ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

3 mai 2017 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Développement, maintenance, évolution et services d’assistance pour des sites Internet – Rejet d’une offre d’un soumissionnaire – Offre reçue déjà ouverte – Article 111, paragraphe 4, sous b), du règlement financier »

Dans l’affaire T‑200/16,

Gfi PSF Sàrl, établie à Leudelange (Luxembourg), représentée par Me F. Moyse, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes S. Delaude et S. Lejeune, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des décisions des 2 et 16 mars 2016 de l’Office des publications de l’Union européenne (OP) rejetant l’offre soumise par la requérante dans le cadre d’un appel d’offres concernant, notamment, le développement, la maintenance, l’évolution et les services d’assistance pour les sites Internet de cet office (JO 2015/S 251‑459901) ainsi que, pour autant que de besoin, de la décision confirmative de l’OP du 22 avril 2016 et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait subi du fait de ces décisions,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 15 mars 2017,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Par un avis de marché du 29 décembre 2015, publié au Supplément du Journal officiel de l’Union européenne (JO 2015, S 251) sous la référence 2015/S 251‑459901, l’Office des publications de l’Union européenne (OP) a lancé l’appel d’offres AO 10573, relatif à un marché divisé en deux lots, dont le premier portait sur le développement, la maintenance, l’évolution et les services d’assistance pour les sites Internet. Conformément à l’invitation à soumissionner et au corrigendum publié audit supplément le 9 janvier 2016 (JO 2016, S 6) sous la référence 2016/S 006‑006034 (ci-après l’« invitation à soumissionner »), la date ultime pour l’envoi ou le dépôt des offres a été fixée au 24 février 2016 et la date d’ouverture des offres au 2 mars 2016.

2        L’invitation à soumissionner contenait, à son point 4, les indications suivantes :

« L’offre doit être placée dans deux enveloppes fermées [...]. L’enveloppe intérieure doit porter l’indication suivante : “A[ppel d’offres – ne doit pas être ouvert par le service interne du courrier]”.

L’enveloppe intérieure doit également contenir deux enveloppes fermées, l’une contenant l’offre technique et l’autre l’offre financière. Chacune de ces enveloppes doit indiquer clairement le contenu (“Technique” et “Financier”). »

3        À la suite d’une demande d’informations complémentaires relative à ce point de l’invitation à soumissionner, l’OP a donné, dans le cadre de sa réponse publique, les précisions suivantes :

« Votre offre technique doit être placée dans une enveloppe (a) et votre offre financière doit être placée dans une autre enveloppe (b).

Ces deux enveloppes (a + b) doivent être placées ensemble dans une troisième enveloppe (c). Cette troisième enveloppe (c) doit porter l’indication : “A[ppel d’offres – ne doit pas être ouvert par le service interne du courrier]” et doit être placée dans une quatrième enveloppe (d).

Cette quatrième enveloppe (d) est celle qui doit être soit envoyée par courrier recommandé ou service de courrier, soit présentée comme indiqué dans la lettre d’invitation.

[...]

Il n’y a pas d’exigence spécifique pour les deux enveloppes internes (a et b). L’enveloppe intermédiaire (c) doit être scellée de telle manière que toute tentative d’ouverture soit immédiatement décelable. L’enveloppe externe (d) doit assurer que votre offre atteigne les locaux de l’[OP] en bon état. »

4        La requérante, Gfi PSF Sàrl, a confié à l’entreprise de transports UPS l’acheminement d’un envoi contenant son offre relative au lot 1 du marché public concerné. Il est constant que cet envoi était constitué de quatre contenants : la première protection, correspondant à l’enveloppe désignée par la lettre « d » dans la réponse publique de l’OP mentionnée au point précédent du présent arrêt, décrite comme un « paquet-pli », renfermait une enveloppe générale portant la mention « appel d’offres – à ne pas ouvrir par le service du courrier », correspondant à l’enveloppe désignée par la lettre « c » dans cette réponse. Cette enveloppe générale renfermait elle-même, d’une part, deux enveloppes, l’une contenant l’offre financière et l’autre l’offre technique, correspondant, respectivement, aux enveloppes désignées par les lettres « b » et « a » dans la réponse publique de l’OP mentionnée au point précédent du présent arrêt, ainsi que, d’autre part, un ou plusieurs classeurs.

5        Conformément au récépissé établi électroniquement par le coursier agissant pour UPS, intitulé « Preuve de livraison » (ci-après le « récépissé électronique »), l’envoi contenant l’offre de la requérante a été remis à UPS le 24 février 2016 et présenté par ledit coursier le lendemain, 25 février 2016, à 9 h 50, au siège de l’OP. Sur ledit récépissé, à la suite de l’indication « Signé par » figure le nom « S[.] » et l’espace situé en dessous de cette mention comporte une signature.

6        Le 25 février 2016 également, un formulaire préimprimé intitulé « Note à l’attention de M. K[.] Chef d’unité OP R.2 » (ci-après la « note de réception »), sous objet « Réception d’un [a]ppel d’[o]ffre[s] – Référence 10573-Lot 1 », a été établi. Cette note contient la déclaration suivante :

« Je soussigné(e) B[.] déclare avoir réceptionné une proposition de la société UPS – GFI à l’[a]ppel d’[o]ffre[s] repris en objet. »

7        Suivent deux rubriques, relatives, respectivement, au « premier contenant » et au « second contenant ». Dans la rubrique relative au premier contenant, les indications préimprimées « ouvert » et « abîmé » ont toutes deux été cochées. Dans la rubrique relative au second contenant, les mêmes indications ont également été cochées. Cette dernière rubrique contient, en outre, les indications « ne comportait pas la mention “Ne pas ouvrir par le bureau du courrier” » et « il n’y avait pas de double enveloppe », qui, elles, n’ont pas été cochées.

8        La note de réception se termine comme suit :

« Par conséquent, le service du CAD/Courrier n’a enfreint aucune règle en transmettant, en son état lors de sa réception, la réponse de la firme ……………. à l’unité [“]Appels d’Offres et Contrats[”].

Par ailleurs, les collègues qui ont traité cette réponse n’ont pas pris connaissance de son contenu. »

9        Au bas de ladite note figurent deux signatures. L’une, qui est située au-dessus de la mention préimprimée « CAD/Courrier », correspond à celle figurant sur le récépissé électronique sous le nom « S[.] ». L’autre n’est accompagnée d’aucune précision quant à l’identité du signataire.

10      Le procès-verbal d’ouverture des offres reçues dans le cadre du marché public concerné a été établi le 2 mars 2016. Il mentionne que quinze offres ont été reçues, dont une déclarée non valable. L’offre répertoriée sous le nom « GFI Benelux » est cochée en regard de l’indication « Offre non conforme », la rubrique « Remarques » contenant un renvoi à une annexe. En annexe à ce procès-verbal figurent, notamment, la note de réception ainsi qu’un ensemble de huit photographies.

11      Dans une lettre recommandée, également datée du 2 mars 2016, destinée à « Gfi » à l’adresse « Technologielaan 11/0102 3001 Heverlee Belgium », l’OP écrivait ce qui suit :

« Nous souhaitons vous informer que votre offre a été rejetée conformément à l’article 111, paragraphe 4, sous b), du règlement financier [règlement (UE, Euratom) 2015/1929] étant donné qu’elle était déjà ouverte quand nous l’avons reçue. »

12      La requérante a répondu à cette lettre par un courrier du 8 mars 2016. Dans ce courrier, elle contestait que l’envoi contenant son offre ait été reçu déjà ouvert et, de ce fait, que son offre puisse être rejetée, demandant, en conséquence, que celle-ci soit prise en considération dans le cadre de la procédure d’évaluation des offres. À l’appui de cette contestation, elle affirmait avoir respecté les conditions imposées quant à l’envoi des offres, premièrement, en ayant convenablement emballé son envoi dans une enveloppe extérieure, ainsi que le démontrerait une photographie de cet envoi jointe audit courrier, deuxièmement, en ayant inséré dans cette enveloppe une autre enveloppe comportant la mention requise en vue de prévenir toute ouverture intempestive par le service interne du courrier de l’OP, ainsi que le démontrerait le fac-similé de la couverture de cette deuxième enveloppe, également joint en annexe, et, troisièmement, en ayant fait délivrer ledit envoi le 25 février 2016 dans les locaux de l’OP sans susciter de remarque quant à son état, ce qui serait établi par le récépissé électronique.

13      Par sa lettre en réponse, du 16 mars 2016, l’OP a maintenu sa décision. À cette occasion, il a précisé que, si le récépissé électronique ne contenait aucune remarque quant à l’état de l’envoi contenant l’offre de la requérante, c’était en raison des contraintes techniques propres au terminal utilisé par le coursier agissant pour UPS, ce qui avait justifié l’établissement de la note de réception constatant l’endommagement de cet envoi, signée conjointement par ce même coursier et par un représentant de l’OP. Les copies de cette note ainsi que d’une photographie dudit envoi étaient annexées à ladite lettre (ci-après la « photographie annexée à la lettre du 16 mars 2016 »).

14      Par un premier courrier, daté du 11 avril 2016, le conseil de la requérante, actant le motif invoqué à l’appui du rejet de l’offre de celle-ci, a sollicité la tenue d’une réunion, afin de pouvoir inspecter l’envoi contenant cette offre et de discuter de l’état dans lequel il avait été reçu.

15      Par un second courrier, daté du 13 avril 2016, le conseil de la requérante réitérait la contestation et les motifs de celle-ci tels que communiqués à l’OP par la lettre de la requérante du 8 mars 2016. Par ailleurs, étaient apportées notamment les précisions suivantes :

–        la lettre de l’OP du 2 mars 2016 aurait informé la requérante du rejet de son offre « par simple référence à l’article 111, paragraphe 4, sous b), du règlement […] 2015/1929, sans aucune autre explication additionnelle », un « début de motivation selon laquelle l’offre du soumissionnaire a été livrée endommagée au moment de la réception par l’[OP] » n’étant fourni que par la lettre de l’OP du 16 mars 2016 ;

–        l’état dans lequel l’envoi contenant l’offre de la requérante était représenté sur la photographie annexée à la lettre du 16 mars 2016 aurait résulté d’une erreur de manipulation par le service interne du courrier de l’OP ;

–        cette photographie aurait été prise postérieurement au 25 février 2016 ;

–        ladite photographie contredirait les mentions figurant sur la note de réception, en ce qu’elle montrerait que les enveloppes contenues dans l’envoi contenant l’offre de la requérante n’étaient ni abîmées ni ouvertes ;

–        la note de réception serait dépourvue de valeur probante, eu égard à son caractère unilatéral, car elle serait signée, d’une part, probablement par l’agent ayant également signé le récépissé électronique, eu égard à la ressemblance des signatures, et, d’autre part, « aussi par un représentant de l’[OP] ».

16      En outre, quant à la première personne signataire de la note de réception, pour autant qu’il s’agisse bien de celle qui a signé le récépissé électronique, le conseil de la requérante se demandait pourquoi elle avait opté pour l’établissement d’un document unilatéral, plutôt que de consigner ses observations sur le récépissé électronique, et pourquoi elle n’avait adressé aucune remarque orale au coursier agissant pour UPS. Quant à la seconde personne signataire de cette note, après avoir relevé que l’indication « CAD/Courrier » figurant sur la note de réception correspondrait au service de courrier de la Commission européenne, établi au « bâtiment “CAD” », situé sur le plateau de Kirchberg, à Luxembourg (Luxembourg), « alors que les locaux de l’OP sont [situés] au n° 2, rue Mercier, dans le quartier de la gare à Luxembourg », ledit conseil élevait des doutes quant au fait qu’un représentant de l’OP soit présent en permanence dans ce bâtiment et, partant, se demandait quand cette note avait réellement été établie.

17      L’OP a répondu par un courrier du 22 avril 2016, maintenant la position exprimée dans sa lettre du 16 mars précédent. Dans ce courrier, il exprimait sa surprise à l’égard des renseignements dont le conseil de la requérante faisait état comme provenant directement d’UPS, au motif qu’ils seraient en contradiction avec la note de réception, l’attention étant attirée sur les éléments suivants : cette note portait, en bas à gauche, la signature du coursier agissant pour UPS, identifié comme M. B. ; l’abréviation « CAD » ferait partie de la dénomination du service interne du courrier de l’OP, « CAD/Courrier », qui se trouve au siège de ce dernier, 2, rue Mercier à Luxembourg, où l’envoi contenant l’offre de la requérante aurait été livré, et n’a dès lors pas de rapport avec le bâtiment « K(C)onrad Adenauer » ; la photographie annexée à la lettre du 16 mars 2016 aurait « bien été prise sans tarder après la réception » de cet envoi.

18      Le même jour, une réunion a été tenue au siège de l’OP entre des représentants de celui-ci et deux avocats du bureau d’avocats, dont fait partie le conseil de la requérante. Il résulte du procès-verbal de cette réunion que l’envoi contenant l’offre de cette dernière a pu être examiné par ces avocats au cours de cette réunion. Ce procès-verbal mentionne, notamment, que l’OP « confirme que la personne du service courrier interne a bien signé sur le terminal UPS [(sous l’indication “signé par S[.]”)], mais qu’elle ne disposait d’aucun espace pour inscrire des remarques[ et que c]’est pourquoi elle a fait signer immédiatement au représentant du transporteur l’attestation de remise en mauvais état du pli », c’est-à-dire la note de réception. En annexe audit procès-verbal figurait, d’une part, le procès-verbal d’ouverture des offres relatives au marché public concerné et, d’autre part, la reproduction de la page du site Internet d’UPS relative audit envoi. Ce dernier document mentionne, à la date du 7 mars 2016, que « [d]es marchandises manquent. UPS communiquera les détails supplémentaires à l’expéditeur / [m]archandises confiées au destinataire[ ;] UPS informera l’expéditeur des dommages », et, à la date du 14 mars 2016, que « [d]es dommages sur le contenu du colis ont été signalés[ ; n]ous allons en aviser l’expéditeur / [n]ous enquêtons sur la réclamation pour dommage ».

19      Enfin, par un courrier daté du 28 avril 2016, la requérante adressait à l’OP une demande de paiement d’une indemnité de 415 000 euros au titre de la responsabilité non contractuelle de l’Union européenne, en raison de la faute qu’aurait commise l’OP. Cette faute aurait consisté dans le rejet illégal de l’offre de la requérante au motif que l’envoi contenant cette offre avait été délivré ouvert, alors que cet envoi aurait été présenté dans les locaux de l’OP en parfait état, ainsi que le démontrerait le récépissé électronique et l’absence de remarque, écrite ou verbale, de la part de l’agent de l’OP ayant réceptionné ledit envoi. La somme réclamée correspondrait, à hauteur de 400 000 euros, au bénéfice que la requérante aurait pu retirer de l’exécution du marché public concerné et, à hauteur de 15 000 euros, au préjudice moral lié à l’impossibilité de pouvoir faire état de l’obtention de ce marché public à titre de référence dans le cadre de ses relations commerciales.

 Procédure

20      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 avril 2016, la requérante a introduit le présent recours.

21      Le 15 juillet 2016, la Commission a déposé le mémoire en défense.

22      Les réplique et duplique ont été déposées, respectivement, les 5 septembre et 7 octobre 2016.

23      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure du Tribunal, celui-ci a invité la Commission à prendre contact, par écrit, avec l’entreprise UPS, afin que celle-ci indique, également par écrit, l’identité exacte et complète du coursier qui a effectivement procédé à la livraison de type « UPS Express » identifiée par le numéro de « tracking » 1Z8F44036699336206 et les numéros de référence 8F4403VS9RF et 2951Q3MPS3G.

24      Le 3 mars 2017, la Commission a produit, en réponse, un ensemble de documents (ci-après la « réponse à la mesure d’organisation de la procédure »). Cette réponse consiste, essentiellement, en un courriel adressé par UPS à l’OP, le 1er mars 2017, indiquant qu’UPS collabore au Luxembourg avec CFL logistics SA et, par ailleurs, une attestation de CFL logistics, également datée du 1er mars 2017, rédigée en ces termes :

« Par la présente, nous certifions que [M. B.], né le 30 [août] 1989 et demeurant au 12, [r]ue d’Aquitaine, F‑57190 Florange [(France)], était bien employé chez CFL logistics en date du 25 février 2016 en tant que [c]hauffeur-[l]ivreur. »

25      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 15 mars 2017.

26      Lors de l’audience, la requérante a présenté des observations sur la réponse de la Commission à la mesure d’organisation de la procédure.

 Conclusions des parties

27      La requérante conclut, formellement, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        adopter les mesures d’organisation de la procédure qu’elle sollicite ;

–        annuler les décisions de l’OP des 2 et 16 mars 2016 ainsi que du 22 avril suivant rejetant l’offre présentée par la requérante dans le cadre de l’appel d’offres AO 10573, concernant le lot 1 du marché public concerné ;

–        condamner l’OP à l’indemniser pour les préjudices subis à raison de 415 000 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

28      La Commission concluait initialement, dans le mémoire en défense, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la demande en annulation comme irrecevable et, en tout cas, comme non fondée ;

–        rejeter les demandes de mesure d’organisation de la procédure présentées par la requérante ainsi que sa demande de mesure d’instruction comme non fondées ;

–        rejeter la demande en indemnisation comme non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

29      Lors de l’audience, la Commission a déclaré renoncer à soulever l’irrecevabilité du recours.

 En droit

 Sur la demande en annulation

30      À l’appui de la demande en annulation, la requérante présente deux moyens, le premier, tiré de la violation de l’obligation de motivation et, le second, tiré de la violation de l’article 111, paragraphe 4, sous b), du règlement (UE, Euratom) n° 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) 2015/1929 (ci-après le « règlement financier »).

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

31      La requérante soutient que la décision contenue dans la lettre de l’OP du 2 mars 2016 n’est pas motivée à suffisance de droit.

32      La Commission conteste le bien-fondé de ce moyen.

33      Conformément à la jurisprudence, la motivation d’un acte de l’Union, exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte en cause, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Toutefois, il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de droit ou de fait pertinents. Par ailleurs, le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2016, SKW Stahl-Metallurgie et SKW Stahl-Metallurgie Holding/Commission, C‑154/14 P, EU:C:2016:445, point 40 et jurisprudence citée, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, points 44 et 45 et jurisprudence citée).

34      Il convient également de rappeler que l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments tendant à mettre en cause le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen visant la violation de l’article 296 TFUE (voir arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37 et jurisprudence citée).

35      Dans sa lettre du 2 mars 2016, l’OP a motivé la décision de rejet de l’offre de la requérante par l’indication que cette offre était déjà ouverte au moment de sa réception, référence étant faite à « l’article 111, paragraphe 4, sous b), du règlement financier », la précision apportée ensuite renvoyant au « règlement (UE, Euratom) 2015/1929 » du Parlement européen et du Conseil, du 28 octobre 2015, modifiant le règlement n° 966/2012 (JO 2015, L 286, p. 1).

36      Or, il s’impose de constater que, pour brève qu’elle soit, la motivation contenue dans cette lettre a satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE.

37      En effet, le fait justifiant la décision de rejet de l’offre de la requérante était précisément indiqué, dans toute sa simplicité. Cette indication était, par ailleurs, accompagnée d’une mention relative à la base juridique de cette décision, qui, dans le contexte d’une procédure de passation de marché public d’institutions ou d’organes de l’Union, était suffisante pour permettre à la requérante de retrouver la disposition appliquée, bien que celle-ci ne fût pas indiquée de manière entièrement correcte dans la lettre de l’OP du 2 mars 2016, puisque, après avoir mentionné l’article 111, paragraphe 4, sous b), du règlement financier, il était fait référence au seul règlement 2015/1929, alors qu’il aurait dû être fait référence au règlement n° 966/2012 tel que modifié par le règlement 2015/1929. Au demeurant, ni dans le cadre de la phase précontentieuse, ni dans le cours de la présente procédure, la requérante n’a prétendu avoir été induite en erreur par cette mention.

38      Il ressort d’ailleurs de la lettre de la requérante du 8 mars 2016 que le motif de la décision de rejet a été parfaitement compris par cette dernière, puisque, dans cette lettre, elle affirmait avoir respecté les prescriptions relatives à l’envoi des offres et tirait argument de l’absence de remarque sur le récépissé électronique établi par le coursier agissant pour UPS au moment de la livraison de l’envoi contenant son offre, le 25 février 2016, pour contester que cet envoi ait été présenté déjà ouvert, mais soutenait, au contraire, qu’il avait été ouvert par l’OP après que celui-ci l’eut réceptionné.

39      Par ailleurs, il y a lieu de relever que cette lettre du 8 mars 2016 démontre également que la requérante a bien reçu la lettre de l’OP du 2 mars 2016, bien que celle-ci n’ait pas été adressée à son siège social. Partant, et indépendamment du fait qu’il ne saurait être reproché à l’OP d’avoir établi cette lettre sur la base des données relatives à l’expéditeur figurant sur l’envoi contenant l’offre de la requérante, il apparaît que ladite lettre a bien atteint la personne intéressée, à savoir la requérante, de sorte que la contestation élevée par celle-ci à cet égard est dénuée de fondement.

40      Enfin, il convient de constater que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 34 ci-dessus, l’argumentation développée par la requérante dans le cadre du présent moyen en ce qui concerne l’état réel dans lequel l’envoi contenant son offre a été livré à l’OP est relative au bien-fondé de la motivation, et donc à la légalité au fond de la décision contenue dans la lettre de ce dernier du 2 mars 2016, et, dès lors, étrangère au respect de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE.

41      Il résulte de l’ensemble de ces considérations que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 111, paragraphe 4, sous b), du règlement financier

42      La requérante soutient que la décision de rejet de son offre sur le fondement de l’article 111, paragraphe 4, sous b), du règlement financier est irrégulière, au motif que l’envoi contenant cette offre aurait été présenté à l’OP fermé et non abîmé, tandis que l’ouverture de cet envoi aurait été le fait de membres du personnel de l’OP.

43      Afin de démontrer que l’envoi contenant son offre a été présenté intact à l’OP, la requérante invoque les éléments suivants :

–        premièrement, une photographie, déjà annexée à la lettre de la requérante du 8 mars 2016, représentant un membre de son personnel tenant une enveloppe apparemment fermée et intacte, présentée comme constituant l’envoi contenant son offre avant sa remise à UPS ; la valeur probante de cette photographie résiderait dans le fait qu’elle établirait avec certitude l’état de cet envoi au moment de son expédition ;

–        deuxièmement, le récépissé électronique établi le 25 février 2016 par le coursier agissant pour UPS et signé pour réception de l’envoi contenant l’offre de la requérante par un agent de l’OP sans remarque quant à l’état de cet envoi ; à cet égard, la requérante souligne que l’emplacement prévu sur ce récépissé pour apposer la signature du destinataire serait approximativement de 3,5 cm sur 10 cm, ce qui serait suffisant pour consigner une brève mention quant à l’état dudit envoi, et soutient qu’il relèverait uniquement de l’organisation interne de l’OP que cette possibilité n’ait pas été utilisée ;

–        troisièmement, l’absence de remarque verbale formulée par ledit agent de l’OP audit coursier agissant pour UPS.

44      La Commission soutient, au contraire, que l’envoi de la requérante était ouvert lorsqu’il a été présenté dans les locaux de l’OP par le coursier agissant pour UPS, de même que l’offre contenue dans cet envoi. Elle fait valoir, à cet égard, les éléments suivants :

–        premièrement, la note de réception, signée conjointement par le membre du personnel de l’OP ayant réceptionné l’envoi contenant l’offre de la requérante et par le coursier agissant pour UPS, établirait que l’enveloppe extérieure et l’enveloppe générale, celles-ci correspondant aux enveloppes désignées, respectivement, par les lettres « d » et « c » dans la réponse publique de l’OP mentionnée au point 3 ci-dessus, étaient ouvertes ;

–        deuxièmement, l’état détérioré dans lequel cet envoi est parvenu à l’OP serait confirmé, notamment, par la photographie annexée à la lettre du 16 mars 2016, prise le jour-même de la réception ;

–        troisièmement, l’enveloppe générale, dès lors qu’elle était ouverte, ainsi que le montrerait la photographie annexée à la lettre du 16 mars 2016, laissait apparaître des classeurs qui n’avaient pas été placés dans des enveloppes individuelles.

45      S’agissant du premier élément invoqué par la Commission, à savoir la note de réception, selon laquelle l’enveloppe externe et l’enveloppe générale de l’envoi contenant l’offre de la requérante étaient ouvertes et abîmées au moment de la réception de cet envoi, la requérante soutient dans ses écritures, à titre principal, que cette note a été établie unilatéralement par l’OP, de sorte qu’elle ne pourrait pas porter atteinte à la valeur probante du récépissé électronique, établi, quant à lui, par une tierce personne. En effet, la requérante conteste, dans ses écritures, que M. B., dont le nom figure sur cette note, ait été le coursier agissant pour UPS, contrairement à ce qu’affirme la Commission.

46      S’agissant toujours de la note de réception, la requérante fait également valoir, à titre subsidiaire, que, à supposer que M. B. soit effectivement le coursier ayant effectué la livraison de l’envoi contenant son offre, ce fait serait en contradiction avec la mention de cette note relative à cette personne (« Je soussigné B[.] déclare avoir réceptionné une proposition »), mention qui serait donc erronée et affecterait la crédibilité générale de ladite note. Le manque de crédibilité de la note de réception serait renforcé par l’erreur quant à l’identification de l’entreprise dont émane l’offre, désignée par les termes « proposition de la société UPS – GFI », l’absence de toute indication dans une partie de cette note spécialement destinée à la mention de l’expéditeur de l’offre, l’absence d’indication concernant l’identité des signataires de ladite note et l’absence de description de l’état exact de l’envoi contenant l’offre de la requérante. En outre, la note de réception serait suspecte en ce que l’une des personnes l’ayant signée est également le membre du personnel de l’OP qui a signé le récépissé électronique sans émettre de réserve quant à l’état de cet envoi.

47      Interrogée à l’audience quant à l’incidence de la réponse à la mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal dans le cadre du présent litige, la requérante a réitéré, en substance, les arguments mentionnés au point précédent du présent arrêt.

48      À titre liminaire, il importe de rappeler que, aux termes de l’article 111, paragraphe 1, du règlement financier, les modalités de soumission des offres permettent de garantir une mise en concurrence réelle et la confidentialité de leur contenu jusqu’à ce qu’elles soient toutes ouvertes simultanément. Conformément au paragraphe 4, sous b), du même article, le pouvoir adjudicateur est tenu d’ouvrir toutes les demandes de participation et les offres, mais doit rejeter, sans en examiner le contenu, les offres qu’il a reçues déjà ouvertes.

49      En l’espèce, il est constant que la requérante a confié à UPS, en Belgique, l’acheminement à destination de l’OP, dont les locaux sont situés au Luxembourg, de l’envoi contenant l’offre qu’elle entendait présenter dans le cadre du marché public concerné.

50      Il y a lieu de constater que la remise de cet envoi dans les locaux de l’OP, le 25 février 2016, a donné lieu à l’établissement de deux documents.

51      Le premier document dressé à l’occasion de la remise de l’envoi contenant l’offre de la requérante est le récépissé électronique établi par le coursier agissant pour UPS, signé pour réception par une personne dénommée S., dont il est constant qu’il s’agit d’un membre du personnel de l’OP. Ce récépissé ne comporte pas de remarque en ce qui concerne l’état dudit envoi au moment de sa présentation à l’OP, mais ne comporte pas d’emplacement spécialement prévu pour consigner de telles remarques.

52      Le second document est la note de réception, qui porte deux signatures. La première, figurant au-dessus de la mention « CAD/Courrier », qui désigne le service de courrier interne de l’OP, correspond à celle apposée sur le récépissé électronique par la personne dénommée S. La seconde signature n’est pas immédiatement associée à un nom. Toutefois, la note de réception contient la mention « Je soussigné(e) B[.] », dont il découle que la personne ainsi dénommée est signataire de ladite note. Dès lors que la signature figurant au-dessus de la mention « CAD/Courrier » peut être attribuée à la personne dénommée S., membre du personnel de l’OP, il s’en déduit que la signature non accompagnée d’une indication quant à l’identité du signataire est celle de M. B.

53      Il résulte, par ailleurs, de la réponse à la mesure d’organisation de la procédure décidée par le Tribunal dans le cadre du présent litige que M. B. était employé par CFL logistics en tant que chauffeur-livreur le 25 février 2016, c’est-à-dire à la date à laquelle la note de réception a été établie, et que CFL logistics est une société avec laquelle UPS collabore au Luxembourg. Enfin, eu égard à la mention, dans la note de réception, d’une part, des références du marché public ainsi que du lot concernés par l’offre de la requérante et, d’autre part, du terme « gfi », qui correspond à une abréviation de la dénomination sociale de la requérante, à savoir Gfi PSF, l’intervention de M. B. peut être rattachée à la livraison de l’offre de la requérante dans le cadre du marché litigieux.

54      Eu égard à l’ensemble de ces éléments, et nonobstant le fait que la note de réception ait été conçue et établie en l’espèce d’une façon imparfaite, il y a lieu de considérer que la seconde signature apposée sur la note de réception est celle de la personne qui a livré l’envoi contenant l’offre soumise par la requérante dans le cadre du marché public concerné, pour le compte, en dernière analyse, de la société que la requérante avait chargée de la livraison de cet envoi. Il ne s’agit donc pas de la signature d’un membre du personnel de l’OP, ainsi que la requérante l’a soutenu dans ses écritures, alors, pourtant, que l’OP avait attiré son attention sur ce fait dans ses lettres des 16 mars et 22 avril 2016 ainsi que lors de la réunion tenue à cette dernière date, comme en atteste le procès-verbal de cette réunion (voir points 13, 17 et 18 ci-dessus).

55      Contrairement à ce que soutient la requérante, il est sans incidence concrète, à cet égard, que la note de réception comporte la mention « Je soussigné B[.] déclare avoir réceptionné une proposition de la société UPS – GFI ». En effet, le fait, établi par les éléments mentionnés au point 53 ci-dessus, que M. B. est intervenu comme coursier dans le cadre de la livraison de l’envoi contenant l’offre de la requérante suffit à démontrer que ce dernier a signé cette note en cette qualité, et non en tant que membre du personnel de l’OP chargé de réceptionner cette offre. Partant, à supposer que la mention invoquée par la requérante doive être comprise comme le suggère cette dernière, il ne s’agirait que d’une erreur de plume dont aucune conséquence ne saurait être tirée.

56      Il ne saurait, de même, être tiré aucune conséquence de l’absence de mention du nom de l’expéditeur de l’envoi concerné par la note de réception dans la partie inférieure du formulaire utilisé pour l’établissement de cette note, à un endroit prévu à cet effet. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 53 ci-dessus, la présence, dans cette note, d’une mention « GFI », corroborée par l’indication des références de l’appel d’offres dans le cadre duquel la requérante entendait présenter une offre, permet de tenir pour établi que l’envoi visé par ladite note est bien celui émanant de la requérante.

57      Dans ces circonstances, il convient de constater que la note de réception revêt une valeur probante importante, dès lors que son contenu est attesté par les signatures, d’une part, d’une personne relevant du pouvoir adjudicateur et, d’autre part, d’un tiers non impliqué directement dans le marché public concerné, mais agissant indirectement pour le soumissionnaire dont l’offre est présentée comme irrégulière par le pouvoir adjudicateur.

58      Or, la note de réception contient des indications selon lesquelles, d’une part, le premier et le second contenants étaient l’un et l’autre, à la fois, ouverts et abîmés, et, d’autre part, le second contenant comportait la mention « Ne pas ouvrir par le bureau du courrier » et renfermait une double enveloppe.

59      Il convient de constater que de telles indications peuvent être reliées aux instructions précises qui avaient été données par l’OP, conformément à l’article 111, paragraphe 1, du règlement financier, quant aux modalités de soumission des offres en vue de garantir la confidentialité de leur contenu jusqu’à ce qu’elles soient toutes ouvertes simultanément, telles que ces instructions sont reproduites aux points 2 et 3 ci-dessus.

60      Ainsi, du rapprochement de la note de réception et des instructions concernant les modalités qui devaient être respectées pour l’envoi des soumissions dans le cadre de l’appel d’offres en cause, il apparaît, d’une part, qu’il est établi que, au moment où l’envoi contenant l’offre de la requérante a été présenté dans les locaux de l’OP l’enveloppe extérieure de cet envoi était ouverte, de même que l’enveloppe intermédiaire. D’autre part, il est également établi implicitement, du fait que les mentions contraires n’ont pas été cochées sur la note de réception, que cette enveloppe intermédiaire comportait l’avertissement destiné à prévenir toute ouverture intempestive par le service de courrier de l’OP, ainsi que la requérante l’affirme, et contenait deux autres enveloppes, dont rien ne permet de douter qu’elles étaient fermées.

61      Cette description de l’envoi contenant l’offre de la requérante au moment où il fut remis à l’OP, telle qu’elle résulte de la note de réception, correspond à la situation représentée sur la photographie annexée à la lettre du 16 mars 2016.

62      La requérante se réfère à cette photographie pour soutenir, à titre subsidiaire, que, dans l’hypothèse où il y aurait lieu de considérer que l’enveloppe extérieure et l’enveloppe intermédiaire de l’envoi contenant son offre étaient ouvertes au moment de la présentation de celui-ci dans les locaux de l’OP, il n’en serait pas moins établi par ladite photographie que les enveloppes contenant les données techniques et financières de son offre étaient intactes, de sorte que les conditions de confidentialité de celle-ci auraient été remplies. Elle en déduit que cette offre ne pouvait pas être considérée comme « déjà ouverte » au sens de l’article 111, paragraphe 4, sous b), du règlement financier, de sorte que cette offre, dont la confidentialité aurait été préservée, ne pouvait pas être écartée par l’OP.

63      Cette argumentation ne saurait toutefois prospérer.

64      En effet, ainsi que la requérante l’admet elle-même dans ses écritures, l’enveloppe intermédiaire dudit envoi contenait non seulement les enveloppes renfermant les données techniques et financières de son offre, mais également un ou plusieurs classeurs.

65      Or, d’une part, la requérante ne prétend pas que ces classeurs auraient eux-mêmes été placés sous enveloppe fermée, lesdits classeurs étant d’ailleurs visibles sur la photographie annexée à la lettre du 16 mars 2016, à laquelle elle se réfère. D’autre part, le fait que ces classeurs aient été placés, par la requérante, dans une enveloppe sur laquelle elle indique avoir apposé la mention « appel d’offres – à ne pas ouvrir par le service du courrier », ce qui est établi par la note de réception, démontre que lesdits classeurs contenaient des documents constitutifs de son offre, de l’avis de la requérante elle-même. Partant, et dès lors qu’il doit être tenu pour établi que l’enveloppe extérieure et l’enveloppe intermédiaire de l’envoi contenant l’offre de la requérante ont été présentées ouvertes dans les locaux de l’OP, il y a lieu de constater que certaines données faisant partie de l’offre de la requérante étaient directement accessibles.

66      En conséquence, il apparaît que l’offre de la requérante a été présentée dans des conditions telles que sa confidentialité, ainsi qu’exigée par l’article 111, paragraphe 1, du règlement financier, n’était pas garantie, car elle était « déjà ouverte » au sens du paragraphe 4, sous b), de cet article. Partant, cette offre a été régulièrement rejetée par l’OP, en application de cette dernière disposition.

67      À titre complémentaire, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, la valeur probante des constatations opérées dans la note de réception ne saurait être amoindrie par le fait qu’aucune remarque n’ait été consignée dans le récépissé électronique par le membre du personnel de l’OP ayant signé ce dernier.

68      En effet, outre le fait, déjà relevé, que ce récépissé ne comportait pas d’emplacement spécialement prévu pour mentionner des remarques ou des réserves quant à l’état dans lequel l’envoi contenant l’offre de la requérante était livré, il peut être considéré que ce membre du personnel de l’OP a estimé sans intérêt de consigner, unilatéralement, une observation laconique sur ledit récépissé, alors qu’il devait établir contradictoirement, au moyen d’un formulaire prévu à cette fin, une note constatant, d’une manière contradictoire et circonstanciée, l’état de cet envoi. Par ailleurs, le caractère contradictoire de cette note ôte tout fondement à l’allégation de la requérante selon laquelle le membre du personnel de l’OP ayant réceptionné ledit envoi n’aurait fait aucune remarque au coursier agissant pour UPS.

69      De même, aucune indication ne saurait être déduite du retard et de l’imprécision avec lesquels des observations quant à l’état de l’envoi contenant l’offre de la requérante ont été reprises sur la page du site Internet d’UPS relative à cet envoi, car seule UPS est responsable de la mise à jour de ce site, à l’exclusion des destinataires des envois livrés par cette entreprise.

70      Enfin, c’est vainement que la requérante se réfère à la photographie de son envoi annexée à sa lettre du 8 mars 2016, prise en ses locaux avant que cet envoi ne soit confié à UPS, le 24 février précédent, en vue de sa livraison à l’OP. En effet, cette photographie n’est susceptible de rendre compte de l’état dudit envoi qu’avant le transport de celui-ci, sans donc pouvoir apporter aucune indication quant à son état à l’issue de ce transport.

71      Partant, et sans qu’il y ait lieu d’adopter la mesure d’instruction et les mesures d’organisation de la procédure demandées par la requérante autres que celle décidée par le Tribunal, il y a lieu de rejeter le second moyen présenté à l’appui de la demande en annulation comme non fondé et, dès lors, de rejeter cette demande dans son ensemble.

 Sur la demande en indemnité

72      La requérante allègue que le fait que son offre ait été écartée lui a causé un préjudice à la fois matériel et moral, qu’elle évalue à 415 000 euros.

73      La requérante soutient que ce préjudice est dû, à titre principal, à la décision illégale d’écarter son offre, adoptée par l’OP, et, à titre subsidiaire, à la faute des préposés de l’OP, qui auraient irrégulièrement ouvert l’envoi contenant cette offre, faute dont l’OP devrait répondre. À titre plus subsidiaire, à supposer que l’ouverture de cet envoi par les préposés de l’OP ait relevé d’un comportement non fautif de ces derniers, lié, par exemple, au respect de mesures de sécurité, la requérante fait valoir que ce comportement serait néanmoins imputable à l’OP et le préjudice souffert par la requérante du fait du rejet de son offre pour des raisons qui ne lui seraient pas imputables devrait être réparé par l’OP, car les conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle sans faute de l’Union seraient réunies en l’espèce.

74      La Commission conteste le bien-fondé de cette demande, au motif que les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union ne seraient pas réunies.

75      Il convient de rappeler que, ainsi qu’il résulte des points 60 à 65 ci-dessus, au moment où l’envoi contenant l’offre de la requérante a été présenté dans les locaux de l’OP, avant même que des membres du personnel de l’OP n’en prennent possession, cet envoi était dans un état tel que la confidentialité de cette offre n’était pas garantie. En effet, l’enveloppe extérieure et l’enveloppe intermédiaire dudit envoi étaient ouvertes, ce qui rendait immédiatement accessibles certains documents faisant partie de l’offre de la requérante. Dans ces circonstances, il a été constaté, au point 66 ci-dessus, que la décision de l’OP d’écarter cette offre n’est pas entachée d’irrégularité.

76      Par ailleurs, les circonstances rappelées au point précédent du présent arrêt conduisent à écarter l’hypothèse selon laquelle l’ouverture de l’envoi contenant l’offre de la requérante aurait été le fait de membres du personnel de l’OP.

77      Il découle de l’ensemble de ces considérations qu’aucune des hypothèses sur lesquelles la requérante fonde sa demande en indemnité n’est rencontrée en l’espèce.

78      Partant, la demande en indemnité doit également être rejetée comme non fondée.

 Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

80      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Gfi PSF Sàrl est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Nihoul

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 mai 2017.

 

Signatures      

 

*      Langue de procédure : le français.