DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

10 février 2021 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Gel des fonds – Liste des personnes, groupes et entités auxquelles s’appliquent le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Recours en annulation et en indemnité – Méconnaissance des exigences de forme – Article 76, sous d), du règlement de procédure – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑585/18,

Dalokay Şanli, demeurant à Rotterdam (Pays-Bas), représenté par Mes D. Gürses et J. M. Langenberg, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Van Overmeire et M. B. Driessen, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2018/1084 du Conseil, du 30 juillet 2018, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2018/475 (JO 2018, L 194, p.144), et du règlement d’exécution (UE) 2018/1071 du Conseil, du 30 juillet 2018, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2018/468 (JO 2018, L 194, p. 23), en ce qu’ils concernent le requérant et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et visant à la réparation du préjudice qui résulterait de l’illégalité de ces actes,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, P. Nihoul (rapporteur) et Mme R. Frendo, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 24 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 décembre 2001, le Conseil de l’Union européenne a adopté la position commune 2001/931/PESC, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93), et le règlement (CE) no 2580/2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 70).

2        Ces deux instruments ont été mis à jour régulièrement, en application de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001.

3        Le 22 décembre 2016, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2016/2384, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931, et modifiant la décision (PESC) 2016/1136 (JO 2016, L 352, p. 92), et le règlement d’exécution (UE) 2016/2373, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, et modifiant le règlement d’exécution (UE) 2016/1127 (JO 2016, L 352, p. 31), qui incluaient le requérant, M. Dalokay Şanli, dans les listes des personnes et entités dont les fonds étaient gelés.

4        Le requérant est demeuré inscrit sur les listes annexées aux actes ultérieurs.

5        Par courrier du 22 mars 2018, le Conseil a informé le requérant qu’il avait décidé de maintenir son inscription sur les listes des personnes, groupes et entités faisant l’objet des mesures restrictives visées par le règlement no 2580/2001 et lui a transmis l’exposé des motifs qui avaient donné lieu à la décision de ce maintien. Le requérant a en outre été invité à présenter au Conseil ses observations, accompagnées de pièces justificatives, au plus tard le 25 mai 2018 en vue du réexamen desdites listes par le Conseil conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 et à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001.

6        Le requérant n’a pas réagi à ce courrier.

7        Le 30 juillet 2018, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2018/1084, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931, et abrogeant la décision (PESC) 2018/475 (JO 2018, L 194, p.144), et le règlement d’exécution (UE) 2018/1071, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2018/468 (JO 2018, L 194, p. 23). Le nom du requérant était maintenu sur les listes annexées à ces actes (ci-après les « listes litigieuses »).

8        Par courrier du 31 juillet 2018, le Conseil a informé le requérant de son maintien sur les listes litigieuses et lui a communiqué l’exposé des motifs justifiant ce maintien.

9        De cet exposé des motifs, il résultait que :

–        pour inscrire le requérant sur les listes de gel de fonds, le Conseil s’était fondé sur la décision MinBuza-2016.629626, adoptée le 17 octobre 2016 par le ministre des Affaires étrangères néerlandais, en concertation avec le ministre de la Sécurité et de la Justice et le ministre des Finances, et publiée le 25 octobre 2016 (ci-après la « décision du ministre des Affaires étrangères néerlandais du 17 octobre 2016 »). Par cette décision, le requérant avait été soumis à l’arrêté no DJZ/BR/1222-07 du ministre des Affaires étrangères néerlandais, du 18 décembre 2007, pris en concertation avec le ministre des Finances, portant mesures restrictives dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Cet arrêté visait à la mise en œuvre de la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations Unies, du 28 septembre 2001, par le gel des fonds des personnes et des entités désignées par le ministre des Affaires étrangères néerlandais (points 1 à 5 de l’exposé des motifs et points 1 à 3 de son annexe) ;

–        la décision du ministre des Affaires étrangères néerlandais du 17 octobre 2016 faisait suite à un rapport du service général du renseignement et de la sécurité néerlandais du 26 mai 2016 indiquant que le requérant occupait une fonction dirigeante au sein du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) en Europe et qu’il gérait les activités de recrutement et de financement pour cette organisation en Europe (point 9 de l’exposé des motifs et points 3, 7 et 8 de son annexe) ;

–        le PKK avait été inscrit, le 2 avril 2004, sur la liste de l’Union européenne des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme et faisant l’objet de mesures restrictives. Ces mesures étaient toujours en vigueur (points 6 à 8 de l’exposé des motifs) ;

–        lors du dernier examen semestriel des mesures de gel de fonds par les autorités néerlandaises, qui avait eu lieu le 11 mai 2017, il avait été constaté qu’il n’existait aucun élément plaidant en faveur de la radiation éventuelle du requérant de la liste (point 17 de l’annexe de l’exposé des motifs).

10      Par courriel du 11 septembre 2018, le requérant a demandé à accéder au dossier du Conseil.

11      Par courrier du 4 octobre 2018, le Conseil a notamment communiqué au requérant le rapport du service général du renseignement et de la sécurité néerlandais du 26 mai 2016, la décision du ministre des Affaires étrangères néerlandais du 17 octobre 2016 et l’arrêté no DJZ/BR/1222-07 du ministre des Affaires étrangères néerlandais, du 18 décembre 2007.

 Procédure et conclusions des parties

12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 septembre 2018, le requérant a introduit le présent recours.

13      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 19 décembre 2018, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

14      Le 4 février 2019, le requérant a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité opposée par le Conseil.

15      Par ordonnance du Tribunal du 9 juillet 2019, l’exception d’irrecevabilité a été jointe au fond et les dépens ont été réservés.

16      Par décision du Tribunal du 4 octobre 2019 prise en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la présente affaire a été attribuée à la quatrième chambre.

17      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la « décision du 31 juillet 2018 » ;

–        « retirer son nom de la liste visée par le règlement no 2580/2001 » ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

18      Dans la réplique, le requérant demande en outre la condamnation du Conseil à réparer le préjudice qu’il aurait subi du fait des illégalités qui entacheraient les actes attaqués.

19      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à titre principal, rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la demande en annulation

20      Le Conseil estime que la demande en annulation est irrecevable parce que la requête ne permet pas d’identifier l’objet du litige, les moyens et le type de recours intenté par le requérant, en violation de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, de l’article 76, sous d), du règlement de procédure ainsi que des principes de sécurité juridique et de bonne administration de la justice. Ces violations l’empêcheraient d’exercer ses droits de la défense et de déterminer si le délai de recours a été respecté.

 Sur l’objet de la demande en annulation

21      En premier lieu, le Conseil relève que, au point 1 de la requête, le requérant vise « la décision du Conseil de l’Union européenne datée du 31 juillet 2018 » et qu’il y est renvoyé à l’annexe 1 de la requête, qui contient le courrier du 31 juillet 2018 (voir point 8 ci-dessus). Selon le Conseil, ce courrier avait pour objet d’informer le requérant de l’adoption des actes du 30 juillet 2018 et des motifs sur lesquels ils étaient fondés ainsi que de lui communiquer une référence à ces actes. Il n’aurait pas produit d’effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique, de sorte que le recours, en ce qu’il vise ce courrier, devrait être déclaré irrecevable.

22      En second lieu, le Conseil relève que, dans les conclusions de la requête, le requérant demande que son nom soit retiré de la liste visée par le règlement no 2580/2001. Il estime que cette demande est également irrecevable dès lors que, dans le cadre d’un recours en annulation, le Tribunal ne peut adresser une injonction aux institutions de l’Union. Si cette demande devait être interprétée comme visant à l’annulation du règlement d’exécution 2016/2373 ou du règlement d’exécution 2018/1071, elle devrait être déclarée irrecevable respectivement pour dépassement du délai prévu à l’article 263 TFUE et pour non-respect des dispositions et des principes cités au point 20 ci-dessus. Enfin, si cette demande devait être interprétée comme invitant le Tribunal à déclarer le règlement no 2580/2001 inapplicable en vertu de l’article 277 TFUE, elle devrait également être déclarée irrecevable à défaut d’être étayée en droit.

23      Il est exact que, au point 1 de la requête, le requérant a indiqué que le recours tendait à l’annulation de « la décision du Conseil de l’Union européenne datée du 31 juillet 2018 » et qu’il a renvoyé à l’annexe 1 qui contenait le courrier du 31 juillet 2018 par lequel le Conseil l’avait informé du maintien de son inscription sur les listes litigieuses et des motifs de ce maintien.

24      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (arrêt du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9, et ordonnance du 19 décembre 2019, Jalkh/Parlement, T‑360/19, non publiée, EU:T:2019:899, point 16).

25      Par ailleurs, il a été jugé qu’un acte à caractère purement informatif ne saurait ni affecter les intérêts du destinataire ni modifier la situation juridique de celui-ci par rapport à la situation antérieure à la réception dudit acte (voir, en ce sens, ordonnance du 4 octobre 2007, Finlande/Commission, C‑457/06 P, non publiée, EU:C:2007:582, point 36).

26      En l’espèce, comme l’observe à juste titre le Conseil, le courrier du 31 juillet 2018 n’est que l’acte par lequel il a informé le requérant du maintien de son inscription sur les listes litigieuses ainsi que des motifs de ce maintien, conformément à l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 et à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001. Il s’agit donc d’un acte purement informatif, qui, comme tel, n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 263 TFUE.

27      Cependant, il y a lieu de rappeler que les mesures restrictives adoptées en application de la position commune 2001/931 ont des conséquences négatives considérables et une incidence importante sur les droits et libertés des personnes visées. Outre le gel des fonds en tant que tel, qui, par sa large portée, bouleverse la vie tant professionnelle que familiale des personnes visées et entrave la conclusion de nombreux actes juridiques, il importe de prendre en considération l’opprobre et la méfiance qui accompagnent la désignation publique des personnes visées comme étant liées à une organisation terroriste (voir, par analogie, arrêt du 28 mai 2013, Abdulrahim/Conseil et Commission, C‑239/12 P, EU:C:2013:331, point 70).

28      Aussi, selon la jurisprudence, dans un cas où, comme en l’espèce, la partie requérante a demandé l’annulation du courrier l’informant du maintien de son inscription, il convient d’interpréter une telle demande à la lumière de l’ensemble de la requête et du contexte dans lequel cette demande a été présentée (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2012, Sina Bank/Conseil, T‑15/11, EU:T:2012:661, point 32).

29      En l’espèce, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, au point 5 de la requête, intitulé « Objet du litige », le requérant indique que, « [l]e 31 juillet 2018, par lettre, le Conseil [l’]a informé du fait que son nom était maintenu sur la liste des personnes, groupes et entités faisant l’objet des mesures restrictives visées par le règlement […] no 2580/2001 ». Ensuite, dans différents passages de la requête, le requérant mentionne « la décision », « l’action du Conseil » ou « la mesure » pour désigner l’objet du recours. Enfin, dans les conclusions, comme l’a également relevé le Conseil, le requérant demande l’annulation de « la décision du Conseil » et le retrait de son nom de la liste visée par le règlement no 2580/2001.

30      De l’ensemble de la requête, il ressort que le recours vise en réalité à l’annulation du maintien de l’inscription du requérant sur les listes litigieuses, dont il a été informé par courrier du 31 juillet 2018.

31      Certes, les actes opérant ce maintien ne sont pas identifiés dans la requête. Ils peuvent cependant l’être grâce au contexte dans lequel celle-ci est intervenue.

32      À cet égard, il convient de constater que, par le courrier du 31 juillet 2018, auquel se réfère le requérant dans la requête et qui y a été annexé, le Conseil l’a informé de sa décision de le maintenir sur les listes litigieuses et des motifs de cette décision. Il est vrai que le Conseil n’a pas identifié par leur intitulé les actes opérant sa réinscription et s’est contenté de faire référence au règlement no 2580/2001. Néanmoins, dans deux notes de bas de page, le Conseil a renvoyé au Journal officiel de l’Union européenne, dans lequel ces actes avaient été publiés, et a mentionné un lien Internet permettant d’y accéder.

33      De l’ensemble de ces éléments, il résulte que les conclusions de la requête doivent être interprétées en ce sens qu’elles visent à l’annulation du maintien de l’inscription du requérant sur les listes litigieuses aux fins de l’application des mesures restrictives, lequel a été opéré par la décision 2018/1084 et le règlement d’exécution 2018/1071.

34      Cette interprétation est confirmée par le requérant dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, dans lesquelles il affirme que c’est la décision de maintenir son inscription sur les listes litigieuses qui est visée par la requête et cite à plusieurs reprises le règlement d’exécution 2018/1071 comme constituant l’objet de la demande en annulation.

35      Comme le soutient le Conseil, si la requête devait être interprétée comme visant également le règlement d’exécution 2016/2373, par lequel le requérant a été inscrit pour la première fois sur les listes de gel de fonds, ou le règlement no 2580/2001, il y aurait lieu de considérer que, dans la mesure où elle vise ces actes, la demande en annulation est irrecevable au motif que, dans le premier cas, le délai prévu à l’article 263 TFUE est expiré et que, dans le second, elle n’est pas étayée en droit.

36      Il y a donc lieu de considérer que la demande en annulation est dirigée, d’une part, contre la décision 2018/1084 et, d’autre part, contre le règlement d’exécution 2018/1071 (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») et qu’elle ne peut être déclarée irrecevable au motif que ces actes ne sont pas formellement identifiés dans la requête.

 Sur l’exposé des moyens

37      Le Conseil estime que la demande en annulation est irrecevable au motif que les moyens soulevés dans la requête ne satisfont pas aux conditions imposées par les dispositions citées au point 20 ci-dessus

38      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit notamment contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. En outre, en vertu d’une jurisprudence constante, indépendamment de toute question de terminologie, cet exposé doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans avoir à solliciter d’autres informations. Il faut, en effet, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même, et ce afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice. Par ailleurs, la partie requérante doit expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé. Dès lors, la seule énonciation abstraite du moyen ne répond pas aux exigences du règlement de procédure (voir arrêt du 9 mars 2018, Portugal/Commission, T‑462/16, non publié, EU:T:2018:127, point 45 et jurisprudence citée).

39      En l’espèce, il y a lieu de constater que, dans la requête, qui se limite à trois pages, les moyens sont mentionnés de manière désordonnée et incohérente.

40      Ainsi, alors que, dans la partie intitulée « Arguments », le requérant invoque formellement quatre moyens dont deux sont identiques, il en soulève six dans la partie intitulée « Exposé sommaire des moyens » et un septième dans la partie intitulée « Preuves et offres de preuve ».

41      De plus, quoiqu’il avait connaissance de l’exposé des motifs relatif aux actes attaqués au moment de la rédaction de la requête, le requérant se contente d’y énoncer les moyens de manière abstraite, sans exposer les arguments de fait et de droit qui les sous-tendent. À cet égard, la circonstance que le requérant ne disposait pas, à l’exception du rapport du service général du renseignement et de la sécurité néerlandais, des éléments de preuve ayant fondé la décision du ministre des Affaires étrangères néerlandais du 17 octobre 2016 ne l’empêchait pas de formuler des critiques précises à l’encontre des actes attaqués.

42      Quant à la réplique, comme l’a souligné le Conseil, il convient de constater que, au demeurant, elle est en grande partie identique à celle déposée par le requérant dans l’affaire enregistrée sous le numéro T‑157/19. De plus, les arguments, à nouveau formulés dans des termes succincts, y apparaissent également de manière éparse, disparate et confuse, sans que soient indiqués les moyens auxquels ils se rapportent.

43      Il résulte de la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus que le Conseil puis le Tribunal ne sauraient être tenus de procéder à une reconstitution des moyens et des arguments de la partie requérante en rassemblant des éléments épars contenus dans ses écritures, sous peine d’ajouter à ces moyens et à ces arguments, de les déformer ou de les tronquer. Dans de telles conditions, le respect des principes des droits de la défense, de bonne administration de la justice et de sécurité juridique ne serait pas assuré.

44      En conséquence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments du Conseil concernant l’irrecevabilité du recours, il y a lieu de considérer que la demande en annulation est irrecevable.

 Sur la demande indemnitaire

45      Dans la réplique, le requérant demande, sur la base des articles 235 et 288, deuxième alinéa, CE, la condamnation du Conseil à lui payer des dommages et intérêts pour le préjudice découlant des actes attaqués et de tous les actes similaires du Conseil.

46      Le requérant réclame en outre des intérêts compensatoires à compter de la publication de la première décision l’ayant inscrit sur la liste, datée du 22 décembre 2016, ainsi que des intérêts moratoires à compter de la date du prononcé de l’arrêt jusqu’au paiement.

47      Le Conseil estime que la demande est irrecevable.

48      À titre liminaire, il importe de relever que les dispositions citées sont inexactes et que la demande indemnitaire doit être considérée comme fondée sur les articles 268 et 340 TFUE.

49      Par ailleurs, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d) et e), du règlement de procédure, toute requête doit contenir l’indication de l’objet du litige et les conclusions de la partie requérante.

50      Il découle de cette disposition que la demande indemnitaire doit figurer dans la requête et que le requérant n’était pas autorisé à saisir le Tribunal de conclusions nouvelles dans la réplique et à modifier ainsi l’objet du litige (voir, en ce sens, arrêt du 14 février 2019, L/Parlement, T‑91/17, non publié, EU:T:2019:93, point 69).

51      Cette exigence n’ayant pas été respectée en l’espèce, il y a lieu de rejeter cette demande comme irrecevable.

 Sur les dépens

52      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

53      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      M. Dalokay Şanli est condamné aux dépens.

Gervasoni

Nihoul

Frendo

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 février 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : le néerlandais.