DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

13 mai 2020 (*)

« Règlement financier – Exclusion des procédures de passation de marchés et d’octroi de subventions financées par le budget général de l’Union et par le Fonds européen de développement pour une durée de trois ans – Principe d’impartialité – Droits de la défense – Erreur d’appréciation – Erreur manifeste d’appréciation – Proportionnalité »

Dans l’affaire T‑290/18,

Agmin Italy SpA, établie à Vérone (Italie), représentée par Me F. Guardascione, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Dintilhac et Mme F. Moro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission, du 7 mars 2018, relative à l’exclusion de la requérante pendant trois ans de la participation aux procédures de passation de marchés et d’octroi de subventions, financées par le budget général de l’Union européenne et de la participation aux procédures d’octroi de fonds de la part du Fonds européen de développement (FED) ainsi qu’à la publication des informations relatives à cette exclusion,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. B. Berke (rapporteur) et Mme T. Perišin, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Sur l’exécution du contrat ENPI/2014/351-804

1        Dans le cadre de la procédure de passation de marché relative à la fourniture d’équipements pour les inspections d’État dans le domaine de l’efficacité énergétique et d’équipements d’essai de l’efficacité énergétique des produits de consommation en République de Biélorussie, lancée par l’avis de marché EuropAid/135802/DH/SUP/BY (JO 2014/S 124-220040), la requérante, Agmin Italy Srl, devenue en décembre 2015, Agmin Italy SpA, a conclu le 10 novembre 2014, en tant qu’adjudicataire du marché, avec l’Union européenne, représentée par la Commission européenne, au nom et pour le compte du gouvernement de la République de Biélorussie, le contrat ENPI/2014/351-804 relatif à la fourniture des marchandises prévues dans les lots no 9 et no 11 au laboratoire central d’efficacité énergétique (BelGISS) situé dans la ville de Minsk, en Biélorussie (ci-après le « contrat »).

2        L’objet du contrat consistait dans la fabrication, la fourniture, la manutention, l’emballage, le chargement, la livraison, le transport, le déchargement, le transfert jusqu’au lieu d’installation, le déballage, l’assemblage, l’installation, la mise en service, les essais de fonctionnement et la formation au fonctionnement des marchandises de chaque lot. Le lot no 9 avait pour objet la fourniture, à des laboratoires d’essai, de systèmes d’alimentation électrique en courant alternatif et continu et le lot no 11 avait pour objet la fourniture d’équipements et d’appareils auxiliaires de mesure pour tester des lave-linge et sèche-linge, lave-vaisselle, appareils électriques de cuisson, chauffe-eau, chaudières de chauffage, pompes, ampoules fluorescentes non lestées et appareils électroménagers.

3        La direction générale « Politique européenne de voisinage et négociations d’élargissement » de la Commission a, en tant qu’ordonnateur délégué de ladite institution, suivi l’exécution de ce contrat par l’intermédiaire d’un ordonnateur subdélégué, à savoir le chef de la délégation de l’Union en Biélorussie qui s’est occupé de la gestion du contrat avec la requérante (ci-après le « pouvoir adjudicateur »).

4        Le 19 novembre 2014, la requérante a constitué une garantie de bonne exécution soit 10 % de la valeur totale du contrat, conformément à l’article 11 des conditions particulières du contrat. Cette garantie a été émise par un intermédiaire financier pour un montant de 89 430,71 euros.

5        Sur demande de la requérante en date du 16 avril 2015, les parties ont conclu, le 11 juin 2015, un avenant au contrat par lequel le montant du préfinancement, qui était de 300 000 euros, a été porté à la somme de 357 722,82 euros, soit 40 % de la valeur du contrat, en précisant que le paiement de la somme de 57 722,82 euros ne serait effectué qu’après la constitution d’une garantie portant sur l’intégralité du préfinancement prévu par le contrat modifié.

6        Par un courriel du 25 juin 2015, la requérante a annoncé que la fabrication des marchandises des deux lots était quasiment achevée et qu’elles seraient bientôt expédiées.

7        Le 13 juillet 2015, la requérante a présenté une garantie de préfinancement émise par l’intermédiaire financier qui avait délivré la garantie d’exécution le 10 novembre 2014. Cette garantie a été rejetée le même jour par le pouvoir adjudicateur. Le 14 juillet 2015, la requérante a présenté une seconde garantie de préfinancement émise par un autre intermédiaire financier, qui a également été rejetée le 29 juillet 2015. Le rejet des deux garanties était fondé sur les informations communiquées par la Banca d’Italia selon lesquelles ces intermédiaires financiers n’étaient pas habilités à délivrer des telles garanties.

8        Le 15 février 2016, la requérante a informé la Commission qu’elle n’était pas en mesure de constituer une garantie de bonne exécution valable. Par ailleurs, en conséquence du défaut de constitution d’une garantie de préfinancement, le paiement supplémentaire de la somme de 57 722,82 euros (voir point 5 ci-dessus) complétant le préfinancement déjà versé n’a pas été effectué en faveur de la requérante.

9        S’agissant des obligations relatives au lot no 9, le 7 octobre 2015, presque trois mois après l’expiration du délai de livraison convenu, la requérante a demandé l’autorisation de remplacer son fournisseur au motif que ce dernier n’était pas en mesure de fournir les marchandises demandées avant fin décembre 2015. Simultanément, elle a demandé de remplacer ce fournisseur par un nouveau fournisseur qui bénéficiait, selon elle, d’une plus grande solidité financière et pouvait livrer pour la mi-novembre 2015 des marchandises de qualité supérieure.

10      La demande de remplacement du fournisseur pour le lot no 9 mentionnée au point 9 ci-dessus a soulevé une série de questions techniques relatives à la conformité des caractéristiques techniques des marchandises du nouveau fournisseur proposé avec les spécifications techniques de l’avis de marché. Ces questions ont été examinées par des experts du bénéficiaire BelGISS et de l’équipe d’assistance technique qui avait été chargée de préparer les spécifications techniques de cet avis de marché et ont fait l’objet d’échanges entre les experts techniques, le pouvoir adjudicateur et la requérante.

11      Le 16 novembre 2015, le pouvoir adjudicateur a informé la requérante de son refus de remplacer le fournisseur pour le lot no 9 en indiquant les différences entre les caractéristiques techniques des marchandises indiquées dans l’offre et les caractéristiques des marchandises du nouveau fournisseur proposé.

12      À la suite du refus du pouvoir adjudicateur de remplacer le fournisseur pour le lot no 9, la requérante a, au cours des mois de novembre et de décembre 2015, insisté afin d’obtenir l’acceptation de la demande de remplacement du fournisseur, en envoyant des détails techniques et des documents supplémentaires, destinés à démontrer la conformité des caractéristiques techniques des nouvelles marchandises proposées avec celles prévues dans l’avis de marché.

13      Considérant que les informations supplémentaires fournies par la requérante étaient contradictoires et incohérentes, le pouvoir adjudicateur a, par un courriel du 16 décembre 2015, confirmé son refus de remplacer le fournisseur pour le lot no 9.

14      Le 22 décembre 2015, la requérante a transmis une nouvelle demande de remplacement du fournisseur pour le lot no 9 qui a été complétée le 25 janvier 2016.

15      Le 9 février 2016, le pouvoir adjudicateur a informé la requérante des importantes divergences constatées lors de l’examen technique effectué en coopération avec les experts du bénéficiaire, en particulier eu égard au fait que de nombreux articles du lot no 9 n’étaient pas conformes aux spécifications techniques contractuelles. En outre, sur la base d’informations trouvées sur Internet, il a indiqué que les prix de marché des nouveaux articles proposés étaient sensiblement inférieurs à ceux des articles indiqués dans le contrat, ce qui était de nature à remettre en cause la décision d’adjudication. Par un courriel du 22 février 2016, il a maintenu son refus de remplacer le fournisseur pour le lot no 9 et s’est déclaré disposé à accepter la fourniture des équipements provenant du fournisseur initial pour ce lot si la requérante acceptait de retirer la demande de remplacement du fournisseur.

16      Le 9 mars 2016, la requérante a réitéré sa demande de remplacement de fournisseur pour le lot no 9 soutenant que les nouvelles marchandises proposées pour ce lot étaient conformes aux exigences techniques. À défaut, elle a indiqué qu’elle considérerait le contrat comme étant résilié et demanderait un audit.

17      S’agissant des obligations relatives au lot no 11, le 13 novembre 2015, le pouvoir adjudicateur a réclamé à la requérante la livraison de ce lot dont le délai était fixé au 9 novembre 2015. La requérante lui a répondu le 18 novembre 2015 qu’elle souhaitait un report au 29 janvier 2016 du délai de livraison des équipements, alléguant des difficultés liées à la situation économique de la République italienne et le non-paiement par l’Union de sommes lui étant dues à titre d’autres contrats en cours.

18      Le 23 novembre 2015, le pouvoir adjudicateur a rejeté la demande de report du délai de livraison du lot no 11 tout en indiquant qu’elle appliquerait les sanctions financières prévues à l’article 21 des conditions générales du contrat en cas de retard d’exécution des prestations contractuelles prévues pour ce lot.

19      Le 22 décembre 2015, la requérante a informé le pouvoir adjudicateur que davantage d’informations lui seraient communiquées rapidement concernant la livraison du lot no 11. Le 9 février 2016, n’ayant toujours pas reçu ces informations, le pouvoir adjudicateur les a demandées à la requérante qui n’a pas répondu à cette demande.

 Sur la résiliation du contrat et la note de débit

20      Par lettre du 23 mars 2016, le pouvoir adjudicateur a notifié à la requérante la résiliation du contrat en vertu de l’article 36.2, sous a) et h), des conditions générales, d’une part, pour manquement grave aux obligations contractuelles (défaut de livraison des marchandises des lots no 9 et no 11) et, d’autre part, pour défaut de validité de la garantie de bonne exécution. Il a également informé la requérante de son intention d’agir en vue de récupérer la somme versée à titre de préfinancement.

21      Par une lettre du 25 mars 2016, la requérante a rejeté les conclusions du pouvoir adjudicateur en soutenant que les équipements qu’elle devait fournir au titre du lot no 9 étaient conformes aux exigences techniques contractuelles, invitant l’équipe technique et le bénéficiaire à se rendre dans ses locaux afin de résoudre la situation et joignant la facture relative à la fourniture des marchandises dudit lot.

22      Par une lettre du 5 avril 2016, le pouvoir adjudicateur a répondu à la requérante que les marchandises n’avaient jamais été livrées et a confirmé la résiliation du contrat à partir du 2 avril 2016. Il a également indiqué à la requérante que la Commission allait agir en vue de récupérer le préfinancement et d’appliquer les sanctions financières pour défaut de livraison des marchandises. Le 12 avril 2016, il a envoyé à la requérante la lettre de préinformation, lui demandant de payer la somme de 434 146,06 euros, comprenant 300 000,00 euros au titre du préfinancement et 134 146,06 euros à titre de sanction financière pour défaut de livraison des marchandises en vertu de l’article 21.1 des conditions générales du contrat.

23      Le 23 mai 2016, la requérante a répondu à la lettre du 5 avril 2016 en demandant à nouveau l’acceptation de la demande de remplacement du fournisseur pour le lot no 9 et une réduction des pénalités financières relatives au défaut de livraison des marchandises dudit lot dans la mesure où le retard d’exécution aurait pu être évité si sa demande de remplacement du fournisseur pour ce lot avait été acceptée.

24      Le 1er juin 2016, le pouvoir adjudicateur a répondu en constatant que la réponse de la requérante a été reçue après les deux semaines accordées pour soumettre des commentaires sur sa lettre de préinformation et qu’elle n’apportait aucun élément nouveau s’agissant des problèmes énoncés dans sa lettre du 23 mars 2016. S’agissant de la demande de remplacement du fournisseur, il a précisé, premièrement, qu’il n’avait jamais demandé des marchandises de qualité supérieure, deuxièmement, que la situation financière du fournisseur initial était connue au moment où la requérante avait soumis son offre et, troisièmement, que les équipements proposés initialement respectaient les exigences techniques du cahier des charges. En outre, il a fait valoir que la demande de remplacement du fournisseur pour le lot no 9 avait été envoyée un mois après l’expiration du délai d’exécution du contrat prévu pour ce lot, avec pour conséquence que, même si le fournisseur avait été remplacé, la requérante n’aurait pas été en mesure de respecter les délais convenus. Par conséquent, il a envoyé la note de débit d’un montant de 434 146,06 euros.

25      Le 26 juillet 2016, la requérante a réaffirmé la conformité des marchandises provenant du nouveau fournisseur proposé et a joint, à l’appui de ses affirmations, une expertise additionnelle à celle transmise fin 2015, effectuée par un autre expert. Le pouvoir adjudicateur a rejeté les arguments de la requérante par lettre du 26 août 2016 et a invité celle-ci à payer la somme due. Le 6 octobre 2016, la requérante a réaffirmé sa position en présentant une note complémentaire à l’expertise soumise en juillet 2016. Par lettre du 27 octobre 2016, le pouvoir adjudicateur a informé la requérante que sa lettre du 6 octobre ne contenait aucun élément ou document nouveau et qu’il procéderait à la récupération de la somme faisant l’objet de la note de débit.

26      En l’absence de paiement volontaire de la somme susmentionnée par la requérante, le pouvoir adjudicateur a tenté, le 3 octobre 2016, d’exécuter la garantie de bonne exécution d’un montant de 89 430,71 euros auprès de l’intermédiaire financier concerné (voir points 7 et 8 ci-dessus). La garantie n’a toutefois pas pu être exécutée en raison de la déclaration de faillite de cet intermédiaire.

 Sur l’adoption de la décision d’exclusion

27      Le 3 juillet 2017, la Commission a présenté, en vertu de l’article 108, paragraphe 5, du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »), une demande de recommandation à l’instance visée à l’article 108 du règlement financier (ci-après l’ « instance »), en vue de l’adoption d’une éventuelle décision d’exclusion de la requérante des procédures de passation de marchés et d’octroi de subventions financées par le budget de l’Union, sur la base d’une qualification juridique préliminaire de la conduite de la requérante, conformément à l’article 106, paragraphe 2, du règlement financier.

28      La Commission considérait que la requérante avait commis de graves manquements aux obligations lui incombant en vertu du contrat portant la référence ENPI/2014/351-804, qui étaient de nature à constituer une des situations d’exclusion à la participation aux procédures de passation de marchés et d’octroi de subventions financées par le budget général de l’Union. Cette possibilité d’exclusion était prévue, pour les faits commis jusqu’au 31 décembre 2015, à l’article 109, paragraphe 1, sous b), du règlement financier, et pour les faits commis après le 31 décembre 2015, à l’article 106, paragraphe 1, sous e), du règlement financier, l’article 109 ayant été supprimé par le règlement 2015/1929 du Parlement européen et du Conseil du 28 octobre 2015 modifiant le règlement financier à partir du 1er janvier 2016.

29      Par une lettre du 12 décembre 2017, l’instance a engagé la procédure contradictoire prévue à l’article 108, paragraphe 8, sous b), du règlement financier en notifiant à la requérante les faits qu’elle estimait être constitutifs de la situation d’exclusion visée à l’article 106, paragraphe 1, sous e), dudit règlement ainsi que leur qualification juridique préliminaire dans la perspective de recommander éventuellement son exclusion et la publication de la décision d’exclusion. À titre de qualification juridique préliminaire des faits en question, elle a estimé que la requérante n’avait pas accompli plusieurs obligations lui incombant en vertu de l’article 1er du contrat dans les délais convenus et prorogés à sa propre demande, en violation de l’article 9 des conditions générales du contrat. S’agissant des équipements relevant du lot no 11, elle a estimé que la demande de prolongation du délai de livraison de ces équipements était arrivée tardivement, en violation de l’article 20 desdites conditions générales. Enfin, elle a estimé que la requérante n’avait pas respecté l’obligation de fournir une garantie de bonne exécution valable en remplacement de la garantie invalide émise, en violation de l’article 11 de ces conditions générales. En conclusion, elle a considéré que la violation des articles 9, 11 et 20 des conditions générales en question constituait un manquement grave aux obligations contractuelles, constitutif de la situation d’exclusion visée à l’article 106, paragraphe 1, sous e), de ce règlement, estimant que cette disposition était applicable en l’espèce y compris pour les faits commis avant le 1er janvier 2016, date d’entrée en vigueur d’une disposition plus favorable à la requérante. Sur la base de cette qualification juridique préliminaire, elle a informé la requérante qu’elle envisageait de recommander son exclusion de la participation aux procédures de passation de marchés et d’octroi de subventions financées par le budget de l’Union et par le Fonds européen de développement (FED) pendant la période la plus longue prévue à l’article 106, paragraphe 14, du même règlement, c’est-à-dire trois ans, l’estimant proportionnelle à la gravité des manquements contractuels que constituaient les faits en question. Enfin, elle a considéré que, afin de renforcer l’effet dissuasif de l’éventuelle décision d’exclusion, celle-ci devait être publiée sur le site Internet de la Commission prévu à cet effet, conformément à l’article 106, paragraphe 16, du règlement en cause.

30      Dans ses observations du 8 janvier 2018, la requérante a demandé à l’instance de reconsidérer ses conclusions à la lumière de ses explications visant à démontrer, en substance, que le refus de la demande de remplacement du fournisseur pour le lot no 9 était injustifié. Elle a notamment indiqué qu’elle n’avait pas été en mesure d’exécuter le contrat pour des raisons de force majeure liées à la situation économique de la République italienne qui étaient imprévisibles au moment de la signature du contrat.

31      Sur la base de la recommandation de l’instance, la Commission a adopté, le 7 mars 2018, une décision relative à l’exclusion de la requérante pendant trois ans de la participation aux procédures de passation de marchés et d’octroi de subventions, financées par le budget général de l’Union et de la participation aux procédures d’octroi de fonds de la part du FED, ainsi qu’à la publication des informations relatives à cette exclusion (ci-après la « décision attaquée »).

32      En substance, la Commission a, premièrement, conclu que la violation des articles 9, 11 et 20 des conditions générales, prises individuellement ou collectivement, constituaient des manquements graves de la part de la requérante à ses obligations contractuelles.

33      Deuxièmement, après avoir relevé que le règlement financier, dans sa version applicable aux faits commis jusqu’au 31 décembre 2015, prévoyait une période maximale d’exclusion de dix ans alors que, depuis le 1er janvier 2016, cette période ne peut excéder trois ans pour le cas d’espèce, la Commission a relevé que la règle la plus favorable à la requérante devait s’appliquer. Au regard des circonstances de cette affaire, elle a décidé une exclusion de trois ans.

34      Troisièmement, la Commission a fait application de l’article 109, paragraphe 16, du règlement financier, en décidant la publication des informations relatives à cette exclusion sur son site Internet eu égard au nombre de manquements commis par la requérante et du manque de coopération de cette dernière. La décision attaquée précise que cette publication ne peut intervenir qu’après épuisement des voies de recours ou à l’expiration des délais de réparation.

 Procédure et conclusions des parties

35      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mai 2018, la requérante a introduit le présent recours. Dans la requête, la requérante a demandé à ce que le Tribunal adopte certaines mesures d’organisation de la procédure.

36      Par décision du 9 juillet 2018, l’affaire a été attribuée à la deuxième chambre.

37      La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 16 août 2018.

38      La réplique et la duplique ont été déposées au greffe du Tribunal, respectivement le 5 octobre 2018 et le 15 novembre 2018.

39      Le 11 juillet 2019, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 de son règlement de procédure, le Tribunal (deuxième chambre) a posé par écrit des questions aux parties, auxquelles celles-ci ont répondu dans le délai imparti.

40      À la suite de la modification de la composition des chambres du Tribunal et en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, l’affaire a été réattribuée à la neuvième chambre, à laquelle le juge rapporteur a été affecté.

41      La requérante conclut à ce qu’il plaise :

–        constater et déclarer la nullité, l’invalidité, l’absence d’effets ou l’inexistence de la décision attaquée et de tous les actes antérieurs ou subséquents, coordonnés ou connexes à ladite décision avec toutes les conséquences de droit ;

–        en tout état de cause, annuler cette décision et, en conséquence, annuler les sanctions qui y sont liées ;

–        à titre subsidiaire, exclure ou réduire la sanction infligée en ce qu’elle est excessive ou disproportionnée au regard du comportement qu’elle a effectivement adopté ;

–        à titre encore plus subsidiaire, réhabiliter la requérante en vertu de l’article 106, paragraphe 9, du règlement financier ;

–        condamner la Commission aux dépens.

42      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter intégralement la demande d’annulation comme en partie irrecevable et en partie non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens de la présente instance.

 En droit

 Sur la recevabilité des chefs de conclusions de la requérante

43      En premier lieu, s’agissant du premier chef de conclusions par lequel la requérante demande de constater et déclarer la nullité, l’invalidité, l’absence d’effets ou l’inexistence de la décision attaquée et de tous les actes antérieurs ou subséquents, coordonnés ou connexes à ladite décision, il convient de rappeler que le Tribunal n’est pas compétent, dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 263 TFUE, pour prononcer des arrêts déclaratoires (arrêt du 18 janvier 2012, Djebel – SGPS/Commission, T‑422/07, non publié, EU:T:2012:11, point 50). En conséquence, ce chef de conclusions doit être rejeté comme irrecevable.

44      En tout état de cause, le premier chef de conclusions de la requérante en ce qu’il tendrait à l’annulation de tous les actes antérieurs ou subséquents et coordonnés ou connexes à la décision attaquée doit être rejeté comme étant irrecevable dans la mesure où de telles conclusions ne répondent pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, en ce qu’elles manquent de précision quant à leur objet (voir, en ce sens, arrêts du 23 novembre 2004, Cantina sociale di Dolianova e.a./Commission, T‑166/98, EU:T:2004:337, point 79, et du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA, T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38, point 28).

45      En second lieu, en ce qui concerne le quatrième chef de conclusions par lequel la requérante demande sa réhabilitation au titre de l’article 106, paragraphe 9, du règlement financier, il y a lieu de relever que les arguments au soutien de cette demande sont présentés dans la requête avec les arguments liés au troisième moyen. Ainsi, la requérante invite le Tribunal à prendre en compte, d’une part, ses difficultés d’exécution du contrat dues au non-paiement de montants qu’elle aurait dû recevoir de l’Union dans le cadre d’un contrat de fourniture de sucre en Mauritanie et, d’autre part, son processus de restructuration aux fins d’obtenir la révision de la décision attaquée.

46      Il y a lieu de souligner qu’une telle demande ne saurait être directement soumise au Tribunal. En effet, l’article 106, paragraphe 9, du règlement financier prévoyait :

« Compte tenu, le cas échéant, de la recommandation révisée de l’[instance], le pouvoir adjudicateur revoit sans tarder sa décision d’exclure un opérateur économique, d’office ou à la demande de cet opérateur économique, lorsque ce dernier a pris des mesures correctrices suffisantes pour démontrer sa fiabilité ou qu’il a fourni de nouveaux éléments démontrant que la situation d’exclusion […] n’existe plus. »

47      Ainsi, aux termes de l’article 106, paragraphe 9, du règlement financier et comme cela est souligné au point 77 de la décision attaquée, une telle demande de révision doit être adressée à l’auteur de la décision d’exclusion en démontrant des mesures correctrices ou en apportant des éléments nouveaux et ne saurait être directement adressée au juge de l’Union.

48      Le quatrième chef de conclusions de la requérante est donc irrecevable.

49      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de déclarer comme étant irrecevables les premier et quatrième chefs de conclusions de la requérante. Partant, l’examen du Tribunal consistera à répondre aux deuxième et troisième chefs de conclusions qui visent, d’une part, à annuler la décision attaquée et, d’autre part, à titre subsidiaire, à exclure ou réduire la sanction infligée en ce qu’elle est excessive ou disproportionnée au regard du comportement qu’elle a effectivement adopté.

 Sur le fond

50      À l’appui du recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier moyen est tiré d’un excès de pouvoir sous la forme d’une violation du principe de séparation entre la fonction d’instruction et la fonction de décision, du principe du contradictoire et du procès équitable, d’une contradiction, d’un défaut manifeste de logique et d’un défaut de motivation. Le deuxième moyen est tiré de la violation ou d’une application erronée de certains principes du droit européen des contrats applicables en vertu de l’article 41 des conditions générales du contrat, d’un excès de pouvoir, d’un défaut de motivation ainsi que d’erreurs d’appréciation. Le troisième moyen est tiré de la violation du principe de proportionnalité de la sanction prévu à l’article 5 TUE.

 Sur le premier moyen

51      À titre liminaire, il convient de relever que, bien que la requérante souligne, au début de la requête, dans une partie intitulée « Bref exposé des moyens à la base du présent recours » que la décision attaquée est entachée d’« excès de pouvoir, notamment sous la forme de violation du principe de séparation entre la fonction d’instruction et la fonction de décision, de contradiction, de défaut manifeste de logique et de défaut de motivation », elle ne se réfère plus, dans la partie de la requête consacrée au développement de son argumentation au titre du premier moyen, qu’à la « violation du principe de séparation entre la fonction d’instruction et la fonction de décision – violation du principe du contradictoire et du procès équitable ».

52      Dès lors que les allégations relatives à une contradiction et à un défaut manifeste de logique sont formulées de manière générale sans précision permettant au Tribunal d’y répondre (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 2008, Mote/Parlement, T‑345/05, EU:T:2008:440, point 76), il y a lieu de considérer ces allégations comme irrecevables, en application de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

53      S’agissant de l’allégation relative à un défaut de motivation, il importe de constater que la requérante n’a fait aucune référence au défaut de motivation dans la partie de la requête consacrée au premier moyen. Ce n’est que dans le corps du deuxième moyen, intitulé « Les autres moyens sur lesquels le recours est fondé », que la requérante a effectivement formulé ces allégations. Par conséquent, c’est dans le cadre de ce dernier moyen que le Tribunal appréciera ces allégations.

54      Ainsi, en substance, dans le cadre du premier moyen, la requérante considère que la décision attaquée est entachée d’irrégularités procédurales. Ce moyen peut être divisé en deux branches : la première est tirée d’une violation des principes d’impartialité et d’autonomie du fait d’un cumul des fonctions d’instruction et de sanction lors de la procédure ayant conduit à l’adoption de ladite décision et la seconde est tirée de la violation des principes du contradictoire et du procès équitable.

–       Sur la première branche, tirée de la violation des principes d’impartialité et d’autonomie du fait d’un cumul des fonctions d’instruction et de sanction lors de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée

55      La requérante soutient, en substance, que les principes d’impartialité et d’autonomie ont été violés du fait d’un cumul des fonctions d’instruction et de sanction lors de la procédure ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, dans la mesure où la Commission s’est bornée à reprendre passivement les conclusions du pouvoir adjudicateur et de l’instance, ce qui aurait fait disparaître cette indispensable distinction des fonctions qui devrait exister entre le pouvoir adjudicateur, l’instance chargée d’instruire la proposition de décision et l’organe de l’Union chargé de prendre une décision susceptible de produire des effets à l’égard de tiers. Pareille violation et, partant, l’illégalité de la décision attaquée proviendraient du fait que l’instance aurait exprimé des appréciations et tiré des conclusions qui relèveraient exclusivement de la compétence de la Commission.

56      Selon la requérante, l’instance n’aurait dû remplir qu’une fonction de consultation et non formuler elle-même une proposition de sanction.

57      La requérante fait observer que l’absence d’impartialité et d’autonomie de la Commission ressort manifestement de la présentation identique des arguments invoqués par celle-ci dans ses diverses fonctions pendant les différentes phases. Elle présente également une demande de mesure d’instruction consistant à verser au dossier la copie de tous les « actes de la procédure de sanction » qui n’auraient pas été mis à sa disposition. Elle demande notamment que soit versé au dossier l’intégralité du procès-verbal de la réunion de la Commission au cours de laquelle la décision attaquée a été adoptée, ce qui permettrait d’établir si l’organe de décision est parvenu à sa conclusion de manière autonome, en se basant sur tous les éléments rassemblés au cours de la procédure par les services chargés de l’instruction.

58      Dans la réplique, la requérante souligne que, lorsque la sanction peut déjà en partie produire ses effets afflictifs, comme en l’espèce, il serait essentiel de respecter rigoureusement un principe de séparation des fonctions d’instruction et de sanction ab initio. À cet égard, elle précise que les effets de la décision attaquée n’ont pas été suspendus jusqu’à l’issue du présent recours, de sorte que ladite décision a commencé à produire ses effets dès le 7 mars 2018. Tout en admettant que cette décision n’a pas été publiée, elle relève que sa dénomination sociale aurait déjà été inscrite dans le système informatique de la Commission parmi celles des sociétés non fiables, et qu’il lui est, par conséquent, impossible de passer des marchés ou de conclure des contrats avec la Commission. À cet égard, elle demande au Tribunal d’ordonner à la Commission de produire, le cas échéant en insérant des omissis, la liste des dénominations sociales relatives à des sociétés non fiables, ce qui montrerait que sa dénomination sociale y figure déjà.

59      La requérante souligne également que, depuis les années 1970, l’interprétation de l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH ») a permis d’étendre les garanties des droits de la défense et du procès équitable aux procédures administratives lorsque la situation juridique de l’intéressé était affectée. Il s’ensuivrait manifestement que la procédure administrative est rendue accusatoire, par l’introduction notamment d’une pleine égalité des armes entre les parties, d’une claire séparation des phases d’instruction et de décision. La requérante cite notamment l’arrêt de la Cour EDH du 4 mars 2014, Grande Stevens et autres c. Italie (CE:ECHR:2014:0304JUD001864010), où il aurait été considéré, à l’unanimité, comme étant contraire à l’article 6 de la CEDH l’attribution des pouvoirs d’enquête et de décision à des organes qui, bien que différents, dépendaient en tout état de cause de la même personne.

60      La requérante cite également l’arrêt de la Cour EDH du 30 juin 2011, Messier c. France (CE:ECHR:2011:0630JUD002504107), dans lequel la Cour aurait précisé que la phase administrative d’une procédure de sanction devait revêtir un caractère contradictoire et garantir l’égalité des armes entre l’accusation et la défense en ce sens que, au cours de la procédure visant à l’imposition d’une sanction, l’autorité menant l’enquête était tenue de communiquer à la personne visée par la procédure de sanction toutes les preuves à charge comme celles à décharge, en invitant la partie adverse à s’exprimer pour lui permettre d’influer effectivement sur le résultat de la décision.

61      La Commission conteste ces arguments.

62      À titre liminaire, il convient d’observer que, parmi les garanties conférées par le droit de l’Union dans les procédures administratives, figure, notamment, le principe de bonne administration, consacré par l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner impartialement et équitablement tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98 et T‑212/98 à T‑214/98, EU:T:2003:245, point 404, et du 27 septembre 2012, Shell Petroleum e.a./Commission, T‑343/06, EU:T:2012:478, point 170). Il importe également de rappeler que la Commission ne saurait être qualifiée de « tribunal » au sens de l’article 6 de la CEDH, et que c’est ainsi l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, et non son article 47, qui régit les procédures administratives devant la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 154).

63      Il convient également de rappeler que le juge de l’Union considère que le cumul par la Commission des fonctions d’instruction et de sanction des infractions aux règles de concurrence, n’est pas en soi contraire à l’article 6 de la CEDH tel qu’il est interprété par la Cour EDH (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, points 33 et 34) et le Tribunal a considéré que cette situation ne constituait pas une violation de l’exigence d’impartialité dès lors que les décisions étaient soumises au contrôle du juge de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 27 juin 2012, Bolloré/Commission, T‑372/10, EU:T:2012:325, points 63 à 66). Par analogie, il y a lieu de retenir que lorsqu’un pouvoir adjudicateur, au sens du règlement financier, doit décider d’exclure ou pas un opérateur économique de la participation aux procédures de passation de marché régies par le règlement financier, il peut instruire les données du cas d’espèce et déterminer si la situation mérite une sanction.

64      Toutefois, si le pouvoir adjudicateur peut à la fois instruire les faits susceptibles de sanction et décider de la sanction appropriée, il n’en demeure pas moins que, en toute hypothèse, cette dernière doit être prise dans le respect de la procédure prévue par le règlement financier. En l’occurrence, la décision attaquée est une décision qui a été adoptée en application de l’article 106, paragraphe 2, dudit règlement, qui prévoyait que le pouvoir adjudicateur concerné adoptait sa décision dans l’exercice de son autonomie administrative en tenant compte de la recommandation rendue par l’instance.

65      À cet égard, il convient de rappeler que le règlement (UE, Euratom) no 2015/1929 du Parlement européen et du Conseil, du 28 octobre 2015 (JO 2015, L 286, p. 1), applicable à compter du 1er janvier 2016, a modifié le règlement financier en introduisant un système unique de détection rapide et d’exclusion mis en place et exploité par la Commission afin de protéger les intérêts financiers de l’Union. Ce système prévoyait que la décision d’exclure un opérateur économique de la participation aux procédures de passation de marché ou d’imposer une sanction financière et la décision de publier les informations correspondantes devaient être prises par le pouvoir adjudicateur concerné, compte tenu de son autonomie en matière administrative.

66      Il ressort également du considérant 10 du règlement 2015/1929, que la création d’une instance visait à garantir le fonctionnement cohérent du système d’exclusion. En effet, tel que cela a été souligné par la Commission, l’examen d’une situation d’exclusion, par un organe présidé par un membre permanent indépendant, garantissait que la décision ne soit pas prise isolément par chaque direction générale, mais de manière coordonnée et centralisée, de sorte que les opérateurs économiques bénéficient d’un traitement uniforme. Cette instance permettait ainsi d’assister le pouvoir adjudicateur dans sa prise de décision.

67      Contrairement à ce que prétend la requérante, il ressortait du règlement financier, en particulier de son article 108, paragraphe 9, que l’instance était invitée à formuler une proposition concrète en indiquant, notamment, la nécessité d’exclure l’opérateur économique concerné ainsi que la durée de l’exclusion qui lui semblerait appropriée, la nécessité d’imposer une sanction et son montant ou encore la nécessité de publier les informations relatives à l’opérateur économique qui faisait l’objet d’une exclusion.

68      Il y a lieu de constater que la décision attaquée a été prise dans le respect de la procédure prévue par le règlement financier. La recommandation de l’instance et la décision attaquée, ont été adoptées lors de deux phases distinctes. En effet, le 26 janvier 2018, l’instance a, conformément à l’article 108, paragraphe 9, du règlement financier, recommandé une période d’exclusion de trois années pour la requérante et la publication de cette exclusion sur le site Internet de la Commission puis, le 7 mars 2018, la Commission, après avoir obtenu la recommandation, a adopté une décision d’exclusion de la requérante pendant trois ans de la participation aux procédures de passation de marchés et d’octroi de subventions, financées par le budget général de l’Union et de la participation aux procédures d’octroi de fonds de la part du FED et de publication des informations relatives à cette exclusion, s’alignant ainsi sur les suggestions de l’instance.

69      S’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle une séparation entre les fonctions d’instruction et de sanction n’aurait pas été respectée au motif que la Commission se serait bornée à reprendre passivement les conclusions du pouvoir adjudicateur et de l’instance, il y a lieu de relever que le pouvoir adjudicateur concerné avait le choix de suivre ou pas la recommandation de l’instance. En ce sens, l’article 105 bis, paragraphe 2 et l’article 108, paragraphe 9, du règlement financier visaient expressément la situation où le pouvoir adjudicateur prendrait une décision qui ne correspondrait pas à la recommandation de l’instance. L’article 105 bis, paragraphe 2, dudit règlement disposait que, lorsque le pouvoir adjudicateur décidait de s’écarter de la recommandation émise par l’instance, il justifiait cette décision auprès d’elle et l’article 109, paragraphe 9, de ce règlement visait les principes à respecter lorsque le pouvoir adjudicateur envisageait de prendre une décision plus sévère que ce que l’instance avait recommandé.

70      Les dispositions mentionnées au point 69 ci‑dessus démontrent que le pouvoir adjudicateur concerné pouvait prendre tant une décision correspondant à la recommandation de l’instance qu’une décision différente de celle-ci. Ainsi, le fait que les conclusions figurant dans la décision attaquée et les arguments à l’appui de celles-ci soient identiques aux observations formulées par l’instance ne saurait pas, à elles seules, remettre en cause l’autonomie dudit pouvoir adjudicateur dans l’adoption de ladite décision.

71      Dès lors, l’argumentation de la requérante prise du non-respect d’une séparation entre les fonctions d’instruction et de sanction ne saurait prospérer.

72      Dans la réplique, la requérante, après avoir relevé que la non-suspension des effets d’une sanction renforce la nécessité du respect d’une séparation des fonctions d’instruction et de sanction, souligne que les effets de la décision attaquée n’ont pas été suspendus jusqu’à l’issue du présent litige, alors qu’ils auraient dû l’être et précise que si ladite décision n’a pas été publiée, sa dénomination sociale a néanmoins été inscrite dans le système informatique de la Commission comme faisant partie des sociétés non fiables. À cet égard, elle demande au Tribunal d’ordonner à la Commission la production de la liste des dénominations sociales relatives à des sociétés non fiables, ce qui montrerait que sa dénomination sociale y figure déjà.

73      Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la recevabilité de cet argument, il suffit de relever que, aux termes de l’article 278 TFUE, les recours formés devant la Cour de justice n’ont pas d’effet suspensif. Pour obtenir la suspension des effets de la décision attaquée, la requérante aurait dû, parallèlement à la formation du présent recours, introduire une demande de sursis à l’exécution de cette décision en vertu de l’article 156 du règlement de procédure. Une telle demande n’ayant pas été introduite, la décision a donc normalement déployé ses effets depuis son adoption. Par ailleurs, l’autonomie du pouvoir adjudicateur concerné dans l’adoption de la décision attaquée n’ayant pas été valablement remise en cause (voir point 71 ci‑dessus), la requérante ne saurait utilement faire valoir au soutien de son argumentation prise du non-respect d’une séparation des fonctions d’instruction et de sanction que ce respect était d’autant plus important en l’espèce que les effets de ladite décision n’ont pas été suspendus jusqu’à l’issue du présent litige. Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la liste mentionnée au point 72 ci‑dessus que la requérante demande de produire. Pareille demande doit donc être également rejetée.

74      Au demeurant, il y a lieu de souligner que la requérante pouvait être informée, au titre de l’article 108, paragraphe 1, troisième alinéa, du règlement financier, des données stockées dans la base de données mentionnée dans cet article.

75      S’agissant de la demande de mesure d’instruction visant à obtenir des documents n’ayant pas été mis à la disposition de la requérante, d’une part, eu égard à la conclusion qui précède rejetant un prétendu non‑respect d’une séparation entre les fonctions d’instruction et de décision, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de considérer que la production de documents, dont l’objectif était de démontrer l’absence d’autonomie de la Commission, ne saurait remettre en cause l’autonomie dudit pouvoir adjudicateur dans l’adoption de la décision attaquée (voir point 70 ci‑dessus). D’autre part, il y a lieu de constater que la requérante pouvait faire usage de la procédure d’accès aux documents prévue dans le règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43).

–       Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe du contradictoire et du procès équitable

76      La requérante conteste le fait que le contenu de ses observations complémentaires présentées auprès de l’instance le 19 janvier 2018 n’ait pas été pris en considération au motif que celles-ci étaient prétendument parvenues au-delà du délai imparti, qui serait d’ailleurs un pur délai d’ordre et non un délai de forclusion. Elle reproche également à la Commission de ne pas avoir été entendue en audience publique alors qu’elle avait expressément formulé cette demande dans lesdites observations.

77      La requérante invoque également la jurisprudence de la Cour EDH qui a déclaré non conforme à l’article 6 CEDH des procédures administratives en l’absence d’audience publique (Cour EDH, 4 mars 2014, Grande Stevens et autres c. Italie, CE:ECHR:2014:0304JUD001864010).

78      La Commission conteste ces arguments.

79      En premier lieu, s’agissant du rejet de la demande d’être entendue faite auprès de l’instance par la requérante, il ne saurait être considéré comme un vice de procédure entachant la décision attaquée dans la présente affaire.

80      Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence bien établie, le droit d’être entendu, énoncé à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 39 et jurisprudence citée). En outre, tel que cela est relevé au point 62 ci-dessus, la Commission ne saurait être qualifiée de « tribunal » au sens de l’article 6 de la CEDH.

81      Le droit d’être entendu conféré à tout destinataire d’une décision lui faisant grief poursuit un double objectif : d’une part, il sert à l’instruction du dossier et à l’établissement des faits le plus précisément et correctement possible et, d’autre part, il permet d’assurer une protection effective de l’intéressé. Le droit d’être entendu vise en particulier à garantir que toute décision faisant grief est adoptée en pleine connaissance de cause et a notamment pour objectif de permettre à l’autorité compétente de corriger une erreur ou à la personne concernée de faire valoir les éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent pour que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (voir, en ce sens, arrêts du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, point 49 ; du 3 juillet 2014, Kamino International Logistics et Datema Hellmann Worldwide Logistics, C‑129/13 et C‑130/13, EU:C:2014:2041, point 38, et du 11 décembre 2014, Boudjlida, C‑249/13, EU:C:2014:2431, point 37).

82      À cet égard, l’article 108, paragraphe 8, sous c), du règlement financier prévoyait que l’instance, avant d’adopter sa recommandation, permettait à l’opérateur économique de soumettre ses observations. L’article 11, paragraphe 4, de la décision 2015/2463 précisait que l’opérateur économique soumettait ses observations au secrétariat par écrit sous la forme d’un fichier électronique.

83      Il ressort du point 46 de la décision attaquée que la requérante a exercé son droit à être entendue en soumettant des observations écrites conformément aux dispositions mentionnées au point 82 ci-dessus. L’objectif de ce droit, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 80 ci-dessus, étant de faire connaître son point de vue, il peut être exercé tant à l’oral qu’à l’écrit. En tout état de cause, le règlement financier et la décision 2015/2463 ne comportaient aucune obligation d’accorder une demande d’audition en sus des observations écrites. Il en résulte que la Commission n’a pas violé le droit d’être entendu de la requérante, étant donné que, conformément auxdits textes, la Commission lui a donné l’occasion de faire connaître son point de vue par écrit, possibilité qu’elle a effectivement utilisée (voir, par analogie, arrêt du 29 octobre 1980, van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, non publié, EU:C:1980:248, point 18). Dès lors, le refus d’accorder une demande d’audition ne saurait entraîner l’illégalité de la décision attaquée.

84      En second lieu, en ce qui concerne le rejet des observations complémentaires transmises à l’instance par la requérante, il y a lieu de relever que l’article 108, paragraphe 8, sous c), du règlement financier prévoyait que l’opérateur économique disposait d’un délai d’au moins 15 jours pour soumettre des observations. En l’occurrence, l’instance, prenant en considération la période des fêtes de fin d’année, a alloué à la requérante un délai de 24 jours, soit jusqu’au 5 janvier 2018, pour présenter des observations. Les observations de la requérante ont finalement été soumises le 8 janvier 2018, à savoir en dehors du délai imparti, mais ont cependant été acceptées. Il est précisé, au point 46 de la décision attaquée, que leur prise en compte a été possible, parce que la réunion de l’instance avait lieu le 11 janvier 2018.

85      Il y a lieu de considérer que l’instance est tenue de mettre l’opérateur économique en mesure de présenter des observations, mais qu’elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire quant à l’acceptation d’observations supplémentaires arrivant en dehors du délai imparti. En effet, force est de constater également que le règlement financier et le règlement intérieur de l’instance ne prévoyaient pas la possibilité pour l’opérateur économique de déposer des observations additionnelles, à sa seule initiative et après l’expiration du délai accordé pour déposer des observations. En l’espèce, l’instance a dûment justifié son refus. Il ressort en effet de la décision attaquée que les observations additionnelles ont été versées 14 jours après le délai alloué et 4 jours après la tenue de la réunion de l’instance. En outre, il est indiqué dans la décision attaquée que ces observations supplémentaires contenaient des informations dont la requérante avait connaissance le 8 janvier 2018 lors du dépôt des observations initiales, ce qui n’a pas été contesté par cette dernière. Il s’ensuit que le refus de ces observations additionnelles par l’instance ne peut être considéré comme une violation du droit à être entendu de la requérante.

86      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas démontré que la décision attaquée était entachée d’irrégularités procédurales. En conséquence, il convient de rejeter le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen

87      La requérante considère, en substance, que la Commission n’a pas correctement apprécié la conduite du pouvoir adjudicateur ni, partant, constaté que la décision attaquée était entachée d’un excès de pouvoir, d’un défaut de motivation ainsi que d’erreurs d’appréciation et d’une violation ou application erronée de certains principes du droit européen des contrats, applicables en vertu de l’article 41 des conditions générales du contrat.

88      La requérante conteste les faits énoncés au point 22 de la décision attaquée et considère que c’est à tort que la Commission retient, aux points 24, 25 et 49 de cette décision, en s’appuyant sur les affirmations du pouvoir adjudicateur, que les biens du nouveau fournisseur proposé n’auraient pas été conformes aux spécifications techniques et auraient été de qualité inférieure à ceux du fournisseur initial étant donné leur moindre coût. En outre, ladite décision serait également entachée d’une erreur en ce que la Commission affirmerait, en ses points 49, 52 et 58, que le pouvoir adjudicateur a amplement et suffisamment motivé son refus. À cet égard, la requérante soutient que les motifs invoqués par le pouvoir adjudicateur étaient d’ordre général et qu’elle les a réfutés avec précision en s’appuyant sur des expertises techniques exhaustives.

89      La requérante souligne également que la non-conformité des marchandises avec les réglementations techniques de l’Union économique eurasiatique (UEEA) et l’absence de marquage CE représentent des défauts de conformité seulement « apparents » qui ne peuvent avoir aucune pertinence concrète aux fins du contrat et de la qualité des biens dont la fourniture était proposée.

90      De surcroît, la requérante relève qu’elle a demandé à plusieurs reprises la tenue d’une réunion technique qui, de manière incompréhensible, aurait toujours été refusée par le pouvoir adjudicateur et que la Commission n’a pas justifié son refus d’accueillir sa demande d’une expertise technique supplémentaire. À cet égard, elle demande au Tribunal d’ordonner une expertise technique supplémentaire par rapport aux expertises qu’elle a déjà transmises, en vue d’établir si les nouvelles marchandises proposées remplissaient les conditions techniques prévues par le contrat.

91      S’agissant du défaut de remplacement de la garantie de bonne exécution, la requérante souligne que, lorsque le pouvoir adjudicateur lui a demandé de remplacer la garantie, elle n’a pas été en mesure de le faire à cause du changement des conditions économiques dans lesquelles elle exerçait son activité et parce qu’elle ne disposait pas des sommes que la Commission aurait elle-même dû lui accorder dans le cadre d’un contrat relatif à une fourniture de sucre en Mauritanie.

92      La Commission constate que la requérante a annoncé dans la requête que le deuxième moyen concernait la violation ou l’application erronée des principes du droit européen des contrats. À cet égard, elle considère que, en l’absence d’un développement suffisant des arguments juridiques à l’appui du deuxième moyen tiré de la violation de tels principes, il y a lieu de rejeter ce moyen, tel qu’il est qualifié par la requérante, comme irrecevable au motif qu’il est contraire aux dispositions de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

93      Sur la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, la requérante estime qu’elle a clairement exposé les moyens relatifs à l’illégalité de la décision attaquée et les a présentés par leur substance en précisant qu’elle reproche surtout à la Commission d’avoir apprécié de manière erronée l’exercice du pouvoir d’appréciation par le pouvoir adjudicateur qui, a refusé le remplacement des marchandises de manière injustifiée, refus qui aurait entraîné le défaut d’exécution du contrat.

94      La requérante souligne également, dans la réplique, que le Tribunal dispose, en tout état de cause, d’une compétence de pleine juridiction pour apprécier non seulement la légalité de l’acte en soi, mais également la mise en œuvre correcte, sur le fond, du processus décisionnel de l’autorité administrative et relève que si le juge considère que l’ensemble des données prises en considération n’est pas susceptible de fonder les résultats de l’appréciation technique complexe, il doit s’en écarter.

–       Sur la recevabilité du deuxième moyen

95      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, dudit statut, et à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Indépendamment de toute question de terminologie, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable au regard des dispositions susmentionnées, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible de la requête elle-même (voir ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 20 et jurisprudence citée).

96      Plus particulièrement, s’il convient d’admettre, d’une part, que l’énonciation des moyens du recours n’est pas liée à la terminologie et à l’énumération du règlement de procédure et, d’autre part, que la présentation de ces moyens, par leur substance plutôt que par leur qualification légale, peut suffire, c’est à la condition toutefois que lesdits moyens se dégagent de la requête avec suffisamment de netteté. En outre, la seule énonciation abstraite des moyens dans la requête ne répond pas aux exigences du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure, et les termes « exposé sommaire des moyens », employés dans ces textes, signifient que la requête doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé (voir ordonnance du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, EU:T:1993:39, point 21 et jurisprudence citée).

97      En l’espèce, la requête contient une partie intitulée « Bref exposé des moyens à la base du présent recours » dans laquelle la requérante énonce ses trois moyens. Elle indique que le deuxième moyen est tiré d’une violation ou application erronée des principes du droit européen des contrats, élaborés par la Commission sur le droit européen des contrats, dite « Commission Lando », qui seraient applicables en vertu de l’article 41 des conditions générales du contrat et cite les articles relatifs au devoir de collaboration (article 1 :202), au préjudice imputable au créancier (article 9 :504), à la réduction du préjudice (article 9 :505) et au changement de circonstances (article 6 :111). Cependant, dans la partie suivante de la requête où l’argumentation au soutien de chacun des moyens est exposée, il y a lieu de constater que, si la requérante développe des arguments visant le caractère erroné de certaines constatations contenues dans la décision attaquée, elle n’étaye aucunement sa position sur la violation des principes du droit européen des contrats susmentionnés.

98      Ainsi, dans la mesure où le Tribunal ne peut procéder par voie de conjectures pour comprendre les points de la décision attaquée qui constitueraient une violation des principes du droit européen des contrats, il y a lieu de déclarer la requête irrecevable en ce que le deuxième moyen vise la violation ou l’application erronée de tels principes.

99      S’agissant de la référence faite par la requérante dans la réplique à la compétence de pleine juridiction du Tribunal qui lui permettrait de réexaminer intégralement la décision attaquée, il suffit de constater qu’elle est sans conséquence sur l’appréciation de la recevabilité d’un moyen invoqué à l’appui de la demande en annulation.

100    Par ailleurs, il ressort clairement de la substance de l’argumentation de la requérante développée dans le cadre du deuxième moyen que cette dernière demande, également, au Tribunal d’examiner si la décision attaquée repose sur des considérations factuelles erronées. À cet égard, d’une part, elle invoque en particulier le caractère erroné de ladite décision en ce que la Commission a constaté la non-conformité des marchandises de remplacement et la motivation suffisante du pouvoir adjudicateur quant à son refus d’accepter le nouveau fournisseur proposé et, d’autre part, elle tente de justifier le défaut de remplacement de la garantie de bonne exécution, estimant qu’il ne lui est pas imputable. Au surplus, elle invoque un excès de pouvoir et un défaut de motivation dont cette décision serait entachée.

101    En ce qui concerne l’excès de pouvoir, en application du principe énoncé au point 96 ci-dessus, la requérante l’invoque de manière abstraite sans énoncer une critique particulière permettant au Tribunal d’y répondre. Il y a donc lieu de rejeter ce grief. En conséquence, le deuxième moyen est uniquement recevable en ce qu’il vise un défaut de motivation et des erreurs d’appréciation.

–       Sur les griefs pris d’un défaut de motivation et d’erreurs d’appréciation

102    En premier lieu, en ce qui concerne le défaut de remplacement de la garantie de bonne exécution, l’argumentation de la requérante ne saurait aboutir à remettre en cause la légalité de la décision attaquée en ce sens que la requérante ne critique aucunement le point 60 de la décision attaquée dans lequel il est indiqué que la crise économique en Italie ne constitue pas un cas de force majeure dans la mesure où une telle situation n’était pas imprévisible. En outre, les arguments relatifs à des sommes qui auraient dû être versées à la requérante par l’Union sont inopérants dans la mesure où ils n’ont pas été pris en considération dans la décision attaquée du fait de leur présentation tardive (voir point 85 ci-dessus).

103    En second lieu, en ce qui concerne les marchandises du nouveau fournisseur proposé, il y a lieu de constater que la requérante soulève plusieurs critiques.

104    Premièrement, en ce qui concerne le point 22 de la décision attaquée, il y a lieu de constater que la requérante a fait une lecture erronée dudit point dans la mesure où elle considère que les informations contradictoires auxquelles fait référence la Commission dans ce point concernaient la possibilité de livrer les marchandises dans le délai d’une semaine alors qu’elles concernaient, de manière générale, les informations qu’elle avait fournies jusqu’à la fin de l’année 2015, notamment celles contenues dans le courrier du 20 novembre 2015. En effet, la Commission a uniquement relevé dans le point en question que la requérante avait indiqué que les marchandises du lot no 9 avaient été commandées et étaient prêtes à être livrées en dépit du rejet de la demande de remplacement de fournisseur pour ce lot. Par conséquent, le même point n’est pas entaché d’une erreur d’appréciation.

105    Deuxièmement, en ce qui concerne le point 24 de la décision attaquée, dans lequel la Commission observe que, le 9 février 2016, le pouvoir adjudicateur a informé la requérante que les rapports de « calibration », transmis par cette dernière, montraient qu’un nombre considérable d’éléments ne correspondaient pas aux spécifications techniques du contrat et que le 15 février 2016 la requérante reconnaissait qu’il y avait une erreur dans le rapport officiel de « calibration » pour l’élément no 4, il ressort de l’annexe B.13 versée au dossier que, par un courriel du 15 février 2016, la requérante, d’une part, a reconnu que certaines spécifications techniques manquaient ou ne correspondaient pas aux spécifications techniques du contrat et que ces données nécessitaient des tests spécifiques affectant le prix des marchandises et, d’autre part, s’est excusée pour une erreur concernant une des informations transmises à propos de l’élément no 4. Partant, contrairement à ce que la requérante allègue, ce point n’est pas entaché d’une erreur d’appréciation.

106    Troisièmement, au point 25 de la décision attaquée, la Commission a constaté que, sur la base d’informations publiques, le pouvoir adjudicateur avait informé la requérante que les prix sur le marché des nouvelles marchandises proposées étaient considérablement plus bas que le prix des marchandises initialement acceptées dans le contrat, ce qui pouvait remettre en question la décision d’attribution et a également relevé que l’invitation adressée à la requérante de partager des informations complémentaires sur ce point était restée sans réponse. À cet égard, la requérante soutient que cette constatation est dénuée de pertinence, car l’avis de marché n’aurait prévu aucune obligation en ce sens. Le seul élément pertinent était, selon elle, la conformité des marchandises avec les spécifications techniques du contrat.

107    Il convient de relever que les constatations faites au point 25 de la décision attaquée ne sont pas erronées. En effet, les remarques relatives aux prix des marchandises, telles qu’elles sont énoncées dans ladite décision, ressortent du courriel du pouvoir adjudicateur du 9 février 2016 adressé à la requérante. En outre, la lettre du pouvoir adjudicateur du 23 mars 2016 fait état de cette problématique relative au prix en précisant qu’une demande de renseignements, en date du 22 février 2016, et visant les prix du nouveau fournisseur proposé, était restée sans réponse de la part de la requérante. En ce qui concerne la pertinence de la constatation relative aux prix des marchandises, il est indiqué dans ladite lettre que le pouvoir adjudicateur est obligé de vérifier si le prix des marchandises produites par un nouveau fournisseur est en relation avec le prix du marché et précise que cette vérification des prix doit être respectée au regard des règles contenues à l’article 22.7 des conditions générales du contrat. Ainsi, ce point n’est pas entaché d’une erreur d’appréciation.

108    Quatrièmement, en ce qui concerne les arguments de la requérante soutenant que les défauts de conformité des nouvelles marchandises proposées eu égard au marquage de conformité eurasiatique (EAC) et du marquage CE ne sauraient avoir de conséquence sur la qualité desdites marchandises et l’exécution du contrat, il y a lieu de relever que cette argumentation est inopérante dans la mesure où ces éléments n’ont eu aucune influence sur la conclusion adoptée par la Commission dans la décision attaquée.

109    En effet, il ressort des points 53 et 54 de la décision attaquée que, d’une part, la Commission a retenu que le pouvoir adjudicateur avait expliqué à suffisance dans sa lettre du 26 août 2016 que, s’agissant du marquage EAC, il n’y avait pas eu de changements juridiques et de nouvelles exigences après la signature du contrat qui auraient pu potentiellement avoir une influence sur l’exécution du contrat et, d’autre part, que l’absence de marquage CE n’a pas été retenue dans l’évaluation de la sanction.

110    Cinquièmement, s’agissant de l’absence de l’organisation d’une réunion technique, il y a lieu de constater que la requérante n’émet pas de critique particulière envers la décision attaquée et reste, au demeurant, en défaut d’expliquer de quelle manière l’absence de cette réunion pourrait entacher la légalité de la décision attaquée.

111    Sixièmement, aux points 49, 52 et 58 de la décision attaquée, la Commission estime que le pouvoir adjudicateur a motivé in extenso et suffisamment le rejet de la demande de changement de fournisseur pour le lot no 9. Il y a lieu de constater que le point 49 de ladite décision fait référence au point 48 de cette décision dans lequel sont listés tous les courriers expliquant en détail les raisons pour lesquels les marchandises proposées n’étaient pas conformes selon le pouvoir adjudicateur. Le point 52 de la même décision se réfère également au point précédent qui énumère les commentaires faits par le pouvoir adjudicateur à propos des documents techniques soumis par la requérante. Enfin, au point 58 de la décision en question, il est fait référence au point 39 de la même décision dans lequel la réponse du pouvoir adjudicateur du 1er juin en réponse à la lettre de la requérante du 23 mai 2016 est reprise.

112    Il s’ensuit que c’est à juste titre que, dans les points concernés, la Commission a retenu que le pouvoir adjudicateur avait amplement et suffisamment motivé son refus des nouvelles marchandises proposées. La requérante n’explique pas spécifiquement la raison pour laquelle la motivation du pouvoir adjudicateur aurait été insuffisante, d’autant plus qu’elle soutient avoir réfuté avec précision chaque motif d’ordre technique invoqué par le pouvoir adjudicateur et reconnaît ainsi avoir pu répondre aux arguments du pouvoir adjudicateur.

113    Septièmement, s’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle la Commission n’a pas apprécié de manière correcte les documents qu’elle avait soumis, notamment les expertises techniques, et a constaté à tort que les nouvelles marchandises proposées n’étaient pas conformes au contrat dans la mesure où aucune raison valable ne justifiait le refus du pouvoir adjudicateur, il y a lieu de retenir que le pouvoir adjudicateur dispose d’une marge d’appréciation en ce qui concerne l’appréciation du manquement pouvant aboutir à une déclaration de manquement grave à une obligation essentielle dans l’exécution d’un contrat (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2013, GRP Security/Cour des comptes, T‑87/11, non publié, EU:T:2013:161, point 61). À cet égard, le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, ordonnance du 10 novembre 2016, Brouillard/Cour de justice de l'Union européenne, C‑590/15 P, non publiée, EU:C:2016:872, point 63 ; voir, en ce sens, également, arrêts du 22 avril 2009, CESD-Communautaire/Commission, T‑286/05, non publié, EU:T:2009:109, point 104, et du 22 avril 2009, CESD-Communautaire/Commission, T‑289/06, non publié, EU:T:2009:110, point 99). Par conséquent, en ce qui concerne le reproche fait à la Commission d’avoir constaté que les nouvelles marchandises proposées n’étaient pas conformes aux spécifications techniques du contrat, il convient de constater que la requérante reste en défaut de démontrer une erreur manifeste d’appréciation.

114    En effet, alors que le pouvoir adjudicateur a, de manière continue, indiqué à la requérante que la terminologie des caractéristiques des nouvelles marchandises proposées devait correspondre à celle de l’avis de marché, il y a lieu de constater que les expertises soumises par la requérante, tant avant qu’après la résiliation du contrat, présentaient toujours des marchandises avec des caractéristiques qui ne correspondaient ni aux spécifications techniques du contrat ni aux marchandises initialement acceptées lors de l’adjudication. Dans sa lettre du 26 août 2016, le pouvoir adjudicateur a illustré ces différences en mentionnant quelques exemples concrets.

115    La requérante reproduit dans la requête les réponses apportées aux observations contenues dans la lettre du pouvoir adjudicateur du 26 août 2016 concernant certaines nouvelles marchandises proposées. Tout en admettant des différences concernant certaines données, notamment en ce qui concerne les unités de mesure de puissance électrique kW et kVA, elle soutient, en se reposant sur des avis d’experts qu’elle a commissionnés, que lesdites marchandises restent conformes aux spécifications techniques et que ces différences sont dues aux mesures utilisées par le constructeur de ces marchandises. Le pouvoir adjudicateur, lui-même assisté d’experts, a soutenu dès la première demande de remplacement du fournisseur pour le lot no 9 que les unités de mesure susmentionnées n’étaient pas équivalentes. À cet égard, il convient de relever qu’il existe une différence objective entre les données soumises par la requérante et les spécifications techniques du contrat et que, en conséquence, la Commission pouvait raisonnablement conclure que la non-conformité des marchandises du nouveau fournisseur proposé avec les spécifications techniques du contrat était établie et, partant, que le refus était justifié sans qu’il soit besoin de réaliser une expertise technique supplémentaire.

116    S’agissant de la demande d’une expertise technique supplémentaire, contrairement à ce que prétend la requérante, la Commission a justifié son refus d’y procéder au point 56 de la décision attaquée.

117    En tout état de cause, à supposer même que les appréciations de la Commission soient erronées s’agissant de la conformité des nouvelles marchandises proposées avec les exigences techniques concernées, le contrat n’aurait pas, pour autant, pu être exécuté. En effet, une telle conclusion n’aurait pas apporté de solution s’agissant de la problématique du prix des marchandises pour laquelle la requérante restait en défaut d’apporter les éléments nécessaires.

118    Au demeurant, une telle conclusion ne remettrait également pas en cause les manquements aux articles 9.4, 9.6, 20.1, 20.2, 11.5 et 11.6 des conditions générales du contrat visant les deux lots concernés par le contrat et considérés, individuellement ou collectivement, dans la décision attaquée comme de graves manquements commis par la requérante. Par ailleurs, il y a lieu de constater que, aux points 68 et 70 de la décision attaquée, la Commission fait référence aux points 22, 24 et 25 de la même décision qui, comme cela a été développé ci-dessus, ne contiennent pas d’erreurs.

119    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure que la Commission a motivé à suffisance de droit la décision attaquée et que celle-ci ne s’est pas fondée sur des faits établis ou appréciés de manière erronée.

120    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les résultats d’une expertise technique supplémentaire au regard des expertises que la requérante a transmises.

121    Dans ces circonstances, il convient de rejeter le deuxième moyen sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la demande de mesure d’instruction formulée par la requérante.

 Sur le troisième moyen

122    La requérante constate que la décision attaquée a infligé la sanction maximale applicable, d’une durée de trois ans, prévue à l’article 106, paragraphe 14, sous c), du règlement financier et considère que cette sanction viole le principe de proportionnalité consacré à l’article 5 TUE étant donné le contexte de la présente affaire.

123    S’agissant des difficultés d’exécution du contrat dues, selon la requérante, au non-paiement par l’Union de la fourniture de sucre en Mauritanie, elle relève que, si les observations à ce propos devaient être considérées comme étant tardives en raison de leur présentation au-delà du délai imparti par l’instance, elles pourraient tout de même être prises en compte par le Tribunal.

124    La Commission considère que le troisième moyen doit être rejeté comme irrecevable. En tout état de cause, elle considère que la durée maximale de l’exclusion proposée par l’instance et décidée par la Commission est conforme aux critères de proportionnalité prévus à l’article 106, paragraphe 3, du règlement financier.

125    L’article 106, paragraphe 3, du règlement financier disposait ce qui suit :

« Toute décision du pouvoir adjudicateur prise en vertu des articles 106 à 108 ou, selon le cas, toute recommandation de l’[instance] est établie dans le respect du principe de proportionnalité, et compte tenu notamment de la gravité de la situation, y compris l’incidence sur les intérêts financiers et la réputation de l’Union, du temps écoulé depuis la constatation de la conduite en cause, de sa durée et de sa répétition éventuelle, de l’intention ou du degré de négligence, du faible montant en jeu en ce qui concerne la situation visée au paragraphe 1, [sous] b), du présent article ou de toute autre circonstance atténuante, telle que la coopération de l’opérateur économique avec l’autorité compétente concernée et sa contribution à l’enquête, telles qu’attestées par le pouvoir adjudicateur, ou la communication de la situation d’exclusion au moyen de la déclaration visée au paragraphe 10 du présent article. »

126    En l’espèce, il est mentionné au point 80 de la décision attaquée que la durée d’exclusion de trois années a été justifiée par six éléments : premièrement, la gravité des faits ayant entrainé l’inexécution de l’objet du contrat, deuxièmement, le non-respect répété des délais convenus, troisièmement, le non-remplacement de la garantie de bonne exécution émise par un garant non autorisé pour garantir les obligations contractuelles de la requérante, quatrièmement, l’impact sur les intérêts financiers de l’Union correspondant à un montant de 434 146,06 euros résultant de la résiliation du contrat, cinquièmement, l’impact sur l’image de l’Union, en particulier, sur l’image du pouvoir adjudicateur à l’égard des autorités nationales d’un pays tiers et du bénéficiaire et, sixièmement, l’impact sur la procédure de passation de marché étant donné que le pouvoir adjudicateur doit relancer une procédure pour l’attribution des lots concernés.

127    Il y a lieu de constater que, dans la requête, aucune argumentation n’est étayée quant aux éléments que la Commission aurait dû prendre en compte pour conclure à une durée moindre de l’exclusion. Ainsi, le simple fait d’alléguer qu’une décision est injuste et excessive étant donné le contexte, sans autre précision, ne saurait satisfaire aux prescriptions de l’article 76, sous d) du règlement de procédure qui obligent, sous peine d’irrecevabilité, à énoncer clairement les moyens et les arguments sur lesquels le recours est basé. La requérante ne critique d’ailleurs aucun des éléments cités au point 126 ci-dessus qui ont justifié la durée de l’exclusion décidée.

128    En outre, s’agissant de la demande de prise en compte par le Tribunal des arguments présentés par la requérante dans ses observations écrites du 19 janvier 2018, il convient de constater que, dans le cadre du premier moyen, l’irrecevabilité desdites observations devant l’instance a été considérée comme fondée. En conséquence, dans la mesure où le Tribunal doit examiner la légalité de la décision attaquée, il ne peut apprécier celle-ci que sur la base des éléments pris en compte lors de son adoption.

129    Le présent moyen est dès lors irrecevable.

130    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante dans la réplique qui vise à démontrer que la mesure d’exclusion a été adoptée sans tenir compte des efforts qu’elle a déployés en vue de préserver le contrat ni du dommage irréparable qu’une exclusion de trois ans lui causerait.

131    En effet, la recevabilité, admise par la jurisprudence des moyens et des arguments avancés dans la réplique à titre d’ampliation de moyens contenus dans la requête ne saurait être invoquée dans le but de pallier un manquement, intervenu lors de l’introduction du recours, aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, sauf à vider cette dernière disposition de toute portée (voir ordonnance du 9 janvier 2015, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑482/12, non publiée, EU:T:2015:19, point 39 et jurisprudence citée).

132    Eu égard à ce qui précède, il convient de considérer le troisième moyen comme irrecevable.

133    Il résulte ainsi de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

134    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

135    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Agmin Italy SpA est condamnée aux dépens.

Costeira

Berke

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mai 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.