal n’a pas pu se prononcer, dans l’arrêt d’annulation, sur la question de savoir si le public pertinent percevrait la renommée de la marque antérieure sur la base de la renommée d’une marque présentée sous une forme différente. La requérante relève, à cet égard, qu’il n’appartenait pas au Tribunal de se substituer aux instances de l’EUIPO afin d’apprécier, pour une première fois, une question sur laquelle la chambre de recours n’avait pas pris.

31      La requérante conclut que, si la chambre de recours avait dûment réexaminé les éléments de preuve produits pendant la procédure devant l’EUIPO concernant le caractère distinctif accru et la renommée de la marque antérieure sous une autre forme, comme cela aurait été exigé par l’arrêt d’annulation, elle aurait pu statuer différemment sur l’opposition formulée contre la marque demandée, tant sur la base de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, que sur celle de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

32      L’EUIPO, soutenu par l’intervenante, conteste ces arguments et soutient que la chambre de recours s’est pleinement conformée aux motifs de l’arrêt d’annulation lors de l’adoption de la décision attaquée.

33      À cet égard, l’EUIPO fait valoir que, selon sa lecture de l’arrêt d’annulation, le Tribunal a lui-même examiné la question relative au caractère distinctif accru et à la renommée de la marque antérieure, notamment sous la forme de la marque PURINA ONE, et que les appréciations effectuées par le Tribunal à ce sujet ont acquis l’autorité de la chose jugée.

34      L’arrêt d’annulation n’appelait dès lors pas, selon l’EUIPO, la chambre de recours à effectuer une nouvelle appréciation des éléments de preuve, mais à reprendre les considérations déjà exprimées par le Tribunal dans son arrêt.

35      Enfin, contrairement à ce que prétendrait la requérante, le Tribunal était en droit d’examiner le caractère distinctif accru et la renommée de la marque antérieure, car il disposait de tous les éléments de fait et de preuve qui y étaient afférents, ainsi que des arguments des parties.

36      Dans le cadre d’un recours introduit devant le juge de l’Union contre la décision d’une chambre de recours de l’EUIPO, ce dernier est tenu, en vertu de l’article 266 TFUE et de l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, de prendre les mesures que comporte l’exécution d’un éventuel arrêt d’annulation du juge de l’Union [arrêt du 10 octobre 2019, Société des produits Nestlé/EUIPO – European Food (FITNESS), T‑536/18, non publié, EU:T:2019:737, point 34].

37      Pour se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’EUIPO est tenue d’adopter une nouvelle décision, en respectant non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont mené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’EUIPO doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (voir, en ce sens, arrêt du 10 octobre 2019, FITNESS, T‑536/18, non publié, EU:T:2019:737, point 35 et jurisprudence citée).

38      En l’espèce, il convient de relever que, tel que cela ressort des points 12 à 15 ci-dessus, le Tribunal a accueilli, dans l’arrêt d’annulation, le recours formé par l’intervenante à l’encontre de la décision de la quatrième chambre de recours du 19 novembre 2018 et a dès lors annulé ladite décision. À la suite d’une telle annulation et du refus par la Cour d’admettre le pourvoi de la requérante contre l’arrêt d’annulation, une nouvelle décision a été adoptée dans la présente affaire par la cinquième chambre de recours, à savoir la décision attaquée, conformément à l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001.

39      Les parties s’opposent néanmoins quant à la question de savoir si, conformément à cette dernière disposition et à la lumière de l’arrêt d’annulation, la cinquième chambre de recours était tenue d’examiner si le caractère distinctif accru et la renommée de la marque antérieure pouvaient être démontrés sur la base d’une autre marque de la requérante présentée sous une forme différente.

40      À cet égard, il y lieu de constater, tout d’abord, que, aux points 103 et 104 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal a estimé que les éléments de preuve fournis par la requérante lors de la procédure d’opposition devant l’EUIPO ne permettaient pas de démontrer la renommée de la marque antérieure, mais celle d’une autre marque enregistrée par la requérante, à savoir la marque PURINA ONE. Sur ce fondement, le Tribunal a constaté que la chambre de recours avait considéré à tort que la preuve de la renommée de la marque antérieure avait été rapportée en l’espèce.

41      Ensuite, en réponse aux arguments formulés par l’EUIPO et par la requérante à l’encontre de la constatation qui précède, le Tribunal a observé, au point 108 de l’arrêt d’annulation, que, selon la jurisprudence, le titulaire d’une marque antérieure peut, aux fins d’établir la renommée de celle-ci, se prévaloir d’éléments prouvant sa renommée sous une forme différente, notamment sous la forme d’une autre marque enregistrée, pourvu que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant de la même entreprise. Le Tribunal a ajouté que, afin de déterminer si tel était le cas, il convenait de vérifier que les éléments de différence entre les deux marques ne faisaient pas obstacle à ce que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant d’une entreprise déterminée.

42      Par ailleurs, aux points 109 et 110 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal a constaté que la quatrième chambre de recours n’avait pas évoqué la question de savoir si la renommée de la marque antérieure pouvait ou non être démontrée sur la base d’une marque présentée sous une forme différente, en l’espèce sous la forme de la marque PURINA ONE. De même, le Tribunal a relevé que la condition concernant la question de savoir si les éléments de différence entre ces deux marques de la requérante faisaient ou non obstacle à ce que le public concerné continue à percevoir les produits en cause comme provenant de la requérante n’avait pas davantage été examinée par la chambre de recours.

43      Enfin, sur la base des considérations qui précèdent, le Tribunal a conclu, au point 111 de l’arrêt d’annulation, que les arguments de l’EUIPO et de la requérante, fondés sur la renommée de la marque antérieure sous la forme de la marque PURINA ONE, ne pouvaient pas utilement remettre en cause la conclusion établie dans l’arrêt d’annulation selon laquelle il n’y avait pas de risque de confusion entre les marques en conflit.

44      Il s’ensuit que, aux fins de se conformer à l’arrêt d’annulation, la cinquième chambre de recours devait, lors du réexamen des arguments de la requérante quant au caractère distinctif accru et de la renommée de la marque antérieure, évoquer la question de savoir si ladite renommée pouvait être démontrée sur la base d’une marque enregistrée sous une forme différente et, en particulier, examiner si les éléments de différence entre ces deux marques de la requérante permettaient au public concerné de percevoir les produits en cause comme provenant d’une même origine.

45      À cet égard, force est de constater que, comme l’EUIPO le reconnaît dans ses écritures, une telle question avait été soulevée dans les arguments formulés par la requérante tant devant la division d’opposition que devant la chambre de recours, alors que, comme le Tribunal l’a constaté aux points 109 et 110 de l’arrêt d’annulation, lesdites instances de l’EUIPO n’ont pas examiné ce point. De plus, comme la requérante le fait valoir, la réponse à ses arguments revêtait une importance certaine afin d’apprécier le bien-fondé de son opposition, car une évaluation positive du caractère distinctif accru et de la renommée de la marque antérieure était susceptible, d’une part, de compenser l’affaiblissement du caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure, au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009 et, d’autre part, de satisfaire aux conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

46      Or, aux points 27 à 29 et 34 de la décision attaquée, la cinquième chambre de recours s’est bornée à relever que le Tribunal avait lui-même examiné la question relative au caractère distinctif accru de la marque antérieure et avait rejeté son existence, de sorte que ses conclusions revêtaient l’autorité de la chose jugée et étaient contraignantes à son égard. De surcroît, elle a constaté, sans analyser si un caractère distinctif accru ou une renommée pouvaient être établis en se prévalant de la forme d’une autre marque enregistrée, que la marque antérieure ne possédait ni ledit caractère ni ladite renommé. En procédant de la sorte, la cinquième chambre de recours a effectué une mauvaise lecture de l’arrêt d’annulation et a commis dès lors une erreur de droit.

47      À cet égard, il y a lieu de relever que, premièrement, contrairement à ce que la cinquième chambre de recours a constaté au point 27 de la décision attaquée, le Tribunal n’était pas en droit d’effectuer lui-même une appréciation du bien-fondé desdits arguments conformément aux prérogatives qui lui sont confiées par l’article 72 du règlement 2017/1001.

48      En effet, selon la jurisprudence constante, le contrôle exercé par le Tribunal conformément à cette disposition est un contrôle de légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO, de sorte qu’il ne dispose pas du pouvoir de substituer sa propre appréciation à celle de la chambre de recours et, pas davantage, de procéder à une appréciation sur laquelle ladite chambre n’a pas encore pris position (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 5 juillet 2011, Edwin/OHMI, C‑263/09 P, EU:C:2011:452, points 71 et 72 et jurisprudence citée).

49      Or, comme cela a été établi au point 42 ci-dessus, le Tribunal a constaté, aux points 109 et 110 de l’arrêt d’annulation, que la question de savoir si le titulaire d’une marque peut se prévaloir d’éléments prouvant la renommée de celle‑ci sous une forme différente n’avait été ni évoquée ni analysée par la chambre de recours en ce qui concerne la marque antérieure. Il a dès lors laissé ouverte la possibilité de constater le caractère distinctif accru et la renommée de la marque antérieure sous une forme différente conformément aux arguments formulés en ce sens par la requérante lors de la procédure devant l’EUIPO.

50      Par ailleurs, s’agissant de l’argument de l’EUIPO selon lequel le Tribunal a considéré, aux points 98 à 104 de l’arrêt d’annulation, que les preuves produites par la requérante devant l’EUIPO ne permettaient d’établir que la renommée de la marque PURINA ONE et non celle de la marque antérieure, il suffit de relever qu’une telle analyse ne saurait être considérée comme étant une réponse utile à l’égard de la question de savoir si ladite renommée pouvait être inférée d’une autre marque enregistrée de la requérante sous une autre forme. De plus, contrairement à ce que l’EUIPO a soutenu lors de l’audience, force est de constater que la conclusion ressortant du point 103 dudit arrêt ne s’oppose pas à l’évaluation par la chambre de recours de ladite question.

51      Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence, que, en cas d’annulation par le Tribunal d’une décision de l’EUIPO, les motifs sur la base desquels cette juridiction a rejeté certains arguments évoqués par les parties ne sauraient être considérés comme ayant acquis l’autorité de la chose jugée (arrêt du 25 juillet 2018, Société des produits Nestlé e.a./Mondelez UK Holdings & Services, C‑84/17 P, C‑85/17 P et C‑95/17 P, EU:C:2018:596, point 53).

52      En l’occurrence, il suffit de relever que, aux points 108 à 111 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal a rejeté les arguments soulevés par la requérante visant à faire constater la renommée de la marque antérieure sous une autre forme, en constatant précisément l’absence d’évaluation desdits arguments lors de la procédure devant l’EUIPO.

53      Dès lors, les considérations développées auxdits points ne revêtaient pas, contrairement à ce que la chambre de recours a considéré au point 28 de la décision attaquée, l’autorité de la chose jugée et n’étaient aucunement définitives à son égard.

54      Troisièmement, s’il est certes vrai, comme l’EUIPO le fait valoir en substance, que, au point 111 de l’arrêt d’annulation, le Tribunal a affirmé, de manière expresse, que les arguments de l’EUIPO et de la requérante fondés sur une renommée de la marque antérieure examinée sous une forme différente ne remettaient pas utilement en cause la conclusion énoncée dans ledit arrêt selon laquelle il n’y avait pas de risque de confusion entre les marques en conflit, il n’en demeure pas moins qu’une telle affirmation doit être lue en combinaison avec les considérations exposées préalablement aux points 108 à 110 de l’arrêt d’annulation, lesquelles mettaient en exergue précisément l’absence d’analyse de cette question de la part de la quatrième chambre de recours.

55      En outre, comme la requérante le soutient, même à supposer que la conclusion établie par le Tribunal au point 111 de l’arrêt d’annulation pouvait avoir un effet contraignant en ce qui concerne la constatation de l’absence d’un risque de confusion entre les marques en conflit au titre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 207/2009, une telle conclusion ne pouvait aucunement s’appliquer à l’examen du bien-fondé de l’opposition de la requérante au titre de l’article 8, paragraphe 5, du même règlement.

56      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de considérer que, à la suite de l’arrêt d’annulation, il appartenait à la chambre de recours de procéder à l’adoption d’une nouvelle décision tout en évaluant, en particulier, les arguments soulevés par la requérante sur la renommée de la marque antérieure examinée sous une forme différente aux fins d’apprécier si lesdits arguments étaient suffisants, comme elle le prétend, pour fonder son opposition contre la marque demandée conformément à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement nº 207/2009. Dès lors, il appartenait à la chambre de recours de statuer sur la question de savoir si les éléments de différence entre les signes PURINA ONE et ONE font obstacle à ce que le public pertinent les perçoit comme appartenant à la même entreprise.

57      Dès lors qu’une telle analyse n’a pas été effectuée, il y a lieu de conclure que la cinquième chambre de recours n’a pas adopté la décision attaquée en respectant les motifs qui ont mené le Tribunal à annuler la précédente décision de la quatrième chambre de recours et que, partant, elle a violé l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001.

58      Il convient donc, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le bien-fondé des deuxième et troisième moyens soulevés par la requérante, d’accueillir son premier moyen et d’annuler la décision attaquée.

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, l’EUIPO et l’intervenante ont succombé. La requérante n’ayant conclu dans son deuxième chef de conclusions qu’à la condamnation de l’EUIPO aux dépens exposés devant le Tribunal, il y a lieu, tout d’abord, de condamner ce dernier à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante dans le cadre de la présente instance.

60      Ensuite, en application de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, l’intervenante supportera ses propres dépens dans le cadre de la présente instance.

61      Enfin, la requérante a conclu, par son troisième chef de conclusions, à la condamnation de l’intervenante aux dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la procédure administrative devant l’EUIPO, ayant donné lieu à la décision attaquée. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure uniquement devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables [voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 2017, Coca-Cola/EUIPO – Mitico (Master), T‑61/16, EU:T:2017:877, point 126 et jurisprudence citée]. Partant, s’agissant des dépens exposés par la requérante devant la chambre de recours, il appartiendra à cette dernière de statuer, à la lumière du présent arrêt, sur les frais afférents à cette procédure [voir, en ce sens, arrêt du 5 décembre 2012, Consorzio vino Chianti Classico/OHMI – FFR (F.F.R.), T‑143/11, non publié, EU:T:2012:645, point 74 et jurisprudence citée, et arrêt du 29 avril 2020, Lidl Stiftung/EUIPO – Plásticos Hidrosolubles (green cycles), T‑78/19, non publié, EU:T:2020:166, point 88 et jurisprudence citée].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 29 juillet 2020 (affaire R 424/20205) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Société des produits Nestlé SA aux fins de la procédure devant le Tribunal.

3)      Amigüitos pets & life, SA supportera ses propres dépens.

Costeira

Kancheva

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 novembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.