ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

27 février 2002 (1)

«Marque communautaire - Vocable EUROCOOL - Respect des droits de la défense - Motif absolu de refus - Caractère distinctif - Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94»

Dans l'affaire T-34/00,

Eurocool Logistik GmbH, établie à Linz (Autriche), représentée par Me G. Secklehner, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par MM. O. Montalto, E. Joly et G. Schneider, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 9 décembre 1999 (affaire R 233/1999-1), concernant l'enregistrement du vocable EUROCOOL comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. P. Mengozzi, président, Mme V. Tiili et M. R. M. Moura Ramos, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 21 février 2000,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 20 juin 2000,

à la suite de l'audience du 14 juin 2001,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1.
    Le 6 juin 1996, la requérante a présenté une demande de marque verbale communautaire à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l'«Office»), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2.
    La marque dont l'enregistrement a été demandé est le vocable EUROCOOL.

3.
    Les services pour lesquels l'enregistrement a été demandé relèvent des classes 39 et 42 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante:

classe 39: «Entreposage de marchandises, en particulier de marchandises réfrigérées et surgelées; conseils et renseignements sur l'entreposage de marchandises, en particulier de marchandises réfrigérées et surgelées; location d'entrepôts; transport de marchandises surgelées dans des véhicules et des camions; conseils et renseignements sur le transport de marchandises réfrigérées et surgelées; location d'entrepôts frigorifiques, de congélateurs et de dispositifs d'entreposage de marchandises réfrigérées et surgelées»;

classe 42: «Création de systèmes logistiques, en particulier pour le transport et l'entreposage de marchandises réfrigérées et surgelées; développement de logiciels pour l'entreposage, le commissionnage et le transport de marchandises réfrigérées et surgelées».

4.
    Par communication du 5 novembre 1998, l'examinateur a informé la requérante que le vocable EUROCOOL lui semblait ne pas pouvoir être enregistré parce qu'il était dépourvu de caractère distinctif au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 par rapport aux services visés par la demande de marque.

5.
    Par décision du 11 mars 1999, l'examinateur a rejeté la demande, au titre de l'article 38 du règlement n° 40/94, pour le motif indiqué dans sa communication du 5 novembre 1998.

6.
    Le 10 mai 1999, la requérante a formé un recours auprès de l'Office, au titre de l'article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de l'examinateur.

7.
    Par décision du 9 décembre 1999 (ci-après la «décision attaquée»), qui a été notifiée à la requérante le 15 décembre 1999, la chambre de recours a confirmé le rejet de l'examinateur (point 1 du dispositif de la décision attaquée), au motif que le vocable EUROCOOL était dépourvu de caractère distinctif au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et qu'il était exclusivement descriptif en vertu de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement. En outre, le recours a été renvoyé à l'examinateur pour suite à donner en ce qui concerne la preuve de l'acquisition du caractère distinctif, conformément à l'article 7, paragraphe 3, dudit règlement (point 2 du dispositif de la décision attaquée).

8.
    La chambre de recours a considéré, en substance, que la décision de l'examinateur était bien fondée, étant donné que le vocable EUROCOOL désigne des activités d'emmagasinage et de transport de produits réfrigérés dans l'espace européen. Selon la chambre de recours, la combinaison de mots EUROCOOL, répondant aux règles d'usage de la langue anglaise, consiste en un mot courant, «COOL», qui indique l'espèce des services concernés, et en un préfixe non moins courant, «EURO», qui annonce l'espace géographique prévu pour ces services.

Conclusions des parties

9.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     annuler le point 1 du dispositif de la décision attaquée;

-    renvoyer la demande de marque à l'Office pour poursuivre la procédure d'enregistrement;

-    à titre subsidiaire, annuler partiellement le point 1 du dispositif de la décision attaquée et renvoyer la demande de marque à l'Office pour poursuivre la procédure d'enregistrement en ce qui concerne les services suivants:

    classe 39: «Entreposage de marchandises surgelées; location d'entrepôts; conseils et renseignements sur l'entreposage de marchandises surgelées; transport de marchandises surgelées dans des véhicules et des camions; conseils et renseignements sur le transport de marchandises surgelées; location d'entrepôts frigorifiques, de congélateurs et de dispositifs d'entreposage de marchandises surgelées»;

    classe 42: «Création de systèmes logistiques pour le transport de marchandises surgelées; développement de logiciels pour l'entreposage, le commissionnage et le transport de marchandises surgelées»;

-    ou, à titre plus subsidiaire, en ce qui concerne les services suivants:

    classe 39: «Entreposage de marchandises; location d'entrepôts; conseils et renseignements sur l'entreposage de marchandises»;

    classe 42: «Création de systèmes logistiques»;    

-    condamner l'Office aux entiers dépens, y compris les dépens liés à la procédure devant la chambre de recours.

10.
    L'Office conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     rejeter les demandes de la requérante;

-    condamner la requérante aux dépens.

En droit

Sur les demandes principale et subsidiaires tendant à ce que l'affaire soit renvoyée à l'Office pour poursuivre la procédure d'enregistrement

11.
    La requérante demande au Tribunal de renvoyer l'affaire à l'Office et d'adresser à celui-ci une injonction de poursuivre la procédure d'enregistrement.

12.
    En vertu de l'article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, l'Office est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt du juge communautaire. Dès lors, il n'appartient pas au Tribunal d'adresser à l'Office une injonction. Il incombe, en effet, à ce dernier de tirer les conséquences du dispositif et des motifs du présent arrêt [arrêt du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T-331/99, Rec. p. II-433, point 33]. Les présentes demandes sont donc irrecevables.

Sur la demande d'annulation du point 1 du dispositif de la décision attaquée

13.
    La requérante invoque trois moyens tirés, le premier, en substance, de la violation de ses droits de la défense, le deuxième, de la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 et, le troisième, de la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement.

Sur le premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense

- Arguments des parties

14.
    La requérante fait observer que la décision de l'examinateur du 11 mars 1999 est fondée uniquement sur l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 et que la décision attaquée, en revanche, l'est sur l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du même règlement. Selon la requérante, l'examinateur aurait dû se fonder également sur l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94. Admettre le contraire revient, selon elle, à permettre aux examinateurs d'avancer à tout moment de nouveaux motifs de refus pouvant être lus «entre les lignes» d'une éventuelle motivation volontairement générale.

15.
    Lors de l'audience, la requérante a soutenu que, en faisant allusion dans sa requête aux examinateurs, elle se référait à l'examinateur et à la chambre de recours et qu'elle entendait se plaindre particulièrement du fait que la chambre de recours avait avancé un nouveau motif absolu de refus, sans qu'elle ait eu la possibilité de se prononcer à son égard, étant donné qu'il n'était pas mentionné dans la décision du 11 mars 1999. En outre, elle a fait valoir que, dans le mémoire exposant les motifs de sa contestation de cette décision devant la chambre de recours, elle avait fait référence de façon incidente à l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 par précaution. Elle a ajouté que, si cet article avait été invoqué par l'examinateur, elle aurait pu s'étendre davantage sur le caractère non descriptif du vocable en cause.

16.
    L'Office soutient que le moyen fondé sur le défaut de motivation, invoqué par la requérante, est irrecevable parce qu'il concerne la décision de l'examinateur et non pas celle de la chambre de recours qui est la décision attaquée devant le Tribunal.

- Appréciation du Tribunal

17.
    L'examinateur a rejeté la demande de marque EUROCOOL parce que celle-ci était dépourvue de caractère distinctif au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, par rapport aux services demandés. La chambre de recours a fait valoir que le vocable en cause se heurtait non seulement au motif absolu de refus visé par l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 mais, également, à celui visé par l'article 7, paragraphe 1, sous c), du même règlement.

18.
    En considérant les allégations avancées par la requérante dans leur ensemble, il faut observer que, en substance, elle prétend, d'une part, que la chambre de recours n'aurait pu se prononcer sur le motif absolu de refus visé par l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 que si l'examinateur l'avait fait lui-même; d'autre part, elle relève que la chambre de recours a appliqué d'office un motif absolu de refus qui n'avait pas été invoqué par l'examinateur, sans qu'elle ait été invitée au préalable à présenter ses observations.

19.
    Par conséquent, le moyen invoqué par la requérante, qui consiste, en fait, en un grief de violation des droits de la défense, est recevable en ce qu'il vise la décision attaquée.

20.
    À cet égard, il convient de relever, d'emblée, que le principe de la protection des droits de la défense est consacré par l'article 73 du règlement n° 40/94, selon lequel les décisions de l'Office ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position.

21.
    Par ailleurs, le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit communautaire, en vertu duquel les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent, comme en l'espèce, de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêt de la Cour du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, point 15).

22.
    Enfin, il ressort de la jurisprudence du Tribunal que, en ne donnant pas l'occasion à la requérante de se prononcer sur l'application des motifs absolus de refus que la chambre de recours retient d'office, celle-ci viole les droits de la défense [arrêt du Tribunal du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d'un savon), T-122/99, Rec. p. II-265, point 47].

23.
    En l'espèce, en ce qui concerne la décision de l'examinateur, elle est motivée sur une analyse linguistique de chacun des éléments qui composent le vocable en cause, à savoir l'abréviation «EURO» et l'adjectif «COOL». Selon l'examinateur, la combinaison de ces deux mots usuels ne confère pas au vocable EUROCOOL un caractère de fantaisie et distinctif. Ainsi, le rejet par l'examinateur de la demande de marque communautaire a été uniquement motivé par l'absence de caractère distinctif du vocable en cause. Il n'a pas été justifié par le caractère descriptif de celui-ci.

24.
    En ce qui concerne la décision attaquée, elle est fondée sur deux motifs absolus de refus, l'absence de caractère distinctif et la nature exclusivement descriptive du vocable EUROCOOL. S'agissant de ce dernier motif, la chambre de recours observe que l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 interdit l'octroi à une entreprise du droit exclusif d'utiliser, dans le commerce, un vocable qui se limite à décrire, sous une forme usuelle, la qualité ou la destination des produits et des services pour lesquels il est revendiqué. En outre, elle estime qu'une telle indication doit rester impérativement disponible en vue d'un emploi général, les concurrents ayant un intérêt légitime à pouvoir l'utiliser librement (point 12 des motifs de la décision attaquée). Or, ces arguments, qui fondent exclusivement l'application de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, n'étaient pas mentionnés dans la décision de l'examinateur.

25.
    Même en admettant que les éléments susceptibles de fonder les motifs absolus de refus visés par l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 puissent se recouper dans une certaine mesure, il n'en reste pas moins que ces motifs ont chacun un domaine d'application propre [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 7 juin 2001, DKV/OHMI (EuroHealth), T-359/99, Rec. p. II-1645, point 48]. En effet, les motifs absolus de refus édictés par l'article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 ne sauraient être réduits, aux fins d'être assimilés, à l'absence de distinctivité, dès lors qu'ils sont formulés dans deux dispositions distinctes.

26.
    Il y a donc lieu d'accueillir le premier moyen, tiré d'une violation des droits de la défense, dans la mesure où la chambre de recours a fait application du motif absolu de refus visé par l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, notamment sur le fondement d'un impératif de disponibilité des indications descriptives, sans donner à la requérante la possibilité de prendre utilement position à l'égard de ce motif absolu de refus et sur le raisonnement invoqué à l'appui.

27.
    Par conséquent, il n'y a pas lieu pour le Tribunal d'analyser le bien-fondé du deuxième moyen, tiré de la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 . Il est cependant nécessaire de vérifier si la chambre de recours a considéré à bon droit le vocable EUROCOOL comme étant dépourvu de caractère distinctif.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

- Arguments des parties

28.
    La requérante soutient que, contrairement à ce qu'a estimé la chambre de recours, la combinaison des mots «EURO» et «COOL» dans le vocable EUROCOOLconfère à celui-ci plusieurs sens possibles ainsi qu'un caractère distinctif, parce que ce vocable doit être considéré dans son ensemble et non en analysant chacun de ses composants. De surcroît, selon la requérante, la marque contestée peut être enregistrée parce qu'il s'agit de la création d'un mot de fantaisie.

29.
    En ce qui concerne le mot «EURO», la requérante estime que la plupart des citoyens de l'Union européenne l'associeront spontanément à la nouvelle monnaie commune et ne le percevront pas en tant qu'indication géographique. En ce qui concerne l'adjectif «COOL», la requérante fait valoir que peuvent lui être attribuées plusieurs significations autres que celle citée dans la décision attaquée. Quant au vocable EUROCOOL, la requérante allègue qu'il résulte d'une juxtaposition inhabituelle de deux mots et ne fait que suggérer que les services qu'elle propose ont trait à des conseils et à des informations se rapportant à un «monde cool avec des euros» ainsi qu'à des systèmes logistiques y afférents.

30.
    En outre, la requérante rappelle que, selon la pratique constante de l'Office, il peut être déduit de l'expression «dépourvue de caractère distinctif», figurant à l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, qu'un minimum de caractère distinctif suffit et que c'est conformément à cette disposition qu'il faut apprécier si un mot a un tel caractère, indépendamment du fait qu'il puisse ou non avoir une nature descriptive.

31.
    La requérante conclut que, même si le vocable EUROCOOL devait avoir un caractère distinctif réduit, il comporte un élément innovateur, d'autant plus qu'il ne se trouve dans aucun dictionnaire anglais ou allemand.

32.
    L'Office estime, tout comme la chambre de recours, que le vocable EUROCOOL sera immédiatement perçu par un public anglophone comme renvoyant banalement au fait que les services qu'il vise sont des services européens de transport, de magasinage ou d'entreposage équipés d'un système de réfrigération, voire plus, que ce système de réfrigération est conforme aux normes prévues par les réglementations communautaires en vigueur. Une telle combinaison, dénuée d'éléments de fantaisie, se borne à donner une information essentielle par rapport aux services auxquels elle s'applique.

33.
    L'Office rappelle que le mot «EURO» est utilisé, selon le dictionnaire Collins Cobuild English Dictionary (édition de 1992), pour former des mots qui décrivent ou renvoient à quelque chose concernant l'Europe ou l'Union européenne. L'élément «EURO» est ainsi fréquemment associé à d'autres termes pour constituer le préfixe de mots nouveaux. L'Office rejette ainsi l'argument de la requérante selon lequel l'introduction de la monnaie unique aurait modifié une telle acception du mot «EURO» puisque l'entrée en vigueur de l'euro n'a pas eu d'incidence dans la construction de mots composés avec le préfixe «EURO».

34.
    L'Office fait valoir que le mot «COOL», en tant qu'adjectif, signifie «modérément froid, agréable et rafraîchissant, à l'opposé de la grande chaleur et du froid». Cetteacception du mot «COOL», selon l'Office, ne saurait échapper aux professionnels des produits alimentaires concernés auxquels s'adressent les services désignés par le vocable EUROCOOL.

35.
    En outre, l'Office considère que la juxtaposition des mots «EURO» et «COOL» ne présente aucun élément distinctif, puisque ces deux mots sont combinés en bonne et due forme selon les règles linguistiques. Par ailleurs, le vocable en cause ne présente aucun élément de fantaisie. Enfin, l'Office soutient que le fait que le mot EUROCOOL n'apparaît dans aucun dictionnaire ou encyclopédie ne suffit pas à lui conférer le minimum de caractère distinctif requis.

- Appréciation du Tribunal

36.
    Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sont refusées à l'enregistrement «les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif». En outre, l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 énonce que «le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n'existent que dans une partie de la Communauté».

37.
    Les signes visés par l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sont réputés incapables d'exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir, celle d'identifier l'origine commerciale du produit ou du service afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d'une acquisition ultérieure, le même choix, si l'expérience s'avère positive ou de faire un autre choix si elle s'avère négative.

38.
    Le caractère distinctif d'une marque doit être apprécié, d'une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l'enregistrement du signe est demandé [voir arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Harbinger/OHMI (TRUSTEDLINK), T-345/99, Rec. p. II-3525, point 32] et, d'autre part, par rapport à la perception d'un public ciblé, qui est constitué par le consommateur de ces produits ou services.

39.
    Enfin, il découle des termes de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 qu'un minimum de caractère distinctif suffit pour que le motif de refus défini dans cet article ne soit pas applicable.

40.
    Dans le cas d'espèce, force est de constater, tout d'abord, que la chambre de recours n'a pas développé une analyse suffisante relative à l'application de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

41.
    Ainsi, la chambre de recours fait valoir que, selon le dictionnaire anglais Collins Cobuild English Dictionary (édition de 1995), le préfixe «EURO» est utilisé pour former des mots décrivant ou faisant allusion à des choses ayant trait à l'Europe ou à l'Union européenne, d'une part, et que l'adjectif «COOL» signifie, selon le dictionnaire anglais The New Shorter Oxford English Dictionary (édition de 1993),«modérément froid, agréable et rafraîchissant, à l'opposé de la grande chaleur et du froid», d'autre part (points 14 et 15 des motifs de la décision attaquée). En ce qui concerne le vocable EUROCOOL, la chambre de recours estime qu'il a un sens compréhensible, clair et non ambigu et, donc, qu'il ne véhicule pas d'autre information que la déclaration objective, claire et immédiatement compréhensible selon laquelle il s'agit de services ayant trait au transport réfrigéré des produits pris en charge dans l'espace européen et à leur conservation par le froid (point 18 des motifs de la décision attaquée).

42.
    Dès lors, la chambre de recours déduit l'absence de distinctivité du vocable en cause du fait que la combinaison de mots EUROCOOL, répondant aux règles d'usage de la langue anglaise, consiste uniquement en un mot courant, «cool», qui indique l'espèce des services concernés, et en un préfixe non moins courant, «euro», qui annonce l'espace géographique prévu pour ces services.

43.
    Or, le fait que le signe litigieux puisse être constitué d'éléments susceptibles de faire référence à certaines caractéristiques des services visés par la demande d'enregistrement et que la combinaison de ces éléments respecte les règles linguistiques ne suffit pas à justifier l'application du motif absolu de refus énoncé par l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sauf à démontrer qu'un tel signe, considéré dans son ensemble, ne permettrait pas au public ciblé de distinguer les services du demandeur de ceux des concurrents.

44.
    Il y a lieu de constater, ensuite, que la chambre de recours a indiqué ne pas voir, dans le vocable EUROCOOL, l'élément de fantaisie invoqué par la requérante (point 18 des motifs de la décision attaquée).

45.
    À cet égard, il convient de relever qu'il ressort de la jurisprudence du Tribunal que le défaut de distinctivité ne saurait résulter de l'absence d'un surcroît de fantaisie [arrêt du Tribunal du 5 avril 2001, Bank für Arbeit und Wirtschaft/OHMI (EASYBANK), T-87/00, Rec. p. II-1259, point 39] ou d'une touche minimale d'imagination [arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Taurus-Film/OHMI (Cine Action), T-135/99, Rec. p. II-379, point 31, et Taurus-Film/OHMI (Cine Comedy), T-136/99, Rec. p. II-397, point 31]. En effet, une marque communautaire ne procède pas nécessairement d'une création et ne se fonde pas sur un élément d'originalité ou d'imagination mais sur la capacité d'individualiser des produits ou des services dans le marché, par rapport aux produits ou services du même genre offerts par les concurrents.

46.
    Dans le cadre de l'application du motif absolu de refus énoncé par l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, il convient de déterminer, ainsi qu'il a été relevé au point 45, si le vocable EUROCOOL, pris dans son ensemble, permet au public ciblé d'individualiser les services du demandeur de la marque communautaire par rapport aux services ayant une autre origine commerciale.

47.
    En l'espèce, le public ciblé est censé être un public spécialisé, bien informé, attentif et avisé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I-3819, point 26, et arrêt EuroHealth, précité, point 27). En effet, comme la chambre de recours l'a constaté à juste titre, les services en cause sont destinés aux professionnels opérant dans le secteur des produits alimentaires et de l'hôtellerie. En outre, en application de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, le public ciblé pertinent par rapport auquel il convient d'apprécier le motif absolu de refus est le consommateur anglophone.

48.
    À la lumière de ces éléments, il y a lieu d'observer, tout d'abord, que le vocable EUROCOOL est composé du préfixe «EURO» et de l'adjectif «COOL». Comme la chambre de recours l'a indiqué, «EURO» est utilisé habituellement pour se référer à l'Europe ou à l'Union européenne et «COOL» peut évoquer quelque chose d'agréable et de rafraîchissant et, donc, suggérer une certaine qualité.

49.
    Ensuite, le vocable EUROCOOL peut être facilement et immédiatement mémorisé par le public ciblé. Il en résulte que le vocable EUROCOOL, pris dans son ensemble, est doté d'une capacité intrinsèque pour être appréhendé par le public ciblé en tant que signe distinctif.

50.
    Il convient également de relever que la chambre de recours n'a pas indiqué, dans la décision attaquée, que le vocable EUROCOOL, pris dans son ensemble, était une dénomination générique ou habituelle dans le secteur des produits alimentaires et de l'hôtellerie ou dans celui des services relevant des classes 39 et 42 de la classification de Nice, énumérés au point 3 ci-dessus, aux fins d'identifier ou de caractériser ces derniers.

51.
    En outre, la chambre de recours n'a pas établi que le vocable en cause, considéré dans son ensemble, ne permettrait pas au public ciblé de distinguer les services de la requérante de ceux qui ont une autre origine commerciale.

52.
    Il résulte de l'ensemble des considérations qui précèdent que c'est à tort que la chambre de recours a considéré que le vocable EUROCOOL était dépourvu de caractère distinctif au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

53.
    Il s'ensuit que le point 1 du dispositif de la décision attaquée doit être annulé.

Sur les dépens

54.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens.

55.
    Conformément à l'article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme des dépens récupérables.

56.
    L'Office ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, y compris les frais indispensables de la procédure devant la chambre de recours, exposés par la requérante, conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le point 1 du dispositif de la décision de la première chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 9 décembre 1999 (affaire R 233/1999-1) est annulé.

2)    Le recours est rejeté pour le surplus.

3)    La partie défenderesse est condamnée aux dépens.

Mengozzi                Tiili                    Moura Ramos

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 février 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

P. Mengozzi


1: Langue de procédure: l'allemand.