ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

19 juillet 1999 (1)

«Fonctionnaires — Concours général — Non-admission aux épreuves — Connaissances linguistiques»

Dans l'affaire T-168/97,

Daniel Varas Carrión, demeurant à Barcelone (Espagne), représenté par Me Marianne Droinet, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Albert Moro, 6, rue Heinrich Heine,

partie requérante,

contre

Conseil de l'Union européenne, représenté par Mmes Thérèse Blanchet et Ana Ramírez Fueyo, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Alessandro Morbilli, directeur général de la direction des affaires juridiques de la Banque européenne d'investissement, 100, boulevard Konrad Adenauer,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du jury du concours CONS/C/374 du 18 mars 1997 de ne pas admettre le requérant aux épreuves dudit concours, de la décision initiale de ce même jury du 19 décembre 1996 et des épreuves qui ont eu lieu le 26 avril 1997,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. A. Potocki, président, C. W. Bellamy et M. Vilaras, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 24 février 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    L'article 28, sous f), du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») dispose que nul ne peut être nommé fonctionnaire s'il ne justifie posséder une connaissance approfondie d'une des langues des Communautés et une connaissance satisfaisante d'une autre langue des Communautés dans la mesure nécessaire aux fonctions qu'il est appelé à exercer.

2.
    Le 16 avril 1996, le Conseil a publié l'avis de concours général CONS/C/374 en vue du recrutement de secrétaires d'expression espagnole (JO C 110 A, p. 3, ci-après «concours»).

3.
    Le point II de l'avis de concours décrivait la nature des fonctions à pourvoir: elles s'exerceraient au sein de la centrale dactylographique ou dans d'autres services de l'institution et consisteraient en des travaux de secrétariat, notamment de dactylographie en espagnol, sur un système de traitement de texte. Les fonctions requéraient la faculté de pouvoir travailler en équipe au sein d'un milieu international, dans des circonstances parfois difficiles, et la faculté de s'adapter au fil de la carrière à des tâches variées de secrétariat. Pour des raisons pratiques, il était souhaitable d'avoir des connaissances, en particulier, de français ou d'anglais.

4.
    Le point III de l'avis de concours indiquait que celui-ci aurait lieu sur titres et sur épreuves. Les conditions particulières d'admission au concours étaient précisées au point III B comme suit:

«a)    Avoir accompli, à la date de publication de l'avis de concours, des études complètes de l'enseignement moyen (études moyennes, commerciales ou techniques), sanctionnées par un diplôme, ou avoir une expérience professionnelle d'un niveau équivalent d'au moins six ans. Les candidats

doivent prouver, par la production de pièces justificatives, qu'ils remplissent cette condition d'admission au concours (soit copie ou photocopie du diplôme, soit pièces justificatives prouvant l'expérience professionnelle équivalente);

b)    avoir, à la date de publication de l'avis de concours, deux ans d'expérience professionnelle en tant que secrétaire et/ou dactylographe. Les candidats doivent prouver, par la production de pièces justificatives, qu'ils remplissent cette condition d'admission au concours, en fournissant, par exemple, des fiches de salaire avec les dates de début et de fin éventuelle de l'activité professionnelle, des certificats de travail, contrats ou lettres d'engagements qui seront accompagnés, le cas échéant, d'un justificatif attestant que l'activité est toujours exercée. Ces documents devront établir clairement la durée et la nature exacte de l'activité professionnelle exercée puisque les candidats devront démontrer avoir travaillé comme secrétaire et/ou dactylographe pendant au moins deux ans;

c)    la connaissance d'un système de traitement de texte est exigée. Les candidats sont tenus de produire les certificats, attestations ou toute autre preuve de cette connaissance.

    Il est rappelé aux candidats que le système de traitement de texte actuellement en usage au secrétariat général du Conseil est le Wordperfect Windows 5.2 sous Windows 3.X. L'épreuve obligatoire sur équipement informatique se déroulera avec ce système;

    d)    avoir une connaissance approfondie de la langue espagnole et le démontrer dans le cas où cela ne serait pas manifeste, compte tenu de la scolarité suivie, ainsi qu'une connaissance suffisante d'une autre langue officielle de la Communauté européenne, à savoir: l'allemand, l'anglais, le danois, le finlandais, le français, le grec, l'italien, le néerlandais, le portugais ou le suédois;

e)    être né après le 31 décembre 1945 et avant le 31 décembre 1976.

[...]»

5.
    Le point III C de l'avis de concours précisait que le jury arrêterait la liste des candidats qui répondraient aux conditions d'admission au concours et désignerait sur cette liste les candidats admis aux épreuves.

6.
    Il ressort du point IV de l'avis de concours que ces épreuves devaient se dérouler en trois parties, l'accès aux deuxième et troisième parties étant conditionné par la réussite de chaque épreuve obligatoire de la partie précédente. L'une des épreuves obligatoires de la première partie consistait en un questionnaire à choix multiple

sur un texte difficile rédigé dans une autre langue communautaire choisie préalablement par le candidat. Cette épreuve avait pour objet de «déterminer si le candidat possède des connaissances suffisantes de la langue choisie».

7.
    Le point VI, premier alinéa, de l'avis de concours indiquait que les candidats devaient présenter leur demande au moyen de l'acte de candidature inclus dans ledit avis, par la poste, au plus tard le 29 mai 1996. Les deux alinéas suivants étaient rédigés ainsi:

«L'attention des candidats est attirée sur le fait qu'ils doivent produire, pour cette même date, uniquement sous forme de copie ou photocopie, les documents justificatifs se rapportant à leur diplôme, et/ou à leur expérience professionnelle ainsi qu'à leurs connaissances linguistiques et celles d'un système de traitement de textes. En effet, aucune des pièces justificatives ne sera restituée aux candidats.

Les candidats qui n'auraient pas signé leur acte de candidature ou qui n'auraient pas fait parvenir, dans les délais indiqués, les pièces justificatives nécessaires pour leur admission au concours, seront éliminés par le jury.»

Faits et procédure

8.
    Le requérant, de nationalité espagnole, né le 28 août 1958, a déposé un acte de candidature, daté du 28 mai 1996.

9.
    A la rubrique «Études», il a mentionné avoir suivi des cours de 1969 à 1973 et obtenu le diplôme de «Bachiller elemental». Il était demandé aux candidats de joindre des photocopies des documents justificatifs.

10.
    A la rubrique «Connaissances de langues», au point 11 du formulaire, le requérant a indiqué que sa langue maternelle était l'espagnol, qu'il avait de bonnes connaissances du français lu et écrit, et des connaissances moyennes du français parlé, ainsi que des connaissances moyennes de l'anglais lu, écrit et parlé. Il n'a rien indiqué dans la ligne réservée à la mention des diplômes ou certificats obtenus dans ce domaine.

11.
    Le requérant a annexé à son acte de candidature diverses pièces justificatives, notamment une attestation du ministère de l'Éducation et de la Science espagnol, datée du 4 octobre 1973, certifiant qu'il avait réussi quatre années d'études pour le «Bachillerato» et indiquant que cette attestation équivalait au «Certificado de Estudios Primarios».

12.
    Par lettre du 19 décembre 1996, la fonctionnaire responsable de la division du personnel et de l'administration au secrétariat général du Conseil a informé le requérant que le jury avait décidé de ne pas l'admettre aux épreuves du concours, au motif que les documents présentés n'avaient pas permis d'établir qu'il avait une

connaissance suffisante d'une ou de plusieurs langues communautaires autres que l'espagnol. Le requérant déclare avoir reçu cette lettre le 31 décembre 1996.

13.
    Par lettre du 14 janvier 1997, le requérant a demandé à ladite fonctionnaire de bien vouloir réexaminer sa candidature, en faisant valoir que les études qu'il avait poursuivies afin d'obtenir le diplôme de Bachiller avaient compris quatre années de cours de langue française et que la réussite de ces études et l'obtention de ce diplôme impliquaient de très bonnes connaissances de cette langue.

14.
    Par lettre du 18 mars 1997, le président du jury a indiqué au requérant que, à la suite de sa «réclamation» du 14 janvier 1997, le jury avait à nouveau examiné sa candidature ainsi que les documents joints. Néanmoins, compte tenu de l'importance des connaissances linguistiques dans un milieu international, le jury avait estimé nécessaire que les candidats démontrent leur connaissance d'une ou de plusieurs langues officielles de la Communauté en apportant la preuve de séjours importants à l'étranger ou la possession d'un diplôme officiel en langues, d'un niveau plus élevé que celui qu'il avait présenté. Même si le jury avait apprécié positivement sa formation et son expérience professionnelle, il avait estimé que son diplôme de Bachiller ne justifiait pas la connaissance suffisante requise. Par conséquent, le jury avait décidé de maintenir sa décision de ne pas l'admettre aux épreuves. Le requérant déclare avoir reçu cette lettre le 24 mars 1997.

15.
    Le 26 mars 1997, le requérant a introduit une plainte auprès du médiateur européen. Dans cette plainte, il a notamment mentionné que, à partir de son enfance et jusque vers la moitié des années 80, il avait passé presque tous ses étés à Brive-la-Gaillarde, en France, chez des cousins français dont l'unique langue était le français. En outre, depuis l'année 1988, il passait souvent ses vacances à Bruxelles. Au total, il avait séjourné en territoires francophones pendant plus de deux ans.

16.
    La première partie des épreuves du concours a eu lieu le 26 avril 1997.

17.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 1997, le requérant a introduit le présent recours.

18.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale. L'audience s'est déroulée le 24 février 1999.

Conclusions des parties

19.
    La partie requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision du Conseil du 19 décembre 1996, refusant d'admettre le requérant aux épreuves du concours;

—    annuler la décision du Conseil du 18 mars 1997, confirmant la décision du 19 décembre 1996;

—    annuler les épreuves qui ont eu lieu le 26 avril 1997 et ordonner, par conséquent, la nouvelle convocation de tous les candidats, y compris le requérant;

—    condamner le Conseil aux dépens.

20.
    La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les premier et troisième chefs de conclusions de la partie requérante comme irrecevables;

—    en tout état de cause, rejeter le recours comme non fondé;

—    condamner la partie requérante aux dépens.

Sur la recevabilité

Arguments des parties

21.
    Le Conseil fait valoir que le chef de conclusions visant à l'annulation de la décision du jury du 19 décembre 1996 est irrecevable au motif que le recours a été introduit en dehors du délai de trois mois prévu par l'article 91, paragraphe 3, du statut. En effet, ladite décision aurait été notifiée le 31 décembre 1996, et le recours aurait été introduit le 30 mai 1997.

22.
    De même, la demande visant à l'annulation des épreuves qui ont eu lieu le 26 avril 1997 et à la nouvelle convocation des candidats serait irrecevable en ce qu'il n'appartient pas au juge communautaire d'adresser des injonctions aux institutions communautaires. En revanche, dans l'hypothèse où le Tribunal annulerait la décision de ne pas admettre le requérant aux épreuves, il appartiendrait au Conseil de prendre les mesures nécessaires pour exécuter un tel arrêt. Le Conseil ajoute que les épreuves orales ont eu lieu en octobre 1997 et que la liste de lauréats a été finalisée.

23.
    Le requérant soutient que le chef de conclusions visant à l'annulation de la décision du jury contenue dans la lettre du 19 décembre 1996 est recevable. En ce qui concerne la troisième demande, il admet que le Tribunal ne peut pas adresser des injonctions telles que la nouvelle convocation des candidats, mais soutient que celui-ci peut effectivement annuler des épreuves qui ont eu lieu.

Appréciation du Tribunal

24.
    En ce qui concerne le premier chef de conclusions visant à l'annulation de la décision du jury du 19 décembre 1996, il est constant que, par sa lettre du 14 janvier 1997, le requérant a demandé que cette décision soit réexaminée, ce qu'a fait le jury. Ce réexamen a abouti à la décision du 18 mars 1997, qui a confirmé la décision du 19 décembre 1996.

25.
    Il est de jurisprudence constante que la décision par laquelle le jury de concours refuse l'admission d'un candidat aux épreuves, après avoir procédé, à la demande de l'intéressé, au réexamen de sa candidature, se substitue à la décision du jury précédemment arrêtée (voir l'arrêt du Tribunal du 6 novembre 1997, Berlingieri Vinzek/Commission, T-71/96, RecFP p. II-921, point 18). Dès lors, il n'y a pas lieu de statuer sur le premier chef de conclusions du requérant visant à l'annulation de la décision du jury du 19 décembre 1996.

26.
    Selon une jurisprudence constante, il n'appartient pas au juge communautaire d'adresser des injonctions aux institutions communautaires dans le cadre d'un contrôle de légalité fondé sur l'article 91 du statut (voir, à titre d'exemple, l'arrêt du Tribunal du 12 juin 1997, Carbajo Ferrero/Parlement, T-237/95, RecFP p. II-429, point 25). La troisième demande du requérant, qui n'est assortie d'aucun moyen propre, vise à l'annulation des épreuves du 26 avril 1997 et à une nouvelle convocation des candidats. Par ce biais, le requérant tend en réalité à obtenir du Tribunal qu'il enjoigne au Conseil de tirer les conséquences qu'aurait, selon lui, l'annulation de la décision du 18 mars 1997. Or, aux termes de l'article 176 du traité CE (devenu article 233 CE), il appartient à l'institution qui a pris l'acte attaqué de tirer les conséquences des arrêts du Tribunal. La troisième demande est, dès lors, irrecevable.

Sur le fond

27.
    Le requérant soulève, en substance, trois moyens tirés, respectivement, d'un défaut de motivation, de la violation de l'avis de concours et de l'erreur manifeste d'appréciation.

Sur le premier moyen, tiré d'un défaut de motivation

Arguments des parties

28.
    Le requérant fait valoir que la décision du jury contenue dans la lettre du 19 décembre 1996 ne comporte aucune motivation, en violation de l'article 190 du traité CE (devenu article 253 CE). En effet, cette décision indiquerait simplement que le dossier qu'il avait déposé n'établissait pas qu'il satisfaisait aux conditions de connaissances linguistiques.

29.
    Le requérant conteste l'affirmation du Conseil selon laquelle le concours avait connu une participation nombreuse. Le chiffre de 2 686 candidats mentionné par le Conseil serait très restreint par rapport au nombre de candidats potentiels compte tenu de ce qu'il y a presque 400 millions habitants dans l'Union européenne dont 40 millions d'Espagnols. Par ailleurs, le Conseil aurait exclu la moitié des candidats avant les épreuves.

30.
    Le Conseil considère qu'il s'agissait d'un concours à participation nombreuse (2 686 candidats, dont 1 321 admis aux épreuves), et que la motivation de la lettre du 19 décembre 1996 satisfait donc aux exigences de l'article 25 du statut. En indiquant que les documents présentés n'avaient pas permis d'établir que le requérant avait une connaissance suffisante d'une ou de plusieurs langues communautaires autres que l'espagnol, la décision aurait fait référence à la condition prévue au point III B, sous d), de l'avis de concours.

Appréciation du Tribunal

31.
    Ainsi qu'il a été dit ci-dessus (voir point 25) à propos de la recevabilité, la décision du 18 mars 1997 s'est substituée à celle du 19 décembre 1996. Le moyen du requérant est donc sans objet en ce qu'il vise l'annulation de la décision du 19 décembre 1996.

32.
    En tout état de cause, selon une jurisprudence constante, le jury d'un concours à participation nombreuse peut se limiter, au stade de l'admission aux épreuves d'un tel concours, à motiver les refus de façon sommaire en communiquant aux candidats les seuls critères de la sélection ainsi que la décision du jury, sauf si ces candidats lui demandent expressément de fournir des explications individuelles (arrêt Berlingieri Vinzek/Commission, précité, points 73, 74 et 76 et la jurisprudence citée).

33.
    En l'espèce, le concours, auquel se sont présentés plus de 2 600 candidats, a connu une participation nombreuse.

34.
    Dans sa lettre du 18 mars 1997, le jury a fourni au requérant, à sa demande, une explication supplémentaire de sa décision de refus du 17 décembre 1996. Le jury a ainsi rempli son obligation de motivation, conformément à la jurisprudence susvisée.

35.
    Le moyen tiré d'une absence de motivation doit, dès lors, être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l'avis de concours

Arguments des parties

36.
    Le requérant fait valoir que les décisions du jury contenues dans les lettres des 19 décembre 1996 et 18 mars 1997 violent l'avis de concours. En effet, l'avis de

concours n'aurait pas précisé clairement que les attestations démontrant la connaissance suffisante d'une seconde langue communautaire devaient être jointes à l'acte de candidature. Il faudrait donc admettre les candidats aux épreuves afin de vérifier leurs connaissances linguistiques.

37.
    Le Conseil fait remarquer que le point VI, deuxième alinéa, de l'avis de concours précise que les candidats devaient produire des documents justificatifs se rapportant à leurs connaissances linguistiques.

38.
    L'argument du requérant selon lequel il était indispensable, afin de vérifier les connaissances linguistiques des candidats, de les admettre aux épreuves rendrait sans objet une telle exigence.

39.
    Les travaux d'un jury comporteraient, en général, deux stades distincts, correspondant, le premier, à la confrontation des titres produits par les candidats avec les qualifications requises par l'avis de concours, le second, à l'examen des aptitudes des candidats admis au concours à l'emploi à pourvoir, afin de dresser une liste d'aptitude (voir, à titre d'exemple, les arrêts de la Cour du 14 juin 1972, Marcato/Commission, 44/71, Rec. p. 427, point 19, et du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C-254/95 P, Rec. p. I-3423, point 26).

40.
    En l'espèce, l'avis de concours aurait effectivement prévu deux phases d'examen des candidatures, d'abord sur la base des documents présentés et ensuite par des épreuves. L'avis de concours aurait donc exigé pour le premier stade la production de pièces justificatives, telles que des diplômes de langue. En outre, dans un concours à participation nombreuse, il serait indispensable de s'en tenir aux exigences strictes et claires de l'avis de concours.

41.
    Quant à l'argument selon lequel il serait impossible d'apprécier in abstracto les connaissances linguistiques d'un candidat, ce serait justement sur la base de diplômes de langue que le jury serait en mesure de déterminer quels sont les candidats qui ont les aptitudes nécessaires pour passer au stade des épreuves écrites, afin d'éviter de convoquer à des épreuves — qu'il faudrait ensuite corriger — ceux dont les connaissances sont insuffisantes.

42.
    Le jury n'aurait pas, dans sa décision du 18 mars 1997, ajouté de conditions supplémentaires à celles de l'avis de concours. Il aurait indiqué très clairement que le niveau de connaissance en langues correspondant au Bachiller elemental n'était pas suffisant pour les fonctions à accomplir, en précisant également les critères d'appréciation retenus pour la sélection qui avait été faite (arrêt Parlement/Innamorati, précité, point 27).

43.
    Le Conseil ajoute que l'article 1er, paragraphe 1, sous f), de l'annexe III du statut prévoit que l'avis de concours doit spécifier, «éventuellement, les connaissances linguistiques requises par la nature particulière des postes à pourvoir». Cette

condition serait indépendante de celle qui est posée par l'article 1er, paragraphe 1, sous d), de l'annexe III, selon laquelle il faut spécifier les «diplômes» exigés.

44.
    Il s'ensuivrait qu'aucune obligation d'indiquer les diplômes de langues requis pour être admis à concourir n'est prévue au statut. En outre, ce serait dans l'intérêt des candidats qu'une telle liste n'a pas été ajoutée dans l'avis de concours. En effet, les candidats devaient simplement démontrer que, au moment de la publication de l'avis de concours, ils possédaient des connaissances linguistiques suffisantes par la production soit d'un diplôme de langues, soit de documents démontrant, par exemple, un séjour d'une certaine durée dans un pays étranger ou une expérience professionnelle dans une autre langue. Par ailleurs, les diplômes de langues correspondant au niveau requis seraient trop nombreux pour être énumérés.

Appréciation du Tribunal

45.
    En l'espèce, les conditions particulières d'admission au concours relatives aux connaissances linguistiques sont régies par le point III B, sous d), de l'avis de concours, qui dispose que, pour être admis aux épreuves, les candidats doivent «avoir une connaissance approfondie de la langue espagnole et le démontrer dans le cas où cela ne serait pas manifeste, compte tenu de la scolarité suivie, ainsi qu'une connaissance suffisante d'une autre langue officielle de la Communauté européenne, à savoir: l'allemand, l'anglais, le danois, le finlandais, le français, le grec, l'italien, le néerlandais, le portugais ou le suédois».

46.
    Il n'est donc pas précisé dans ce texte que le candidat doit produire les pièces justificatives de nature à établir la connaissance suffisante d'une autre langue officielle de la Communauté.

47.
    A cet égard, il convient de souligner que le point III B, sous d), diffère du point III B, sous a) (études complètes de l'enseignement moyen), sous b) (deux ans d'expérience professionnelle) et sous c) (connaissance d'un système de traitementde texte) en ce que chacun de ces paragraphes exige expressément la production de pièces justificatives.

48.
    Il est vrai que le point VI de l'avis de concours dispose, sous la rubrique «Dépôt des candidatures»:

«Après avoir accordé un soin tout particulier à la lecture de l'avis de concours et notamment à son titre II 'Nature des fonctions‘, les candidats sont priés d'adresser leur demande au moyen de l'acte de candidature inclus dans le présent Journal officiel, au directeur général de l'administration du secrétariat général du Conseil, rue de la Loi 175, B-1048 Bruxelles. Cette demande devra être expédiée, exclusivement par la poste, au plus tard le 29 mai 1996 à minuit, le cachet de la poste faisant foi.

L'attention des candidats est attirée sur le fait qu'ils doivent produire, pour cette même date, uniquement sous forme de copie ou photocopie, les documents justificatifs se rapportant à leur diplôme et/ou à leur expérience professionnelle ainsi qu'à leurs connaissances linguistiques et celles d'un système de traitement de textes. En effet, aucune de ces pièces justificatives ne sera restituée aux candidats.

Les candidats qui n'auraient pas signé leur acte de candidature ou qui n'auraient pas fait parvenir, dans les délais indiqués, les pièces justificatives nécessaires pour leur admission au concours seront éliminés par le jury

49.
    Toutefois, il ressort de l'économie du point VI, lu dans son ensemble, que celui-ci concerne les modalités du dépôt des candidatures, telles que l'adresse à laquelle l'acte de candidature devait être envoyé, la date limite de dépôt et la signature dudit acte.

50.
    Par ailleurs, le fait d'attirer l'attention des candidats, au point VI, sur la nécessité de produire, pour le 29 mai 1996, des pièces justificatives se rapportant, entre autres, à leurs connaissances linguistiques, est susceptible d'être interprété comme une référence à la condition, posée au point III B, sous d), de démontrer une connaissance approfondie de la langue espagnole dans le cas où cela ne serait pas manifeste, compte tenu de la scolarité suivie. La phrase en cause pourrait également être interprétée comme une référence à la production de copies ou de photocopies de tout diplôme ou certificat de langues mentionné, le cas échéant, au point 11 de l'acte de candidature (voir point 52 ci-dessous).

51.
    Il n'est donc pas établi que le point VI de l'avis de concours a imposé aux candidats une condition supplémentaire selon laquelle ils ne seraient pas admis aux épreuves en l'absence de pièces justificatives se rapportant à leur connaissance suffisante d'une autre langue communautaire.

52.
    Cette conclusion est renforcée par la présentation du formulaire constituant l'acte de candidature. En effet, au point 11 dudit formulaire (annexe A au mémoire en défense), les candidats devaient simplement compléter un tableau en apposant une croix dans l'une des colonnes correspondant aux mentions «très bien», «bien» et «moyen» sous chacune des rubriques «lu», «écrit» et «parlé», pour indiquer leur niveau de connaissance des différentes langues communautaires. Audit point 11, les candidats étaient également priés d'indiquer leurs diplômes ou certificats, le cas échéant («en suo casu mencione las diplomas o certificados obtenidos»). Il ne ressort donc nullement du formulaire que la production de documents justifiant d'une connaissance suffisante d'une autre langue communautaire était une condition d'admission aux épreuves.

53.
    Par ailleurs, il n'est pas exclu que, pour des raisons sociales, familiales ou autres, un candidat puisse avoir une connaissance suffisante d'une autre langue communautaire sans avoir obtenu de diplôme ou de certificat. Ainsi, si le jury d'un

concours à participation nombreuse considère qu'il y a lieu d'exiger la production de pièces justificatives se rapportant à la connaissance d'une autre langue communautaire comme une condition d'admission aux épreuves, cette condition, ainsi qu'une indication de la nature des pièces à produire, doit être énoncée de façon claire dans l'avis de concours. Or, tel n'était pas le cas en l'espèce.

54.
    Il en résulte que c'est à tort que le jury a rejeté la candidature du requérant, par ses décisions du 19 décembre 1996 et du 18 mars 1997, au motif qu'il n'avait pas présenté de pièces justificatives établissant sa connaissance d'une autre langue communautaire.

55.
    En effet, le requérant ayant déclaré sur l'honneur dans son acte de candidature que sa capacité à lire et à écrire en français relevait de la mention «bien», et que sa capacité à parler cette langue était «moyenne», le jury était tenu, en l'espèce, de l'admettre aux épreuves.

56.
    Par ailleurs, dans sa décision du 18 mars 1997, le jury a indiqué avoir admis que le niveau de connaissance requis d'une ou de plusieurs langues officielles de la Communauté pouvait résulter de «la preuve de séjours importants à l'étranger ou [de] la possession d'un diplôme officiel en langues, d'un niveau plus élevé que celui [qu'il a] présenté», alors que l'absence de précision dans l'avis de concours quant à la nature des preuves à fournir avait privé le requérant de la possibilité de soumettre d'autres éléments à cet égard, relatifs, notamment, aux séjours à l'étranger dont il a fait état dans le cadre de sa plainte auprès du médiateur européen.

57.
    Il s'ensuit que la décision litigieuse du 18 mars 1997 doit être annulée, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le troisième moyen avancé par le requérant.

Sur les dépens

58.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe en ses conclusions est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)    Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en annulation de la décision du jury du concours CONS/C/374 du 19 décembre 1996.

2)    La décision du jury du concours CONS/C/374, du 18 mars 1997, refusant d'admettre le requérant aux épreuves dudit concours est annulée.

3)    Le recours est rejeté pour le surplus.

4)    Le Conseil est condamné aux dépens.

Potocki

Bellamy
Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juillet 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français.