ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

13 mai 2020 (*)

« Aides d’État – Secteur aérien – Aide octroyée par l’Italie en faveur des aéroports sardes – Décision déclarant l’aide pour partie compatible et pour partie incompatible avec le marché intérieur – Imputabilité à l’État – Récupération – Bénéficiaires – Avantage aux compagnies aériennes cocontractantes – Principe de l’opérateur privé en économie de marché – Sélectivité – Affectation des échanges entre États membres – Atteinte à la concurrence – Récupération – Confiance légitime – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑607/17,

Volotea, SA, établie à Barcelone (Espagne), représentée par Mes M. Carpagnano et M. Nordmann, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme D. Recchia, MM. D. Grespan et S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2017/1861 de la Commission, du 29 juillet 2016, concernant l’aide d’État SA 33983 (2013/C) (ex 2012/NN) (ex 2011/N) – Italie – Compensations versées aux aéroports sardes pour des obligations de service public (SIEG) (JO 2017, L 268, p. 1),

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé de MM. S. Papasavvas, président, J. Svenningsen (rapporteur), V. Valančius, Z. Csehi et P. Nihoul, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Sur les mesures litigieuses

1        L’île de Sardaigne (Italie) compte cinq aéroports, parmi lesquels figurent les aéroports d’Alghero, de Cagliari-Elmas et d’Olbia.

2        L’aéroport d’Alghero est exploité par la So.Ge.A.Al SpA (ci-après la « SOGEAAL ») dont le capital a été intégralement souscrit par des organismes publics locaux et est détenu, majoritairement, par la Regione autonoma della Sardegna (Région autonome de Sardaigne, Italie, ci-après la « Région autonome »), y compris indirectement par l’intermédiaire de la Società Finanziaria Industriale Regione Sardegna (SFIRS). L’aéroport de Cagliari-Elmas est pour sa part exploité par la So.G.Aer SpA (ci-après la « SOGAER »), une société dont les parts sont majoritairement détenues par la chambre de commerce de Cagliari, tandis que l’aéroport d’Olbia est exploité par la GEASAR SpA (ci-après la « GEASAR »), une société enregistrée à Olbia dont la majorité des actions sont détenues par une entreprise privée, Meridiana SpA.

1.      Sur les dispositions adoptées par la Région autonome

a)      Sur l’article 3 de la loi no 10/2010

3        Le 13 avril 2010, la Région autonome a adopté la legge regionale n. 10 – Misure per lo sviluppo del trasporto aereo (loi régionale no 10 – mesures en vue du développement du transport aérien) (Bollettino ufficiale della Regione autonoma della Sardegna) no 12, du 16 avril 2010) (ci-après la « loi no 10/2010 »).

4        L’article 3 de la loi no 10/2010, intitulé « Incitations pour la désaisonnalisation des liaisons aériennes de l’île » (Incentivi alla destagionalizzazione dei collegamenti aerei isolani), se lit comme suit :

« 1. Sont autorisées les dépenses de 19 700 000 [euros] pour l’année 2010 et de 24 500 000 [euros] pour chacune des années 2011 à 2013 pour le financement des aéroports de l’île en vue du renforcement et du développement du transport aérien en tant que service d’intérêt économique général, y compris par la désaisonnalisation des liaisons aériennes, conformément à la communication de la Commission 2005/C312/01, relative à des lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’[É]tat au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux.

2. Les critères, la nature et la durée de l’offre de transport ainsi que les directives pour l’élaboration des plans d’activités de la part des sociétés gestionnaires d’aéroports, qui tiennent compte des mesures relatives à la continuité territoriale visées à l’article 2, sont définis par résolution de l’exécutif régional, à adopter sur proposition du conseiller régional des transports, en accord avec les conseillers pour la planification, le budget, le crédit et l’aménagement régional, le tourisme, l’artisanat et le commerce, l’agriculture et la réforme agropastorale, les biens culturels, l’information, les loisirs et le sport.

3. La résolution visée au paragraphe 2 et les plans d’activités, y compris ceux déjà définis par les sociétés de gestion aéroportuaires à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, accompagnés des actes et des contrats correspondants, sont financés s’ils sont établis conformément aux critères, à la nature, à la durée de l’offre de transport et aux directives visées au paragraphe 2 et sont préalablement soumis pour avis contraignant à la commission compétente. »

b)      Sur les actes d’exécution de la loi no 10/2010

5        Conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la loi no 10/2010, l’exécutif de la Région autonome a adopté plusieurs actes de mise en œuvre des mesures prévues à cet article 3 (ci-après les « actes d’exécution »), notamment la deliberazione della Giunta regionale n. 29/36 (décision du conseil régional no 29/36), du 29 juillet 2010 (ci-après la « décision régionale no 29/36 »), la deliberazione della Giunta regionale n. 43/37 (décision du conseil régional no 43/37), du 6 décembre 2010 (ci-après la « décision régionale no 43/37 »), et la deliberazione della Giunta regionale n. 52/117 (décision du conseil régional no 52/117), du 23 décembre 2011 (ci-après la « décision régionale no 52/117 »), (ci-après, pris ensemble avec l’article 3 de la loi no 10/2010, les « mesures litigieuses »).

6        Ces actes d’exécution définissent trois types d’« activités » pour lesquels les exploitants aéroportuaires pouvaient recevoir une compensation de la Région autonome pour les années 2010 à 2013, à savoir :

–        l’augmentation du trafic aérien par les compagnies aériennes (ci-après l’« activité 1 ») ;

–        la promotion de l’île de Sardaigne en tant que destination touristique par les compagnies aériennes (ci-après l’« activité 2 ») ;

–        d’autres activités de promotion confiées par les exploitants aéroportuaires, pour le compte de la Région autonome, à des prestataires de services tiers autres que des compagnies aériennes (ci-après l’« activité 3 »).

7        La décision régionale no 29/36, d’une part, précisait que, dans la mise en œuvre de l’article 3 de la loi no 10/2010, l’objectif de réduire la saisonnalité des liaisons aériennes consistait à augmenter la fréquence des vols pendant la moyenne saison et la saison hivernale ainsi qu’à ouvrir de nouvelles liaisons aériennes. D’autre part, cette décision indiquait que l’objectif ultime, poursuivi par les mesures prévues à l’article 3 de la loi no 10/2010 de promotion d’une politique régionale de transport aérien, était le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale, ainsi que le développement des économies locales, du tourisme et de la culture de l’île de Sardaigne.

8        À cet égard, la décision régionale no 29/36 définissait les critères, la nature et la durée des services de transport pour lesquels une compensation pouvait être accordée pendant la période 2010-2013 ainsi que des lignes directrices pour l’élaboration et l’évaluation des « plans d’activités » rédigés par les exploitants aéroportuaires.

9        Concrètement, afin de recevoir un financement prévu par la loi no 10/2010, un exploitant aéroportuaire devait soumettre pour approbation à la Région autonome un plan d’activités détaillé. Ce plan devait identifier quelles activités, parmi celles 1 à 3, l’exploitant aéroportuaire comptait mettre en œuvre afin d’atteindre les objectifs de la loi no 10/2010. Ce plan devait éventuellement être concrétisé par des accords spécifiques entre l’exploitant aéroportuaire et des compagnies aériennes.

10      Lorsqu’un exploitant aéroportuaire souhaitait recevoir un financement pour l’activité 1, le plan d’activités qu’il présentait à la Région autonome devait identifier des « liaisons d’intérêt stratégique » (nationales et internationales) et définir des objectifs annuels en matière de fréquence de vols, de nouvelles liaisons et de nombre de passagers.

11      Selon les autorités italiennes, l’exploitation de ces liaisons d’intérêt stratégique constituait ainsi le service d’intérêt économique général (ci-après le « SIEG ») que les compagnies aériennes fournissaient en échange d’une compensation.

12      Un plan d’activités mettant en œuvre l’activité 2 devait définir des activités spécifiques de marketing et de publicité qui visaient à augmenter le nombre de passagers et à promouvoir la zone d’attraction de l’aéroport.

13      La décision régionale no 29/36 prévoyait que les plans d’activités devaient être étayés par des prévisions relatives aux perspectives de rentabilité des activités qu’ils identifiaient.

14      Il ressort de la décision régionale no 29/36 que les plans d’activités devaient respecter certains principes :

–        les liaisons d’intérêt stratégique déterminées par les plans ne pouvaient pas chevaucher des liaisons déjà exploitées dans le cadre d’un régime d’obligation de service public ;

–        le financement accordé à chaque liaison subventionnée devait être dégressif avec le temps ;

–        l’accord financier conclu avec les compagnies aériennes devait inclure un plan de promotion du territoire.

15      Si la Région autonome constatait des incohérences entre, d’une part, les plans d’activités présentés par les exploitants aéroportuaires et, d’autre part, les dispositions de la loi no 10/2010 et ses actes d’exécution, elle pouvait exiger que ces plans d’activités soient modifiés.

16      Après avoir approuvé les différents plans d’activités qui lui étaient soumis par les exploitants aéroportuaires, la Région autonome répartissait les ressources financières disponibles pour chacune des années 2010 à 2013 entre les exploitants aéroportuaires.

17      Le montant de ces compensations était calculé à partir de la différence entre, d’une part, les coûts estimés supportés par les compagnies aériennes afin d’assurer les liaisons stratégiques et d’atteindre les objectifs annuels en matière de passagers et, d’autre part, les produits réels ou présumés de la vente des billets aux passagers.

18      Lorsque la somme des compensations demandées par les exploitants aéroportuaires était supérieure au montant prévu par la loi no 10/2010, la décision régionale no 29/36 prévoyait des critères d’attribution préférentiels.

19      Enfin, les actes d’exécution prévoyaient que les exploitants aéroportuaires devaient assurer le suivi des performances des compagnies aériennes. En particulier, ils imposaient que les accords spécifiques conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes prévissent l’application de sanctions aux compagnies aériennes en cas de non-respect des objectifs prédéfinis, notamment en matière de fréquence de vols et de nombre de passagers.

2.      Sur la mise en œuvre des mesures litigieuses

20      La requérante, Volotea SA, est une compagnie aérienne établie en Espagne, qui exploite un réseau de liaisons court-courriers à destination et au départ d’aéroports de l’Union européenne, y compris ceux d’Alghero, de Cagliari-Elmas et d’Olbia.

a)      Mise en œuvre de la loi no 10/2010 pour ce qui concerne l’aéroport d’Olbia

21      L’exploitant de l’aéroport d’Olbia a publié, sur son site Internet, un appel à manifestation d’intérêt en vue de la conclusion de contrats de marketing et de publicité.

22      En réponse à cet appel à manifestation d’intérêt, la requérante a présenté un plan d’exploitation de développement de liaisons aériennes depuis et vers Olbia ainsi qu’un programme de marketing et de publicité. La compagnie aérienne y invitait la GEASAR à participer à l’investissement requis afin de mettre en place le programme de marketing et de publicité.

23      La GEASAR a examiné le plan d’exploitation de la requérante et a produit son propre plan d’exploitation duquel il ressortait qu’une participation à l’investissement telle que proposée par la requérante serait rentable pour l’exploitant aéroportuaire.

24      La GEASAR a présenté à la Région autonome des plans d’activités pour l’année 2010 et pour la période triennale de 2011-2013, accompagnés des demandes de financement correspondantes. La Région autonome a approuvé ces plans d’activités et fixé les montants accordés à la GEASAR pour 2010 et pour la période de 2011/2013 par les décisions régionales no 43/37 et no 52/117.

25      La GEASAR et la requérante ont, le 4 avril 2012 et le 31 mars 2013, conclu deux accords portant sur l’exploitation par la requérante de liaisons aériennes à destination de Bordeaux (France), Gênes (Italie), Nantes (France), Palerme (Italie) et Venise (Italie), ainsi que sur des prestations de marketing et de publicité concernant l’établissement de nouvelles liaisons aériennes et l’augmentation de capacité en nombre de sièges de passagers.

b)      Mise en œuvre de la loi no 10/2010 pour ce qui concerne l’aéroport de Cagliari-Elmas

26      La SOGAER, exploitant de l’aéroport de Cagliari-Elmas, a publié, sur son site Internet, un avis invitant des compagnies aériennes à lui présenter des plans d’exploitation pour des liaisons en provenance et à destination de cet aéroport ainsi que pour la conclusion de contrats de marketing visant à promouvoir la région de Sardaigne.

27      La requérante a présenté à la SOGAER un plan d’exploitation pour le développement de lignes aériennes depuis et vers l’aéroport de Cagliari-Elmas et un programme de marketing et de publicité.

28      La SOGAER a présenté à la Région autonome des plans d’activités pour l’année 2010 et pour la période triennale de 2011-2013, accompagnés des demandes de financement correspondantes. Ces plans ont été approuvés et les montants attribués à la SOGAER pour 2010 et pour la période de 2011-2013 ont été respectivement fixés par les décisions régionales no 43/37 et no 52/117.

29      La requérante et la SOGAER ont, le 26 février 2012, conclu un accord portant sur des activités de marketing concernant l’établissement de nouvelles lignes aériennes et l’augmentation de la capacité en nombre de sièges de passagers.

c)      Mise en œuvre de la loi no 10/2010 pour ce qui concerne l’aéroport d’Alghero

30      En ce qui concerne l’aéroport d’Alghero, des contrats conclus entre la SOGEAAL et la société Ryanair Ltd, déjà en 2003 et prolongés depuis lors, ont fait l’objet d’une plainte déposée par une compagnie aérienne italienne. Celle-ci a conduit à l’ouverture, par la Commission européenne, le 12 septembre 2007, de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE en ce qui concernait une aide d’État présumée octroyée à et par l’aéroport d’Alghero en faveur de Ryanair et d’autres transporteurs aériens (JO 2008, C 12, p. 7). Le 27 juin 2012, cette procédure a été étendue, afin d’inclure des mesures supplémentaires prises par la République italienne qui ne faisaient pas l’objet de la plainte initiale (JO 2013, C 40, p. 15), parmi lesquelles figuraient « toutes les mesures en faveur de Ryanair et de sa filiale AMS, ainsi que des autres compagnies aériennes utilisant l’aéroport depuis 2000 […] inclu[a]nt en particulier des contributions financières accordées directement par la SOGEAAL ou par son intermédiaire au moyen de plusieurs contrats de services aéroportuaires et contrats de services commerciaux conclus avec Ryanair et d’autres transporteurs aériens à partir de 2000 ».

31      Ladite procédure a donné lieu à l’adoption par la Commission de la décision (UE) 2015/1584, du 1er octobre 2014, concernant l’aide d’État SA.23098 (C 37/07) (ex NN 36/07) mise à exécution par l’Italie en faveur de Società di Gestione dell’Aeroporto di Alghero So.Ge.A.AL SpA. et de divers transporteurs aériens présents à l’aéroport d’Alghero (JO 2015, L 250, p. 38, ci-après la « décision “Alghero” »), dans laquelle la Commission a notamment considéré, en application du principe de l’opérateur privé en économie de marché, que les mesures mises en œuvre par la Région autonome, notamment les contrats conclus par la SOGEAAL, contrôlée par ladite Région, avec certaines compagnies aériennes et portant sur la promotion ou le démarrage de nouvelles liaisons aériennes au départ et à l’arrivée de l’aéroport d’Alghero ainsi que sur des activités de marketing et de publicité ne constituaient pas des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

B.      Sur la décision attaquée

32      Le 30 novembre 2011, la République italienne a, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, notifié à la Commission la loi no 10/2010, laquelle mesure a été examinée conformément au chapitre III du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).

33      Par lettre du 23 janvier 2013, la Commission a informé la République italienne de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE concernant le régime notifié (ci-après le « régime d’aides litigieux »). Par la publication de cette décision au Journal officiel de l’Union européenne le 30 mai 2013 (JO 2013, C 152, p. 30), la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur le régime d’aides présumé.

34      Les autorités italiennes de même que des parties intéressées, y compris les exploitants des aéroports d’Alghero, de Cagliari-Elmas et d’Olbia, ont déposé des observations écrites.

35      Par lettres du 24 février 2014, la Commission a informé les parties intéressées de l’adoption, le 20 février 2014, d’une communication intitulée « Lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes » (JO 2014, C 99, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 2014 »), et du fait que ces lignes directrices s’appliqueraient en l’espèce à compter de la date de leur publication au Journal officiel. Le 15 avril 2014, une communication invitant les États membres et les parties intéressées à présenter leurs observations sur l’application à la présente affaire des lignes directrices de 2014, et ce dans un délai d’un mois à compter de la date de publication desdites lignes directrices de 2014, a été publiée au Journal officiel (JO 2014, C 113, p. 30).

36      Le 29 juillet 2016, la Commission a adopté la décision (UE) 2017/1861, concernant l’aide d’État SA 33983 (2013/C) (ex 2012/NN) (ex 2011/N) – Italie – Compensations versées aux aéroports sardes pour des obligations de service public (SIEG) (JO 2017, L 268, p. 1, ci-après la « décision attaquée »), dont le dispositif se lit comme suit :

« Article premier

1. Le régime que l’Italie a établi par la loi [no 10/2010] ne comporte pas d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] en faveur de [la] SOGEAAL […], [de la] SOGAER […] et [de la] GEASAR […]

2. Le régime que l’Italie a établi par la loi no 10/2010 constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du traité en faveur de Ryanair/AMS, [d’]easyJet, [d’]Air Berlin, [de] Meridiana, [d’]Alitalia, [d’]Air Italy, [de la requérante], [de] Wizzair, [de] Norwegian, [de] JET2.COM, [de] Niki, [de] Tourparade, [de] Germanwings, [d’]Air Baltic et [de] Vueling, en ce qui concerne les activités de ces compagnies aériennes à l’aéroport de Cagliari-Elmas et à l’aéroport d’Olbia.

3. L’aide d’État visée au paragraphe 2 a été mise à exécution par l’Italie en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE].

4. L’aide d’État visée au paragraphe 2 est incompatible avec le marché intérieur.

Article 2

1. L’Italie récupère auprès des bénéficiaires l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 2.

2. Ryanair et AMS constituant une seule unité économique aux fins de la présente décision, elles sont solidairement responsables du remboursement de l’aide d’État reçue par l’une ou l’autre.

3. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à compter de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires jusqu’à celle de leur récupération effective.

[…]

5. L’Italie annule tous les paiements en suspens de l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 2, à compter de la date d’adoption de la présente décision.

Article 3

1. La récupération de l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 2, est immédiate et effective.

2. L’Italie veille à ce que la présente décision soit exécutée dans les quatre mois suivant la date de sa notification.

Article 4

1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, l’Italie communique les informations suivantes à la Commission :

–        la liste des bénéficiaires qui ont reçu une aide dans le cadre du régime visé à l’article 1er, paragraphe 2, et le montant total d’aide reçu par chacun d’eux à ce titre,

–        le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès de chaque bénéficiaire,

–        une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision,

–        les documents prouvant que les bénéficiaires ont été mis en demeure de rembourser l’aide.

2. L’Italie tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre à exécution la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article 2. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit également des informations détaillées concernant les montants de l’aide et les intérêts déjà récupérés auprès des bénéficiaires.

Article 5

La République italienne est destinataire de la présente décision. »

37      S’agissant de la portée de la décision attaquée, la Commission a indiqué, aux considérants 344 à 346 de cette décision, que celle-ci ne devait pas couvrir les mesures d’aides faisant déjà l’objet de l’enquête, distincte, telle que visée au point 30 ci-dessus. En effet, même si tous les paiements effectués par la SOGEAAL pour les activités 1 et 2 prévues au titre de la loi no 10/2010 par les actes d’exécution n’avaient pas été effectués en vertu des contrats examinés dans le cadre de l’enquête distincte concernant exclusivement l’aéroport d’Alghero, la Commission a considéré que la grande majorité d’entre eux avaient été appréciés dans le cadre de cette autre affaire. En outre, la Commission a relevé « qu’il n’[était] pas simple d’établir une distinction claire dans tous les cas étant donné que les relations financières entre [la] SOGEAAL et une compagnie aérienne donnée au cours de la période concernée p[ouvaient] être régies par divers contrats dont seuls certains [avaie]nt été examinés dans le cadre de [ladite autre affaire] ». Elle a ainsi estimé qu’il convenait d’exclure de la portée de la décision attaquée tous les accords conclus entre les compagnies aériennes et la SOGEAAL dans le cadre du régime d’aides litigieux, soit, en d’autres termes, le volet des mesures litigieuses concernant l’aéroport d’Alghero.

38      Enfin, la Commission a estimé, dans la décision attaquée, que la procédure ouverte en l’espèce ne portait pas sur l’aide potentielle accordée par les exploitants aéroportuaires à des prestataires de services autres que les compagnies aériennes et relevant de l’activité 3. Ainsi, elle a retenu, au considérant 346 de la décision attaquée, qu’elle ne pouvait pas prendre position sur ce point.

39      Le 4 août 2016, la Région autonome a transmis à la requérante des extraits de la décision attaquée, laquelle avait été notifiée par la Commission à la République italienne, afin que la requérante communique ses observations sur la confidentialité de certaines données, ce qu’elle a fait le 21 août 2016.

40      Le 11 octobre 2016, la requérante a demandé à la Commission d’accéder au dossier relatif à la décision attaquée. Le 27 octobre 2016, la Commission a rejeté cette demande en indiquant à la requérante que, étant donné que cette décision n’avait pas encore été publiée au Journal officiel, le délai de recours de la requérante pour agir en annulation contre ladite décision n’avait pas encore commencé à courir.

41      Le 30 juin 2017, la requérante a introduit un recours devant le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna (Tribunal administratif régional de la Sardaigne, Italie) contre la décision de la Région autonome, du 5 juin 2017, lui ordonnant de rembourser un montant de 262 297,54 euros. La demande en référé introduite dans le cadre de ce recours a été rejetée par décision du 7 août 2017, dans laquelle ladite juridiction a relevé que la Région autonome avait, le 5 juin 2017, envoyé la décision attaquée à la requérante. Cette dernière a interjeté appel de cette décision devant le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie).

II.    Procédure et conclusions des parties

42      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 septembre 2017, la requérante a introduit le présent recours.

43      Le 18 avril 2018 et à l’issue d’un double échange de mémoires, la phase écrite de la procédure a été clôturée.

44      Le 18 mai 2018, le Tribunal a, les parties entendues, décidé de suspendre la procédure dans l’attente de la clôture de la phase écrite de la procédure dans les affaires connexes Ryanair et Airport Marketing Services/Commission (T‑833/17) et easyJet Airline/Commission (T‑8/18), laquelle est intervenue dans ces affaires, respectivement, le 21 septembre et le 23 juillet 2018.

45      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a ensuite décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. En vue de celle-ci, la requérante et la Commission ont été invitées à produire des documents et à répondre par écrit à des questions posées par le Tribunal à titre de mesures d’organisation de la procédure ainsi qu’à prendre position sur l’opportunité de joindre la présente affaire à l’affaire easyJet Airline/Commission (T‑8/18), jonction à laquelle le Tribunal a finalement décidé de ne pas procéder pour des questions liées à la confidentialité de certaines informations. La requérante et la Commission ont déféré à ces mesures dans les délais impartis.

46      Le 19 juin 2019, le Tribunal a, lors de sa conférence plénière, décidé, sur proposition de la première chambre et du vice-président, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire à la première chambre siégeant en formation élargie à cinq juges.

47      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 octobre 2019 à l’issue de laquelle la phase orale de la procédure a été close.

48      Le 7 novembre 2019, le Tribunal a décidé de rouvrir la phase orale de la procédure. Le 12 novembre 2019, il a demandé à la Commission de produire certains documents, ce qu’elle a fait dans le délai imparti. Le 20 décembre 2019, la requérante a présenté des observations à cet égard. Le 22 janvier 2020, le Tribunal a alors clos la phase orale de la procédure.

49      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler partiellement la décision attaquée dans la mesure où :

–        elle constate, en son article 1er, paragraphe 2, que le régime mis en place par la loi no 10/2010 constitue une aide d’État octroyée à la requérante pour ses activités dans les aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia ;

–        elle constate, en son article 1er, paragraphe 3, que le régime établi par la loi no 10/2010 constitue une aide d’État en faveur de la requérante, illégale au sens de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ;

–        elle constate, en son article 1er, paragraphe 4, que ladite aide est incompatible avec le marché intérieur ;

–        elle ordonne à la République italienne de récupérer l’aide en cause auprès de la requérante ;

–        condamner la Commission aux dépens.

50      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

51      À l’appui du recours, la requérante soulève cinq moyens d’annulation de la décision attaquée, tirés respectivement :

–        premièrement, d’une erreur d’interprétation de la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ;

–        deuxièmement, d’une erreur quant à la possibilité de justifier l’aide litigieuse ;

–        troisièmement, d’une erreur de droit dans l’ordre de récupération de l’aide litigieuse ;

–        quatrièmement, d’une mauvaise gestion de l’enquête ;

–        cinquièmement, d’un défaut de motivation et d’une contradiction de motifs.

A.      Sur le premier moyen, tiré d’une erreur d’interprétation de la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

52      Par son premier moyen, qui se compose de quatre branches, la requérante conteste la qualification du régime d’aides litigieux, au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’« aide d’État » dispensée en sa faveur.

53      La Commission conclut au rejet du moyen comme étant non fondé

1.      Sur la recevabilité de certains arguments

54      La Commission estime que les arguments, exposés par la requérante dans le cadre du premier moyen, tendant à démontrer qu’elle aurait commis une erreur de droit en constatant dans la décision attaquée que les exploitants aéroportuaires n’étaient pas bénéficiaires d’une aide d’État, sont irrecevables et, en tout état de cause, inopérants. En effet, le recours ne serait dirigé contre la décision attaquée qu’en ce qui concerne la requérante. En outre, la conclusion selon laquelle cette dernière a bénéficié d’une aide d’État n’aurait pas été tirée du fait que les exploitants aéroportuaires auraient été considérés comme n’étant pas bénéficiaires du régime d’aides litigieux. Ainsi, la requérante ne saurait remettre en cause les constatations figurant sous la section 7.2.2 de la décision attaquée.

55      La requérante rétorque qu’elle a volontairement restreint l’objet de son recours à l’annulation de la décision attaquée qu’en ce qui la concerne. Or, dans cette perspective, elle serait en droit de démontrer que les exploitants aéroportuaires ont été les bénéficiaires de l’aide de la Région autonome, car la décision attaquée s’appuierait précisément sur le fait que les fonds de la Région autonome auraient été acheminés aux compagnies aériennes par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires. Ainsi, la contestation de cette décision passerait nécessairement par la démonstration que lesdits exploitants n’ont pas agi comme des « marionnettes » de la Région autonome, mais auraient au contraire bénéficié d’une aide réduisant les coûts de marketing auxquels ils auraient normalement été exposés.

56      À cet égard, il convient de relever que la requérante est renseignée, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, comme étant bénéficiaire du régime d’aides litigieux. Ainsi, elle est directement et individuellement concernée tant par ce paragraphe 2, que par les paragraphes 3 et 4 de l’article 1er de ladite décision. En outre, en application de l’article 2 de cette décision, elle est tenue de rembourser aux autorités italiennes les montants qu’elle a perçus au titre du régime d’aides litigieux. Elle est donc également directement et individuellement concernée par cet article 2.

57      Dans ces conditions, en ce qu’il tend à l’annulation, en ce qui concerne la requérante, de l’article 1er, paragraphes 2 à 4, ainsi que de l’article 2 de la décision attaquée, le présent recours est recevable au regard de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

58      Or, dans le cadre de ce recours, la requérante peut soulever, au soutien de ses conclusions en annulation desdites deux dispositions, tout moyen de nature à démontrer qu’elle n’était pas bénéficiaire du régime d’aides litigieux, y compris, dans ce cadre, des arguments tendant à démontrer que les exploitants aéroportuaires étaient les bénéficiaires réels dudit régime d’aides litigieux et non les compagnies aériennes, telles que la requérante.

59      Dans ces conditions, il convient de rejeter les arguments en irrecevabilité soulevés par la Commission, étant toutefois précisé que, dans le petitum, la requête ne vise pas l’annulation de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée et que, en tout état de cause, n’étant pas, en sa qualité de compagnie aérienne, en concurrence avec les exploitants aéroportuaires et, partant, pas directement et individuellement concernée par cet article 1er, paragraphe 1, la requérante ne saurait avoir la qualité pour agir pour en demander l’annulation.

2.      Sur la première branche du premier moyen, relative à la détermination erronée des bénéficiaires du régime d’aides litigieux, et sur la deuxième branche du premier moyen, relative à l’absence d’avantage pour la requérante

60      À l’appui de la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que ce sont les exploitants aéroportuaires qui sont exclusivement les bénéficiaires du régime d’aides litigieux tandis que, dans le cadre de la deuxième branche de ce même moyen, elle tend à démontrer qu’elle n’a pas bénéficié d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

61      La Commission conclut au rejet des deux branches du premier moyen comme étant non fondées.

62      Dans la mesure où les arguments exposés dans le cadre des deux branches du premier moyen se recoupent partiellement, il convient de les traiter conjointement.

63      À cet égard, le Tribunal constate que, tout d’abord, en contestant qu’elle ait pu être bénéficiaire du régime d’aides litigieux et en affirmant que les exploitants aéroportuaires étaient les seuls bénéficiaires, la requérante conteste que, une fois octroyés auxdits exploitants aéroportuaires, les montants provenant de ressources d’État, en l’occurrence de la Région autonome, pouvaient encore être qualifiés de ressources d’État lorsqu’ils ont ultérieurement été utilisés par lesdits exploitants pour la rémunérer. En outre, elle conteste que le rôle des exploitants aéroportuaires se soit limité à celui d’intermédiaires entre la Région autonome et les compagnies aériennes. Ce faisant, elle conteste l’imputabilité à la Région autonome des décisions commerciales des exploitants aéroportuaires.

a)      Sur l’utilisation de « ressources d’État » par les exploitants aéroportuaires

64      Aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sont déclarées incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Ainsi, la qualification d’« aide d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE suppose la réunion de quatre conditions, à savoir l’existence d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, que cette intervention soit susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, qu’elle accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire et qu’elle fausse ou menace de fausser la concurrence (voir arrêt du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 17 et jurisprudence citée).

65      Concernant la première condition tenant à l’existence d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, pour que des avantages puissent être qualifiés d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État, et, d’autre part, être imputables à l’État (voir arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 24 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 20 et jurisprudence citée), ces deux sous-conditions étant cumulatives (voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, points 48 et 63 et jurisprudence citée, et du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, EU:T:2006:104, point 103 et jurisprudence citée).

66      À cet égard, une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État ne doit pas nécessairement être une mesure arrêtée par le pouvoir central de l’État concerné. Elle peut tout aussi bien émaner d’une autorité infra-étatique, telle que la Région autonome. En effet, une mesure prise par une collectivité territoriale et non par le pouvoir central est susceptible de constituer une aide dès lors que sont remplies les conditions posées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêts du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, EU:C:1987:437, point 17, et du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, point 55). En d’autres termes, les mesures prises par des entités infra-étatiques, décentralisées, fédérées, régionales ou autres, des États membres, quels que soient le statut juridique et la désignation de celles-ci, tombent, au même titre que les mesures prises par le pouvoir fédéral ou central, dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, si les conditions de cette disposition sont remplies (arrêts du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑92/00 et T‑103/00, EU:T:2002:61, point 57, et du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 108).

67      Par ailleurs, force est de rappeler que, en matière d’aides d’État, la finalité poursuivie par des interventions étatiques ne suffit pas à les faire échapper à la qualification d’« aides » au sens de l’article 107 TFUE. En effet, cet article ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (voir arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 84 et 85 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 novembre 2015, Espagne/Commission, T‑461/13, EU:T:2015:891, point 39).

68      Ainsi, un avantage directement accordé à certaines personnes physiques ou morales peut constituer un avantage indirect et, partant, une aide d’État pour d’autres personnes morales qui sont des entreprises (voir arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, points 22 à 35 ; du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, EU:C:2002:363, points 38 et 60 à 66, et du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, EU:T:2010:233).

69      En l’espèce, dans le cadre du régime d’aides litigieux, il est constant que la Région autonome a mis à la disposition des exploitants aéroportuaires, désignés par la loi no 10/2010 et les mesures d’exécution comme « bénéficiaires », des fonds sur une période pluriannuelle afin qu’ils entreprennent des actions en vue de promouvoir la région de Sardaigne en tant que destination touristique, impliquant à la fois l’atteinte d’objectifs en matière de desserte aérienne de l’île depuis et vers ses différents aéroports et la fourniture de prestations de marketing. La requérante ne conteste pas que ces fonds, provenant à l’origine de la Région autonome et versés dans un premier temps aux exploitants aéroportuaires, sont des ressources d’État et que la décision d’octroyer de tels fonds auxdits exploitants aéroportuaires était imputable à l’État italien. La question se pose toutefois de savoir si, comme le conteste la requérante, les montants qu’elle a perçus desdits exploitants en exécution des contrats qu’elle avait conclus avec eux revêtaient ou revêtaient encore la nature de « ressources d’État » et étaient imputables à l’État italien, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

70      À cet égard, il ressort tant du mécanisme mis en place par la Région autonome au moyen du régime d’aides litigieux que de sa mise en œuvre en pratique que les fonds versés par ladite Région aux exploitants aéroportuaires ont été ceux utilisés par ces derniers pour rémunérer les compagnies cocontractantes, telles que la requérante.

71      En effet, d’une part, il convient de relever que le régime d’aides litigieux prévoyait une sorte de mécanisme d’apurement. Plus particulièrement, la décision régionale no 29/36 prévoyait que les exploitants aéroportuaires retenus recevraient une avance de 20 % sur les fonds dus au titre de l’année de référence, suivie d’un paiement d’une deuxième tranche de 60 %, échelonnée et conditionnée à la présentation de rapports trimestriels, et, enfin, une dernière tranche de 20 % en présentant les documents permettant à la Région autonome de vérifier que l’activité avait été correctement exécutée, que les objectifs avaient été atteints et que les coûts engagés étaient réels. Ce mécanisme de contrôle avait par conséquent vocation à empêcher tout exploitant aéroportuaire d’obtenir le remboursement de montants autres que ceux engagés par lui pour rémunérer les compagnies aériennes cocontractantes, telles que la requérante, et qui font l’objet de l’obligation de récupération prévue à l’article 2 de la décision attaquée. L’existence de ce mécanisme confirme également que les prestations desdites compagnies aériennes étaient financées par ladite Région, puisque les montants avancés par les exploitants aéroportuaires en rémunération des compagnies aériennes cocontractantes correspondaient aux fonds qu’ils percevraient, au bout du processus, de la Région autonome.

72      D’autre part, ainsi que cela ressort des considérants 242 à 246 ainsi que 313, 314 et 317 de la décision attaquée, exposant les observations qu’ils avaient déposées dans le cadre de la procédure administrative devant la Commission, les exploitants aéroportuaires d’Olbia et de Cagliari-Elmas ont eux-mêmes expliqué que, dans les faits, ils avaient avancé les montants correspondant au paiement des compagnies aériennes cocontractantes fournissant les prestations voulues par la Région autonome pour promouvoir le tourisme sarde et qu’ils avaient, ensuite, présenté à la Région autonome leurs rapports comptables reprenant les coûts réellement encourus afin d’en obtenir le remboursement par ladite Région. Dans ce cadre, l’exploitant de l’aéroport de Cagliari-Elmas a même affirmé que la Région autonome avait exigé de lui qu’il démontre que les compagnies aériennes prestataires avaient reçu l’intégralité des contributions régionales et qu’il n’était donc qu’un intermédiaire leur ayant transmis les montants perçus de la Région autonome. Par ailleurs, la République italienne a elle-même fait valoir, ainsi que cela ressort du considérant 340 de la décision attaquée, que, en substance, l’exploitant aéroportuaire d’Olbia avait transféré aux compagnies aériennes l’intégralité du montant des contributions que cet exploitant avait perçu de la Région autonome.

73      Il apparaît donc clairement que les fonds utilisés par les exploitants aéroportuaires pour rémunérer la requérante dans le cadre des contrats que ces derniers avaient conclus avec elle avaient pour origine le budget de la Région autonome et constituaient donc des ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Or, contrairement à ce que soutient la requérante, cette correspondance permettant d’établir que les montants qu’elle a perçus constituaient des ressources d’État est un élément pertinent pour apprécier si elle a bénéficié d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

74      Par ailleurs, s’agissant du fait, relevé par la requérante, que, en 2013, les exploitants aéroportuaires auraient continué de la rémunérer alors qu’ils ne recevaient plus de fonds de la Région autonome, il convient de constater que, ainsi que la Commission l’a expliqué, lorsque la Région autonome a cessé ces paiements en raison de sa décision de suspendre le régime d’aides litigieux, les exploitants aéroportuaires n’ont fait qu’honorer leurs engagements contractuels lorsque les contrats en cause ne prévoyaient pas la résolution de ces contrats dans l’hypothèse d’une perte du financement de la Région autonome. En tout état de cause, s’ils ont, dans certains cas, dû supporter les coûts d’avance de trésorerie, y compris par le SFIRS, sur les montants ultérieurement remboursés par la Région autonome, cela n’enlève rien au fait que, selon leurs propres déclarations et conformément à ce que prévoyait le régime d’aides litigieux, les exploitants aéroportuaires ont utilisé l’intégralité des fonds qui leur avaient été octroyés par ladite Région aux fins de rémunérer les compagnies aériennes cocontractantes, telles que la requérante, et qui font exclusivement l’objet de l’obligation de remboursement prévue à l’article 2 de la décision attaquée.

75      Outre par les déclarations du gouvernement italien et des exploitants aéroportuaires eux-mêmes dans le cadre de la procédure administrative ayant précédé l’adoption de la décision attaquée ainsi que par les tableaux contenus dans la décision attaquée, la correspondance entre les fonds fournis par la Région autonome aux exploitants aéroportuaires et ceux utilisés par ces derniers pour rémunérer les compagnies aériennes cocontractantes est corroborée, dans le cas particulier de la requérante et contrairement à ce que celle-ci soutient, par le contenu même des accords qu’elle a signés avec les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia.

76      En effet, le préambule du contrat qu’elle avait conclu le 26 février 2012 avec la SOGAER indiquait expressément que la Région autonome avait décidé d’augmenter ses investissements en marketing dans les industries du transport et du tourisme ; que, dans cet objectif, elle fournissait annuellement à la SOGAER un montant que cet exploitant aéroportuaire devait dépenser pour atteindre cet objectif, et que, à la lumière de la volonté de la Région autonome, la SOGAER avait publié une annonce sur son site Internet afin d’investir dans des activités de marketing conçues pour promouvoir les attractions touristiques du sud de la Sardaigne. Quant au contrat conclu le 31 mars 2013 entre la requérante et la GEASAR, celui-ci indiquait que cet exploitant aéroportuaire, en accord avec la Région autonome, promouvait de manière active Olbia et la Sardaigne en tant que destination de vacances, en mettant en œuvre toutes les actions appropriées de marketing, de publicité et de communication, et que, dans cet objectif, la Région autonome fournissait annuellement à la GEASAR un montant que cet exploitant aéroportuaire devait dépenser pour atteindre ces objectifs.

77      Il convient donc d’écarter l’argumentation de la requérante selon laquelle, en substance, elle n’aurait pas été rémunérée par les exploitants aéroportuaires au moyen de fonds provenant de la Région autonome.

78      La requérante objecte encore que la prétendue correspondance des deux flux financiers ne serait pas une preuve suffisante pour exclure que les paiements effectués à son profit auraient été faits en tant que contrepartie réelle des prestations qu’elle a fournies aux exploitants aéroportuaires.

79      À cet égard, force est à nouveau de rappeler que, en matière d’aides d’État, la finalité poursuivie par des interventions étatiques ne suffit pas à les faire échapper à la qualification d’« aides » au sens de l’article 107 TFUE. En effet, cet article ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (voir arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 84 et 85 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 novembre 2015, Espagne/Commission, T‑461/13, EU:T:2015:891, point 39).

80      Or, étant donné que, lors de l’examen d’une mesure, la Commission peut être amenée à examiner si un avantage peut être considéré comme indirectement accordé à des opérateurs autres que le récipiendaire immédiat du transfert de ressources d’État (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, EU:C:2002:363, points 61 et 62), il y a lieu de considérer que, pour autant qu’il peut être établi, comme en l’espèce, qu’un avantage provenant de ressources d’État a été transféré par le récipiendaire immédiat à un bénéficiaire final, il est sans importance que ce transfert ait été opéré par le récipiendaire immédiat selon une logique commerciale ou, au contraire, que ce transfert ait répondu à un objectif d’intérêt général.

81      Cela est corroboré par la jurisprudence retenant qu’un avantage directement accordé à certaines personnes physiques ou morales peut constituer un avantage indirect et, partant, une aide d’État pour d’autres personnes morales qui sont des entreprises (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, points 22 à 35 ; du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, EU:C:2002:363, points 38 et 60 à 66 ; du 4 mars 2009, Associazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management/Commission, T‑445/05, EU:T:2009:50, point 127, et du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, EU:T:2010:233). En effet, dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, le transfert de l’avantage par des personnes physiques ou morales, récipiendaires immédiates de ressources d’État, s’inscrivait dans une relation commerciale, confirmant que l’existence d’une raison commerciale sous-jacente au transfert est sans incidence sur l’appréciation, au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, du flux emprunté par les ressources d’origine étatique jusqu’au bénéficiaire final.

82      Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission a conclu que les paiements effectués par les exploitants aéroportuaires aux compagnies aériennes au titre des activités 1 et 2 correspondaient à des ressources d’État.

b)      Sur l’imputabilité, à la Région autonome, des décisions et des paiements faits à la requérante par les exploitants aéroportuaires

83      Concernant l’imputabilité à la Région autonome des décisions des exploitants aéroportuaires de conclure les contrats litigieux avec la requérante, cette dernière conteste que lesdits exploitants n’aient joué qu’un rôle d’intermédiaires. En effet, malgré l’existence d’une procédure d’approbation de leurs plans d’activités par la Région autonome, les exploitants aéroportuaires auraient conservé un large pouvoir d’appréciation dans leurs décisions concernant la manière d’allouer les fonds reçus de la Région autonome.

84      À cet égard, même si elle concerne des affaires dans lesquelles les fonds en cause, contrairement au cas d’espèce, n’émanaient pas immédiatement du budget de l’État ou n’avaient pas transité par celui-ci, la jurisprudence confirme, s’agissant de la condition de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, tenant à l’existence d’un avantage accordé directement ou indirectement au moyen de ressources d’État, que le critère décisif est le niveau de contrôle exercé par l’État sur l’octroi de l’avantage, notamment sur le canal de transmission de cet avantage (arrêts du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission, C‑83/98 P, EU:C:2000:248, point 50 ; du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 37, et du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 33), et que cela vaut même lorsque l’octroi dudit avantage n’implique pas un transfert formel de ressources d’État (voir arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 19 et jurisprudence citée).

85      Si le niveau de contrôle exercé par l’État sur l’octroi d’un avantage permet d’apprécier si celui-ci peut être considéré comme mobilisant des « ressources d’État », il convient, afin de vérifier la sous-condition tenant à l’imputabilité de la mesure concernée à l’État, prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de prendre également en compte ce niveau de contrôle dans l’examen de la question de savoir si les autorités publiques doivent être considérées comme ayant été impliquées dans l’adoption de ladite mesure (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 52, et du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 49 et jurisprudence citée), implication qui peut être déduite d’un ensemble d’indices résultant des circonstances de l’espèce et du contexte dans lequel cette mesure est intervenue et, en particulier, de l’ampleur de celle-ci, de son contenu ou des conditions qu’elle comporte (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, points 52 à 56, et du 17 septembre 2014, Commerz Nederland, C‑242/13, EU:C:2014:2224, points 31 à 33).

86      En l’espèce, la Commission a retenu, dans la décision attaquée, que les fonds mis à la disposition des exploitants aéroportuaires par la Région autonome devaient être et ont été utilisés dans les faits selon les consignes arrêtées par ladite Région, en l’occurrence en rémunération des services rendus par les compagnies aériennes, à savoir l’ouverture de nouvelles liaisons aériennes, l’augmentation de fréquences, l’atteinte d’objectifs en volume de passagers et l’extension de périodes d’exploitation de lignes existantes, ainsi que la prestation de services de marketing.

87      S’agissant de la contestation par la requérante des constatations de la Commission, figurant aux considérants 357 à 359 de la décision attaquée, selon lesquelles le comportement des exploitants aéroportuaires aurait été déterminé par la Région autonome au moyen de la loi no 10/2010 et des plans d’activités, lesquels devaient être approuvés par la Région autonome avant d’entrer en vigueur, il convient de constater que la loi no 10/2010 renseigne certes les exploitants aéroportuaires comme étant formellement les bénéficiaires des paiements prévus par cette loi.

88      Cependant, l’article 3, paragraphe 2, de la loi no 10/2010 prévoyait expressément que les critères, la nature et la durée de l’offre de transport ainsi que les directives pour l’élaboration des plans d’activités par les exploitants aéroportuaires devaient être adoptés par résolutions de l’exécutif régional, tandis que l’article 3, paragraphe 3, de cette loi prévoyait, également expressément, que les plans d’activités établis par les exploitants aéroportuaires devaient être accompagnés des actes et des contrats correspondants et qu’ils ne seraient financés que s’ils étaient établis conformément aux critères, à la nature, à la durée de l’offre de transport et aux directives adoptées par l’exécutif régional et uniquement s’ils avaient été préalablement soumis pour avis contraignant à la commission compétente.

89      À cet égard, il ressort du dispositif mis en place par la loi no 10/2010 que les dispositions de cette dernière doivent nécessairement être lues conjointement avec les textes dont cette loi prévoyait l’adoption par l’exécutif régional et qui conditionnaient les paiements effectués par la Région autonome aux exploitants aéroportuaires en cause en l’espèce. Or, ceux-ci, en particulier la décision régionale no 29/36, prévoyaient expressément que les exploitants aéroportuaires devaient soumettre leurs plans d’activités pour approbation à la Région autonome et que lesdits plans devaient, pour pouvoir être éligibles au financement prévu par ladite Région, être élaborés conformément aux critères, à la nature et à la durée de l’offre de transport ainsi qu’aux directives arrêtées par l’exécutif régional.

90      En outre, le mécanisme de remboursement des frais avancés par les exploitants aéroportuaires était de nature à permettre à la Région autonome de contrôler les initiatives des exploitants aéroportuaires, puisque seules celles établies conformément à ses directives et justifiées par la production des documents contractuels et comptables pertinents pouvaient donner lieu au financement prévu par le régime d’aides litigieux. En effet, les plans d’activités étaient soumis en amont du processus pour approbation par la Région autonome et les exploitants aéroportuaires devaient également produire des rapports trimestriels en vue du paiement des 60 % de l’aide et ils n’ont pu obtenir la dernière tranche du paiement, de 20 %, qu’après avoir prouvé qu’ils avaient respecté les consignes de la Région autonome.

91      L’emprise de la Région autonome sur le contenu et la portée des initiatives des exploitants aéroportuaires est corroborée par ces derniers eux-mêmes. En effet, ainsi que cela ressort du considérant 237 de la décision attaquée, la GEASAR a indiqué avoir négocié les propositions d’activités de marketing, avec les compagnies aériennes ayant répondu à l’appel à manifestation d’intérêt que cet exploitant aéroportuaire avait publié sur son site Internet, en tenant compte du plan de marketing touristique élaboré par la Région autonome parmi ses instruments de planification. Pour sa part, la SOGAER a soutenu, ainsi que cela ressort du considérant 313 de la décision attaquée, que, dans le cadre du régime d’aides litigieux, ladite Région fournissait une compensation qui transitait simplement par l’exploitant aéroportuaire, et ce « dans le cadre d’un plan décidé, financé et contrôlé par la Région [autonome] ».

92      Certes, la loi no 10/2010 ne mentionnait pas les actions spécifiques devant être proposées par les exploitants aéroportuaires dans les plans d’activités, pas plus qu’elle n’identifiait quelles compagnies aériennes devaient être sollicitées. En outre, l’initiative de présenter des plans d’activités à la Région autonome en vue de solliciter les fonds prévus dans le cadre du régime d’aides litigieux de même que, comme le souligne la requérante, la sélection des compagnies aériennes cocontractantes incombaient formellement aux exploitants aéroportuaires, notamment dans la mesure où la loi no 10/2010 et ses mesures d’exécution ne mentionnaient pas nommément des compagnies aériennes avec lesquelles ils devaient nécessairement entrer en relation commerciale. Cela étant, une fois la décision prise par les exploitants aéroportuaires de participer au programme de financement mis en place par la Région autonome au moyen du régime d’aides litigieux, leur marge d’appréciation dans la définition de leurs plans d’exploitation et la sélection des prestataires cocontractants était largement réduite par les critères et les directives définis par la Région autonome.

93      En particulier, la référence, dans l’article 3, paragraphe 3, de la loi no 10/2010, aux contrats devant être produits par les exploitants aéroportuaires et la référence, dans la décision régionale no 29/36, au cas dans lesquels les plans d’activités sont effectués par des compagnies aériennes confirment, contrairement à ce que soutient la requérante, que la Région autonome incitait les exploitants aéroportuaires à recourir à des compagnies aériennes, puisque ce sont les seules entités à pouvoir s’engager avec les compagnies aériennes sur l’ouverture ou le maintien de liaisons aériennes, leurs fréquences et des objectifs en matière de passagers, et que ladite Région décidait quelles lignes aériennes seraient considérées comme éligibles. En outre, s’agissant des activités de marketing, la Région autonome a distingué celles qui seraient offertes par des compagnies aériennes, confirmant le recours nécessaire des exploitants aéroportuaires à de telles compagnies, de celles qui seraient offertes par des prestataires autres que des compagnies aériennes, lesquelles, ainsi que le soutient la Commission, ne sont pas en cause en l’espèce et dont l’existence, en tout état de cause, n’est pas de nature à influer sur la question de savoir si les fonds perçus par la requérante provenaient du budget de la Région autonome et lui étaient imputables.

94      En contrôlant étroitement, en amont, les plans d’activités présentés par les exploitants aéroportuaires, notamment les liaisons aériennes concernées et les prestations de marketing envisagées, de même que, en aval, les montants engagés par les exploitants aéroportuaires en rémunération desdites prestations offertes par les compagnies aériennes dans le cadre de la promotion de l’île de Sardaigne en tant que destination touristique, la Région autonome s’est arrogée un contrôle suffisant, sur les comportements contractuels des exploitants aéroportuaires ayant décidé de solliciter les mesures de financement prévues dans le cadre du régime d’aides litigieux, au point de considérer que lesdits comportements lui étaient imputables.

95      D’ailleurs, dans les décisions de la Région autonome nos 300 et 322, respectivement du 16 juin 2014 et du 13 juin 2013, fixant les montants annuels définitifs, la Région autonome a elle-même considéré que « l’intervention visée dans la loi [no 10/2010] [était] réalisée par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires, qui jou[ai]ent le rôle d’intermédiaires et de précurseurs opérationnels du transfert de ressources aux compagnies aériennes, selon la voie déterminée par la Région elle-même, telle que tracée par la loi [no 10/2010] précitée et les mesures d’application » (che l’intervento di cui alla LR. n. 10/2010 si realizza attraverso le societa di gestione aeroportuale, che fungono da tramiti operativi e da soggetti anticipatori del trasferimento di risorse a favore dei vettori, secondo il percorso dalla Regione stessa disegnato con la sopraccitata legge regionale n. 10/2010 e con e delibere di attuazione della stessa) et que « les compagnies aériennes devraient être considérées comme les destinataires réels et uniques des flux de ressources financières en vertu de la loi [no 10/2010] » (che i vettori debbano considerarsi i reali ed unici destinatari dei flussi delle risorse di cui alla predetta legge regionale).

96      Par ailleurs, ainsi que le souligne la Commission, le préambule du contrat du 26 février 2012 conclu entre la requérante et l’exploitant de l’aéroport de Cagliari-Elmas démontre, de manière claire, l’étendue du contrôle exercé par la Région autonome, puisque, en effet, il précise que c’était « [c]onformément aux directives publiées par la Région [autonome que la] SOGAER a[vait] élaboré un plan d’activités décrivant la stratégie et les actions qui [devaient être] mises en œuvre afin d’atteindre l’objectif de développement du trafic » ; que « [l]e financement du plan d’activités [était] soumis à l’approbation du comité du Conseil régional conformément à l’article 3, paragraphe 3, de la loi [no 10/2010] » ; que « la Région [autonome] et [la] SOGAER s’attend[aient] à une augmentation de la publicité générale de Cagliari, [de] l’aéroport et [de] la Sardaigne du sud[ ; et que, e]n conséquence de ces services de marketing, tant la Région [autonome] que [la] SOGAER attendaient une croissance du trafic de passagers et un retour économique positif pour l’aéroport de Cagliari et sa zone de chalandise ».

97      Quant au fait que lesdits exploitants auraient contrôlé la réalisation des plans d’activités, cela ne traduisait pas une autonomie de ceux-ci dans la mise en œuvre du régime d’aides litigieux. En effet, l’insertion de clauses pénales dans les contrats conclus avec les compagnies aériennes partenaires s’explique avant tout par le souci des exploitants aéroportuaires de respecter leurs obligations, telles que prévues dans la décision régionale no 29/36, afin de s’assurer qu’ils obtiendraient effectivement le financement sollicité auprès de la Région autonome et qu’ils avaient avancé au titre de l’exécution desdits contrats. Du point de vue de l’intérêt de la Région autonome et ainsi que le soutient la Commission, l’obligation imposée aux exploitants aéroportuaires de prévoir un mécanisme de sanctions visait à protéger l’investissement public, en garantissant que les fonds octroyés seraient correctement utilisés et donneraient lieu aux prestations attendues en vue de promouvoir le tourisme en Sardaigne. Cela vaut également pour le mécanisme de suivi, en ce qui concerne la production par les exploitants aéroportuaires à la Région autonome tant de rapports trimestriels que de l’ensemble des pièces comptables et contractuelles justificatives en vue d’obtenir les dernières tranches de paiement du financement proposé par ladite Région.

98      Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’argumentation de la requérante quant à l’autonomie décisionnelle alléguée des exploitants aéroportuaires dans la définition de leurs rapports contractuels avec les compagnies aériennes cocontractantes au titre du régime d’aides litigieux doit être rejetée comme étant non fondée. Ainsi, c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission a retenu, aux considérants 355 à 361 de la décision attaquée, que les exploitants aéroportuaires pouvaient être considérés comme des intermédiaires entre la Région autonome et les compagnies aériennes, ayant intégralement transféré les fonds reçus de la Région autonome et ayant ainsi agi conformément aux instructions reçues de ladite Région au moyen des plans d’activités approuvés par cette dernière.

c)      Sur l’identification erronée des bénéficiaires du régime d’aides litigieux et l’absence d’avantage pour les compagnies aériennes

99      La requérante fait valoir que les exploitants aéroportuaires auraient été les bénéficiaires du régime d’aides litigieux en ce qu’il les aurait soulagés des coûts qu’ils auraient normalement dû supporter pour obtenir les prestations faisant l’objet des contrats litigieux, tant ceux relatifs à des objectifs de fréquence des liaisons aériennes et de volume de passagers que ceux concernant des prestations de marketing. Ainsi, le régime d’aides litigieux constituerait un mécanisme de subventionnement des exploitants aéroportuaires en vue de l’acquisition par ceux-ci auprès de compagnies aériennes de services relatifs aux activités 1 et 2. Ce mécanisme allégerait des coûts que les exploitants aéroportuaires auraient normalement dû supporter pour développer leurs propres activités. Ainsi, lesdits exploitants aéroportuaires auraient obtenu un rendement économique par la conclusion d’accords avec la requérante, notamment quant à l’extension de leur zone d’attraction et à l’augmentation du trafic de passagers.

100    Le fait que, en tant que compagnie aérienne, la requérante a, en exécution desdits contrats, fourni des activités de marketing vantant les lignes aériennes qu’elle exploitait n’enlèverait pas l’intérêt économique des exploitants aéroportuaires à obtenir de telles prestations par la voie contractuelle. En effet, les contrats conclus entre ces derniers et la requérante auraient été révélateurs d’un réel intérêt économique de ceux-ci à obtenir les services litigieux, intérêt que la Commission aurait reconnu dans des décisions antérieures et qui pousserait de nombreux aéroports à recourir à des services analogues auprès des compagnies aériennes. Ces accords seraient finalement usuels dans le domaine aéronautique, comme le confirmerait le fait que, en l’espèce, les exploitants aéroportuaires en cause auraient partiellement financé ces contrats sur leurs fonds propres. Ainsi, les prestations qu’elle a fournies en exécution desdits contrats auraient été réelles et, même si les activités visées dans ceux-ci correspondaient à son propre intérêt économique, le fait qu’elle ait pu tirer un avantage économique desdits accords commerciaux ne saurait prouver que la requérante aurait reçu une aide d’État illégale de la part de la Région autonome.

101    En tout état de cause, selon la requérante, la Commission ne pouvait pas exclure que les exploitants aéroportuaires étaient bénéficiaires du régime d’aides litigieux, alors même qu’ils étaient les destinataires directs des paiements de la Région autonome, d’autant moins par l’argument illogique selon lequel ledit régime n’aurait pas été conçu pour orienter ses effets secondaires vers les aéroports.

102    À cet égard, les exploitants aéroportuaires ont certes eu un intérêt à participer, en tant qu’intermédiaires, à la mise en œuvre du régime d’aides litigieux, puisque l’exécution par les compagnies aériennes de leurs obligations en matière de fréquence des liaisons aériennes et d’objectifs en matière de volume de passagers ainsi que la fourniture de leurs prestations de marketing ont eu pour effet d’augmenter la fréquentation des aéroports concernés et, nécessairement, les recettes aéroportuaires et extra-aéroportuaires de leurs exploitants.

103    Cependant, comme l’a souligné la Commission en particulier lors de l’audience, il est improbable que, en l’absence du financement de la Région autonome, les exploitants aéroportuaires auraient disposé de fonds suffisants, en l’occurrence plusieurs dizaines de millions d’euros, pour entreprendre des acquisitions d’une telle ampleur, auprès des compagnies aériennes, d’obligations d’ouverture de liaisons aériennes et d’atteinte d’objectifs de trafic passagers ainsi que de prestations de marketing ni qu’ils auraient nécessairement, dans leurs stratégies d’expansion, conclu des accords de ces types. Il apparaît au contraire que lesdits exploitants ne se sont engagés contractuellement avec les compagnies aériennes qu’avec la garantie de la Région autonome qu’ils percevraient les fonds correspondants de cette dernière.

104    Cela est corroboré par le fait que, en l’espèce, les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia n’avaient pas recouru aux services de marketing de la requérante, ni conclu des accords portant sur des fréquences de desserte aérienne ou d’objectif de passagers, avant la mise en œuvre du régime d’aides litigieux et que, à la suite de la suspension dudit régime, lesdits exploitants n’ont pas, en l’absence de financement de la Région autonome, décidé avec la requérante de conclure de nouveaux contrats visant des prestations analogues. En définitive, ainsi que l’a observé la Commission, l’achat desdits services tenait moins à une nécessité commerciale des exploitants aéroportuaires qu’à la décision de ces derniers de prêter leur concours à la mise en œuvre du régime d’aides litigieux mis en place par la Région autonome. Ainsi, la requérante ne saurait soutenir que, par le régime d’aides litigieux, la Région autonome aurait soulagé des coûts que les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia auraient dû normalement supporter.

105    Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’allégation de la requérante selon laquelle les exploitants aéroportuaires auraient rémunéré les compagnies aériennes également sur leurs fonds propres. En effet, d’une part, la requérante reste en défaut de démontrer quels montants les exploitants aéroportuaires auraient acquittés sur leurs fonds propres sans en obtenir ou en demander le remboursement ultérieur à la Région autonome au titre du régime d’aides litigieux, alors même que la Commission soutient, sans que la requérante apporte la preuve contraire, que les exploitants aéroportuaires n’auraient recouru à des fonds propres que dans de très faibles proportions et uniquement en vue de répondre à leurs engagements contractuels résiduels à la suite de la suspension du régime d’aides litigieux par la Région autonome. D’autre part, force est de rappeler que, en tout état de cause, ces prétendus investissements propres des exploitants aéroportuaires ne relèvent pas de l’obligation de remboursement prévue à l’article 2 de la décision attaquée et ne traduisent pas une prise de risques commerciaux significative en rapport avec l’utilisation des fonds provenant de la Région autonome.

106    Quant aux prestations ayant fait l’objet des contrats litigieux, outre le fait, qui sera examiné dans le cadre de l’appréciation de l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché, que les compagnies aériennes cocontractantes n’ont pas été sélectionnées à l’issue d’une procédure de nature à garantir que la Région autonome, par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires, les a rémunérées aux prix du marché, force est de constater que, invitée par le Tribunal à produire des documents probants à cet égard, la requérante a produit du matériel publicitaire et contractuel confirmant que, comme l’a retenu la Commission au considérant 368 de la décision attaquée, la promotion de certaines villes et régions desservies par la requérante est généralement intrinsèquement liée, sur son site Internet, à la promotion des vols exploités par elle-même. Ainsi, contrairement à ce qu’elle fait valoir, en l’absence des contrats de marketing signés avec la SOGAER et la GEASAR, il n’est pas exclu que la requérante aurait tout de même organisé la promotion de ses lignes aériennes depuis et vers la Sardaigne de même qu’il n’est pas établi que, en exécution desdits contrats, la requérante aurait développé une activité promotionnelle substantiellement plus importante que celle habituellement déployée en vue de promouvoir directement ses propres vols.

107    C’est donc sans commettre d’erreur de droit que la Commission a relevé, dans la décision attaquée, que les services de marketing ont été achetés par les exploitants aéroportuaires en cause, en l’occurrence avec les fonds mis à leur disposition par la Région autonome, pour promouvoir l’exploitation de la ou des lignes aériennes assurées par les compagnies aériennes cocontractantes et pour l’ouverture ou le maintien desquelles elles étaient rémunérées au titre de l’activité 1.

108    De même, la Commission pouvait également conclure que les compagnies aériennes ont été rémunérées par la Région autonome afin de promouvoir leurs propres prestations en tant que compagnies aériennes (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2018, Ryanair et Airport Marketing Services/Commission, T‑53/16, non publié, EU:T:2018:943, point 271 ; du 13 décembre 2018, Ryanair et Airport Marketing Services/Commission, T‑165/16, non publié, EU:T:2018:952, point 167 ; du 13 décembre 2018, Ryanair et Airport Marketing Services/Commission, T‑165/15, non publié, EU:T:2018:953, point 230, et du 13 décembre 2018, Ryanair et Airport Marketing Services/Commission, T‑111/15, non publié, EU:T:2018:954, point 232), alors même qu’il s’agit de coûts de marketing et de publicité que les compagnies aériennes en cause, y compris la requérante, devaient en principe supporter.

109    De la même manière, la Commission a pu conclure que les exploitants aéroportuaires n’étaient pas bénéficiaires du régime d’aides litigieux. En effet, l’exécution par les compagnies aériennes cocontractantes des prestations souhaitées et financées par la Région autonome a certes eu pour effet d’augmenter le trafic aérien et le volume de passagers à destination et au départ des aéroports concernés, impliquant une augmentation des ressources aéroportuaires et extra-aéroportuaires de leurs exploitants. Cependant, ainsi que le fait valoir la Commission, il s’agit là d’un effet secondaire du régime d’aides litigieux dont toute la filière du secteur touristique sarde a bénéficié, y compris, d’ailleurs, la requérante, qui, d’une certaine manière, a également obtenu un tel avantage secondaire par un accroissement des ventes des prestations offertes à bord de ses aéronefs. Pour autant, l’avantage immédiat faisant l’objet du régime d’aides litigieux et qui n’a pas été obtenu dans des conditions normales de marché était toutefois constitué des paiements effectués aux compagnies aériennes.

110    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter l’argumentation de la requérante quant à la prétendue erreur de la Commission dans la détermination des bénéficiaires du régime d’aides litigieux et dans le constat d’un avantage en faveur de la requérante.

d)      Sur le principe de l’opérateur privé en économie de marché

111    La requérante reproche à la Commission de ne pas avoir correctement apprécié le régime d’aides litigieux, car elle n’aurait pas appliqué, comme elle aurait dû le faire, le critère de l’investisseur privé en économie de marché tant au niveau de la Région autonome qu’au niveau des exploitants aéroportuaires. De même, elle lui reproche des défauts de motivation. À cet égard, la requérante constate que les activités qu’elle a fournies ont contribué de manière significative au développement des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia et que, en tout état de cause, étant donné que les exploitants aéroportuaires ont continué de financer en 2013 les activités visées par les contrats en cause, cela démontrerait que l’exercice 2012 était tout aussi conforme au critère de l’investisseur privé.

112    La Commission estime que, dans la décision attaquée, elle a tenu compte du principe de l’opérateur privé en économie de marché tant au niveau de la Région autonome qu’au niveau des exploitants aéroportuaires. Toutefois, l’application de ce principe, dérivé de l’article 345 TFUE, supposerait nécessairement que l’autorité publique en cause s’engage dans une opération économique et qu’elle ait un lien avec le bénéficiaire, en en étant propriétaire, actionnaire ou en détenant des parts dans cette entité.

113    D’une part, la Commission relève que, au cours de la procédure administrative, la République italienne n’avait pas suggéré l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché au niveau de la Région autonome et qu’il était de toute façon clair que ladite Région cherchait non pas à réaliser un bénéfice, mais à atteindre des objectifs de politique publique, notamment le renforcement de l’économie en général en attirant davantage de touristes. Or, un tel objectif ne serait pas pris en compte par un opérateur privé procédant à un investissement. En tout état de cause, la Région autonome n’aurait pas pu être considérée comme un exploitant aéroportuaire cherchant à investir, surtout qu’elle ne contrôlerait que l’aéroport d’Alghero, lequel n’est pas en cause en l’espèce. Ainsi, l’adoption du régime d’aides litigieux ne saurait être considérée comme procédant d’une décision d’investissement de l’État en sa qualité d’actionnaire.

114    D’autre part, s’agissant des exploitants aéroportuaires, la Commission estime que l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché ne se justifiait pas non plus, dès lors que, en concluant leurs différents accords avec les compagnies aériennes, ils n’auraient fait que mettre en œuvre le régime d’aides litigieux conçu par la Région autonome pour accroître la fréquentation de l’île par les touristes empruntant la voie aérienne. Ainsi, ils n’auraient pas mobilisé leurs fonds propres pour le paiement des prestations couvertes par lesdits accords, mais auraient utilisé les fonds fournis par la Région autonome, transmettant de la sorte des ressources d’État conformément à la volonté et aux directives de ladite Région autonome. Ainsi, ces transactions n’auraient pas été effectuées dans des conditions normales de marché sans l’intervention en cause de l’État, étant entendu, en outre, que les exploitants aéroportuaires en cause en l’espèce ne sont pas détenus par la puissance publique.

1)      Sur l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché aux relations contractuelles entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes

115    Dans la décision attaquée, la Commission a justifié l’inapplicabilité du principe de l’opérateur privé en économie de marché au niveau des transactions effectuées entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes, au motif, en substance, que les mesures examinées constituaient un régime d’aides établi par une autorité publique pour des raisons de politique publique, qui couvrait plusieurs aéroports, dont un seul était détenu par la Région autonome, et non pas un accord individuel entre un aéroport et une compagnie aérienne. En outre, pour la Commission, il était clair que les exploitants aéroportuaires n’avaient pas agi comme des opérateurs en économie de marché lorsqu’ils avaient conclu les différents contrats avec les compagnies aériennes. En effet, ils n’auraient fait que mettre en œuvre un régime d’aides conçu par la Région autonome pour accroître le transport aérien au profit général du territoire de l’île de Sardaigne.

116    À cet égard, s’agissant de l’argumentation de la requérante relative à l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché au regard de l’autonomie des exploitants aéroportuaires dans l’utilisation des fonds fournis par la Région autonome et dans la définition de leurs rapports contractuels avec les compagnies aériennes, il convient de la rejeter pour les motifs déjà exposés aux points 102 à 110 ci-dessus.

117    Ensuite, force est de constater que, ainsi que le reconnaît la requérante et contrairement à ce qui était le cas dans les décisions précédentes de la Commission qu’elle évoque, les deux exploitants aéroportuaires concernés en l’espèce, à savoir ceux de Cagliari-Elmas et d’Olbia, ne sont en tout état de cause pas détenus par la Région autonome. Or, comme le soutient à juste titre la Commission, pour pouvoir envisager l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché à une transaction financière entre deux entreprises afin de savoir si, au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lu conjointement avec l’article 345 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, EU:C:1990:125, point 29 ; du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑303/88, EU:C:1991:136, point 20, et du 12 décembre 1996, Air France/Commission, T‑358/94, EU:T:1996:194, point 70), cette transaction répond à une rationalité économique écartant qu’elle puisse donner lieu à l’octroi par la première entreprise d’un avantage à la seconde, encore faut-il que la première entreprise soit détenue par l’État et que celui-ci puisse être réputé agir comme un investisseur attendant un rendement économique à plus ou moins long terme de son investissement.

118    Dans ces conditions, indépendamment de l’établissement de plans d’exploitation par les compagnies aériennes et/ou d’analyse ex ante de la rentabilité des investissements faits par les exploitants aéroportuaires, tels qu’invoqués par la requérante, il apparaît que, d’une part, lesdits exploitants n’étaient pas détenus par la Région autonome et que, d’autre part et en tout état de cause, ceux-ci n’ont fait qu’utiliser l’argent mis à leur disposition par la Région autonome pour acquérir des services selon les consignes de cette dernière.

119    Il en résulte que, ainsi que l’a retenu à juste titre la Commission dans la décision attaquée, les exploitants aéroportuaires se sont bornés pour l’essentiel à mettre en œuvre le régime d’aides litigieux. Étant donné, en outre, que lesdits exploitants n’étaient pas détenus par l’État, les transactions effectuées entre les compagnies aériennes et les exploitants aéroportuaires n’avaient pas vocation à être examinées au regard du principe de l’opérateur privé en économie de marché, même si ces transactions étaient effectuées au moyen de ressources d’État, en l’occurrence de la Région autonome.

120    Cette constatation n’est pas remise en cause par le fait, à le supposer avéré, que les exploitants aéroportuaires auraient rémunéré les compagnies aériennes également sur leurs fonds propres. En effet, d’une part, la requérante reste en défaut de démontrer quels montants les exploitants aéroportuaires auraient acquittés sur leurs fonds propres sans en obtenir ou en demander le remboursement ultérieur à la Région autonome au titre du régime d’aides litigieux, alors même que la Commission soutient, sans que la requérante apporte la preuve contraire, que les exploitants aéroportuaires n’auraient recouru à leurs fonds propres que dans de très faibles proportions et uniquement en vue de répondre à leurs engagements contractuels résiduels à la suite de la suspension du régime d’aides litigieux par la Région autonome. D’autre part, force est de rappeler que, en tout état de cause, ces prétendus investissements propres des exploitants aéroportuaires ne relèvent pas de l’obligation de remboursement prévue à l’article 2 de la décision attaquée et ne traduisent pas une prise de risques commerciaux significative en rapport avec l’utilisation des fonds provenant de la Région autonome.

121    Il convient donc d’écarter l’argumentation de la requérante relative à l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché au niveau des exploitants aéroportuaires.

2)      Sur l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché au niveau de la Région autonome

122    Aux considérants 380 à 388 de la décision attaquée, la Commission a tout d’abord noté que la République italienne n’avait pas tiré argument du principe de l’opérateur privé en économie de marché ; que rien n’indiquait que la Région autonome aurait agi selon ce principe lorsqu’elle avait établi le régime d’aides litigieux et qu’il était clair qu’elle avait cherché, par la mise en place dudit régime, à atteindre des objectifs de politique publique, en particulier le renforcement de l’économie régionale en attirant plus de touristes, plutôt qu’à obtenir des bénéfices en sa qualité de propriétaire. Puis, la Commission a examiné l’applicabilité de ce principe au niveau des exploitants aéroportuaires et de la Région autonome pour conclure qu’il ne régissait pas le cas d’espèce.

123    La requérante estime erronée la conclusion de la Commission, figurant au considérant 380 de la décision attaquée, selon laquelle la Région autonome n’aurait pas agi en tant qu’investisseur privé en économie de marché.

124    Cependant, en l’espèce, étant donné que la Région autonome ne détient pas les aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia, seuls en cause en l’espèce, il ne saurait être considéré que celle-ci aurait agi en tant qu’investisseur. Il apparaît au contraire que la Région autonome a mis en place le régime d’aides litigieux en vue uniquement du développement économique de l’île de Sardaigne.

125    Dans ces conditions, c’est à juste titre que la Commission a conclu, notamment aux considérants 380 à 384 de la décision attaquée, qu’elle n’avait pas à analyser si, par le financement faisant l’objet du régime d’aides litigieux, la Région autonome avait procédé à un investissement comparable à celui d’un investisseur privé. Dès lors, elle pouvait considérer que les analyses ex ante de la rentabilité économique des contrats de prestations conclus entre les exploitants aéroportuaires et la requérante n’étaient pas pertinentes, puisque, en l’espèce, la Région autonome, agissant exclusivement en tant que puissance publique, ne pouvait pas escompter des dividendes, gains en capital ou toute autre forme de bénéfice comparable à ceux qu’obtiendrait un investisseur privé.

126    Sur ce point, contrairement à ce que soutient la requérante, l’éventuel accroissement des ressources fiscales d’une entité publique, telle que la Région autonome, en raison de l’adoption de mesures de politique publique, ne saurait être assimilé, ni comparé, aux gains qu’un investisseur privé attend de ses investissements, puisqu’il n’est pas de même nature qu’un avantage financier escompté par un opérateur de l’un de ses investissements. En effet, il s’agit ici de bienfaits macroéconomiques attendus de l’intervention publique dans le cadre d’une politique économique, laquelle ne relève pas du principe de l’opérateur privé en économie de marché, mais des principes de rationalisation de la dépense publique.

127    Partant, il convient d’écarter l’argumentation de la requérante tendant à considérer que la Région autonome aurait, dans le cadre du régime d’aides litigieux adopté dans le cadre d’une politique économique générale, agi en tant qu’investisseur justifiant d’appliquer le principe de l’investisseur privé en économie de marché.

128    Cela étant dit, il convient de relever que, au considérant 377 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les paiements effectués par la Région autonome aux compagnies aériennes par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires dans le cadre de l’activité 1 et de l’activité 2 devaient être considérés comme des subventions octroyées aux compagnies aériennes pour qu’elles opèrent davantage de vols vers et depuis l’île de Sardaigne.

129    Il convient encore de relever que, étant donné que la Région autonome ne détient pas l’ensemble des aéroports de l’île de Sardaigne, lesquels sont les seules entités pouvant convenir contractuellement de l’utilisation des infrastructures aéroportuaires qu’ils gèrent, notamment de l’ouverture de nouvelles lignes aériennes, la Région autonome ne pouvait pas, en tant qu’autorité publique, acquérir ce type de services directement auprès des compagnies aériennes. Or, l’exploitant aéroportuaire de Cagliari-Elmas a confirmé, ainsi que cela ressort des considérants 312 et 314 de la décision attaquée, que, d’une part, la Région autonome a, au moyen du régime d’aides litigieux, demandé un service consistant en la sélection de compagnies aériennes capables d’atteindre les objectifs annuels fixés pour la fréquence et le volume de passagers sur des liaisons stratégiques en provenance et à destination de l’aéroport de Cagliari-Elmas et que, d’autre part, ce service a été fourni par les compagnies aériennes cocontractantes choisies par les exploitants aéroportuaires.

130    Il ressort également du régime d’aides litigieux que les prestations de marketing fournies par les compagnies aériennes avaient pour objectif de promouvoir l’île de Sardaigne en tant que destination touristique.

131    Partant, s’il ne saurait être retenu que, en adoptant le régime d’aides litigieux, la Région autonome a agi en tant qu’investisseur, il doit toutefois être retenu que ladite Région a agi en tant qu’acquéreur de services, notamment de marketing. C’est d’ailleurs ce que la requérante a souligné, notamment dans la réplique, en relevant que la Région autonome « avait fait intervenir une société orientée sur le marché pour acquérir des services sur un marché, à savoir des services de marketing et des sièges de passagers ».

132    En effet, d’une part, les montants que la requérante a perçus correspondaient à la fourniture de prestations de services en réponse à une commande de la Région autonome pour laquelle les exploitants aéroportuaires n’ont joué qu’un rôle d’intermédiaires entre l’adjudicateur et les prestataires de ces services. D’autre part, ainsi que le soutient la requérante, les compagnies aériennes ont fourni des prestations de services, qu’il s’agisse tant des engagements en matière de liaisons aériennes et de volume de trafic de passagers que de marketing, qui peuvent être offertes aux exploitants aéroportuaires dans le secteur du transport aérien.

133    À cet égard, une mesure étatique en faveur d’une entreprise ne saurait, du seul fait que les parties s’engagent à des prestations réciproques, être exclue a priori de la notion d’aide d’État visée à l’article 107 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 1999, BAI/Commission, T‑14/96, EU:T:1999:12, point 71).

134    S’agissant en particulier de l’acquisition de prestations de services par la puissance publique, celle-ci doit en principe se faire en suivant les règles de passation des marchés publics prévues par le droit de l’Union dérivé. Dans ce cas, l’existence d’une telle procédure d’appel d’offres, conduite préalablement à un achat de services par une autorité publique d’un État membre, est normalement considérée comme suffisante pour exclure que cet État membre puisse octroyer un avantage à l’entreprise prestataire retenue qu’elle n’aurait pas autrement obtenu dans des conditions normales de marché [voir, en ce sens, arrêt du 5 août 2003, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, T‑116/01 et T‑118/01, EU:T:2003:217, point 118].

135    En l’espèce, l’acquisition des services en cause n’a pas été faite par la Région autonome elle-même, laquelle, en tant qu’autorité publique, aurait été soumise aux règles de l’Union relatives à la passation de marchés publics. En effet, cette acquisition a été faite par l’intermédiaire d’autres acteurs, non soumis dans cette situation auxdites règles, en l’occurrence les exploitants aéroportuaires, lesquels ont été chargés d’obtenir sur le marché les prestations de services souhaitées par la Région autonome et que cette dernière finançait.

136    Dans une telle situation, le seul fait qu’un État membre achète des services qui, comme le soutient la requérante, ont été prétendument offerts aux conditions du marché ne suffit pas pour que cette opération constitue une transaction commerciale effectuée dans des conditions qu’un opérateur privé aurait acceptées, ou, autrement dit, une transaction commerciale normale. En effet, dans ce type de situation, il faut, d’une part, que l’État ait eu un besoin réel de ces services et, d’autre part, que l’acquisition de ces services ait été faite au moyen d’une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire de nature à assurer l’égalité de traitement entre les prestataires susceptibles d’offrir les services en cause et à garantir que les prestations de services en cause sont acquises au prix du marché, lequel prix assure que, à l’occasion de l’acquisition desdits services, la puissance publique ne confère pas un avantage au prestataire retenu [voir, en ce sens, arrêt du 5 août 2003, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, T‑116/01 et T‑118/01, EU:T:2003:217, points 112 à 120 ; voir également, par analogie, arrêts du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, points 93 et 94, et du 16 juillet 2015, BVVG, C‑39/14, EU:C:2015:470, point 32].

137    En l’espèce, la Commission a considéré, au considérant 386 de la décision attaquée, que le financement apporté par le régime d’aides litigieux ne constituait pas une rémunération pour des produits ou des services satisfaisant de véritables besoins de la Région autonome et qu’aucune procédure d’appel d’offres ouverte et transparente n’avait été suivie pour fournir le soutien financier aux compagnies aériennes concernées.

138    À cet égard, contrairement à ce qu’a retenu la Commission, la Région autonome, en tant que puissance publique poursuivant des objectifs de politique économique, pouvait considérer qu’elle avait un besoin de promouvoir l’île de Sardaigne en tant que destination touristique afin de contribuer au développement économique de l’île.

139    Cependant, d’une part, ainsi que le soutient la Commission, l’ampleur inédite des prestations de marketing financées dans le cadre du régime d’aides litigieux est de nature à mettre en doute le fait que ces prestations répondaient, de manière proportionnée et au regard des principes de rationalisation de la dépense publique, aux besoins réels de la Région autonome en vue de poursuivre ses objectifs de développement économique de l’île de Sardaigne.

140    D’autre part et en tout état de cause, la décision attaquée a abordé la question de l’organisation d’appels d’offres en vue de la conclusion d’accords par les exploitants aéroportuaires parce que l’organisation de tels appels d’offres aurait pu prouver l’existence de conditions de marché et, dès lors, l’absence d’avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

141    Or, à cet égard, force est de constater, ainsi que le soutient la Commission, que, en vue d’acquérir les services d’augmentation de trafic aérien et de marketing, ni la Région autonome ni les exploitants aéroportuaires, agissant en tant qu’intermédiaires, n’ont organisé de procédures d’appel d’offres ouvertes et transparentes de nature à garantir le respect du principe d’égalité de traitement entre prestataires et l’acquisition desdits services, par la Région autonome et au moyen de ressources d’État mises à la disposition des exploitants aéroportuaires, à des prix du marché.

142    En effet, il est certes constant que les exploitants aéroportuaires ont publié sur leurs sites Internet respectifs des appels à manifestation d’intérêt dans le cadre desquels les compagnies aériennes intéressées à ouvrir ou à désaisonnaliser certaines de leurs liaisons aériennes, autres que celles faisant déjà l’objet d’obligations de service public, et à fournir des prestations de marketing pouvaient proposer leurs services aux exploitants aéroportuaires.

143    Cependant, ces appels à manifestation d’intérêt ne sauraient être considérés comme équivalents à des procédures d’appel d’offres. En effet, invitée par le Tribunal à produire ces appels à manifestation d’intérêt de même que les offres qu’elle avait soumises aux exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia, la requérante est restée en défaut de les produire, en expliquant qu’elle n’avait pas conservé ces documents. La Commission n’a pas non plus été en mesure de produire lesdits appels à manifestation d’intérêt. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que des critères précis avaient été fixés afin de sélectionner les compagnies aériennes cocontractantes. Au contraire, il semble que toutes celles qui avaient soumis des offres ont été invitées à contracter avec les exploitants aéroportuaires concernés et que, en ce qui concerne la tarification des prestations offertes, les tarifs appliqués par les compagnies aériennes étaient disparates. Or, alors même qu’elles apparaissaient comme des évaluations financières grossières et arrondies, les exigences financières des compagnies aériennes ont toutefois donné lieu à des remboursements dans leur quasi-intégralité, par la Région autonome, aux exploitants ayant avancé les paiements desdites prestations.

144    Quant à la réalité des prestations offertes, la requérante n’a pas réellement démontré de quelle manière elle avait concrètement fourni les prestations en cause, notamment celles de marketing, liées spécifiquement aux contrats conclus avec les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia. En effet, les supports publicitaires produits à la demande du Tribunal ne sont pas spécifiques aux campagnes publicitaires en cause, mais à celles de 2015 concernant des aéroports du sud de l’Italie. Quant aux factures du prestataire tiers auquel elle a, selon ses dires, recouru pour la conception des offres en vue de l’obtention des contrats avec lesdits exploitants aéroportuaires, les montants mensuels facturés par ce prestataire ne sont que de quelques milliers d’euros et, partant, modiques, par rapport au financement obtenu de la Région autonome et, en tout état de cause, ne permettent pas d’établir qu’ils concernaient des prestations exclusivement destinées aux exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia.

145    Dans ces conditions, la Commission pouvait, dans la section 7.2.1.3 de la décision attaquée, intitulée « Avantage économique », constater que les paiements reçus par les compagnies aériennes cocontractantes, telles que la requérante, ne pouvaient pas être considérés comme une véritable contrepartie pour les services de marketing fournis.

146    Par ailleurs, outre le fait que les compagnies aériennes cocontractantes n’ont pas été sélectionnées à l’issue d’une procédure de nature à garantir que la Région autonome, par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires, les a rémunérées aux prix du marché, force est de constater que, invitée par le Tribunal à produire des documents probants à cet égard, la requérante a produit du matériel publicitaire et contractuel confirmant que, comme l’a retenu la Commission au considérant 368 de la décision attaquée, la promotion de certaines villes et régions desservies par la requérante est généralement intrinsèquement liée, sur son site Internet, à la promotion des vols exploités par elle-même.

147    C’est donc à juste titre que la Commission a relevé, dans la décision attaquée, que les services de marketing au titre de l’activité 2 ont été achetés par les exploitants aéroportuaires en cause, en l’occurrence avec les fonds mis à leur disposition par la Région autonome, pour promouvoir l’exploitation de la ou des lignes aériennes assurées par les compagnies aériennes cocontractantes et pour l’ouverture ou le maintien desquelles elles étaient rémunérées au titre de l’activité 1.

148    Dans ces conditions, la Commission pouvait conclure que les compagnies aériennes ont été rémunérées par la Région autonome afin de promouvoir leurs propres prestations en tant que compagnies aériennes (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2018, Ryanair et Airport Marketing Services/Commission, T‑53/16, non publié, EU:T:2018:943, point 271 ; du 13 décembre 2018, Ryanair et Airport Marketing Services/Commission, T‑165/16, non publié, EU:T:2018:952, point 167 ; du 13 décembre 2018, Ryanair et Airport Marketing Services/Commission, T‑165/15, non publié, EU:T:2018:953, point 229, et du 13 décembre 2018, Ryanair et Airport Marketing Services/Commission, T‑111/15, non publié, EU:T:2018:954, point 232), alors même qu’il s’agit de coûts de marketing et de publicité que les compagnies aériennes en cause, y compris la requérante, devaient en principe supporter. En définitive, l’atteinte des objectifs en matière de fréquences aériennes et de volume de passagers, lesquels faisaient l’objet de l’activité 1, de même que la fourniture des prestations de marketing au titre de l’activité 2 ont eu pour effet d’accroître l’activité économique de la requérante.

149    En outre, il doit être encore constaté que, ainsi que l’a fait valoir la Commission, en l’absence du financement conséquent apporté par la Région autonome, les exploitants aéroportuaires n’auraient pas nécessairement, dans leurs stratégies d’expansion, conclu des accords ni d’une telle ampleur, voire n’auraient pas pu le faire financièrement. Cela est corroboré par le fait que, en l’espèce, les exploitants aéroportuaires n’avaient pas recouru aux services marketing de la requérante avant la mise en œuvre du régime d’aides litigieux et que, à la suite de la suspension de celui-ci, lesdits exploitants n’ont pas, en l’absence de financement de la Région autonome, décidé de conclure de nouveaux contrats visant des prestations analogues.

150    Dans ces conditions, la Commission a pu valablement conclure, au considérant 388 de la décision attaquée, que le financement fourni par la Région autonome aux compagnies aériennes, telles que la requérante, par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires pour le financement des activités 1 et 2 dans le cadre du régime d’aides litigieux avait conféré un avantage économique aux compagnies aériennes concernées, en l’occurrence une rémunération qu’elles n’auraient pas obtenue dans des conditions normales de marché.

151    Il résulte de ce qui précède que l’argumentation de la requérante relative à l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché au niveau de la Région autonome doit être rejetée comme étant non fondée.

3)      Sur la possibilité de considérer le financement concernant l’aéroport d’Olbia comme une aide à des activités de marketing, à l’investissement ou à des aéroports régionaux

152    La requérante s’interroge sur les raisons pour lesquelles un « soutien indirect de l’État au marketing à travers [elle] » deviendrait une aide illégale alors qu’« un soutien direct de l’État au marketing pour les exploitants aéroportuaires n’est pas illégale au regard des modifications les plus récentes » du règlement (UE) no 651/2014 de la Commission, du 17 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 [TFUE] (JO 2014, L 187, p. 1). En outre, l’aide en cause aurait pu, selon elle, être considérée comme une aide à l’investissement, étant donné que l’aéroport d’Olbia accueillerait moins de trois millions de passagers par an.

153    La Commission, identifiant l’argument de la requérante comme visant la possibilité d’exempter les aides aux activités de marketing au titre du règlement no 651/2014, fait valoir, d’une part, que cette possibilité est limitée aux aéroports accueillant moins de 200 000 passagers par an, ce qui ne serait pas le cas des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia, et, d’autre part, qu’il s’agit d’aides octroyées aux exploitants aéroportuaires et non, comme en l’espèce, aux compagnies aériennes. Enfin, les montants versés pour les activités de marketing ne pourraient pas être qualifiés « d’aides à l’investissement », puisqu’ils n’étaient pas destinés à financer des actifs immobilisés et, en tout état de cause, le grief serait irrecevable, car présenté pour la première fois par la requérante dans la réplique.

154    À cet égard, au considérant 408 de la décision attaquée, la Commission a constaté qu’aucun règlement d’exemption par catégorie ne couvrait le régime d’aides litigieux, y compris, par conséquent, le règlement no 651/2014 invoqué par la requérante.

155    Ensuite, il ressort certes de l’article 14, paragraphes 1 à 3, du règlement no 651/2014, que les mesures d’aide à l’investissement à finalité régionale sont compatibles avec le marché intérieur au sens de l’article 107, paragraphe 3, TFUE et sont exemptées de l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, pour autant, notamment, que les conditions prévues par cet article, parmi lesquelles l’exigence que l’aide soit octroyée dans des zones assistées, à savoir, conformément à l’article 2, paragraphe 27, dudit règlement, à « toute zone désignée sur une carte des aides à finalité régionale approuvée pour la période allant du 1[er juillet] 2014 au 31[ décembre] 2020, en application de l’article 107, paragraphe 3, [sous] a) ou c), du traité ». Or, s’agissant de l’Italie, la communication de la Commission intitulée « Lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2014-2020 » (JO 2013, C 209, p. 1), n’a retenu que les régions de Campanie, des Pouilles, de Basilicate, de Calabre et de Sicile. La région de Sardaigne ne figurant pas sur la carte des aides à finalité régionale pour la période en cause, la requérante ne saurait se prévaloir de l’article 14 du règlement no 651/2014.

156    De même, l’aide en cause ne saurait relever de l’article 51 du règlement no 651/2014 puisque cette disposition ne concerne que les aides aux aéroports situés dans des régions périphériques, ce qui n’est pas nécessairement le cas des aéroports sardes, et qu’elle exige que lesdites aides bénéficient dans leur intégralité aux consommateurs finals dont la résidence normale se trouve dans une région périphérique, ce que ne prévoit manifestement pas le régime d’aides litigieux.

157    Même en supposant, à l’instar de la Commission, que la requérante ait entendu se prévaloir de l’article 56 bis du règlement no 651/2014, il convient de constater que celui-ci a été introduit par le règlement (UE) 2017/1084 de la Commission, du 14 juin 2017, modifiant le règlement no 651/2014 en ce qui concerne les aides aux infrastructures portuaires et aéroportuaires, les seuils de notification applicables aux aides en faveur de la culture et de la conservation du patrimoine et aux aides en faveur des infrastructures sportives et des infrastructures récréatives multifonctionnelles, ainsi que les régimes d’aides au fonctionnement à finalité régionale en faveur des régions ultrapériphériques, et modifiant le règlement (UE) no 702/2014 en ce qui concerne le calcul des coûts admissibles (JO 2017, L 156, p. 1), et qu’il n’était donc pas d’application ratione temporis au moment de l’adoption de la décision attaquée. En tout état de cause, comme le souligne la Commission, le régime d’aides litigieux ne saurait être qualifié d’aide à l’investissement, puisqu’il ne visait pas des actifs immobilisés des exploitants aéroportuaires, mais bénéficiait aux compagnies aériennes.

158    Par conséquent, indépendamment de son manque de clarté, qui aurait justifié son rejet comme étant irrecevable, force est de conclure que, même en essayant de la rendre compréhensible, l’argumentation de la requérante ne peut qu’être rejetée comme étant manifestement non fondée, puisque, contrairement à la prémisse retenue par la requérante, une aide du type de celle en cause en l’espèce n’aurait pas pu être déclarée compatible avec le marché intérieur au titre du règlement no 651/2014 même si elle avait été considérée comme attribuée aux exploitants aéroportuaires.

159    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter les première et deuxième branches du premier moyen comme étant non fondées.

3.      Sur la troisième branche du premier moyen, relative à l’absence de sélectivité de la mesure d’aide

160    Dans le cadre de la troisième branche du premier moyen et à supposer qu’elle puisse être considérée comme bénéficiaire de la mesure d’aide en cause, la requérante conteste que cette mesure puisse être qualifiée de « sélective ». En effet, les compagnies aériennes assurant des vols au départ ou à l’arrivée d’Alghero, de Cagliari-Elmas et d’Olbia seraient dans des situations comparables et en concurrence les unes avec les autres. Elles auraient indistinctement eu accès aux financements de la Région autonome pour promouvoir le transport aérien et auraient toutes pu négocier avec les exploitants aéroportuaires des contrats de services aéroportuaires et de marketing. En outre, les compagnies aériennes non bénéficiaires auraient fait le choix de ne pas participer et, par conséquent, n’auraient pas été traitées de manière discriminatoire. Quant aux compagnies aériennes ayant conclu des contrats avec les exploitants aéroportuaires, elles auraient été choisies par ces derniers en fonction de l’utilité de leurs offres et non au regard d’exigences posées par la Région autonome. Ainsi, la Commission n’aurait pas démontré le caractère sélectif de l’aide.

161    La Commission conclut au rejet de la troisième branche du premier moyen comme étant non fondée, en faisant valoir que l’argumentation du type de celle avancée par la requérante a été rejetée à maintes reprises par la jurisprudence (arrêt du 13 septembre 2012, Italie/Commission, T‑379/09, non publié, EU:T:2012:422, points 47 et 48). Dès lors que les compagnies aériennes opérant sur les aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia et n’ayant pas conclu d’accords avec les exploitants aéroportuaires respectifs ne bénéficiaient pas du régime d’aides litigieux, il serait établi que ledit régime était sélectif. À cet égard, la circonstance que les compagnies aériennes bénéficiaires ont été sélectionnées à l’issue des manifestations d’intérêt publiées sur Internet ne serait pas pertinente. En effet, le simple fait qu’une mesure soit ouverte à toute entreprise disposée à en bénéficier ne saurait suffire à empêcher cette mesure de revêtir un caractère sélectif, au risque, le cas échéant, de vider l’article 107 TFUE de tout effet utile. En tout état de cause, en l’espèce, le régime d’aides litigieux n’identifierait pas ses bénéficiaires sur la base de critères objectifs et non discriminatoires. En effet, le bénéfice de la mesure aurait été conditionné à des négociations avec les exploitants aéroportuaires de sorte qu’il ne garantissait pas aux compagnies aériennes intéressées qu’elles bénéficieraient de l’avantage, ni le montant de celui-ci, de même que cela n’aurait pas assuré une sélection de ces compagnies de manière non discriminatoire.

162    À titre liminaire, il convient de rappeler que la spécificité d’une mesure étatique, à savoir le caractère sélectif de cette mesure, constitue l’une des caractéristiques de la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Pour vérifier si cette condition est remplie, il convient de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure étatique est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par la mesure concernée, étant précisé que, selon une jurisprudence constante, la notion d’aide d’État ne vise pas les mesures étatiques introduisant une différenciation entre entreprises et, partant, a priori sélectives, lorsque cette différenciation résulte de la nature ou de l’économie du système de charges dans lequel elles s’inscrivent (voir arrêt du 30 novembre 2009, France et France Télécom/Commission, T‑427/04 et T‑17/05, EU:T:2009:474, points 228 et 229 et jurisprudence citée).

163    En l’espèce, la Commission a, au considérant 389 de la décision attaquée, justifié la sélectivité du régime d’aides litigieux au motif qu’il ne pouvait pas être considéré comme un régime d’application générale et par le fait que sa conception et sa mise en œuvre visaient exclusivement certaines entreprises ou certains secteurs d’activités, à savoir les compagnies aériennes financées par la Région autonome par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires. Ainsi, elle a relevé que les compagnies aériennes opérant des vols depuis et vers les aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia et qui n’avaient pas conclu d’accord avec les exploitants aéroportuaires ne bénéficiaient pas du même soutien financier de la Région autonome ou, à tout le moins, pas dans les conditions prévues par la loi no 10/2010. Selon la Commission, étant donné que le bénéfice de l’avantage économique en cause était réservé à certaines entreprises spécifiques d’un secteur particulier, à savoir le transport aérien, le régime d’aides litigieux était sélectif.

164    À cet égard, force est de constater que toutes les compagnies aériennes opérant des vols au départ et à l’arrivée des aéroports sardes, notamment ceux de Cagliari-Elmas et d’Olbia, n’ont pas jugé opportun de présenter une offre de services aux exploitants aéroportuaires dans le cadre de la mise en œuvre du régime d’aides litigieux. De plus, même si la requérante n’a pas confirmé cet élément, en invoquant le secret commercial des compagnies aériennes concernées, il n’est pas exclu que, sur les liaisons aériennes assurées en vols directs par la requérante depuis et vers les aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia en provenance ou à destination d’aéroports européens, d’autres compagnies aériennes étaient ou sont en mesure d’offrir un transport équivalent en correspondance via d’autres aéroports européens, impliquant qu’elles sont en concurrence avec la requérante. De même, cette dernière est en concurrence avec des compagnies aériennes assurant des liaisons relevant d’obligations de service public au départ et à l’arrivée des aéroports sardes, lesquelles liaisons étaient exclues du régime d’aides litigieux.

165    Or, ces compagnies concurrentes de la requérante, n’ayant pas conclu des contrats avec les exploitants aéroportuaires ou n’ayant pas pu conclure de tels contrats au motif qu’elles exploitaient des lignes aériennes exclues du régime d’aides litigieux, n’ont pas reçu l’avantage allégué, alors même que, au regard de l’objectif du régime d’aides litigieux et des mesures entreprises au titre des activités 1 et 2, ces compagnies aériennes non bénéficiaires concourraient tout autant à assurer des liaisons aériennes pour les touristes, notamment d’Europe continentale, souhaitant visiter l’île de Sardaigne.

166    Partant, étant donné, en outre, que le caractère sélectif d’une mesure s’apprécie par rapport à la totalité des entreprises, et non par rapport aux entreprises bénéficiaires d’un même avantage à l’intérieur d’un même groupe (arrêt du 11 juin 2009, Italie/Commission, T‑222/04, EU:T:2009:194, point 66), il convient de constater que le régime d’aides litigieux a favorisé certaines entreprises par rapport à d’autres entreprises se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par la mesure concernée.

167    Par ailleurs, s’agissant de la circonstance que les compagnies aériennes bénéficiaires avaient été sélectionnées à l’issue d’appels à manifestation d’intérêt publiés sur Internet, celle-ci n’est en tout état de cause pas pertinente. En effet, le cas échéant, il serait loisible aux États membres de procéder à de tels appels en vue de la sélection des bénéficiaires d’aides pour échapper au champ d’application de l’article 107 TFUE, ce qui porterait atteinte à l’effet utile de cette disposition.

168    C’est d’ailleurs pour cette raison que le seul fait qu’une mesure puisse profiter à tous les opérateurs remplissant les conditions prévues, c’est-à-dire qu’elle détermine son champ d’application sur la base de critères objectifs, n’établit pas en soi le caractère général de cette mesure et n’empêche pas qu’elle revête un caractère sélectif (voir arrêt du 13 septembre 2012, Italie/Commission, T‑379/09, non publié, EU:T:2012:422, point 47 et jurisprudence citée).

169    En outre, dans la mise en œuvre du régime d’aides litigieux, les exploitants aéroportuaires, agissant en gestionnaires des fonds publics mis à leur disposition par la Région autonome, ont négocié individuellement les montants des incitations financières liées à des objectifs de trafic ainsi que les prix des prestations de marketing dont ils ont obtenu le remboursement par ladite Région. De même, ils ont déterminé, sous le contrôle de la Région autonome, les volumes des prestations devant être acquises, dans ces conditions tarifaires, auprès des compagnies aériennes. Ce pouvoir d’appréciation dans la modulation des montants individualisés ainsi payés, par la voie contractuelle, aux exploitants sur les fonds fournis par la Région autonome confirme, à plus forte raison, le caractère sélectif du régime d’aides litigieux (voir, en ce sens, arrêts du 26 septembre 1996, France/Commission, C‑241/94, EU:C:1996:353, points 23 et 24, et du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑127/99, T‑129/99 et T‑148/99, EU:T:2002:59, point 154).

170    Il résulte de ce qui précède que la troisième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée.

4.      Sur la quatrième branche du premier moyen, relative à l’absence de distorsion de la concurrence et d’effets sur les échanges entre les États membres

171    Dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen, la requérante fait valoir que les paiements faits en sa faveur par les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia n’ont pas entraîné de distorsion de concurrence, ni affecté le commerce entre les États membres. En particulier, ils relèveraient du règlement (UE) no 360/2012 de la Commission, du 25 avril 2012, relatif à l’application des articles 107 et 108 [TFUE] aux aides de  minimis accordées à des entreprises fournissant des [SIEG] (JO 2012, L 114, p. 8), notamment parce qu’ils se situeraient en-dessous du seuil de 500 000 euros prévu à l’article 2 de ce règlement.

172    La Commission conclut au rejet de la quatrième branche du premier moyen comme étant non fondée.

173    Au regard de l’intitulé de la quatrième branche du premier moyen, il convient de comprendre que la requérante estime que, dans la mesure notamment où l’aide litigieuse la concernant était inférieure à ce seuil de 500 000 euros prévu par le règlement no 360/2012, ce qu’il conviendra d’examiner en premier lieu, cette aide ne pouvait pas avoir eu pour effet d’affecter le commerce entre les États membres, ni de fausser ou de menacer de fausser la concurrence, ce qui sera examiné en second lieu.

a)      Sur la possibilité de considérer l’aide litigieuse concernant la requérante comme relevant du seuil de minimis prévu par le règlement no 360/2012

174    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que l’article 1er du protocole (no 26) sur les services d’intérêt général, annexé aux traités UE et FUE (JO 2010, C 83, p. 308), reconnaît aux autorités nationales, régionales et locales un rôle essentiel et un large pouvoir discrétionnaire pour fournir, faire exécuter et organiser les SIEG d’une manière qui réponde autant que possible aux besoins des utilisateurs. À cet égard, l’article 106, paragraphe 2, TFUE prévoit en particulier que les entreprises chargées de la gestion de SIEG sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas obstacle à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie.

175    Ainsi, l’article 106, paragraphe 2, TFUE permet, sous certaines conditions, des dérogations aux règles générales du traité et vise à concilier l’intérêt des États membres à utiliser certaines entreprises, notamment du secteur public, en tant qu’instrument de politique économique ou sociale avec l’intérêt de l’Union au respect des règles de concurrence et à la préservation de l’unité du marché intérieur. Compte tenu de l’intérêt ainsi défini des États membres, il ne saurait leur être interdit de tenir compte, lorsqu’ils définissent les SIEG dont ils chargent certaines entreprises, d’objectifs propres à leur politique nationale et d’essayer de réaliser ceux-ci au moyen d’obligations et de contraintes qu’ils imposent auxdites entreprises (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 1997, Commission/France, C‑159/94, EU:C:1997:501, points 55 et 56, et du 21 septembre 1999, Albany, C‑67/96, EU:C:1999:430, points 103 et 104).

176    À cet égard, sans préjudice notamment d’un règlement qui serait adopté en la matière au titre de l’article 14 TFUE, les États membres disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans la définition, en général, de ce qu’ils considèrent comme des SIEG, à savoir des services présentant des caractères spécifiques par rapport à l’intérêt économique général que revêtent d’autres activités de la vie économique (voir, en ce sens, arrêts du 10 décembre 1991, Merci convenzionali porto di Genova, C‑179/90, EU:C:1991:464, point 27, et du 18 juin 1998, Corsica Ferries France, C‑266/96, EU:C:1998:306, point 45) et, en particulier, de la mission qu’ils confient à ces SIEG (arrêt du 7 novembre 2012, CBI/Commission, T‑137/10, EU:T:2012:584, point 191). Partant, la définition de ces services par un État membre ne peut être remise en question par la Commission qu’en cas d’erreur manifeste (arrêts du 15 juin 2005, Olsen/Commission, T‑17/02, EU:T:2005:218, point 216, et du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, points 166 et 169), notamment lorsque l’État membre a exercé ce pouvoir de manière arbitraire aux seules fins de faire échapper un secteur particulier à l’application des règles de concurrence (arrêt du 12 février 2008, BUPA e.a./Commission, T‑289/03, EU:T:2008:29, point 168).

177    Pour autant, s’agissant d’une dérogation aux règles fondamentales du traité, il incombe à l’État membre qui invoque l’article 106, paragraphe 2, TFUE, de démontrer que les conditions d’application de cette disposition sont réunies (arrêt du 23 octobre 1997, Commission/France, C‑159/94, EU:C:1997:501, point 94). La première de ces conditions est que l’entreprise bénéficiaire doit effectivement être chargée de l’exécution d’obligations de service public et que ces obligations doivent être clairement définies (arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, C‑280/00, EU:C:2003:415, point 89).

178    Le règlement no 360/2012 invoqué par la requérante ne fait que mettre en œuvre ces apports de la jurisprudence. L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 360/2012 rappelle ainsi que ne « [s]ont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l’article 107, paragraphe 1, du traité et comme non soumises, de ce fait, à l’obligation de notification prévue à l’article 108, paragraphe 3, du traité, [que] les aides octroyées aux entreprises pour la prestation de [SIEG] ».

179    Dans la décision attaquée, plus particulièrement aux considérants 379 et 411, la Commission a relevé que les liaisons qui font l’objet d’obligations de service public conformément au règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (refonte) (JO 2008, L 93, p. 3), qui existent en Sardaigne, étaient explicitement exclues du champ d’application de la loi no 10/2010, laquelle était clairement conçue comme un système parallèle au système d’obligations de service public au titre du règlement no 1008/2008. En outre, la Commission a constaté que des obligations au titre d’un SIEG ne pouvaient être imposées que pour une liaison donnée ou un groupe de liaisons données, et ne sauraient être imposées de manière générique pour une quelconque liaison régulière au départ d’un aéroport, d’une ville ou d’une région donnés.

180    À cet égard, force est de constater que la requérante reste en défaut de démontrer qu’elle aurait été chargée de SIEG dans le cadre de chacune des liaisons aériennes ayant été retenues et financées dans le cadre de la mise en œuvre du régime d’aides litigieux.

181    En effet, d’une part, ainsi que l’a retenu la Commission dans la décision attaquée, la décision régionale no 29/36 excluait elle-même que les liaisons d’intérêt stratégique, déterminées par les plans d’activités soumis dans le cadre du régime d’aides litigieux, puissent chevaucher des liaisons déjà exploitées dans le cadre d’un régime d’obligation de service public. D’autre part, c’est la mise en péril de l’accomplissement des missions particulières imparties à l’entreprise chargée d’un SIEG, telles qu’elles sont précisées par les obligations de service public pesant sur elle, qui justifie l’application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 1997, Commission/France, C‑159/94, EU:C:1997:501, point 95).

182    Or, en l’espèce, au titre des lignes aériennes exploitées par la requérante et qui ont été financées au titre du régime d’aides litigieux, la requérante ne peut pas raisonnablement soutenir qu’elle s’est vu imposer des obligations de service public ou qu’elle s’est vu chargée de missions particulières au sens de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, d’autant moins qu’il n’est pas contesté que la plupart de ces lignes aériennes étaient, dans la période couverte par le régime d’aides litigieux, déjà proposées, y compris par la requérante, dans des conditions normales de marché exemptes d’intervention de l’autorité publique. Ainsi, la circonstance que, dans le cadre du régime d’aides litigieux, la Région autonome ait considéré que l’exploitation de ces liaisons aériennes, qualifiées d’intérêt stratégique, constituait un SIEG, n’est pas suffisante, en particulier en l’absence de définition précise, par ladite Région, d’obligations de service public imposées à la requérante.

183    En l’absence de SIEG confié à la requérante et aux autres compagnies aériennes bénéficiaires du régime d’aides litigieux, c’est à juste titre que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas abordé l’application en l’espèce du règlement no 360/2012. À titre surabondant, force est de constater que, au titre des contrats litigieux conclus avec les exploitants aéroportuaires et ainsi que l’a confirmé la requérante en réponse à une question du Tribunal, elle devait percevoir un montant 580 000 euros et a, en exécution de ceux-ci, perçu un montant de 670 298,75 euros, dépassant ainsi le seuil de 500 000 euros prévu par ledit règlement.

b)      Sur la distorsion de concurrence et les effets sur les échanges intracommunautaires du régime d’aides litigieux

184    À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide en cause sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, EU:C:2005:768, point 111, et du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 134).

185    En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à celle d’autres entreprises concurrentes dans les échanges à l’intérieur de l’Union, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêt du 9 octobre 2014, Ministerio de Defensa et Navantia, C‑522/13, EU:C:2014:2262, point 52 et jurisprudence citée).

186    Par ailleurs, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier, dans les motifs de la décision, si, en raison des montants ou des pourcentages élevés des aides, des caractéristiques des investissements soutenus ou d’autres modalités que ce régime prévoit, celui-ci assure un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres. Ainsi, la Commission, dans une décision qui porte sur un tel régime, n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement dudit régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, EU:C:1987:437, point 18, et du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 63).

187    Dans la décision attaquée, en l’occurrence aux considérants 390 à 392, la Commission a suffisamment expliqué que les compagnies aériennes, bénéficiant des paiements versés par les exploitants aéroportuaires en vertu du régime d’aides litigieux, étaient actives dans un secteur caractérisé par une concurrence intense entre des opérateurs provenant d’États membres différents, et donc participaient à des échanges à l’intérieur de l’Union.

188    Contrairement à ce que soutient la requérante, une telle motivation est en soi suffisante au regard de l’obligation de motivation pesant sur la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, points 88 et 89, et du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, points 114 et 121).

189    Par ailleurs, la Commission n’a pas méconnu la notion d’aide d’État, telle que visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en retenant que la nature transfrontalière évidente des activités en cause, à savoir des services de transports aériens de passagers, impliquait que le régime d’aides litigieux était susceptible de fausser la concurrence et d’affecter le commerce entre les États membres en renforçant la position sur le marché des compagnies aériennes ayant bénéficié dudit régime. En effet, les transporteurs aériens, tels que la requérante, sont en concurrence sur le marché aérien au niveau européen de sorte que l’octroi de l’aide aux compagnies aériennes, telles que la requérante, ayant conclu des contrats avec les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia, renforce la position concurrentielle de ces entreprises bénéficiaires par rapport à celle d’autres entreprises aériennes concurrentes au niveau européen, opérant ou non des liaisons aériennes directes avec l’île de Sardaigne.

190    En tout état de cause, d’une part, ainsi que l’a reconnu la requérante, celle-ci est en concurrence, sur ses lignes aériennes au départ et à l’arrivée des aéroports sardes, avec des compagnies aériennes européennes assurant un acheminement de voyageurs depuis et vers les mêmes aéroports continentaux par des correspondances via d’autres aéroports. Or, ces compagnies aériennes, s’agissant de ces lignes aériennes par correspondance, concurrentes à celles directes de la requérante, n’ont pas été bénéficiaires du régime d’aides litigieux qui ne couvrait que des lignes directes (point-to-point), en tout état de cause pas en ce qui concerne les segments aériens opérés au-delà de l’aéroport de correspondance, de sorte que la position concurrentielle des bénéficiaires, telles que la requérante, a été nécessairement renforcée par rapport à celle de telles compagnies aériennes non bénéficiaires.

191    Quant à l’argument de la requérante tenant au fait que certaines compagnies, notamment les compagnies aériennes régulières, n’auraient pas été bénéficiaires du régime d’aides litigieux uniquement parce qu’elles n’avaient pas soumis d’offres de collaboration dans le cadre des appels à manifestation d’intérêt publiés par les exploitants aéroportuaires, il ne saurait davantage prospérer. En effet, l’affectation des échanges entre les États membres au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne peut pas dépendre en l’espèce de la question de savoir si toutes les compagnies aériennes ont bénéficié ou ont eu la possibilité de bénéficier de la mesure en cause. En tout état de cause, à supposer même – ce qui n’est pas établi en l’espèce – que toutes les compagnies aériennes européennes opérant des vols directs depuis et vers les aéroports sardes aient pu prétendre au régime d’aides litigieux, cette circonstance, concernant la sélectivité des mesures litigieuses, n’aurait eu aucune conséquence sur le constat, par la Commission, de l’affectation du commerce entre les États membres par ledit régime dans la mesure où il renforce la position concurrentielle de ces compagnies aériennes par rapport à leurs concurrentes, sur le marché européen, qui ne desservent pas l’île de Sardaigne.

192    Il résulte des considérations qui précèdent que la quatrième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant non fondée et que, par conséquent, le premier moyen doit être rejeté dans son intégralité.

B.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur quant à la possibilité de justifier l’aide litigieuse

193    À l’appui du deuxième moyen, la requérante fait tout d’abord valoir que les services dont elle a été chargée relèveraient de la communication de la Commission, intitulée « Encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public (2011) » (JO 2012, C 8, p. 15). Ainsi, le régime en cause aurait pu être considéré comme justifié en tant que SIEG. En n’analysant pas cette question dans la décision attaquée, la Commission aurait commis une erreur de droit ou, à tout le moins, cette décision souffrirait d’un défaut de motivation.

194    Dans la mesure où cette argumentation est analogue à celle développée dans le cadre de la quatrième branche du premier moyen, celle-ci doit, pour les mêmes motifs tenant à l’absence de SIEG confié de manière tangible à la requérante et ainsi que l’a conclu la Commission, être rejetée comme étant non fondée.

195    La requérante fait ensuite valoir que le régime d’aides litigieux relève de la communication de la Commission 2005/C 312/01, relative à des lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’état au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux (JO 2005, C 312, p. 1, ci-après les « lignes directrices de 2005 »), lesquelles seraient applicables ratione temporis et non celles de 2014. Or, ledit régime remplirait les différents critères prévus au point 79 des lignes directrices de 2005. En effet, le financement prévu par la Région autonome aurait été dégressif, passant de 21 millions d’euros en 2012 à 17,5 millions d’euros en 2013. De même, les plans d’activités et les contrats conclus avec les compagnies aériennes auraient prévu que les contributions financières pour chacune des lignes aériennes subventionnées devaient diminuer dans le temps. Par ailleurs, les fonds dispensés au titre du régime d’aides litigieux auraient pris en charge des dépenses de marketing et de publicité concernant l’ouverture de nouvelles liaisons aériennes. En outre, la condition visée au point 79, sous f), des lignes directrices de 2005 aurait « presque » été remplie en l’espèce. Quant à la condition de publicité visée au point 79, sous h), desdites lignes directrices, elle aurait également été satisfaite en raison de la publication d’appels à manifestation d’intérêt sur les sites Internet des exploitants aéroportuaires en vue de la conclusion d’accords avec les compagnies aériennes. Enfin, la requérante conteste la position de la Commission selon laquelle l’exemption prévue au point 81 des lignes directrices de 2005 ne pourrait pas être appliquée si une exemption n’est pas possible au titre du point 79.

196    La Commission conclut au rejet de cette argumentation comme étant non fondée, en faisant valoir que le régime d’aides litigieux ne pouvait pas, en ce qui concerne la requérante, être déclaré compatible en tant qu’aide au démarrage ni au titre du point 79 ni au titre du point 81 des lignes directrices de 2005.

197    À cet égard, aux termes de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, peuvent notamment être considérées comme compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, condition qui doit être appréciée selon les critères de nécessité et de proportionnalité (arrêt du 26 février 2015, Orange/Commission, T‑385/12, non publié, EU:T:2015:117, point 80).

198    Cependant, il est de jurisprudence constante que le principe général posé par l’article 107, paragraphe 1, TFUE est celui de l’interdiction des aides d’État et que les dérogations à ce principe, telles que visées au paragraphe 3 dudit article 107, sont d’interprétation stricte (arrêts du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, EU:C:2004:238, point 20 ; du 23 février 2006, Atzeni e.a., C‑346/03 et C‑529/03, EU:C:2006:130, point 79, et du 26 février 2015, Orange/Commission, T‑385/12, non publié, EU:T:2015:117, point 81).

199    En outre, selon une jurisprudence également constante, la Commission jouit, pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite ainsi à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (arrêts du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑351/98, EU:C:2002:530, point 74 ; du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 83, et du 15 décembre 2016, Abertis Telecom Terrestre et Telecom Castilla-La Mancha/Commission, T‑37/15 et T‑38/15, non publié, EU:T:2016:743, point 160).

200    Ainsi que cela ressort notamment du point 24 des lignes directrices de 2005, celles-ci visent à préciser les cas dans lesquels un financement public aux aéroports et aux compagnies aériennes constitue une aide d’État et, lorsqu’il s’agit effectivement d’une aide, les conditions dans lesquelles elle peut être déclarée compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

201    À cet égard, ainsi que le souligne la requérante et ainsi que l’a retenu la Commission aux considérants 412 à 414 de la décision attaquée, le régime d’aides litigieux, à supposer qu’il puisse être analysé comme fournissant des aides au démarrage de nouvelles lignes aériennes, relevait effectivement des lignes directrices de 2005. En effet, conformément à ce que prévoit le point 174 des lignes directrices de 2014, les aides notifiées avant l’entrée en vigueur de ces dernières lignes directrices pouvaient en principe être examinées, après le 4 avril 2014, au regard de ces lignes directrices. Cependant, les aides, notifiées ou non, mises en œuvre, comme en l’espèce, avant que la Commission n’ait statué sur les mesures notifiées par la République italienne et, par conséquent, s’avérant illégales au regard de l’obligation de suspension visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, doivent, elles, être examinées au regard des lignes directrices de 2005.

202    S’agissant du point 79 des lignes directrices de 2005, pertinent en l’espèce, celui-ci se lit comme suit :

« Compte tenu des objectifs précités et des difficultés importantes auxquelles peut donner lieu le lancement d’une nouvelle ligne, la Commission pourra approuver de telles aides lorsqu’elles rempliront les conditions suivantes :

[…]

d)       Viabilité à terme et dégressivité dans le temps : la ligne [nouvelle] aidée doit s’avérer viable à terme, c’est-à-dire couvrir au moins ses coûts, sans financement public. C’est pourquoi les aides au démarrage doivent être dégressives et limitées dans le temps.

e)       Compensation des coûts additionnels de démarrage : le montant de l’aide doit être strictement lié aux coûts additionnels de démarrage qui sont liés au lancement de la nouvelle route ou fréquence et que l’opérateur aérien n’aurait pas à supporter en rythme de croisière. Ces coûts comprennent notamment les dépenses de marketing et de publicité à engager au départ pour faire connaître la nouvelle liaison ; ils peuvent comprendre les frais d’installation supportés par la compagnie aérienne sur le site de l’aéroport régional concerné pour lancer la ligne, s’il s’agit bien d’un aéroport des catégories C ou D et que ces coûts n’ont pas déjà été aidés. À l’inverse, l’aide ne peut concerner des coûts opérationnels réguliers tels que la location ou l’amortissement des avions, le carburant, le salaire des équipages, les charges aéroportuaires, les coûts de commissariat (catering). Les coûts éligibles retenus devront correspondre à des coûts réels obtenus dans les conditions normales de marché.

f)       Intensité et durée : l’aide dégressive peut être accordée pour une durée maximale de trois ans. Le montant de l’aide ne peut dépasser, chaque année, 50 % du montant des coûts éligibles de cette année et, sur la durée de l’aide, une moyenne de 30 % des coûts éligibles.

Pour les lignes au départ des régions défavorisées, c’est-à-dire les régions ultrapériphériques, les régions visées à l’article 87, paragraphe 3, [sous] a), [du traité CE] et les régions à faible densité de population, l’aide dégressive peut être accordée pour une durée maximale de cinq années. Le montant de l’aide ne peut dépasser, chaque année, 50 % du montant des coûts éligibles de cette année et, sur la durée de l’aide, une moyenne de 40 % des coûts éligibles. Si l’aide est effectivement accordée pendant cinq ans, l’aide peut être maintenue à 50 % du montant des coûts éligibles pendant les trois premières années.

En tout état de cause, la durée pendant laquelle l’aide au démarrage est accordée à une compagnie devra rester inférieure de manière substantielle à la durée pendant laquelle celle-ci s’engage à exercer ses activités au départ de l’aéroport considéré, tel qu’indiqué dans le plan d’affaires requis au paragraphe 79, [sous] i). En outre, l’aide devra être arrêtée dès que les objectifs en termes de passagers seront atteints ou que la rentabilité de la ligne sera avérée, même si cela intervient avant la fin de la durée initialement prévue.

[…]

h)       Attribution non discriminatoire : toute entité publique qui envisage d’octroyer à une compagnie, via un aéroport ou non, des aides au démarrage d’une nouvelle route doit rendre son projet public dans un délai suffisant et avec une publicité suffisante pour permettre à toutes les compagnies aériennes intéressées de proposer leurs services. Cette communication doit comporter notamment la description de la route, ainsi que des critères objectifs en termes de montant et de durée des aides. Les règles et principes en matière de marchés publics et de concessions doivent, lorsqu’ils sont applicables, être respectés.

[…] »

203    Dans la décision attaquée, en l’occurrence aux considérants 410 à 421, la Commission a considéré que la compensation financière fournie par les exploitants aéroportuaires aux compagnies aériennes en vertu du régime d’aides litigieux ne pouvait pas être considérée comme compatible avec le marché intérieur, car les critères de compatibilité mentionnés audit point 79 des lignes directrices de 2005 n’étaient pas remplis.

204    Au titre du deuxième moyen invoqué, la requérante tente essentiellement de démontrer que, dans son cas individuel, les aides qu’elle aurait perçues, constituées des montants que les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia lui ont versés en exécution des contrats conclus avec elle, répondaient aux conditions posées au point 79 des lignes directrices de 2005 et que, à défaut, elles pouvaient tout de même être déclarées compatibles avec le marché intérieur au titre du point 81 desdites lignes directrices ou, indépendamment de ces lignes directrices, en tant qu’aide au développement du tourisme dans l’esprit de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

205    À cet égard, force est toutefois de constater, ainsi que le fait valoir la Commission, que les arguments invoqués par la requérante ne sont pas de nature à infirmer son constat, figurant dans la décision attaquée, selon lequel le régime d’aides litigieux ne satisfaisait pas aux critères prévus au point 79 des lignes directrices de 2005, lesquels sont cumulatifs, ce qui impliquait que le non-respect de l’un d’eux suffisait à exclure qu’une aide puisse être qualifiée d’« aide au démarrage » compatible avec le marché intérieur au titre de ces lignes directrices.

206    Tout d’abord, il y a lieu de relever que, ainsi que cela ressort du considérant 410 de la décision attaquée, la République italienne a, elle-même, soutenu que le régime d’aides litigieux n’avait pas été conçu comme un régime visant à soutenir le lancement de nouvelles liaisons aériennes et qu’il ne satisfaisait pas aux conditions visées au point 79 des lignes directrices de 2005.

207    Ensuite, s’agissant de la condition posée au point 79, sous d), des lignes directrices de 2005, à supposer même, ce qui n’est pas démontré, que les accords commerciaux entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes aient été conclus dans une perspective de rentabilité économique, évaluée au moyen d’une évaluation ex ante de la viabilité et de la rentabilité des plans d’exploitation présentés par les compagnies aériennes et des analyses économiques établies par les exploitants aéroportuaires, le régime d’aides litigieux n’a pas mis en place un système d’aides dégressif dans le temps pour chacune des lignes aériennes faisant l’objet des contrats conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes et qui, en tout état de cause, ne sont pas toutes « nouvelles » au sens de ces lignes directrices. En particulier, chaque compagnie aérienne a reçu des montants globaux correspondant à des périodes d’activités, mais, dans les faits, le financement n’a pas été individualisé par ligne aérienne concernée depuis et vers chaque aéroport concerné. Sur ce point, l’allégation que les aides dispensées pour les années 2012 et 2013 auraient été dégressives, passant de 21 millions d’euros à 17,5 millions d’euros, est inopérante, puisque la dégressivité, dans le contexte des lignes directrices de 2005, s’entend par ligne aérienne concernée.

208    Dans son cas particulier, la requérante ne conteste pas que l’aide qu’elle a perçue, pour l’ensemble des lignes aériennes qu’elle assure depuis l’aéroport d’Olbia, n’était pas dégressive s’agissant de cet aéroport, puisque, sous l’empire du régime d’aides litigieux, elle a perçu ou devait percevoir de l’exploitant de cet aéroport des rémunérations au contraire en hausse dans le temps, en l’occurrence un montant de 280 000 euros pour la période allant de mai 2012 à mars 2013 et un montant de 300 000 euros pour la période allant de juin à décembre 2013. S’agissant de l’aéroport de Cagliari-Elmas, il était prévu qu’elle perçoive un montant de 74 450 euros pour la période allant de décembre 2012 à janvier 2013. Cela étant, il ne ressort pas du régime d’aides litigieux ou des documents produits par la requérante que les lignes aériennes faisant, globalement, l’objet de ces montants étaient rentables sans le financement en cause, ni que l’aide puisse être individualisée pour chacune de ces lignes afin de constater, pour chacune d’elles, que l’aide correspondante à la ligne concernée était dégressive.

209    S’agissant du mécanisme de suivi, mis en place par la Région autonome, des paiements effectués au titre du régime d’aides litigieux, il n’apparaît pas qu’il garantissait, au regard du critère posé au point 79, sous e), des lignes directrices de 2005, que le financement public apporté était nécessaire pour couvrir une partie des frais de démarrage des lignes aériennes concernées, qu’il représentait seulement les coûts réels engagés par les exploitants aéroportuaires et qu’il ne concernait que ces coûts. Cela est d’autant moins le cas que l’aide apportée à chaque compagnie aérienne n’a pas été ventilée pour chacune des lignes aériennes assurée depuis et vers chacun des aéroports sardes concernés.

210    À cet égard, il est sans pertinence que les exploitants aéroportuaires auraient prétendument pris en charge sur leurs fonds propres, d’ailleurs dans une mesure inconnue, des coûts supplémentaires ou que la requérante n’aurait pas ouvert ou maintenu les lignes aériennes concernées en l’absence du soutien financier reçu des exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia. En outre, le régime d’aides litigieux et les contrats conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes ne précisent pas, pour les lignes aériennes concernées, quels étaient les coûts additionnels de démarrage pour chacune d’elles.

211    De la même manière, s’agissant de la condition posée au point 79, sous f), des lignes directrices de 2005, celle-ci n’est clairement pas remplie tant il est manifeste que le régime d’aides litigieux et les contrats conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes n’identifient pas de coûts éligibles. En effet, en l’absence de mention de coûts éligibles, il n’est pas possible d’apprécier le respect de la condition d’un financement maximal de 50 % du montant des coûts éligibles par année, avec un maximum de financement moyen de 30 %. Au contraire, il ressort du dossier que la Région autonome a remboursé sur demande les paiements effectués par les exploitants aéroportuaires aux compagnies aériennes et que ceux-ci étaient fixés à des montants forfaitaires, souvent arrondis, sans autre précision et, en tout état de cause, de manière non individualisée pour chacune des lignes aériennes concernées.

212    Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle la Sardaigne étant une région économique défavorisée de l’Union au sens du point 79, sous f), deuxième alinéa, des lignes directrices de 2005, force est de constater, ainsi que le souligne la Commission, que cette région ne remplit pas les conditions prévues par les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007/2013 (JO 2006, C 54, p. 13).

213    S’agissant de la condition visée au point 79, sous h), des lignes directrices de 2005 et concernant l’attribution non discriminatoire des aides au démarrage, il y a lieu, pour les motifs déjà exposés ci-dessus au soutien du rejet de la deuxième branche du premier moyen, de rejeter l’argumentation de la requérante selon laquelle les exploitants aéroportuaires auraient organisé une procédure garantissant une mise en concurrence des compagnies aériennes, assurant la transparence, une publicité suffisante, l’absence de discrimination et la sélection des offres les plus économiquement avantageuses.

214    Ainsi, il est manifeste que le régime d’aides litigieux, y compris s’agissant de l’aide individuellement perçue par la requérante, ne remplissait pas les critères prévus au point 79 des lignes directrices de 2005.

215    Dans ces conditions, compte tenu du pouvoir d’appréciation de la Commission en la matière ainsi que de la nécessité d’interpréter de manière stricte les exceptions au principe de l’interdiction des aides d’État, la Commission pouvait, malgré la demande faite en ce sens par la République italienne au cours de la procédure administrative, décider qu’il n’y avait pas non plus lieu de déroger aux critères énoncés dans les lignes directrices de 2005 au titre du point 81 desdites lignes directrices, aux termes duquel la Commission peut « examiner au cas par cas une aide ou un régime qui ne respecterait pas intégralement les critères [du point 79], mais aboutirait à une situation comparable ». En effet, en tout état de cause, le régime d’aides litigieux, ne respectant pas la majorité des critères prévus au point 79 des lignes directrices de 2005, ne saurait être considéré comme aboutissant à une situation comparable à une aide respectant lesdites exigences.

216    Quant à la prétention de la requérante, exposée pour la première fois dans la réplique et, partant, en tout état de cause, irrecevable, de voir le régime d’aides litigieux autorisé, indépendamment des lignes directrices de 2005, au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, en ce qu’il visait à promouvoir le tourisme en Sardaigne et les activités commerciales desdits exploitants aéroportuaires, d’une part, la République italienne n’a pas demandé le bénéfice de cette dérogation au cours de la procédure administrative, laquelle dérogation est d’application stricte. D’autre part, le régime d’aides litigieux, par l’ampleur du financement qu’il apportait, était peu susceptible de ne pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

217    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

C.      Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’ordre de récupération de l’aide litigieuse

218    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte de ses intérêts légitimes lorsqu’elle a ordonné à la République italienne, dans la décision attaquée, de récupérer l’aide litigieuse auprès de la requérante. Or, compte tenu du faible nombre de cas d’aides reconnues comme indirectement dispensées et des incertitudes de la Commission elle-même quant à la manière de traiter le cas d’espèce, la requérante pourrait se prévaloir d’une confiance légitime quant au fait que le mécanisme mis en place par la loi no 10/2010 ne serait pas qualifié d’« aide d’État » versée aux compagnies aériennes. Elle souligne à cet égard qu’elle ne pouvait pas savoir que les contrats la liant aux exploitants aéroportuaires impliquaient une aide au sens de l’article 107 TFUE.

219    La Commission conclut au rejet du troisième moyen comme étant non fondé. En particulier, la circonstance que l’appréciation de la notion d’aide indirecte serait, selon la requérante, peu claire en droit des aides d’État ne serait absolument pas un élément de nature à faire obstacle à ce que la Commission ordonne la récupération d’aides, surtout que, en l’espèce, l’aide était clairement illégale au motif que la République italienne n’avait pas préalablement notifié le régime d’aides litigieux et que la requérante aurait été considérée, dans la décision attaquée, comme bénéficiaire direct du régime d’aides litigieux. En tout état de cause, l’existence de doutes quant à l’existence d’une aide ne créerait pas de confiance légitime pour son bénéficiaire.

220    À cet égard, selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable chez lequel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. En outre, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêt du 24 novembre 2005, Allemagne/Commission, C‑506/03, non publié, EU:C:2005:715, point 58 et jurisprudence citée). De même, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée [voir arrêts du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products (Lopik)/Commission, 265/85, EU:C:1987:121, point 44 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 147 et jurisprudence citée].

221    Compte tenu du rôle fondamental joué par l’obligation de notification pour permettre l’effectivité du contrôle des aides d’État par la Commission, lequel revêt un caractère impératif, les bénéficiaires d’une aide ne peuvent avoir, en principe, une confiance légitime dans la légalité de ladite aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée. En particulier, ainsi que l’a souligné la Commission, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission ou, comme en l’espèce, sans attendre la décision de la Commission clôturant la procédure, de sorte qu’elle est illégale au regard de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, en principe, de confiance légitime dans la légalité de l’octroi de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Producteurs de légumes de France/Commission, T‑328/09, non publié, EU:T:2012:498, points 20 et 21 et jurisprudence citée).

222    En l’espèce, ainsi que le soutient la Commission, cette dernière n’a, à aucun moment, donné des assurances à la requérante quant à la compatibilité du régime d’aides litigieux avec le marché intérieur, d’autant moins que la République italienne a mis en œuvre ledit régime sans attendre que la Commission se soit prononcée sur celui-ci au titre de l’article 108 TFUE, impliquant, par conséquent, l’illégalité dudit régime.

223    Quant à la prétendue confiance légitime de la requérante dans la nature strictement commerciale de ses rapports contractuels avec les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia, laquelle n’aurait pas pu éveiller des soupçons quant à l’origine étatique du comportement et des fonds utilisés par lesdits exploitants, force est de constater, d’une part, que l’origine étatique des fonds obtenus par les exploitants aéroportuaires ne semble pas avoir été dissimulée dans les appels à manifestation d’intérêt publiés par ceux-ci sur leurs sites Internet et, d’autre part et en tout état de cause, que le contrat liant la requérante à l’exploitant de Cagliari-Elmas expliquait, en des termes particulièrement explicites, que la Région autonome finançait l’exécution dudit contrat, de même que le contrat du 31 mars 2013 conclu avec l’exploitant d’Olbia y faisait référence.

224    En outre, la loi no 10/2010 ayant été publiée au Bollettino ufficiale della Regione autonoma della Sardegna, la requérante, en tant qu’opérateur avisé actif sur le marché du transport aérien en Italie, ne pouvait pas en ignorer l’existence (voir, par analogie, arrêt du 20 novembre 2008, Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading/Commission, C‑38/07 P, EU:C:2008:641, point 61), ni, par conséquent, les mécanismes de financement qu’elle prévoyait et le risque, d’une part, que ceux-ci puissent être considérés comme un régime d’aides au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 et, d’autre part, que les compagnies aériennes soient considérées comme étant les bénéficiaires réels dudit régime.

225    À cet égard, l’argumentation de la requérante tirée de la difficulté d’appréhender la notion de bénéficiaires indirects ou finaux d’une aide d’État ne saurait prospérer. En effet, d’une part, deux des trois contrats qu’elle a conclus avec les exploitants aéroportuaires mentionnaient expressément le financement par la Région autonome des prestations commandées par lesdits exploitants. D’autre part, comme tout opérateur économique diligent, la requérante aurait dû savoir que le caractère indirect de l’aide n’aurait aucune incidence sur la récupération de celle-ci (arrêt du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, EU:T:2010:233, point 177) et ne constituerait par conséquent, en aucune manière, une circonstance exceptionnelle lui permettant d’échapper à l’effet direct de l’interdiction visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. D’ailleurs, le point 79, sous h), des lignes directrices de 2005, invoquées par la requérante, évoque expressément la possibilité qu’une entité publique puisse octroyer une aide à une compagnie aérienne « via un aéroport », confirmant de la sorte que l’existence d’un rapport contractuel n’empêchait pas per se la possibilité de qualifier le régime d’aides litigieux d’aides d’État en faveur de compagnies aériennes incompatibles avec le marché intérieur.

226    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

D.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une mauvaise gestion de l’enquête

227    Au titre du quatrième moyen, la requérante reproche à la Commission un manque de diligence et d’impartialité dans la conduite de l’enquête ayant mené à l’adoption de la décision attaquée. Cela serait notamment démontré par le refus de la Commission d’examiner en détail l’application du critère de l’investisseur privé.

228    La Commission conclut au rejet du moyen comme étant irrecevable, en relevant que, en méconnaissance de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, celui-ci est à peine étayé dans un seul point de la requête. En tout état de cause, en supposant même que la Commission aurait mal appliqué le principe de l’investisseur privé, cela ne démontrerait pas que l’enquête administrative n’a pas été correctement menée.

229    À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Il ressort de la jurisprudence que cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal d’exercer son contrôle. Il en découle que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels un recours est fondé doivent ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte de la requête elle-même. La requête doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (voir arrêt du 14 février 2012, Italie/Commission, T‑267/06, non publié, EU:T:2012:69, point 35 et jurisprudence citée, et du 13 juin 2019, Strabag Belgium/Parlement, T‑299/18, non publié, EU:T:2019:411, point 127 et jurisprudence citée).

230    En l’espèce, force est de constater que la requérante n’a aucunement étayé le quatrième moyen qu’elle invoque et qui ne fait l’objet que d’un point unique dans la requête.

231    Par conséquent, celui-ci doit être rejeté comme étant irrecevable, étant souligné, à titre surabondant, que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a analysé de manière suffisamment détaillée la question de l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché au régime d’aides litigieux.

E.      Sur le cinquième moyen, tiré de défauts et de contradictions de motivation

232    Dans le cadre du cinquième moyen, la requérante fait valoir que la décision attaquée est viciée par des défauts de motivation à plusieurs égards ainsi que par des contradictions de motifs.

233    La Commission conclut au rejet du moyen comme étant non fondé, en soulignant que, dans la décision attaquée, elle a respecté les exigences jurisprudentielles relatives à l’obligation de motivation. En réalité, bon nombre des griefs formulés par la requérante au titre de la violation de l’obligation de motivation concerneraient davantage le bien-fondé de la décision sur les différents aspects invoqués dans le cadre des précédents moyens.

234    Selon une jurisprudence établie, la motivation d’un acte doit être adaptée à la nature de celui-ci et doit faire apparaître clairement le raisonnement de l’institution qui en est l’auteure, de manière à permettre, d’une part, aux intéressés d’en comprendre le fondement et, le cas échéant, d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, au juge d’en contrôler le bien-fondé, sans cependant qu’il soit exigé que l’institution spécifie tous les éléments de droit et de fait pertinents, puisque la question de savoir si elle satisfait à l’article 296 TFUE s’apprécie compte tenu tant du libellé de cet acte que de son contexte juridique et factuel (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2004, Espagne/Commission, C‑501/00, EU:C:2004:438, point 73, et du 14 décembre 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑200/04, non publié, EU:T:2005:460, point 63 et jurisprudence citée).

235    En outre, dans le cadre d’un moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation, les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé de la décision attaquée sont inopérants et dénués de pertinence (voir arrêt du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, EU:T:2005:221, point 59 et jurisprudence citée).

236    En l’espèce, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a traité en détail la question de l’existence d’un avantage économique, en l’occurrence aux considérants 362 à 388 de la décision attaquée.

237    S’agissant de la sélectivité de la mesure, la Commission n’a certes consacré qu’un seul considérant de la décision attaquée, à savoir le considérant 389, quant à la question de savoir si cette condition, visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, était remplie. Cependant, contrairement à ce que soutient la requérante, une telle motivation est en soi suffisante au regard de l’obligation de motivation incombant à la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, points 88 et 89, et du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, points 114 et 121), notamment parce que la requérante a tout à fait été en mesure de comprendre le raisonnement de la Commission et de le contester dans le cadre de la troisième branche du premier moyen.

238    Cela vaut également pour l’examen de l’existence d’une distorsion de la concurrence, laquelle fait l’objet des considérants 390 à 392 de la décision attaquée.

239    Quant à l’applicabilité du seuil de minimis prévu pour les SIEG, notamment par le règlement no 360/2012, la Commission n’avait pas à aborder cette question, dès lors que, aux considérants 379 et 411, elle avait constaté, en fournissant, contrairement à ce que soutient la requérante, la motivation nécessaire sur cet aspect, que cette dernière n’avait pas été chargée de SIEG au regard de la première condition d’application de l’article 106 TFUE et de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415).

240    S’agissant de l’allégation d’une absence de prise en compte de la confiance légitime de la requérante en ce qui concerne la récupération de l’aide prétendument illégale, force est de constater que la Commission n’avait pas à aborder cette question, dès lors que, d’une part, la requérante n’avait pas déposé d’observations dans le cadre de la procédure administrative et n’avait donc pas soulevé cette question et que, d’autre part, la Commission était en présence d’un régime d’aides illégal, car mis en œuvre avant qu’elle ne statue sur sa compatibilité avec le marché intérieur. Or, conformément à la jurisprudence rappelée précédemment dans le cadre du rejet du troisième moyen, en raison de l’illégalité du régime d’aides litigieux, les bénéficiaires ne pouvaient en tout état de cause pas se prévaloir d’une confiance légitime.

241    S’agissant de l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché, contrairement à ce que soutient la requérante, cette question a été examinée. En effet, aux considérants 380 à 387 de la décision attaquée, la Commission a clairement expliqué les motifs pour lesquels elle a écarté l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché, y compris le critère de l’investisseur privé, et ainsi considéré que la requérante avait reçu un avantage économique. Dans ces considérants, elle a notamment expliqué les raisons pour lesquelles, selon elle, aucune procédure d’appel d’offres n’avait été suivie en vue de l’octroi, par les exploitants aéroportuaires, des contrats de prestations aux compagnies aériennes. Or, ainsi que le souligne la Commission, il pouvait être déduit de cette considération que les prix payés par les exploitants aéroportuaires aux compagnies aériennes pour les services de marketing n’étaient pas ceux du marché. De même, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a expliqué, notamment au considérant 382 de la décision attaquée, pourquoi elle estimait que la Région autonome n’aurait pas pu s’attendre à un rendement, comparable à celui attendu par un investisseur, en adoptant le régime d’aides litigieux.

242    S’agissant de la question de savoir si les prestations fournies satisfaisaient de véritables besoins de la Région autonome, la Commission a expliqué, en l’occurrence aux considérants 386 et 387 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles le régime d’aides litigieux ne satisfaisait pas de véritables besoins de la Région autonome, même si, ce faisant, elle est arrivée à une conclusion erronée, relevée par le Tribunal dans le cadre de l’examen de la deuxième branche du premier moyen. De même, la Commission a expliqué, notamment sous le titre 7.2.1.3 de la décision attaquée, pourquoi elle estimait que les paiements faits aux compagnies aériennes ne pouvaient pas être considérés comme une véritable contrepartie pour les services de marketing, car, selon la Commission, ces prestations de marketing visaient à promouvoir avant tout les liaisons aériennes des compagnies aériennes.

243    S’agissant de la portée des clauses pénales insérées dans les contrats conclus avec les exploitants aéroportuaires, la Commission a considéré, au considérant 359 de la décision attaquée, que le mécanisme de suivi mis en place, tel que décrit à la section 2.7.3 de ladite décision et qui incluait, au considérant 80, l’application de sanctions par les exploitants aéroportuaires aux compagnies aériennes, garantissait le respect des obligations imposées par la Région autonome aux exploitants aéroportuaires. Dès lors que la Commission avait estimé que ce mécanisme, y compris les clauses pénales insérées par les exploitants aéroportuaires pour se conformer à la décision régionale no 29/36, contribuait à imputer les comportements contractuels des exploitants aéroportuaires à la Région autonome, elle n’avait pas à apprécier à nouveau cette question dans son examen de l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché, d’autant moins au niveau des exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia, puisque, s’agissant de ces derniers, ils n’étaient pas détenus par la Région autonome.

244    S’agissant de la possibilité de déclarer le régime d’aides litigieux compatible avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, la Commission n’avait pas à l’examiner d’office dès lors que la République italienne n’avait pas entendu justifier le régime d’aides litigieux au titre de la dérogation prévue dans cette disposition.

245    Quant au point de savoir si le régime d’aides litigieux constituait un régime d’aides au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, la Commission a pu considérer, au considérant 349 de la décision attaquée, que tel était le cas à partir du moment où aucune entreprise individuelle qu’elle considérait comme bénéficiaire, en l’occurrence une compagnie aérienne, n’était désignée dans le cadre juridique, décrit dans la section 2 de la décision attaquée, qu’elle considérait constituer le régime d’aides litigieux. Cette motivation était suffisante pour permettre à la requérante de comprendre que la description du régime, figurant dans cette section, remplissait, selon la Commission, les conditions prévues dans la première hypothèse couverte par la définition d’un régime d’aides figurant à l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589.

246    La requérante reproche encore à la Commission de ne pas avoir expliqué pourquoi l’analyse ex ante de la rentabilité supplémentaire, telle que visée aux points 61 à 66 des lignes directrices de 2014, n’était pas applicable dans le cas d’espèce. Cependant, ce grief doit être rejeté. En effet, aux considérants 381 à 384 de la décision attaquée, la Commission a justifié l’absence de pertinence de l’analyse ex ante, telle que visée auxdits points 61 à 66, par le fait, d’une part, que la République italienne n’avait pas produit des analyses ex ante de la rentabilité supplémentaire et, d’autre part, que la Région autonome ne détenait qu’un seul des trois aéroports concernés, à savoir celui d’Alghero. En outre, étant donné qu’elle avait considéré que les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia n’avaient fait que mettre en œuvre le régime d’aides litigieux, l’absence de pertinence de ce type d’analyse valait également en ce qui concernait l’application de l’opérateur privé en économie de marché au niveau desdits exploitants.

247    Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle la Commission n’aurait pas prouvé que les fonds reçus par les compagnies aériennes des exploitants aéroportuaires étaient ceux provenant de la Région autonome, ni en quoi les exploitants aéroportuaires n’auraient été que des intermédiaires dans l’acheminement des fonds de la Région autonome aux compagnies aériennes en tant que bénéficiaires, force est de constater que, aux considérants 357 à 360 de la décision attaquée, la Commission a clairement expliqué les raisons pour lesquelles elle a considéré que les exploitants aéroportuaires avaient joué un rôle d’intermédiaires par lesquels les fonds en provenance de la Région autonome avaient été transférés aux compagnies aériennes. Au demeurant, ainsi qu’il a déjà été constaté dans le cadre du traitement du premier moyen, il est clair que les fonds utilisés par les exploitants aéroportuaires pour rémunérer les compagnies aériennes étaient ceux mis à la disposition desdits exploitants par la Région autonome.

248    S’agissant du reproche fait à la Commission de ne pas avoir pris ou suffisamment pris en compte les arguments avancés par les compagnies Ryanair et easyJet dans le cadre de la procédure administrative, notamment ceux exposés aux considérants 116, 118, 131, 136, 145, 152, 166, 172, 177 et 199 de la décision attaquée, outre que ceux-ci concernaient essentiellement les situations propres à ces compagnies aériennes, lesquelles, partant, sont mieux placées pour apprécier la suffisance de la motivation apportée en réponse par la Commission, il y a lieu de constater que le reproche de la requérante manque en fait, car la Commission a répondu auxdits arguments dans la décision attaquée. Par ailleurs, étant donné qu’elle se prononçait sur l’existence d’un régime d’aides, la Commission n’était pas tenue, contrairement à ce qu’évoque la requérante, d’examiner en détail le contenu de tous les contrats conclus par les exploitants aéroportuaires avec toutes les compagnies aériennes.

249    Selon la requérante, la décision attaquée souffrirait enfin de contradictions de motifs, notamment quant à l’applicabilité des lignes directrices de 2005 et de 2014 et quant aux objectifs des services de marketing offerts par les compagnies aériennes aux exploitants aéroportuaires.

250    À cet égard, la Commission a expliqué, au considérant 414 de la décision attaquée, pourquoi le régime d’aides litigieux, en ce qu’il constituait une aide aux compagnies aériennes, relevait des lignes directrices de 2005 et non de celles de 2014. Elle a ainsi examiné la légalité de cette aide, aux considérants 407 à 420 de ladite décision, à l’aune des lignes directrices de 2005. Certes, aux considérants 379 à 387 de la décision attaquée, concernant l’existence d’un avantage, la Commission s’est référée à certains éléments de méthodologie concernant l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marche, lesquels avaient déjà été exposés par cette institution dans les lignes directrices de 2014. Cependant, ce faisant, la Commission n’a fait qu’appliquer des concepts qui auraient en tout état de cause pu être appliqués même en l’absence desdites lignes directrices. Dans ces conditions, la référence aux lignes directrices de 2014, dans l’examen de l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché, n’entrait pas en contradiction avec la nécessité d’examiner l’aide en faveur des compagnies aériennes à l’aune des lignes directrices de 2005 (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Transavia Airlines/Commission, T‑591/15, EU:T:2018:946, points 157 à 163).

251    Quant aux objectifs des services de marketing offerts par les compagnies aériennes aux exploitants aéroportuaires, la requérante invoque une incohérence à cet égard. Cependant, la formulation de ce grief ne permet pas au Tribunal de le comprendre de sorte qu’il doit être rejeté comme étant irrecevable.

252    Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée ne souffre ni de défauts de motivation ni de contradictions de motifs et que, pour le surplus, les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé de la décision attaquée sont inopérants et dénués de pertinence dans le cadre du présent moyen.

253    Quant à la prétention de la requérante de voir imposer à la Commission une obligation de motivation renforcée lorsqu’elle ordonne la récupération d’une aide, elle doit être rejetée. En effet, il suffit de rappeler à cet égard que, conformément à la jurisprudence, la suppression d’une aide étatique illégalement accordée par voie de récupération est la conséquence logique de la constatation de son illégalité. Par cette restitution, qui ne saurait être considérée comme une sanction, le bénéficiaire perd l’avantage dont il avait bénéficié sur le marché par rapport à ses concurrents, permettant un retour à la situation antérieure au versement de l’aide (arrêt du 17 juin 1999, Belgique/Commission, C‑75/97, EU:C:1999:311, points 64 et 65). Il s’ensuit que, après avoir constaté, au considérant 421 de la décision attaquée, que l’aide d’État accordée aux compagnies aériennes par la Région constituait une aide d’État illégale incompatible avec le marché intérieur, la motivation figurant aux considérants 422 à 426 de la décision attaquée était suffisante pour ordonner la récupération de l’aide, y compris dans le cas de la requérante.

254    Eu égard à ce qui précède, le cinquième moyen doit être rejeté et, partant, le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

255    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Volotea, SA est condamnée aux dépens.

Papasavvas

Svenningsen

Valančius

Csehi

 

      Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mai 2020.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Sur les mesures litigieuses

1. Sur les dispositions adoptées par la Région autonome

a) Sur l’article 3 de la loi no 10/2010

b) Sur les actes d’exécution de la loi no 10/2010

2. Sur la mise en œuvre des mesures litigieuses

a) Mise en œuvre de la loi no 10/2010 pour ce qui concerne l’aéroport d’Olbia

b) Mise en œuvre de la loi no 10/2010 pour ce qui concerne l’aéroport de Cagliari-Elmas

c) Mise en œuvre de la loi no 10/2010 pour ce qui concerne l’aéroport d’Alghero

B. Sur la décision attaquée

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le premier moyen, tiré d’une erreur d’interprétation de la notion d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE

1. Sur la recevabilité de certains arguments

2. Sur la première branche du premier moyen, relative à la détermination erronée des bénéficiaires du régime d’aides litigieux, et sur la deuxième branche du premier moyen, relative à l’absence d’avantage pour la requérante

a) Sur l’utilisation de « ressources d’État » par les exploitants aéroportuaires

b) Sur l’imputabilité, à la Région autonome, des décisions et des paiements faits à la requérante par les exploitants aéroportuaires

c) Sur l’identification erronée des bénéficiaires du régime d’aides litigieux et l’absence d’avantage pour les compagnies aériennes

d) Sur le principe de l’opérateur privé en économie de marché

1) Sur l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché aux relations contractuelles entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes

2) Sur l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché au niveau de la Région autonome

3) Sur la possibilité de considérer le financement concernant l’aéroport d’Olbia comme une aide à des activités de marketing, à l’investissement ou à des aéroports régionaux

3. Sur la troisième branche du premier moyen, relative à l’absence de sélectivité de la mesure d’aide

4. Sur la quatrième branche du premier moyen, relative à l’absence de distorsion de la concurrence et d’effets sur les échanges entre les États membres

a) Sur la possibilité de considérer l’aide litigieuse concernant la requérante comme relevant du seuil de minimis prévu par le règlement no 360/2012

b) Sur la distorsion de concurrence et les effets sur les échanges intracommunautaires du régime d’aides litigieux

B. Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur quant à la possibilité de justifier l’aide litigieuse

C. Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit dans l’ordre de récupération de l’aide litigieuse

D. Sur le quatrième moyen, tiré d’une mauvaise gestion de l’enquête

E. Sur le cinquième moyen, tiré de défauts et de contradictions de motivation

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.