ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

13 décembre 2018 (*)

« Fonction publique – Assistants parlementaires accrédités – Article 24 du statut – Demande d’assistance – Article 12 bis du statut – Harcèlement moral – Comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes opposant des assistants parlementaires accrédités à des membres du Parlement européen – Décision de rejet de la demande d’assistance – Droit d’être entendu – Principe du contradictoire – Refus de communication de l’avis du comité consultatif et des comptes rendus d’audition des témoins – Refus de l’institution défenderesse d’obtempérer à une mesure d’instruction du Tribunal »

Dans l’affaire T‑76/18,

CN, ancien assistant parlementaire accrédité du Parlement européen, représenté par Mes C. Bernard-Glanz et A. Tymen, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes D. Boytha et E. Taneva, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Parlement du 20 mars 2017 par laquelle l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de cette institution a rejeté la demande d’assistance introduite par le requérant le 13 février 2013 et, d’autre part, à la réparation du préjudice qu’il aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 25 octobre 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 5 mars 2012, au titre de l’article 5 bis du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), le requérant, CN, a été engagé par l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC ») du Parlement européen en tant qu’assistant parlementaire accrédité (ci-après « APA »), classé au grade 9 du groupe de fonctions II, pour assister X, membre du Parlement, pour laquelle il travaillait déjà depuis 2009 au bureau d’Athènes (Grèce). Selon le requérant, l’ambiance de travail au sein du bureau de X se serait ensuite rapidement détériorée.

2        Par courriel du 7 novembre 2012, le requérant a demandé un entretien avec le comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail (ci-après le « comité consultatif général »), mis en place par la décision du Parlement du 21 février 2006 portant adoption des règles internes relatives au comité sur le harcèlement (article 12 bis du statut [des fonctionnaires de l’Union européenne]), au motif qu’il considérait rencontrer de sérieux problèmes au travail.

3        Le 8 novembre 2012, le requérant a demandé, également par courriel, un entretien avec l’un des médecins du service médical du Parlement, le docteur O. Cet entretien a eu lieu le lendemain. À la demande du docteur O., le requérant a commencé à être suivi par le psychologue du Parlement, Mme R. P., à compter du 15 novembre 2012.

4        Le 15 novembre 2012, le requérant a eu un entretien avec le comité consultatif général. Lors de cet entretien, le requérant a fait état de sa situation. Les membres du comité consultatif général lui auraient expliqué à cette occasion que ce comité n’avait pas compétence pour traiter un cas allégué de harcèlement moral par un membre du Parlement.

5        Le requérant a été placé en congé de maladie successivement du 8 février au 21 juin 2013. Du 18 février au 17 septembre 2013, le requérant, sur les conseils de son médecin traitant et de Mme R. P., a également été suivi par un psychothérapeute extérieur au Parlement.

6        Par courriel du 13 février 2013, le requérant a transmis à l’adresse des membres du comité consultatif général une demande d’assistance, au titre de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), en faisant état d’une détérioration significative de sa relation de travail avec X (ci-après la « demande d’assistance »). Le requérant indiquait dans ce courriel qu’il souhaitait déposer une plainte pour harcèlement moral contre ce membre du Parlement et demandait au comité consultatif général, en tant qu’organe compétent au sein du Parlement, de traiter les problèmes urgents et sérieux auxquels il devait faire face ainsi que d’informer tout autre service compétent du Parlement et, surtout, il exhortait le comité consultatif général à prendre les mesures nécessaires pour le protéger de manière effective contre le harcèlement moral continu de X auquel il estimait être confronté en tant qu’APA. À cet égard, le requérant joignait une description circonstanciée des faits, documentée par des courriels de X, qu’il estimait constitutifs d’un harcèlement moral et autorisait Mme R. P., le psychologue du Parlement, à informer le comité consultatif général de son état de santé.

7        Le 21 février 2013, le requérant a été reçu par le comité consultatif général, lequel n’a toutefois pas accédé à sa demande de pouvoir être accompagné d’un membre du comité des assistants parlementaires accrédités. Lors de l’entretien, les membres du comité consultatif général lui auraient, de nouveau, expliqué que leur comité n’était pas compétent pour traiter son cas et que, par conséquent, il ne pourrait pas fournir au requérant une réponse écrite à la demande d’assistance.

8        Le requérant a pris son congé annuel du 24 juin au 17 juillet 2013, puis du 13 août au 4 septembre 2013.

9        Le 26 août 2013, le requérant a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation, par l’intermédiaire de ses conseils, contre ce qu’il considérait être une décision implicite de rejet de sa demande d’assistance, laquelle avait été communiquée, le 13 février 2013, au comité consultatif général, présidé par un membre du personnel affecté à la direction générale (DG) des ressources humaines du Parlement, auquel il avait demandé, le cas échéant, de transmettre la demande d’assistance à toute autorité compétente pour en connaître et, par conséquent, à l’AHCC.

10      Le 9 septembre 2013, le requérant a présenté sa démission. Dans sa lettre de démission, il a indiqué être forcé à démissionner, d’une part, en raison de l’absence de mesure prise par le Parlement pour le protéger contre le harcèlement moral dont il estimait être victime de la part de X, alors même qu’il avait adressé aux autorités compétentes de l’AHCC, par l’intermédiaire du comité consultatif général, la demande d’assistance et, d’autre part, parce qu’il estimait que continuer de travailler pour X engendrait de sérieux risques pour sa santé.

11      La démission du requérant a été acceptée par l’AHCC, laquelle, le 12 septembre 2013, a par conséquent mis fin à son contrat d’engagement avec effet au 30 septembre suivant. Par la suite, le requérant a été engagé par l’AHCC de la Commission européenne à partir du 1er novembre 2013.

12      Le 18 décembre 2013, le secrétaire général du Parlement a, en sa qualité d’AHCC, rejeté la réclamation du 26 août 2013. Tout en reconnaissant que, en vertu de l’article 127 du RAA, l’article 24 du statut était applicable aux APA, il a considéré que le requérant n’avait pas, dans la demande d’assistance, étayé ses allégations concernant le comportement de X « par un commencement de preuve permettant de conclure à du harcèlement d[u] déput[é] de référence à son égard ». En effet, s’agissant des trois courriels adressés au requérant par X, le secrétaire général a considéré qu’ils étaient, certes, rédigés sur un ton un peu directif, mais qu’ils ne comportaient pas pour autant « une indiscutable marque de harcèlement ». Le secrétaire général a alors estimé que, « en l’absence d’un commencement de preuve permettant de conclure à du harcèlement d[u] déput[é] de référence à l’égard d[u requérant], le Parlement […] n’était pas tenu de mener une enquête[, que, p]artant, son comportement n’[aurait été] entaché d’aucune illégalité[et que, p]ar voie de conséquence, la responsabilité du Parlement ne saurait être engagée et la demande de réparation [étai]t à rejeter ». Il a toutefois ajouté que, « [s]i [le requérant] décidait d’engager un recours de droit national contre [X] et apportait, dans ce cadre, des commencements de preuve des faits allégués convaincants, le Parlement […] reconsidérerait la situation à la lumière de la jurisprudence telle qu’elle ressort[ait] de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement, F‑129/12, [EU:F:2013:203,] point 57 ».

13      Par requête parvenue au greffe du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne le 24 mars 2014 et enregistrée sous le numéro F‑26/14, le requérant a, au titre de l’article 270 TFUE, introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision implicite, qu’il considérait être intervenue le 13 juin 2013, par laquelle l’AHCC avait rejeté la demande d’assistance (ci-après la « décision implicite de rejet d’assistance »), et à l’annulation de la décision du 18 décembre 2013 portant rejet de sa réclamation contre ladite décision implicite, ainsi que, d’autre part, à la réparation des préjudices matériel et moral qu’il estimait avoir subis, et ce à concurrence, respectivement, de 7 500 euros et de 50 000 euros.

14      Le 14 avril 2014, eu égard à la situation spécifique des APA, telle que mise en exergue par l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203), le bureau du Parlement a adopté une réglementation interne (ci‑après les « règles internes “APA” en matière de harcèlement ») visant à constituer un comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail traitant des plaintes opposant des APA et des membres du Parlement (ci-après le « comité consultatif spécial “APA” »).

15      Le 15 janvier 2015, le requérant a présenté des observations écrites au comité consultatif spécial « APA ». Le 28 janvier 2015, celui-ci a auditionné le requérant, X ainsi que CH, collègue du requérant ayant également introduit une demande d’assistance concernant des faits allégués de harcèlement moral de la part de X et dont le recours contre la décision de rejet de cette demande a été accueilli par l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203).

16      Par l’arrêt du 26 mars 2015, CN/Parlement (F‑26/14, EU:F:2015:22), le Tribunal de la fonction publique, d’une part, a annulé la décision implicite de rejet de la demande d’assistance et la décision du 18 décembre 2013 de rejet de la réclamation introduite contre cette décision implicite. D’autre part, il a condamné le Parlement à payer au requérant la somme de 45 785, 29 euros et à supporter les dépens exposés par ce dernier.

17      Par courriel du 17 juillet 2015, le secrétaire du comité consultatif spécial « APA » aurait informé le requérant que, à la suite du refus de X de se présenter à une audition devant ledit comité, celui-ci l’avait invitée à nouveau à se présenter au cours du mois de septembre suivant. Par courriel du 22 janvier 2016, le nouveau secrétaire du comité consultatif spécial « APA » aurait toutefois indiqué au requérant que cette information était confidentielle.

18      Le 18 mai 2016, conformément à l’article 10 des règles internes « APA » en matière de harcèlement, telles que modifiées par la décision du bureau du Parlement du 6 juillet 2015, selon lequel le comité consultatif spécial « APA » doit transmettre son rapport confidentiel au président du Parlement, et non plus aux questeurs, le président du Parlement a, après avoir pris connaissance des conclusions du comité consultatif spécial « APA » adoptées à l’issue de l’enquête administrative, indiqué au requérant que les comportements qu’il avait décrits dans la demande d’assistance, considérés globalement, ne démontraient pas, selon lui, une conduite inappropriée de la part d’un membre du Parlement à l’égard d’un APA et qu’il transmettait le dossier à l’AHCC afin qu’elle prenne une décision sur la demande d’assistance (ci-après la « décision motivée »).

19      En effet, le président du Parlement, qui est investi, par l’article 12 des règles internes « APA » en matière de harcèlement, telles que modifiées par la décision du bureau du Parlement du 6 juillet 2015, du pouvoir de prendre, « [a]u vu de l’avis rendu par le comité [consultatif spécial “APA”] », « une décision motivée indiquant si la preuve du harcèlement a été apportée » et, le cas échéant, du pouvoir de « prononce[r] une sanction à l’encontre du député concerné, conformément aux articles 11 et 166 du règlement intérieur du Parlement », relevait, dans la décision motivée, que le comité consultatif spécial « APA » considérait notamment comme établis les faits que X, ancien membre du Parlement, avait demandé au requérant de s’occuper d’un certain nombre de tâches additionnelles lorsque l’un de ses collègues avait démissionné du bureau d’Athènes, qu’elle lui avait demandé pendant son congé annuel estival d’organiser pour elle un voyage en Italie, impliquant d’échanger des courriels avec les organisateurs, et qu’elle lui avait demandé d’occuper un poste de travail plus petit de façon à ce que le bureau qu’il occupait précédemment, de plus grande taille, fût disponible pour un autre APA.

20      Le président du Parlement a considéré, dans la décision motivée, que ces comportements étaient intentionnels au sens de l’article 12 bis du statut et qu’ils avaient été répétés au cours du temps. Cependant, il a considéré, premièrement, que la demande de X, visant à ce que le requérant assume des tâches additionnelles pour pallier à la démission de l’un de ses collègues, n’était pas en elle-même déraisonnable. Deuxièmement, s’agissant de la demande de X visant à ce que le requérant l’aide dans l’organisation de l’un de ses déplacements, il a relevé que les faits rapportés étaient contradictoires en ce que, d’un côté, X avait expliqué qu’elle avait formulé cette demande dans le cadre du système « à la demande » (on call system), à savoir un arrangement entre le membre du Parlement et ses APA fréquemment utilisé tant par les membres que par l’administration, tandis que, de leur côté, les autres APA de X ne s’étaient pas référés à la mise en place d’un système « à la demande » au sein de leur équipe. Ainsi, le président du Parlement a considéré que, dans ces circonstances, ladite demande impliquant des longs échanges de courriels sur une période d’une semaine pendant laquelle le requérant était censé être en congé pourrait être considérée comme inappropriée et excessive. Troisièmement, la demande de X relative à l’occupation par le requérant d’un bureau plus petit que le précédent pouvait être perçue comme dégradante. Cependant, le président du Parlement considérait que les membres de cette institution devaient adopter des décisions concernant leurs besoins spécifiques avec des ressources limitées et que, par conséquent, il n’était pas inhabituel que le mobilier de bureau soit alloué à nouveau à l’intérieur des bureaux desdits membres. Or, étant donné que les conditions exactes dans lesquelles la demande de X avait été formulée ne pouvaient pas être établies, il a estimé qu’il semblait discutable de devoir considérer ladite demande comme étant l’expression d’un harcèlement plutôt que comme une décision fonctionnelle. Enfin, il a estimé que le langage utilisé par X dans ses courriels et ses messages adressés au requérant, quoique direct et pas nécessairement amical, n’était ni dur ni insultant.

21      Le président du Parlement a ainsi conclu, dans la décision motivée, que deux des quatre faits allégués par le requérant ne constituaient clairement pas une conduite inappropriée de X tandis que les deux autres faits s’étaient déroulés dans un contexte dans lequel leur nature possiblement inappropriée était discutable. Par ailleurs, il indiquait que le comité consultatif spécial « APA », tout en reconnaissant et en regrettant que les relations au sein de l’équipe de X soient tendues et conflictuelles, n’était pas arrivé à la conclusion claire qu’elle aurait systématiquement agi de manière inappropriée à l’égard du requérant au cours d’une période de temps prolongée. Ainsi, un observateur impartial doté d’une sensibilité normale n’aurait pas considéré les faits allégués comme étant susceptibles de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du requérant.

22      Le 13 janvier 2017, le requérant a interpellé l’AHCC sur le fait que, à la suite de la décision motivée, il n’avait toujours pas reçu de nouvelle de sa part, alors même que la demande d’assistance était en souffrance depuis près de quatre ans.

23      Par lettre du 24 janvier 2017 du directeur général du personnel du Parlement, le requérant a été invité à soumettre ses observations sur la décision motivée pour le 10 février 2017.

24      Par lettre du 10 février 2017, le requérant a soumis ses observations, dans lesquelles il contestait les conclusions du comité consultatif spécial « APA », de même que celles du président du Parlement figurant dans la décision motivée, notamment parce que, selon lui, de nombreux faits qu’il avait allégués n’avaient pas été examinés ou avaient été insuffisamment pris en compte et que certains faits auraient dû être considérés comme étant abusifs ou insultants, comme la circonstance que X lui aurait envoyé un message, adressé en copie à ses collègues, dans lequel elle lui aurait dit d'« [arrête[r] de [lui] dire des conneries » (stop saying bullshit to me). Il critiquait également les circonstances dans lesquelles les auditions avaient été menées par ledit comité ainsi que le fait que le rapport établi par celui-ci, la liste des témoins auditionnés et les comptes rendus de ces auditions ne lui avaient pas été transmis malgré les demandes qu’il avait faites en ce sens. Or, selon lui, il ne pouvait pas être considéré comme ayant été utilement entendu en ses observations écrites sans avoir disposé de ces documents pour formuler lesdites observations.

25      Par décision du 20 mars 2017, le directeur général du personnel du Parlement a, en sa qualité d’AHCC, rejeté la demande d’assistance (ci-après la « décision attaquée »). En substance, il a tout d’abord considéré que le requérant n’avait aucun droit subjectif à la communication du rapport établi par le comité consultatif spécial « APA », de la liste des témoins auditionnés et des comptes rendus d’audition des témoins. Ensuite, il a estimé que le jurisconsulte du Parlement avait le droit d’assister aux auditions devant le comité consultatif spécial « APA » et que, à cet égard, la circonstance que le requérant n’avait pas eu la possibilité d’être assisté de ses conseils ou d’un représentant du comité des APA devant cette instance consultative ne constituait pas une méconnaissance du principe d’égalité des armes. Enfin, s’agissant du fond, il a en substance indiqué qu’il partageait entièrement les considérations émises par le président du Parlement dans la décision motivée, tout en précisant, en réponse à la critique du requérant quant à l’analyse et à la prise en compte insuffisante de certains faits allégués, que ce dernier avait reçu une motivation quant au rejet de ses allégations comme étant non fondées, en l’occurrence celle figurant dans la décision motivée et qui reprenait de manière synthétique, cohérente et complète les faits qui avaient pu être considérés comme établis par le comité consultatif spécial « APA ».

26      Par lettre du 28 avril 2017, le requérant a, au titre du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), formulé une demande d’accès aux documents contenus dans le dossier le concernant détenu par le comité consultatif général et par le comité consultatif spécial « APA », notamment le rapport établi par ce dernier comité. Cette demande a été rejetée par décision du 16 juin 2017, rejet qui a été confirmé par le Parlement le 21 août 2017, au motif que la divulgation de ces documents pourrait porter atteinte à l’intégrité de X, de même qu’à la protection des données à caractère personnel des témoins.

27      Le 20 juin 2017, le requérant a, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, introduit une réclamation contre la décision attaquée. À l’appui de sa réclamation, il invoquait la violation du principe de bonne administration, de l’obligation de motivation, de l’article 25 du statut, du droit d’être entendu et du devoir de sollicitude ainsi qu’une erreur manifeste d’appréciation, la violation de l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et la violation de l’article 12 bis et de l’article 24 du statut ainsi que du principe du respect du délai raisonnable.

28      Par décision du 27 octobre 2017, le secrétaire général du Parlement a, en sa qualité d’AHCC, accueilli partiellement la réclamation du 20 juin 2017 sur le volet indemnitaire en octroyant ex æquo et bono au requérant un montant de 1 500 euros pour le délai pris par l’AHCC entre la décision motivée et la décision attaquée qui, selon lui, aurait pu être plus court. Pour le surplus, il a rejeté la réclamation, notamment en ce qui concernait les arguments de contestation de la légalité de la décision attaquée. Le secrétaire général a ainsi considéré, à l’instar du président du Parlement, que les faits allégués n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

29      Le 17 avril 2018, dans la mesure où le requérant demandait, dans sa requête, à ce qu’il soit ordonné à la partie défenderesse de produire ces documents, le Parlement a été prié par le Tribunal, à titre de mesure d’organisation de la procédure, de produire, dans le cadre du dépôt de son mémoire en défense et, le cas échéant, sous la forme d’une version non confidentielle, les conclusions finales du comité consultatif spécial « APA » concernant le cas du requérant ainsi que les comptes rendus d’audition des témoins éventuellement établis par cette instance consultative.

30      Le 3 mai 2018, le Parlement a déposé son mémoire en défense. Cependant, par lettre du même jour, il a indiqué qu’il refusait de produire les documents demandés, en expliquant qu’il était fondamental, pour le bon fonctionnement du comité consultatif spécial « APA », lequel avait été mis en place à la suite de l’arrêt du 12 décembre 2013, CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203), que les travaux et les délibérations de ce comité consultatif, dans lequel trois questeurs avaient accepté de siéger, demeurent confidentiels vis-à-vis du requérant. Or, le Parlement soulignait que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement (T‑275/17, EU:T:2018:479), et dans l’affaire pendante QH/Parlement (T‑748/16), le Tribunal avait décidé que des documents, analogues à ceux demandés en l’espèce, n’étaient pas confidentiels vis-à-vis des parties requérantes en cause et les avait alors transmis à ces dernières. Ainsi, selon le Parlement, « [e]n présence d’une pratique qui devient systématique et qui menace l’existence même du dispositif de traitement des plaintes pour harcèlement portées par des APA contre des députés au Parlement, l’[i]nstitution est au regret de devoir déclarer qu’elle ne communiquera plus de document secret au Tribunal sans savoir que, en tout état de cause, il ne sera pas communiqué [à la partie requérante] ».

31      Par ordonnance du 18 mai 2018, le Tribunal a, au titre de l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, ordonné au Parlement de produire les conclusions et les éventuels comptes rendus d’audition des témoins établis, à la suite de la demande d’assistance, par le comité consultatif spécial « APA », tout en indiquant que ces documents ne seraient pas transmis, à ce stade, au requérant.

32      Par lettre du 4 juin 2018, le Parlement a réitéré son refus de produire les documents demandés par mesure d’instruction, tout en proposant au Tribunal, s’il le souhaitait, de les lui communiquer informellement de façon qu’ils ne soient pas versés au dossier et que « l’[i]nstitution ait ainsi la garantie que l[e] requérant n’aur[ait] pas accès à des documents qu’elle estim[ait] secrets et confidentiels ».

33      Le 28 juin 2018, les parties ont été invitées, à titre de mesure d’organisation de la procédure, à prendre position sur les conséquences à tirer, sur le traitement de l’affaire, de la décision du Parlement, communiquée le 4 juin 2018, par laquelle il refusait de transmettre au Tribunal les documents qu’il lui avait ordonné de produire par ordonnance du 18 mai 2018. À cet égard, l’attention des parties était attirée, d’une part, sur les arrêts du 10 juin 1980, M./Commission (155/78, EU:C:1980:150), et du 12 mai 2010, Commission/Meierhofer (T‑560/08 P, EU:T:2010:192), ainsi que, d’autre part, sur l’arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement (T‑218/17, EU:T:2018:393).

34      Les 10 et 11 juillet 2018 respectivement, le requérant et le Parlement ont déposé leurs observations à cet égard.

35      Le 8 août 2018, le Tribunal ayant estimé qu’un second échange de mémoires n’était pas nécessaire et ayant, par ailleurs, refusé la demande en ce sens du requérant du 2 août 2018, la phase écrite de la procédure a été clôturée et, lors de l’audience du 25 octobre 2018, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries.

36      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et, en tant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner le Parlement au paiement de 68 500 euros à titre de réparation des préjudices moraux qu’il aurait subis ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

37      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

38      À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision attaquée et, le cas échéant, de la décision de rejet de la réclamation, le requérant soulève deux moyens tirés, respectivement, le premier, de la violation de l’article 41 de la Charte, de l’article 25 du statut et de l’obligation de motivation, du principe de bonne administration, du droit d’être entendu et des droits de la défense ainsi que du devoir de sollicitude et, le second, d’une erreur manifeste d’appréciation, de la violation de l’article 31 de la Charte, des articles 12 bis et 24 du statut ainsi que du devoir de sollicitude.

 Sur l’objet des conclusions en annulation

39      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 6 avril 2006, Camós Grau/Commission, T‑309/03, EU:T:2006:110, point 43).

40      En l’espèce, étant donné que la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée, il y a lieu de constater que les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome et qu’il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci, même si, dans l’examen de la légalité de la décision attaquée, il conviendra de prendre en considération, d’une part, la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 9 décembre 2009, Commission/Birkhoff, T‑377/08 P, EU:T:2009:485, points 58 et 59 et jurisprudence citée), ainsi que, d’autre part, celle figurant dans la décision motivée à laquelle la décision attaquée se réfère.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 41 de la Charte, de l’article 25 du statut et de l’obligation de motivation, du principe de bonne administration, du droit d’être entendu et des droits de la défense ainsi que du devoir de sollicitude

41      À l’appui de son premier moyen, le requérant fait valoir que l’absence de communication par l’AHCC, en phase précontentieuse, du rapport du comité consultatif spécial « APA », de la liste des témoins auditionnés par ce comité ainsi que des comptes rendus d’audition de ces témoins ne lui permet pas de comprendre le raisonnement exposé dans la décision motivée, à laquelle la décision attaquée se réfère, et par lequel les faits allégués ont été considérés comme ne constituant pas un harcèlement moral à son égard. Par ailleurs, il ne serait pas non plus en mesure d’apprécier, d’une part, si ledit comité avait auditionné des témoins ni, en particulier, ceux qu’il avait cités, y compris deux médecins, et, d’autre part, si l’AHCC avait dûment pris en compte les certificats médicaux d’un neuropsychiatre et de son médecin traitant qu’il avait pourtant fournis.

42      Le requérant fait également grief à l’AHCC de ne pas lui avoir transmis le rapport du comité consultatif spécial « APA ». Or, selon lui, une telle transmission s’imposait d’autant plus que la décision attaquée n’était pas suffisamment motivée. Par ailleurs, il estime que la communication de ce rapport, de même que des comptes rendus d’audition des témoins, était indispensable afin qu’il puisse s’assurer que ces témoignages n’avaient pas été dénaturés.

43      En tout état de cause, l’absence de communication en phase précontentieuse du rapport du comité consultatif spécial « APA » et des comptes rendus d’audition des témoins, à tout le moins d’une version non confidentielle de ceux-ci, constituerait une méconnaissance de son droit d’être utilement entendu, ainsi que l’aurait confirmé le Tribunal dans l’arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement (T‑218/17, EU:T:2018:393). L’attitude de l’AHCC serait également constitutive d’une violation de son devoir de sollicitude, puisque son intérêt à disposer de tels documents et d’une motivation adéquate quant au rejet de la demande d’assistance n’aurait manifestement pas été pris en compte.

44      Le Parlement conclut au rejet du moyen comme étant non fondé.

45      Il soutient que, en l’espèce, l’AHCC a satisfait à son obligation de motivation. S’agissant de l’audition des témoins, tout en reconnaissant que les témoignages de ceux-ci peuvent constituer un apport précieux pour compléter ou compenser l’absence de preuves de la part du demandeur en assistance, il estime, d’une part, que la force probante de ceux-ci doit être relativisée. D’autre part, « [s]acrifier la confidentialité garantie aux témoins pour privilégier une transparence excessive tari[rai]t inéluctablement la disponibilité des tiers à délivrer des témoignages francs, complets et objectifs [voire] même à témoigner tout court ». Pour cette raison, le Parlement estime que la confidentialité doit s’étendre tant au rapport du comité consultatif spécial « APA » qu’aux comptes rendus d’audition des témoins et à la liste des témoins auditionnés par le comité consultatif spécial « APA », justifiant, d’une part, que ces documents ne se retrouvent en aucune manière en possession du requérant et, d’autre part, qu’il refuse d’obtempérer à la mesure d’instruction du Tribunal.

46      Quant au droit d’être entendu, le Parlement estime qu’il l’a respecté en l’espèce, puisque le requérant a eu l’occasion de présenter ses observations sur la décision motivée et que, en tout état de cause, la transmission du rapport établi par le comité consultatif spécial « APA » n’était pas nécessaire pour permettre au requérant de faire valoir ses observations. En outre, étant donné qu’une telle transmission serait nuisible à l’efficacité des travaux de ce comité, le Parlement estime que l’AHCC n’avait pas l’obligation de transmettre au requérant ce rapport, pas plus que les comptes rendus d’audition des témoins.

–       Considérations liminaires sur le traitement d’une demande d’assistance statutaire

47      À titre liminaire, il convient de rappeler que, lorsque l’AHCC ou, selon les cas, l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une institution (ci-après l’« AIPN ») est saisie, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 dudit statut, cette autorité doit, en vertu de l’obligation d’assistance et si elle est en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire ou l’agent qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme faire l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête administrative, afin d’établir les faits à l’origine de la demande d’assistance, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (arrêts du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, points 15 et 16 ; du 12 juillet 2011, Commission/Q, T‑80/09 P, EU:T:2011:347, point 84, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 46).

48      En présence d’allégations de harcèlement, l’obligation d’assistance comporte, en particulier, le devoir pour l’administration d’examiner sérieusement, avec rapidité et en toute confidentialité, la demande d’assistance dans laquelle un harcèlement est allégué et d’informer le demandeur de la suite réservée à celle-ci (arrêts du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 47, et du 6 octobre 2015, CH/Parlement, F‑132/14, EU:F:2015:115, point 88).

49      Cette obligation existe même lorsque la demande d’assistance vise un « tiers », au sens de l’article 24 du statut, qui ne serait pas un autre fonctionnaire ou agent, mais un membre d’une institution (voir, en ce sens, arrêts du 12 décembre 2013, CH/Parlement, F‑129/12, EU:F:2013:203, points 54 à 58, et du 26 mars 2015, CN/Parlement, F‑26/14, EU:F:2015:22, point 42). En effet, s’agissant des membres du Parlement, ceux-ci sont également tenus de respecter l’interdiction de tout harcèlement moral ou sexuel, telle que prévue à l’article 12 bis du statut (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, points 79 à 81).

50      Ensuite, en ce qui concerne les mesures à prendre dans une situation qui, telle celle de l’espèce, entre dans le champ d’application de l’article 24 du statut, l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, sous le contrôle du juge de l’Union européenne, dans le choix des mesures et des moyens d’application de l’article 24 du statut (arrêts du 15 septembre 1998, Haas e.a./Commission, T‑3/96, EU:T:1998:202, point 54 ; du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 137, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 48).

51      Lorsque, à la suite de l’introduction d’une demande d’assistance, du type de celle en cause en l’espèce, l’administration décide d’une enquête administrative, le cas échéant en la confiant, comme en l’espèce, à un comité consultatif (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2015, CH/Parlement, F‑132/14, EU:F:2015:115, point 99), l’objet même de cette enquête administrative est de confirmer ou d’infirmer l’existence d’un harcèlement moral, au sens de l’article 12 bis du statut, de sorte que l’AHCC ne saurait préjuger de l’issue de l’enquête et n’est pas censée prendre position, pas même implicitement, sur la réalité du harcèlement allégué avant d’avoir obtenu les résultats de l’enquête administrative. En d’autres termes, il est inhérent à l’ouverture d’une enquête administrative que l’administration ne prenne pas prématurément position, essentiellement sur la base de la description unilatérale des faits fournie dans la demande d’assistance, puisqu’elle doit, au contraire, réserver sa position jusqu’à ce que soit terminée ladite enquête, laquelle doit être diligentée en confrontant les allégations du fonctionnaire ou de l’agent auteur de la demande d’assistance à la version des faits fournie par le harceleur présumé, de même qu’à celle des personnes ayant pu être témoins des faits allégués comme étant prétendument constitutifs d’une méconnaissance, par le harceleur présumé, de l’article 12 bis du statut (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 59 et jurisprudence citée).

52      À cet égard, d’une part, le constat par l’administration, à l’issue d’une enquête administrative, éventuellement menée avec l’aide d’une instance distincte de l’AHCC, telle que le comité consultatif spécial « APA », de l’existence d’un harcèlement moral peut être, en lui-même, susceptible d’avoir un effet bénéfique dans le processus thérapeutique de reconstruction du fonctionnaire ou de l’agent harcelé et peut, en outre, non seulement justifier une suite disciplinaire à l’égard du harceleur, mais également être utilisé par la victime aux fins d’une éventuelle action judiciaire nationale, dans le cadre de laquelle l’obligation d’assistance de l’AHCC, au titre de l’article 24 du statut, s’appliquera et ne s’éteindra pas à l’issue de la période d’engagement de l’agent concerné. D’autre part, la conduite jusqu’à son terme d’une enquête administrative peut, à l’inverse, permettre d’infirmer les allégations de la prétendue victime, permettant alors de réparer les torts qu’une telle accusation, si celle-ci devait se révéler non fondée, a pu causer à la personne visée en tant que harceleur présumé par une procédure d’enquête (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 61 et jurisprudence citée).

53      Sur cet aspect, tout d’abord, il convient de rappeler que le statut ne prévoit pas de procédure spécifique à laquelle l’administration serait tenue lorsqu’elle traite une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut, présentée sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, dudit statut et ayant pour objet l’allégation d’un fonctionnaire ou agent selon laquelle un autre fonctionnaire ou agent, voire un membre d’une institution, aurait eu, à son égard, un comportement méconnaissant l’article 12 bis du statut (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 65).

54      Ensuite, il y a lieu de rappeler qu’une procédure d’enquête administrative diligentée à la suite de la présentation, par un fonctionnaire ou agent, d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut pour des faits d’un tiers, fonctionnaire ou agent, voire membre d’une institution, relevant prétendument d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut est, certes, ouverte à sa demande, mais elle ne saurait être considérée comme une procédure d’enquête ouverte à l’encontre dudit fonctionnaire ou agent (voir, en ce sens, arrêt du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10, EU:F:2012:64, point 46). En effet, selon une jurisprudence constante, le rôle de l’auteur de la demande d’assistance alléguant des faits de harcèlement consiste essentiellement en sa collaboration dans la bonne conduite de l’enquête administrative afin d’établir les faits (arrêts du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, points 15 et 16 ; du 25 octobre 2007, Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 136, et du 6 octobre 2015, CH/Parlement, F‑132/14, EU:F:2015:115, point 87).

55      Or, le respect des droits de la défense, tel que visé à l’article 48 de la Charte, intitulé « Présomption d’innocence et droits de la défense », impose, certes, que les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts soient mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments susceptibles d’être retenus à leur « charge » pour fonder ces décisions (arrêt du 14 juin 2016, Marchiani/Parlement, C‑566/14 P, EU:C:2016:437, point 51) et inclut le respect du principe du contradictoire, qui va au-delà du respect du droit d’être entendu, lequel est également, par ailleurs, garanti en tant que composante de l’article 41 de la Charte, intitulé « Droit à une bonne administration ». Cependant, le respect des droits de la défense, au sens de l’article 48 de la Charte, n’a vocation à être invoqué que dans le cadre d’une procédure qui est ouverte « à l’encontre » d’une personne et qui est susceptible d’aboutir à un acte lui faisant grief dans lequel l’administration retient des éléments à charge contre cette personne (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 67 ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10, EU:F:2012:64, point 46).

56      Il s’ensuit que, dans le cadre de la procédure suivie par l’AIPN ou l’AHCC en vue de statuer sur une demande d’assistance fondée sur une méconnaissance de l’article 12 bis du statut, l’auteur de cette demande ne peut pas revendiquer le respect des droits de la défense visés à l’article 48 de la Charte en tant que tels ni, dans ce cadre, sous la forme d’une violation du principe du contradictoire (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 68).

57      Il en va d’ailleurs de même du harceleur présumé. En effet, certes, celui-ci peut être personnellement mis en cause dans la demande d’assistance ayant conduit à l’ouverture de l’enquête administrative et il peut avoir, déjà à ce stade, à se défendre contre des accusations le visant, justifiant qu’il puisse être entendu, éventuellement à plusieurs reprises, dans le cadre de l’enquête (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 69 ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2014, CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214, point 147). Cependant, ce n’est qu’à un stade ultérieur de la procédure, si des poursuites disciplinaires devaient être engagées contre lui, en l’occurrence par la saisine du conseil de discipline ou de toute autre instance analogue, qu’il bénéficierait alors des droits de la défense au sens de l’article 48 de la Charte et, notamment, du principe du contradictoire, étant souligné, dans le cas d’un fonctionnaire ou d’un agent mis en cause, que le statut ne prévoit qu’un droit d’être entendu sur le principe de l’ouverture de la procédure disciplinaire et que la procédure ne prend un caractère contradictoire qu’après la saisine du conseil de discipline (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 69 ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T‑74/96, EU:T:1998:58, point 340).

58      Cela étant dit, il doit être reconnu à l’auteur d’une demande d’assistance, en tant que victime supposée, des droits procéduraux, distincts des droits de la défense visés à l’article 48 de la Charte, qui ne sont pas aussi étendus que ceux-ci (arrêts du 16 mai 2012, Skareby/Commission, F‑42/10, EU:F:2012:64, point 48, et du 16 décembre 2015, De Loecker/SEAE, F‑34/15, EU:F:2015:153, point 43) et qui, en définitive, relèvent du droit à une bonne administration, tel que prévu désormais par l’article 41 de la Charte (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 70).

59      En effet, il convient de rappeler que le but d’une enquête administrative ouverte par l’administration, en réponse à une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut, est d’apporter des éclaircissements, par les conclusions de l’enquête, sur les faits litigieux, afin que l’administration puisse prendre une position définitive à cet égard, lui permettant alors soit de classer sans suite la demande d’assistance, soit, lorsque les faits allégués sont avérés et relèvent du champ d’application de l’article 12 bis du statut, d’engager éventuellement une procédure disciplinaire en vue, le cas échéant, de prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre du harceleur présumé (voir, s’agissant d’un fonctionnaire ou agent, arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, point 57, et, s’agissant d’un membre d’une institution, arrêt du 6 octobre 2015, CH/Parlement, F‑132/14, EU:F:2015:115, point 90).

60      Ainsi, d’un côté, lorsque, dans le cadre des mesures qu’elle décide d’adopter en réponse à la demande d’assistance, l’administration décide d’engager une procédure disciplinaire au titre de l’article 86 du statut ou toute autre procédure analogue, au motif d’une méconnaissance, par la personne mise en cause dans cette demande, de l’interdiction prévue à l’article 12 bis du statut, la procédure ainsi diligentée l’est à l’encontre de cette personne, harceleur présumé, de sorte que cette dernière dispose alors de toutes les garanties procédurales mettant en œuvre les droits de la défense au sens de l’article 48 de la Charte et, notamment, le principe du contradictoire. Ces garanties sont, dans le cas d’un fonctionnaire ou agent, celles prévues à l’annexe IX du statut (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 72), et, dans celui d’un membre du Parlement, celles prévues à l’article 166 du règlement intérieur de cette institution.

61      D’un autre côté, lorsque, en réponse à la demande d’assistance, l’administration décide que les éléments invoqués à l’appui de la demande d’assistance ne sont pas fondés et que, partant, les comportements invoqués ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut, une telle décision fait grief à l’auteur de la demande d’assistance (voir, en ce sens, arrêts du 12 septembre 2007, Combescot/Commission, T‑249/04, EU:T:2007:261, point 32, et du 11 mai 2010, Nanopoulos/Commission, F‑30/08, EU:F:2010:43, point 93), et l’affecte défavorablement au sens de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 73).

62      Ainsi, afin de respecter le droit à une bonne administration, l’auteur de la demande d’assistance doit nécessairement, conformément à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, être utilement entendu avant que cette décision de rejet de la demande d’assistance ne soit adoptée par l’AIPN ou l’AHCC. Cela implique que l’intéressé soit préalablement entendu sur les motifs que l’AIPN ou l’AHCC entend invoquer au soutien du rejet de cette demande (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 74).

63      En l’espèce, il est constant que le requérant a été préalablement entendu par l’AHCC, en l’occurrence sur la base de la décision motivée et de la lettre du directeur général du personnel du Parlement du 24 janvier 2017, avant que cette autorité n’adopte la décision attaquée. Cependant, le requérant estime que, dans le cadre des observations écrites qu’il a soumises le 10 février 2017, il n’aurait pas été entendu utilement, puisqu’il ne disposait pas, pour ce faire, de l’avis, du rapport ou des conclusions du comité consultatif spécial « APA », la forme de la prise de position de ce comité n’étant pas nécessairement et précisément connue à ce stade, ni des comptes rendus d’audition des témoins.

64      Il convient donc de déterminer si, en l’espèce, le droit d’être entendu du requérant exigeait qu’il disposât également de l’avis du comité consultatif spécial « APA », éventuellement adopté sous la forme d’un rapport ou de conclusions, et des comptes rendus des auditions menées par ce comité pour formuler ses observations sur les motifs invoqués par l’AHCC, par renvoi à la décision motivée, en vue du rejet de la demande d’assistance.

–       Sur l’obligation pour l’AHCC, afin de respecter le droit du requérant d’être entendu, de transmettre à ce dernier l’avis du comité consultatif spécial « APA » avant l’adoption de la décision attaquée

65      Dans une affaire mettant en cause le corpus normatif applicable à la Banque centrale européenne (BCE), et non le statut, le Tribunal a jugé que, lorsque l’administration décidait de l’ouverture d’une enquête administrative et que cette dernière conduisait à l’élaboration d’un rapport, l’agent de cette institution ayant introduit, selon la terminologie propre au corpus normatif applicable à ladite institution, une « plainte » pour dénoncer des faits relevant prétendument de la notion de harcèlement moral, telle que cette notion était définie dans les règles applicables au personnel de la BCE, devait se voir accorder, à l’instar de la personne mise en cause, la possibilité de faire valoir ses observations sur le projet de rapport d’enquête, tel que prévu par lesdites règles, avant que l’administration de la BCE ne statuât sur la plainte ou, à tout le moins, sur les éléments pris en compte par cette administration en vue d’adopter sa décision (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2015, Cerafogli/BCE, T‑114/13 P, EU:T:2015:678, point 41).

66      Dans le domaine statutaire, l’AIPN ou, selon les cas, l’AHCC est amenée à traiter, non pas une plainte, mais une demande d’assistance formulée au titre de l’article 24 et de l’article 90, paragraphe 1, du statut. À cet égard, contrairement à ce qui est le cas du régime applicable à la BCE, le statut ne prévoit pas de procédure spécifique sur la manière dont l’AIPN ou l’AHCC devrait traiter une demande d’assistance, au sens de l’article 24 du statut, mettant en cause une méconnaissance de l’article 12 bis du statut, ni de disposition imposant, en tant que telle, de transmettre l’avis, le rapport ou les conclusions d’un comité consultatif, tel que le comité consultatif spécial « APA », ou encore les comptes rendus d’audition des témoins ayant été entendus par ce comité à l’auteur d’une demande d’assistance ou à la personne mise en cause dans cette demande, en tant que harceleur présumé (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 78).

67      Cela étant, il a été jugé que, sous réserve de la protection des intérêts des personnes ayant été mises en cause et de celles ayant témoigné dans le cadre de l’enquête, aucune disposition du statut n’interdisait la transmission d’un rapport final d’enquête à un tiers qui aurait un intérêt légitime à en prendre connaissance, comme c’est le cas de la personne qui introduit une demande d’assistance, au titre de l’article 24 du statut, en alléguant une méconnaissance de l’article 12 bis du statut. Il a ainsi été souligné, dans ce contexte, que, dans le cadre de leur autonomie dans la mise en œuvre de ces dispositions statutaires, certaines institutions avaient parfois adopté cette solution, en transmettant au demandeur d’assistance le rapport final d’enquête soit avant l’introduction du recours, en le joignant à la décision finale statuant sur la demande d’assistance, soit en exécution d’une mesure d’organisation de la procédure décidée par le juge de l’Union amené à statuer en première instance (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Tzirani/Commission, F‑46/11, EU:F:2013:115, point 133), telle que celle du 17 avril 2018 à laquelle le Parlement a refusé de donner suite en l’espèce.

68      Le Tribunal considère toutefois que, dès lors que l’AHCC décide, comme en l’espèce, de s’adjoindre l’avis d’un comité consultatif, éventuellement pris sous la forme d’un rapport ou de conclusions, auquel elle confie le soin de conduire une enquête administrative et que, dans la décision statuant sur la demande d’assistance, elle tient compte de l’avis ainsi émis par ce comité consultatif, ledit avis, consultatif et pouvant être établi sous une forme non confidentielle respectant l’anonymat octroyé aux témoins, doit, en application du droit d’être entendu de l’auteur de la demande d’assistance, être en principe porté à la connaissance de ce dernier, et ce même si les règles internes « APA » en matière de harcèlement ne prévoient pas une telle transmission (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 80).

69      Cette considération n’est pas remise en cause par la circonstance, invoquée par le Parlement, qu’il s’agit, en l’espèce, d’un document établi par le comité consultatif spécial « APA » et non d’un document établi par le comité consultatif général, tel que celui en cause dans l’arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement (T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393).

70      En effet, certes, comme le souligne le Parlement, le comité consultatif spécial « APA » ne fournit qu’un « avis motivé » au président du Parlement, qui ne lie pas ce dernier lorsque, à son tour, il adopte une décision motivée sur laquelle s’appuiera alors l’AHCC en vue de statuer sur la demande d’assistance. Le Parlement insiste sur ce point en soulignant que, s’agissant des demandes d’assistance émanant d’APA traitées de concert avec le comité consultatif spécial « APA », contrairement à ce qui est le cas s’agissant des demandes d’assistance traitées avec la collaboration du comité consultatif général, le président du Parlement intervient et « dispose d’un pouvoir de décision exclusif concernant l’existence ou non du harcèlement, qui est beaucoup mieux défini que ne l’est celui du secrétaire général dans le cas des harcèlements de fonctionnaires ».

71      Cependant, une telle considération, de même que le souci du Parlement de veiller à ce que les travaux du comité consultatif spécial « APA » demeurent strictement confidentiels, afin de s’assurer que les questeurs continuent d’accepter de participer auxdits travaux, ne sauraient porter atteinte au droit fondamental de tout fonctionnaire ou agent, prévu à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, d’être utilement entendu avant que l’AHCC ne statue sur la demande d’assistance qu’il a présentée.

72      En particulier, même si l’avis formulé par le comité consultatif spécial « APA » est dépourvu de caractère juridique contraignant, dès lors que tant le président du Parlement, lors de l’adoption de la décision motivée, que l’AHCC, lorsqu’elle a statué sur la demande d’assistance disposaient de cet avis, celui-ci devait également être porté à la connaissance de l’APA, afin qu’il puisse prendre préalablement position sur son contenu avant que l’AHCC ne statue sur la demande d’assistance en se fondant, y compris indirectement, sur cet avis. Ainsi, en l’espèce, la seule mise à disposition du requérant de la décision motivée était insuffisante, même si, dans cette décision, le président du Parlement indiquait rendre compte du contenu des conclusions du comité consultatif spécial « APA ».

73      En outre, s’agissant du risque que l’identité des témoins, y compris des éventuels membres du Parlement, soit révélée en cas de divulgation du contenu de l’avis du comité consultatif spécial « APA » au requérant, force est de constater que rien n’empêche ledit comité de rédiger cet avis, prenant éventuellement la forme d’un rapport ou de conclusions, d’une manière qui ne permette pas d’identifier les témoins ayant prêté leur concours à l’enquête administrative. Par conséquent, cette argumentation ne saurait être retenue, d’autant plus dans le contexte du cas d’espèce, puisque, à défaut d’avoir pu en prendre connaissance, le Tribunal ignore le contenu même du document en cause et ne peut pas non plus être certain, au regard de la manière fluctuante avec laquelle le Parlement s’y réfère, si celui-ci a pris la forme d’un avis, d’un rapport ou de conclusions.

74      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il doit être conclu que c’est en méconnaissance du droit d’être entendu, tel que visé à l’article 41 de la Charte, que, dans la décision attaquée et dans la décision de rejet de la réclamation, l’AHCC a refusé de communiquer au requérant l’avis du comité consultatif spécial « APA », éventuellement rendu sous la forme d’un rapport ou de conclusions, et l’a ainsi insuffisamment entendu, en l’espèce, sur la seule base de la décision motivée exposant les motifs pour lesquels le président du Parlement considérait, en se fondant sur ledit avis, comme non fondées les allégations figurant dans la demande d’assistance.

–       Sur l’obligation pour l’AHCC, afin de respecter le droit du requérant d’être entendu, de transmettre à ce dernier les comptes rendus d’audition des témoins avant l’adoption de la décision attaquée

75      S’agissant des comptes rendus d’audition des témoins par le comité consultatif spécial « APA », le Tribunal considère que, en principe, afin d’assurer une mise en œuvre efficace de l’interdiction de toute forme de harcèlement moral ou sexuel sur le lieu de travail, il est loisible à l’administration de prévoir la possibilité de garantir aux témoins, acceptant de livrer leurs récits des faits litigieux dans un cas allégué de harcèlement, que leurs témoignages resteront confidentiels, à l’égard tant du harceleur présumé que de la victime supposée, à tout le moins dans le cadre de la procédure suivie pour le traitement d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 83).

76      En effet, d’une part, étant donné que, dans le cadre du traitement d’une demande d’assistance, l’un des objectifs impartis à l’administration est de ramener la sérénité dans le service, la prise de connaissance du contenu des témoignages, tant par le harceleur présumé que par la victime supposée, pourrait compromettre cet objectif en ravivant une éventuelle animosité interpersonnelle au sein du service ou de l’institution et en dissuadant, à l’avenir, les personnes susceptibles de fournir un témoignage pertinent de le faire (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 84).

77      D’autre part, lorsqu’une institution reçoit des informations fournies à titre volontaire, mais assorties d’une demande de confidentialité en vue de protéger l’anonymat de l’informateur, l’institution qui accepte de recevoir ces informations est tenue de respecter une telle condition (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 7 novembre 1985, Adams/Commission, 145/83, EU:C:1985:448, point 34). Or, il peut en être de même lorsque des fonctionnaires ou agents voire des membres d’une institution acceptent de fournir leurs témoignages, afin de permettre à l’administration de faire la lumière sur les faits faisant l’objet d’une demande d’assistance, mais exigent, en contrepartie, que leur anonymat soit assuré à l’égard du harceleur présumé et/ou de la victime supposée, étant souligné que, même si leur participation est souhaitable, d’un point de vue statutaire ou politique, ils ne sont pas nécessairement tenus de collaborer à l’enquête en fournissant leurs témoignages (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 85).

78      Cela étant, lorsque l’administration décide d’engager une procédure disciplinaire à l’encontre du harceleur présumé, il appartient à l’AIPN ou à l’AHCC de communiquer à l’intéressé tout document qu’elle souhaiterait soumettre à l’appréciation du conseil de discipline, auquel il appartient, le cas échéant, d’entendre à nouveau les témoins des faits reprochés (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 86). Ce raisonnement vaut, par analogie, dans le cas de membres d’une institution, tels ceux du Parlement, à l’encontre desquels une procédure spécifique existe, telle que celle prévue à l’article 166 du règlement intérieur de cette institution.

79      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que c’est sans méconnaître le droit d’être entendu, tel que visé à l’article 41 de la Charte, que l’AHCC a, en l’espèce, refusé de transmettre au requérant, en phase précontentieuse, les comptes rendus d’audition des témoins.

–       Sur les conséquences de la méconnaissance du droit d’être entendu tirée de l’absence de transmission, en phase précontentieuse, de l’avis du comité consultatif spécial « APA »

80      S’agissant des conséquences de l’absence de mise à disposition du requérant de l’avis du comité consultatif spécial « APA » en phase précontentieuse, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, même en présence d’une violation du droit d’être entendu, il faut en outre, pour que le moyen puisse être retenu, que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, ordonnance du 14 avril 2016, Dalli/Commission, C‑394/15 P, non publiée, EU:C:2016:262, point 41 ; voir également, en ce sens, arrêts du 6 février 2007, Wunenburger/Commission, T‑246/04 et T‑71/05, EU:T:2007:34, point 149, et du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑584/16, EU:T:2017:282, point 157).

81      Pour pouvoir examiner cette question, il aurait fallu que tant le requérant que le Tribunal eussent disposé de l’avis du comité consultatif spécial « APA », éventuellement pris sous la forme d’un rapport ou de conclusions, le cas échéant en version non confidentielle, afin, d’une part, que le requérant eut pu exposer quels arguments il aurait pu faire valoir en phase précontentieuse s’il avait disposé de ce document et, d’autre part, que le Tribunal eut pu apprécier si cela aurait pu permettre d’aboutir à un résultat différent quant au traitement, par l’AHCC, de la demande d’assistance.

82      Or, le refus du Parlement de transmettre au Tribunal cet avis, éventuellement pris sous la forme d’un rapport ou de conclusions, de même d’ailleurs que les comptes rendus d’audition des témoins, alors même que la transmission de ces derniers, en phase judiciaire, a été reconnue comme participant du droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2015, Cerafogli/BCE, T‑114/13 P, EU:T:2015:678, points 42 à 49), a pour effet de mettre le Tribunal dans l’impossibilité d’exercer le contrôle juridictionnel qui lui est confié par l’article 270 TFUE et le statut (voir, en ce sens, arrêt du 10 juin 1980, M./Commission, 155/78, EU:C:1980:150, point 20).

83      Étant donné que ni le traité FUE ni le statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ni le règlement de procédure, ne prévoient la possibilité d’infliger une sanction en cas de non-obtempération à une ordonnance, adoptée au titre de l’article 92 du règlement de procédure, portant mesure d’instruction, telle que celle du 18 mai 2018, la seule réaction possible pour le Tribunal face au refus de la partie défenderesse, contrevenant d’ailleurs à l’obligation de coopération loyale prévue à l’article 13, paragraphe 2, TUE, est d’en tirer toutes les conséquences dans la décision mettant fin à l’instance (arrêt du 12 mai 2010, Commission/Meierhofer, T‑560/08 P, EU:T:2010:192, point 73).

84      Sur ce point, le Parlement ne saurait justifier son refus de fournir les documents demandés par le Tribunal dans le cadre de l’ordonnance du 18 mai 2018 en prétextant que, à l’instar de ce que le Tribunal a retenu dans l’arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement (T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, points 83 à 86), il lui appartiendrait de protéger l’anonymat des personnes, y compris des membres de cette institution, ayant accepté de livrer leurs témoignages, protection qui passerait nécessairement par le maintien d’une confidentialité absolue à l’égard des travaux du comité consultatif spécial « APA » devant, selon lui, rester totalement secrets.

85      En effet, de telles considérations pouvaient certes être invoquées par le Parlement au titre de l’article 103 du règlement de procédure, lequel vise le traitement des renseignements et des pièces confidentiels.

86      Cependant, cette faculté d’invoquer l’article 103 du règlement de procédure devant le Tribunal ne dispensait pas le Parlement de son obligation, au nom du principe de coopération loyale visé à l’article 13, paragraphe 2, TUE, de respecter les prescriptions de l’ordonnance du 18 mai 2018, ayant force exécutoire au titre de l’article 280 TFUE.

87      En particulier, contrairement à ce que soutient le Parlement, il appartient au Tribunal et non aux parties au litige d’apprécier le caractère confidentiel des documents dont la production est ordonnée au titre de l’article 92, paragraphe 3, du règlement de procédure et, le cas échéant, d’apprécier si, en raison du caractère confidentiel éventuellement reconnu par le juge de l’Union auxdits documents, il serait approprié, en vue de protéger l’identité des témoins, de ne pas les transmettre en l’état à la partie requérante, mais d’exiger au contraire de la partie défenderesse qu’elle produise soit une version non confidentielle de ces documents omettant le nom des témoins et les données permettant d’établir, sans doute raisonnable, leur identité (voir, s’agissant d’une telle mesure d’instruction, arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 44), soit un résumé non confidentiel de ces documents.

88      D’ailleurs, s’agissant de cette dernière possibilité, elle aurait pu permettre au Tribunal, le cas échéant, de répondre au souci du Parlement quant au fait que, compte tenu de la nature des faits allégués, une version anonymisée desdits documents n’aurait pas constitué une protection suffisante, puisque, selon lui, l’identité des témoins aurait pu aisément se déduire des faits rapportés ou des déclarations faites.

89      En tout état de cause, s’agissant de la critique du Parlement quant à la pratique du Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement (T‑275/17, EU:T:2018:479), et dans l’affaire pendante QH/Parlement (T‑748/16), il suffit de constater que ce type de décision ne saurait être qualifié d’anormal, étant donné que le Tribunal s’est contenté d’appliquer les dispositions de son règlement de procédure, en particulier l’article 103 de celui-ci [ordonnance du vice-président de la Cour du 5 juillet 2018, Müller e.a./QH, C‑187/18 P(I), non publiée, EU:C:2018:543, point 41].

90      Par conséquent et sans qu’il soit besoin d’examiner davantage le premier moyen ni le second moyen, il y a lieu d’annuler la décision attaquée en raison de la méconnaissance, par l’AHCC, du droit du requérant d’être utilement entendu avant que cette autorité ne rejette sa demande d’assistance.

 Sur les conclusions indemnitaires

91      À l’appui de ses conclusions indemnitaires, le requérant fait valoir que le Parlement devrait être condamné, d’une part, pour les illégalités exposées dans le cadre des deux moyens d’annulation et, d’autre part, pour les fautes commises par le comité consultatif spécial « APA », puis par l’AHCC, notamment la circonstance que ce comité lui a illégalement refusé le droit d’être assisté par son conseil lors de son audition le 28 janvier 2015, le fait qu’il serait inéquitable que le médecin-conseil de l’institution n’ait qu’un rôle d’observateur au sein dudit comité et le fait que la présence d’un représentant de l’administration dans le comité consultatif spécial « APA » méconnaîtrait le principe d’impartialité. Ces éléments auraient contribué, en l’espèce, à une procédure déséquilibrée, partiale et manquant de transparence.

92      Le requérant reproche encore au Parlement une méconnaissance du délai raisonnable, en ce que la procédure de traitement de la demande d’assistance aurait duré plus de deux ans et trois mois entre la date de son audition par le comité consultatif spécial « APA » et la date à laquelle a été adoptée la décision attaquée. À cet égard, le Parlement aurait reconnu, dans la décision de rejet de la réclamation, qu’il n’y avait pas de justification objective concernant le délai pris entre cette audition et la décision motivée. Or, le requérant relève qu’il aurait encore dû attendre sept mois supplémentaires après l’adoption de la décision motivée pour que l’AHCC lui demande de présenter ses observations et que, en outre, cette démarche de l’AHCC n’aurait pas été spontanée, mais adoptée en réponse à une interpellation de sa part.

93      Le requérant revendique ainsi la réparation de trois préjudices moraux, à savoir, premièrement, un préjudice lié au climat d’incertitude, d’insécurité juridique et de crainte de ne pas être traité équitablement, et ce à hauteur de 5 000 euros ; deuxièmement, un préjudice lié au manque de célérité de l’AHCC dans le traitement de la demande d’assistance, à hauteur de 13 500 euros, et, troisièmement, un préjudice lié aux illégalités faisant l’objet des deux moyens d’annulation, devant être fixé ex æquo et bono à 50 000 euros, compte tenu de sa difficulté à comprendre les raisons du rejet de la demande d’assistance et de l’attitude de l’AHCC, qui ne lui donnerait pas l’impression, au regard de son devoir d’assistance, qu’elle cherche réellement à le protéger.

94      Le Parlement conclut au rejet des conclusions indemnitaires.

95      S’agissant du souhait du requérant d’être accompagné de son conseil lors de son audition par le comité consultatif spécial « APA », le Parlement fait valoir que le rôle du requérant dans la procédure d’enquête administrative est de donner sa version des faits, afin de permettre à ce comité d’établir si ces faits sont constitutifs d’un harcèlement moral, et non de s’engager dans une procédure accusatoire contre le harceleur présumé. En réalité, ce serait l’APA qui serait en position d’accusateur devant le comité consultatif spécial « APA » et, inversement, le membre du Parlement en position de devoir se défendre. Ainsi, étant donné que la victime alléguée d’un harcèlement moral dispose de droits procéduraux plus limités que la personne mise en cause, le requérant n’aurait pas été fondé à requérir l’assistance de son avocat lors de son audition par le comité consultatif spécial « APA ». À cet égard, la circonstance que les règles internes « APA » en matière de harcèlement n’auraient été modifiées que le 6 juillet 2015 en ce qui concerne le fait que la victime alléguée devait être auditionnée seule ne serait pas pertinente, car, d’une part, cette modification n’aurait été qu’une codification de la pratique antérieure et, d’autre part, selon la jurisprudence résultant de l’arrêt du 16 décembre 1976, Perinciolo/Conseil (124/75, EU:C:1976:186, points 35 à 37), un fonctionnaire ou un agent ne serait fondé à requérir l’assistance d’un avocat au cours d’une procédure administrative qu’à la condition que la réglementation applicable le prévoit expressément. Quant à la présence du jurisconsulte du Parlement lors de l’audition du requérant, elle n’aurait eu aucune conséquence, car celui-ci n’avait qu’un statut d’observateur. En outre, sa présence aurait été justifiée afin de veiller à la conduite de l’enquête administrative de manière conforme au droit statutaire. Cette présence n’aurait pas, en revanche, visé à la défense des intérêts de X contre ceux du requérant, car, de toute façon, la procédure devant le comité consultatif spécial « APA » ne serait pas de nature contentieuse.

96      S’agissant de la durée de la procédure, le Parlement souligne que, durant la période de quatorze mois et dix jours qui s’est écoulée entre l’audition du requérant et la décision motivée, le comité consultatif spécial « APA » aurait tenu sept réunions, entendu plusieurs témoins et examiné les faits allégués, ce qui aurait justifié une telle durée. Tout en révélant à cette occasion que ledit comité aurait rendu un rapport final le 7 avril 2016, le Parlement affirme que la réparation octroyée par l’AHCC, dans la réponse à la réclamation, ne visait que la période de dix mois écoulée entre la décision motivée et la décision attaquée. En tout état de cause, le Parlement souligne qu’il lui a fallu du temps pour mettre en place une structure capable de connaître efficacement des situations de harcèlement imputées à des membres de cette institution.

97      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité, telle que la décision attaquée, constitue, en elle-même, la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé. Tel ne saurait toutefois être le cas lorsque la partie requérante démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et n’étant pas susceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir, en ce sens, arrêts du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 131, et du 16 mai 2017, CW/Parlement, T‑742/16 RENV, non publié, EU:T:2017:338, point 64).

98      Ainsi, en ce qui concerne la demande indemnitaire en lien avec les irrégularités faisant l’objet du premier moyen, l’annulation de la décision attaquée devrait en principe constituer une réparation adéquate et suffisante du préjudice moral du requérant découlant de l’illégalité constatée par le Tribunal. Cependant, dans certaines circonstances particulières, telles que celles reconnues aux points 26 à 29 de l’arrêt du 7 février 1990, Culin/Commission (C‑343/87, EU:C:1990:49), le sentiment d’injustice et les tourments que peut occasionner le fait, pour une personne, de devoir mener une procédure précontentieuse, puis contentieuse, afin de voir ses droits reconnus peut constituer un préjudice distinct de l’illégalité déjà réparée par l’annulation de l’acte contesté (voir, en ce sens, arrêt du 29 avril 2015, CC/Parlement, T‑457/13 P, EU:T:2015:240, points 49 à 52). Or, en l’espèce, de telles circonstances particulières doivent être reconnues en ce qui concerne le refus du Parlement d’obtempérer à la mesure d’instruction du Tribunal, puisque la posture de la partie défenderesse a empêché le Tribunal d’exercer pleinement son contrôle juridictionnel et renforcé chez le requérant un sentiment d’injustice et de désarroi, lequel constitue un préjudice moral qui n’a pas pu être adéquatement et suffisamment réparé par l’annulation de la décision attaquée sur le fondement du premier moyen.

99      S’agissant des prétentions indemnitaires relatives aux irrégularités soulevées dans le cadre du second moyen, celles-ci sont prématurées au regard de la circonstance que, en l’état, le Tribunal ne peut pas se prononcer sur les arguments invoqués à l’appui de ce moyen, puisque, en exécution du présent arrêt, il reviendra à l’AHCC d’entendre utilement le requérant et, le cas échéant, de statuer à nouveau sur la demande d’assistance.

100    S’agissant de la circonstance que le requérant n’a pas été autorisé à être assisté par son conseil lors de son audition par le comité consultatif spécial « APA », force est de constater que la règlementation applicable au sein du Parlement ne prévoit pas une telle faculté. En tout état de cause, ainsi qu’il a été rappelé aux points 54 à 56 ci-dessus, l’audition par ce comité ne s’inscrit pas dans le cadre d’une procédure contradictoire diligentée contre la personne sollicitant l’assistance au titre de l’article 24 du statut. Par conséquent, même s’il n’est pas exclu qu’une AHCC décide de prévoir qu’une personne auditionnée dans le cadre d’une enquête administrative puisse se faire assistée d’un collègue, d’un représentant du personnel ou encore d’un conseil, le requérant ne saurait invoquer le principe d’égalité des armes ou le principe de bonne administration pour contraindre l’AHCC de prévoir une telle faculté s’agissant des auditions organisées par le comité consultatif spécial « APA ». En outre, il n’apparaît pas que X aurait eu le droit d’être assistée d’un conseil pour sa propre audition. Quant au fait que le jurisconsulte du Parlement ait pu participer en tant qu’observateur aux travaux du comité consultatif spécial « APA », y compris lors des auditions, cette circonstance n’est pas de nature à vicier les travaux de cette instance.

101    S’agissant de la composition du comité consultatif spécial « APA », il a déjà été jugé, s’agissant du comité consultatif général, que, même s’il n’était pas prévu une parité complète entre les membres désignés par l’administration et ceux désignés par la représentation du personnel, la présence d’un médecin-conseil de l’institution au sein du comité consultatif, la circonstance que le comité consultatif « travaill[ait] dans la plus complète autonomie, indépendance et confidentialité » ainsi que le caractère collégial des délibérations constituaient des garanties suffisantes d’impartialité et d’objectivité de l’avis que ce comité consultatif était amené à formuler et à adopter à l’intention de l’AHCC (arrêt du 29 juin 2018, HF/Parlement, T‑218/17, sous pourvoi, EU:T:2018:393, point 103 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêts du 30 mai 2002, Onidi/Commission, T‑197/00, EU:T:2002:135, point 132, et du 17 mars 2015, AX/BCE, F‑73/13, EU:F:2015:9, point 150).

102    Ces considérations valent également mutatis mutandis pour le comité consultatif spécial « APA ». Ainsi, le requérant ne saurait revendiquer, au profit du médecin-conseil, un rôle davantage délibératif, de même qu’il ne saurait reprocher à l’AHCC d’être représentée au sein de ce comité par le président du comité consultatif général.

103    S’agissant de la durée de la procédure de traitement de la demande d’assistance, il convient de constater que le statut ne prévoit ni une procédure particulière de traitement de ce type de demande, y compris lorsqu’une telle demande porte sur une méconnaissance alléguée de l’article 12 bis du statut, ni de délai particulier. Il en va de même des règles internes « APA » en matière de harcèlement, même si celles-ci prévoient plusieurs étapes, impliquant l’intervention du comité consultatif spécial « APA » ainsi que celle du président du Parlement. Ainsi, l’AHCC est tenue en la matière au respect du principe du délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 24 avril 2017, HF/Parlement, T‑570/16, EU:T:2017:283, points 59 et 62) et, par conséquent, l’institution ou l’organe de l’Union concerné doit, dans la conduite de l’enquête administrative et le traitement subséquent de la demande d’assistance, veiller à ce que chaque acte adopté intervienne dans un délai raisonnable par rapport au précédent (arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 101). En outre, pour apprécier le caractère raisonnable du délai dans lequel ont été conduits à leur terme l’enquête administrative et le traitement de la demande d’assistance, il convient de prendre en compte l’enjeu du litige pour l’intéressé, la complexité de l’affaire et le comportement des parties en présence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 10 juin 2016, HI/Commission, F‑133/15, EU:F:2016:127, point 113 et jurisprudence citée).

104    En l’espèce, le Tribunal constate que, d’une manière générale, le comité consultatif spécial « APA » a pris plus de quatorze mois pour terminer son enquête entre la date de l’audition du requérant, soit le 28 janvier 2015, et la date à laquelle il aurait conclu ses travaux, soit le 7 avril 2016. Par ailleurs, à partir du prononcé de l’arrêt CN/Parlement (F‑26/14, EU:F:2015:22), soit le 26 mars 2015, plus de quatorze mois se sont écoulés avant que le président du Parlement, après avoir pris connaissance des conclusions du comité consultatif spécial « APA », n’adopte, le 18 mai 2016, la décision motivée. En outre, le requérant a encore dû attendre près de huit mois avant d’être finalement invité, à sa demande, à présenter des observations sur cette décision motivée avant que, à son tour, l’AHCC ne statue sur sa demande d’assistance.

105    En outre, en raison du refus du Parlement d’obtempérer à la mesure d’instruction du Tribunal, ce dernier ne peut appréhender de quelle manière se sont déroulés les travaux du comité consultatif spécial « APA », notamment le nombre de réunions tenues et d’auditions menées ainsi que l’ampleur des conclusions qui ont dû être collégialement rédigées et adoptées par ledit comité. En effet, en l’absence de preuves tangibles, le Tribunal ne saurait se fonder, à cet égard, sur les seules affirmations du Parlement.

106    Enfin, s’agissant des difficultés évoquées par le Parlement dans la conception de la procédure de traitement d’une demande d’assistance émanant d’APA et visant des comportements de membres de cette institution, celui-ci ne saurait utilement évoquer de telles difficultés pour échapper à ses obligations, tant au titre de l’article 31 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2018, Curto/Parlement, T‑275/17, EU:T:2018:479, point 85) qu’au titre des articles 12 bis et 24 du statut (voir, par analogie, arrêt du 5 février 2016, GV/SEAE, F‑137/14, EU:F:2016:14, point 77 et jurisprudence citée), de garantir à ses fonctionnaires et à ses agents des conditions de travail qui respectent leur santé, leur sécurité et leur dignité et, par conséquent, de mettre à leur disposition en temps utile des procédures permettant d’assurer que leurs conditions de travail répondent à ces exigences. Au demeurant, étant donné que l’article 12 bis du statut est entré en vigueur le 1er mai 2004 et que l’arrêt CH/Parlement (F‑129/12, EU:F:2013:203) avait été rendu le 12 décembre 2013, le Parlement ne peut pas raisonnablement soutenir qu’il lui a fallu autant d’années pour concevoir et mettre en place une instance telle que le comité consultatif spécial « APA ». En outre, ledit comité consultatif a été créé le 14 avril 2014 et n’a rendu son avis que quatorze mois après l’audition du requérant, de X et de CH.

107    Ainsi, le Tribunal ne peut que constater que la durée de traitement de la demande d’assistance a été relativement longue sans réelle justification, ainsi, d’ailleurs, qu’en a partiellement convenu le secrétaire général du Parlement dans la décision de rejet de la réclamation. Par conséquent, au regard de l’enjeu tout particulier d’une telle procédure pour la victime supposée, de même que du comportement dilatoire de l’AHCC dans le traitement de celle-ci, le Tribunal ne peut que constater une violation du principe du délai raisonnable.

108    Au regard de ces circonstances, qui ont engendré chez le requérant un préjudice moral n’ayant été réparé par l’AHCC, à ce stade, qu’à hauteur de 1 500 euros, et de la circonstance, invoquée par le requérant dans ses observations du 10 juillet 2018, que le refus du Parlement d’exécuter la mesure d’instruction ordonnée par le Tribunal a aggravé ce préjudice moral, le Tribunal, évaluant ex æquo et bono l’ensemble des préjudices moraux subis par le requérant, considère qu’un montant de 8 500 euros constitue une réparation appropriée de la partie du préjudice moral qui se distingue de l’illégalité constatée dans le cadre du premier moyen et qui ne serait pas adéquatement et intégralement réparée par l’annulation de la décision attaquée.

 Sur les dépens

109    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

110    Le Parlement devant être considéré comme la partie ayant succombé pour l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de décider qu’il devra supporter ses propres dépens et être condamné à supporter les dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Parlement européen du 20 mars 2017, par laquelle l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement de cette institution a rejeté la demande d’assistance introduite par CN le 13 février 2013, est annulée.

2)      Le Parlement est condamné à verser à CN, au titre du préjudice moral subi, un montant de 8 500 euros.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Le Parlement est condamné aux dépens.

Pelikánová

Nihoul

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.