DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

28 avril 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne verbale FLÜGEL – Marques nationales verbales antérieures …VERLEIHT FLÜGEL et RED BULL VERLEIHT FLÜÜÜGEL – Motifs relatifs de refus – Atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, et article 52, paragraphe 1, sous a), du règlement no 40/94 [devenus article 8, paragraphe 5, et article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement (UE) 2017/1001] – Droit d’être entendu – Article 70, paragraphe 2, et article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑509/19,

Asolo LTD, établie à Limassol (Chypre), représentée par Mes W. Pors et N. Dorenbosch, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno et M. V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Red Bull GmbH, établie à Fuschl am See (Autriche), représentée par Mes A. Renck et S. Petivlasova, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 15 mai 2019 (affaire R 201/2019-4), relative à une procédure de nullité entre Red Bull et Asolo,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias et Mme T. Perišin (rapporteure), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juillet 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 17 octobre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 31 octobre 2019,

à la suite de l’audience du 8 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 24 septembre 1997, International Licensing Services, un des prédécesseurs en droit de la requérante, Asolo LTD, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié, lui-même remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal FLÜGEL.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 32 et 33 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 32 : « Bières ; eaux minérales et gazeuses et autres boissons sans alcool ; boissons à base de fruits et jus de fruits ; sirops et autres préparations pour faire des boissons » ;

–        classe 33 : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ».

4        La demande de marque a été publiée au Bulletin des marques communautaires no 1998/45, du 22 juin 1998, et la marque a été enregistrée le 1er février 1999.

5        Le 7 septembre 2006, l’EUIPO a enregistré le transfert de la marque contestée à la requérante.

6        Le 5 décembre 2011, l’intervenante, Red Bull GmbH, a formé une demande de nullité, au titre de l’article 53, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 [devenu article 60, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001], lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du même règlement [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement 2017/1001].

7        La demande de nullité était fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        le signe verbal …VERLEIHT FLÜGEL, déposé le 12 septembre 1997 et enregistré le 19 mai 1998 en tant que marque en Autriche sous le numéro 175793 ;

–        le signe verbal RED BULL VERLEIHT FLÜÜÜGEL, déposé le 13 octobre 1995 et enregistré le 5 décembre 1995 en tant que marque en Autriche sous le numéro 161298.

8        Les deux marques nationales antérieures ont été enregistrées pour les produits « Boissons énergisantes », relevant de la classe 32.

9        Aux fins d’établir la renommée de ces marques, l’intervenante a notamment présenté les éléments de preuve suivants :

–        une enquête concernant le risque réel de confusion entre la marque contestée et les marques antérieures, réalisée en octobre et en novembre 2010 ;

–        une déclaration sous serment signée par son conseil général ;

–        une enquête concernant la renommée de la marque antérieure …VERLEIHT FLÜGEL, réalisée en octobre et en novembre 1997 ;

–        une enquête concernant la renommée de la même marque, réalisée en octobre 2010.

10      Par décision du 2 décembre 2014, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009. La division d’annulation a considéré qu’il y avait lieu, pour des raisons d’économie de la procédure, de fonder ses conclusions sur la renommée de la marque antérieure …VERLEIHT FLÜGEL.

11      Le 29 janvier 2015, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement no 207/2009 [devenus articles 66 à 71 du règlement 2017/1001], contre la décision de la division d’annulation d’accueillir la demande en nullité formée par l’intervenante.

12      Par décision du 17 novembre 2016 (ci-après la « décision de la cinquième chambre de recours »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En premier lieu, elle a confirmé la décision de la division d’annulation en ce que celle-ci avait rejeté l’allégation de forclusion par tolérance de la requérante.

13      En second lieu, contrairement à la division d’annulation, la cinquième chambre de recours a accueilli la demande en nullité sur le fondement de l’article 53, paragraphe 1, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. La cinquième chambre de recours a considéré qu’il convenait, pour des raisons d’économie de la procédure, d’examiner la demande en nullité sur la base de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. À cet égard, notamment, elle a constaté, premièrement, s’agissant des produits visés par les signes en conflit, que les produits visés par la marque antérieure étaient en partie identiques et en partie moyennement similaires aux produits visés par la marque contestée. Plus spécifiquement, elle a considéré que, dans la mesure où les « autres boissons sans alcool » incluaient les « boissons énergisantes », ces produits étaient identiques et que les « bières ; eaux minérales et gazeuses ; boissons à base de fruits et jus de fruits » ainsi que les « sirops et autres préparations pour faire des boissons » visés par la marque contestée, étaient moyennement similaires aux « boissons énergisantes » visées par la marque antérieure. En ce qui concerne, enfin, les produits « Boissons alcoolisées » (à l’exception des bières), la cinquième chambre de recours a considéré qu’ils avaient un certain lien avec les « boissons énergisantes ». Il en irait de même pour ce qui est des produits « Essences alcooliques ; extraits alcooliques ; extraits de fruits avec alcool ».

14      Deuxièmement, s’agissant de la comparaison des signes en conflit, la cinquième chambre de recours a constaté que les signes étaient moyennement similaires sur le plan visuel, étant donné qu’ils ont en commun la même succession de lettres « f », « l », « ü », « g », « e », « l » », similaires à un certain degré sur le plan phonétique, en raison de la prononciation commune du mot «  flügel » dans les deux marques, et moyennement similaires sur le plan conceptuel, puisque les deux signes renvoient au concept d’« aile ».

15      Troisièmement, la cinquième chambre de recours a considéré que l’élément « flügel » était l’élément dominant de la marque antérieure.

16      Quatrièmement, elle a, en outre, considéré que, pour des raisons d’économie de la procédure, il n’y avait pas lieu d’examiner les éléments de preuve produits aux fins d’établir le caractère distinctif renforcé de la marque antérieure et elle a fait reposer son analyse sur le caractère distinctif intrinsèque de cette marque.

17      Le 8 mars 2017, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal tendant à l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours.

18      Par l’arrêt du 4 octobre 2018, Asolo/EUIPO – Red Bull (FLÜGEL) (T‑150/17, EU:T:2018:641), le Tribunal a jugé que c’était à bon droit que la cinquième chambre de recours avait confirmé la décision de la division d’annulation en ce que celle-ci avait rejeté l’allégation de forclusion par tolérance de la requérante.

19      Le Tribunal a annulé la décision de la cinquième chambre de recours dans la mesure où elle avait conclu à l’existence d’un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 entre les signes en conflit, s’agissant des produits « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) » et « Essences alcooliques ; extraits alcooliques ; extraits de fruits avec alcool » relevant de la classe 33, visés par la marque contestée et les produits « Boissons énergisantes » relevant de la classe 32, visés par la marque antérieure. Le Tribunal a jugé, en particulier, que la cinquième chambre de recours avait conclu à tort à l’existence d’une similitude entre ces produits.

20      Par décision du 29 mars 2019, le présidium des chambres de recours a renvoyé l’affaire devant la quatrième chambre de recours (ci-après la « chambre de recours ») sous la référence R 201/2019-4, afin qu’elle statue à nouveau.

21      Le Tribunal ayant annulé la décision de la cinquième chambre en ce qu’elle a accueilli la demande en nullité fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 pour les produits « Boissons alcooliques (à l’exception des bières) » et « Essences alcooliques ; extraits alcooliques ; extraits de fruits avec alcool », relevant de la classe 33, la chambre de recours était désormais appelée à se prononcer sur la demande en nullité de l’intervenante fondée sur l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

22      Par décision du 15 mai 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. Elle a examiné la demande en annulation au titre de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

23      En premier lieu, la chambre de recours a considéré que la marque antérieure jouissait déjà d’une grande renommée en 1997 pour des « boissons énergisantes » en Autriche. Selon elle, cette renommée était suffisamment démontrée par l’enquête réalisée en octobre et en novembre 1997 présentée par l’intervenante. En outre, il ressortirait de la seconde enquête présentée par l’intervenante, réalisée en octobre 2010, que cette renommée s’était maintenue pendant de nombreuses années.

24      En deuxième lieu, la chambre de recours a confirmé le raisonnement de la cinquième chambre de recours selon lequel les signes en conflit possédaient un degré moyen de similitude visuelle et conceptuelle ainsi qu’un certain degré de similitude phonétique.

25      En troisième lieu, elle a conclu à l’existence d’un lien dans l’esprit du public pertinent entre les marques en cause. À cet égard, elle a considéré qu’il existait un certain degré de similitude entre les signes en conflit, qu’il existait une proximité des produits en cause, dans la mesure où des boissons alcooliques et non alcooliques étaient souvent mélangées par le public et vendues ensemble dans des restaurants, des bars et des boîtes de nuit et que la marque antérieure jouissait d’une grande renommée en Autriche et possédait un caractère distinctif intrinsèque.

26      En quatrième lieu, selon la chambre de recours, il existait une forte probabilité que la marque contestée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. À cet égard, elle a considéré que, compte tenu de l’importance du contact des consommateurs pertinents avec la marque antérieure, du degré de caractère distinctif intrinsèque de cette marque, de la proximité des produits et de la similitude des signes en conflit, il existait une forte probabilité pour que l’usage sans juste motif de la marque contestée pour les produits en cause résultât en un profit indu tiré de la renommée ou du caractère distinctif de la marque antérieure.

27      En dernier lieu, elle a constaté que la requérante n’avait pas établi l’existence d’un juste motif. À cet égard, elle a relevé que les arguments de la requérante visant à établir l’existence d’un tel motif concernaient un enregistrement international et non pas la marque contestée en l’espèce.

 Conclusion des parties

28      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter la demande en nullité ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

29      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

30      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux exposés par l’intervenante.

 En droit

31      À l’appui de son recours, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 70, paragraphe 2, et de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le second, de la violation de l’article 60, paragraphe 1, sous a), dudit règlement, lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, de ce règlement.

 Sur la recevabilité du recours

32      À titre liminaire, l’intervenante fait valoir que le recours doit être rejeté dans la mesure où la requérante a fondé ce recours sur les dispositions du règlement 2017/1001, qui n’est pas applicable en l’espèce.

33      Compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 24 septembre 1997, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 40/94 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

34      Ainsi que l’indique l’intervenante, la requérante s’est fondée sur les dispositions du règlement 2017/1001 et non pas, s’agissant des dispositions matérielles, sur celles du règlement no 40/94.

35      À cet égard, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence, le Tribunal doit interpréter les moyens d’une partie requérante par leur substance plutôt que par leur qualification [voir arrêt du 6 juin 2019, Torrefazione Caffè Michele Battista/EUIPO – Battista Nino Caffè (BATTISTINO), T‑221/18, non publié, EU:T:2019:382, point 23 et jurisprudence citée]. Or, les dispositions matérielles pertinentes de ces deux règlements sont, pour les besoins du présent litige, en substance, identiques.

36      Partant, il y a lieu de considérer les moyens soulevés par la requérante comme étant tirés, le premier, de la violation de l’article 70, paragraphe 2, et de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, et, le second, de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 40/94 et de rejeter la fin de non-recevoir invoquée par l’intervenante.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 70, paragraphe 2, et de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001

37      Par son premier moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 70, paragraphe 2, et l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, en refusant que des observations supplémentaires soient présentées, après que le Tribunal a renvoyé l’affaire devant elle.

38      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

39      À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 70, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, la chambre de recours, au cours de l’examen du recours, invite les parties, aussi souvent qu’il est nécessaire, à présenter, dans un délai qu’elle leur impartit, leurs observations sur les notifications qu’elle leur a adressées ou sur les communications qui émanent des autres parties.

40      En l’espèce, la chambre de recours a invité la requérante à présenter ses observations sur les certificats de renouvellement des deux marques antérieures produits par la défenderesse, ce que la requérante n’a pas fait. En revanche, elle a refusé d’accorder la demande de la requérante visant à ce que les parties soient autorisées à présenter des observations supplémentaires sur le fond.

41      La requérante fait valoir que ce refus est contraire à l’obligation de la chambre de recours d’inviter les parties, aussi souvent qu’il est nécessaire, à présenter leurs observations, conformément à l’article 70, paragraphe 2, du règlement 2017/1001.

42      Elle soutient, en substance, que la chambre de recours a jugé à tort qu’il n’était pas nécessaire pour les parties de rouvrir la procédure écrite, et ce pour deux raisons. Premièrement, cette chambre n’aurait pas respecté la ratio decidendi de l’arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL (T‑150/17, EU:T:2018:641), en violation de l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, ce qui aurait pu être évité s’il avait été permis aux parties de présenter des observations sur l’incidence de cet arrêt sur la suite de la procédure. Deuxièmement, une jurisprudence importante, développée après le dépôt des observations des parties et concernant notamment la similitude sur le plan conceptuel et la perception des slogans, n’aurait pas été prise en compte par la chambre de recours.  

43      À cet égard, il y a lieu de relever, premièrement, qu’il ressort de la requête que la méconnaissance supposée de la chambre de recours de la ratio decidendi de l’arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL (T‑150/17, EU:T:2018:641), vise plus spécifiquement l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle il existe une proximité entre les produits en cause. Ce constat a été opéré dans le cadre de l’examen de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, et plus particulièrement de l’existence d’un lien entre les signes en conflit.

44      Or, il y a lieu de rappeler que, dans l’arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL (T‑150/17, EU:T:2018:641), le Tribunal a exclusivement apprécié le motif tiré de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et qu’il n’a pas, dès lors, apprécié l’existence d’un tel lien. La requérante ne saurait donc reprocher à la chambre de recours d’avoir considéré qu’il n’était pas nécessaire d’inviter les parties à présenter des observations sur ce point afin de prendre les mesures que comporte l’exécution dudit arrêt en conformité avec l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001.

45      Deuxièmement, s’agissant de la jurisprudence dont la chambre de recours n’aurait pas tenu compte selon la requérante, force est de constater que cette dernière se limite à énoncer de manière générale qu’il s’agit d’une jurisprudence importante, développée après le dépôt des observations des parties en 2015 et relative à la similitude sur le plan conceptuel et la perception des slogans, sans pour autant préciser davantage de quelle jurisprudence il s’agit, ni en quoi des observations supplémentaires à cet égard auraient été nécessaires.

46      À cet égard, il convient de souligner, à l’instar de l’EUIPO que, en tout état de cause, dans sa requête, la requérante ne fait référence à aucun arrêt, rendu lors de la période concernée, portant sur la perception des slogans. Elle mentionne uniquement trois arrêts ayant trait à la similitude conceptuelle, à savoir les arrêts du 27 juin 2017, Deutsche Post/EUIPO – Media Logistik (PostModern) (T‑13/15, non publié, EU:T:2017:434), du 20 septembre 2017, Jordi Nogues/EUIPO – Grupo Osborne (BADTORO) (T‑350/13, EU:T:2017:633), et du 20 février 2018, Deutsche Post/EUIPO – bpost (BEPOST) (T‑118/16, non publié, EU:T:2018:86). Toutefois, la requérante n’apporte aucun élément susceptible de démontrer que ces arrêts départiraient de la jurisprudence constante et antérieure du juge de l’Union en la matière.

47      Dans ces conditions, la requérante ne saurait reprocher à la chambre de recours d’avoir considéré qu’il n’était pas nécessaire d’inviter les parties à présenter des observations sur la jurisprudence qu’elle invoque.

48      En second lieu, s’agissant de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, il y a lieu de rappeler que sa seconde phrase constitue une application spécifique du principe général de protection des droits de la défense, consacré, par ailleurs, à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, selon lequel les personnes dont les intérêts sont affectés par des décisions des autorités publiques doivent être mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue. Le droit d’être entendu s’étend à tous les éléments de fait ou de droit qui constituent le fondement de l’acte décisionnel, mais non à la position finale que l’administration entend adopter [voir, en ce sens, arrêt du 3 février 2017, Kessel medintim/EUIPO – Janssen-Cilag (Premeno), T‑509/15, non publié, EU:T:2017:60, point 22 et jurisprudence citée].

49      Toutefois, le non-respect de ces dispositions n’est susceptible de vicier la procédure administrative que s’il est établi que celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent en l’absence de sa méconnaissance (voir, en ce sens, arrêt du 3 février 2017, Premeno, T‑509/15, non publié, EU:T:2017:60, point 23 et jurisprudence citée).

50      En outre, l’article 94, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement 2017/1001 n’exige nullement que, à la suite de la reprise de la procédure devant l’EUIPO, subséquente à une annulation de la décision des chambres de recours par le Tribunal, la requérante soit à nouveau invitée à présenter ses observations sur des points de droit et de fait sur lesquels elle avait déjà eu tout loisir de s’exprimer dans le cadre de la procédure écrite antérieurement menée, le dossier étant à cet égard repris en l’état par la chambre de recours (voir, en ce sens, arrêt du 3 février 2017, Premeno, T‑509/15, non publié, EU:T:2017:60, point 26 et jurisprudence citée).

51      La requérante fait valoir que l’arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL (T‑150/17, EU:T:2018:641), contient des motifs ou des éléments de preuve sur lesquels la chambre de recours a fondé sa décision, sans que les parties aient eu la possibilité de présenter leurs observations à leur sujet, en violation de l’article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, et du droit d’être entendu.

52      Force est de constater, toutefois, que la requérante n’a aucunement précisé les motifs ou éléments de preuve invoqués par le Tribunal sur lesquels la chambre de recours aurait fondé sa décision et à l’égard desquels les parties n’ont pas eu la possibilité de présenter leurs observations.

53      En l’espèce, il est constant que, dans le cadre de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision de la cinquième chambre de recours, la requérante avait la possibilité de présenter ses observations afférentes à tous les aspects de la procédure en cause. Il ne ressort nullement de la décision attaquée que la quatrième chambre de recours se serait fondée, lorsqu’elle a adopté celle-ci, sur des éléments de fait ou de droit différents de ceux dont disposait la cinquième chambre de recours lorsqu’elle a adopté la décision du 17 novembre 2016 et sur lesquels la requérante avait pu présenter ses observations.

54      Il s’ensuit qu’aucun élément du dossier ne saurait amener à considérer que, en l’espèce, l’état du dossier ne permettait pas à la chambre de recours de statuer sur la demande de nullité à la suite de l’arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL (T‑150/17, EU:T:2018:641), sans avoir invité la requérante à présenter ses observations.

55      Dans ces conditions, le premier moyen doit être écarté.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 40/94

56      Par son second moyen, la requérante soutient que la chambre de recours a violé l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 40/94. Ce moyen repose, en substance, sur cinq griefs visant à contester les appréciations de la chambre de recours relatives à, premièrement, la renommée de la marque antérieure, deuxièmement, la similitude des signes, troisièmement, le lien entre les signes en conflit, quatrièmement, le profit indûment tiré de l’usage de la marque contestée et, cinquièmement, le juste motif de l’usage de la marque contestée.

57      Aux termes de l’article 52, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 40/94, sur demande du titulaire d’une marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 2, une marque est déclarée nulle si elle est identique ou similaire à la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque de l’Union antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage sans juste motif de la marque contestée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

58      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 40/94 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, la marque antérieure doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêts du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, points 34 et 35, et du 11 juillet 2007, Mülhens/OHMI – Minoronzoni (TOSCA BLU), T‑150/04, EU:T:2007:214, points 54 et 55].

59      S’agissant, plus particulièrement, de la quatrième des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 40/94, celle-ci vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Le premier type de risque visé par cette disposition est caractérisé lorsque la marque antérieure n’est plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée. Il vise la dilution de la marque antérieure à travers la dispersion de son identité et de son emprise sur l’esprit du public. Le deuxième type de risque visé est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouve diminuée. Le troisième type de risque visé est celui que l’image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation puisse être facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée. Il convient cependant de souligner que, dans aucun de ces cas, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans toutefois devoir forcément les confondre (voir arrêt du 22 mars 2007, VIPS, T‑215/03, EU:T:2007:93, points 36 à 42 et jurisprudence citée).

 Sur le premier grief, relatif à la renommée de la marque antérieure

60      La requérante fait valoir que la chambre de recours a constaté à tort que la marque antérieure jouissait d’une renommée très élevée. À cet égard, elle soutient, d’une part, que les enquêtes produites par l’intervenante comportent des failles méthodologiques importantes et ne peuvent donc pas étayer la renommée de la marque antérieure. D’autre part, l’intervenante n’aurait pas fourni d’autres éléments de preuve étayant une telle renommée.

61      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

62      À titre liminaire, il convient de rappeler que, pour satisfaire à la condition relative à la renommée, une marque doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par celle‑ci. Dans l’examen de cette condition, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, sans qu’il soit exigé que cette marque soit connue d’un pourcentage déterminé du public ainsi défini ou que sa renommée s’étende à la totalité du territoire concerné, dès lors que la renommée existe dans une partie substantielle de celui-ci [arrêts du 12 février 2015, Compagnie des montres Longines, Francillon/OHMI – Cheng (B), T‑505/12, EU:T:2015:95, point 100, et du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 44].

63      Toutefois, l’énumération qui précède n’ayant qu’un caractère illustratif, il ne saurait être exigé que la preuve de la renommée d’une marque porte sur l’ensemble de ces éléments [arrêt du 8 novembre 2017, Oakley/EUIPO – Xuebo Ye (Représentation d’une ellipse discontinue), T‑754/16, non publié, EU:T:2017:786, point 101].

64      En l’espèce, aux fins d’établir la renommée de la marque antérieure, l’intervenante a, notamment, présenté deux enquêtes concernant cette renommée, réalisées en 1997 et en 2010, ainsi qu’une déclaration sous serment signée par le conseil général de l’intervenante.

65      En premier lieu, s’agissant de l’enquête réalisée en octobre et en novembre 1997, la chambre de recours a constaté que celle-ci a adopté une méthodologie fiable, en suivant une approche en étapes par le biais de questions pertinentes et non orientées. Force est de constater, à cet égard, que la requérante ne remet pas en cause le fait que cette enquête a été réalisée par une société indépendante et renommée auprès d’un échantillon représentatif des personnes en Autriche, âgés de quinze ans ou plus et qu’elle donne des détails s’agissant, notamment, du sexe des personnes interrogées, de la tranche d’âge à laquelle elles appartiennent et de leur lieu de résidence et qu’elle précise également les questions qui leur ont été posées.

66      S’agissant des questions de ladite enquête, il convient de constater, tout d’abord, que, par la première question de celle-ci, les personnes sondées étaient interrogées sur le fait d’avoir déjà entendu ou vu l’expression « …verleiht Flügel ». Il ressort déjà de la réponse à cette question que 79 % de l’ensemble des personnes interrogées connaissaient cette expression et que ce chiffre atteint 98 % parmi les consommateurs réguliers de boissons énergisantes. Or, il y a lieu de rappeler que, pour satisfaire à la condition relative de la renommée, une marque doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par celle‑ci [voir arrêt du 19 décembre 2019, Amigüitos pets & life/EUIPO – Société des produits Nestlé (THE ONLY ONE by alphaspirit wild and perfect), T‑40/19, non publié, EU:T:2019:890, point 96 et jurisprudence citée]. Il ne saurait être considéré que cela n’a pas été le cas à propos de la marque antérieure en l’espèce. En effet, les requérantes n’ont pas remis en cause les pourcentages élevés cités ci-dessus, ni la méthodologie suivie dans le cadre de l’enquête en cause.

67      Contrairement à ce que fait valoir la requérante, cette première question permettait donc d’obtenir des informations sur la question de savoir si les personnes interrogées reconnaissaient l’expression « …verleiht Flügel », même si elle ne permettait pas de savoir si ces personnes percevaient cette expression comme une marque. À cet égard, il suffit de constater que la relation entre celle-ci et la marque antérieure faisait l’objet des questions suivantes de l’enquête.

68      Ensuite, en réponse à la deuxième question, 68 % des personnes sondées ont spontanément associé l’expression « …verleiht Flügel » à la marque Red Bull et ce pourcentage s’élevait à 86 % parmi des personnes sondées qui avaient déjà entendu ou vu cette expression. En réponse à la troisième question, par laquelle les personnes sondées qui n’avaient pas associé ladite expression à la marque Red Bull étaient interrogées sur le fait d’avoir déjà vu ou entendu cette expression se rapportant à des boissons rafraichissantes, 31 % desdites personnes ont répondu dans l’affirmative, ce qui correspond à 10 % du total des personnes sondées. En réponse à la quatrième question, 53 % des personnes ayant répondu par l’affirmative à la troisième question ont indiqué que Red Bull était la marque de boissons qui utilisait ladite expression, ce qui correspond à 5 % du total des personnes sondées. En réponse à la cinquième question, 66 % des personnes sondées ont indiqué qu’elles avaient vu ou entendu ladite expression pour la première fois un an ou plus auparavant.

69      La chambre de recours a considéré à bon droit que ces pourcentages élevés démontraient la renommée élevée de la marque antérieure parmi le public autrichien. À cet égard, s’agissant desdites deuxième à cinquième questions de l’enquête, rien ne permet de considérer que celles-ci sont des questions orientées, contrairement à ce que fait valoir la requérante. En effet, des réponses particulières n’étaient pas suggérées par le biais de ces questions et, dans la mesure où les troisième et quatrième questions visent le segment des boissons concerné par la marque antérieure, à savoir des boissons rafraichissantes et donc non alcooliques, elles sont incontestablement pertinentes. Ces constats ne sont pas infirmés par le fait, allégué par la requérante, selon lequel l’intervenante aurait été le leader sur le marché autrichien des boissons énergétiques.

70      Enfin, il ressort de la jurisprudence que l’un des critères permettant de reconnaître une valeur probante aux résultats d’une enquête consiste à ce que celle-ci soit effectuée dans des conditions objectives dans lesquelles les marques en conflit se présentent, ou se présenteraient, sur le marché [arrêt du 24 octobre 2018, Bayer/EUIPO – Uni-Pharma (SALOSPIR), T‑261/17, non publié, EU:T:2018:710, point 63].

71      La requérante se limite à indiquer, sans aucunement étayer ses affirmations, qu’il est possible que, lors de l’enquête réalisée en 1997, il a été présenté aux personnes interrogées une carte comportant les couleurs, la police de caractères et le logo de l’intervenante et qu’elles ont pu être influencées par les autres questions de l’enquête portant sur d’autres sujets ou bien par l’endroit où celle-ci a eu lieu.

72      À cet égard, il suffit de constater que la requérante n’a pas contesté que l’enquête concernée a été réalisée par un bureau de sondage indépendant et reconnu, qu’elle mentionne clairement que les personnes interrogées ont reçu une carte sur laquelle figuraient exclusivement les mots « …verleiht flügel », et que rien ne permet de considérer que les circonstances évoquées par la requérante comme une simple possibilité se soient en réalité produites.

73      En deuxième lieu, s’agissant de l’enquête réalisée en octobre 2010, la chambre de recours a considéré que celle-ci démontrait que la très grande renommée de la marque antérieure s’était maintenue pendant de nombreuses années après 1997.

74      Il ressort de cette enquête que 82 % de l’ensemble des personnes interrogées et 98 % des consommateurs de boissons énergisantes connaissaient l’expression « …verleiht Flügel » concernant ce type de boissons, que 77 % de l’ensemble des personnes interrogées et 95 % des consommateurs de boissons énergisantes pensaient à une entreprise donnée lorsqu’ils entendaient ou rencontraient cette expression et que, parmi les personnes qui pensaient à une entreprise donnée lorsqu’ils entendaient ou rencontraient ladite expression, 98 % de l’ensemble des personnes interrogées et 100 % des consommateurs de boissons énergisantes faisaient référence à Red Bull. L’enquête a conclu que ces résultats témoignaient clairement de la renommée de la marque antérieure.

75      À cet égard, il convient de rappeler que la renommée d’une marque antérieure doit être établie à la date de dépôt de la demande de marque contestée [voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2018, VF International/EUIPO – Virmani (ANOKHI), T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 103 et jurisprudence citée]. Toutefois, les documents portant une date postérieure à cette date ne sauraient être privés de valeur probante s’ils permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date. Il ne saurait être exclu a priori qu’un document établi un certain temps avant ou après cette date puisse contenir des indications utiles compte tenu du fait que la renommée d’une marque s’acquiert, en général, progressivement. La valeur probante d’un tel document est susceptible de varier en fonction de la proximité plus ou moins élevée de la période couverte avec la date de dépôt (voir arrêt du 16 octobre 2018, ANOKHI, T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 104 et jurisprudence citée).

76      En l’espèce, il n’est pas contesté que l’enquête réalisée en octobre 2010 a été réalisée plus de treize ans après la date d’enregistrement de la marque antérieure et que les résultats de cette enquête permettent uniquement de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait plusieurs années après cette date.

77      Il s’ensuit que l’enquête réalisée en octobre 2010, produite par l’intervenante, ne permet pas d’étayer la renommée de la marque antérieure à la date d’enregistrement.

78      En troisième lieu, il ressort du dossier que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’intervenante a produit d’autres éléments de preuve démontrant la renommée de la marque antérieure.

79      L’intervenante a, notamment, produit une déclaration sous serment signée par son conseil général. La valeur probatoire d’une telle déclaration n’est reconnue par la jurisprudence qu’à condition qu’elle soit corroborée par d’autres éléments [voir arrêt du 5 octobre 2020, Laboratorios Ern/EUIPO – SBS Bilimsel Bio Çözümler (apiheal), T‑51/19, non publié, sous pourvoi, EU:T:2020:468, point 110 et jurisprudence citée].

80      Il ressort de ladite déclaration que l’intervenante avait déjà commencé à utiliser le slogan « …verleiht flügel » pour la commercialisation de ses produits en Autriche à partir de l’année 1987 et que, à partir de cette année, elle a fait des investissements considérables pour promouvoir ses produits en utilisant ce slogan, notamment par la voie d’annonces publicitaires diffusées à la télévision, à la radio et dans les cinémas et par le parrainage d’événements sportifs et culturels. Ces affirmations sont corroborées par plusieurs annexes à cette déclaration, telles que notamment les annexes 2 et 8, qui contiennent des informations commerciales détaillées relatives aux produits de l’intervenante.

81      Dans ces conditions, la chambre de recours a considéré à juste titre, eu égard à l’enquête réalisée en 1997 et à la déclaration sous serment signée produites par l’intervenante, que la marque antérieure jouissait d’une grande renommée en septembre 1997.

82      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le premier grief du second moyen.

 Sur le deuxième grief, relatif à la similitude des signes

83      La requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu à tort, en se limitant à confirmer la décision de la cinquième chambre de recours sur ce point, que les signes en conflit étaient moyennement similaires sur les plans visuel et conceptuel et qu’ils étaient similaires à un certain degré sur le plan phonétique.

84      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

85      À titre liminaire, il convient d’écarter l’argument de l’intervenante selon lequel le Tribunal, dans son arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL (T‑150/17, EU:T:2018:641), a déjà constaté de manière définitive la similitude entre les signes en conflit et que, par conséquent, la chambre de recours ne pouvait pas s’écarter de ce constat et la requérante ne peut plus le contester dans le cadre de la présente procédure.

86      À cet égard, il suffit de constater que, ainsi qu’il ressort du point 73 de l’arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL (T‑150/17, EU:T:2018:641), le Tribunal n’a pas examiné la question de la similitude des signes en conflit et ne s’est prononcé que sur la question de la similitude des produits visés par ces signes. La chambre de recours ne s’est, d’ailleurs et à bon droit, pas considérée liée par cet arrêt en la matière, et a, ainsi, au point 47 de la décision attaquée, indiqué qu’il n’y avait aucune raison de s’écarter du raisonnement exposé dans la décision de la cinquième chambre de recours s’agissant de la similitude des signes en cause, raisonnement qu’elle a expressément confirmé.

87      Il convient, sur ce point, de rappeler que l’existence d’une similitude entre la marque antérieure et la marque contestée constitue une condition d’application commune à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 40/94. Cette condition suppose tant dans le cadre de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 que dans celui du paragraphe 5 dudit article, l’existence, notamment, d’éléments de ressemblance visuelle, auditive ou conceptuelle. Certes, le degré de similitude requis dans le cadre de l’une et de l’autre desdites dispositions est différent. En effet, tandis que la mise en œuvre de la protection instaurée par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94 est subordonnée à la constatation d’un tel degré de similitude entre les marques en conflit qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre celles-ci, l’existence d’un tel risque n’est pas requise pour la protection conférée par le paragraphe 5 du même article. Ainsi, les atteintes visées à ce paragraphe 5 peuvent être la conséquence d’un degré moindre de similitude entre les marques antérieure et postérieure, pour autant que celui-ci soit suffisant pour que le public concerné effectue un rapprochement entre lesdites marques, c’est-à-dire établisse un lien entre celles-ci. En revanche, il ne ressort ni du libellé desdites dispositions ni de la jurisprudence que la similitude entre les marques en conflit devrait être appréciée de manière différente selon qu’elle est effectuée au regard de l’une ou de l’autre de ces dispositions (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 51 à 54).

88      Par ailleurs, il convient de rappeler que deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle sur un ou plusieurs aspects pertinents. L’appréciation globale d’un lien entre les marques en conflit doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle de ces signes, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale de ce lien. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails [voir arrêt du 13 juillet 2018, Chypre/EUIPO – Papouis Dairies (Pallas Halloumi), T‑825/16, EU:T:2018:482, point 27 et jurisprudence citée].

89      En l’espèce, la chambre de recours s’est bornée à confirmer le raisonnement de la cinquième chambre de recours selon lequel les signes en conflit possédaient un degré moyen de similitude visuelle et conceptuelle, ainsi qu’un certain degré de similitude phonétique.

90      En premier lieu, s’agissant de la similitude sur le plan visuel, la cinquième chambre a constaté que les signes en conflit avaient en commun l’élément verbal « flügel », mais qu’ils différaient par la présence de l’élément supplémentaire « verleiht » et des trois points qui le précédaient dans le signe antérieur, qui n’avaient pas d’équivalents dans la marque contestée.

91      S’il est vrai que la marque antérieure se distingue de la marque demandée par la présence d’un élément verbal supplémentaire et de trois points, les signes en conflit ont néanmoins en commun le mot « flügel », de sorte que la chambre de recours a conclu à bon droit que les signes en conflit possédaient un degré moyen de similitude visuelle.

92      Ce constat n’est pas remis en cause par la simple affirmation de la requérante selon laquelle il découlerait de l’impression globale produite par les signes en cause que le fait que le mot « flügel » soit inclus à la fin des deux signes en conflit ne suffit pas à les rendre similaires sur le plan visuel.

93      En deuxième lieu, s’agissant de la similitude sur le plan phonétique, la cinquième chambre a constaté que les signes en conflit coïncidaient par les deux syllabes « flü » et « gel », mais différaient par les deux premières syllabes de la marque antérieure. Elle a considéré que les trois points qui précédaient le mot « verleiht » de la marque antérieure ne seront pas prononcés oralement par le public pertinent, qu’ils n’étaient dès lors pas soumis à une appréciation phonétique et qu’ils n’avaient aucune incidence sur la comparaison phonétique des marques en conflit.

94      La requérante affirme que les trois points de la marque antérieure indiquent au public que quelque chose reste à ajouter et, par conséquent, que « red bull » doit être pris en considération dans la comparaison phonétique. En effet, la marque antérieure n’aurait jamais été utilisée sans être précédée du groupe de mots « red bull ». Il en résulterait une différence évidente sur le plan phonétique.

95      Cette affirmation, qui n’est au demeurant pas étayée, doit être rejetée. En effet, selon la jurisprudence, la comparaison doit s’effectuer entre les signes tels qu’ils ont été enregistrés ou tels qu’ils figurent dans la demande d’enregistrement [voir arrêt du 8 mai 2018, Luxottica Group/EUIPO – Chen (BeyBeni), T‑721/16, non publié, EU:T:2018:264, point 66 et jurisprudence citée], indépendamment de leur usage isolé ou conjoint avec d’autres marques ou mentions [voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Pavel/EUIPO – bugatti (B), T‑114/19, non publié, EU:T:2020:286, point 70].

96      Eu égard au fait non contesté que les signes en conflit coïncident par les deux syllabes « flü » et « gel », mais diffèrent par les deux premières syllabes de la marque antérieure, la chambre de recours a considéré à bon droit qu’il existait un certain degré de similitude phonétique entre les signes en conflit.

97      En troisième lieu, s’agissant de la similitude sur le plan conceptuel, la chambre de recours a considéré, d’une part, que la marque antérieure signifiait « … (vous) donne des ailes » en allemand et que le public pertinent percevra cette expression comme une métaphore renvoyant à une chose censée inspirer ou motiver quelqu’un à « voler » ou à réaliser de grandes choses. D’autre part, selon la chambre de recours, la marque contestée signifie « aile(s) » en allemand, à savoir la patte avant modifiée d’un oiseau portant de grandes plumes et utilisée pour voler. Elle a conclu que, étant donné que les signes en conflit partageaient le concept du mot « aile », ils étaient moyennement similaires sur le plan conceptuel.

98      Selon la requérante, ces appréciations sont erronées. Elle soutient que la marque antérieure ne fait pas référence à la notion d’une aile, mais consiste en une métaphore selon laquelle la boisson Red Bull vous revigore. L’intervenante aurait toujours confirmé cette signification métaphorique dans sa publicité. En revanche, la requérante n’aurait jamais prétendu que sa boisson ferait voler le consommateur ou suggéré que celle-ci rendrait le consommateur plus alerte ou dynamique, mais sa stratégie publicitaire serait, au contraire, axée sur l’élément festif.

99      À cet égard, il n’est pas contesté que les deux signes en conflit ont en commun l’élément « flügel », « aile(s) » en allemand, qui véhicule la même idée, à savoir que le produit sur lequel est apposée la marque comportant cet élément permettrait de « voler ». Il est, d’ailleurs, ainsi que l’indique la chambre de recours, probable que le public pertinent perçoive la référence au mot « ailes » comme étant une métaphore et que le produit en question ne saurait, à l’évidence, « faire voler » au sens littéral du terme, mais au sens figuratif de ce dernier, à savoir rendre léger, dynamique ou, encore, heureux et positif. Aucun des éléments avancés par la requérante ne saurait remettre en cause ces constatations. Au contraire, le fait que sa publicité soit axée sur le caractère festif de ses boissons, à supposer qu’il puisse être pris en compte dans le cadre de la présente appréciation, confirme que les signes en conflit sont susceptibles de véhiculer la même idée. Dans ces conditions, la chambre de recours a constaté à juste titre que ces signes possédaient un degré moyen de similitude conceptuelle.

100    En quatrième lieu, il convient de constater que la chambre de recours ne s’est pas prononcée sur l’existence d’un élément dominant dans la marque antérieure et que, à cet égard, elle n’a pas confirmé l’appréciation de la cinquième chambre de recours. Partant, la requérante ne saurait donc à bon droit contester la décision attaquée sur ce point. En tout état de cause, force est de constater que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la cinquième chambre de recours ne s’est pas limitée à examiner l’élément prétendument dominant de cette marque, celle-ci ayant analysé les différents éléments composant la marque antérieure, ainsi qu’il ressort des points 90, 93 et 97 ci-dessus.

101    Dans ces conditions, il convient de rejeter le deuxième grief du second moyen.

 Sur le troisième grief, relatif au lien entre les signes en conflit

102    La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas effectué l’appréciation globale requise de l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent. La chambre de recours aurait méconnu la jurisprudence selon laquelle la différence claire entre les signes sur le plan conceptuel neutralise toute similitude entre eux et empêche le public pertinent d’établir un tel lien. En outre, elle aurait conclu à tort, tout en méconnaissant la ratio decidendi de l’arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL (T‑150/17, EU:T:2018:641), à la proximité des produits en cause. Enfin, elle n’aurait pas tenu compte, dans son appréciation de la perception du public pertinent, du fait que la marque antérieure était un slogan.

103    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

104    À titre liminaire, il ressort de la jurisprudence que l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, parmi lesquels figurent le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services concernés par lesdites marques, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, son degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public [voir arrêt du 26 septembre 2018, Puma/EUIPO – Doosan Machine Tools (PUMA), T‑62/16, EU:T:2018:604, point 24 et jurisprudence citée].

105    En l’espèce, la chambre de recours a apprécié l’existence d’un tel lien, en tenant compte de la similitude des signes, la proximité des produits concernés, la grande renommée de la marque antérieure et son caractère distinctif intrinsèque. Tout d’abord, elle a considéré que les signes possédaient un degré moyen de similitude visuelle et conceptuelle, ainsi qu’un certain degré de similitude phonétique. Ensuite, elle a relevé que des boissons alcooliques et non alcooliques étaient souvent mélangées par le public et vendues ensemble dans des restaurants, des bars et des boîtes de nuit et qu’il existait, dès lors, une proximité des produits en cause, qui appartiennent à la même grande catégorie de boissons. Enfin, elle a tenu compte du fait que la marque antérieure jouit d’une grande renommée en Autriche et possède un caractère distinctif intrinsèque.  

106    L’appréciation, par la chambre de recours, de l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent est donc conforme à la jurisprudence citée au point 103 ci-dessus.

107    En premier lieu, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la différence claire entre les signes sur le plan conceptuel neutralise toute similitude entre eux et empêche le public pertinent d’établir un lien. À cet égard, il suffit de constater que la chambre de recours a affirmé à bon droit l’existence d’une similitude entre les signes en conflit, y compris sur le plan conceptuel (voir point 99 ci-dessus).

108    En deuxième lieu, s’agissant de la nature des produits concernés, la chambre de recours a confirmé à juste titre, en renvoyant à l’arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL (T‑150/17, EU:T:2018:641), que les produits concernés par les marques en cause étaient différents.

109    En effet, au point 81 de l’arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL (T‑150/17, EU:T:2018:641), le Tribunal a constaté qu’il ne saurait être considéré qu’une boisson alcoolique et une boisson énergisante sont similaires du seul fait qu’elles sont susceptibles d’être mélangées, consommées ou commercialisées ensemble, étant donné que la nature, la destination et l’utilisation de ces produits diffèrent, eu égard à la présence ou à l’absence d’alcool dans leur composition. Au point 83 dudit arrêt, il a également relevé que le public pertinent autrichien était habitué et attentif à la séparation entre les boissons alcooliques et non alcooliques et qu’il fera cette distinction lors de la comparaison entre la boisson énergisante de la marque antérieure et la boisson alcoolique de la marque contestée.

110    Toutefois, ces constats du Tribunal ne sauraient en eux-mêmes impliquer l’absence de proximité entre les produits en cause. À cet égard, il convient de souligner que le Tribunal a effectué lesdits constats dans le cadre de l’examen du risque de confusion conformément à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, qui présuppose une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent.

111    Or, il est constant que, à la différence de cette disposition, l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 40/94 vise explicitement le cas où les produits ne sont pas similaires et que le caractère dissemblable des produits désignés respectivement par les marques en conflit n’est donc pas un facteur suffisant pour exclure l’existence d’un lien entre lesdites marques (voir arrêt du 26 septembre 2018, PUMA, T‑62/16, EU:T:2018:604, points 99 et 100 et jurisprudence citée).

112    En l’espèce, d’une part, il est constant qu’une multitude de boissons alcooliques et non alcooliques, telles que les boissons énergétiques, sont, en règle générale, mélangées ou consommées ensemble, soit dans les mêmes établissements, soit en tant que boissons alcooliques pré-mélangées (arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL, T‑150/17, EU:T:2018:641, point 80). Cette constatation ne saurait, d’ailleurs, être remise en cause par le fait que les entreprises qui commercialisent des boissons alcooliques prémélangées avec un ingrédient non alcoolique ne vendent pas cet ingrédient séparément et sous la même marque que la boisson alcoolique prémélangée en question ou sous une marque similaire.

113    Dans ce contexte, il convient de relever qu’il n’est pas contesté que les boissons couvertes par la marque antérieure soient fréquemment mélangées avec des boissons alcooliques dans le marché en cause, surtout par le jeune public autrichien.

114    D’autre part, il est notoire que les boissons énergétiques et les boissons alcooliques sont vendues dans les mêmes supermarchés et sont souvent mentionnées sur les menus des bars les unes à côté des autres. Or, s’agissant des faits notoires, il ressort d’une jurisprudence constante que les organes de l’EUIPO ne sont pas tenus d’établir, dans leurs décisions, l’exactitude de tels faits [voir arrêt du 21 septembre 2017, Novartis/EUIPO – Meda (Zimara), T‑238/15, non publié, EU:T:2017:636, point 123 et jurisprudence citée].

115    Dans ces conditions, la chambre de recours a conclu à juste titre, et sans méconnaître la ratio decidendi de l’arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL (T‑150/17, EU:T:2018:641), à la proximité des produits en cause.

116    En troisième lieu, il ressort de la jurisprudence citée au point 103 ci-dessus que le degré de caractère distinctif de la marque antérieure est l’un des facteurs pertinents à considérer lors de l’appréciation de l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent.

117    En l’espèce, la chambre de recours a pris en compte, parmi d’autres facteurs pertinents, le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure.

118    La requérante soutient, premièrement, que la marque antérieure est un slogan et qu’elle est, dès lors, dépourvue du caractère distinctif requis pour constituer une marque valide. En effet, les slogans seraient de nature laudative et donneraient des informations sur les caractéristiques du produit concerné. En outre, le slogan en cause n’aurait jamais été utilisé sans la marque distinctive Red Bull.

119    Deuxièmement, la requérante fait valoir que, dans l’hypothèse où le caractère distinctif de la marque antérieure serait établi, il conviendrait, en tout état de cause, de tenir compte, aux fins de l’appréciation de l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent, du fait que cette marque est constituée d’un slogan. À cet égard, elle soutient que ce slogan serait perçu par le public comme une unité et que le sens de cette unité est différent du sens des mots qui la composent, lesquels, considérés isolément, n’auraient aucune signification. Cet élément suffirait déjà pour écarter un lien entre les marques en cause. Plus généralement, si un seul mot d’un slogan est utilisé en tant que marque par un tiers, le consommateur n’établirait aucun lien avec ce slogan ou avec la société associée à ce slogan.

120    À cet égard, il convient de rappeler, tout d’abord, que la validité d’une marque nationale, comme en l’espèce la marque antérieure, ne peut pas être mise en cause en raison de l’absence de caractère distinctif dans le cadre d’une procédure de nullité d’une marque de l’Union, mais uniquement dans le cadre d’une procédure de nullité entamée dans l’État membre concerné. Il doit dès lors être reconnu un certain degré de caractère distinctif à la marque antérieure [voir arrêt du 7 octobre 2015, Panrico/OHMI – HDN Development (Krispy Kreme DOUGHNUTS), T‑534/13, non publié, EU:T:2015:751, point 65 et jurisprudence citée].

121    Ensuite, il ressort de la jurisprudence que, pour ce qui est de l’appréciation du caractère distinctif des marques composées de signes ou d’indications qui sont, par ailleurs, utilisés en tant que slogans publicitaires, il n’y a pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes [voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, Hello Media Group/EUIPO – Hola (#hello digitalmente diferentes), T‑330/16, non publié, EU:T:2017:762, point 44 et jurisprudence citée].

122    Il résulte également de cette jurisprudence que de telles marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif, même simple, et peuvent être néanmoins aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2017, #hello digitalmente diferentes, T‑330/16, non publié, EU:T:2017:762, point 45 et jurisprudence citée).

123    En l’espèce, la chambre de recours a considéré à bon droit que la marque antérieure possédait un caractère distinctif dans la mesure où le consommateur moyen sait que « les hommes n’ont pas d’ailes et qu’il n’existe aucune boisson, ni aucun autre traitement qui permettrait à des ailes de pousser » et que cette marque avait, dès lors, un caractère allusif.  

124    Enfin, même si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux, qui, pour lui, ont une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [voir arrêt du 20 septembre 2019, M. I. Industries/EUIPO – Natural Instinct (NATURE’S VARIETY INSTINCT), T‑288/18, non publié, EU:T:2019:640, point 66 et jurisprudence citée].

125    Partant, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il n’est pas exclu que le consommateur établira un lien entre, d’une part, un slogan et, d’autre part, un seul mot de ce slogan qui est utilisé comme marque par un tiers, comme en l’espèce entre le slogan « …verleiht flügel » et le mot « flügel » visé par la marque contestée.

126    Dans ces conditions, la chambre de recours a, compte tenu de tous les facteurs pertinents, constaté à bon droit l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent.

127    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le troisième grief du second moyen.

 Sur le quatrième grief, relatif au profit indûment tiré de l’usage de la marque contestée

128    La requérante fait valoir que la chambre de recours a conclu à tort que l’usage de la marque contestée tirait indûment profit de la renommée de la marque antérieure.

129    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

130    En premier lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas procédé à l’appréciation globale requise pour arriver à la conclusion selon laquelle l’usage de la marque contestée tirait indûment profit de la renommée de la marque antérieure.

131    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, afin de déterminer si, dans un cas d’espèce, l’usage, sans juste motif, de la marque contestée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Parmi ces facteurs figurent, notamment, l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque antérieure, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés [voir arrêt du 1er mars 2018, Shoe Branding Europe/EUIPO – adidas (Position de deux bandes parallèles sur une chaussure), T‑85/16, non publié, EU:T:2018:109, points 51 et 52 et jurisprudence citée].

132    En l’espèce, force est de constater que la chambre de recours a tenu compte de l’ensemble des facteurs pertinents. Tout d’abord, elle a considéré que la marque antérieure jouissait non seulement d’un caractère distinctif intrinsèque, mais aussi d’une très grande renommée pour les « boissons énergisantes » auprès du public autrichien. Ensuite, elle a relevé que, compte tenu de la proximité entre ces boissons et les produits de la requérante, une partie substantielle du public en cause pouvait consommer les derniers en pensant qu’ils étaient liés à la marque antérieure, s’appropriant ainsi indûment son pouvoir attractif et sa valeur publicitaire. Enfin, elle a conclu que, compte tenu de l’importance du contact des consommateurs pertinents avec la marque antérieure, du degré de caractère distinctif intrinsèque de cette marque et de la similitude des signes en conflit, il existait une forte probabilité pour que l’usage sans juste motif de la marque contestée conduise à une situation de parasitisme.

133    En deuxième lieu, la requérante soutient que son prédécesseur avait déjà déposé pour ses produits une marque du Benelux et un enregistrement international pour une marque figurative qui contenait le nom de la marque FLÜGEL en mars 1996, donc précédemment à la demande d’enregistrement de la marque antérieure. Selon la requérante, cette chronologie ainsi que les investissements réalisés par elle et par son prédécesseur pour établir une position unique sur le marché des boissons alcooliques sous la marque contestée démontrent qu’il n’y avait aucune intention de parasiter la renommée de la marque antérieure.

134    À cet égard, d’une part, ainsi que le soulèvent à juste titre l’EUIPO et l’intervenante, l’absence d’intention de parasiter la marque contestée de la part du titulaire, à la supposer établie, ne suffit pas en elle-même pour exclure la possibilité qu’un profit indu soit tiré de l’utilisation de cette marque. Il y a lieu de rappeler que des éléments qui sont, par nature, subjectifs, tels que les intentions commerciales, réelles ou supposées du titulaire de la marque contestée ne doivent pas être pris en compte pour apprécier l’existence du risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire un profit indu du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 40/94. [voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2018, Gall Pharma/EUIPO – Pfizer (Styriagra), T‑662/16, non publié, EU:T:2018:242, point 73].

135    D’autre part, il est constant que les enregistrements invoqués par la requérante (voir point 133 ci-dessus) concernent d’autres marques que la marque contestée en l’espèce. Or, le dépôt de la demande d’enregistrement pour la marque contestée a eu lieu le 24 septembre 1997, à savoir à une date postérieure à la date du dépôt de la marque antérieure le 12 septembre 1997.

136    En outre, il ressort du dossier, notamment de la déclaration sous serment fournie par l’intervenante, que cette dernière avait déjà commencé à utiliser le signe …VERLEIHT FLÜGEL à partir de l’année 1987 dans le marché pertinent, ce que la requérante n’a pas contesté.

137    Il s’ensuit que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la chronologie des enregistrements qu’elle a évoqués et les investissements réalisés pour établir une position sur le marché des boissons alcooliques sous la marque contestée ne sont pas de nature à démontrer l’absence de profit indument tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure.

138    En troisième lieu, la requérante fait valoir qu’il n’y a pas eu de transfert de l’image de la marque renommée ou des caractéristiques projetées par celle-ci vers les produits désignés par la marque contestée. Il serait évident que l’image de la marque antérieure, à savoir l’idée de rendre le consommateur plus alerte, ne saurait être utilisée pour commercialiser une boisson alcoolique telle que celle visée par la marque contestée. La requérante ajoute qu’elle n’a rien fait pour créer un lien avec le succès de la marque antérieure, ce qui serait confirmé par l’usage des marques en conflit dans la pratique.

139    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la notion de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, également désignée sous les termes de « parasitisme » et de « free-riding », s’attache à l’avantage tiré de l’usage de la marque contestée identique ou similaire. Elle englobe notamment les cas où, grâce à un transfert de l’image de la marque renommée ou des caractéristiques projetées par celle-ci vers les produits désignés par la marque contestée, il existe une exploitation manifeste dans le sillage de la marque renommée (voir arrêt du 1er mars 2018, Position de deux bandes parallèles sur une chaussure, T‑85/16, non publié, EU:T:2018:109, point 48 et jurisprudence citée).

140    Ainsi, lorsqu’un tiers tente, par l’usage d’une marque similaire à une marque renommée, de se placer dans le sillage de celle-ci afin de bénéficier de son pouvoir d’attraction, de sa réputation et de son prestige, ainsi que d’exploiter, sans aucune compensation financière et sans devoir déployer des efforts propres à cet égard, l’effort commercial déployé par le titulaire de la marque antérieure pour créer et entretenir l’image de cette marque, le profit résultant dudit usage doit être considéré comme indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque (voir arrêt du 1er mars 2018, Position de deux bandes parallèles sur une chaussure, T‑85/16, non publié, EU:T:2018:109, point 49 et jurisprudence citée).

141    L’existence de l’atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, dans la mesure où ce qui est prohibé est l’avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, doit être appréciée au regard du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 35 et 36).

142    En l’espèce, la chambre de recours a considéré à bon droit que, compte tenu de la proximité des produits en cause ainsi que de la renommée et du caractère distinctif de la marque antérieure, une partie substantielle des consommateurs pouvait consommer les produits de la requérante en pensant qu’ils étaient liés à la marque antérieure, s’appropriant ainsi indûment son pouvoir attractif et sa valeur publicitaire.

143    En outre, il ressort du dossier, d’une part, que, lorsque le prédécesseur de la requérante a adopté le nom FLÜGEL, il s’est inspiré du terme pratiquement identique « flügerl », qui était utilisé en Autriche depuis la fin des années 80 pour désigner une boisson consistant en un mélange de Red Bull, le produit de l’intervenante, et de vodka rouge, ce que la requérante a reconnu lors de l’audience. D’autre part, la marque figurative de la requérante, telle qu’elle était enregistrée en 1996, incluait l’expression « vodka energy » et, jusqu’en 2006, la boisson vendue par la requérante sous la marque contestée contenait des composants essentiels aux boissons énergisantes, ce que la requérante a également reconnu lors de l’audience.

144    Dans ces conditions, il convient de rejeter les affirmations de la requérante selon lesquelles elle n’a rien fait pour créer un lien avec le succès de la marque antérieure et selon lesquelles il n’y a pas eu de transfert de l’image de la marque renommée ou des caractéristiques projetées par celle-ci vers les produits désignés par la marque contestée.

145    En quatrième lieu, selon la requérante, la chambre de recours n’a pas tenu compte du fait que les plus hautes juridictions autrichiennes auraient déjà jugé que la marque contestée ne tirait pas de profit indu de la marque antérieure, à savoir dans l’arrêt de l’Oberlandesgericht Wien (tribunal régional supérieur de Vienne, Autriche) du 25 mars 2012 dans l’affaire 3R 97/11y, confirmé par l’arrêt de l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) du 18 septembre 2012.

146    À cet égard, il y a lieu de constater, d’une part, que lesdits arrêts ne concernent pas la marque contestée, mais une autre marque, à savoir une marque figurative de la requérante, enregistrée en 1996.

147    D’autre part, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. La chambre de recours et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont donc pas liés, même s’ils peuvent les prendre en considération, par des décisions intervenues au niveau des États membres [voir arrêt du 14 mai 2019, Zweirad-Center Stadler/EUIPO – Triumph Designs (Triumph), T‑12/18, non publié, EU:T:2019:328, point 70 et jurisprudence citée].

148    En cinquième lieu, la requérante fait valoir que la chambre de recours aurait à tort tenu compte d’une enquête peu fiable réalisée en octobre et novembre 2010, et donc plusieurs années postérieures à la date du dépôt de la marque contestée.

149    À cet égard, si, certes, la chambre de recours a considéré que ladite enquête confirmait l’existence d’un profit indu, il n’en reste pas moins qu’elle a expressément observé que cette enquête n’était pas le facteur déterminant pour établir une telle existence.

150    En sixième lieu, contrairement à ce qu’allègue la requérante, l’intervenante n’était pas tenue de fournir la preuve d’une atteinte effective et actuelle à la marque antérieure. En effet, il résulte de la jurisprudence que, afin de bénéficier de la protection instaurée par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 40/94, le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte telle que visée par cette disposition qui soit effective et actuelle à sa marque (voir arrêt du 3 mai 2018, Styriagra, T‑662/16, non publié, EU:T:2018:242, point 64 et jurisprudence citée).

151    Lorsqu’il est prévisible qu’une telle atteinte découlera de l’usage que le titulaire de la marque postérieure peut être amené à faire de sa marque, le titulaire de la marque antérieure ne saurait être obligé d’attendre la réalisation effective de celle-ci pour pouvoir faire interdire ledit usage. Le titulaire de la marque antérieure doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur (voir arrêt du 3 mai 2018, Styriagra, T‑662/16, non publié, EU:T:2018:242, point 64 et jurisprudence citée). En l’espèce, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la chambre de recours a affirmé à bon droit qu’une telle conclusion pouvait être établie notamment sur la base de déductions logiques résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toute autre circonstance de l’espèce.

152    À cet égard, le fait que l’intervenante n’a introduit une demande en nullité qu’en 2011 ne saurait démontrer l’absence de profit indûment tiré. Lors de son appréciation du moyen tiré de l’article 54, paragraphe 2, du règlement no 207/2009 avancé par la requérante dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL (T‑150/17, EU:T:2018:641), le Tribunal a jugé que l’intervenante ne saurait être considérée comme disposant d’une connaissance effective de l’usage de la marque contestée que, tout au plus, à partir de 2010 (arrêt du 4 octobre 2018, FLÜGEL, T‑150/17, EU:T:2018:641, point 50). Le fait, dès lors, de n’avoir introduit de demande en nullité de la marque contestée qu’en 2011 ne saurait lui être reproché dans le cadre du présent litige et ne saurait, d’autant plus, être pris en compte pour établir l’absence de possibilité qu’un profit soit indûment tiré de l’usage de la marque contestée.

153    Dans ces conditions, il convient de rejeter le quatrième grief du second moyen.

 Sur le cinquième grief, relatif au juste motif de l’usage de la marque contestée

154    La requérante soutient que les circonstances évoquées par elle démontrent sa bonne foi et qu’il s’ensuit qu’elle avait un juste motif d’utiliser la marque contestée.

155    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

156    Il convient de rappeler que, dans l’hypothèse où le titulaire de la marque antérieure serait parvenu à démontrer l’existence soit d’une atteinte effective et actuelle à sa marque au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 40/94, soit, à défaut, d’un risque sérieux qu’une telle atteinte ne se produise dans le futur, il appartiendrait, alors, dans un second temps, au titulaire de la marque contestée d’établir que l’usage de cette marque a un juste motif (voir arrêt du 1er mars 2018, Position de deux bandes parallèles sur une chaussure, T‑85/16, non publié, EU:T:2018:109, point 47 et jurisprudence citée).

157    Il y a lieu de préciser que l’existence d’un juste motif permettant l’utilisation d’une marque portant atteinte à une marque renommée doit être interprétée de manière restrictive (voir arrêt du 1er mars 2018, Position de deux bandes parallèles sur une chaussure, T‑85/16, non publié, EU:T:2018:109, point 56 et jurisprudence citée).

158    En l’espèce, la requérante fait valoir que c’est à tort que la chambre de recours a refusé de tenir compte de l’enregistrement international antérieur fait en 1996 par son prédécesseur pour une marque figurative qui contenait le nom de la marque FLÜGEL et de ses investissements pour promouvoir sa marque. Le fait d’écarter ces éléments au motif qu’ils se rapportent à une autre marque que la marque contestée serait contradictoire dans la mesure où la chambre de recours aurait tenu compte des résultats de l’enquête réalisée en octobre et en novembre 2010 qui concernerait également une autre marque que la marque contestée.

159    À cet égard, d’une part, il ressort des points 133 à 137 ci-dessus que c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a écarté l’enregistrement international antérieur de la marque figurative de la requérante ainsi que ses investissements pour promouvoir cette marque aux fins d’établir l’existence de profit indument tiré.

160    Dans ce contexte, il convient encore de souligner que l’EUIPO fait valoir que l’utilisation de la marque figurative de la requérante était très limitée dans le territoire pertinent, à savoir l’Autriche, avant la date du dépôt de la marque antérieure, ce que la requérante n’a pas contesté. Dans ces circonstances, la requérante ne saurait, en tout état de cause, utilement invoquer l’enregistrement international de ladite marque figurative pour démontrer qu’elle avait un juste motif d’utiliser la marque contestée.

161    D’autre part, il ressort du point 149 ci-dessus que la prise en compte de l’enquête réalisée en octobre et en novembre 2010 n’était pas un facteur déterminant aux fins du raisonnement de la chambre de recours.

162    Dans ces conditions, le cinquième grief du second moyen doit être écarté ainsi que, par voie de conséquence, le second moyen dans son ensemble.

163    Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité du chef de conclusions de la requérante visant au rejet de la demande en nullité soulevée par l’intervenante.

 Sur les dépens

164    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Asolo LTD est condamnée aux dépens.

Costeira

Gratsias

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 avril 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.