DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

8 juin 2022 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Mise à disposition d’agents temporaires en faveur de l’EASO – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Attribution du marché à un autre soumissionnaire – Égalité de traitement – Principe de transparence – Erreur manifeste d’appréciation – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑621/20,

EMCS ltd., établie à Msida (Malte), représentée par Mes P. Kuypers et N. Groot, avocats,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA), représentée par Mme P. Eyckmans et M. J. van Heel, en qualité d’agents, assistés de Mes V. Ost et M. Umbach, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO) du 23 juillet 2020, intitulée « Procédure de passation de marché EASO/2020/789 pour la mise à disposition d’agents temporaires auprès de l’EASO à Malte », rejetant l’offre soumise par la requérante dans le cadre de l’appel d’offres et attribuant le marché à un autre soumissionnaire et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait subi du fait de cette décision,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme V. Tomljenović (rapporteure), présidente, MM. I. Nõmm et D. Kukovec, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 17 janvier 2022,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Contrat

1        Le Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), devenu l’Agence de l’Union européenne pour l’asile (AUEA) le 19 janvier 2022, a pour mandat de renforcer la coopération pratique entre les États membres en matière d’asile, de soutenir les États membres dont les systèmes d’asile sont soumis à une pression particulière et d’améliorer la mise en œuvre du régime d’asile européen commun.

2        Afin de mettre en œuvre son mandat, l’EASO pouvait utiliser du personnel temporaire pour des missions temporaires lorsqu’il y avait un besoin de ressources supplémentaires ou pour des tâches spécialisées lorsqu’il ne disposait pas déjà des compétences nécessaires.

3        Afin de répondre à ses besoins fluctuants en personnel, l’EASO a lancé un appel d’offres pour le contrat-cadre EASO/2020/789 pour des services dont l’objet était la mise à disposition d’agents temporaires à Malte.

4        L’avis de marché a été publié le 15 mai 2020 dans le supplément au Journal officiel de l’Union européenne.

5        Selon le projet de contrat-cadre publié sur la plateforme d’accès aux offres en ligne eTendering avec les documents du marché, qui comprennent l’avis de marché, les spécifications administratives et les spécifications techniques (ci-après la « documentation du marché »), il était prévu que le contrat ait une durée initiale de douze mois à compter de son entrée en vigueur et soit, ensuite, automatiquement renouvelé trois fois, pour douze mois à chaque fois, sauf si l’une des parties recevait une notification formelle contraire au moins avant la fin de la durée en cours.

6        Le contrat-cadre était prévu pour une durée maximale de quatre ans. Les volumes réels à commander par le biais de contrats spécifiques n’étaient pas déterminés avec précision à l’avance, mais le cahier des charges (comprenant les spécifications administratives et les spécifications techniques) prévoyait une formule pour calculer un plafond dans le cadre du contrat-cadre qui ne pouvait pas être dépassé.

 Procédure de marché

7        La procédure choisie pour l’attribution du marché public en cause était la procédure ouverte. La documentation du marché indiquait expressément que le contrat-cadre serait attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse sur la base des critères énoncés dans le cahier des charges.

8        Les spécifications administratives précisaient les éléments suivants concernant le prix :

« Aux fins de l’évaluation, le prix pris en considération est celui indiqué dans le formulaire de proposition financière (SSF 7) […]. Les soumissionnaires doivent utiliser ce formulaire pour formuler leur proposition financière pour le contrat et le télécharger dans e-Submission à l’étape “Données de l’appel d’offres” dans l’onglet “Offre financière”. »

9        Les spécifications techniques précisaient que le prix se composait comme suit : 

« Le “coût total par mois” est forfaitaire et couvre (de manière non exhaustive) :

1. Le traitement de base – Le traitement de base désigne le salaire brut que le contractant doit verser au travailleur temporaire/à l’agent intérimaire, à l’exclusion de toute rémunération pour les heures supplémentaires, de toute forme de prime, de toute indemnité supplémentaire, de toute rémunération en nature et de toute commission ainsi que de toutes les contributions que le contractant est légalement tenu de payer au nom de l’agent intérimaire.

[…]

2. La redevance doit être un montant mensuel unique forfaitaire (à l’exception des frais d’administration de missions mentionnés au point 2.5), qui inclut :

1/      les honoraires du contractant ;

2/      toutes les cotisations de sécurité sociale et autres contributions et obligations légalement imposées au contractant et non au personnel intérimaire (y compris, mais sans s’y limiter, les primes et indemnités, etc.) ;

3/      les coûts liés aux congés, aux congés de maladie, aux congés de maternité et autres congés spéciaux et tout autre coût ou charge de quelque nature que ce soit, tels que les allocations de chômage, les indemnités et les compensations.

Remarque : Des frais d’administration distincts pour la gestion des missions sont payables au titre du contrat-cadre, sur la base des frais fixes définis au point 2.5 ci-dessus. »

10      La structure des prix était précisée dans le formulaire de proposition financière annexé au cahier des charges.

11      Au cas où les soumissionnaires souhaitaient obtenir des éclaircissements sur la documentation du marché, l’appel d’offres indiquait qu’ils pouvaient soumettre des demandes d’informations supplémentaires au pouvoir adjudicateur par le biais de la plateforme eTendering. Toutefois, l’appel d’offres précisait également que « le pouvoir adjudicateur n’[était] pas tenu de répondre aux demandes d’informations complémentaires reçues moins de six jours ouvrables avant la date limite de réception des offres ». L’avis de marché indiquait que les offres devaient être reçues au plus tard à 15 h 00, heure locale, le mardi 23 juin 2020.

12      Un certain nombre de questions ont été soumises dans les délais requis et l’EASO y a répondu. Les questions et les réponses ont fait l’objet d’un document établi sous la forme d’une liste de questions et de réponses relatives à l’appel d’offres.

13      Le 17 juin 2020, la requérante, EMCS ltd., a soumis une demande de clarification à l’EASO concernant le calcul de la redevance facturée par le contractant. Le 19 juin 2020, la requérante a renvoyé un message à l’EASO soulignant l’importance de ladite question.

14      L’EASO n’a pas répondu à cette demande, qui a été présentée moins de six jours ouvrables avant la date limite de réception des offres.

15      La requérante a soumis son offre le 22 juin 2020.

16      Deux offres ont été soumises au total, l’une par la requérante et l’autre par un consortium.

17      Au cours du processus d’évaluation des offres, l’EASO a remarqué que la requérante avait calculé la redevance facturée par le contractant sur la base du temps total pendant lequel les agents temporaires étaient affectés (incluant les heures effectivement travaillées et le droit aux congés légaux et jours fériés) plutôt que sur la base du temps effectivement travaillé par l’agent chaque mois.

18      À la suite de cette constatation, l’EASO a adressé une lettre à la requérante le 16 juillet 2020. Dans ladite lettre, il a expliqué qu’il avait recalculé la redevance sur la base de ce que la requérante avait indiqué dans son offre technique et lui a demandé de confirmer le montant total qui en résultait.

19      Dans un courriel daté du 17 juillet 2020, la requérante a indiqué qu’elle confirmait le montant total résultant de ce calcul.

20      Le comité d’évaluation a ensuite évalué les offres sur la base des critères d’attribution décrits dans les spécifications administratives et a classé la requérante à la seconde place, après le consortium. En ce qui concerne notamment les critères qualitatifs, le consortium a obtenu un total de 80 points tandis que la requérante a obtenu un total de 72,5 points.

21      Le 23 juillet 2020, l’EASO a approuvé le rapport d’évaluation, rejeté l’offre de la requérante et attribué le contrat au consortium (ci-après la « décision attaquée »).

22      Le 24 juillet 2020, la requérante a été informée de la décision attaquée, y compris de l’évaluation technique de son offre.

 Clarifications après l’appel d’offres

23      Le 24 juillet 2020, la requérante a envoyé un courriel à l’EASO pour demander à être informée du nom, des caractéristiques et des avantages relatifs à l’offre du soumissionnaire retenue. L’EASO a répondu le 28 juillet 2020, en fournissant le nom du soumissionnaire, les points accordés, par critère, à l’offre retenue ainsi que les appréciations écrites du comité d’évaluation.

24      Le 31 juillet 2020, la requérante a soumis des observations à l’EASO concernant l’évaluation de son offre et lui a demandé de reconsidérer sa décision d’attribution. Les observations présentées par la requérante concernaient le manque de clarté de la notation qualitative, la correction du prix la concernant après la présentation de son offre, le manque de prise en compte de sa présence et de son expertise locale et l’absence de questions techniques posées par les autres soumissionnaires.

25      Le 7 août 2020, l’EASO a envoyé une lettre à la requérante, dans laquelle il a fourni des réponses aux observations que cette dernière avait formulées dans sa lettre du 31 juillet 2020. L’EASO a estimé que toutes ses observations étaient sans fondement et a donc refusé de modifier la décision attaquée.

26      Le 9 août 2020, après avoir examiné et rejeté les allégations de la requérante selon lesquelles il devrait lancer un nouvel appel d’offres « avec un cahier des charges amélioré », l’EASO a conclu le contrat-cadre avec le soumissionnaire retenu.

27      Le 10 septembre 2020, la requérante a envoyé une lettre à l’EASO, lui demandant d’abroger la décision attaquée et de résilier le contrat-cadre dans un délai de deux semaines à compter de la date de sa lettre. Elle y alléguait que l’EASO avait illégalement modifié son offre, qu’il n’avait pas évalué les offres conformément à la documentation du marché et que ladite documentation n’était pas suffisamment claire, précise et sans équivoque.

28      Par une lettre du 9 octobre 2020, l’EASO a répondu à la requérante en rejetant toutes ses allégations.

 Procédure et conclusions des parties

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 octobre 2020, la requérante a introduit le présent recours.

30      Le mémoire en défense, la réplique et la duplique ont été déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 19 décembre 2020, le 9 mars et le 6 mai 2021.

31      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal : 

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’AUEA aux dépens.

32      L’AUEA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

33      La requérante invoque trois moyens au soutien de ses conclusions en annulation. Le premier est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et du principe de transparence  du fait du manque de clarté de la documentation du marché et du refus de répondre à la demande d’informations complémentaires. Le deuxième est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et du principe de transparence du fait de la modification illégale de son offre. Le troisième est tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’article 170, paragraphe 3, du règlement (UE, Euratom) 2018/1046 du Parlement européen et du Conseil, du 18 juillet 2018, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union, modifiant les règlements (UE) no 1296/2013, (UE) no 1301/2013, (UE) no 1303/2013, (UE) no 1304/2013, (UE) no 1309/2013, (UE) no 1316/2013, (UE) no 223/2014, (UE) no 283/2014 et la décision no 541/2014/UE, et abrogeant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 (JO 2018, L 193, p. 1).

34      La requérante présente également une demande en indemnité du fait du préjudice qu’elle aurait subi en raison du manque à gagner découlant de l’absence de conclusion d’un contrat-cadre.

 Sur les conclusions en annulation 

35      Les premier et deuxième moyens étant tirés d’une violation du principe d’égalité de traitement et du principe de transparence, le Tribunal estime opportun de les examiner ensemble.

 Sur les premier et deuxième moyens, tirés, en substance, d’une violation du principe d’égalité de traitement et du principe de transparence

36      La requérante estime que l’AUEA n’a pas fourni une documentation du marché suffisamment claire et a maintenu ce manque de clarté en refusant de répondre à sa demande d’informations complémentaires. Eu égard à ce manque de clarté, l’AUEA aurait été poussée à modifier illégalement son offre à la suite de l’ouverture des offres. Selon la requérante, ces agissements constituent une violation des principes d’égalité de traitement et de transparence. Premièrement, elle fait grief à l’AUEA de ne pas avoir fourni une documentation suffisamment claire en ce qui concernait le calcul de la partie redevance du coût total par mois et de ne pas avoir répondu à sa demande d’informations complémentaires. En effet, une réponse aurait permis d’éclaircir la question relative au calcul de la redevance. Deuxièmement, elle fait grief à l’AUEA d’avoir procédé à une modification illégale de son offre financière.

–       Sur le premier grief, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et du principe de transparence du fait du manque de clarté de la documentation du marché et du refus de répondre à la demande d’informations complémentaires

37      D’après la requérante, la documentation du marché pouvait être interprétée de trois façons différentes en ce qui concernait la méthode de calcul de la redevance. Cependant, deux de ces méthodes seraient plus réalistes. La première méthode consisterait en une rémunération mensuelle, facturée au prorata du temps pendant lequel un travailleur temporaire est mis à la disposition de l’AUEA, au cours d’un mois donné, ce temps incluant également tout congé prescrit par la loi. La seconde méthode serait celle d’une rémunération calculée au prorata du temps de travail réellement fourni par mois auprès de l’AUEA.

38      La requérante soutient que la première méthode devrait être celle à retenir, car, contrairement à la seconde méthode, elle ne gonflerait pas artificiellement le budget total du marché. Toutefois, eu égard au manque de clarté de la documentation du marché, elle fait valoir qu’elle ne savait pas quelle méthode de calcul appliquer.

39      Le calcul de la redevance revêtant une importance fondamentale pour l’offre financière, la requérante reproche à l’AUEA de ne pas avoir répondu à sa demande d’informations complémentaires à cet égard. Ce refus de répondre renforcerait davantage la violation des principes d’égalité de traitement et de transparence par l’AUEA.

40      L’AUEA conteste les arguments de la requérante. Elle soutient, en substance, que la documentation du marché était suffisamment claire, qu’elle n’était pas tenue de répondre à la question relative à l’offre financière et que la requérante aurait dû la poser dans les délais requis, comme l’aurait fait un soumissionnaire raisonnablement informé et normalement diligent. En outre, elle rappelle que le consortium avait bien compris comment calculer la redevance. De même, la requérante avait inclus, dans son offre, deux méthodes de calcul, dont une était celle demandée dans la documentation du marché, ce qui indique qu’elle avait bien compris celle-ci. En outre, rappelle l’AUEA, la requérante avait explicitement confirmé l’application de sa seconde méthode de calcul lorsqu’elle avait été interrogée à cet égard.

41      Eu égard à ces considérations, l’AUEA ajoute que l’absence de réponse à la demande d’informations complémentaires n’a finalement eu aucune incidence sur la situation de la requérante. La question de savoir si elle aurait dû y répondre serait donc dépourvue de pertinence.

42      Il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante, en ce qui concerne les marchés publics, que le pouvoir adjudicateur est tenu au respect du principe d’égalité de traitement des soumissionnaires (voir arrêt du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 108 et jurisprudence citée).

43      Il ressort également de la jurisprudence que ledit principe implique une obligation de transparence afin de permettre de vérifier son respect (arrêt du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 109).

44      Le principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires, qui a pour objectif de favoriser le développement d’une concurrence saine et effective entre les entreprises participant à un marché public, impose que tous les soumissionnaires disposent des mêmes chances dans la formulation des termes de leurs offres et implique donc que celles-ci soient soumises aux mêmes conditions pour tous les compétiteurs (arrêt du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 110).

45      Quant au principe de transparence, qui en constitue le corollaire, il a essentiellement pour but de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. Il implique que toutes les conditions et modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque, dans l’avis de marché ou dans le cahier des charges, de façon, d’une part, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à mettre le pouvoir adjudicateur en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant le marché en cause (arrêt du 29 avril 2004, Commission/CAS Succhi di Frutta, C‑496/99 P, EU:C:2004:236, point 111).

46      Il convient également de rappeler que le point 25.2 de l’annexe I du règlement 2018/1046 dispose ce qui suit :

« Le pouvoir adjudicateur fournit, dans les meilleurs délais, des informations complémentaires liées aux documents de marché, simultanément et par écrit, à tous les opérateurs économiques intéressés.

Il n’est pas tenu de répondre aux demandes d’informations complémentaires présentées moins de six jours ouvrables avant la date limite de réception des offres. »

47      Eu égard à ce qui précède, il convient d’examiner si le manque de clarté dont la requérante fait état ainsi que le refus de répondre à sa demande d’informations complémentaires ont conduit à une violation des principes d’égalité de traitement et de transparence, tels que décrits ci-dessus.

48      Il convient d’emblée de rejeter les arguments par lesquels il est reproché à l’AUEA d’avoir refusé de répondre à la demande d’informations complémentaires. En effet, il y a d’abord lieu de rappeler qu’il est constant entre les parties que la requérante a soumis sa demande tardivement, à savoir moins de six jours ouvrables avant la date limite de soumission des offres. Il ressort effectivement du dossier que la date limite de dépôt des offres était le mardi 23 juin 2020 et que la requérante a soumis sa demande d’informations complémentaires le mercredi 17 juin 2020. Il convient ensuite de constater qu’il ressort du point 25.2 de l’annexe I du règlement 2018/1046 que le pouvoir adjudicateur « n’est pas tenu » de répondre aux demandes d’informations complémentaires présentées moins de six jours ouvrables avant la date limite de réception des offres. Il s’ensuit que cette prérogative n’est soumise à aucune condition ou exception, mais qu’elle relève du pouvoir discrétionnaire du pouvoir adjudicateur et que, ainsi, le refus de répondre à une demande d’informations complémentaires tardive ne peut pas, en soi, constituer ou contribuer à une violation du principe de transparence et du principe d’égalité de traitement. En effet, à ce stade de la procédure, une violation desdits principes ne peut que résulter d’un manque de clarté non élucidé de la documentation du marché en cause.

49      Partant, les arguments de la requérante selon lesquels l’AUEA aurait dû répondre à sa demande d’informations complémentaires tardive doivent être rejetés comme non fondés.

50      S’agissant de la documentation du marché, en premier lieu, il convient de constater qu’il ressort du point 3.4.8 des spécifications techniques que « [l]e contractant doit établir les factures sur la base du temps de travail effectif du personnel intérimaire tel qu’il est documenté dans les relevés d’heures de travail signés ». Ce point s’applique, comme le soutient l’AUEA, à l’ensemble de la facture qui doit être préparée par le contractant, et pas uniquement au traitement de base. Le montant qui doit être payé par l’AUEA dans le cadre du contrat, en échange des services du contractant, comprend donc à la fois le traitement de base et la redevance. Cela permet de comprendre que ces deux composantes ne devaient pas être calculées de manière différente.

51      De même, en deuxième lieu, il convient de relever qu’il existait d’autres indications qui permettaient aux soumissionnaires de comprendre que le traitement de base et la redevance devaient être calculés au prorata du temps effectif travaillé pour l’AUEA. Il ressort ainsi des spécifications techniques que « la durée d’une semaine de travail normale est, en principe, de quarante (40) heures, soit huit (8) heures par jour, du lundi au vendredi », que « [t]outes les règles s’appliquent au prorata » du temps de travail, que « les absences pour congé annuel sont payées intégralement et normalement par le contractant et ne sont pas facturées à l’[AUEA] » et que « toute absence est considérée par [l’AUEA] comme une interruption du service fourni par le contractant sélectionné et, pour cette raison, les coûts y afférents (y compris les absences justifiées pour cause de maladie, de congé pour accident et/ou d’études) ne doivent pas être facturés à l’[AUEA] ». De même, il ressort du dossier que, dans une réponse à une question de la requérante, l’AUEA a précisé que, « si l’intérimaire travaill[ait], [elle] pa[yait], sinon, il [était] de la responsabilité financière du contractant de payer toute absence (congé annuel, congé maladie et autres congés spéciaux) ».

52      En troisième lieu, force est de constater qu’il n’y a rien dans la documentation du marché qui permettrait de comprendre que le calcul du traitement de base et de la redevance devait être effectué sur deux bases différentes. Si tel était le cas, l’AUEA aurait dû le préciser expressément. Toutefois, en l’absence d’une telle précision, et compte tenu des indications telles qu’exposées ci-dessus, il convient de considérer que la documentation du marché était suffisamment claire et précise pour permettre à la requérante de comprendre que le calcul de la redevance devait être fait sur la base du prorata du temps de travail effectif auprès de l’AUEA par mois.

53      Il convient à cet égard de relever que la documentation du marché était suffisamment claire pour que le consortium la comprenne en ce sens [voir, en ce sens, ordonnance du 24 mars 2015, Europower/Commission, T‑383/14 R, EU:T:2015:190, point 24 (non publié) et jurisprudence citée] et pour que la requérante se doute que cette méthode de calcul devait être appliquée, raison pour laquelle elle l’a indiquée à titre alternatif dans son offre.

54      Eu égard à ce qui précède, il convient de juger que la documentation du marché, lue dans son ensemble, a permis à la requérante et au consortium de comprendre comment la redevance devait être calculée (voir, en ce sens, arrêt du 23 mai 2014, European Dynamics Luxembourg/BCE, T‑553/11, non publié, EU:T:2014:275, point 127).

55      La documentation du marché permettant de comprendre que la redevance, tout comme le traitement de base, devait être calculée sur la base du temps de travail effectif du personnel temporaire, tous les soumissionnaires ont pu soumettre leurs offres dans des conditions égales.

56      Par ailleurs, il convient de constater, comme l’a relevé l’AUEA, que la requérante a inclus dans son offre deux méthodes selon lesquelles elle estimait qu’elle pouvait calculer la redevance. En effet, elle a proposé une méthode de calcul de la redevance fondée sur la mise à disposition des travailleurs tout en ajoutant que, « [s]i l’[AUEA] préf[érait] que la redevance soit facturée sur la base des heures travaillées, cette redevance devra[it] être gonflée pour refléter la base plus petite sur laquelle elle [était] facturée » et que, « [p]lus précisément, la redevance [devait] être divisée par 84 % (i) comme indiqué dans le tableau ci-dessous ». Elle a donc proposé, dans son offre, une seconde méthode de calcul de la redevance.

57      L’objectif de cette double proposition doit être compris en ce sens que, si l’AUEA estimait que la première méthode de calcul était incorrecte, elle pouvait se fonder sur la seconde méthode de calcul. C’est effectivement ce qui s’est passé. L’AUEA a, dans un courriel du 16 juillet 2020, posé une question à la requérante dans les termes suivants :

« [N]ous avons recalculé la redevance pour chaque catégorie conformément à ce qui est indiqué dans votre offre technique (voir document Excel SSF 7 ci-joint), pouvez-vous confirmer que le total de l’évaluation qui en résulte est de […] euros. »

58      La requérante a confirmé ladite méthode de calcul en donnant la réponse suivante dans un courriel du 17 juillet 2020 :

« Oui, nous confirmons que le total de l’évaluation est de […] euros sur la base du recalcul susvisé. »

59      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de constater, outre le fait que la documentation du marché était suffisamment claire en soi, en tout état de cause, l’AUEA a dissipé tout doute que la requérante pouvait avoir quant à l’interprétation qu’il convenait d’en avoir en ce qui concernait la méthode de calcul de la redevance. En effet, l’AUEA s’est assurée, de manière pragmatique, que la requérante avait pu soumettre son offre conformément à ce qu’elle avait prescrit dans la documentation du marché et, partant, dans les mêmes conditions que l’autre soumissionnaire, à savoir le consortium. Elle s’est donc assurée que les principes d’égalité de traitement et de transparence avaient été respectés.

60      Au regard de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier grief comme non fondé.

–       Sur le second grief, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et du principe de transparence du fait d’une modification illégale de l’offre de la requérante

61      La requérante soutient, en substance, que l’AUEA a violé la jurisprudence selon laquelle le pouvoir adjudicateur peut demander par écrit aux candidats de clarifier leur offre sans toutefois demander ou accepter aucune modification de l’offre. En effet, en envoyant la demande de clarification avec un nouveau calcul de l’offre financière et en tenant compte du montant qui en résultait, l’AUEA aurait illégalement modifié l’offre financière de la requérante. La requérante fait à cet égard référence à l’arrêt du 29 mars 2012, SAG ELV Slovensko e.a. (C‑599/10, EU:C:2012:191).

62      L’AUEA conteste les arguments de la requérante. Elle souligne que la requérante n’a, en réalité, pas été désavantagée par la correction de son offre, qui, si elle n’avait pas eu lieu, aurait dû être rejetée. En tout état de cause, il s’agirait de la correction d’une erreur matérielle manifeste, ce qui n’est exclu ni par la documentation du marché ni par l’arrêt du 29 mars 2012, SAG ELV Slovensko e.a. (C‑599/10, EU:C:2012:191).

63      Il convient d’emblée de juger que l’arrêt du 29 mars 2012, SAG ELV Slovensko e.a. (C‑599/10, EU:C:2012:191), n’est pas pertinent en l’espèce, dans la mesure où il se réfère à l’hypothèse selon laquelle les données relatives à l’offre d’un soumissionnaire peuvent exceptionnellement être « corrigées » ou « complétées », notamment à la suite d’une demande de clarification. En effet, au regard des circonstances de l’espèce et, particulièrement, du fait que la méthode alternative retenue par l’AUEA était proposée, de manière exhaustive, par la requérante elle-même dans son offre, l’AUEA n’a pas procédé à une demande de correction de l’offre financière, mais a simplement, après vérification auprès de la requérante, accepté une des méthodes de calcul qui figurait déjà dans l’offre. Il ressort effectivement des échanges entre l’AUEA et la requérante tels qu’ils sont exposés aux points 57 et 58 ci-dessus que l’AUEA a simplement « recalculé » l’offre financière « conformément » à ce qui était indiqué dans l’offre technique.

64      Partant, dans la mesure où c’est la requérante elle-même qui a fourni la méthode de calcul alternative dans son offre et où l’AUEA n’a fait que l’accepter étant donné qu’elle correspondait aux critères figurant dans la documentation du marché, elle ne saurait valablement reprocher à l’AUEA d’avoir tenu compte de ladite méthode de calcul.

65      Il convient, à cet égard, de rejeter l’argument selon lequel l’AUEA aurait violé son propre cahier des charges, qui indiquait que l’offre financière devait être mentionnée dans le « document Excel SSF 7 ». En effet, il convient de constater qu’une lecture du cahier des charges ne permet pas de considérer qu’il était interdit à l’AUEA de tenir compte de la méthode de calcul alternative fournie par la requérante. Il y est uniquement prévu que, en cas de divergence entre le montant total de l’offre indiqué dans le champ correspondant de l’application e-Submission et le montant mentionné dans l’offre financière chargée dans le système, seul le montant indiqué dans l’offre financière serait pris en compte. Cependant, une telle divergence n’a pas été observée en l’espèce. De plus, dans les conditions telles que décrites ci-dessus, à savoir que la requérante a expressément fourni une méthode de calcul alternative et accepté l’utilisation de celle-ci, elle ne saurait reprocher à l’AUEA d’avoir violé son propre cahier des charges.

66      Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le second grief comme non fondé et, partant, les premier et deuxième moyens dans leur ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation et d’une violation de l’article 170, paragraphe 3, du règlement 2018/1046

67      La requérante soutient, en substance, que l’AUEA a violé l’article 170, paragraphe 3, du règlement 2018/1046 ainsi que son obligation de motivation en n’expliquant pas les avantages relatifs de l’offre retenue.

68      La requérante avance, notamment, qu’elle n’a pas été en mesure d’identifier, sur la base des informations fournies dans la motivation supplémentaire du 28 juillet 2020, les forces et les faiblesses respectives de sa propre offre par rapport à celle du consortium. Elle affirme qu’elle ne pouvait pas comprendre pourquoi son offre n’avait pas été retenue dans le cadre de l’appel d’offres. Elle n’aurait pas été à même de connaître les justifications de ce rejet afin de défendre ses droits.

69      La requérante rappelle qu’elle avait gagné l’appel d’offres précédent, à savoir celui qui avait été lancé par l’AUEA en 2015. Elle s’étonne de s’être vu attribuer moins de points, dans le cadre de l’appel d’offres actuel, alors que, dans le cadre de l’appel d’offres de 2015, elle s’était vu attribuer beaucoup plus de points pour ce qui concernait l’appréciation qualitative. En effet, la requérante soutient que l’appel d’offres de 2015 et l’appel d’offres actuel sont quasi identiques, puisque les critères sont presque les mêmes. Pour elle, cette différence d’appréciation entre son offre de 2015 et son offre actuelle est la preuve d’une erreur manifeste d’appréciation.

70      L’AUEA conteste les arguments de la requérante. En ce qui concerne la prétendue erreur manifeste d’appréciation, elle constate que la requérante n’avance aucun argument à l’appui de cette allégation.

71      S’agissant de l’obligation de motivation, l’AUEA soutient, en substance, que, si le consortium a obtenu davantage de points, ce n’est pas parce que l’offre de la requérante n’était pas satisfaisante, mais bien parce que l’offre du consortium était particulièrement bonne et contenait des éléments supplémentaires qui la rendaient supérieure. Il y aurait, dès lors, lieu de considérer que, bien que les motifs fournis fussent succincts, ils satisfaisaient aux exigences définies par la jurisprudence, en ce qu’ils permettaient à la requérante de comprendre quels étaient les avantages relatifs des offres et pourquoi son offre avait obtenu une note inférieure à celle du consortium.

72      Il y a lieu de rappeler que l’AUEA, à l’instar des autres institutions, dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite, dès lors, à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêts du 6 juillet 2005, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T‑148/04, EU:T:2005:274, point 47, et du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 69 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 novembre 1978, Agence européenne d’intérims/Commission, 56/77, EU:C:1978:208, point 20).

73      Partant, il convient d’emblée de rejeter comme non fondé l’argument selon lequel le comité d’évaluation aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en s’écartant de l’évaluation telle qu’effectuée lors de la procédure de passation de marché de 2015.

74      En premier lieu, force est de constater que ce qui a été fait par un comité d’évaluation différent, lors d’une procédure de marché public précédente, n’est pas pertinent dans le contexte de l’évaluation des offres dans la procédure en cause. Il convient en outre de rappeler qu’un comité d’évaluation doit pouvoir disposer d’une certaine liberté dans l’accomplissement de sa tâche et, ainsi, il peut, sans modifier les critères d’attribution du marché établis dans le cahier des charges ou dans l’avis de marché, structurer son propre travail d’examen et d’analyse des offres présentées (arrêt du 14 juillet 2016, TNS Dimarso, C‑6/15, EU:C:2016:555, point 29).

75      En second lieu, il convient de considérer que la requérante n’avance aucun autre argument pour corroborer le grief tiré d’une erreur manifeste d’appréciation. Au contraire, au point 89 de la réplique , elle admet que, à défaut d’une motivation suffisante de la part de l’AUEA, elle ne peut que conclure que cette dernière a commis une erreur manifeste d’appréciation.

76      S’agissant de l’obligation de motivation, il y lieu de relever que, lorsqu’une institution dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union européenne dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figure, notamment, l’obligation pour l’institution compétente de motiver de façon suffisante ses décisions. C’est seulement ainsi que le juge de l’Union est en mesure de vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14 ; du 9 septembre 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑387/08, non publié, EU:T:2010:377, point 31, et du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 70).

77      Pour la passation de marchés publics de services, l’obligation de motivation est concrétisée dans l’article 170, paragraphe 2, et paragraphe 3, sous a), du règlement 2018/1046, dont il ressort qu’un pouvoir adjudicateur satisfait à son obligation de motivation s’il se contente, tout d’abord, d’informer les soumissionnaires écartés des motifs du rejet de leurs demandes de participation ou de leurs offres et, ensuite, de fournir aux soumissionnaires qui en font la demande expresse les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom du soumissionnaire auquel le marché a été attribué (arrêt du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 71).

78      Cette façon de procéder est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 296 TFUE, selon laquelle il convient de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de faire valoir leurs droits et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle (arrêt du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 72).

79      Toutefois, il découle de la jurisprudence qu’il ne saurait être exigé du pouvoir adjudicateur qu’il transmette à un soumissionnaire dont l’offre n’a pas été retenue, d’une part, outre les motifs du rejet de cette dernière, un résumé minutieux de la manière dont chaque détail de son offre a été pris en compte au titre de l’évaluation de celle-ci et, d’autre part, dans le cadre de la communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, une analyse comparative minutieuse de cette dernière et de l’offre du soumissionnaire évincé (voir arrêt du 4 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑629/11 P, non publié, EU:C:2012:617, point 21 et jurisprudence citée).

80      En outre, il importe de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications (arrêt du 17 octobre 2012, Evropaïki Dynamiki/Cour de justice, T‑447/10, non publié, EU:T:2012:553, point 73).

81      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il y a lieu d’examiner si l’AUEA a violé son obligation de motivation.

82      Pour déterminer si, en l’espèce, il est satisfait aux exigences de l’obligation de motivation prévue par le règlement 2018/1046 et à ses modalités d’exécution, il convient d’examiner la décision attaquée, la lettre du 28 juillet 2020, envoyée à la requérante à la suite de la demande d’obtention d’informations complémentaires sur le rejet de l’offre, et la lettre du 7 août 2020, envoyée en réponse aux observations de la requérante. En effet, il ressort de la jurisprudence que, lorsque l’institution concernée envoie une lettre, à la suite d’une demande d’explications supplémentaires au sujet d’une décision, avant l’introduction d’un recours, cette lettre peut aussi être prise en considération pour examiner si la motivation en l’espèce était suffisante. L’obligation de motivation doit effectivement être appréciée en fonction des éléments d’information dont la requérante disposait au moment de l’introduction du recours, étant entendu, toutefois, que l’institution n’est pas autorisée à substituer une motivation entièrement nouvelle à la motivation initiale (voir, en ce sens, arrêt du 14 janvier 2015, Veloss International et Attimedia/Parlement, T‑667/11, non publié, EU:T:2015:5, point 56).

83      Il convient également d’examiner la lettre du 9 octobre 2020, envoyée par l’AUEA en réponse à une lettre de la requérante demandant l’annulation de la décision attaquée et la résiliation du contrat-cadre, même si celle-ci a été envoyée à la requérante après l’introduction du présent recours et ne peut donc pas en elle-même satisfaire à l’obligation de motivation. Il y a lieu, à cet égard, de rappeler que des explications ou des précisions de nature à éclairer les termes de l’acte attaqué peuvent être fournies en cours d’instance. En effet, des précisions apportées par l’auteur d’une décision attaquée, complétant une motivation déjà en elle-même suffisante, ne relèvent pas à proprement parler du respect de l’obligation de motivation, même si elles peuvent être utiles au contrôle interne des motifs de la décision, exercé par le juge de l’Union, en ce qu’elles permettent à l’institution d’expliciter les raisons qui ont donné lieu à sa décision (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2014, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑498/11, non publié, EU:T:2014:831, point 162).

84      En l’espèce, l’AUEA a informé la requérante, dans la décision attaquée, du rejet de son offre. Dans ladite décision, elle a mentionné les points que la requérante avait obtenus pour chacun des critères d’évaluation et, sous chaque point, elle a indiqué l’évaluation effectuée par le comité d’évaluation sur l’offre soumise par la requérante. L’AUEA a également fourni un tableau avec le total des points obtenus et le rang de la requérante. Elle a, par la même occasion, informé la requérante de la possibilité de demander des renseignements additionnels sur les motifs du rejet de son offre, notamment sur les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue et le nom du soumissionnaire retenu. L’AUEA a également indiqué que certains détails de cette offre ne seraient pas communiqués si cette communication faisait obstacle à l’application des lois, était contraire à l’intérêt public, portait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pouvait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci.

85      Quoique revêtant, à certains égards, un caractère stéréotypé, la décision attaquée a été rédigée conformément aux dispositions de l’article 170, paragraphe 2, du règlement 2018/1046. Cependant, il convient de rappeler que l’article 170 paragraphe 3, sous a), de ce règlement exige également du pouvoir adjudicateur qu’il communique les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire à tout soumissionnaire écarté ayant fait une offre recevable qui en a fait la demande par écrit.

86      À la suite de la demande de la requérante du 24 juillet 2020, visant à obtenir des informations supplémentaires sur la décision attaquée, l’AUEA lui a envoyé la lettre du 28 juillet 2020.

87      Dans cette lettre, l’AUEA a indiqué le nom du soumissionnaire retenu ainsi que la valeur du marché. L’AUEA a en outre précisé les points accordés à l’offre retenue ainsi que les évaluations que le comité d’évaluation avait fournies sous forme de commentaires pour chaque critère qualitatif en ce qui concernait ladite offre.

88      Une lecture de ces commentaires d’évaluation permet de comprendre les caractéristiques de l’offre retenue, mais les avantages relatifs de ladite offre n’y sont pas explicitement indiqués.

89      Toutefois, comme cela est indiqué au point 80 ci-dessus, il importe de rappeler que l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. De même, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il a été relevé au point 79 ci-dessus, que l’AUEA n’était pas tenue, dans le cadre de la communication des caractéristiques et des avantages relatifs de l’offre retenue, de fournir une analyse comparative minutieuse de cette dernière et de l’offre de la requérante.

90      Il convient donc d’examiner, au regard des circonstances de l’espèce et, notamment, des autres éléments fournis par l’AUEA, si celle-ci a satisfait à son obligation de motivation, conformément à l’article 170, paragraphe 3, sous a), du règlement 2018/1046.

91      À cet égard, il y a lieu de considérer qu’une comparaison de l’évaluation de l’offre de la requérante et de l’offre retenue met en exergue les différences entre les deux offres. Toutefois, dans la lettre du 28 juillet 2020, l’AUEA n’a pas expliqué que ces différences pouvaient donner lieu à un nombre de points différent. La lettre du 7 août 2020 ne donne pas non plus d’indications à cet égard. En effet, l’AUEA se limite, en substance, dans ladite lettre à expliquer qu’elle n’est pas tenue de fournir plus d’informations à la requérante.

92      Il ressort cependant de la lettre de la requérante du 10 septembre 2020 que cette dernière a compris que les aspects différents des deux offres, tels que mentionnés par le comité d’évaluation, donnaient lieu à une différence de points. Dans ladite lettre, la requérante reproche effectivement à l’AUEA d’avoir accordé des points supplémentaires à l’offre retenue en raison d’aspects qui ne figuraient pas dans sa propre offre. Ainsi, dans ladite lettre, en ce qui concerne les premier et cinquième critères qualitatifs, la requérante fait les commentaires suivants :

« ‑ critère no 1 : le contrôle de la qualité et les stratégies d’atténuation des risques n’ont pas été mentionnés dans le cahier des charges, cependant l’AUEA évalue cela comme un aspect positif de l’offre du consortium ;

‑ critère no 5 : la possibilité de fournir une formation additionnelle en ce qui concerne les compétences techniques et personnelles n’est pas mentionnée dans le cahier des charges. Toutefois, l’AUEA évalue cela comme un aspect positif de l’offre du consortium. »

93      Il convient, à cet égard, de considérer que, en dépit du fait que l’AUEA ne l’avait pas précisé expressément, la requérante a compris comment les points ont été attribués au regard de chacun des critères et qu’elle a été en mesure de faire valoir ses droits en ce qui concernait chacun d’entre eux.

94      Cela est par ailleurs confirmé par la lettre du 9 octobre 2020, qui peut être prise en compte en l’espèce conformément à la jurisprudence citée au point 83 ci-dessus, étant donné qu’elle ne fournit pas de motivation nouvelle, mais ne fait qu’apporter des précisions quant aux éléments d’information dont la requérante disposait au moment de l’introduction du recours et sur lesquels elle avait eu l’occasion de formuler des observations, ainsi qu’il ressort des échanges évoqués aux points 82 et 83 ci-dessus. La requérante a par ailleurs elle-même affirmé, lors de l’audience, que la lettre du 9 octobre 2020 ne contenait pas de nouvelle motivation.

95      Il ressort en effet de la lettre du 9 octobre 2020 que l’AUEA estimait qu’elle pouvait tenir compte des aspects mentionnés dans la lettre de la requérante du 10 septembre 2020, dans la mesure où l’expression « tel que » était utilisée dans les spécifications administratives concernant le critère no 1 et où l’expression « comprenant, mais pas limité à » était utilisée dans ces spécifications en ce qui concernait le critère no 5. Partant, la réponse de l’AUEA du 9 octobre 2020 confirme que la requérante avait bien compris quels étaient les avantages relatifs de l’offre retenue. Ce raisonnement est également applicable aux critères qualitatifs nos 2 à 4. C’est ainsi qu’une comparaison des commentaires relatifs auxdits critères permet, comme pour les critères nos 1 et 5, de comprendre pourquoi le comité d’évaluation a évalué plus positivement certains aspects de l’offre du consortium relevant du critère no 2, ce qui lui a conféré plus de points que l’offre de la requérante, et pourquoi il a accordé le même nombre de points aux deux offres pour les critères nos 3 et 4. Il y a lieu d’ajouter à cet égard, ainsi qu’il ressort du point 92 ci-dessus, que le faible écart de points attribués entre les deux offres permettait à la requérante de comprendre que les aspects différents de l’offre du consortium, tels que relevés par le comité d’évaluation, engendraient des points additionnels.

96      Partant, il convient de conclure que, même s’il avait été préférable qu’elle mît en exergue plus explicitement les avantages relatifs de l’offre retenue, l’AUEA a satisfait à son obligation de motivation étant donné que la requérante était en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles l’offre du consortium avait obtenu plus de points que la sienne, ainsi qu’il a été conclu aux points 92 à 95 ci-dessus.

97      Eu égard à ce qui précède, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

 Sur les conclusions en indemnité

98      La requérante demande au Tribunal de condamner l’AUEA au versement d’une indemnité pour le préjudice qu’elle a subi en raison du manque à gagner résultant de la perte du contrat-cadre en cause.

99      La requérante estime que les trois conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour le comportement illicite de ses organes, sont réunies en l’espèce.

100    L’AUEA conteste les arguments de la requérante. Elle estime, en substance, qu’aucune des trois conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union n’est remplie.

101    Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, l’existence d’un préjudice réel et certain et l’existence d’un lien direct de causalité entre le comportement de l’institution concernée et le préjudice allégué (arrêts du 29 septembre 1982, Oleifici Mediterranei/CEE, 26/81, EU:C:1982:318, point 16, et du 9 juillet 1999, New Europe Consulting et Brown/Commission, T‑231/97, EU:T:1999:146, point 29).

102    Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions de ladite responsabilité (arrêts du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 81, et du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, EU:T:2009:491, point 91).

103    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union sont remplies.

104    Il convient de relever que la demande en indemnité est fondée sur les mêmes illégalités que celles invoquées à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée.

105    Or, tous les moyens invoqués à l’appui des conclusions en annulation ayant été écartés, la requérante n’a pas apporté la preuve d’un comportement illégal de la part de l’AUEA.

106    Par conséquent, la condition tenant à l’illégalité du comportement reproché à l’AUEA n’étant pas remplie, ce constat suffit, en l’espèce, pour rejeter la demande en indemnité comme étant non fondée.

107    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

108    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

109    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’AUEA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      EMCS ltd. est condamnée aux dépens.

Tomljenović

Nõmm

Kukovec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juin 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.