DOCUMENT DE TRAVAIL -

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

12 février 2020 (*)

« Référé – Territoire douanier de l’Union – Règlement (UE) 2019/474 – Directive (UE) 2019/475 – Inclusion de la commune de Campione d’Italia et des eaux italiennes du lac de Lugano – Demande de mesures provisoires – Irrecevabilité manifeste du recours principal – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑326/19 R,

Tibor Gerber, demeurant à Campione d’Italia (Italie), représenté par Me N. Amadei, avocate,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par MM. L. Visaggio et C. Biz, en qualité d’agents,

et

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes A. Lo Monaco et E. Ambrosini, en qualité d’agents,

parties défenderesses,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 278 TFUE et tendant au sursis à l’exécution, d’une part, du règlement (UE) 2019/474 du Parlement européen et du Conseil, du 19 mars 2019, modifiant le règlement (UE) no 952/2013 établissant le code des douanes de l’Union (JO 2019, L 83, p. 38), et, d’autre part, de la directive (UE) 2019/475 du Conseil, du 18 février 2019, modifiant les directives 2006/112/CE et 2008/118/CE en ce qui concerne l’inclusion de la municipalité italienne de Campione d’Italia et des eaux italiennes du lac de Lugano dans le territoire douanier de l’Union et dans le champ d’application territorial de la directive 2008/118/CE (JO 2019, L 83, p. 42),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

  Faits, procédure et conclusions des parties

1        Le requérant, M. Tibor Gerber, est un résident de la commune de Campione d’Italia (Italie), qui est une enclave italienne en territoire suisse s’étendant sur une partie du lac de Lugano.

2        Conformément à l’article 4, paragraphe 1, douzième tiret, du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 9 octobre 2013, établissant le code des douanes de l’Union (JO 2013, L 269, p. 1) dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2019, la commune de Campione d’Italia et les eaux territoriales italiennes du lac de Lugano étaient exclus du territoire douanier de l’Union européenne.

3        Le 25 mars 2019, le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement (UE) 2019/474, modifiant le règlement no 952/2013 (JO 2019, L 83, p. 38, ci-après le « règlement attaqué »). En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, et de l’article 2, second alinéa, dudit règlement, le territoire douanier de l’Union a été étendu à la commune de Campione d’Italia et aux eaux territoriales italiennes du lac de Lugano avec effet au 1er janvier 2020.

4        Conformément à l’article 5, paragraphe 3, sous f) et g), de la directive 2008/118/CE du Conseil, du 16 décembre 2008, relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE (JO 2009, L 9, p. 12), dans sa version en vigueur jusqu’au 13 avril 2019, ladite directive ne s’appliquait pas à la commune de Campione d’Italia et aux eaux territoriales italiennes du lac de Lugano.

5        Le 18 février 2019, le Conseil a adopté la directive (UE) 2019/475, modifiant les directives 2006/112/CE et 2008/118 en ce qui concerne l’inclusion de la municipalité italienne de Campione d’Italia et des eaux italiennes du lac de Lugano dans le territoire douanier de l’Union et dans le champ d’application territorial de la directive 2008/118 (JO 2019, L 83, p. 42). En vertu des articles 2 et 4 de cette directive, le champ d’application de la directive 2008/118 a été étendu à la commune de Campione d’Italia et aux eaux territoriales italiennes du lac de Lugano avec effet au 14 avril 2019. Conformément à l’article 3, paragraphe 1, deuxième alinéa, de la directive 2019/475, les États membres sont tenus d’appliquer les mesures nécessaires pour se conformer à cette directive à partir du 1er janvier 2020.

6        Par requête déposée au Tribunal le 31 mai 2019, le requérant a introduit :

–        un recours fondé sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement attaqué, en particulier en ce qui concerne la partie relative à l’inclusion de la commune de Campione d’Italia et des eaux italiennes du lac de Lugano dans le territoire douanier de l’Union,

–        une demande fondée sur l’article 264 TFUE et tendant à ce que la directive 2019/475 soit déclarée dépourvue d’effets en ce qu’elle inclut la commune de Campione d’Italia et les eaux italiennes du lac de Lugano dans le champ d’application territorial de la directive 2008/118,

–        une demande de suspension provisoire de l’applicabilité du règlement attaqué et de la directive 2019/475 ainsi que de toutes les mesures d’exécution adoptées en application de ces deux actes.

7        Le 25 juillet 2019, le Parlement et le Conseil ont chacun déposé au Tribunal, en vertu de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, une exception d’irrecevabilité du recours dans l’affaire principale, en demandant à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans l’affaire principale comme étant manifestement irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

8        Le 16 septembre 2019, le requérant a déposé ses observations sur les exceptions d’irrecevabilité opposées par le Parlement et le Conseil en demandant notamment à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les exceptions d’irrecevabilité ;

–        condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

9        Par requête déposée au Tribunal le 16 septembre 2019, le requérant a introduit la présente demande en référé, dans laquelle il conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution du règlement attaqué et de la directive 2019/475 jusqu’au prononcé du jugement dans l’affaire principale ;

–        admettre l’offre de preuve reposant sur une déclaration du commissario prefettizio (commissaire préfet) de la commune de Campione d’Italia, portant sur le statut des accords administratifs entre la République italienne et la Confédération suisse concernant la fourniture de services essentiels aux résidents de ladite commune ;

–        condamner le Parlement et le Conseil aux dépens.

10      Dans leurs observations sur la demande en référé, déposées au Tribunal le 26 septembre 2019, le Parlement et le Conseil concluent chacun à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé comme étant irrecevable ou, à défaut, comme étant non fondée ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Considérations générales

11      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

12      L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

13      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision dans l’affaire principale. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

14      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée].

15      Compte tenu des éléments du dossier, le président du Tribunal estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales ou d’admettre l’offre de preuve formulée par le requérant dans la demande en référé. En effet, les éléments sur lesquels elle porte ne semblent pas avoir d’incidence sur le résultat de la présente affaire.

 Sur la demande de sursis à lexécution du règlement attaqué

16      Le Conseil et le Parlement, dans leurs observations sur la demande en référé, font notamment valoir que le recours dans l’affaire principale est manifestement irrecevable.

17      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu des dispositions de l’article 156, paragraphe 1, du règlement de procédure, une demande en référé n’est recevable que si elle émane d’une partie à une affaire dont le Tribunal est saisi. Cette règle implique que le recours dans l’affaire principale, sur lequel se greffe la demande en référé, puisse être effectivement examiné par le juge du fond (voir ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement et Conseil, T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 18 et jurisprudence citée).

18      Dans ce contexte, il est de jurisprudence constante que la recevabilité du recours dans l’affaire principale ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure de référé. Cependant, quand l’irrecevabilité manifeste du recours dans l’affaire principale est soulevée, la partie sollicitant les mesures provisoires doit établir l’existence d’éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité de ce recours, sur lequel se greffe la demande en référé, afin d’éviter qu’elle puisse, par la voie du référé, obtenir le sursis à l’exécution d’un acte dont elle se verrait par la suite refuser l’annulation, son recours étant déclaré irrecevable lors de son examen au fond. Un tel examen, par le juge des référés, de la recevabilité du recours dans l’affaire principale est nécessairement sommaire, compte tenu du caractère urgent de la procédure de référé (voir ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement et Conseil, T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 19 et jurisprudence citée).

19      Ainsi, dans le cadre d’une procédure de référé, la recevabilité du recours dans l’affaire principale ne peut être appréciée que de prime abord et le juge des référés ne doit déclarer la demande en référé irrecevable que si la recevabilité du recours dans l’affaire principale peut être totalement exclue. À défaut, statuer sur la recevabilité du recours dans l’affaire principale au stade du référé lorsque celle-ci n’est pas prima facie totalement exclue reviendrait à préjuger la décision du Tribunal statuant dans l’affaire principale (voir ordonnance du 20 juin 2014, Wilders/Parlement et Conseil, T‑410/14 R, non publiée, EU:T:2014:564, point 20 et jurisprudence citée).

20      En l’espèce, il y a lieu de constater que le règlement attaqué est un acte de nature législative de portée générale et dont le requérant n’est pas destinataire, ce que ce dernier ne conteste pas. Dès lors, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, le requérant ne peut former un recours en annulation contre ce règlement qu’à condition que ce dernier le concerne directement et individuellement, ces conditions étant cumulatives.

21      En ce qui concerne le fait d’être individuellement concerné par le règlement attaqué, il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’un acte ne peuvent prétendre être concernés individuellement par celui-ci que si cet acte, dont l’annulation est demandée, les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire (arrêts du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C‑583/11 P, EU:C:2013:625, point 72, et du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 63).

22      Il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour que, lorsqu’un acte affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres de ce groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques (arrêts du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, EU:C:2008:159, point 71, et du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 59).

23      Toutefois, la possibilité de déterminer, avec plus ou moins de précision, le nombre ou même l’identité des sujets de droit auxquels s’applique une mesure n’implique nullement que ces sujets doivent être considérés comme étant concernés individuellement par cette mesure, dès lors que cette application est effectuée en vertu d’une situation objective de droit ou de fait définie par l’acte en cause (voir arrêt du 28 avril 2015, T & L Sugars et Sidul Açúcares/Commission, C‑456/13 P, EU:C:2015:284, point 64 et jurisprudence citée).

24      Par conséquent, une partie ne saurait prétendre être individualisée par une disposition qui s’applique à des situations déterminées objectivement et produit des effets juridiques à l’égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 48).

25      En l’espèce, le requérant fait valoir qu’il a introduit le recours en annulation du règlement attaqué en tant que résident de la commune de Campione d’Italia. Il soutient à cet égard que ce règlement est assimilable à une décision prise à l’encontre d’un cercle fermé de personnes identifiables au moment de l’entrée en vigueur de celui-ci, bien défini par les circonstances de fait et nommément identifié dans le règlement attaqué lui-même. Ce cercle serait selon lui constitué des résidents de la commune de Campione d’Italia. Ces derniers seraient directement et individuellement affectés par ledit règlement dès lors qu’ils subiraient les conséquences économiques et sociales de son entrée en vigueur.

26      À première vue, aucun de ces arguments n’emporte la conviction.

27      Il convient de constater d’emblée que la qualité de résident de la commune de Campione d’Italia ne semble pas être de nature à individualiser le requérant de la manière décrite dans la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus.

28      En effet, premièrement, contrairement à ce que prétend le requérant, le règlement attaqué s’applique essentiellement à tout opérateur économique qui place ou fait placer des marchandises passibles de droits à l’importation ou à l’exportation sous l’un des régimes douaniers qu’il définit, sans critère fondé sur la résidence ou sur le lieu d’établissement de cet opérateur ou encore sur l’endroit où ces marchandises franchissent la frontière extérieure du territoire douanier de l’Union. Le règlement attaqué est dès lors, selon sa formulation, susceptible de s’appliquer à des situations déterminées objectivement et à un nombre indéterminé de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite au sens de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus.

29      Il s’ensuit que c’est à tort que le requérant prétend que le règlement attaqué pourrait être contesté uniquement par les personnes qui résidaient dans la commune de Campione d’Italia à la date du « 4 juin 2019, compte tenu du délai de deux mois et dix jours fixé par le règlement de procédure ». En effet, le critère de résidence est dépourvu de toute pertinence du point de vue de l’applicabilité ratione personae du règlement attaqué.

30      Par conséquent, le fait, à le supposer établi, que, à la date d’adoption du règlement attaqué, il existait un nombre déterminé de résidents de la commune de Campione d’Italia est également sans pertinence en l’espèce (voir, par analogie, ordonnance du 12 décembre 2003, Bactria/Commission, C‑258/02 P, EU:C:2003:675, point 36).

31      De même, c’est à tort que le requérant prétend qu’une éventuelle irrecevabilité du recours dans l’affaire principale priverait les résidents de la commune de Campione d’Italia de la seule voie de droit pour contester la légalité dudit règlement.

32      En effet, il est de jurisprudence constante que, en vertu de l’article 277 TFUE, toute partie qui ne dispose pas du droit d’introduire, sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, un recours direct contre un acte réglementaire constituant la base juridique d’une décision qui la concerne directement et individuellement, a le droit de contester la validité de cet acte, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation, par voie incidente en vue d’obtenir l’annulation de celle-ci (arrêt du 6 mars 1979, Simmenthal/Commission, 92/78, EU:C:1979:53, point 39, et arrêt du 19 janvier 1984, Andersen e.a./Parlement, 262/80, EU:C:1984:18, point 6).

33      Ainsi, la possibilité de contester la validité du règlement attaqué par voie incidente est ouverte notamment à tout résident de la commune de Campione d’Italia qui, du fait qu’il exerce l’activité économique décrite au point 28 ci-dessus, se voit adresser une décision des autorités douanières adoptée sur le fondement dudit règlement.

34      Deuxièmement, le fait, à le supposer établi, que les résidents de la commune de Campione d’Italia étaient identifiables au moment de l’adoption du règlement attaqué est également sans pertinence en l’espèce, dès lors que la composition de ce groupe de personnes est susceptible d’évoluer après l’entrée en vigueur de ce règlement en fonction de critères objectifs, notamment pour inclure les personnes qui décideront de s’installer sur le territoire de la commune en cause (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2016, Ackermann Saatzucht e.a./Parlement et Conseil, C‑408/15 P et C‑409/15 P, non publié, EU:C:2016:893, point 39 et jurisprudence citée). De ce fait, ce groupe de personnes ne saurait être considéré comme étant fermé au sens de la jurisprudence citée au point 25 ci-dessus.

35      Troisièmement, la circonstance que le requérant, en tant que résident de la commune de Campione d’Italia, serait, comme il le soutient, susceptible d’être affecté par le règlement attaqué sur le plan économique ou social davantage que certains autres individus n’est pas en soi de nature à le rendre individuellement concerné par ledit règlement. En effet, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la circonstance qu’un acte puisse avoir des effets concrets différents pour les divers sujets de droit auxquels il s’applique n’a pas d’effet sur sa qualification de mesure de portée générale, dès lors que cette situation est objectivement déterminée (voir, en ce sens, arrêt du 10 décembre 2002, Commission/Camar et Tico, C‑312/00 P, EU:C:2002:736, point 77 et jurisprudence citée).

36      Partant, les circonstances invoquées par le requérant ne sauraient être considérées à première vue comme étant de nature à l’individualiser d’une manière analogue à celle d’un destinataire d’un acte, au sens de la jurisprudence portant sur l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et sur la notion d’affectation individuelle, citée au point 21 ci-dessus.

37      Il s’ensuit que le requérant ne saurait prima facie prétendre à ce que le règlement attaqué le concerne individuellement au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de sorte qu’une des conditions cumulatives de recevabilité prévues par cette disposition, de prime abord, fait défaut.

38      Ainsi, la demande de sursis à l’exécution du règlement attaqué doit être déclarée irrecevable, du fait que le recours principal sur lequel elle se greffe apparaît, à première vue, manifestement irrecevable.

 Sur la demande de sursis à lexécution de la directive 2019/475

39      Dans leurs observations sur la présente demande en référé, le Conseil et le Parlement font notamment valoir que celle-ci est irrecevable en ce qu’elle tend au sursis à l’exécution de la directive 2019/475, du fait que le requérant n’a introduit aucun recours à l’encontre de cette directive.

40      Comme ça a été déjà rappelé au point 17 ci-avant, en vertu de l’article 156, paragraphe 1, du règlement de procédure, « toute demande de sursis à l’exécution d’un acte […] n’est recevable que si le demandeur a attaqué cet acte dans un recours devant le Tribunal ».

41      À cet égard, il est constant que le recours dans l’affaire principale tend à l’annulation du règlement attaqué. Il est également constant que, dans le petitum de ce recours, le requérant a formulé un chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal juge en vertu de l’article 264 TFUE que, du fait de la nullité du règlement attaqué, la directive (2019/475 est dépourvue d’effets juridiques dans la mesure où elle serait fonctionnellement liée à ce règlement. En outre, dans ses observations sur les exceptions d’irrecevabilité opposées dans l’affaire principale, le requérant a précisé que l’éventuelle annulation du règlement attaqué aurait pour conséquence que le Tribunal fût tenu de déclarer la directive 2019/475 inapplicable ou dépourvue de tout effet.

42      Il importe de préciser que, aux termes de l’article 264 TFUE, si le recours est fondé, la Cour de justice de l’Union européenne déclare nul et non avenu l’acte contesté. Toutefois, aux termes de cette même disposition, la Cour de justice de l’Union européenne indique, si elle l’estime nécessaire, ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs. Cette disposition ne saurait dès lors fournir une base juridique permettant d’introduire un recours autonome par rapport à celui visé à l’article 263 TFUE. Bien au contraire, l’article 264 TFUE vise à préciser les effets qu’une éventuelle annulation prononcée sur le fondement de l’article 263 TFUE produit à l’égard de l’acte faisant l’objet du recours introduit sur le fondement de cette disposition.

43      Il s’ensuit, compte tenu du libellé non équivoque du petitum du recours dans l’affaire principale, tel que corroboré par les précisions susmentionnées figurant dans les observations sur les exceptions d’irrecevabilité, que le chef de conclusions tendant à ce que le Tribunal juge en vertu de l’article 264 TFUE que la directive 2019/475 est dépourvue de tout effet ne saurait être assimilé à un recours en annulation mettant en cause la légalité de cette directive. Partant, ledit chef de conclusions ne saurait avoir pour objet d’« attaqu[er] cet acte devant le Tribunal » au sens de l’article 156, paragraphe 1, du règlement de procédure.

44      Par ailleurs, compte tenu du fait que la directive 2019/475 constitue un acte législatif séparé et autonome par rapport au règlement attaqué et qu’elle produit, conformément à l’article 288 TFUE, des effets juridiques qui lui sont propres, le recours dirigé dans l’affaire principale à l’encontre de ce règlement ne saurait avoir pour effet de saisir le Tribunal d’un recours contre cette directive.

45      Par conséquent, en l’absence de tout recours dirigé à l’encontre de la directive 2019/475, la demande de sursis à l’exécution de cette directive doit être rejetée comme étant irrecevable.

46      En tout état de cause, dans la mesure où le chef de conclusions en cause tend essentiellement à obtenir un arrêt déclaratoire, il convient de rappeler que selon une jurisprudence constante, le contentieux de l’Union ne connaît pas de voie de droit permettant au juge de prendre position par le biais d’une déclaration générale ou de principe (voir arrêt du 21 mars 2012, Fulmen et Mahmoudian/Conseil, T‑439/10 et T‑440/10, EU:T:2012:142, point 41 et jurisprudence citée). Partant, le chef de conclusions portant sur la directive 2019/475, tel qu’il figure dans le recours dans l’affaire principale, apparaît, à première vue, comme porté devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaître. Il s’ensuit que la demande de sursis à l’exécution de la directive 2019/475 doit à cet égard être également rejetée comme étant irrecevable.

47      Indépendamment de la question de savoir si la directive 2019/475 est visée par le recours dans l’affaire principale, la présente demande de sursis à l’exécution de cette directive devrait être en tout état de cause rejetée comme étant irrecevable pour des motifs analogues à ceux retenus aux points 17 à 33 ci-dessus pour rejeter la demande de sursis à l’exécution du règlement attaqué. En effet, le requérant n’étant pas parvenu à établir qu’il est individuellement affecté par la directive 2019/475 au sens de l’article 263 TFUE, il apparaît, à première vue, qu’il n’est manifestement pas recevable à introduire un recours en annulation de ladite directive, ni, partant, recevable à introduire une demande de sursis à son exécution.

48      À la lumière de tout ce qui précède, la présente demande en référé doit être rejetée dans son ensemble comme étant irrecevable.

49      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.


2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 12 février 2020.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. van der Woude


*      Langue de procédure : l’italien.