DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

28 juin 2019 (*)

« Programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité – Septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) – Décision formant titre exécutoire – Recouvrement d’une créance résultant d’une convention de subvention – Article 299 TFUE – Règlement (UE, Euratom) no 966/2012 – Article 135 du règlement no 966/2012 – Extrapolation des conclusions de l’audit – Obligation de motivation  »

Dans l’affaire T‑64/18,

Alfamicro – Sistemas de computadores, Sociedade Unipessoal, Lda, établie à Cascais (Portugal), représentée par Mes G. Gentil Anastácio et D. Pirra Xarepe, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme P. Costa de Oliveira et M. J. Estrada de Solà, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 8839 final de la Commission, du 13 décembre 2017, relative au recouvrement d’une dette auprès de la requérante,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek, président, E. Buttigieg (rapporteur) et B. Berke, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Alfamicro Sistemas de computadores, Sociedade Unipessoal, Lda, est une société unipersonnelle de droit portugais. Elle fournit des services dans le domaine de l’informatique et des technologies de l’information.

2        La requérante a participé à un certain nombre de projets subventionnés par l’Union européenne en vertu du programme-cadre pour l’innovation et la compétitivité (2007-2013) établi par la décision no 1639/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 2006 (JO 2006, L 310, p. 15) et du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) adopté par la décision no 1982/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO 2006, L 412, p. 1).

3        Par lettre du 29 avril 2013, la Commission européenne a communiqué à la requérante le rapport provisoire de l’audit 12‑DAS‑023 effectué par la Cour des comptes de l’Union européenne, relatif aux coûts déclarés par la requérante dans le cadre du projet « Save Energy » pour la période comprise entre le 1er mars 2010 et le 31 octobre 2011 (ci-après l’« audit 12‑DAS‑023 »), ce projet étant subventionné en vertu du programme‑cadre pour l’innovation et la compétitivité (2007‑2013).

4        Le 11 juin 2013, la Commission a reçu une lettre de la requérante dans laquelle celle-ci contestait les conclusions du rapport provisoire de l’audit 12‑DAS‑023 et fournissait des explications additionnelles à propos de coûts déclarés.

5        Par lettre du 25 août 2014 (ci-après la « lettre du 25 août 2014 »), la Commission a informé la requérante de la clôture de l’audit 12‑DAS‑023 et du fait qu’elle approuvait les conclusions des auditeurs concernant le caractère inéligible de certains coûts déclarés par la requérante. La Commission, dans la mesure où l’audit avait révélé des erreurs qu’elle considérait comme étant de nature systémique et, dès lors, susceptibles d’être présentes dans les décomptes financiers relatifs, d’une part, aux périodes non auditées des projets auxquels la requérante participait et qui avaient fait l’objet d’un audit et, d’autre part, aux projets auxquels la requérante participait, mais qui n’avaient pas fait l’objet d’un audit, a demandé à la requérante de réexaminer et, éventuellement, corriger lesdits décomptes financiers. La Commission a qualifié cette opération d’« extension des conclusions de l’audit [12‑DAS‑023] aux périodes/conventions de subvention non auditées ». La Commission a également précisé que la correction éventuelle devait être effectuée selon une des trois méthodes de calcul proposées par elle et que la requérante devait lui communiquer les conclusions de cette « extension » des résultats de l’audit 12‑DAS‑023 dans un délai de trois mois.

6        Par lettre du 24 novembre 2014 (ci-après la « lettre du 24 novembre 2014 »), la requérante a effectivement communiqué à la Commission des décomptes financiers corrigés, dont ceux afférents à la période non auditée du projet « Save Energy », s’étendant du 1er mars 2009 au 28 février 2010. La correction était effectuée par la requérante sur la base de la première méthode de calcul proposée par la Commission, consistant à recalculer les coûts déclarés en tenant compte des erreurs systémiques détectées dans le cadre de l’audit 12‑DAS‑023.

7        Par lettre du 12 février 2015 (ci-après la « lettre du 12 février 2015 »), la Commission a informé la requérante de l’impact des décomptes financiers corrigés sur le calcul de la contribution financière de l’Union relative aux projets auxquels la requérante participait. La lettre indiquait que la requérante disposait de 30 jours pour soumettre des observations et l’informait que, en l’absence d’observations, la Commission entamerait la procédure de recouvrement des montants des subventions indûment versés.

8        La requérante n’a pas présenté d’observations dans le délai imparti.

9        Le 13 décembre 2017, la Commission a adopté, sur le fondement, notamment, de l’article 299 TFUE et de l’article 79, paragraphe 2, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »), la décision C(2017) 8839 final, relative au recouvrement d’une dette d’un montant total de 600 400,58 euros, majoré d’intérêts, correspondant aux cinq notes de débit suivantes (ci-après la « décision attaquée ») :

–        note de débit no 3241507078 pour un montant de 83 793 euros concernant le projet « Save Energy » ;

–        note de débit no 3241504170 pour un montant de 93 575,83 euros concernant le projet « Peripheria » ;

–        note de débit no 3241601665 pour un montant de 132 095 euros concernant le projet « Smart Campus » ;

–        note de débit no 3231170053 pour un montant de 100 087,75 euros concernant le projet « Smart Campus » ;

–        note de débit no 4840170179 pour un montant de 190 849 euros concernant le projet « TELL ME ».

10      L’article 1er de la décision attaquée précise, pour chaque projet concerné, le montant dû par la requérante à la Commission incluant les intérêts.

11      L’article 3 de la décision attaquée prévoit que, en cas de non-paiement de la dette dans un délai de quinze jours à partir de sa réception, le paiement fera l’objet d’une exécution forcée en vertu de l’article 299, troisième alinéa, TFUE.

12      L’article 4 de la décision attaquée précise que celle-ci forme titre exécutoire au sens de l’article 299, premier alinéa, TFUE.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 février 2018, la requérante a introduit le présent recours.

14      La phase écrite de la procédure a été clôturée le 9 août 2018, après le dépôt de la duplique.

15      Le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

17      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

18      La requérante invoque trois moyens à l’appui de son recours, le premier, tiré de l’« usurpation du pouvoir judiciaire » par la Commission, le deuxième, tiré du défaut de motivation concernant l’« extrapolation » des conclusions de l’audit 12‑DAS‑023 et, le troisième, tiré de la violation de la loi constituée par cette « extrapolation ».

 Sur le premier moyen, tiré de l’« usurpation du pouvoir judiciaire » par la Commission

19      La requérante soutient, en substance, que la Commission était légalement empêchée d’adopter la décision attaquée fixant le montant de sa créance contractuelle à l’égard de la requérante en vertu de la convention de subvention relative au financement du projet « Save Energy » (ci-après la « convention de subvention “Save Energy” »), dans la mesure où le Tribunal avait, lui aussi, fixé le montant de cette créance dans l’arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission (T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804), lequel avait été prononcé avant l’adoption de la décision attaquée. La requérante considère que le titre exécutoire que constituait cet arrêt a été remplacé, en fin de compte, par le titre exécutoire que constituait la décision attaquée et qualifie l’adoption de cette décision d’« usurpation du pouvoir judiciaire » par la Commission.

20      Plus spécifiquement, la requérante fait valoir que la Commission se trouvait empêchée d’adopter la décision attaquée en raison d’une forclusion procédurale consistant en ce que, lorsque le Tribunal examine la situation d’une créance détenue par la Commission, celle-ci n’a plus le droit de refaire une appréciation de cette même situation, ce que, en l’espèce, elle aurait fait. Selon la requérante, si la Commission voulait refaire une appréciation de la situation en cause, elle aurait dû avoir recours à la voie juridictionnelle, en attaquant l’arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission (T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804).

21      La requérante conclut son raisonnement en soutenant que, à partir du moment où une action déclaratoire visant la fixation de la créance de l’Union constituait l’objet de l’arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission (T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804), la Commission n’avait plus le droit d’émettre des titres exécutoires fondés sur l’article 299 TFUE pour la même créance, sans se référer à cet arrêt. Selon la requérante, la décision attaquée devrait, dès lors, être annulée dans sa partie relative à la créance de la Commission résultant de l’exécution de la convention de subvention « Save Energy », pour « usurpation du pouvoir judiciaire ».

22      La Commission conteste l’argumentation de la requérante en soutenant, en substance, que le fait générateur de sa créance contractuelle à l’égard de la requérante fixée dans l’arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission (T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804), était différent de celui qui se trouve à l’origine de sa créance contractuelle à l’égard de la requérante telle que fixée dans la décision attaquée.

23      Il convient de noter que l’argumentation de la requérante relative à l’existence, en l’espèce, d’une « forclusion procédurale » repose sur la prémisse selon laquelle l’objet du litige tranché par l’arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission (T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804), coïncide avec celui de la décision attaquée en ce sens que la créance contractuelle de la Commission fixée dans cet arrêt a le même fait générateur que la créance contractuelle de la Commission fixée dans la décision attaquée.

24      Dans l’arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission (T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804), le Tribunal a statué, d’une part, sur une demande introduite par la requérante, fondée sur l’article 272 TFUE, et tendant, en substance, à faire constater l’inexistence de la créance que la Commission prétendait détenir à son égard en vertu de la convention de subvention « Save Energy » et, d’autre part, sur une demande reconventionnelle introduite par la Commission et tendant, en substance, à obtenir la condamnation de la requérante au remboursement de la subvention indûment versée dans le cadre de la convention susvisée.

25      Il importe de préciser que la créance de la Commission examinée par le Tribunal dans l’arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission (T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804), d’un montant de 467 131 euros, résultait du caractère inéligible des coûts déclarés par la requérante au titre de l’exécution du projet « Save Energy » pour la période allant du 1er mars 2010 au 31 octobre 2011, à savoir pour la période qui a été couverte par l’audit 12‑DAS‑023 (arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission, T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804, points 14, 22, 24, 31, 32, 206 et 209). C’est cette créance qui était visée tant par la demande de la requérante fondée sur l’article 272 TFUE que par la demande reconventionnelle de la Commission.

26      En revanche, dans la décision attaquée, la Commission a fixé le montant de sa créance à l’égard de la requérante sur le fondement du caractère inéligible des coûts déclarés par cette dernière au titre de l’exécution du projet « Save Energy » pour la période allant du 1er mars 2009 au 28 février 2010, c’est-à-dire pour une période non auditée. Cela ressort clairement des considérants 6 à 9 de la décision attaquée, qui font référence aux lettres du 25 août 2014 et du 12 février 2015 ainsi qu’à la lettre du 24 novembre 2014.

27      Ainsi, il y a lieu de rappeler que, dans la lettre du 25 août 2014, la Commission, dans le cadre de l’« extension des conclusions de l’audit [12‑DAS‑023] aux périodes/conventions de subvention non auditées », a demandé à la requérante de réexaminer et, éventuellement, corriger les décomptes financiers soumis relatifs aux projets auxquels la requérante avait participé, en prenant en compte des erreurs, révélées par l’audit susvisé, que la Commission considérait comme étant de nature systémique.

28      Dans la lettre du 24 novembre 2014, la requérante a, effectivement, communiqué à la Commission des décomptes financiers corrigés, dont ceux afférents au projet « Save Energy ». Ces décomptes financiers démontraient que, pour la période non auditée du projet « Save Energy », à savoir pour la période comprise entre le 1er mars 2009 et le 28 février 2010, la requérante avait déclaré des coûts non éligibles d’un montant de 167 585,60 euros. Dans la mesure où, ainsi que le stipulait l’article 5, paragraphe 1, de la convention de subvention « Save Energy », la Commission avait déjà subventionné ces coûts à hauteur de 50 %, soit à hauteur de 83 793 euros, il s’ensuit que ce dernier montant était susceptible d’être remboursé à la Commission.

29      Effectivement, dans la lettre du 12 février 2015, la Commission, se référant aux décomptes financiers corrigés communiqués par la requérante dans la lettre du 24 novembre 2014, l’a informée que, eu égard à ces décomptes financiers, elle devait lui rembourser, notamment, le montant de 83 793 euros au titre du projet « Save Energy ». Dans la lettre du 12 février 2015, la Commission a également précisé que le montant de 467 131 euros déjà dû par la requérante en ce qui concerne la période auditée du projet « Save Energy » n’était pas concerné par les conclusions résultant de l’« extension des conclusions de l’audit [12‑DAS‑023] ».

30      Le montant de 83 793 euros (intérêts de retard exclus) était le montant finalement réclamé par la Commission à la requérante dans la décision attaquée au titre du projet « Save Energy » (voir point 9 ci-dessus).

31      Il ressort des considérations qui précèdent que, tandis que la créance contractuelle de la Commission fixée par le Tribunal dans l’arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission (T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804), avait pour fait générateur les coûts inéligibles déclarés par la requérante concernant la période allant du 1er mars 2010 au 31 octobre 2011, ayant fait l’objet de l’audit 12‑DAS‑023, la créance contractuelle de la Commission fixée dans la décision attaquée avait pour fait générateur les coûts inéligibles déclarés par la requérante concernant la période allant du 1er mars 2009 au 28 février 2010, période non auditée du projet « Save Energy ». En d’autres termes, l’objet de l’arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission (T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804), était différent de celui de la décision attaquée.

32      Dans la mesure où la prémisse de l’argumentation de la requérante, à savoir l’identité des faits générateurs des créances de la Commission fixées respectivement dans l’arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission (T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804), et dans la décision attaquée (voir point 23 ci-dessus), n’est pas fondée, le présent moyen doit être rejeté, la « chose jugée » dans l’arrêt susmentionné n’empêchant pas la Commission d’adopter la décision attaquée.

 Sur le deuxième moyen, tiré du défaut de motivation de l’« extrapolation » des conclusions de l’audit 12DAS023

33      La requérante soutient que la décision attaquée est affectée d’un défaut de motivation dans la mesure où la Commission n’a pas expliqué, dans la lettre du 25 août 2014, pour quelle raison elle a considéré que les erreurs constatées par les auditeurs dans le cadre de l’audit 12-DAS-023 constituaient des erreurs systémiques justifiant l’« extrapolation » des conclusions de cet audit aux périodes non auditées des projets audités auxquels la requérante participait et aux projets auxquels la requérante participait et qui n’avaient pas fait l’objet d’un audit.

34      La Commission conclut au rejet du présent moyen comme étant manifestement non fondé.

35      Il convient de rappeler que la Commission, dans la lettre du 25 août 2014, a indiqué à la requérante que l’audit 12-DAS-023 avait révélé des erreurs que la Commission considérait comme étant de nature systémique, de sorte que des erreurs similaires pourraient avoir été commises et affecter l’éligibilité des coûts déclarés pour les périodes non auditées des projets auxquels la requérante participait ayant fait l’objet d’un audit et l’éligibilité des coûts déclarés dans le cadre d’autres projets auxquels la requérante participait et qui n’avaient pas été audités. La Commission a qualifié d’erreur de nature systémique, premièrement, le manque de fiabilité des relevés de temps de travail et l’absence de preuve alternative démontrant la réalité du travail effectué, deuxièmement, l’absence de documents démontrant le caractère réel des coûts déclarés, l’existence d’une comptabilité et le paiement des coûts relatifs aux services fournis par les consultants internes et, troisièmement, la circonstance que les contrats de sous-traitance conclus avec deux sociétés affiliées ne respectaient pas l’article II.6 de l’annexe II de la convention de subvention « Save Energy ».

36      Eu égard à l’existence des erreurs, mentionnées au point 35 ci-dessus, révélées dans le cadre de l’audit 12‑DAS‑023 et qualifiées de systémiques par la Commission, celle-ci a demandé à la requérante, dans la lettre du 25 août 2014, de réexaminer et, éventuellement, corriger les décomptes financiers relatifs, d’une part, aux périodes non auditées des projets audités auxquels la requérante participait et, d’autre part, aux projets qui n’avaient fait l’objet d’aucun audit. La requérante a, effectivement, communiqué à la Commission, dans la lettre du 24 novembre 2014, des décomptes financiers corrigés et c’est à partir de ces décomptes financiers que la Commission a déterminé, dans l’article 1er de la décision attaquée, les montants dus par la requérante, ainsi qu’elle l’a expliqué aux points 26 à 28 de son mémoire en défense, sans être contestée par la requérante.

37      Il ressort des considérations qui précèdent que la détermination, dans la décision attaquée, des montants à recouvrer a, en fin de compte, été effectuée par la requérante elle-même, qui, dans la lettre du 24 novembre 2014, a procédé à la correction des décomptes financiers préalablement communiqués, admettant ainsi, implicitement mais nécessairement, que les erreurs révélées par l’audit 12‑DAS‑023 affectaient l’éligibilité de certains coûts déclarés relatifs aux périodes non auditées des projets audités auxquels la requérante participait et aux autres projets auxquels elle participait et qui n’avaient fait l’objet d’aucun audit. Dans ces circonstances, le grief de la requérante tiré du fait que la Commission n’aurait pas expliqué pour quelle raison elle considérait que les erreurs révélées par l’audit 12‑DAS‑023 étaient systémiques, justifiant ainsi l’« extrapolation » des conclusions de cet audit, doit manifestement être rejeté puisque, en fin de compte, aucune extrapolation proprement dite n’a eu lieu, la requérante ayant, à la suite de l’invitation de la Commission, corrigé elle-même, dans la lettre du 24 novembre 2014, le montant des coûts déclarés dans le cadre des projets auxquels elle participait.

38      Il y a lieu de noter que, dans la réplique, la requérante, en se fondant sur le libellé de la lettre du 25 août 2014, a fait grief à la Commission d’avoir utilisé la « menace » et la « contrainte » pour l’obliger à procéder à l’ajustement des coûts déclarés. Ce grief doit être rejeté dans la mesure où aucune menace ou contrainte ne ressort du libellé de ladite lettre et où la requérante n’a fourni aucun élément de preuve pour corroborer son allégation.

39      La requérante s’est demandée également de quelle manière la Commission s’était procurée la lettre du 24 novembre 2014, en faisant observer qu’elle était munie d’un simple cachet et qu’elle n’émanait d’aucun de ses organes de direction, et a conclu que la Commission devait s’expliquer à cet égard.

40      Dans la mesure où la requérante, par ses interrogations et allégations, semble contester l’authenticité de la lettre du 24 novembre 2014, il lui appartient de démontrer qu’il s’agit d’un faux, ainsi que la Commission le relève à juste titre. En tout état de cause, la Commission a exposé, pièces produites à l’appui, que la lettre du 24 novembre 2014 avait été envoyée par courrier recommandé dont l’enveloppe portait le cachet de la ville portugaise où la requérante est établie et indiquait comme expéditeur le nom de la requérante avec son adresse. Elle a ajouté que la signature de la lettre apparaissait comme étant celle du directeur général de la requérante et n’avait pas la forme d’une signature à l’encre, mais plutôt d’un cachet ou d’une signature numérisée. La Commission a également précisé, pièces produites à l’appui, qu’il était courant que la requérante lui envoie des lettres portant ce type de signature. Elle a de plus relevé que, en tout état de cause, dans une lettre du 18 décembre 2014 envoyée à la requérante, elle s’est référée à la lettre du 24 novembre 2014, sans que la requérante réagisse en soutenant, par exemple, que la lettre du 24 novembre 2014 n’émanait pas d’elle. Eu égard à ces explications de la Commission, les interrogations et allégations de la requérante concernant la lettre du 24 novembre 2014 doivent être rejetées.

41      Sur le fondement des considérations qui précèdent, le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’illégalité de l’« extrapolation » des conclusions de l’audit 12DAS023

42      La requérante fait valoir que la Commission a procédé, de manière illégale, à une « extrapolation » automatique des conclusions de l’audit 12‑DAS‑023, sans vérifier de manière effective si les montants des subventions dont elle demande le recouvrement ont été indûment payés. Cette « extrapolation » automatique contreviendrait à l’article 135, paragraphe 5, deuxième alinéa, du règlement financier.

43      La requérante ajoute que la Commission, en procédant à l’« extrapolation en rafale » vers toutes ses relations contractuelles avec elle, enfreint un des grands principes régissant les contrats administratifs et les contrats publics en général, celui de l’« intangibilité de la clause de rémunération », qui trouverait son origine dans l’attente légitime des cocontractants de la Commission d’obtenir une rémunération.

44      Dans la réplique, la requérante fait valoir que la Commission a également enfreint l’article 135, paragraphe 7, du règlement financier, dans la mesure où elle a effectué l’« extrapolation » sans avoir déterminé au préalable s’il était possible de quantifier avec précision le montant des coûts inéligibles pour chaque subvention en cause.

45      La requérante soutient aussi que le règlement financier ne prévoit pas la possibilité d’une « extrapolation » effectuée par le biais d’une « autodéclaration » du bénéficiaire.

46      En outre, la requérante qualifie l’acte d’« extrapolation » de la Commission d’acte contractuel dont les « effets » sont étendus à d’autres conventions et fait valoir que cet acte contractuel ne peut pas constituer le fondement d’une décision administrative et encore moins d’un titre exécutoire tel que celui formé en l’espèce par la décision attaquée.

47      La Commission conclut au rejet du présent moyen comme étant manifestement non fondé.

48      Il convient d’observer que l’argumentation de la requérante se fonde sur la prémisse que la Commission a effectué, en l’espèce, une opération qualifiée d’« extrapolation automatique » des conclusions de l’audit 12‑DAS‑023 aux autres projets subventionnés par l’Union auxquels la requérante participait et que, en se fondant sur cette opération, elle a déterminé les montants à recouvrer, sans avoir vérifié au préalable le caractère non éligible et indûment payé des coûts déclarés par la requérante.

49      À cet égard, il convient de noter, tout d’abord, que l’opération d’extrapolation proprement dite est régie par l’article 135, paragraphe 7, du règlement financier, qui dispose :

« Lorsqu’il n’est pas possible ou faisable de quantifier avec précision le montant des coûts inéligibles pour chaque subvention concernée, les montants devant être réduits ou recouvrés peuvent être déterminés en recourant à l’extrapolation du taux de réduction ou de recouvrement appliqué aux subventions pour lesquelles des erreurs ou irrégularités systémiques ou récurrentes ont été avérées ou, si les coûts inéligibles ne peuvent pas servir de base pour déterminer les montants devant être réduits ou recouvrés, en appliquant un taux forfaitaire, eu égard au principe de proportionnalité. Le bénéficiaire jouit de la possibilité de formuler ses observations quant à la méthode d’extrapolation ou au taux forfaitaire appliqué et [de] proposer une autre méthode ou un autre taux dûment justifié avant qu’il ne soit procédé à la réduction ou au recouvrement. »

50      Or, ainsi qu’il ressort des considérations relatives à l’examen des premier et deuxième moyens, la Commission n’a pas procédé à une « extrapolation » au sens employé par la requérante et au sens de l’article 135, paragraphe 7, du règlement financier, mais elle a déterminé les montants à recouvrer sur le fondement des données fournies par la requérante elle-même, à savoir sur le fondement des décomptes financiers corrigés communiqués par elle dans la lettre du 24 novembre 2014 (voir points 28 à 30 et 37 ci-dessus). En présence de ces données, la Commission n’avait pas besoin de recourir à une extrapolation au sens de l’article 135, paragraphe 7, du règlement financier ni de vérifier et de confirmer l’inéligibilité des coûts que la requérante a elle-même considérés comme inéligibles.

51      Par ailleurs, il y a lieu de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle le règlement financier ne prévoit pas l’« extrapolation » effectuée par le biais d’une « autodéclaration » du bénéficiaire. En effet, ainsi que la Commission le fait valoir à juste titre, la détermination des montants à recouvrer, effectuée sur la base des décomptes financiers révisés soumis par la requérante, autrement dit de l’« autodéclaration » de la requérante, trouve son fondement juridique dans l’article 135, paragraphe 6, du règlement financier, aux termes duquel :

« L’ordonnateur compétent détermine les montants devant être réduits ou recouvrés, chaque fois que cela est possible et faisable, sur la base des coûts indûment déclarés comme éligibles pour chaque subvention concernée, à la suite de l’approbation des états financiers révisés présentés par le bénéficiaire. »

52      En l’espèce, la requérante, dans sa lettre du 24 novembre 2014, a soumis à la Commission les décomptes financiers corrigés afférents aux projets auxquels elle participait, qui ont révélé l’existence de « coûts indûment déclarés comme éligibles » et, dès lors, indûment payés par la Commission. C’est sur la base de ces décomptes financiers corrigés, correspondant aux « états financiers révisés » au sens de l’article 135, paragraphe 6, du règlement financier, que la Commission a déterminé, dans la décision attaquée, les montants qui devaient être recouvrés.

53      En ce qui concerne la qualification par la requérante de l’« extrapolation » prétendument effectuée par la Commission d’acte contractuel qui ne pourrait pas servir de fondement à l’adoption de la décision attaquée, il convient, encore une fois, de noter que cette argumentation de la requérante se fonde sur une prémisse erronée, à savoir sur la qualification d’« extrapolation » de l’opération de la Commission, ce qui n’est pas le cas. Il est vrai que la lettre du 25 août 2014 et celle du 24 novembre 2014 se situent dans un cadre contractuel, tandis que la décision attaquée constitue un acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation. Cela étant précisé, cette décision est valablement fondée sur l’article 299 TFUE et sur l’article 79, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement financier et n’a pas pour fondement juridique une « extrapolation » prétendument effectuée par la Commission, dès lors que la détermination des montants à recouvrer a été effectuée par la requérante elle-même par le biais de la communication, dans la lettre du 24 novembre 2014, des décomptes financiers corrigés (voir point 37 ci-dessus).

54      Il convient, enfin, de rejeter l’argument de la requérante tiré de l’existence d’un prétendu « principe de l’intangibilité de la clause de rémunération » (voir point 43 ci-dessus), dans la mesure où cet argument se fonde sur la prémisse selon laquelle le financement de l’Union constitue une « rémunération » du travail fourni par le cocontractant de la Commission. Or, le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger que, dans le cadre d’une convention de subvention financée par l’Union, le financement de celle-ci ne constitue pas une rémunération du travail effectué par le contractant, mais une subvention des projets réalisés par celui-ci, dont le versement est soumis à des conditions précises, définies contractuellement, et que le financement de l’Union a vocation à couvrir uniquement des coûts éligibles tels que définis dans les conventions en cause (voir arrêt du 14 novembre 2017, Alfamicro/Commission, T‑831/14, non publié, EU:T:2017:804, point 145 et jurisprudence citée).

55      Sur le fondement des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le présent moyen et, par conséquent, tous les moyens soulevés ayant été rejetés, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

56      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Alfamicro – Sistemas de computadores, Sociedade Unipessoal, Lda est condamnée aux dépens.

Prek

Buttigieg

Berke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 juin 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.