DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

25 novembre 2020 (*)

« Droit institutionnel – Parlement européen – Décision déclarant non admissibles certaines dépenses d’un parti politique aux fins d’une subvention au titre de l’année 2017 – Règlement (CE) no 2004/2003 – Interdiction de financement d’un parti politique national – Cotisation ou don d’un parti politique national – Principe de bonne administration – Sécurité juridique – Égalité de traitement – Décision accordant une contribution à un parti politique au titre de l’année 2019 et subordonnant un préfinancement à raison de 100 % du montant maximal de la contribution à certains remboursements préalables – Règlement (UE, Euratom) no 1141/2014 – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑107/19,

Alliance of Conservatives and Reformists in Europe (ACRE), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes E. Plasschaert et É. Montens, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes C. Burgos et S. Alves, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenu par

Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes, représentée par MM. M. Adam et A. Cilea, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation partielle de la décision du Parlement du 10 décembre 2018 déclarant certaines dépenses non admissibles aux fins d’une subvention au titre de l’année 2017 et ordonnant la restitution d’un don et, d’autre part, à l’annulation de la décision FINS‑2019‑5 du Parlement, notifiée à la requérante le 14 janvier 2019, relative à l’octroi d’une contribution à la requérante au titre de l’année 2019, en tant que cette décision subordonne le préfinancement équivalant à 100 % du montant maximal de la contribution à certains remboursements préalables,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins (rapporteur), président, V. Kreuschitz et G. De Baere, juges,

greffier : M. B. Lefebvre, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 25 juin 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Alliance of Conservatives and Reformists in Europe (ACRE), la requérante, est enregistrée en tant que parti politique européen au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement (UE, Euratom) no 1141/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2014, relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes (JO 2014, L 317, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) 2018/673 du Parlement européen et du Conseil, du 3 mai 2018 (JO 2018, L 114I, p. 1), auprès de l’Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes. Si elle porte ce nom depuis le 7 juillet 2017, elle a été fondée le 1er octobre 2009 sous le nom d’Alliance of European Conservatives and Reformists en tant que parti politique au niveau européen au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO 2003, L 297, p. 1).

2        Le 28 septembre 2016, la requérante a déposé une demande de financement en provenance du budget général de l’Union européenne pour l’exercice budgétaire 2017. Par la décision FINS‑2017‑9a, elle s’est vu octroyer une subvention d’un montant maximal de 2 468 649,38 euros, ce qui équivalait à 79,51 % du montant estimatif total des dépenses admissibles au financement.

3        Au terme de l’exercice financier 2017, le Parlement européen a nommé un auditeur externe afin de procéder à une vérification des décomptes financiers de la requérante. Celui-ci a émis une opinion sans réserve le 28 mai 2018.

4        À la suite de cette opinion, la direction générale (DG) « Finances » du Parlement a procédé à des vérifications et à des contrôles supplémentaires.

5        Par lettre du 25 octobre 2018 adressée à la requérante, la DG « Finances » a décrit les dépenses qui ne remplissaient pas les conditions nécessaires pour être admises au financement conformément au règlement no 2004/2003 et à la décision du bureau du Parlement européen du 29 mars 2004 fixant les modalités d’application du règlement no 2004/2003 (JO 2014, C 63, p. 1) (ci-après la « décision du bureau du 29 mars 2004 »).

6        La requérante a présenté ses observations le 5 novembre 2018.

7        Le 30 novembre 2018, le secrétaire général du Parlement a adressé une note aux membres du bureau du Parlement (ci-après le « bureau ») proposant d’approuver les rapports finaux 2017 pour cinq bénéficiaires des fonds de l’Union, dont la requérante, en tenant compte des ajustements proposés, de déterminer le montant des subventions finales et d’ordonner de payer ou de récupérer les sommes dues ainsi que de prendre les mesures supplémentaires s’y afférant (ci-après la « note du 30 novembre 2018 relative aux rapports finaux 2017 »).

8        Par décision du 10 décembre 2018, notifiée à la requérante le 12 décembre 2018, le bureau a déterminé la subvention finale de la requérante pour l’année 2017 (ci‑après la « première décision attaquée »). Il a requalifié en dépenses non admissibles au financement les dépenses suivantes :

–        le montant de 108 985,58 euros afférent à l’étude sur les attitudes des groupes minoritaires du Royaume-Uni dans l’Union (ci-après l’« étude sur les attitudes des groupes minoritaires ») ;

–        le montant de 122 295,10 euros afférent à la conférence intitulée « UK Trade Partnerships Conference, Pakistan as a Digital Powerhouse » qui s’est déroulée à Londres (Royaume-Uni) le 8 mars 2017 (ci-après la « conférence de Londres ») ;

–        le montant de 249 589,17 euros afférent à la conférence intitulée « Conservatives International – Miami conference of 26-27 May 2017 » (ci‑après la « conférence de Miami ») ;

–        le montant de 91 546,58 euros afférent à la conférence « Conservatives International – Kampala conference of 13-15 July 2017 » (ci-après la « conférence de Kampala »).

Il a également estimé que le versement à la requérante, par le parti Arménie prospère (Prosperous Armenia Party, ci-après le « PAP »), d’une cotisation d’un montant de 133 043,80 euros était soumis au plafond de 12 000 euros applicable aux dons et que la requérante devait restituer le montant excédant 12 000 euros à ce membre, soit la somme de 121 043,80 euros.

9        Entre-temps, la requérante avait introduit auprès du Parlement une demande de financement pour l’année 2019.

10      À cet égard, le 30 novembre 2018, le secrétaire général du Parlement a remis une note signée aux membres du bureau proposant d’approuver l’octroi de contributions à dix partis politiques européens pour l’année 2019 (ci-après la « note du 30 novembre 2018 relative à l’octroi de contributions pour l’année 2019 »). Le secrétaire général du Parlement a proposé de limiter le préfinancement de la requérante afin de garantir le remboursement des sommes dues au titre de l’exercice financier 2017.

11      Lors de sa réunion du 10 décembre 2018, le bureau a adopté la décision FINS-2019-5 accordant un financement d’un montant maximal de 4 422 345,38 euros à la requérante pour l’exercice financier 2019 (ci-après la « seconde décision attaquée »). En vertu des mesures établies à l’article I.5.1 de ladite décision (ci‑après les « mesures litigieuses »), le paiement d’un préfinancement équivalant à la totalité du montant maximal était subordonné, d’une part, au remboursement préalable au Parlement de la somme de 535 609,48 euros due au titre de l’exercice financier 2017 et, d’autre part, au remboursement préalable au PAP des sommes indûment perçues par la requérante de cette entité, à savoir 121 043,80 euros. Selon ce même article I.5.1, les remboursements devaient être effectués avant le 15 janvier 2019. En cas de non-respect de cette condition, la tranche de préfinancement était limitée à un montant de 3 758 993,66 euros, représentant 85 % du montant maximal du financement. La seconde décision attaquée a été signée par le président du Parlement le 11 janvier 2019. Elle a été notifiée à la requérante par lettre datée du 14 janvier 2019.

12      En janvier 2019, la requérante a versé la somme de 535 609,48 euros au Parlement et la somme de 121 043,80 euros au PAP. Ces paiements ont été effectués sans préjudice du présent recours.

 Procédure et conclusions des parties

13      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2019, la requérante a introduit le présent recours.

14      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 juin 2019, l’Autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions du Parlement.

15      Par ordonnance du 16 septembre 2019, le président de la huitième chambre du Tribunal a accueilli la demande en intervention.

16      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

17      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la première décision attaquée dans la mesure où elle déclare comme étant non admissibles au financement les dépenses suivantes :

–        le montant de 108 985,58 euros afférent à l’étude sur les attitudes des groupes minoritaires ;

–        le montant de 122 295,10 euros afférent à la conférence de Londres ;

–        le montant de 249 589,17 euros afférent à la conférence de Miami (États-Unis) ;

–        le montant de 91 546,58 euros afférent à la conférence de Kampala (Ouganda) ;

–        annuler la première décision attaquée en ce qu’elle estime que le versement, par le PAP, d’une cotisation d’un montant de 133 043,80 euros était soumis au plafond de 12 000 euros applicable aux dons et que la requérante devait restituer le montant excédant la somme de 12 000 euros à ce membre, soit la somme de 121 043,80 euros ;

–        annuler la seconde décision attaquée en ce qu’elle subordonne le paiement d’un préfinancement équivalant à la totalité du montant maximal de la contribution de la requérante au remboursement, avant le 15 janvier 2019, de la somme de 535 609,48 euros au Parlement et de tout versement indûment reçu du PAP et, par conséquent, annuler l’article I.5.1 de cette décision ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

18      Le Parlement et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la demande d’annulation partielle de la première décision attaquée

19      Au soutien de la demande d’annulation partielle de la première décision attaquée, la requérante avance treize moyens.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration et du principe d’égalité de traitement

20      La requérante soutient que le Parlement, en adoptant la première décision attaquée, a violé le principe de bonne administration, l’article 7 de la décision du bureau du 29 mars 2004, l’article II.14 de la décision FINS‑2017‑9a ainsi que ses droits de la défense.

21      Le Parlement et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

22      Le moyen de la requérante se subdivise en trois branches qu’il convient d’examiner successivement. Les allégations selon lesquelles la requérante a fait l’objet d’une discrimination seront examinées dans le cadre des cinquième, septième, dixième et treizième moyens relatifs à la première décision attaquée, dès lors que ces allégations ont été étayées par référence à des exemples concrets soulevés dans le cadre de ces moyens.

23      Par la première branche du présent moyen, la requérante se plaint, en substance, de n’avoir pas été mise en mesure de faire connaître son point de vue sur le contenu de l’annexe 5a de la note du 30 novembre 2018 relative aux rapports finaux 2017, et intitulée « Note accompagnant le dossier concernant le parti ACRE », dans laquelle la DG « Finances » aurait invoqué de nouveaux éléments et arguments par rapport à sa lettre du 25 octobre 2018. Elle relève les quatre exemples suivants d’information nouvelle :

–        la société d’audit indépendante donne essentiellement, en cas d’avis sans réserve, l’assurance formelle et raisonnable que les décomptes financiers du bénéficiaire ont été établis conformément aux dispositions comptables nationales ;

–        les règles applicables aux dons ou aux contributions en faveur des fondations politiques européennes seraient plus souples que celles qui s’appliquent aux partis politiques européens ;

–        la poursuite légale d’objectifs politiques au sein des États membres correspond à la participation à des élections locales, régionales ou nationales dans les États membres ;

–        des activités menées par d’autres bénéficiaires en 2017 ont également été requalifiées en dépenses non admissibles au financement, provoquant une réduction du montant de leur subvention finale.

24      Il convient de relever que l’argument de la requérante relatif au premier exemple manque en fait. L’information selon laquelle la société d’audit indépendante donne l’assurance formelle et raisonnable que les décomptes financiers du bénéficiaire ont été établis conformément aux dispositions comptables nationales n’est pas nouvelle, mais ressortait déjà du rapport d’audit lui-même, lequel précise, en première page, sous le titre « Avis sans réserve », que les décomptes financiers ont été établis en conformité avec les règles comptables applicables en Belgique. Le fait que le rapport mentionne également le règlement no 2004/2003 et les « standards internationaux d’audit » ne saurait avoir d’incidence sur ce constat.

25      En outre, il convient de rappeler que l’article 7, paragraphe 1, de la décision de bureau du 29 mars 2004 et l’article II.14.1 de la décision FINS‑2017‑9a disposent, en substance, que le bureau n’arrête le montant de la subvention finale à octroyer au bénéficiaire des fonds de l’Union qu’après avoir entendu les représentants du bénéficiaire concerné qui en a exprimé la demande. En outre, aux termes de l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et les organes de l’Union. Aux termes du paragraphe 2, sous a), du même article, le droit à une bonne administration comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard. Enfin, le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit de l’Union qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose d’adopter à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief. En vertu de ce principe, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision. À cette fin, ils doivent bénéficier d’un délai suffisant (voir arrêt du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, points 36 et 37 et jurisprudence citée).

26      Or, les informations prétendument nouvelles énumérées au point 23 ci-dessus ne sont pas des éléments sur lesquels l’administration entendait fonder sa décision au sens de la jurisprudence précitée. En effet, il s’agit, en l’espèce, d’une note interne à l’attention des membres du bureau expliquant pourquoi la position de la DG « Finances », déjà énoncée dans sa lettre du 25 octobre 2018, devait prévaloir malgré les arguments exposés dans les observations de la requérante. Cette approche est conforme au respect du droit d’être entendu, lequel implique que l’administration prête toute l’attention requise aux observations soumises par l’intéressé en examinant, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, point 50).

27      Dès lors, le Parlement n’a commis aucune violation des droits de la défense de la requérante à ce titre.

28      Par la deuxième branche du présent moyen, la requérante affirme que la DG « Finances » a erronément omis de communiquer aux membres du bureau les pièces jointes à la lettre de la requérante du 5 novembre 2018, lesquelles auraient été indispensables à sa compréhension.

29      Il convient de relever, à l’instar du Parlement, que la lettre de la requérante du 5 novembre 2018 ainsi que son annexe ont été communiquées sous couvert de la note du 30 novembre 2018 relative aux rapports finaux 2017, destinée au bureau. Les pièces jointes auxquelles la requérante fait référence, qui n’ont pas été communiquées sous couvert de cette note, consistaient en une version imprimée de pages en ligne et des liens hypertextes mentionnés dans les notes en bas de page des observations de la requérante du 5 novembre 2018. Il convient de constater que, même si ces informations étaient indispensables à la compréhension des observations, la requérante ne nie pas que les membres du bureau pouvaient consulter les pages en ligne sur Internet. Ils étaient donc suffisamment informés de la position de la requérante et, partant, son droit d’être entendue a été respecté.

30      Par la troisième branche du présent moyen, la requérante affirme que le délai expirant le 5 novembre 2018 pour répondre à la lettre de la DG « Finances » du 25 octobre 2018, période n’incluant que quatre jours ouvrables, n’était pas suffisant. En outre, à ce stade, la DG « Finances » n’aurait pas encore tiré de conclusions définitives qu’elle aurait pu communiquer à la requérante.

31      Il convient de relever que le délai accordé par le Parlement pour fournir des observations en réponse à une lettre doit prendre en compte la complexité ainsi que le volume des allégations et des éléments factuels soulevés (voir, en ce sens, arrêt du 8 février 2018, Institute for Direct Democracy in Europe/Parlement, T‑118/17, non publié, EU:T:2018:76, point 39). Cette appréciation doit également prendre en compte le contexte factuel dans lequel s’inscrit la demande d’observations.

32      En l’espèce, la lettre du 25 octobre 2018 formulait des objections au sujet d’un don interdit et de quatre dépenses non admissibles au financement. Les faits concernant ce don et ces dépenses étaient déjà connus de la requérante. Ainsi que la requérante l’a reconnu, le Parlement lui avait, préalablement à la lettre du 25 octobre 2018, adressé des questions au sujet de ce don et de ces dépenses, laissant entendre qu’il avait des objections à leur égard. Dans ces circonstances, le délai de réponse accordé à la requérante n’était pas trop court. Le fait que la DG « Finances » n’avait pas formulé de conclusions définitives n’a pas d’incidence sur ce constat dès lors que la règle selon laquelle le destinataire d’une décision faisant grief doit être mis en mesure de faire valoir ses observations avant que celle-ci ne soit prise a pour objet que ce dernier puisse corriger une erreur ou faire valoir tels éléments relatifs à sa situation personnelle qui militent dans le sens que la décision soit prise, ne soit pas prise ou qu’elle ait tel ou tel contenu (arrêt du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, point 49).

33      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 9, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 2004/2003

34      La requérante relève que la mission de l’auditeur externe consistait à vérifier qu’elle avait respecté les obligations découlant du règlement no 2004/2003 et que la raison pour laquelle l’auditeur externe n’a pas formulé d’observations au sujet du don excédant 12 000 euros et des dépenses non admissibles est la conformité de ces derniers à ce règlement. En application de l’article 9, paragraphe 3, second alinéa, dudit règlement, le Parlement aurait dû non seulement examiner les dépenses de la requérante de manière objective et apprécier les arguments en sa faveur qui pourraient découler du rapport d’audit externe, mais également indiquer dans la première décision attaquée les raisons pour lesquelles ce rapport était erroné.

35      Selon la requérante, le fait que le Parlement a sous-estimé l’importance du rapport d’audit externe ressort de la « Note accompagnant le dossier concernant le parti ACRE », dans laquelle la DG « Finances » a constaté à tort que ledit rapport fournissait avant tout une assurance formelle et raisonnable, en cas d’avis sans réserve, que les décomptes financiers du bénéficiaire avaient été établis conformément aux dispositions comptables nationales. Au contraire, selon la requérante, ce rapport se prononçait avant tout sur la conformité des décomptes financiers au règlement no 2004/2003.

36      Le Parlement et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

37      Il convient de relever que l’article 9, paragraphe 3, du règlement no 2004/2003 dispose que le contrôle des financements octroyés à la requérante au titre de ce règlement est exercé conformément au règlement financier et à ses modalité d’exécution. Le contrôle s’exerce, en outre, sur la base d’une certification annuelle par un auditeur externe et indépendant.

38      En vertu de l’article 6, paragraphe 3, de la décision du bureau du 29 mars 2004, le bénéficiaire d’une subvention est obligé de remettre un rapport final composé d’un rapport sur la réalisation du programme de travail, un décompte financier des dépenses admissibles, un état récapitulatif des recettes et des dépenses, une liste spécifiant les donateurs et leurs dons, une liste des contrats et un rapport d’audit externe.

39      Il ressort de l’article 6, paragraphe 4, sous a) et e), de la décision du bureau du 29 mars 2004 que le rapport d’audit externe a pour rôle, notamment, de certifier que, d’une part, les décomptes financiers ont été élaborés dans le respect du droit national applicable au bénéficiaire et, d’autre part, les obligations découlant du règlement no 2004/2003 ont été respectées.

40      Il convient de relever que la requérante ne conteste pas que le contrôle des financements qui lui ont été octroyés s’est effectué, notamment, sur la base du rapport d’audit externe. Force est de constater que le rapport d’audit externe ne constitue qu’un élément à prendre en considération dans l’évaluation quant au montant définitif de la subvention à accorder au bénéficiaire.

41      Partant, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le Parlement n’a pas sous-estimé l’importance du rapport d’audit externe.

42      En outre, ainsi qu’il ressort de la note accompagnant le dossier concernant le parti ACRE, conformément à l’article 7, paragraphe 1, de la décision du bureau du 29 mars 2004, le bureau arrête le montant de la subvention finale à octroyer au bénéficiaire sur la base des documents visés à l’article 6, paragraphe 3, de la même décision, sans préjudice des informations obtenues ultérieurement dans le cadre des contrôles et d’audits.

43      En outre, il convient de constater que le rapport d’audit externe ne contient aucune motivation explicite concernant le montant versé par le PAP et, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il ne saurait donc être tiré aucune conclusion de ce rapport quant à la conformité du montant versé par le PAP à la requérante. Il s’ensuit que le Parlement n’était pas obligé d’indiquer explicitement dans la première décision attaquée les raisons pour lesquelles il s’est écarté des conclusions dudit rapport.

44      Enfin, la requérante n’a pas démontré que le Parlement n’a pas examiné ses dépenses de façon objective.

45      Il convient, dès lors, de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

 Sur les troisième, quatrième et cinquième moyens, concernant l’étude sur les attitudes des groupes minoritaires

46      Ces moyens concernent la requalification en dépense non admissible du montant relatif à l’étude sur les attitudes des groupes minoritaires. Par le troisième moyen, la requérante affirme que la première décision attaquée viole l’article 7 du règlement no 2004/2003 et qu’elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Par les quatrième et cinquième moyens, elle affirme que cette décision viole les principes de sécurité juridique et d’égalité de traitement.

–       Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 7 du règlement no 2004/2003 et d’une erreur manifeste d’appréciation

47      La requérante fait valoir, d’une part, que le Parlement avait tort de considérer que l’étude sur les attitudes des groupes minoritaires violait l’article 7 du règlement no 2004/2003 au motif qu’elle constituait un financement indirect du parti conservateur au Royaume-Uni et, d’autre part, qu’il a commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard. Elle évoque trois griefs à l’appui du présent moyen.

48      Premièrement, la requérante relève que le parti conservateur au Royaume-Uni n’a pas reçu les résultats de l’étude en cause et n’a donc pas pu en tirer un bénéfice. Un « mur » aurait été érigé en juillet 2016 afin d’assurer qu’aucun individu, ni aucun parti ne puisse tirer un avantage politique des activités de la requérante.

49      Deuxièmement, la requérante fait valoir que l’étude en cause revêt une grande valeur pour elle, mais pas pour le parti conservateur au Royaume-Uni. En outre, le Parlement avait tort de considérer que les participants étaient sélectionnés en fonction de leur intention de voter pour le parti conservateur au Royaume-Uni. Le fait que l’étude a été menée uniquement au Royaume-Uni ne saurait être considéré comme faisant naître un « fort soupçon » d’obtention d’un avantage indirect par le parti conservateur au Royaume-Uni.

50      Troisièmement, la requérante affirme que le Parlement, en considérant en l’espèce qu’une dépense était non admissible au financement lorsqu’il n’existait qu’un « fort soupçon » de financement indirect du parti conservateur au Royaume-Uni, a commis une erreur de droit. Il aurait dû se fonder sur la preuve effective d’un avantage en faveur du parti politique national en cause.

51      Le Parlement et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

52      Il convient de rappeler que l’article 7 du règlement no 2004/2003 dispose que les fonds des partis politiques au niveau européen provenant du budget général de l’Union ou de toute autre source ne peuvent être utilisés pour le financement direct ou indirect d’autres partis politiques, et notamment de partis nationaux ou de candidats nationaux. Ceux-ci demeurent soumis à l’application de leurs réglementations nationales.

53      Selon la jurisprudence, il existe un financement indirect lorsqu’un parti politique national obtient un avantage financier notamment en évitant des dépenses qu’il aurait dû supporter, même si aucun transfert direct de fonds n’est effectué (arrêt du 27 novembre 2018, Mouvement pour une Europe des nations et des libertés/Parlement, T‑829/16, EU:T:2018:840, point 82 ; voir, également, arrêt du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement, T‑48/17, EU:T:2019:780, point 71 et jurisprudence citée).

54      En l’espèce, le bureau a décidé que le montant afférent à l’étude sur les attitudes des groupes minoritaires n’était pas une dépense admissible au financement sur le fondement d’un faisceau d’indices. Premièrement, cette étude a été effectuée dans un seul État membre. Deuxièmement, les participants ont été filtrés selon leur intérêt envers le parti conservateur au Royaume-Uni. Troisièmement, la grande majorité des questions concernaient des préoccupations de politique intérieure au Royaume-Uni. Partant, ladite étude ne présentait guère d’intérêt pour la requérante, mais bien pour le parti conservateur au Royaume-Uni afin d’influencer le débat national et préparer une campagne électorale pour les élections législatives envisagées à l’époque. Par ailleurs, si le Parlement ne conteste pas que la requérante l’avait informé de l’existence d’un « mur », il affirme que ses services ne se sont jamais vu communiquer d’éléments prouvant que la requérante avait adopté la pratique consistant à ne pas transmettre de documentation ou que cette pratique était bien respectée.

55      Tout d’abord, il convient de constater que, si la requérante voulait s’appuyer sur l’existence d’une quelconque pratique interne consistant à ne pas transmettre d’informations pour démontrer que les résultats de l’étude en cause n’avaient pas été communiqués au parti conservateur au Royaume-Uni, il lui incombait de fournir au Parlement, en temps utile, tous les faits et éléments de preuve à l’appui de cette affirmation. Or, la requérante ne conteste pas qu’une simple affirmation de l’existence d’un « mur » ne suffisait pas à établir son existence ou son application, que des éléments de preuve étaient donc requis, et qu’elle a eu l’opportunité de fournir de tels éléments. En l’espèce, il ne saurait donc être reproché au Parlement de ne pas les avoir demandés.

56      Ensuite, il y a lieu de constater que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le Parlement n’avait pas tort de considérer que les participants de l’étude étaient sélectionnés en fonction de leur intention de voter pour le parti conservateur au Royaume-Uni. Il ressort de la méthodologie de l’étude qu’elle reposait sur la tenue de groupes de discussion, à Birmingham (Royaume-Uni), Harrow (Royaume-Uni), Leeds (Royaume-Uni) et Londres, rassemblant des ressortissants du Royaume-Uni d’origine indienne, des ressortissants du Royaume-Uni d’origine pakistanaise, des afro-caribéens, des chinois et des polonais. Les groupes comptaient huit à neuf participants. Premièrement, chaque groupe ne comprenait pas plus de trois participants ayant voté pour le parti conservateur en 2015. Deuxièmement, il y avait, dans chaque groupe, au moins trois participants ayant envisagé de voter pour ce parti, mais ayant finalement décidé de ne pas le faire. Troisièmement, tous les participants envisageraient de voter pour ledit parti lors des élections à venir. Il ne peut dès lors être exclu que certains participants n’avaient effectivement pas le droit de voter aux élections législatives. Cela étant, il n’en demeure pas moins qu’il ressort de cette méthodologie que les participants étaient filtrés selon leur tendance à voter pour le parti conservateur au Royaume-Uni, ce qui va à l’encontre de l’argument de la requérante selon lequel l’étude ne présentait aucune valeur pour ce parti.

57      En outre, il convient de constater que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le Parlement pouvait valablement considérer que les questions concernaient essentiellement des préoccupations de politique intérieure au Royaume-Uni. Elles peuvent être classées selon les catégories suivantes : premièrement, des questions sur la vie au Royaume-Uni liées aux thèmes « Opportunités », « Défis », « Société équitable », « Immigration » ; deuxièmement, des questions sur le National Health Service (NHS, système national de santé) du Royaume-Uni et sur le système scolaire au Royaume-Uni ; troisièmement, des questions sur le référendum lié au Brexit tenant aux motifs, aux risques, aux conséquences et à la négociation d’un accord ; quatrièmement, des questions sur les « Valeurs britanniques » telles que l’identité, l’importance de la religion et de la race, le rôle des partis politiques. Les seules questions qui pouvaient, éventuellement, présenter un intérêt du point de vue d’un parti politique au niveau européen concernaient le référendum lié au Brexit. Toutefois, la plupart de ces questions concernaient les conséquences du Brexit pour le Royaume-Uni. Il s’ensuit que l’étude en cause ne pouvait présenter qu’un intérêt limité pour la requérante. En revanche, elle pouvait être d’une utilité manifeste pour le parti conservateur au Royaume-Uni.

58      Par ailleurs, en l’espèce, l’étendue de l’étude et son intérêt pour le parti conservateur au Royaume-Uni ont effectivement été déterminés par, d’une part, le choix des participants, qui se trouvaient tous au Royaume-Uni et avaient été filtrés selon leur tendance à voter pour le parti conservateur au Royaume-Uni, et, d’autre part, les questions qui leur ont été posées, qui concernaient, pour la plupart, des aspects de la politique nationale interne au Royaume-Uni. Le Parlement a donc pu valablement tenir compte du fait que l’étude a été menée uniquement au Royaume-Uni.

59      Enfin, la requérante affirme que le Parlement a erronément interprété l’article 7 du règlement no 2004/2003 en considérant qu’une dépense n’était pas admissible au financement lorsqu’il n’existait qu’un « fort soupçon » de financement indirect d’un parti politique national. La requérante soulève, en substance, que le standard de preuve utilisé par le Parlement était trop faible pour fonder de manière appropriée les conclusions retenues en l’espèce.

60      Il convient de relever que l’intervenante a souligné, à bon droit, l’importance de l’article 7 du règlement no 2004/2003, qui trouve son origine dans la déclaration relative à l’article 191 du traité CE, selon laquelle le financement des partis politiques au niveau européen par le budget de l’Union ne peut être utilisé pour le financement direct ou indirect des partis politiques au niveau national. Cette déclaration est également citée au considérant 8 du règlement no 2004/2003. Il ressort du libellé même de cette disposition qu’il s’agit d’une interdiction absolue de financement indirect.

61      Force est de constater que l’application de l’article 7 du règlement no 2004/2003 ne saurait être rendue excessivement difficile de sorte que son utilité serait compromise. Partant, contrairement à ce qu’affirme la requérante, il est permis au Parlement de se fonder sur un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants, comme celui en l’espèce, repris au point 54 ci-dessus, pour pouvoir prouver à suffisance de droit l’existence d’une violation de l’article 7 du règlement no 2004/2003 (voir, en ce sens, arrêts du 27 novembre 2018, Mouvement pour une Europe des nations et des libertés/Parlement, T‑829/16, EU:T:2018:840, point 83, et du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement, T‑48/17, EU:T:2019:780, point 71 et jurisprudence citée).

62      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

–       Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique

63      Dans le cadre du troisième moyen, la requérante a affirmé que le Parlement avait erronément interprété l’article 7 du règlement no 2004/2003 en considérant qu’une dépense n’était pas admissible au financement quand il n’existait qu’un « fort soupçon » de financement indirect interdit. Dans le cadre du présent moyen, elle fait valoir que cette interprétation, même si elle est correcte, est imprévisible et viole le principe de sécurité juridique.

64      Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

65      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime doivent être respectés par les institutions de l’Union (voir arrêt du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C‑183/14, EU:C:2015:454, point 30 et jurisprudence citée). Il en résulte notamment que la législation de l’Union doit être certaine et son application prévisible pour les justiciables, cet impératif de sécurité juridique s’imposant avec une rigueur particulière s’agissant d’une réglementation susceptible de comporter des conséquences financières, afin de permettre aux intéressés de connaître avec exactitude l’étendue des obligations qu’elle leur impose (arrêts du 15 décembre 1987, Irlande/Commission, 325/85, EU:C:1987:546, point 18, et du 9 juillet 2015, Salomie et Oltean, C‑183/14, EU:C:2015:454, point 31).

66      Le principe de sécurité juridique, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les règles du droit soient claires, précises et prévisibles dans leurs effets, afin que les intéressés puissent s’orienter dans des situations et des relations juridiques relevant de l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt du 7 juin 2007, Britannia Alloys & Chemicals/Commission, C‑76/06 P, EU:C:2007:326, point 79 et jurisprudence citée).

67      En l’espèce, la requérante ne conteste pas que la disposition en cause est claire et précise. Elle conteste uniquement la prévisibilité de son application.

68      Il y a lieu de relever que la portée de la notion de prévisibilité dépend dans une large mesure du contenu du texte dont il s’agit, du domaine qu’il couvre ainsi que du nombre et de la qualité de ses destinataires. La prévisibilité de la loi ne s’oppose pas à ce que la personne concernée soit amenée à recourir à des conseils éclairés pour évaluer, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences pouvant résulter d’un acte déterminé. Le principe de sécurité juridique ne s’oppose pas à ce que le droit de l’Union attribue un pouvoir d’appréciation à l’administration compétente ou à ce qu’il utilise des notions juridiques indéterminées qui doivent être interprétées et appliquées au cas d’espèce par ladite administration, sans préjudice du contrôle du juge de l’Union (voir arrêt du 27 novembre 2018, Mouvement pour une Europe des nations et des libertés/Parlement, T‑829/16, EU:T:2018:840, points 69 et 70 et jurisprudence citée)

69      En l’espèce, la question se pose de savoir si la requérante aurait pu prévoir, à l’aide de conseils éclairés, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, que le Parlement interpréterait l’article 7 du règlement no 2004/2003 comme lui permettant de constater l’existence d’un financement direct ou indirect d’un parti national sur le fondement d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants.

70      Il convient de constater que deux facteurs indiquent la prévisibilité de l’interprétation adoptée par le Parlement, à savoir, en premier lieu, l’application de cette disposition en 2016 et, en second lieu, le libellé et le contexte de la disposition en cause.

71      Le Parlement relève à juste titre qu’un sondage s’adressant à un groupe cible similaire à celui de l’étude en cause avait été financé par la requérante au moyen de la subvention versée au titre de l’exercice financier 2016 et que les dépenses s’y afférant avaient été requalifiées en dépenses non admissibles au financement. Il ressort du dossier, notamment de l’appel d’offres pour l’étude sur les attitudes des groupes minoritaires, que cette étude servait à explorer les thèmes dudit sondage.

72      À la lumière de la similitude et du lien entre le sondage et l’étude, force est de constater que la requérante était en mesure de prévoir que les dépenses afférentes à l’étude, tout comme celles afférentes au sondage, seraient requalifiées en dépenses non admissibles au financement.

73      Par ailleurs, ainsi qu’il a déjà été constaté dans le cadre du troisième moyen, l’intervenante a souligné, à bon droit, l’importance de l’article 7 du règlement no 2004/2003. Il ne fait donc aucun doute qu’un recours à des conseils éclairés aurait mené à une évaluation selon laquelle l’application de l’article 7 du règlement no 2004/2003 ne saurait être rendue excessivement difficile, de sorte que son utilité serait compromise et que cela serait le cas si une violation de cette disposition ne pouvait être établie que par le biais d’éléments de preuve effective ou direct d’un avantage en faveur d’un parti politique national.

74      Il convient donc de rejeter le quatrième moyen.

–       Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

75      Par son cinquième moyen, la requérante affirme que la requalification en dépense non admissible au financement du montant relatif à l’étude sur les attitudes des groupes minoritaires viole le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination. Le Parlement aurait appliqué l’article 7 du règlement no 2004/2003 de façon discriminatoire en ce qu’il n’a pas condamné plusieurs études ou activités, notamment celles de la Foundation for European Progressive Studies (ci-après la « FEPS ») et du Wilfried Martens Centre for European Studies (ci-après le « Centre Martens »), ne concernant qu’un seul État membre et qui, en réalité, avaient été organisées en coopération ou conjointement avec un parti politique national. Dans la réplique, elle ajoute, d’une part, que le Parlement ne l’aurait pas traitée de la même manière que les autres partis ou fondations au niveau européen et, d’autre part, que l’arrêt du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement (T‑48/17, EU:T:2019:780), indique que l’impartialité du bureau est en doute.

76      Le Parlement et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

77      Il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union dont le principe de non-discrimination est une expression particulière. Ledit principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, points 29 et 30 et jurisprudence citée).

78      Concernant le grief selon lequel le Parlement n’aurait pas traité la requérante de la même manière que les autres partis ou fondations politiques au niveau européen durant la procédure de vérification des rapports finaux, il convient de constater que ce grief ne consiste qu’en une simple affirmation non étayée par des éléments concrets susceptibles de démontrer que le Parlement a violé le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination. Ce grief ne satisfaisant donc pas aux obligations de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, il doit être déclaré irrecevable.

79      S’agissant des deux exemples donnés par la requérante concernant une étude et un sondage de la FEPS, il convient de relever qu’elle ne conteste pas qu’ils ont été menés en 2018 et que le montant final de la subvention n’avait pas encore été arrêté à la date où le Parlement a présenté son mémoire en défense. Force est de constater que la requérante ne saurait se prévaloir de situations hypothétiques ou futures pour fonder valablement une allégation tirée de la violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination envers elle.

80      Pour ce qui concerne l’étude du Centre Martens, il convient de constater que le Parlement a observé, à juste titre, qu’elle n’était pas comparable à celle de la requérante. En effet, premièrement, l’étude du Centre Martens visait à mieux comprendre l’opinion publique en prévision de l’intégration européenne, tandis que l’étude de la requérante sur les attitudes des minorités concernait essentiellement des préoccupations de politique intérieure au Royaume-Uni. Deuxièmement, à l’inverse de cette dernière étude, les participants à l’étude du Centre Martens n’ont pas été choisis en fonction de leur tendance à voter pour un parti politique spécifique. Troisièmement, l’étude du Centre Martens portait principalement sur l’attitude des participants envers l’Union, l’euro et les élections européennes.

81      À la lumière de ces différences, le seul fait que les études en cause se focalisaient toutes les deux sur un seul État membre ne donne pas lieu à des situations comparables qui ne peuvent pas être traitées de manière différente.

82      Il s’ensuit que la requalification en dépense non admissible au financement du montant relatif à l’étude sur les attitudes des groupes minoritaires ne viole pas le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination.

83      Quant à l’argument selon lequel il ressortirait de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement (T‑48/17, EU:T:2019:780), que l’impartialité du bureau est en doute, il suffit d’observer que la décision du Tribunal dans cette affaire était spécifique aux faits d’espèce, notamment aux déclarations d’un des membres du bureau.

84      Il s’ensuit que le cinquième moyen doit être rejeté comme étant en partie non fondé et en partie irrecevable.

 Sur les sixième et septième moyens, concernant la conférence de Londres

85      Ces moyens concernent la requalification en dépense non admissible au financement du montant relatif à la conférence de Londres. La requérante affirme, par le sixième moyen, que la première décision attaquée viole l’article 7 du règlement no 2004/2003 et qu’elle est, en tout état de cause, entachée d’une erreur manifeste d’appréciation. Par le septième moyen, cette requalification violerait le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination.

–       Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 7 du règlement no 2004/2003 et d’une erreur manifeste d’appréciation

86      La requérante affirme que le Parlement a violé l’article 7 du règlement no 2004/2003 et que, à tout le moins, la première décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que le Parlement a considéré à tort que la conférence de Londres constituait un financement indirect du parti conservateur au Royaume-Uni.

87      Le Parlement et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante. Le Parlement conteste également la recevabilité du grief tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation en ce que celui-ci ne satisfait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

88      Il convient de relever que la position du Parlement concernant la conférence de Londres reposait sur les indices suivants : premièrement, la conférence était consacrée à la promotion du commerce bilatéral entre le Royaume-Uni et le Pakistan, un sujet d’importance pour le parti au pouvoir au Royaume-Uni à l’époque, à savoir le parti conservateur ; deuxièmement, la conférence ne revêtait pas de dimension européenne, puisque son objet était orienté uniquement sur l’intérêt d’un seul État membre et sur celui d’un État tiers ; troisièmement, plusieurs membres du parti conservateur au Royaume-Uni étaient mentionnés, de façon évidente, dans la brochure de la conférence ; quatrièmement, la visibilité de la requérante dans cette brochure n’était que limitée ; cinquièmement, il était indiqué, en première page de ladite brochure que, « [a]près le Brexit, le Royaume-Uni, sous la houlette du parti conservateur, cherchera à mettre en place de nouveaux accords commerciaux dans le monde entier ». En outre, le Parlement a considéré que, d’une part, la présence et la prise de parole du président de la requérante lors de la conférence et, d’autre part, la mention de celle-ci en tant qu’organisatrice dans la brochure de la conférence, ne pouvaient avoir d’incidence sur la conclusion selon laquelle le parti conservateur au Royaume-Uni avait bénéficié d’un avantage financier en s’épargnant des dépenses qu’il aurait dû engager s’il avait organisé la conférence en cause.

89      Il convient de constater que c’est à juste titre que le Parlement s’est fondé sur un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants aux fins de son examen de l’existence d’un avantage financier indirect au bénéfice du parti conservateur au Royaume-Uni au sens de l’article 7 du règlement no 2004/2003. Les arguments de la requérante ne remettent pas ce constat en cause.

90      En effet, contrairement à ce qu’affirme la requérante, le Parlement n’a pas considéré que la conférence de Londres constituait un financement indirect du parti conservateur au Royaume-Uni en ce qu’il s’agissait d’une manifestation perçue par le public comme étant organisée, à tout le moins en partie, par le parti national, alors que ce parti n’avait pas dûment contribué au financement. Ce grief est fondé sur une interprétation erronée du dernier alinéa de la partie de la première décision attaquée consacrée à ladite conférence. Cet alinéa traite du scénario hypothétique selon lequel le parti conservateur et la requérante avaient tous les deux un intérêt à la tenue de l’événement (« If it would be considered […] they should have […] »). Force est de constater qu’il s’agit d’une observation à titre surabondant dont la nature éventuellement erronée ne peut mener à l’annulation de la décision attaquée. Dans cette mesure, le sixième moyen est inopérant.

91      Pour la même raison, à savoir le fait que, dans cette partie de la première décision attaquée, le Parlement fait référence à un scénario hypothétique, cette décision n’est pas entachée d’une incohérence. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, le Parlement n’a pas considéré, d’une part, qu’elle était l’organisatrice de la conférence et, d’autre part, que ladite conférence était perçue par le public comme étant organisée en partie par le parti national. Ce grief repose également sur une lecture erronée de la première décision attaquée.

92      La requérante fait valoir que le Parlement aurait reconnu que la conférence de Londres avait également présenté un intérêt pour elle. Cela ne ressort toutefois pas de la première décision attaquée et la requérante a omis de fournir toute référence précise à ce sujet.

93      En outre, l’argument selon lequel aucun membre du gouvernement du Royaume-Uni n’aurait pris la parole lors de la conférence est dépourvu d’incidence dans la mesure où la position du Parlement dans la première décision attaquée ne repose pas sur ce point (voir point 88 ci-dessus). En tout état de cause, la brochure de la conférence contient des messages de soutien d’un membre du gouvernement également membre du parti conservateur au Royaume-Uni et du président (chairman) de ce parti. En outre, la brochure fait mention de deux autres membres dudit parti en tant qu’orateurs principaux.

94      Il convient donc de rejeter le présent moyen comme étant en partie inopérant et, pour le reste, non fondé, sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité du grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation.

–       Sur le septième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement

95      La requérante affirme que la requalification en dépense non admissible au financement du montant relatif à la conférence de Londres viole le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination. Le Parlement aurait appliqué l’article 7 du règlement no 2004/2003 de façon discriminatoire en ce qu’il n’a pas condamné plusieurs conférences qui ne remplissaient pas les critères utilisés en l’espèce. Elle cite plusieurs exemples à cet égard.

96      Il convient de relever que le Parlement affirme, sans être contredit sur ce point par la requérante, que deux des conférences citées par la requérante ont été cofinancées par la FEPS et la Société Fabienne. Selon son site Internet, la Société Fabienne est un cercle de réflexion et un club politique anglais de centre-gauche. Le financement partiel d’un événement par cette organisation rend légitime la représentation, proportionnelle à sa contribution, de son domaine d’intérêt lors de cet événement. En revanche, la conférence de Londres a été entièrement organisée et financée par la requérante tandis qu’elle profitait au parti conservateur au Royaume-Uni et ne revêtait aucune dimension européenne. Il ne s’agit donc pas de situations comparables. Il s’ensuit que le principe d’égalité de traitement, qui exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente, n’a pas été violé.

97      En ce qui concerne les autres exemples sur lesquels la requérante fonde le présent moyen, à savoir la conférence cofinancée par le Centre Martens et l’organisation Maison du Futur ainsi que le dossier mensuel de la FEPS intitulé « India & South Asia Dossier » de 2017, il convient de constater que leur financement n’est pas comparable à celui de la conférence de Londres. Le Parlement relève, à juste titre, que la requérante n’a pas expliqué en quoi le financement de cette conférence et de cette publication aurait constitué le financement indirect d’un parti politique national, ce qui est la question pertinente à soulever afin d’établir l’existence de discrimination en vertu de l’article 7 du règlement no 2004/2003. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, le seul fait que cette conférence et cette publication, tout comme la conférence de Londres, n’avaient pas de dimension européenne, ne suffit pas à établir qu’il s’agit de situations comparables qui ne peuvent être traitées de manière différente.

98      Il convient donc de rejeter le présent moyen comme étant non fondé.

 Sur les huitième, neuvième et dixième moyens, concernant les conférences de Miami et de Kampala

99      Les huitième, neuvième et dixième moyens concernent les conférences de Miami et de Kampala.

–       Sur le huitième moyen, tiré d’une violation de l’article 8 du règlement no 2004/2003, de l’article 10, paragraphe 4, TUE, de l’article 204 bis du règlement financier ainsi que des articles 11 et 12 de la Charte et d’une erreur manifeste d’appréciation

100    La requérante affirme que le Parlement, en requalifiant les montants relatifs aux conférences de Miami et de Kampala en dépenses non admissibles au financement, a violé l’article 8 du règlement no 2004/2003, l’article 10, paragraphe 4, TUE, et l’article 204 bis du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1), tel que modifié en ce qui concerne le financement des partis politiques européens par le règlement (UE, Euratom) no 1142/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2014 (JO 2014, L 317, p. 28) (ci-après le « règlement financier »), ainsi que les articles 11 et 12 de la Charte et a, à tout le moins, commis une erreur manifeste d’appréciation.

101    En premier lieu, la requérante relève que l’article 8, premier alinéa, du règlement no 2004/2003 dispose que les crédits provenant du budget général de l’Union peuvent uniquement être affectés à des dépenses directement liées aux objectifs définis dans le programme politique du parti politique européen en cause. Toutefois, en l’espèce, le Parlement n’aurait pas soutenu que les conférences de Miami et de Kampala n’étaient pas directement liées aux objectifs définis dans le programme politique de la requérante.

102    En deuxième lieu, la requérante affirme que le Parlement a ajouté des critères à ceux permettant de déterminer si des dépenses ne sont pas admissibles au financement, et qui, selon elle, sont énumérés, de façon exhaustive, dans le règlement no 2004/2003. Il aurait notamment commis une erreur en considérant que les objectifs définis dans le programme politique de la requérante devaient être interprétés conjointement avec l’objet des partis politiques au niveau européen tel qu’il est défini à l’article 10, paragraphe 4, TUE, à savoir celui de contribuer à l’intégration européenne, à la formation de la conscience politique européenne et à l’expression de la volonté des citoyens de l’Union. La requérante fait valoir que, en organisant les conférences en cause, elle aurait contribué à la formation et à l’intégration de l’Europe, et qu’il ne revient pas au Parlement d’essayer de limiter ses actions ou de définir ses droits.

103    En troisième lieu, la requérante fait valoir que les articles 11 et 12 de la Charte consacrent les droits des citoyens à la liberté d’opinion et à la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence des autorités publiques. Ces droits sont violés quand un parti politique européen ne peut pas obtenir de financements pour ses objectifs.

104    En quatrième lieu, et à titre subsidiaire, la requérante fait valoir que les conférences de Miami et de Kampala remplissent les critères que le Parlement a erronément ajoutés à ceux énumérés exhaustivement dans le règlement no 2004/2003.

105    En cinquième lieu, la requérante fait valoir que le fait que les conférences aient eu lieu en dehors du territoire de l’Union est un critère dénué de pertinence.

106    En sixième lieu, la requérante affirme qu’elle n’a pas fait appel à une entité distincte dénommée Conservatives International pour atteindre les objectifs définis dans son programme de travail. Cette appellation, ou marque, ferait partie de la « famille des initiatives » de la requérante telles que « Project Maja » et « The Conservative » et est sa propriété exclusive. Elle ajoute qu’une marque ne peut pas organiser un événement.

107    En septième lieu, la requérante soulève que, en tout état de cause, il ne saurait exister de doutes sur le fait qu’elle était l’organisatrice des conférences de Miami et de Kampala.

108    Le Parlement rejette les allégations de la requérante. Il affirme qu’il a appliqué correctement l’article 8 du règlement no 2004/2003, l’article 10, paragraphe 4, TUE ainsi que l’article 204 bis du règlement financier et que le grief concernant la prétendue violation des articles 11 et 12 de la Charte est également non fondé. En outre, il fait valoir que le grief tiré d’une prétendue erreur manifeste d’appréciation est irrecevable en ce que celui-ci ne satisfait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

109    Selon le Parlement, il serait évident que les objectifs définis dans le programme politique d’un parti doivent être interprétés au regard des finalités des partis politiques au niveau européen au sens de l’article 10, paragraphe 4, TUE et de l’article 204 bis du règlement financier, à savoir l’intégration au sein de l’Union, la formation d’une conscience européenne ou l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union. Selon le Parlement, les conférences de Miami et de Kampala n’allaient pas dans le sens de ces finalités.

110    Le Parlement relève que les dépenses afférentes aux conférences de Miami et de Kampala ont été requalifiées en dépenses non admissibles, parce que la propriétaire et l’auteure de ces conférences n’étaient pas la requérante, mais une entité différente, à savoir Conservatives International. Il estime que le fait que Conservatives International est une marque de la requérante, dépourvue de personnalité juridique, est sans effet sur la conclusion selon laquelle l’impression a été créée que les deux conférences ont été organisées par Conservatives International et non par la requérante.

111    En ce qui concerne la conférence de Kampala, le Parlement admet que la requérante est mentionnée dans le programme, qui indique que Conservatives International en est une « initiative ». Toutefois, les documents fournis par la requérante présenteraient Conservatives International comme seul organisateur des deux conférences et son logo ne figurerait pas sur les photos fournies. Partant, la paternité d’aucune des deux conférences ne pourrait être attribuée à la requérante.

112    Quant à l’argument selon lequel les deux conférences étaient consacrées à des thèmes importants pour l’Union, le Parlement affirme qu’il n’est pas au cœur du débat, la question principale étant de savoir si la requérante était habilitée à financer des activités organisées par Conservatives International. De l’avis du Parlement, elle ne l’était pas.

113    L’irrecevabilité du grief tiré d’une prétendue erreur manifeste d’appréciation, soulevée sur le fondement de l’article 76, sous d), du règlement de procédure par le Parlement, doit être rejetée. Il convient de rappeler que, en vertu de cette disposition, la requête doit indiquer l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du 11 janvier 2013, Charron Inox et Almet/Commission et Conseil, T‑445/11 et T‑88/12, non publiée, EU:T:2013:4, point 57). En l’espèce, il convient de relever que le grief tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation a été présenté par la requérante d’une façon suffisamment compréhensible dans la requête, permettant au Parlement de préparer sa défense et au Tribunal de statuer.

114    En ce qui concerne le grief tiré d’une prétendue violation des droits de la requérante à la liberté d’expression et à la liberté d’association, consacrés aux articles 11 et 12 de la Charte, il suffit de constater que, à supposer que la requérante soit titulaire des droits reconnus à ces articles, ces dispositions ne lui reconnaissent pas de droit pécuniaire en sa qualité de parti politique européen. Le fait de requalifier des dépenses comme étant non admissibles au financement n’équivaut pas à une interdiction de parti politique ou d’association. Les aspects de la première décision attaquée contestés dans le cadre du présent moyen ne sauraient, par conséquent, être considérés comme étant des restrictions injustifiées à la liberté d’expression ou à la liberté d’association, garanties par les articles 11 et 12 de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2018, APF/Parlement, T‑16/17, non publié, EU:T:2018:427, point 109).

–       Sur la conférence de Miami

115    En ce qui concerne la conférence de Miami, il convient de relever que, dans la première décision attaquée, le Parlement a observé que la grande majorité des intervenants et des participants venaient des Amériques, ce que la requérante ne conteste pas. En outre, le Parlement a considéré que l’impression avait été créée que la propriétaire et l’auteure de l’événement étaient une entité autre que la requérante en ce que, premièrement, dans la brochure de la conférence et sur les photos, le nom de la requérante passait quasi inaperçu, deuxièmement, l’objet de la conférence était de lancer une organisation mondiale qui partageait les idées politiques de la requérante, et, troisièmement, l’événement était organisé au nom et avec le logo de Conservatives International, une plateforme créée par la requérante pour promouvoir des idées conservatives à l’échelle mondiale.

116    Cette appréciation a mené le Parlement à soulever deux objections étroitement liées. En premier lieu, contrairement à ce qu’exigent l’article 10, paragraphe 4, TUE et l’article 204 bis du règlement financier, la conférence en cause ne serait pas conçue pour contribuer aux activités d’un parti politique européen, à savoir la formation d’une conscience européenne ou l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union. En second lieu, contrairement à ce qu’exige l’article 8, premier alinéa, du règlement no 2004/2003, les dépenses afférentes à la conférence ne pourraient pas être des dépenses directement liées aux objectifs définis dans le programme politique de la requérante, puisque la création et le financement d’une nouvelle entité ne pouvaient pas être un objectif légitime d’un parti politique européen, étant donné que son rôle était de contribuer à la formation d’une conscience européenne ou à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union. Les objectifs d’un parti politique au niveau européen devraient être réalisés par la présence de ce parti dans ces activités et non par un tiers. Cette conclusion serait renforcée par le fait que l’article II.11.5 de l’annexe 2 A de la décision du bureau du 29 mars 2004 ne permet le financement de tiers que dans des circonstances très limitées.

117    Il convient de constater que le Parlement a pu valablement considérer que le nom de la requérante passait quasi inaperçu dans la brochure de la conférence de Miami. En effet, le logo de la requérante figure en très petit au bas de la première page, parmi une série d’environ 20 autres logos. Ces mêmes logos se retrouvent, en plus grand, aux pages suivantes. S’il y a une indication du lien avec la requérante, à savoir le fait que Conservatives International en est « une initiative phare », cela n’est guère lisible. La seule exception est la page intitulée « The Network » sur laquelle figure la version du logo de la requérante avec l’indication « Conservatives International est une initiative phare de ». Il est également indiqué que la requérante dispose d’un stand dans le centre de convention.

118    En revanche, le nom Conservatives International figure sur quasiment toutes les pages de la brochure. Il est renvoyé au lien « www.conservativesinternational.org » pour l’inscription à la conférence. Le « Conservatives International reception desk » figure en première place sur le plan du centre de convention où se déroule la conférence. Le programme prévoit le « Conservatives International Launch » et trois autres séances dirigées par Conservatives International.

119    Il convient de constater que, à la lumière de ces éléments de preuve, le Parlement a pu valablement considérer que l’impression a été donnée que la conférence de Miami a été organisée par Conservatives International. En outre, bien qu’il soit constant entre la requérante et le Parlement que Conservatives International n’était pas, en réalité, une organisation, en l’espèce, les éléments de preuve laissent entendre que telle est bien l’impression qui a été créée. Cela ressort du nom, du logo (qui diffère de celui de la requérante), de l’adresse Internet de son site en ligne (« conservativesinternational.org »), des coordonnées (qui ne font pas mention du fait qu’il s’agit des mêmes adresse et numéro de téléphone que ceux de la requérante), de la description figurant sur le site en ligne (Conservatives International is the only organisation of its kind), et du fait que Conservatives International se présente comme étant l’organisatrice de la conférence de Miami. En outre, il convient de rappeler que la requérante ne conteste pas que l’objet de la conférence de Miami était de lancer une organisation afin de créer une plateforme pour promouvoir des idées conservatrices à l’échelle mondiale, ce qui ressort également de la brochure de la conférence.

120    Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré que le Parlement aurait commis une erreur en ce qui concerne l’identité de l’organisatrice de la conférence de Miami.

121    Il y a lieu d’examiner, en outre, si le Parlement pouvait à bon droit considérer que les objectifs définis dans le programme politique d’un parti devaient être interprétés au regard des finalités des partis politiques au niveau européen au sens de l’article 10, paragraphe 4, TUE et de l’article 204 bis du règlement financier.

122    Tout d’abord, il convient de rappeler que l’article 8, premier alinéa, du règlement no 2004/2003 dispose que les crédits provenant du budget général de l’Union conformément au présent règlement peuvent uniquement être affectés à des dépenses directement liées aux objectifs définis dans le programme du parti politique au niveau européen.

123    Selon l’article 9, paragraphe 3, premier alinéa, dudit règlement, le contrôle des financements octroyés au titre de celui-ci est exercé conformément au règlement financier et à ses modalités d’exécution. L’article 204 bis, paragraphe 2, du règlement financier dispose que des contributions financières directes provenant du budget de l’Union peuvent être octroyées aux partis politiques européens eu égard à leur rôle dans la formation de la conscience politique européenne et dans l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union.

124    Ensuite, l’article 10, paragraphe 4, TUE, dispose que les partis politiques au niveau européen contribuent à la formation de la conscience politique européenne et à l’expression de la volonté des citoyens de l’Union.

125    En outre, le considérant 1 du règlement no 2004/2003 dispose que l’article 191 du traité CE indique que les partis politiques au niveau européen sont importants en tant que facteur d’intégration au sein de l’Union et qu’ils contribuent à la formation d’une conscience européenne et à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union.

126    Enfin, le premier considérant de la décision FINS-2017-9a fait lui-même explicitement référence à l’article 10, paragraphe 4, TUE.

127    À la lumière de ces références explicites aux dispositions selon lesquelles le rôle des partis politiques est de contribuer à la formation d’une conscience européenne et à l’expression de la volonté politique des citoyens de l’Union, il ne fait aucun doute que le Parlement a correctement considéré que les objectifs définis dans le programme politique de la requérante, auxquels fait référence l’article 8, premier alinéa, du règlement no 2004/2003, doivent être interprétés conjointement avec l’objet des partis politiques au niveau européen tel qu’il est défini à l’article 10, paragraphe 4, TUE et à l’article 204 bis du règlement financier.

128    Il convient de constater ensuite que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le Parlement a considéré que la conférence de Miami, organisée au nom du Conservatives International, visant à lancer une organisation mondiale sous ce nom, assistée par des intervenants et participants qui venaient, en grande majorité, des Amériques, n’était pas liée à un objectif légitime de la requérante en tant que parti politique au niveau européen. Partant, c’est sans commettre d’erreurs que le Parlement a requalifié les dépenses afférentes à cette conférence comme étant non admissibles au financement. Contrairement à ce qu’affirme la requérante, il incombe au Parlement, en vertu de son rôle dans l’application du règlement no 2004/2003, d’examiner si l’organisation des conférences en cause a contribué à la formation et à l’intégration de l’Europe.

129    Les autres arguments de la requérante ne sauraient remettre en cause cette conclusion. S’agissant du caractère non pertinent du fait que la conférence de Miami se soit déroulée en dehors du territoire de l’Union, il suffit de relever que le Parlement ne s’est pas fondé sur cette circonstance dans la première décision attaquée. Il en va de même de la circonstance relative au fait que les dépenses de la conférence de Miami doivent être directement liées à des objectifs définis dans son programme politique puisque, ainsi que la requérante l’admet, le bureau ne s’est pas fondé sur cette circonstance.

–       Sur la conférence de Kampala

130    En ce qui concerne la conférence de Kampala, il convient de relever que, dans la première décision attaquée, le Parlement a considéré que, bien que le nom de la requérante apparût sur le programme et la brochure de la conférence, l’impression a été donnée que la propriétaire et l’auteure de l’événement étaient Conservatives International. Il a également observé que, parmi les 150 participants, seul un nombre limité venait des États membres de l’Union, majoritairement du Royaume-Uni, ce qui n’est pas contesté par la requérante.

131    En ce qui concerne l’appréciation des faits par le Parlement, il convient de noter que la page principale de la conférence de Kampala relève du site en ligne de Conservatives International. Comme cela a déjà été constaté au point 119 ci‑dessus, il ressort de la page « About » de ce site en ligne que Conservatives International y est présentée comme étant une organisation.

132    Toutefois, il ressort des éléments de preuve consistant en des pages du site en ligne concernant la conférence de Kampala que cette dernière relève d’une initiative de la requérante en ce qu’il est clairement indiqué, en deuxième page, que « This conference is an initiative of the Alliance of Conservatives and Reformists in Europe (ACRE) ». Si Conservatives International apparaît en gros caractères sur chaque page du site en ligne, le logo de la requérante figure en premier plan et en plus grand que celui des partenaires. Le président de la requérante est un des orateurs. Quant au sujet de la conférence, deux des cinq séances concernent le commerce entre l’Afrique et l’Europe et la politique extérieure de l’Union.

133    S’agissant de la brochure de la conférence de Kampala, il convient de constater que la conférence s’intitule « Great Lakes Trade Summit ». Les logos de la requérante et de Conservatives International figurent sur la page de couverture, de même que l’indication « conservativesinternational.org ». L’introduction est signée par le président de la requérante et deux membres du Parlement sont cités. Il convient de noter d’autres références à la requérante et au fait que la conférence « The Great Lakes Trade Summit, Conservatives International » est organisée à son initiative. À cet égard, sous le titre « Partners », il est indiqué que la conférence est organisée, notamment, par la requérante.

134    Concernant les photos de la conférence, s’il est exact que le logo de Conservatives International figure au milieu de la bannière et en plus grand que celui de la requérante, ce dernier est toutefois clairement visible sous le titre de la conférence.

135    Dès lors, l’appréciation globale des éléments de preuve mène indubitablement à la conclusion que la conférence de Kampala a été organisée par la requérante. Cette circonstance ainsi que le fait que cette conférence concernait la politique extérieure de l’Union et que les participants étaient des ressortissants des États membres indiquent que ladite conférence était liée à un objectif légitime de la requérante en tant que parti politique au niveau européen.

136    Il s’ensuit que le Parlement a commis une erreur manifeste d’appréciation en retenant que cette conférence n’était pas organisée par la requérante. Il convient donc d’accueillir la présente branche du huitième moyen et d’annuler la première décision attaquée en ce que le Parlement a décidé de requalifier les dépenses afférentes à la conférence de Kampala, à savoir 91 546,58 euros, en dépenses non admissibles au financement.

–       Sur le neuvième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique

137    La requérante relève que la DG « Finances », dans sa lettre du 25 octobre 2018, a appliqué aux conférences de Miami et de Kampala certains critères applicables aux conférences internationales, à savoir que ces dernières doivent être transparentes et clairement identifiables comme étant des activités du parti politique européen en cause et doivent représenter des activités accessoires aux activités principales du parti. Selon la DG « Finances », les conférences de Miami et de Kampala ne rempliraient pas ces critères. La requérante affirme que ces critères sont inédits, ne découlant d’aucun texte de loi. Le Parlement lui aurait donc imposé de nouvelles règles et, partant, la requalification des dépenses afférentes aux conférences de Miami et de Kampala en raison de leur prétendue non-conformité à l’article 8 du règlement no 2004/2003 aurait violé le principe général de l’Union de sécurité juridique.

138    Le Parlement conteste l’argumentation de la requérante.

139    En premier lieu, il convient de constater que le Parlement observe, à juste titre, que les critères prétendument inédits soulevés par la requérante ne font pas partie de la motivation de la première décision attaquée. Force est de constater que le grief tiré d’une violation du principe général de l’Union de sécurité juridique est inopérant.

140    En second lieu, il convient de rejeter comme non fondé l’argument, soulevé par la requérante dans la réplique, selon lequel ses droits de la défense ont été violés. En effet, la lettre du 25 octobre 2018 de la DG « Finances », intitulée « Conservatives International, Americas, Miami/USA, 26-27 May 2017 », présentait, de façon claire et exhaustive, tous les critères sur lesquels le Parlement a entendu fonder la première décision attaquée, notamment des troisième et quatorzième alinéas de ladite lettre du 25 octobre 2018.

141    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le présent moyen.

–       Sur le dixième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination

142    La requérante affirme que le Parlement, en requalifiant les montants relatifs aux conférences de Miami et de Kampala en dépenses non admissibles au financement, a violé le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination. Elle fait valoir que d’autres partis politiques et leurs fondations affiliées ont organisé des manifestations dont l’identité de l’organisateur n’était pas claire et que l’année 2017 a vu de nombreuses manifestations organisées par d’autres fondations et partis politiques au niveau européen qui abordaient des sujets similaires aux conférences de Miami et de Kampala.

143    Le huitième moyen ayant été accueilli dans la mesure où il concerne la conférence de Kampala, il convient d’examiner le présent moyen uniquement dans le cadre de la décision du Parlement de requalifier en dépenses non admissibles au financement celles afférentes à la conférence de Miami.

144    Il convient de rappeler, à cet égard, que l’impression a été créée que cette conférence avait été organisée par Conservatives International et que, en l’espèce, la requérante n’apparaissait donc pas comme étant l’organisateur de l’événement financé. Partant, il convient d’examiner, à la lumière de la jurisprudence évoquée au point 77 ci-dessus, si les situations auxquelles la requérante fait référence sont comparables à celles concernant la conférence de Miami en ce que l’impression a été créée que le bénéficiaire du financement n’apparaissait pas comme étant l’organisateur de l’événement financé.

145    La première situation prétendument comparable à laquelle la requérante fait référence concerne le « Forum des idées économiques » tenu à Bruxelles (Belgique) le 7 novembre 2017. À cet égard, il convient de relever que, s’il est exact que le programme de l’événement ne faisait pas mention du Centre Martens, le fait que ce programme ait été disponible sur le site en ligne de cette fondation, que les participants pouvaient s’inscrire par le biais de ce site en ligne et que l’événement a été ouvert et clôturé par des représentants de ladite fondation donne l’impression qu’il a été organisé par cette dernière. En outre, l’événement était clairement identifiable comme étant un de ceux organisés par le Centre Martens, puisque, d’une part, il était mentionné sur le site en ligne de cette fondation au titre des « Événements » (events) et, d’autre part, il était décrit comme suit :

« Le Forum des idées économiques (FIE), qui existe depuis huit ans, est la conférence de très haut niveau sur l'économie que le Centre Martens organise le 7 novembre 2017 à Bruxelles. » (Now in its eight year, the Economic Ideas Forum (EIF), the Martens Centre’s high-level conference on economy will be held on 7 November 2017 in Brussels.)

146    Il convient de constater qu’il ne fait aucun doute que l’événement « Forum des idées économiques » tenu à Bruxelles le 7 novembre 2017 a été organisé par le Centre Martens.

147    La seconde situation à laquelle la requérante fait référence concerne l’événement intitulé « TransatlanticLab » tenu à Washington (États-Unis) du 16 au 20 juillet 2017. Il convient de constater qu’il ne fait aucun doute que cet événement a été organisé par le Forum libéral européen dans la mesure où, premièrement, il est mentionné sur le site en ligne de ce dernier au titre des « Événements », deuxièmement, le logo du Forum libéral européen figure en première page du programme de l’événement et, troisièmement, ledit événement a été ouvert par le vice-président du Forum libéral européen.

148    En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel de nombreuses manifestations ont été organisées en 2017 par d’autres fondations et partis politiques au niveau européen qui abordaient des sujets similaires à celui de la conférence de Miami, il convient de constater que la requérante n’a pas démontré qu’il s’agissait de situations comparables, puisque, parmi les exemples cités, aucune situation où le bénéficiaire du financement n’apparaît pas comme étant l’organisateur n’a été établie.

149    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le présent moyen comme étant non fondé.

 Sur les onzième, douzième et treizième moyens, concernant le montant versé par le PAP

150    Les onzième, douzième et treizième moyens concernent le versement par le PAP d’une cotisation d’un montant de 133 043,80 euros, lequel a été considéré par le Parlement comme étant soumis au plafond de 12 000 euros applicable aux dons.

–       Sur le onzième moyen, tiré d’une violation des articles 2 et 6 du règlement no 2004/2003 et d’une erreur manifeste d’appréciation

151    La requérante affirme que le Parlement ne pouvait pas, d’une part, requalifier en don la cotisation versée par le PAP et, d’autre part, considérer que ce don était contraire à l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 2004/2003 dans la mesure où il excédait le montant de 12 000 euros. En agissant de la sorte, il aurait fondé sa décision sur une interprétation erronée de l’article 2, paragraphe 1, du règlement no 2004/2003. Il aurait, à tout le moins, commis une erreur manifeste d’appréciation.

152    La requérante fait valoir que des règles différentes s’appliquent, d’une part, aux dons et, d’autre part, aux cotisations. Elle soulève que le Parlement ne conteste pas le fait que le PAP pourrait être un de ses membres. Dans ce cas, le PAP aurait pu être tenu de verser une cotisation ou contribution. Le paiement d’une telle cotisation ou contribution ne constituerait donc pas un don et serait conforme à l’article 6, paragraphe 3, du règlement no 2004/2003 dans la mesure où elle n’excédait pas 40 % du budget annuel du parti.

153    Selon la requérante, le Parlement a considéré à tort que le PAP n’était pas un « parti politique national membre d’un parti politique au niveau européen ». Au contraire, le PAP remplirait les conditions prévues par l’article 2, paragraphe 1, du règlement n2004/2003 selon lequel un parti politique est une association de citoyens qui poursuit des objectifs politiques et qui est reconnue par, ou établie en conformité avec, l’ordre juridique d’au moins un État membre. Le PAP, premièrement, serait doté d’une personnalité juridique, deuxièmement, serait dûment enregistré conformément au droit arménien, troisièmement, pourrait légitimement entreprendre des actions légales dans tous les États membres, notamment y acheter des biens et des services et ester en justice, et est donc nécessairement reconnu par leurs ordres juridiques comme étant une personne morale. L’interprétation du Parlement selon laquelle le PAP « n’est pas reconnu par, ou établi en conformité avec, l’ordre juridique d’au moins un État membre » au motif que cette condition exige qu’un État membre le reconnaisse comme un parti politique est, selon la requérante, dépourvue de fondement juridique et contraire au libellé de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n2004/2003, de l’article 6, paragraphe 3, du même règlement, et de l’article 20, paragraphe 7, du règlement no 1141/2014.

154    Le Parlement et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante. Le Parlement fait également valoir que le grief tiré d’une prétendue erreur manifeste d’appréciation est irrecevable en ce que celui-ci ne satisfait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

155    Il convient de rappeler que, en ce qui concerne le versement reçu du PAP, la première décision attaquée reposait sur les motifs suivants. Premièrement, le bureau a rappelé les conditions de l’article 6 du règlement n2004/2003 et la définition d’un parti politique au sens de l’article 2, paragraphe 1. Deuxièmement, le bureau a considéré qu’un parti politique établi dans un pays tiers n’était pas un parti politique au sens de l’article 6, paragraphe 3, du règlement n2004/2003. Troisièmement, il a réfuté l’affirmation de la requérante selon laquelle la condition d’être « reconnue par, ou établie en conformité avec, l’ordre juridique d’au moins un État membre » était remplie lorsqu’un parti politique pouvait légitimement entreprendre des actions légales dans un État membre et était donc reconnu par son ordre juridique en tant que personne morale.

156    Il convient d’examiner la question de savoir si le Parlement a correctement considéré que le PAP n’était pas un « parti politique » au sens de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n2004/2003 et que, par conséquent, le versement reçu du PAP ne pouvait pas constituer une cotisation admissible, provenant d’un « parti politique national », au sens de l’article 6, paragraphe 3, de ce règlement.

157    L’article 6 du règlement n2004/2003 dispose, en substance, qu’un parti politique au niveau européen ne peut accepter les dons excédant un montant de 12 000 euros par an et par donateur, provenant de toute personne physique ou morale. Toutefois, les cotisations d’un parti politique au niveau européen provenant des partis politiques nationaux membres sont admissibles à condition qu’ils n’excèdent pas 40 % du budget annuel de ce parti politique au niveau européen.

158    L’article 2, paragraphe 1, du règlement n2004/2003 définit « un parti politique » comme étant une association de citoyens qui poursuit des objectifs politiques et qui est reconnue par, ou établie en conformité avec, l’ordre juridique d’au moins un État membre.

159    Contrairement à ce qu’affirme la requérante, il ne fait aucun doute que les « citoyens » mentionnés dans l’article 2, paragraphe 1, du règlement n2004/2003 sont les « citoyens de l’Union ». Cela ressort, notamment, du fait que le considérant 1 de ce règlement utilise l’expression « citoyens de l’Union ». À cet égard, l’article 20 TFUE confère à toute personne ayant la nationalité d’un État membre le statut de citoyen de l’Union.

160    Ensuite, il ressort du libellé même de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n2004/2003 que, afin d’être qualifiée de « parti politique », une association de citoyens de l’Union, poursuivant des objectifs politiques, doit, en tant que telle, être reconnue par, ou établie en conformité avec, l’ordre juridique d’au moins un État membre. Il s’ensuit que le bureau a considéré à juste titre que le PAP n’était pas un « parti politique » au sens de cet article.

161    La requérante a donc tort d’affirmer que le PAP remplirait cette condition simplement parce qu’il serait reconnu comme étant une personne morale dans les ordres juridiques des États membres.

162    Il convient donc de constater que le Parlement a correctement appliqué l’article 6, paragraphe 3, du règlement n2004/2003 en considérant que, ipso facto, le PAP n’était pas un « parti politique national » au sens de cette disposition et que le versement du PAP ne constituait pas une cotisation admissible.

163    Quant au grief de la requérante selon lequel le Parlement ne peut pas fonder la première décision attaquée sur un motif nouveau, à savoir celui selon lequel les « citoyens » dont fait mention l’article 2, paragraphe 1, du règlement n2004/2003 seraient les « citoyens de l’Union », il convient de constater qu’il ne s’agit pas d’un « motif nouveau », mais uniquement de l’interprétation, par le Parlement, du terme « citoyen » de la disposition précitée, cette interprétation étant correcte, bien qu’elle ne figurait pas dans la motivation de la première décision attaquée.

164    Par ailleurs, les arguments de la requérante fondés sur le règlement n1141/2014 ne sont pas opérants dans le cas d’espèce, la première décision attaquée ayant été fondée sur le règlement n2004/2003.

165    Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le présent moyen, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la prétendue erreur manifeste d’appréciation soulevée par la requérante.

–       Sur le douzième moyen, tiré d’une violation du principe de sécurité juridique

166    La requérante affirme que le Parlement, par son application erronée de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 3, du règlement n2004/2003, notamment l’imposition d’une condition selon laquelle un parti politique doit être reconnu en tant que tel par un État membre, a arbitrairement créé une nouvelle règle, qu’il a appliquée rétroactivement dans le cadre de la première décision attaquée. La décision de qualifier de don la cotisation versée par le PAP et, par conséquent, de contraindre la requérante à restituer au PAP le montant du versement excédant 12 000 euros constituerait donc une violation du principe de sécurité juridique.

167    Lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle s’appuyait sur le fait que, en 2016, le Parlement n’avait pas requalifié en don une contribution de 22 500 euros qu’elle avait reçue du PAP. À cet égard, le Parlement a expliqué que les versements provenant de tiers dont bénéficient les partis politiques au niveau européen ne sont pas tous contrôlés systématiquement et qu’il est dès lors possible que certains versements ne soient pas identifiés correctement comme étant non admissibles en vertu de l’article 6, paragraphe 3, du règlement n2004/2003.

168    Il convient de constater que le Parlement fait valoir, à juste titre, qu’il n’a pas institué de nouvelle règle. Au contraire, il n’a fait qu’interpréter, de manière prévisible, le règlement n2004/2003, dont il découle directement et clairement que seules les associations de citoyens, poursuivant des objectifs politiques, et qui sont reconnues par, ou établies en conformité avec, l’ordre juridique d’au moins un État membre, peuvent avoir la qualité de partis politiques nationaux membres d’un parti politique au niveau européen. Il s’ensuit que, en application de la jurisprudence citée aux points 65 et 66 ci-dessus, le principe de sécurité juridique n’a pas été violé et le présent grief doit être rejeté comme étant non fondé.

169    Dans la mesure où la requérante s’appuie sur le fait que, en 2016, le Parlement n’avait pas requalifié en don une contribution de 22 500 euros qu’elle avait reçue du PAP, il convient de constater qu’une telle argumentation reviendrait à invoquer le principe de protection de la confiance légitime. Il découle de la jurisprudence que tout justiciable a le droit de se prévaloir de ce principe lorsqu’il se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants. Les assurances données doivent, en outre, être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 22 novembre 2018, Portugal/Commission, T‑31/17, EU:T:2018:830, point 86 et jurisprudence citée). Comme l’a admis elle-même la requérante lors de l’audience, aucune des conditions d’application de ce principe, énoncées dans la jurisprudence, n’est remplie.

–       Sur le treizième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination

170    Par le treizième moyen, la requérante affirme que le Parlement, par son application erronée de l’article 2, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 3, du règlement n2004/2003, a violé le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination en ce qu’il n’aurait pas requalifié en don, sur le même fondement, certaines contributions versées au Centre Martens qui excédaient également le montant de 12 000 euros et qui provenaient d’organisations telles que le Konrad Adenauer Foundation, Skopje Office, le Belgrade Fund for Political Excellence et l’International Republican Institute des États-Unis d’Amérique.

171    La requérante remet également en cause la justification fournie par le Parlement dans la « Note accompagnant le dossier concernant le parti ACRE », selon laquelle les règles applicables aux dons ou aux contributions versés aux fondations sont plus laxistes que celles qui visent les partis, plus restrictives, et, par conséquent, l’administration surveille davantage les partis politiques au niveau européen dans la mesure où ces derniers sont à la tête des activités politiques menées au sein des États membres dès lors qu’ils présentent des candidats aux élections, alors que les fondations politiques qui leur sont affiliées viennent soutenir et compléter les objectifs des partis par le biais d’activités connexes.

172    Le Parlement et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

173    Il ressort d’une jurisprudence bien établie que le respect du principe d’égalité de traitement doit être concilié avec le principe de légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (voir arrêt du 11 décembre 2003, Adriatica di Navigazione/Commission, T‑61/99, EU:T:2003:335, point 157 et jurisprudence citée).

174    Il s’ensuit que les arguments de la requérante ne peuvent pas être retenus dès lors qu’il a été constaté, dans le cadre du onzième moyen, que le Parlement a correctement appliqué l’article 2, paragraphe 1, et l’article 6, paragraphe 3, du règlement n2004/2003 à l’égard du montant versé par le PAP à la requérante et que cette dernière ne saurait invoquer, à son profit, une prétendue erreur d’application de ces mêmes dispositions en faveur du Centre Martens.

175    Il convient dès lors de rejeter le présent moyen comme étant non fondé, sans qu’il soit besoin de déterminer si les fondations et partis politiques au niveau européen se trouvent dans des situations comparables.

176    Compte tenu de tout ce qui précède, en ce qui concerne la demande d’annulation partielle de la première décision attaquée, il convient seulement d’accueillir le huitième moyen en tant qu’il est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation commise par le Parlement au sujet de la conférence de Kampala et d’annuler en conséquence ladite décision en ce que le Parlement a décidé de requalifier les dépenses afférentes à cette conférence, à savoir 91 546,58 euros, en dépenses non admissibles au financement.

 Sur la demande d’annulation partielle de la seconde décision attaquée

177    Au soutien de sa demande d’annulation partielle de la seconde décision attaquée, la requérante avance deux moyens visant les mesures litigieuses, à savoir les conditions établies à l’article I.5.1 de ladite décision selon lesquelles le paiement d’un préfinancement équivalant à la totalité du montant maximal est subordonné, d’une part, au remboursement préalable au Parlement de la somme due au titre de l’exercice financier 2017 et, d’autre part, au remboursement préalable au PAP des sommes indûment perçues par la requérante de cette entité.

178    La requérante soutient que la seconde décision attaquée a été adoptée en violation de ses droits de la défense et du principe de bonne administration ainsi que, consécutivement, de l’article 19 du règlement no 1141/2014 et de l’article 8 de la décision du bureau du 28 mai 2018 fixant les modalités d’application du règlement no 1141/2014 (JO 2018, C 225 p.4) (ci-après la « décision du bureau du 28 mai 2018), dans la mesure où elle n’a pas eu l’opportunité de faire connaître son point de vue sur les éléments retenus à l’appui des mesures litigieuses, à savoir une note du 30 novembre 2018 relative à l’octroi de contributions pour l’année 2019, une recommandation du comité d’évaluation et une évaluation des risques. Ces éléments ne lui auraient pas été communiqués en temps utile et elle n’aurait pas pu les commenter.

179    Le Parlement conteste les allégations de la requérante. S’agissant, tout d’abord, de la prétendue violation de l’article 19 du règlement no 1141/2014 et de l’article 8 de la décision du bureau du 28 mai 2018, il avance que les arguments présentés par la requérante sont irrecevables dans la mesure où celle-ci n’a pas étayé concrètement leur violation. S’agissant, ensuite, de la prétendue violation du principe de bonne administration et des droits de la défense de la requérante, le Parlement affirme que la seconde décision attaquée ne peut être considérée comme étant une mesure affectant la requérante défavorablement dans la mesure où celle-ci est, en tout état de cause, une décision positive. Par ailleurs, aucun droit d’être entendu préalablement à l’édiction d’une telle décision ne serait envisagé ni par le règlement no 1141/2014 ni par la décision du bureau du 28 mai 2018. En outre, l’article 6 de la décision du bureau du 28 mai 2018 reconnaîtrait au bureau une marge d’appréciation afin de décider du niveau de préfinancement et, le cas échéant, des conditions de son versement. Enfin, le Parlement considère que l’obligation, prévue à l’article 6, paragraphe 1, du règlement no 1141/2014, de déroger au principe du préfinancement à 100 % dans des cas dûment justifiés a été respectée dans la mesure où il a motivé la seconde décision attaquée à suffisance de droit.

180    Il convient d’examiner le grief concernant la violation des droits de la défense, en particulier le droit d’être entendu.

181    Le Parlement affirme, à bon droit, que ni la décision du bureau du 28 mai 2018, ni le règlement no 1141/2014 n’accordent explicitement aux partis politiques un droit d’être entendus avant que le bureau n’adopte sa décision sur leurs demandes de financement.

182    Toutefois, il ressort de la jurisprudence que le respect des droits de la défense, qui inclut le droit d’être entendu au préalable de toute décision affectant défavorablement les intérêts d’une partie, constitue un principe fondamental du droit de l’Union, qui doit être assuré même lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 86, et du 7 novembre 2019 ADDE/Parlement, T‑48/17, EU:T:2019:780, point 89 et jurisprudence citée). Le droit d’être entendu est également une composante du droit à une bonne administration, tel qu’il découle de l’article 41 de la Charte.

183    Il ressort également de la jurisprudence que, en principe, lorsqu’une personne introduit une demande auprès d’une institution de l’Union, notamment une demande de financement, le droit d’être entendu doit être considéré comme ayant été respecté lorsque l’institution adopte sa décision à l’issue de la procédure sur la base des éléments présentés par le demandeur, sans lui accorder une opportunité supplémentaire d’être entendu au-delà des arguments qu’il a pu avancer au moment de l’introduction de sa demande (voir arrêt du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement, T‑48/17, EU:T:2019:780, point 90 et jurisprudence citée).

184    Cependant, il y a lieu de relever que, dans le cadre de procédures relatives au paiement de droits de douane, il a été jugé qu’une violation des droits de la défense résultait du fait que la partie requérante n’avait pas été mise en mesure de faire connaître son point de vue sur la pertinence des faits ou des documents retenus dans l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 25 ; du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, EU:T:1998:40, points 86 à 88, et du 17 septembre 1998, Primex Produkte Import-Export e.a./Commission, T‑50/96, EU:T:1998:223, points 63 à 71).

185    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent grief.

186    Il convient de constater que, contrairement à ce qu’affirme le Parlement, les mesures litigieuses affectent la requérante défavorablement, au sens de la jurisprudence et de l’article 41 de la Charte, puisqu’elles lui imposent une charge non négligeable en ce qu’elles limitent le préfinancement à 85 % du montant maximal du financement en l’absence de remboursement de sommes dues au titre de la première décision attaquée dans le délai imparti (voir, par analogie, arrêt du 7 novembre 2019, ADDE/Parlement, T‑48/17, EU:T:2019:780, point 94 et jurisprudence citée).

187    Il ressort de la seconde décision attaquée que le Parlement a effectué, en vertu de l’article 6 de la décision du bureau du 28 mai 2018 et sur recommandation du comité d’évaluation, une évaluation des risques sur la base de la situation financière de la requérante pour l’année 2017. L’examen effectué par le comité d’évaluation a eu lieu en octobre et en novembre 2018. Selon le Parlement, il découlait de cette évaluation un risque de non-paiement des sommes dues au titre de l’exercice financier 2017, dont le remboursement avait été proposé. Ce risque était fondé sur l’importance de ces sommes ainsi que sur le fait qu’un remboursement de fonds n’était ni prévu en tant que provision, ni couvert par les ressources propres de la requérante et, enfin, que ses actifs nets étaient négatifs.

188    Il convient de constater que le Parlement ne conteste pas que la requérante n’a pas eu accès, en temps utile, aux documents sur lesquels se fondaient les mesures litigieuses, à savoir la note du 30 novembre 2018 relative à l’octroi de contributions pour l’année 2019, adressée aux membres du bureau, une recommandation du comité d’évaluation et une évaluation des risques. En l’espèce, la requérante n’a donc pas été en mesure de faire connaître son point de vue sur la pertinence des faits ou des documents retenus dans le cadre des mesures litigieuses. Partant, la question se pose de savoir si une telle irrégularité est de nature à mener à l’annulation de cette décision.

189    Selon la jurisprudence, une violation des droits de la défense n’est susceptible de mener à l’annulation d’un acte adopté par les institutions que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent, affectant ainsi concrètement les droits de la défense de la partie requérante (voir, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 79).

190    En l’espèce, les dispositions en cause conférant une large marge d’appréciation au Parlement, il ne peut être exclu, comme l’a d’ailleurs observé la requérante dans ses écritures et lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, que la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent si le droit de la requérante d’être entendu avait été respecté en ce qu’elle aurait pu fournir un état actualisé de ses finances (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2017, Kerstens/Commission, T‑270/16 P, non publié, EU:T:2017:74, point 82).

191    Il découle de ce qui précède qu’il convient d’accueillir le présent grief, et, dès lors, d’annuler la seconde décision attaquée en ce que son article I.5.1 subordonne le paiement d’un préfinancement équivalant à la totalité du montant maximal de la contribution de la requérante au remboursement de la somme de 535 609,48 euros au Parlement et de tout versement indûment reçu du PAP. Il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire de se prononcer, d’une part, sur les griefs restants évoqués par la requérante dans le cadre du présent moyen et, d’autre part, sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 6 de la décision du bureau du 28 mai 2018.

 Sur les dépens

192    Aux termes de l’article 134, paragraphe 2, du règlement de procédure, si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens.

193    Le Parlement ayant partiellement succombé, il convient de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi qu’un tiers de ceux exposés par la requérante.

194    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, lu avec l’article 1er, paragraphe 2, sous f), dudit règlement, les organes et organismes de l’Union qui sont intervenus au litige supporteront leurs propres dépens. L’intervenante supportera donc ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du Parlement du 10 décembre 2018 déclarant certaines dépenses non admissibles aux fins d’une subvention au titre de l’année 2017 et ordonnant la restitution d’un don est annulée en ce qu’elle requalifie les dépenses afférentes à la conférence qui a eu lieu à Kampala (Ouganda) du 13 au 15 juillet 2017, à savoir 91 546,58 euros, en dépenses non admissibles au financement.

2)      La décision FINS20195 du Parlement, du 14 janvier 2019, relative à l’octroi d’une contribution à Alliance of Conservatives and Reformists in Europe (ACRE) au titre de l’année 2019 est annulée en ce que son article I.5.1 subordonne le paiement d’un préfinancement équivalant à 100 % du montant maximal de la contribution à certains remboursements préalables.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      Le Parlement européen supportera, outre ses propres dépens, un tiers de ceux exposés par ACRE. ACRE supportera deux tiers de ses propres dépens.

5)      L’autorité pour les partis politiques européens et les fondations politiques européennes supportera ses propres dépens.

Collins

Kreuschitz

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 novembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.