CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 26 octobre 2016 (1)

Affaire C‑14/16

Euro Park Service, venant aux droits et aux obligations de la société Cairnbulg Nanteuil

contre

Ministre des finances et des comptes publics

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

« Renvoi préjudiciel – Fiscalité – Régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents – Directive 90/434/CEE – Article 11 – Fraude ou évasion fiscales – Agrément préalable de l’administration fiscale – Liberté d’établissement – Article 49 TFUE »





I –    Introduction

1.        La présente demande de décision préjudicielle du 16 décembre 2015, déposée au greffe de la Cour, le 11 janvier 2016, par le Conseil d’État (France), porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE et de l’article 11 de la directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’État membres différents (2).

2.        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société de droit luxembourgeois Euro Park Service (ci-après « Euro Park »), venant aux droits de la société française SCI Cairnbulg Nanteuil (ci-après « SCI Cairnbulg Nanteuil »), à l’administration fiscale française (ci-après l’« administration fiscale ») au sujet de l’imposition de cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle sur cet impôt, ainsi que de pénalités. Selon l’administration fiscale, ces impositions et pénalités résultent du fait, d’une part, que SCI Cairnbulg Nanteuil n’avait pas sollicité l’agrément ministériel prévu par le droit français en cas d’apports effectués au profit d’une société étrangère et, d’autre part, que, en toute hypothèse, cet agrément ne lui aurait pas été accordé dès lors que sa dissolution n’était pas justifiée par une raison économique mais poursuivait un but de fraude ou d’évasion fiscales.

3.        La juridiction de renvoi considère que, afin de trancher le litige devant elle, il est nécessaire de savoir, notamment, si l’article 49 TFUE s’oppose à une législation nationale qui, dans le but de lutter contre la fraude et l’évasion fiscale, subordonne, d’une manière systématique, le bénéfice du régime fiscal commun applicable aux fusions et opérations assimilées, à une procédure d’agrément préalable par les seuls apports faits à des personnes morales étrangères.

II – Le cadre juridique

A –    Le droit de l’Union

4.        L’article 49 TFUE (ancien article 43 TCE) est libellé comme suit :

« Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un État membre dans le territoire d’un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un État membre établis sur le territoire d’un État membre.

[…] »

5.        L’article 4 de la directive 90/434 prévoit ce qui suit :

« 1.      La fusion ou la scission n’entraîne aucune imposition des plus-values qui sont déterminées par la différence entre la valeur réelle des éléments d’actif et de passif transférés et leur valeur fiscale.

[…] »

6.        L’article 11 de la directive 90/434 prévoit ce qui suit :

« 1.      Un État membre peut refuser d’appliquer tout ou partie des dispositions des titres II, III et IV ou en retirer le bénéfice lorsque l’opération de fusion, de scission d’apport d’actifs ou d’échange d’actions :

a)      a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales ; le fait qu’une des opérations visées à l’article 1er n’est pas effectuée pour des motifs économiques valables, tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés participant à l’opération, peut constituer une présomption que cette opération a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales.

[…] »

B –    Le droit français

7.        Les dispositions pertinentes du code général des impôts (ci-après le « CGI ») en vigueur en France à l’époque des faits en cause dans l’affaire au principal sont les suivantes.

8.        L’article 210 A du CGI dispose ce qui suit :

« 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l’ensemble des éléments d’actif apportés du fait d’une fusion ne sont pas soumis à l’impôt sur les sociétés.

[...]

3. L’application de ces dispositions est subordonnée à la condition que la société absorbante s’engage, dans l’acte de fusion, à respecter les prescriptions suivantes :

[...]

b. Elle doit se substituer à la société absorbée pour la réintégration des résultats dont la prise en compte avait été différée pour l’imposition de cette dernière ;

c. Elle doit calculer les plus-values réalisées ultérieurement à l’occasion de la cession des immobilisations non amortissables qui lui sont apportées d’après la valeur qu’elles avaient, du point de vue fiscal, dans les écritures de la société absorbée ;

d. Elle doit réintégrer dans ses bénéfices imposables les plus-values dégagées lors de l’apport des biens amortissables [...] »

9.        L’article 210 B, paragraphe 3, du CGI prévoit ce qui suit :

« [...] L’agrément est délivré lorsque, compte tenu des éléments faisant l’objet de l’apport :

a. L’opération est justifiée par un motif économique, se traduisant notamment par l’exercice par la société bénéficiaire de l’apport d’une activité autonome ou l’amélioration des structures, ainsi que par une association entre les parties ;

b. L’opération n’a pas comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales ;

c. Les modalités de l’opération permettent d’assurer l’imposition future des plus-values mises en sursis d’imposition. »

10.      Selon la juridiction de renvoi, l’article 210 C du CGI assure la transposition en droit interne de la directive 90/434. Cet article énonce ce qui suit :

« 1. Les dispositions des articles 210 A et 210 В s’appliquent aux opérations auxquelles participent exclusivement des personnes morales ou organismes passibles de l’impôt sur les sociétés.

2. Ces dispositions ne sont applicables aux apports faits à des personnes morales étrangères par des personnes morales françaises que si ces apports ont été préalablement agréés dans les conditions prévues au 3 de l’article 210 В.

[…] »

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

11.      Euro Park était l’associée unique de SCI Cairnbulg Nanteuil et est venue aux droits de cette dernière.

12.      Le 26 novembre 2004, SCI Cairnbulg Nanteuil a fait l’objet « d’une opération de dissolution sans liquidation […] de la part et au profit de son associé unique […] » (3). À cette occasion, SCI Cairnbulg Nanteuil a opté pour le régime spécial des fusions prévu aux articles 210 et suivants du CGI. Par conséquent, elle n’a pas, au titre de l’exercice clos le 26 novembre 2004, déclaré à l’impôt sur les sociétés les plus-values nettes et les profits dégagés sur les actifs dont elle avait fait apport à Euro Park.

13.      Il ressort de la décision de renvoi que ces apports, constitués de biens immobiliers, ont été évalués à leur valeur nette comptable, soit 9 387 700 euros, dans l’acte notarié du 19 avril 2005 au travers duquel la transmission universelle du patrimoine de SCI Cairnbulg Nanteuil à Euro Park a été faite. Le même jour, cette dernière a cédé ces biens immobiliers à la société SCI IBC Ferrier au prix de 15 776 600 euros, correspondant à leur valeur vénale au 26 novembre 2004.

14.      À la suite d’un contrôle fiscal, l’administration fiscale a remis en cause le bénéfice du régime spécial des fusions au profit de SCI Cairnbulg Nanteuil. Selon cette administration, SCI Cairnbulg Nanteuil n’avait pas sollicité l’agrément ministériel prévu par le CGI et cet agrément ne lui aurait de toute façon pas été accordé puisque l’opération en cause ne pouvait se justifier par des raisons économiques mais poursuivait un but de fraude ou d’évasion fiscales.

15.      Par conséquent, des suppléments d’impôts et de contributions additionnelles à l’impôt, assorties de pénalités prévues à l’article 1729 du CGI en cas de manquement délibéré, ont été mis à charge de Euro Park venant aux droits de SCI Cairnbulg Nanteuil.

16.      Euro Park a demandé au tribunal administratif de Paris (France) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités. Par jugement du 6 juillet 2011, le tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande. Par arrêt du 11 avril 2013, la cour d’appel de Paris (France) a confirmé l’arrêt du tribunal administratif de Paris. Euro Park s’est pourvue en cassation devant le Conseil d’État. Dans ce contexte, le Conseil d’État a décidé de se surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1. Lorsqu’une législation nationale d’un État membre utilise en droit interne la faculté offerte à l’article 11, paragraphe 1, de la directive [90/434], y a-t-il place pour un contrôle des actes pris pour la mise en œuvre de cette faculté au regard du droit primaire de l’Union ?

2. En cas de réponse positive à la première question, les stipulations de l’article 49 TFUE doivent-elles être interprétées comme faisant obstacle à ce qu’une législation nationale, dans un but de lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales, subordonne le bénéfice du régime fiscal commun applicable aux fusions et opérations assimilées à une procédure d’agrément préalable en ce qui concerne les seuls apports faits à des personnes morales étrangères à l’exclusion des apports faits à des personnes morales de droit national ? »

IV – La procédure devant la Cour

17.      Des observations écrites ont été déposées par Euro Park, le gouvernement français ainsi que par la Commission européenne. Les mêmes ont formulé des observations orales lors de l’audience qui s’est tenue le 7 septembre 2016.

V –    Analyse

A –    Observations liminaires

18.      Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions seront ciblées sur la seconde question préjudicielle posée par la juridiction de renvoi, qui n’est posée que pour le cas où la première question préjudicielle reçoit une réponse positive, à savoir que lorsqu’une législation nationale d’un État membre utilise en droit interne la faculté offerte par l’article 11, paragraphe 1, de la directive 90/434, il y a place pour un contrôle des actes pris pour la mise en œuvre de cette faculté au regard du droit primaire de l’Union.

19.      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une législation nationale, dans un but de lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales, subordonne le bénéfice du régime fiscal commun applicable aux fusions et opérations assimilées à une procédure d’agrément préalable pour les apports faits à des personnes morales étrangères alors que cette procédure n’est pas applicable aux apports faits à une personne morale nationale.

20.      Il convient de rappeler que l’article 210 C du CGI, qui prévoit la procédure d’agrément préalable litigieuse, assure, selon la juridiction de renvoi et le gouvernement français, la transposition en droit interne de la directive 90/434.

21.      Selon le gouvernement français, il est incontestable que la législation nationale en cause est compatible avec les dispositions de la directive 90/434.

22.      Euro Park estime au contraire que l’article 210 C du CGI n’est pas compatible avec l’article 11 de la directive 90/434 et la Commission considère que l’instauration d’une procédure d’agrément pour tout apport d’une société à une autre dans le cadre d’une fusion va à l’encontre de l’objectif de la directive 90/434 tel qu’il ressort de son premier considérant. Une procédure d’agrément préalable rendrait le bénéfice de cette directive illusoire. En outre, selon la Commission, il ne ressort pas de la demande de décision préjudicielle « dans quelle mesure la législation française contient des dispositions comportant des modalités d’application qui ont un caractère suffisamment précis, clair et prévisible pour permettre aux contribuables de connaître leurs droits et donc de satisfaire le principe général de droit de sécurité juridique ».

23.      Par conséquent, avant de répondre à la seconde question posée par la juridiction de renvoi qui porte sur l’article 49 TFUE, je considère, comme la Commission, qu’il convient d’analyser la directive 90/434 et, en particulier, son article 11, paragraphe 1, sous a) (4).

B –    La directive 90/434

24.      Il est de jurisprudence constante que l’objectif poursuivi par la directive 90/434, tel qu’il ressort de son premier considérant (5), est d’instaurer « des règles fiscales neutres au regard de la concurrence afin de permettre aux entreprises de s’adapter aux exigences du marché commun, d’accroître leur productivité et de renforcer leur position concurrentielle sur le plan international. Ce même considérant prévoit également que les fusions, les scissions, les apports d’actifs et les échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents ne doivent pas être entravés par des restrictions, des désavantages ou des distorsions particuliers découlant des dispositions fiscales des États membres » (6). En effet, la directive 90/434 « vise à éliminer les obstacles fiscaux aux restructurations transfrontalières d’entreprises, en assurant que des éventuelles augmentations de valeur de parts sociales ne soient pas taxées avant leur réalisation effective » (7). « À cette fin, la directive 90/434 dispose, notamment, à son article 4, que la fusion ou la scission n’entraîne aucune imposition des plus-values, déterminées par différence entre la valeur réelle des éléments d’actif et de passif transférés et leur valeur fiscale […] » (8).

25.      Toutefois, la Cour a également dit pour droit que, par son article 11, la directive 90/434 accordait aux États membres une réserve de compétence (9). En effet, « l’article 11, paragraphe 1), sous a), [de la directive 90/434] autorise les États membres à ne pas appliquer tout ou partie des dispositions de ladite directive, y compris les avantages fiscaux […] [prévus à l’article 4 de la directive], ou à en retirer le bénéfice lorsque l’opération de fusion, scission, d’apport d’actifs ou d’échange d’action a, notamment, comme objectif principal ou comme l’un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales » (10).

26.      L’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 précise, en outre, que le fait que l’opération n’est pas effectuée pour des motifs économiques valables, tels que la restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés participant à l’opération, peut constituer une présomption que cette opération a comme objectif principal la fraude ou l’évasion fiscales (11).

27.      Au point 43 de l’arrêt du 17 juillet 1997, Leur-Bloem (C‑28/95, EU:C:1997:369), la Cour a jugé qu’en l’absence de dispositions du droit de l’Union régissant « la mise en œuvre de la présomption prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous a), il appartient aux États membres de déterminer, dans le respect du principe de proportionnalité, les modalités nécessaires aux fins de l’application de cette disposition ».

28.      La Cour a également dit pour droit que l’instauration d’une règle revêtant une portée générale qui exclurait automatiquement certaines catégories d’opérations de l’avantage fiscal irait au-delà de ce qui est nécessaire pour éviter la fraude ou l’évasion fiscales et porterait atteinte à l’objectif poursuivi par la directive 90/434 (12). En effet, il est de jurisprudence constante que, pour vérifier si une opération poursuit des fins de fraude ou d’évasion fiscale, les États membres, en transposant l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434, ne sauraient se contenter d’appliquer des critères généraux prédéterminés, mais doivent procéder, au cas par cas, à un examen global de cette question (13).

C –    Sur l’application de l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 en l’espèce

1.      L’article 210 B, paragraphe 3, et l’article 210 C, paragraphe 2, du CGI – Leur conformité avec l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434

29.      Aux termes de l’article 210 B, paragraphe 3, du CGI, l’agrément préalable prévu à l’article 210 C, paragraphe 2, du CGI est délivré lorsque l’opération remplit trois conditions, à savoir : être justifiée par un motif économique, ne pas avoir comme objectif principal ou un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales et avoir des modalités permettant d’assurer l’imposition future des plus-values mises en sursis d’imposition.

30.      Le gouvernement français a soutenu lors de l’audience le fait que l’agrément prévu à l’article 210 C, paragraphe 2, du CGI était délivré dès que l’opération en cause remplissait la première condition prévue à l’article 210 B, paragraphe 3, du CGI, à savoir, que l’opération était justifiée par un motif économique. Selon le gouvernement français, lors de l’examen de l’opération, l’administration fiscale ne serait habilitée qu’à vérifier la réalité économique de celle-ci et non son opportunité économique.

31.      Au vu des termes non équivoques de l’article 210 B, paragraphe 3, du CGI qui exige clairement que trois conditions soient remplies avant que l’agrément puisse être délivré, je ne peux, sans autre preuve, tenir compte de cet argument du gouvernement français.

32.      Ce gouvernement soutient également que la législation française exige non pas que l’agrément préalable d’une opération transfrontalière, visée par la directive 90/434, soit préalable mais uniquement que la demande d’agrément le soit, c’est-à-dire présentée avant la réalisation de l’opération. Selon le gouvernement français, dans ces conditions, l’opération en cause peut être réalisée avant l’obtention de l’agrément moyennant une condition suspensive liée à cette obtention. Par conséquent, le gouvernement français estime que ce système s’apparente davantage à un système déclaratif qu’à un système d’autorisation.

33.      Outre qu’une telle condition suspensive m’apparaît concrètement impraticable et incompatible avec la réalité économique des opérations visées par la directive 90/434 (14), je relève surtout que l’article 210 C, paragraphe 2, du CGI prévoit explicitement que les dispositions des articles 210 A et 210 B du CGI ne s’appliquent aux apports faits à des personnes morales étrangères par des personnes morales françaises que « si ces apports ont été préalablement agréés dans les conditions prévues au [paragraphe] 3 de l’article 210 B » (15) du CGI (16). Par conséquent, le libellé de l’article 210 C, paragraphe 2, du CGI heurte de front l’argument du gouvernement français.

34.      En outre, il importe de relever que l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 autorise les États membres à ne pas appliquer les dispositions de la directive 90/434 à une seule condition, à savoir qu’une opération visée par cette directive « ait comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales » (17). Je considère, comme la Commission, qu’il ressort de la suite du paragraphe 1, sous a), dudit article que, si le fait que l’opération en cause n’est pas effectuée pour des motifs économiques valables peut constituer une présomption que cette opération a comme objectif principal ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales, l’absence de motifs économiques valables ne constitue pas une justification indépendante et supplémentaire permettant la non-application des dispositions de la directive 90/434 (18).

35.      Il s’ensuit que, par ses première et deuxième conditions, l’article 210 B, paragraphe 3, du CGI déduit deux conditions du seul élément prévu à l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 et, par conséquent, étend le champ d’application de la réserve de compétence au-delà de ce que prévoit cette disposition.

36.      De surcroît, la troisième condition prévue à l’article 210 B, paragraphe 3, du CGI (19), qui n’est pas non plus prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 (20), ne peut pas être justifiée par la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales (21) comme le prétend le gouvernement français, puisque cet objectif est déjà explicitement visé par la deuxième condition de l’article 210 B, paragraphe 3, du CGI.

37.      Dans ses observations écrites, le gouvernement français considère que les dispositions de la législation nationale en cause visent non seulement la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, mais également la sauvegarde d’une répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre États membres.

38.      Je ne pense pas que cet argument puisse être retenu.

39.      En effet, s’il est vrai que la Cour a jugé que la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres pouvait être admise comme justification d’une restriction aux libertés fondamentales, dès lors, notamment, que le régime en cause visait à prévenir des comportements de nature à compromettre le droit d’un État membre d’exercer sa compétence fiscale en relation avec les activités réalisées sur son territoire (22), la troisième condition de l’article 210 B, paragraphe 3, du CGI ne peut se justifier par cet objectif puisque la répartition équilibrée du pouvoir d’imposition entre les États membres est assurée par la directive 90/434 elle-même et la jurisprudence en la matière.

40.      En effet, il est constant que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 90/434 n’aboutit pas à une exonération définitive des plus-values afférentes à l’activité apportée. Cette disposition prévoit uniquement le report de l’imposition des plus-values afférentes à l’activité apportée jusqu’à leur réalisation effective. Aux termes du quatrième considérant de la directive 90/434 (23), le régime fiscal qu’elle établit, évite une imposition à l’occasion des opérations qu’elle cite « tout en sauvegardant les intérêts financiers de l’État de la société apporteuse ou acquise ». Je relève que, au point 28 de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 décembre 2012, 3D I (C‑207/11, EU:C:2012:818), la Cour a dit pour droit qu’« il résult[ait] des quatrième et sixième considérants de cette directive que celle-ci n’établi[ssait] qu’un régime de report de l’imposition des plus-values afférentes aux biens apportés, lequel, tout en évitant que l’apport d’activité ne donne lieu par lui-même à une imposition, sauvegarde les intérêts financiers de l’État de la société apporteuse en assurant l’imposition de ces plus-values au moment de leur réalisation effective ».

41.      Par contre, la troisième condition prévue à l’article 210 B, paragraphe 3, du CGI pourrait viser à assurer le recouvrement des impôts lors de la réalisation effective des plus-values (24). Or, outre le fait que cet objectif n’est pas visé par la réserve de compétence prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 et constitue donc une exigence supplémentaire qui élargit la portée de la réserve de compétence prévue par cette disposition, il convient de souligner que le recouvrement des impôts peut être assuré par d’autres moyens que cette procédure d’agrément préalable, à savoir, notamment, le recours à la directive 2010/24/UE du Conseil, du 16 mars 2010, concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances relatives aux taxes, impôts, droits et autres mesures (25).

42.      En conclusion, une législation nationale telle que celle dans l’affaire au principal élargit les conditions auxquelles l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 subordonne la faculté pour les États membres de refuser d’appliquer aux opérations visées par la directive 90/434 les avantages fiscaux qu’elle prévoit.

2.      L’instauration d’une présomption générale de fraude ou d’évasion fiscales

43.      Il ressort du dossier devant la Cour que la législation nationale en cause, et notamment l’article 210 B, paragraphe 3, et l’article 210 C, paragraphe 2, du CGI, prévoit pour chaque opération de fusion transfrontalière une procédure d’agrément préalable qui exige systématiquement et inconditionnellement d’apporter la preuve que l’opération en cause est justifiée par un motif économique et qu’elle n’a pas comme objectif principal ou un de ses objectifs principaux la fraude ou l’évasion fiscales, sans que l’administration soit tenue de fournir ne serait-ce qu’un commencement de preuve de l’absence de motifs économiques valables ou d’indices de fraude ou d’évasion fiscales (26).

44.      Je constate que, en subordonnant pour les opérations de fusions transfrontalières le bénéfice du régime fiscal prévu par la directive 90/434 à une telle procédure d’agrément préalable, la législation nationale en cause instaure une présomption générale de fraude ou d’évasion fiscales.

45.      Or, outre que la Cour n’a jamais admis le fait que la justification d’une restriction à l’une des libertés fondamentales garantis par le traité par la nécessité de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscales puisse découler d’une présomption générale de fraude ou d’abus (27), l’instauration d’une telle présomption me paraît violer clairement le principe de proportionnalité. En effet, il ressort de la jurisprudence de la Cour que « peut être considérée comme n’allant pas au-delà de ce qui est nécessaire pour prévenir la fraude et l’évasion fiscales une réglementation qui se fonde sur un examen d’éléments objectifs et vérifiables pour déterminer si une transaction présente le caractère d’un montage purement artificiel à des seules fins fiscales et qui, dans chaque cas où l’existence d’un tel montage ne peut être exclue, met le contribuable en mesure, sans le soumettre à des contraintes administratives excessives, de produire des éléments concernant les éventuelles raisons commerciales pour lesquelles cette transaction a été conclue » (28). Il découle de ce qui précède qu’une réglementation ne peut imposer au contribuable de justifier systématiquement la réalité et la sincérité d’une opération, sans que l’administration soit tenue de fournir ne serait-ce qu’un commencement de preuve de fraude ou d’évasion fiscales (29). Si la procédure d’agrément préalable est certes apte à combattre la fraude ou l’évasion fiscales visées à l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 (30), elle bouleverse l’économie de cette disposition et va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé.

46.      En effet, l’instauration d’une présomption comme celle en cause dans l’affaire au principal soumet de manière systématique et préalable chaque opération de fusion transfrontalière à des contraintes administratives importantes, même en l’absence du moindre indice de fraude ou d’évasion fiscales. Une telle présomption va, par conséquent, à l’encontre de l’objectif de la directive 90/434, qui, aux termes de son premier considérant, vise à réduire les entraves aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents découlant des dispositions fiscales des États membres (31).

D –    Sur l’arrêt Pelati

47.      Le gouvernement français considère que, dans l’arrêt du 18 octobre 2012, Pelati (C‑603/10, EU:C:2012:639, point 32), l’existence d’une procédure administrative préalable destinée à examiner l’éligibilité aux avantages de la directive 90/434 n’a pas été critiquée au regard du droit de l’Union sauf sur le point de départ du délai de la demande d’agrément qui n’était pas connu à l’avance par le contribuable demandeur (32).

48.      Il est exact que, dans l’arrêt du 18 octobre 2012, Pelati (C‑603/10, EU:C:2012:639, point 37), la Cour a jugé que n’était pas contraire à la directive 90/434 une législation telle que celle en cause « qui soumet l’octroi des avantages fiscaux applicables à une opération de scission conformément aux dispositions de cette directive à la condition que la demande afférente à cette opération soit introduite dans un délai déterminé » et a confié au juge de renvoi le soin de vérifier si les modalités et, plus particulièrement, le point de départ du délai d’introduction de la demande en cours étaient conformes au principe d’effectivité.

49.      Je ne crois cependant pas que l’on puisse trouver dans cet arrêt du 18 octobre 2012, Pelati (C‑603/10, EU:C:2012:639), les enseignements qu’en tire le gouvernement français pour la présente affaire. En effet, dans cette affaire, le refus de l’administration fiscale slovène d’accorder les avantages fiscaux prévus par la directive 90/434 n’était fondé que sur le fait que la demande d’autorisation préalable n’avait pas été déposée dans le délai prévu par la législation nationale en cause.

50.      Il n’est nullement question dans cette affaire des conditions de fond, qui ne sont d’ailleurs pas décrites dans l’arrêt. La Cour a jugé que le simple fait de prévoir une procédure d’autorisation préalable n’était pas contraire à la directive 90/434 et a concentré son analyse sur la conformité des dispositions sur le délai d’introduction de la demande avec le principe d’effectivité.

51.      Dans la présente affaire, ce qui paraît critiquable, ce n’est pas l’existence en tant que telle d’une procédure d’agrément mais les conditions de fond et de preuve requises pour obtenir cet agrément et, plus particulièrement, leur conformité au principe de proportionnalité, dont il n’est d’ailleurs pas question dans l’arrêt du 18 octobre 2012, Pelati (C‑603/10, EU:C:2012:639).

52.      Par ailleurs, il ressort de l’arrêt du 18 octobre 2012, Pelati (C‑603/10, EU:C:2012:639, point 36), que les modalités de mise en œuvre d’une procédure d’agrément préalable doivent être suffisamment précises, claires et prévisibles pour permettre aux assujettis de connaître leurs droits et s’assurer que ces derniers seront en mesure de bénéficier des avantages fiscaux prévus par les dispositions de la directive 90/434.

53.      À ce sujet, en relevant que, au cours de l’année 2015, l’intégralité des demandes d’agrément au titre de l’article 210 B du CGI a fait l’objet d’un accord de l’administration française, le gouvernement français estime que la mise en place d’une procédure d’agrément en amont permet d’assurer une plus grande sécurité juridique à la société bénéficiaire, dès lors que les critères pour bénéficier de l’agrément sont clairs, précis et prévisibles.

54.      Par contre, Euro Park souligne que « [l’]obtention de l’agrément n’est enfermée dans aucun délai. Tout au plus, le silence conservé par l’administration fiscale pendant quatre mois est constitutif d’une décision implicite de rejet qui peut être contestée devant le juge de l’impôt ». Euro Park ajoute que « les délais de traitement de la demande d’agrément sont manifestement incompatibles avec la vie des affaires ».

55.      À mon avis, la législation française ne prévoit pas de modalités d’application qui ont un caractère précis, clair et prévisible pour permettre aux contribuables de connaître leurs droits et donc satisfaire le principe général de droit de sécurité juridique.

56.      En effet, lors de l’audience du 7 septembre 2016, le gouvernement français a confirmé le fait que les conditions d’application de la procédure d’agrément en cause n’étaient que brièvement décrites à l’article 210 B du CGI, en ajoutant que les détails de ces conditions étaient accessibles sur le site Internet de l’administration fiscale ainsi que dans les commentaires publics de l’administration fiscale qui sont opposables à l’administration française.

57.      À cela s’ajoute le fait que les dispositions de l’article 210 B, paragraphe 3, du CGI et de l’article 210 C, paragraphe 2, du CGI ne correspondent pas (33), selon le gouvernement français lui-même, à la « pratique » appliquée par l’administration française dans ce domaine, ce qui est en soi suffisant pour créer l’incertitude quant aux modalités d’application de l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 en France. Ces modalités ne paraissent pas suffisamment précises, claires et prévisibles pour permettre aux assujettis de connaître leurs droits, d’autant plus que certaines d’entre elles au moins restent susceptibles d’être modifiées au gré de l’administration fiscale.

58.      Il convient également de relever que les statistiques invoquées par le gouvernement français ne concernent que la seule année 2015 alors que l’opération en cause au principal s’est réalisée en 2004 et que, lors de l’audience, le gouvernement français n’a pu en donner pour aucune des autres années.

59.      S’agissant des délais applicables à la procédure d’agrément, le gouvernement français a déclaré, à la suite des questions posées par la Cour lors de l’audience, que, en application d’un décret (non cité), une décision de rejet était toujours motivée, mais a également confirmé que l’écoulement d’un délai de quatre mois sans réponse de la part de l’administration fiscale à une demande d’agrément préalable équivalait à une décision implicite de rejet, qui, dans ce cas, n’est motivée que si le contribuable le demande.

60.      À mon avis, ces éléments ne s’inscrivent pas dans l’objectif de la directive 90/434 prévu à son premier considérant selon lequel les opérations visées par celle-ci ne doivent pas être entravées par des restrictions, des désavantages ou des distorsions particuliers découlant des dispositions fiscales des États membres.

61.      Dans ces conditions et eu égard aux considérations qui précèdent, notamment sur les principes de proportionnalité, de sécurité juridique et d’effectivité, je considère que l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 s’oppose à ce qu’une législation nationale, dans un but de lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales, subordonne le bénéfice du régime fiscal commun applicable aux fusions et opérations assimilées à une procédure d’agrément préalable telle que celle en cause, limitée aux seuls apports faits à des personnes morales étrangères, à l’exclusion des apports faits à des personnes morales de droit national.

E –    Sur l’existence d’une restriction à la liberté d’établissement

62.      Il est de jurisprudence constante que l’article 49 TFUE impose la suppression des restrictions à la liberté d’établissement. Même si, selon leur libellé, les dispositions du traité relatives à la liberté d’établissement visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l’État membre d’accueil, elles s’opposent également à ce que l’État membre d’origine entrave l’établissement dans un autre État membre de l’un de ses ressortissants ou d’une société constituée en conformité avec sa législation (34).

63.      Il est également de jurisprudence constante que doivent être considérées comme des restrictions à la liberté d’établissement toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice de cette liberté (35).

64.      Le gouvernement français admet que la législation en cause constitue une restriction à la liberté d’établissement dès lors qu’elle traite moins favorablement les opérations de fusion, de scission, d’apport d’actifs ou d’échange d’actions réalisés entre sociétés d’États membres différents que ces mêmes opérations lorsqu’elles sont réalisées entre deux sociétés françaises.

65.      Je pense aussi que la législation nationale en cause, en subordonnant le bénéfice du régime fiscal commun applicable aux fusions et aux opérations assimilées à une procédure d’agrément préalable en ce qui concerne les seuls apports faits à des personnes morales étrangères, à l’exclusion des apports faits à des personnes morales de droit national, entrave la liberté d’établissement des sociétés françaises souhaitant faire des opérations transfrontalières.

66.      En effet, pour obtenir le bénéfice du régime spécial d’impôt, l’apport fait par une personne morale de droit français à une personne morale étrangère est rendu moins attrayant puisqu’il est soumis à une condition supplémentaire, à savoir l’agrément préalable de l’administration fiscale, procédure qui leur impose de renverser une présomption générale d’évasion fiscale (36).

67.      Par conséquent, l’article 210 B, paragraphe 3, du CGI et l’article 210 C, paragraphe 2, du CGI instaurent une différence de traitement pour les opérations transfrontalières qui est de nature à dissuader des sociétés françaises de faire usage de leur liberté d’établissement.

F –    Sur la justification

68.      Reste à examiner si cette restriction est susceptible d’être justifiée au regard des dispositions du traité FUE.

69.      Il résulte d’une jurisprudence bien établie que les mesures nationales susceptibles de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité peuvent être admises à condition qu’elles poursuivent un objectif d’intérêt général, qu’elles soient propres à garantir la réalisation de celui-ci et qu’elles n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif qu’elles poursuivent (37).

70.      Or, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’objectif de la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales (38) peut justifier une mesure restreignant l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité.

71.      Néanmoins, il doit être vérifié si la législation nationale en cause ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.

72.      Pour cette analyse, je pars du principe que l’objectif de la lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales visé à l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 reflète le principe général du droit de l’Union qui prohibe l’abus de droit. Par conséquent, je considère que cet objectif a la même portée lorsqu’il est invoqué en application de l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 ou comme justification d’une exception au droit primaire, notamment l’article 49 TFUE.

73.      Je relève également que, lors de l’audience du 7 septembre 2016, le gouvernement français a observé qu’il ressort d’une articulation entre le point 45 de l’arrêt du 26 septembre 2000, Commission/Belgique (C‑478/98, EU:C:2000:497), et le point 44 de l’arrêt du 17 juillet 1997, Leur-Bloem (C‑28/95, EU:C:1997:369), que la Cour entend de la même manière la notion de présomption générale de fraude lorsqu’elle examine la compatibilité d’une législation nationale avec le droit primaire, notamment l’article 49 TFUE et l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434.

74.      Par conséquent, les considérations que j’ai émises dans les présentes conclusions sur la proportionnalité du système d’agrément préalable en cause et la présomption générale de fraude ou d’évasion fiscales qu’il instaure s’appliquent mutatis mutandis à l’analyse du système d’agrément au regard de l’article 49 TFUE, qui, pour les mêmes raisons, par conséquent, que l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434, s’oppose à un système d’agrément préalable tel que celui en cause.

VI – Conclusion

75.      Eu égard aux considérations qui précèdent, j’invite la Cour à répondre à la seconde question préjudicielle posée par le Conseil d’État de la manière suivante :

L’article 49 TFUE et l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’État membres différents s’opposent à ce qu’une législation nationale, dans un but de lutte contre la fraude ou l’évasion fiscales, subordonne le bénéfice du régime fiscal commun applicable aux fusions et aux opérations assimilées à une procédure d’agrément préalable telle que celle en cause, qui s’applique aux seuls apports faits à des personnes morales étrangères à l’exclusion des apports faits à des personnes morales de droit national et impose systématiquement au contribuable de justifier la réalité et la sincérité d’une opération, même en l’absence du moindre indice de fraude ou d’évasion fiscales.


1 – Langue originale : le français.


2 – JO 1990, L 225, p. 1.


3 –      Telle que décrite dans la demande de décision préjudicielle.


4 – La directive 90/434 a été abrogée, dans un souci de clarté et de rationalité, par la directive 2009/133/CE du Conseil, du 19 octobre 2009, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, scissions partielles, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents, ainsi qu’au transfert du siège statutaire d’une SE ou d’une SCE d’un État membre à un autre (JO 2009, L 310, p. 34), qui a procédé à la codification de la directive 90/434. Je relève que l’article 15, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/133 est substantiellement semblable à l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434.


5 – Le premier considérant de la directive 90/434 énonce ce qui suit : « considérant que les fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés d’États membres différents peuvent être nécessaires pour créer dans la Communauté des conditions analogues à celles d’un marché intérieur et pour assurer ainsi l’établissement et le bon fonctionnement du marché commun ; que ces opérations ne doivent pas être entravées par des restrictions, des désavantages ou des distorsions particuliers découlant des dispositions fiscales des États membres ; qu’il importe, par conséquent, d’instaurer pour ces opérations des règles fiscales neutres au regard de la concurrence afin de permettre aux entreprises de s’adapter aux exigences du marché commun, d’accroître leur productivité et de renforcer leur position concurrentielle sur le plan international […] ». C’est moi qui souligne.


6 – Voir arrêt du 20 mai 2010, Modehuis A. Zwijnenburg (C‑352/08, EU:C:2010:282, point 38).


7 –      Voir arrêt du 20 mai 2010, Modehuis A. Zwijnenburg (C‑352/08, EU:C:2010:282, point 39).


8 – Voir arrêt du 20 mai 2010, Modehuis A. Zwijnenburg (C‑352/08, EU:C:2010:282, point 40).


9 – Voir arrêt du 17 juillet 1997, Leur-Bloem (C‑28/95, EU:C:1997:369, point 35).


10 – C’est moi qui souligne. Voir arrêt du 17 juillet 1997, Leur-Bloem (C‑28/95, EU:C:1997:369, point 38). L’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 reflète le principe général du droit de l’Union qui prohibe l’abus de droit. Voir arrêt du 10 novembre 2011, Foggia – Sociedade Gestora de Participações Sociais (C‑126/10, EU:C:2011:718, point 50).


11 –      Voir, également, arrêt du 20 mai 2010, Modehuis A. Zwijnenburg (C‑352/08, EU:C:2010:282, point 43). Il convient de relever que, aux points 45 et 46 de cet arrêt, la Cour a souligné que ce n’est qu’à titre exceptionnel et dans des cas particuliers que les États membres peuvent, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434, refuser d’appliquer tout ou partie des dispositions de cette directive ou en retirer le bénéfice. Par conséquent, l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434, en tant que disposition d’exception, doit être interprété de manière stricte en tenant compte de son libellé, de sa finalité ainsi que du contexte dans lequel il s’insère.


12 – Arrêt du 10 novembre 2011, Foggia – Sociedade Gestora de Participações Sociais (C‑126/10, EU:C:2011:718, point 37).


13 – Voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2011, Foggia – Sociedade Gestora de Participações Sociais (C‑126/10, EU:C:2011:718, point 37 et jurisprudence citée).


14 – L’existence d’une clause suspensive implique en fait que l’opération ne se réalise pas.


15 – C’est moi qui souligne.


16 – En effet, ce qui est en cause est une demande d’agrément préalable et non une demande préalable d’agrément !


17 – Voir article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434 et point 25 des présentes conclusions.


18 – En outre, je considère qu’il incombe à l’administration nationale de démontrer l’absence de motif économique aux fins de bénéficier de la présomption prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous a), deuxième phrase, de la directive 90/434 qu’une opération a comme objectif principal la fraude ou l’évasion fiscales. Voir points 26 à 28 des présentes conclusions.


19 – À savoir que « les modalités de l’opération permettent d’assurer l’imposition future des plus-values mises en sursis d’imposition ».


20 – Ni d’ailleurs par la réserve de compétence des États membres prévue à l’article 11, paragraphe 1, sous b), de la directive 90/434, qui porte sur la représentation des travailleurs.


21 – Seul élément prévu à l’article 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434.


22 – Voir, notamment, arrêt du 5 juillet 2012, SIAT (C‑318/10, EU:C:2012:415, point 45).


23 – Le quatrième considérant de la directive 90/434 prévoit que « le régime fiscal commun doit éviter une imposition à l’occasion d’une fusion, d’une scission, d’un apport d’actifs ou d’un échange d’actions, tout en sauvegardant les intérêts financiers de l’État de la société apporteuse ou acquise ». Voir, également, par analogie, sixième considérant de la directive 90/434 qui prévoit que « le régime du report, jusqu’à leur réalisation effective, de l’imposition des plus-values afférentes aux biens apportés, appliqué à ceux de ces biens qui sont affectés à cet établissement stable, permet d’éviter l’imposition des plus-values correspondantes, tout en assurant leur imposition ultérieure par l’État de la société apporteuse, au moment de leur réalisation ».


24 – Lors de l’audience du 7 septembre 2016 et à la suite d’une question posée par la Cour, le gouvernement français n’était pas en mesure de confirmer l’objectif de cette troisième condition. Or, Euro Park a soutenu lors de l’audience que la troisième condition vise à garantir qu’il reste sur le territoire français un établissement stable.


25 – JO 2010, L 84, p. 1.


26 – Selon la Commission, « il semble appartenir exclusivement au contribuable de démontrer qu’il n’y aurait pas d’abus ou d’évasion fiscales, et ce sans que l’administration française soit tenue de fournir ne serait-ce qu’un commencement de preuve, afin de permettre, ensuite, seulement au contribuable d’apporter des éléments démontrant l’absence de fraude ou d’évasion fiscales ».


27 – Voir, par analogie, arrêt du 9 novembre 2006, Commission/Belgique (C‑433/04, EU:C:2006:702, point 35 et jurisprudence citée), où la Cour a dit pour droit « qu’une présomption générale d’évasion ou de fraude fiscales ne saurait suffire à justifier une mesure qui porte atteinte aux objectifs du traité ». Voir, également, arrêts du 4 mars 2004, Commission/France (C‑334/02, EU:C:2004:129, point 27) ; du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (C‑196/04, EU:C:2006:544, points 50 et 51), ainsi que du 13 mars 2007, Test Claimants in the Thin Cap Group Litigation (C‑524/04, EU:C:2007:161, point 82).


28 – Voir arrêt du 3 octobre 2013, Itelcar (C‑282/12, EU:C:2013:629, point 37 et jurisprudence citée).


29 – Voir, par analogie, arrêt du 5 juillet 2012, SIAT (C‑318/10, EU:C:2012:415, point 55), où la Cour relève que « la règle spéciale impose au contribuable […] de justifier systématiquement la réalité et la sincérité de toutes les prestations, ainsi que de prouver le caractère normal de toutes les rémunérations y afférentes, sans que l’administration soit tenue de fournir ne serait-ce qu’un commencement de preuve de fraude ou d’évasion fiscales ».


30 – Voir, par analogie, arrêt du 5 juillet 2012, SIAT (C‑318/10, EU:C:2012:415, point 42). La Commission estime que, si la réglementation nationale en cause est apte à faire obstacle à des comportements consistant à créer des montages purement artificiels, dépourvus de réalité économique, dans le but d’éluder l’impôt normalement dû sur les bénéfices générés par des activités réalisées sur le territoire national, cette réglementation viole le principe de proportionnalité.


31 – La Commission estime que la présomption générale de fraude ou d’évasion fiscales instaurée par la législation française réduit à néant l’objectif de la directive 90/434.


32 – Euro Park fait valoir que si l’exigence d’un agrément n’est pas en elle-même contraire à la directive, sa délivrance ne peut être valablement subordonnée à des contraintes supplémentaires à celles prévues par la directive 90/434.


33 – Voir points 30 et 32 des présentes conclusions.


34 – Voir arrêt du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 35 et jurisprudence citée).


35 – Voir arrêt du 29 novembre 2011, National Grid Indus (C‑371/10, EU:C:2011:785, point 36).


36 – Voir points 42 à 44 des présentes conclusions.


37 – Voir arrêt du 7 septembre 2006, N (C‑470/04, EU:C:2006:525, point 40 et jurisprudence citée).


38 – Voir arrêts du 12 septembre 2006, Cadbury Schweppes et Cadbury Schweppes Overseas (C‑196/04, EU:C:2006:544, points 51 et 55), et du 9 novembre 2006, Commission/Belgique (C‑433/04, EU:C:2006:702, point 35 et jurisprudence citée).