DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

27 octobre 2021 (*)

« Clause compromissoire – Convention de subvention conclue dans le cadre du septième programme-cadre pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) – Inexécution du contrat – Remboursement des sommes avancées – Intérêts de retard – Procédure par défaut »

Dans l’affaire T‑268/17,

Entreprise commune Clean Sky 2, représentée par M. B. Mastantuono, en qualité d’agent, assisté de Me M. Velardo, avocate,

partie requérante,

contre

Revoind Industriale di Pindaru Gelu Sas, établie à Rome (Italie),

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 272 TFUE et tendant à obtenir la condamnation de Revoind Industriale di Pindaru Gelu à rembourser l’avance versée dans le cadre de la convention de subvention pour partenaires no 632462, majorée d’intérêts de retard,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents et C. Mac Eochaidh (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        L’article 2, paragraphe 1, du règlement (CE) no 71/2008 du Conseil, du 20 décembre 2007, portant création de l’entreprise commune Clean Sky (JO 2008, L 30, p. 1), prévoit que cette entreprise contribue à la mise en œuvre du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013). En vertu de l’article 1er, paragraphe 2, et de l’article 2 du règlement (UE) no 558/2014 du Conseil, du 6 mai 2014, établissant l’entreprise commune Clean Sky 2 (JO 2014, L 169, p. 77), la requérante, l’entreprise commune Clean Sky 2, s’est substituée et a succédé à l’entreprise commune Clean Sky.

2        Le 7 novembre 2014, la requérante a conclu avec un consortium regroupant IBK-Innovation GmbH & Co. KG, en qualité de coordinateur du consortium (ci-après le « coordinateur »), ainsi que Revoind Industriale di Pindaru Gelu Sas et l’Università degli Studi Roma Tre, en qualité de bénéficiaires, la convention de subvention pour partenaires no 632462 (ci-après la « convention de subvention »), relative au projet intitulé « Easier-Experimental acoustic subsonic wind tunnel investigation of the advanced geared turbofan regional aircraft integrating HLD innovative low-noise design » (étude en soufflerie expérimentale subsonique et aéro-acoustique d’un avion à turboréacteur régional de pointe intégrant une solution innovante de réduction du bruit, ci-après le « projet Easier »).

3        Sur le fondement de l’article 6 de la convention de subvention, la requérante a versé au coordinateur une avance de 393 713 euros, destinée à être répartie entre les bénéficiaires. Par la suite, le coordinateur a versé à Revoind Industriale di Pindaru Gelu la somme de 101 370,94 euros en paiement d’une partie de son préfinancement.

4        Les articles 3 et 4 de la convention de subvention prévoyaient que le projet Easier aurait une durée de 17 mois à compter du 1er juin 2014 avec une seule période de rapport finale.

5        En octobre 2015, le coordinateur a averti la requérante des difficultés rencontrées par le consortium dans la réalisation du projet Easier en raison de l’inexécution par Revoind Industriale di Pindaru Gelu de ses obligations contractuelles.

6        Le 31 mars 2016, lors d’une téléconférence réunissant notamment la requérante, le coordinateur et Revoind Industriale di Pindaru Gelu, cette dernière a indiqué vouloir quitter le consortium et s’est également engagée à rembourser l’intégralité du préfinancement qu’elle avait reçu, déduction faite de l’argent dépensé dans le cadre du projet Easier.

7        Par courrier du 21 avril 2016, la requérante a, conformément au point II.38 de l’annexe II de la convention de subvention, demandé à Revoind Industriale di Pindaru Gelu de remédier à ses manquements contractuels dans un délai de 30 jours. La requérante a également demandé à Revoind Industriale di Pindaru Gelu de lui adresser, ainsi qu’au coordinateur, un rapport détaillé des activités techniques et des ressources financières utilisées pour le projet, mais aussi de rembourser les fonds inutilisés qui avaient été versés par le coordinateur en vue de la mise en œuvre du projet. La requérante a, en outre, informé Revoind Industriale di Pindaru Gelu que, à défaut de transmission de ces informations ou en cas d’évaluation négative des rapports techniques et financiers reçus, elle pourrait mettre fin à la participation de Revoind Industriale di Pindaru Gelu à la convention de subvention et émettre un ordre de recouvrement en cas d’utilisation injustifiée des fonds.

8        Revoind Industriale di Pindaru Gelu n’a pas répondu à ce courrier ni fourni les informations demandées.

9        Par courrier recommandé du 23 août 2016, la requérante a, conformément au point II.38 de l’annexe II de la convention de subvention, informé Revoind Industriale di Pindaru Gelu qu’elle mettait fin à sa participation à la convention de subvention à compter du 1er septembre 2016. La requérante invitait également Revoind Industriale di Pindaru Gelu à lui communiquer, dans un délai de 45 jours à compter de la date de résiliation, tous les rapports et éléments livrables visés au point II.4 de l’annexe II de la convention de subvention. La requérante indiquait, en outre, que, en l’absence de communication desdits documents dans ce délai de 45 jours, elle demanderait le remboursement du préfinancement reçu par Revoind Industriale di Pindaru Gelu.

10      Par courrier recommandé du 19 octobre 2016, la requérante a informé Revoind Industriale di Pindaru Gelu qu’elle n’avait pas reçu les documents demandés dans le courrier recommandé du 23 août 2016. La requérante informait également Revoind Industriale di Pindaru Gelu qu’elle lui accordait un délai supplémentaire de 30 jours pour fournir lesdits documents. La requérante indiquait, en outre, que, en cas de non-respect de ce délai, elle requerrait le remboursement intégral du préfinancement versé à Revoind Industriale di Pindaru Gelu.

11      Par courrier recommandé du 7 décembre 2016, la requérante a notifié à Revoind Industriale di Pindaru Gelu l’ordre de recouvrement du préfinancement de 101 370,94 euros. La requérante informait également Revoind Industriale di Pindaru Gelu qu’elle lui accordait un délai de quinze jours pour formuler ses éventuelles objections. La requérante indiquait, en outre, que, en cas de retard de paiement, la dette principale serait majorée d’intérêts moratoires au taux indiqué dans la note de débit.

12      Par courrier recommandé du 14 décembre 2016 adressé à la requérante, Revoind Industriale di Pindaru Gelu a affirmé qu’elle avait respecté toutes ses obligations contractuelles au titre de la convention de subvention et que les retards du projet Easier étaient imputables au coordinateur. Aucune annexe, telle que notamment les documents demandés par la requérante dans ses courriers recommandés des 23 août et 19 octobre 2016, n’était jointe audit courrier recommandé de Revoind Industriale di Pindaru Gelu.

13      Le 23 décembre 2016, la requérante a émis une note de débit pour un montant de 101 370,94 euros avec une date d’échéance fixée au 6 février 2017. Cette note de débit informait également Revoind Industriale di Pindaru Gelu que, à défaut de paiement à la date d’échéance, le montant à rembourser porterait des intérêts.

14      À cet égard, le point II.21 2 de l’annexe II de la convention de subvention prévoit que, si l’obligation de remboursement n’est pas honorée à la date fixée par la requérante, la somme due sera majorée d’un intérêt de retard, au taux prévu au point II.5 5 de cette même annexe, soit le taux d’intérêt appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) pour ses opérations principales de refinancement au premier jour du mois durant lequel expire le délai fixé par la requérante, majoré de 3,5 points. Ledit point II.21 2 de l’annexe II de la convention de subvention prévoit également que l’intérêt de retard couvre la période comprise entre la date de défaut de remboursement, laquelle est exclue, et la date de paiement final, qui est incluse.

15      Ainsi qu’il ressort du Journal officiel de l’Union européenne (JO 2017, C 33, p. 1), le taux d’intérêt appliqué par la BCE à ses opérations principales de refinancement était fixé, au 1er février 2017, à 0,00 %.

16      Malgré deux courriers de relance envoyés par la requérante les 8 et 23 février 2017, Revoind Industriale di Pindaru Gelu n’a procédé à aucun remboursement.

 Procédure et conclusions de la requérante

17      Par requête rédigée en langue anglaise et déposée au greffe du Tribunal le 8 mai 2017, la requérante a introduit le présent recours.

18      À la suite de plusieurs tentatives infructueuses de signification de la requête par envoi recommandé et par huissier de justice à l’adresse en Italie communiquée par la requérante, celle-ci a, par actes déposés au greffe du Tribunal le 6 juillet 2017 et le 18 décembre 2018, apporté des précisions relatives à la transformation de Revoind Industriale di Pindaru Gelu qui était une société à responsabilité limitée dont la dénomination sociale était Revoind Industriale Srl, ayant son siège statutaire à Oricola (Italie), avant de devenir une société en commandite simple dont la dénomination sociale est Revoind Industriale di Pindaru Gelu Sas, ayant son siège statutaire à Rome (Italie), et dont le « socio accomandatario » (associé commandité) et « rappresentante dell’impresa » (représentant de la société) est M. Gelu Pindaru, ainsi qu’à l’adresse de ce dernier à Bucarest (Roumanie).

19      Par décision du 23 octobre 2019 et à la suite de la modification de la composition des chambres du Tribunal, la présente affaire a été réattribuée à la huitième chambre.

20      À la suite d’une nouvelle tentative de signification de la requête à Revoind Industriale di Pindaru Gelu effectuée par lettre recommandée le 18 décembre 2019 ainsi que des questions adressées à la requérante à la même date, auxquelles celle-ci a répondu le 9 janvier 2020, le greffe du Tribunal a procédé à une nouvelle signification de la requête à Revoind Industriale di Pindaru Gelu, par courrier express du 3 juin 2020 adressé à M. Pindaru, en ses qualités d’associé commandité et de représentant de cette société, à l’adresse de ce dernier en Roumanie. Ce courrier a été réceptionné le 12 juin 2020.

21      Par décision du 16 juillet 2020, le président de la huitième chambre a constaté que la signification de la requête avait été, conformément à l’article 80, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, effectuée le 12 juin 2020.

22      Par lettres adressées aux parties le 9 septembre 2020, le greffe du Tribunal, d’une part, a constaté que la signification de la requête avait été effectuée le 12 juin 2020 et que Revoind Industriale di Pindaru Gelu n’avait pas déposé de mémoire en défense dans le délai prescrit à l’article 81 du règlement de procédure et, d’autre part, a invité la requérante à présenter ses observations sur la suite de la procédure et notamment si, en application de l’article 123, paragraphe 1, de ce même règlement, celle-ci entendait demander au Tribunal de lui adjuger ses conclusions.

23      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 25 septembre 2020 et signifié à Revoind Industriale di Pindaru Gelu le 12 octobre 2020 par l’intermédiaire de M. Pindaru, la requérante a demandé au Tribunal, conformément à l’article 123, paragraphe 1, du règlement de procédure, de lui adjuger le bénéfice de ses conclusions.

24      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner Revoind Industriale di Pindaru Gelu à lui verser la somme de 101 370,94 euros, correspondant au montant dû au principal, majorée de la somme de 524,91 euros au titre des intérêts de retard calculés au taux de 3,5 % pour la période comprise entre le 7 février 2017 et le 1er avril 2017 ;

–        condamner Revoind Industriale di Pindaru Gelu à lui verser 9,72 euros par jour à titre d’intérêts à compter du 2 avril 2017 et jusqu’à la date du remboursement intégral de la dette ;

–        condamner Revoind Industriale di Pindaru Gelu aux dépens.

 En droit

25      Conformément à l’article 123, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal adjuge à la partie requérante ses conclusions, à moins qu’il ne soit manifestement incompétent pour connaître du recours ou que ce recours ne soit manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

26      Tout d’abord, le Tribunal n’est pas manifestement incompétent pour connaître du présent recours au regard de la présence, à l’article 9, paragraphe 2, de la convention de subvention, d’une clause compromissoire, au sens de l’article 272 TFUE, selon laquelle le Tribunal et, en cas de pourvoi, la Cour sont seuls compétents pour connaître des litiges entre la requérante et tout bénéficiaire quant à l’interprétation, à l’application ou à la validité de ladite convention de subvention, ainsi qu’au regard des dispositions de l’article 10, paragraphe 1, sous b), du règlement no 71/2008, qui ont été reprises, en substance, à l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement no 558/2014.

27      Ensuite, le recours n’est pas manifestement irrecevable.

28      À cet égard, il convient de relever que la requête déposée par la requérante a certes été rédigée en anglais et, partant, dans une langue différente de celle désignée par l’article 45, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure, compte tenu du fait que Revoind Industriale di Pindaru Gelu était établie en Italie.

29      Toutefois, une telle irrégularité ne saurait, dans les circonstances particulières de l’espèce, conduire à considérer cette requête comme étant manifestement irrecevable au sens de l’article 123, paragraphe 3, du règlement de procédure.

30      En effet, il est constant que, à la suite de multiples tentatives infructueuses de signification de la requête par lettres recommandées avec accusé de réception ainsi que par exploits d’huissier tant à l’adresse de Revoind Industriale di Pindaru Gelu en Italie qu’à l’adresse, à Bucarest, de son représentant légal, ladite requête a néanmoins été signifiée à ce dernier, plus de trois années et un mois après l’introduction du recours.

31      Or, ni Revoind Industriale di Pindaru Gelu ni son représentant légal, qui ne pouvaient ignorer que ladite signification était effectuée par le Tribunal, ne se sont manifestés auprès de ce dernier soit pour faire état de leur défaut de compréhension de cette même requête en raison de la langue dans laquelle elle était rédigée, soit pour faire valoir que celle-ci n’était pas conforme aux prescriptions de l’article 45, paragraphe 1, sous a), du règlement de procédure.

32      De plus, il s’avère que l’anglais employé dans la requête est également la langue employée dans la convention de subvention et celle devant être employée, en vertu de l’article 4 de cette convention, pour les communications entre la requérante et Revoind Industriale di Pindaru Gelu ainsi que pour la rédaction des rapports devant être remis par la seconde à la première.

33      Dès lors, il ne saurait être considéré que Revoind Industriale di Pindaru Gelu n’a pas été en mesure de comprendre, à tout le moins, l’objet de la requête qui lui avait été signifiée par l’entremise de son représentant.

34      Par ailleurs, il convient de relever que, conformément à l’article 45, paragraphe 1, sous b), du règlement de procédure, Revoind Industriale di Pindaru Gelu avait la faculté de souscrire à l’emploi d’une langue autre que celle déterminée en application du point a) de ce paragraphe.

35      Enfin, au regard des antécédents du litige rappelés aux points 2 à 16 ci-dessus, correspondant à la description des faits réalisée par la requérante dans le cadre de la requête et étayée par les pièces du dossier, le recours n’est pas non plus manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

36      Cette conclusion n’est pas infirmée par le courrier recommandé du 14 décembre 2016, dans lequel Revoind Industriale di Pindaru Gelu a affirmé qu’elle avait respecté toutes ses obligations contractuelles au titre de la convention de subvention et que les retards du projet Easier étaient imputables au coordinateur. En effet, il suffit de constater que Revoind Industriale di Pindaru Gelu n’a avancé aucun argument ni joint aucune preuve audit courrier recommandé, au soutien de ses affirmations.

37      Il s’ensuit que Revoind Industriale di Pindaru Gelu doit être condamnée à rembourser à la requérante la somme de 101 370,94 euros, majorée des intérêts de retard au taux de 3,5 % l’an – c’est-à-dire 0,00 % majoré de 3,5 points, taux qui correspond à des intérêts de retard s’élevant à 9,72 euros par jour – à compter du 7 février 2017 et jusqu’à la date du paiement intégral de la dette.

 Sur les dépens

38      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Revoind Industriale di Pindaru Gelu ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Revoind Industriale di Pindaru Gelu Sas est condamnée à verser à l’entreprise commune Clean Sky 2 la somme de 101 370,94 euros, majorée des intérêts de retard au taux de 3,5 % l’an, à compter du 7 février 2017 et jusqu’à la date du paiement intégral de la dette.

2)      Revoind Industriale di Pindaru Gelu est condamnée à supporter les dépens.

Svenningsen

Barents

Mac Eochaidh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 octobre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.