ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

14 mai 2020 (*)(i)

« Renvoi préjudiciel – Directive 2009/138/CE – Assurance-protection juridique – Article 201 – Droit du preneur d’assurance de choisir librement son représentant – Procédure judiciaire – Notion – Procédure de médiation »

Dans l’affaire C‑667/18,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique), par décision du 11 octobre 2018, parvenue à la Cour le 25 octobre 2018, dans la procédure

Orde van Vlaamse Balies,

Ordre des barreaux francophones et germanophone

contre

Ministerraad,

LA COUR (troisième chambre),

composée de Mme A. Prechal, présidente de chambre, M. K. Lenaerts, président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, Mme L. S. Rossi (rapporteure), MM. J. Malenovský et F. Biltgen, juges,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : Mme M. Ferreira, administratrice principale,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 2 octobre 2019,

considérant les observations présentées :

–        pour l’Orde van Vlaamse Balies et l’Ordre des barreaux francophones et germanophone, par Mes F. Judo et N. Goethals, advocaten,

–        pour le gouvernement belge, par Mmes C. Pochet, L. Van den Broeck et M. Jacobs, en qualité d’agents, assistées de Mes S. Ronse, avocat, et T. Quintes, advocaat,

–        pour la Commission européenne, par Mme H. Tserepa-Lacombe ainsi que par MM. A. Nijenhuis et F. Wilman, en qualité d’agents,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 11 décembre 2019,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 201 de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II) (JO 2009, L 335, p. 1).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Orde van Vlaamse Balies et l’Ordre des barreaux francophones et germanophone (ci-après les « ordres des barreaux ») au Ministerraad (Conseil des ministres, Belgique) au sujet de la liberté, pour le preneur d’assurance, dans le cadre d’un contrat d’assurance-protection juridique, de choisir son représentant lors d’une procédure de médiation.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 87/344/CEE

3        La directive 87/344/CEE du Conseil, du 22 juin 1987, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance-protection juridique (JO 1987, L 185, p. 77), qui a été abrogée par la directive 2009/138, prévoyait, à son article 4 :

« 1.      Tout contrat de protection juridique reconnaît explicitement que :

a)      lorsqu’il est fait appel à un avocat ou à toute autre personne ayant les qualifications admises par la loi nationale, pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l’assuré, dans toute procédure judiciaire ou administrative, l’assuré a la liberté de le choisir ;

[...]

2.      Par avocat on entend toute personne habilitée à exercer ses activités professionnelles sous une des dénominations prévues par la directive 77/249/CEE du Conseil, du 22 mars 1977, tendant à faciliter l’exercice effectif de la libre prestation de services par les avocats [JO 1977, L 78, p. 17]. »

 La directive 2009/138

4        Le considérant 16 de la directive 2009/138 est rédigé comme suit :

« Le principal objectif de la réglementation et du contrôle en matière d’assurance et de réassurance est de garantir la protection adéquate des preneurs et des bénéficiaires. Le terme “bénéficiaire” entend désigner toute personne physique ou morale titulaire d’un droit en vertu d’un contrat d’assurance. La stabilité financière et la stabilité et l’équité des marchés constituent d’autres objectifs de la réglementation et du contrôle en matière d’assurance et de réassurance qui devraient être également pris en compte, sans détourner cependant du principal objectif. »

5        Le titre II de cette directive, intitulé « Dispositions particulières relatives à l’assurance et à la réassurance », inclut un chapitre II, portant « Dispositions propres à l’assurance non-vie », dont la section 4, intitulée « Assurance-protection juridique », se compose des articles 198 à 205.

6        L’article 198 de ladite directive, intitulé « Champ d’application de la présente section », dispose, à son paragraphe 1 :

« La présente section s’applique à l’assurance-protection juridique visée à la branche 17 de la partie A de l’annexe I, par laquelle une entreprise d’assurance s’engage, moyennant le paiement d’une prime, à prendre en charge des frais de procédure judiciaire et à fournir d’autres services directement liés à la couverture d’assurance, notamment en vue :

[...]

b)      de défendre ou de représenter l’assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre, ou contre une réclamation dont il est l’objet. »

7        L’article 201 de la directive 2009/138, intitulé « Libre choix de l’avocat », prévoit :

« 1.      Tout contrat d’assurance protection juridique prévoit explicitement :

a)      que, lorsqu’il est fait appel à un avocat ou à toute autre personne ayant les qualifications appropriées selon le droit national, pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l’assuré dans une procédure judiciaire ou administrative, l’assuré a la liberté de choisir cet avocat ou cette autre personne ;

[...]

2.      Aux fins de la présente section, on entend par “avocat” toute personne habilitée à exercer ses activités professionnelles sous une des dénominations prévues par la [directive 77/249]. »

 Le droit belge

8        L’article 156 de la loi relative aux assurances, du 4 avril 2014 (Belgisch Staatsblad du 30 avril 2014, p. 35487), était rédigé comme suit :

« Tout contrat d’assurance de la protection juridique stipule explicitement au moins que :

1°      lorsqu’il faut recourir à une procédure judiciaire ou administrative, l’assuré a la liberté de choisir pour défendre, représenter ou servir ses intérêts, un avocat ou toute autre personne ayant les qualifications requises par la loi applicable à la procédure;

[...] »

9        L’article 2 de la loi modifiant la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances et visant à garantir le libre choix d’un avocat ou de toute autre personne ayant les qualifications requises par la loi applicable à la procédure pour défendre ses intérêts dans toute phase judiciaire, dans le cadre d’un contrat d’assurance de la protection juridique, du 9 avril 2017 (Belgisch Staatsblad du 25 avril 2017, p. 53207, ci-après la « loi du 9 avril 2017 »), prévoit :

« Dans l’article 156 de la loi du 4 avril 2014 relative aux assurances, le 1° est remplacé par ce qui suit :

“1°      l’assuré a la liberté de choisir, lorsqu’il faut recourir à une procédure judiciaire, administrative ou arbitrale, un avocat ou toute autre personne ayant les qualifications requises par la loi applicable à la procédure pour défendre, représenter et servir ses intérêts et, dans le cas d’un arbitrage, d’une médiation ou d’un autre mode non judiciaire reconnu de règlement des conflits, une personne ayant les qualifications requises et désignée à cette fin ;” ».

10      Il ressort du dossier soumis à la Cour que le code judiciaire belge, tel que modifié en dernier lieu par la loi portant dispositions diverses en matière de droit civil et des dispositions en vue de promouvoir des formes alternatives de résolution des litiges, du 18 juin 2018 (Belgisch Staatsblad du 2 juillet 2018, p. 53455, ci-après le « code judiciaire »), prévoit deux formes de médiation, à savoir la médiation extrajudiciaire, prévue aux articles 1730 à 1733 de ce code, et la médiation judiciaire, visée aux articles 1734 à 1737 dudit code.

11      S’agissant de la médiation extrajudiciaire, celle-ci peut être proposée par toute partie aux autres parties, avant, pendant ou après le déroulement d’une procédure judiciaire. Les parties désignent le médiateur d’un commun accord, ou avec l’intervention d’un tiers qu’elles chargent de cette désignation. Lorsque les parties parviennent à un accord de médiation, celui-ci fait l’objet d’un écrit daté et signé par les parties et par le médiateur. Si le médiateur qui a mené la médiation est agréé par la commission fédérale de médiation, les parties, ou l’une des parties, peuvent soumettre l’accord de médiation pour homologation au juge compétent. Celui-ci ne peut refuser cette homologation que si l’accord est contraire à l’ordre public ou si l’accord, obtenu à l’issue d’une médiation familiale, est contraire à l’intérêt des enfants mineurs. L’ordonnance d’homologation a les effets d’un jugement, si bien que l’accord homologué acquiert force exécutoire.

12      En ce qui concerne la médiation judiciaire, celle-ci suppose que le juge saisi d’un litige peut, à la demande conjointe des parties ou de sa propre initiative mais avec l’accord de celles-ci, ordonner une médiation, tant que la cause n’a pas été prise en délibéré. Le juge reste saisi de l’affaire durant la médiation et peut, à tout moment, prendre toute mesure qui lui paraît nécessaire. Il peut aussi, à la demande du médiateur ou de l’une des parties, mettre fin à la médiation. Si la médiation a donné lieu à la conclusion d’un accord de médiation, fût-il partiel, les parties, ou l’une des parties, peuvent demander au juge d’homologuer cet accord, l’homologation ne pouvant être refusée que lorsque l’accord est contraire à l’ordre public ou lorsque l’accord, obtenu à l’issue d’une médiation familiale, est contraire à l’intérêt des enfants mineurs. Si la médiation n’a pas donné lieu à la conclusion d’un accord de médiation complet, la procédure judiciaire est poursuivie.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

13      Les ordres des barreaux ont introduit devant le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle, Belgique) un recours tendant à l’annulation de la loi du 9 avril 2017. À l’appui de ce recours, ils invoquent, notamment, un moyen tiré de la violation de certaines dispositions de la constitution belge, lues en combinaison avec l’article 201 de la directive 2009/138.

14      En particulier, les ordres des barreaux font valoir que ladite loi n’est pas conforme à cet article 201 dans la mesure où, en substance, elle ne prévoit pas, pour le preneur d’assurance, dans le cadre d’un contrat d’assurance-protection juridique, le droit de choisir son avocat lors d’une procédure de médiation. En effet, selon les ordres des barreaux, cette procédure étant couverte par la notion de « procédure judiciaire » au sens dudit article 201, le preneur d’assurance devrait disposer de ce droit.

15      La juridiction de renvoi rappelle que, avant l’entrée en vigueur de la loi du 9 avril 2017, tout contrat d’assurance-protection juridique devait prévoir la liberté du preneur d’assurance de choisir un avocat ou une autre personne qualifiée « lorsqu’il [fallait] recourir à une procédure judiciaire ou administrative ». Ladite loi, tout en étendant cette liberté de choix à la procédure d’arbitrage, l’aurait exclue pour la procédure de médiation au motif, d’une part, que la présence d’un conseil n’est pas de nature à favoriser la médiation et, d’autre part, que celle-ci ne repose pas nécessairement sur un raisonnement juridique.

16      La juridiction de renvoi relève que, certes, il ressort de la jurisprudence de la Cour que la notion de « procédure judiciaire » au sens de l’article 201 de la directive 2009/138 doit recevoir une interprétation large, afin de protéger les intérêts des preneurs d’assurance en leur octroyant un droit général et autonome de choisir librement leur représentant légal dans les limites fixées par cet article.

17      Cependant, cette jurisprudence ne permettrait pas de déterminer avec certitude si ce droit s’applique également à une procédure de médiation telle que celle en cause au principal. À cet égard, la juridiction de renvoi relève que la procédure de médiation de droit belge présente des caractéristiques qui s’apparentent aussi bien à celles d’une procédure de règlement amiable du litige qu’à celles d’une procédure judiciaire. En particulier, d’une part, tout comme la procédure de règlement amiable, la procédure de médiation viserait à l’obtention d’un accord de médiation entre les parties au litige. D’autre part, la procédure de médiation serait analogue à une procédure judiciaire en ce qu’elle ferait généralement suite à la concertation amiable, qu’elle serait réglée par le code judiciaire et qu’elle serait susceptible de déboucher sur un accord de médiation conclu sous la direction d’un médiateur agréé, lequel pourrait être homologué par le juge compétent par une ordonnance d’homologation ayant les effets d’un jugement.

18      Dans ces conditions, le Grondwettelijk Hof (Cour constitutionnelle) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La notion de “procédure judiciaire” visée à l’article 201, paragraphe 1, [sous] a), de la [directive 2009/138] doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle inclut les procédures de médiation extrajudiciaire et judiciaire prévues par les articles 1723/1 à 1737 du [code judiciaire] ? »

 Sur la question préjudicielle

19      Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 201, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/138 doit être interprété en ce sens que la notion de « procédure judiciaire » visée à cette disposition inclut une procédure de médiation judiciaire ou extrajudiciaire dans laquelle une juridiction est impliquée ou susceptible de l’être, que ce soit lors de l’engagement de cette procédure ou après la clôture de celle-ci.

20      Afin de répondre à cette question, il convient de rappeler que, selon cet article 201, paragraphe 1, sous a), tout contrat d’assurance-protection juridique prévoit explicitement que, lorsqu’il est fait appel à un avocat ou à toute autre personne ayant les qualifications appropriées selon le droit national, pour défendre, représenter ou servir les intérêts de l’assuré dans une procédure judiciaire ou administrative, l’assuré a la liberté de choisir cet avocat ou cette autre personne.

21      Cette disposition reprenant, en substance, l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344, la jurisprudence relative à cette dernière disposition est pertinente pour interpréter ledit article 201, paragraphe 1, sous a).

22      Or, la Cour a déjà eu l’occasion de préciser, tout d’abord, que l’article 4, paragraphe 1, de la directive 87/344, relatif au libre choix du représentant, a une portée générale et une valeur obligatoire (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2009, Eschig, C‑199/08, EU:C:2009:538, point 47 ; du 26 mai 2011, Stark, C‑293/10, EU:C:2011:355, point 29, et du 7 novembre 2013, Sneller, C‑442/12, EU:C:2013:717, point 25).

23      Ensuite, il découle du libellé même de l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344 que la notion de « procédure administrative » doit être lue par opposition à celle de « procédure judiciaire » (voir, en ce sens, arrêts du 7 avril 2016, Massar, C‑460/14, EU:C:2016:216, point 19, et du 7 avril 2016, AK, C‑5/15, EU:C:2016:218, point 17). En outre, l’interprétation des notions de « procédure administrative » ou de « procédure judiciaire » ne saurait être limitée en opérant une différenciation entre la phase préparatoire et la phase décisionnelle d’une procédure judiciaire ou administrative (voir, en ce sens, arrêts du 7 avril 2016, Massar, C‑460/14, EU:C:2016:216, point 21, et du 7 avril 2016, AK, C‑5/15, EU:C:2016:218, point 19).

24      Cela étant, ni l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 87/344 ni l’article 201, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/138 ne fournit de définition de la notion de « procédure judiciaire ».

25      Dans ces conditions, selon une jurisprudence constante, il convient, pour l’interprétation d’une disposition du droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle-ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (arrêts du 7 avril 2016, Massar, C‑460/14, EU:C:2016:216, point 22 et jurisprudence citée, ainsi que du 7 avril 2016, AK, C‑5/15, EU:C:2016:218, point 20).

26      En premier lieu, il importe de rappeler, ainsi qu’il résulte du considérant 16 de la directive 2009/138, que l’objectif poursuivi par celle-ci, et, en particulier, par son article 201 relatif au libre choix de l’avocat ou du représentant, est de protéger de manière adéquate les intérêts des assurés. La portée générale et la valeur obligatoire qui sont reconnues au droit de choisir son avocat ou son représentant s’opposent dès lors à une interprétation restrictive de l’article 201, paragraphe 1, sous a), de ladite directive (voir, en ce sens, arrêts du 7 avril 2016, Massar, C‑460/14, EU:C:2016:216, point 23, et du 7 avril 2016, AK, C‑5/15, EU:C:2016:218, point 21).

27      Ainsi, s’agissant de la notion de « procédure administrative » au sens de cette disposition, la Cour a dit pour droit que cette notion comprend, notamment, une procédure au terme de laquelle un organisme public autorise l’employeur à procéder au licenciement d’un salarié, assuré en protection juridique, ainsi que la phase de réclamation devant un organisme public au cours de laquelle cet organisme émet une décision susceptible de recours juridictionnels (voir en ce sens, respectivement, arrêts du 7 avril 2016, Massar, C‑460/14, EU:C:2016:216, point 28, et du 7 avril 2016, AK, C‑5/15, EU:C:2016:218, point 26).

28      À cet égard, la Cour a souligné qu’une interprétation de la notion de « procédure administrative » limitée aux seules procédures juridictionnelles en matière administrative, à savoir celles qui se déroulent devant une juridiction proprement dite, viderait de son sens l’expression, expressément utilisée par le législateur de l’Union européenne, de « procédure administrative » (voir, en ce sens, arrêts du 7 avril 2016, Massar, C‑460/14, EU:C:2016:216, point 20, et du 7 avril 2016, AK, C‑5/15, EU:C:2016:218, point 18).

29      Par conséquent, comme le relève M. l’avocat général au point 81 de ses conclusions, le terme « procédure » ne comprend pas seulement la phase de recours devant une juridiction proprement dite, mais également une phase qui la précède et qui est susceptible de déboucher sur une phase juridictionnelle.

30      En ce qui concerne la notion de « procédure judiciaire », au sens de l’article 201 de la directive 2009/138, il y a lieu de l’interpréter de manière tout aussi large que celle de « procédure administrative », dans la mesure où il serait, par ailleurs, incohérent d’interpréter ces deux notions de manière différente au regard du droit de choisir son avocat ou son représentant.

31      Il s’ensuit que la notion de « procédure judiciaire » ne saurait être limitée ni aux seules procédures non administratives se déroulant devant une juridiction proprement dite ni en opérant une différenciation entre la phase préparatoire et la phase décisionnelle d’une telle procédure. Ainsi, toute phase, même préliminaire, susceptible de déboucher sur une procédure devant une instance juridictionnelle doit être considérée comme relevant de la notion de « procédure judiciaire » au sens de l’article 201 de la directive 2009/138.

32      En l’occurrence, s’agissant de la médiation judiciaire, il résulte du dossier soumis à la Cour que cette médiation est nécessairement ordonnée par un juge saisi d’un recours juridictionnel et qu’elle représente une phase de la procédure judiciaire engagée devant une juridiction proprement dite, laquelle est, en principe, liée par l’accord de médiation éventuellement obtenu par les parties.

33      Dans ces conditions, considérer que cette médiation ne constitue pas, elle aussi, aux fins de l’article 201 de la directive 2009/138, une « procédure judiciaire » au sens de cet article, priverait, pour cette seule phase, l’assuré de son droit de choisir son avocat ou son représentant. Or, il ne saurait être contesté que l’assuré a besoin d’une protection juridique lors de la phase qui, une fois entamée, fait partie intégrante de la procédure devant la juridiction qui l’a ordonnée. Une telle interprétation est au demeurant conforme à l’objectif de la directive 2009/138, rappelé au point 26 du présent arrêt, et visant à assurer une protection adéquate des assurés, dans la mesure où elle leur permet de continuer à bénéficier de l’assistance du même représentant pour la phase proprement judiciaire de la procédure.

34      De même, s’agissant de la procédure de médiation extrajudiciaire, la circonstance que celle-ci n’intervienne pas devant une juridiction ne permet pas non plus de l’exclure de la notion de « procédure judiciaire » au sens de l’article 201 de la directive 2009/138.

35      En effet, une telle procédure de médiation est susceptible d’aboutir à un accord entre les parties concernées pouvant, à la demande même d’une seule d’entre elles, être homologué par une juridiction. En outre, dans le cadre de la procédure d’homologation, cette juridiction est tenue par le contenu de cet accord tel que défini par les parties lors de la médiation, en dehors des hypothèses dans lesquelles celui-ci est contraire à l’ordre public ou, le cas échéant, à l’intérêt des enfants mineurs.

36      Il s’ensuit que l’accord auquel les parties parviennent, qu’il résulte d’une médiation judiciaire ou extrajudiciaire, a pour conséquence de lier la juridiction compétente qui procède à son homologation et présente, après avoir acquis force exécutoire, les mêmes effets qu’un jugement.

37      Dans ces conditions, le rôle de l’avocat ou du représentant semble même être plus important dans le cadre d’une médiation que dans celui d’une réclamation introduite devant une autorité administrative, telle que celle mentionnée au point 27 du présent arrêt, dont l’issue ne lie ni une éventuelle instance administrative ultérieure ni une juridiction administrative.

38      Dans le cadre d’une procédure qui est susceptible de fixer définitivement la position juridique du preneur d’assurance, sans qu’il ait de possibilité réelle de modifier cette position au moyen d’un recours juridictionnel, le preneur d’assurance a besoin d’une protection juridique et, compte tenu des effets de l’homologation de l’accord résultant de la médiation, les intérêts du preneur d’assurance qui a eu recours à la médiation seront mieux protégés s’il peut se prévaloir du droit au libre choix du représentant prévu à l’article 201 de la directive 2009/138, à l’instar du preneur d’assurance qui s’adresserait directement au juge.

39      En second lieu, en ce qui concerne le contexte de cet article 201, il y a lieu de relever que le champ d’application de la section 4 du chapitre II du titre II de la directive 2009/138, relative à l’assurance-protection juridique, est défini à l’article 198 de cette directive de manière particulièrement étendue, dans la mesure où, selon cette disposition, ladite section s’applique à l’assurance-protection juridique par laquelle une entreprise d’assurance s’engage, moyennant le paiement d’une prime, à prendre en charge des frais de procédure judiciaire et à fournir d’autres services directement liés à la couverture d’assurance, notamment en vue de défendre ou de représenter l’assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre, ou contre une réclamation dont il est l’objet.

40      Une telle définition du champ d’application de cette section confirme une interprétation large des droits des assurés prévus par ladite section dont, notamment, celui de choisir son représentant visé à l’article 201 de la directive 2009/138.

41      Par ailleurs, le droit de l’Union lui-même encourage le recours aux procédures de médiation, que ce soit, comme le relèvent les ordres des barreaux, au moyen de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil, du 21 mai 2008, sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale (JO 2008, L 136, p. 3), ou sur le fondement du droit primaire, en particulier de l’article 81, paragraphe 2, sous g), TFUE, aux termes duquel, dans le cadre de la coopération judiciaire en matière civile, le législateur de l’Union est appelé à adopter des mesures visant à assurer le « développement de méthodes alternatives de résolution des litiges ». Il serait donc incohérent que le droit de l’Union encourage l’utilisation de telles méthodes et restreigne, dans le même temps, les droits des justiciables qui décident de se prévaloir de ces méthodes.

42      Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que l’article 201, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/138 doit être interprété en ce sens que la notion de « procédure judiciaire » visée à cette disposition inclut une procédure de médiation judiciaire ou extrajudiciaire dans laquelle une juridiction est impliquée ou susceptible de l’être, que ce soit lors de l’engagement de cette procédure ou après la clôture de celle-ci.

 Sur les dépens

43      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :

L’article 201, paragraphe 1, sous a), de la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, sur l’accès aux activités de l’assurance et de la réassurance et leur exercice (solvabilité II), doit être interprété en ce sens que la notion de « procédure judiciaire » visée à cette disposition inclut une procédure de médiation judiciaire ou extrajudiciaire dans laquelle une juridiction est impliquée ou susceptible de l’être, que ce soit lors de l’engagement de cette procédure ou après la clôture de celle-ci.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.


i      Le nom figurant aux points 23, 25 à 28 a été remplacé par des lettres à la suite d’une demande d’anonymisation.