DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

22 janvier 2020 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par la Lituanie – Corrections financières ponctuelles et forfaitaires – Développement rural – Système de contrôle de la conditionnalité – Contrôle administratif – Contrôle sur place – Qualité des contrôles – Qualité des demandeurs – Conditions créées artificiellement – Caractère raisonnable des coûts – Dépenses effectuées dans le cadre des projets – Analyse de risques – Facteurs de risques – Tolérance en matière de sanctions non prévue par la réglementation de l’Union – Système d’évaluation et de sanctions trop clément – Données statistiques annuelles de contrôle »

Dans l’affaire T‑19/18,

République de Lituanie, représentée par M. R. Dzikovič, Mme V. Vasiliauskienė, M. M. Palionis et Mme A. Dapkuvienė, en qualité d’agents,

partie requérante,

soutenue par

République tchèque, représentée par MM. M. Smolek, J. Pavliš, O. Serdula, J. Vláčil et Mme S. Šindelková, en qualité d’agents,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. A. Sauka, Mmes A. Steiblytė et J. Jokubauskaitė, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2017/2014 de la Commission, du 8 novembre 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2017, L 292, p. 61), en ce qu’elle prévoit d’imposer à la République de Lituanie une correction financière de 9 745 705,88 euros concernant des dépenses au titre du Feader et une correction financière de 546 351,91 euros concernant des dépenses au titre du FEAGA et du Feader,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. F. Schalin, faisant fonction de président, B. Berke et Mme M. J. Costeira (rapporteure), juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 25 juin 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le présent recours concerne deux groupes de corrections financières par lesquelles la Commission européenne a écarté du financement de l’Union européenne la somme de 10 292 057,79 euros correspondant à certaines dépenses effectuées par la République de Lituanie au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (ci-après, dénommés ensemble, les « Fonds »), à savoir :

–        un premier groupe de corrections financières, d’un montant de 9 745 705,88 euros, appliquées aux dépenses effectuées, au titre du Feader, dans le cadre des mesures d’investissement des axes 1 et 3 du programme de développement rural de la Lituanie, pour la période de programmation 2007-2013, prévues par le programme « Développement rural, investissement Feader – Bénéficiaires privés » ;

–        un second groupe de corrections financières, d’un montant de 1 560 650,67 euros, appliquées aux dépenses effectuées, au titre du FEAGA et du Feader, dans le cadre du système de conditionnalité pour les années 2012 à 2014.

 Sur le premier groupe de corrections financières

2        Par le courrier Ares(2015) 322953, du 27 janvier 2015, la direction générale (DG) « Agriculture et développement rural » de la Commission (ci-après la « DG AGRI ») a communiqué aux autorités lituaniennes ses observations préliminaires concernant l’enquête portant la référence RD 1/2014/834/LT, réalisée en 2014, sur les mesures d’investissement des axes 1 et 3 du programme de développement rural de la Lituanie pour la période de programmation 2007-2013, prévues par le programme « Développement rural, investissement Feader – Bénéficiaires privés ».

3        Par courrier du 25 mars 2015, les autorités lituaniennes ont apporté des informations et des éclaircissements au sujet de l’enquête menée par la DG AGRI.

4        Le 15 juin 2015, une réunion bilatérale s’est tenue entre les parties.

5        Par courriers du 14 septembre et du 13 octobre 2015, les autorités lituaniennes ont fourni à la DG AGRI les informations et données supplémentaires qui leur avaient été demandées.

6        Par le courrier Ares(2016) 1171689, du 8 mars 2016, la DG AGRI a communiqué aux autorités lituaniennes les conclusions de l’enquête, aux termes desquelles elle a considéré que, pour les exercices financiers 2013, 2014 et 2015, le programme « Développement rural, investissement Feader – Bénéficiaires privés » n’avait pas été appliqué en Lituanie conformément aux règles de l’Union.

7        Par courrier du 15 avril 2016, les autorités lituaniennes ont présenté une demande de conciliation.

8        Par le courrier Ares(2016) 6130343, du 26 octobre 2016, la DG AGRI a communiqué aux autorités lituaniennes le rapport établi par l’organe de conciliation, qui a conclu à l’impossibilité de concilier les parties.

9        Par le courrier Ares(2017) 1646029, du 28 mars 2017, la DG AGRI a communiqué aux autorités lituaniennes les conclusions définitives de son enquête et indiqué qu’elle maintenait la correction financière de 9 745 705,88 euros concernant des dépenses effectuées, au titre du Feader, dans le cadre des mesures d’investissement des axes 1 et 3 du programme de développement rural de la Lituanie, pour la période de programmation 2007-2013, prévues par le programme « Développement rural, investissement Feader – Bénéficiaires privés ».

10      Par le courrier Ares(2017) 5181852, du 24 octobre 2017, la DG AGRI a communiqué aux autorités lituaniennes le rapport de synthèse dans lequel elle proposait d’arrêter une correction financière de 9 745 705,88 euros pour la période allant de 2013 à 2015.

 Sur le second groupe de corrections financières

11      Par le courrier Ares(2014) 2833714, du 29 août 2014, la DG AGRI a communiqué aux autorités lituaniennes ses observations préliminaires concernant l’enquête portant la référence XC/2014/013/LT, réalisée en 2014, sur la conditionnalité au titre du règlement (CE) no 73/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs, modifiant les règlements (CE) no 1290/2005, (CE) no 247/2006 et (CE) no 378/2007, et abrogeant le règlement (CE) no 1782/2003 (JO 2009, L 30, p. 16), du règlement (CE) no 1122/2009 de la Commission, du 30 novembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 73/2009 en ce qui concerne la conditionnalité, la modulation et le système intégré de gestion et de contrôle dans le cadre des régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs prévus par ce règlement ainsi que les modalités d’application du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil en ce qui concerne la conditionnalité dans le cadre du régime d’aide prévu pour le secteur vitivinicole (JO 2009, L 316, p. 65), du règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil, du 20 septembre 2005, concernant le soutien au développement rural par le Feader (JO 2005, L 277, p. 1), du règlement (CE) no 1975/2006 de la Commission, du 7 décembre 2006, portant modalités d’application du règlement no 1698/2005 en ce qui concerne l’application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural (JO 2006, L 368, p. 74), du règlement (UE) no 65/2011 de la Commission, du 27 janvier 2011, portant modalités d’application du règlement no 1698/2005 en ce qui concerne l’application de procédures de contrôle et de conditionnalité pour les mesures de soutien au développement rural (JO 2011, L 25, p. 8), du règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (JO 2007, L 299, p. 1), et du règlement (UE) no 1310/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant certaines dispositions transitoires relatives au soutien au développement rural par le Feader, modifiant le règlement (UE) no 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les ressources et leur répartition pour l’exercice 2014 et modifiant le règlement no 73/2009 ainsi que les règlements (UE) no 1307/2013, (UE) no 1306/2013 et (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne leur application au cours de l’exercice 2014 (JO 2013, L 347, p. 865).

12      Par courrier du 28 octobre 2014, les autorités lituaniennes ont apporté des informations et des éclaircissements au sujet de l’enquête menée par la DG AGRI.

13      Le 28 mai 2015, une réunion bilatérale s’est tenue entre les parties.

14      Par le courrier Ares(2015) 3408119, du 17 août 2015, la DG AGRI a demandé aux autorités lituaniennes des informations supplémentaires.

15      Par courrier du 16 octobre 2015, les autorités lituaniennes ont communiqué à la DG AGRI des informations supplémentaires.

16      Par courrier électronique du 23 décembre 2015, la DG AGRI a posé des questions additionnelles aux autorités lituaniennes, auxquelles elles ont répondu par courrier électronique le 14 janvier 2016.

17      Par le courrier Ares(2016) 371845, du 20 juillet 2016, la DG AGRI a informé les autorités lituaniennes qu’elle maintenait la conclusion selon laquelle la Lituanie n’avait pas correctement appliqué le système de conditionnalité pour les demandes de dépenses relatives aux années 2012 à 2014.

18      Par courrier du 26 août 2016, les autorités lituaniennes ont présenté une demande de conciliation.

19      Par le courrier Ares(2017) 353762, du 23 janvier 2017, la DG AGRI a communiqué aux autorités lituaniennes le rapport de l’organe de conciliation, qui a conclu à l’impossibilité de concilier les parties.

20      Par le courrier Ares(2017) 1894908, du 10 avril 2017, la DG AGRI a communiqué aux autorités lituaniennes les conclusions définitives de son enquête et indiqué qu’elle maintenait la correction forfaitaire de 2 % pour les demandes de dépenses relevant du système de conditionnalité relatives aux années 2012 à 2014.

21      Par le courrier Ares(2017) 5181852, du 24 octobre 2017, la DG AGRI a communiqué aux autorités lituaniennes le rapport de synthèse, dans lequel elle proposait d’arrêter une correction financière de 2 %, correspondant à un montant de 1 560 650,67 euros, pour la période allant de 2012 à 2014.

 Sur la décision attaquée

22      Par sa décision d’exécution (UE) 2017/2014, du 8 novembre 2017, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du FEAGA et du Feader (JO 2017, L 292, p. 61, ci-après la « décision attaquée »), la Commission a confirmé, d’une part, la correction financière, d’un montant de 9 745 705,88 euros, concernant des dépenses effectuées, au titre du Feader, dans le cadre des mesures d’investissement des axes 1 et 3 du programme de développement rural de la Lituanie, pour la période de programmation 2007-2013, prévues par le programme « Développement rural, investissement Feader – Bénéficiaires privés » et, d’autre part,  la correction forfaitaire de 2 %, d’un montant de 1 560 650,67 euros, pour les dépenses, effectuées au titre du FEAGA et du Feader, relevant du système de conditionnalité relatives aux années 2012 à 2014.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 janvier 2018, la République de Lituanie a introduit le présent recours.

24      Le 5 avril 2018, le mémoire en défense de la Commission a été déposé au greffe du Tribunal.

25      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 15 mai 2018, la République tchèque a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la République de Lituanie.

26      Le 23 mai 2018, la réplique a été déposée au greffe du Tribunal.

27      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 7 juin 2018, la Commission a demandé, dans l’éventualité où la République tchèque serait admise à intervenir, que certains éléments du mémoire en défense fassent l’objet d’un traitement confidentiel à son égard. La Commission a joint, à cet effet, une version non confidentielle du mémoire en défense.

28      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 juillet 2018, la Commission a retiré sa demande de traitement confidentiel.

29      Le 9 juillet 2018, la duplique a été déposée au greffe du Tribunal.

30      Par décision du 13 juillet 2018, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention de la République tchèque.

31      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 31 juillet 2018, la République tchèque a demandé une prorogation du délai pour déposer son mémoire en intervention. Il a été fait droit à cette demande.

32      Le 1er octobre 2018, le mémoire en intervention de la République tchèque a été déposé au greffe du Tribunal.

33      Par décision du président du Tribunal du 9 octobre 2018, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la deuxième chambre.

34      Le 23 octobre 2018, les observations de la République de Lituanie et de la Commission concernant le mémoire en intervention de la République tchèque ont été déposées au greffe du Tribunal.

35      La République de Lituanie, soutenue par la République tchèque, conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a arrêté à son égard une correction financière de 9 745 705,88 euros pour les dépenses effectuées au titre du Feader ;

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle a arrêté à son égard une correction financière de 546 351,91 euros pour les dépenses effectuées au titre des Fonds pour l’année de demande 2014 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

36      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la République de Lituanie aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité des documents produits pour la première fois devant le Tribunal

37      Dans la duplique, la Commission fait valoir que l’annexe B13 de la requête et l’annexe D 9 de la réplique ne lui ont pas été présentées au cours de la procédure administrative. Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la Commission a confirmé que ces annexes ne lui avaient pas été présentées au cours de la procédure administrative et, partant, qu’elles devaient être considérées comme irrecevables.

38      La République de Lituanie a contesté, lors de l’audience, l’irrecevabilité de ces annexes, au motif que la Commission avait eu connaissance des informations qui y figuraient au cours de la procédure administrative.

39      Il convient de relever, ainsi qu’il ressort de l’audience mais aussi des écritures de la République de Lituanie, que ces annexes n’ont pas été formellement présentées à la Commission au cours de la procédure administrative.

40      Il convient également de souligner que la République de Lituanie n’a pas été, lors de l’audience, en mesure de fournir une explication à cet égard.

41      Il convient enfin de constater que rien dans le dossier ne permet d’étayer l’affirmation de la République de Lituanie selon laquelle la Commission était déjà en possession des informations figurant dans ces annexes.

42      Dans ces conditions, à la lumière de la jurisprudence selon laquelle la légalité d’une décision de la Commission doit être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2014, Italie/Commission, T‑463/07, non publié, EU:T:2014:665, point 108 et jurisprudence citée), il n’y a pas lieu de prendre en considération lesdites annexes aux fins de l’appréciation de la légalité de la décision attaquée, conformément à la fin de non-recevoir opposée en défense à cet égard par la Commission.

 Sur le fond

43      À l’appui du recours, la République de Lituanie invoque, en substance, deux moyens.

44      Le premier moyen, relatif au premier groupe de corrections financières, est tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1200/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 549), commise en raison d’une interprétation et d’une application erronées du règlement no 65/2011.

45      Le second moyen, relatif au second groupe de corrections financières, est tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, commise en raison d’une interprétation et d’une application erronées, d’une part, du règlement no 73/2009 et, d’autre part, du règlement no 1122/2009.

46      À titre liminaire, premièrement, il convient de rappeler que l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 dispose ce qui suit :

« La Commission évalue les montants à exclure au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. Elle fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés, elle peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires. Des corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union. »

47      Deuxièmement, il ressort d’une jurisprudence constante que les Fonds ne financent que les dépenses effectuées conformément au droit de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2015, Italie/Commission, T‑255/13, non publié, EU:T:2015:838, point 52 et jurisprudence citée).

48      En outre, lorsque la Commission refuse de mettre à la charge des Fonds certaines dépenses pour cause de violations des dispositions du droit de l’Union imputables à un État membre, elle doit prouver l’existence desdites violations. En d’autres termes, la Commission est obligée de justifier la décision par laquelle elle constate l’absence ou la défaillance des contrôles mis en œuvre par l’État membre concerné (voir arrêt du 3 avril 2017, Allemagne/Commission, T‑28/16, EU:T:2017:242, point 31 et jurisprudence citée).

49      La Commission est tenue non de démontrer de façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les autorités nationales ou l’irrégularité des données transmises, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces données (voir arrêt du 3 avril 2017, Allemagne/Commission, T‑28/16, EU:T:2017:242, point 32 et jurisprudence citée).

50      Il appartient par la suite à cet État membre de démontrer que les conditions sont réunies pour obtenir le financement refusé par la Commission. En d’autres termes, l’État membre concerné ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôle. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (voir arrêt du 3 avril 2017, Allemagne/Commission, T‑28/16, EU:T:2017:242, point 33 et jurisprudence citée).

51      Cet allégement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes des Fonds et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T‑260/16, EU:T:2018:597, point 71 et jurisprudence citée).

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, commise en raison d’une interprétation et d’une application erronées du règlement no 65/2011

52      Le présent moyen peut se diviser en quatre branches.

53      Dans le cadre de la première branche, la République de Lituanie soutient, en substance, que la Commission a interprété de manière erronée l’article 24, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), du règlement no 65/2011 en considérant que les contrôles effectués par les autorités lituaniennes pour établir la qualité de petite ou moyenne entreprise (PME) des demandeurs étaient insuffisants.

54      Dans le cadre de la deuxième branche, la République de Lituanie soutient, en substance, que la Commission a interprété de manière erronée l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement no 65/2011 en considérant que les contrôles effectués pour les autorités lituaniennes pour établir le caractère raisonnable des coûts étaient insuffisants.

55      Dans le cadre de la troisième branche, la République de Lituanie soutient, en substance, que la Commission a interprété de manière erronée l’article 26, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, du règlement no 65/2011 en considérant que les contrôles effectués sur place par les autorités lituaniennes étaient insuffisants.

56      Dans le cadre de la quatrième branche, la République de Lituanie soutient, en substance, que la Commission a interprété de manière erronée l’article 24, paragraphe 2, sous a), du règlement no 65/2011 en considérant que les contrôles portant sur les dépenses effectuées dans le cadre des projets étaient insuffisants.

 Sur la première branche, relative à l’insuffisance des contrôles effectués par les autorités lituaniennes pour établir la qualité de PME des demandeurs

57      La République de Lituanie soutient, premièrement, que la Commission a estimé à tort que les critères appliqués pour établir la qualité de PME des demandeurs entraînaient des faiblesses dans les contrôles, dans la mesure où ils ne permettaient pas d’effectuer les vérifications relatives aux entreprises liées ou partenaires des demandeurs établis en Lituanie ou à l’étranger.

58      La République de Lituanie soutient, deuxièmement, que la Commission a considéré à tort que la surveillance des projets classés comme projets à risque en raison de la création présumée de conditions artificielles n’était pas conforme à l’article 24, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), du règlement no 65/2011.

59      La présente branche peut ainsi se diviser en deux griefs.

60      Le premier grief est relatif aux critères appliqués pour vérifier la qualité de PME des demandeurs. Le second grief est relatif à l’efficacité de la surveillance des projets classés comme projets à risque.

–       Sur le premier grief, relatif aux critères appliqués pour vérifier la qualité de PME des demandeurs

61      La République de Lituanie soutient que les contrôles effectués par les autorités lituaniennes pour vérifier la qualité de PME des demandeurs et leurs liens avec des entreprises liées ou partenaires étaient suffisants. À cet égard, d’une part, la République de Lituanie souligne que le droit de l’Union ne prévoit aucun indicateur ou dispositif particulier pour vérifier la qualité de PME des demandeurs. Par suite, les États membres établiraient eux-mêmes le système de contrôle de la qualité de PME des demandeurs, avec pour seule obligation celle de respecter la définition de cette qualité donnée par la recommandation 2003/361/CE de la Commission, du 6 mai 2003, concernant la définition des micro, petites et moyennes entreprises (JO 2003, L 124, p. 36, ci-après la « recommandation PME »). Or, les autorités lituaniennes auraient respecté cette obligation. D’autre part, la République de Lituanie considère comme appropriés les indicateurs qu’elle a utilisés pour vérifier la qualité de PME des demandeurs, à savoir notamment le registre national des personnes morales, qui rassemble des données relatives aux personnes morales, aux succursales et aux bureaux de représentation enregistrés en Lituanie, et les déclarations faites par les demandeurs, qui contiennent des informations au sujet de leurs entreprises partenaires et liées. La République de Lituanie soutient ainsi que l’exigence de la Commission selon laquelle, pour contrôler les entreprises liées ou partenaires à l’étranger des demandeurs, les autorités lituaniennes auraient dû également utiliser des bases de données ou des registres étrangers est excessive, irréaliste et non conforme à l’article 24, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), du règlement no 65/2011.

62      La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

63      Il ressort, en substance, du rapport de synthèse que la Commission a considéré que les contrôles effectués par les autorités lituaniennes n’étaient pas suffisants pour confirmer le statut de PME des demandeurs, dans la mesure où les entreprises liées et partenaires en Lituanie ou à l’étranger des demandeurs n’avaient pas été vérifiées convenablement. La Commission a estimé que ces contrôles n’étaient pas pleinement conformes à l’article 24, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), du règlement no 65/2011 et constituaient une faiblesse dans un contrôle clé.

64      L’article 24, paragraphe 1, du règlement no 65/2011 dispose que « [d]es contrôles administratifs sont effectués pour toutes les demandes d’aide, demandes de paiement et autres déclarations qui doivent être introduites par un bénéficiaire ou par un tiers et couvrent tous les éléments qu’il est possible et opportun de contrôler par des moyens administratifs » et que « [l]es procédures imposent l’enregistrement des activités de contrôle, des résultats des vérifications et des mesures prises à l’égard des anomalies constatées ».

65      L’article 24, paragraphe 2, sous a), du règlement no 65/2011 dispose que « [l]e contrôle administratif des demandes d’aide porte notamment sur l’admissibilité de l’opération motivant la demande d’aide ».

66      L’article 4, paragraphe 2, du règlement no 65/2011, intitulé « Principes de contrôles généraux », dispose que, « [s]ans préjudice des dispositions particulières [dudit] règlement, les États membres s’assurent que tous les critères d’admissibilité fixés par la législation de l’Union européenne, par la législation nationale ou par les programmes de développement rural peuvent être contrôlés au moyen d’un ensemble d’indicateurs vérifiables qu’il leur appartient d’établir ».

67      Il ressort ainsi de ces dispositions que les États membres sont tenus, au moyen d’un ensemble d’indicateurs vérifiables qu’il leur appartient d’établir, de s’assurer de l’admissibilité de la demande d’aide en procédant à des contrôles administratifs qui portent sur tous les éléments qu’il est possible et opportun de contrôler par des moyens administratifs.

68      À cet égard, la République de Lituanie précise dans la requête avoir limité l’octroi des aides aux PME telles que définies par la recommandation PME.

69      Or, ainsi que le souligne la Commission dans le mémoire en défense, le considérant 9 de la recommandation PME précise que, «[a]fin de mieux appréhender la réalité économique des PME et d’exclure de cette qualification les groupes d’entreprises dont le pouvoir économique excéderait celui d’une PME, il convient de distinguer les différents types d’entreprises, selon qu’elles sont autonomes, qu’elles ont des participations qui n’impliquent pas de position de contrôle (entreprises partenaires), ou qu’elles sont liées à d’autres entreprises » et que « [l]e degré indiqué dans la recommandation 96/280/CE de 25 % de participation en dessous duquel une entreprise est considérée comme autonome est maintenu ».

70      Il convient par ailleurs d’ajouter que la recommandation PME n’établit pas de différence en fonction du lieu d’établissement géographique de l’entreprise associée ou partenaire.

71      Il s’ensuit que la Commission a pu considérer à juste titre que, dans la mesure où les indicateurs utilisés par les autorités lituaniennes n’étaient pas suffisants pour vérifier les informations relatives aux entreprises liées et partenaires à l’étranger des demandeurs, les contrôles effectués par celles-ci n’étaient pas suffisants pour garantir que tous les demandeurs avaient réellement le statut de PME.

72      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la République de Lituanie selon lequel les exigences de la Commission seraient sur ce point excessives et irréalistes.

73      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 24, paragraphe 1, du règlement no 65/2011 précise que les contrôles administratifs couvrent tous les éléments qu’il est possible et opportun de contrôler par des moyens administratifs.

74      Il ressort des écritures des parties que, au cours de la procédure administrative, la Commission, dans le cadre des échanges avec la République de Lituanie, a transmis à cette dernière une liste de registres consultables sur Internet permettant de vérifier si les demandeurs étaient liés ou partenaires d’entreprises situées à l’étranger.

75      En outre, la République de Lituanie a indiqué elle-même, lors de l’audience, qu’elle recourrait désormais à une base de données sur Internet, aux fins de vérifier les informations relatives aux entreprises liées et partenaires à l’étranger des demandeurs.

76      Ainsi, loin de faire peser sur la République de Lituanie des exigences excessives et irréalistes, la Commission s’est efforcée de faciliter ses opérations de vérifications en portant à sa connaissance l’existence d’outils disponibles sur Internet sur lesquels la République de Lituanie s’appuie désormais, de sorte que l’argument de cette dernière ne saurait prospérer.

77      Il en va de même de l’argument de la République de Lituanie selon lequel les résultats des contrôles croisés effectués ex post témoigneraient de la qualité et de la pertinence des contrôles.

78      En effet, ainsi que le fait valoir la Commission dans le mémoire en défense, ces contrôles n’ont pas été effectués par un service indépendant, mais par le même service que celui qui avait réalisé les contrôles initiaux. En outre, il ressort des résultats des audits communiqués qu’aucun contrôle relatif à l’existence d’éventuelles entreprises liées ou partenaires à l’étranger n’a été effectué dans le cadre de ces contrôles.

79      Il apparaît ainsi que les éléments démontrant une insuffisance des contrôles effectués par les autorités lituaniennes, qui ont fait naître auprès de la Commission des doutes sérieux quant à la mise en place d’un système adéquat et efficace de mesures de contrôle, n’ont pas été infirmés par les arguments avancés par la République de Lituanie.

80      Le présent grief doit être écarté comme non fondé.

–       Sur le second grief, relatif à l’efficacité de la surveillance des projets classés comme projets à risque

81      La République de Lituanie soutient que les doutes de la Commission concernant le contrôle des conditions créées artificiellement sont fondés sur une interprétation erronée de l’article 24 du règlement no 65/2011. En effet, les conclusions du rapport de synthèse montreraient que la Commission entend par « contrôle des conditions créées artificiellement » l’obligation de refuser le financement des projets à risque dès le stade de l’évaluation de la demande. Or, la jurisprudence n’imposerait pas de refuser ab initio  le financement des projets potentiellement à risque. Ce refus ne pourrait s’opérer qu’après avoir démontré, sur la base d’éléments de preuve objectifs et subjectifs, que les conditions requises pour bénéficier d’une aide ont été créées artificiellement, au sens de l’article 4, paragraphe 8, du règlement no 65/2011. Il s’ensuit que l’article 4, paragraphe 8, du règlement no 65/2011, lu en combinaison avec l’article 24 du même règlement, devrait être interprété exclusivement en ce sens qu’il institue l’obligation pour les États membres de disposer d’un instrument de contrôle.  Or, tel serait le cas en Lituanie.  En outre, démontrer la création de conditions artificielles serait une procédure complexe impliquant à cette fin une enquête susceptible de nécessiter plusieurs années. Par ailleurs, dans les deux cas qui ont conduit la Commission à estimer que le système de contrôle présentait des faiblesses, les mesures prises par les autorités lituaniennes auraient été à la fois cohérentes et appropriées. À cet égard, la Commission n’indiquerait ni les mesures qui auraient été inappropriées ni si d’autres mesures auraient dû être adoptées. La République de Lituanie soutient, enfin, que l’affirmation de la Commission selon laquelle le financement des projets en cause a été supprimé en raison des conclusions de l’audit n’est qu’une hypothèse.

82      La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

83      Il ressort, en substance, du rapport de synthèse que la Commission a considéré que les contrôles effectués par les autorités lituaniennes pour assurer la surveillance des projets classés comme projets à risque en raison de la création potentielle de conditions artificielles présentaient des insuffisances. Plus particulièrement, la Commission a considéré que le système de contrôle des autorités lituaniennes pour assurer le suivi des risques mis en évidence par le comité de sélection comportait des lacunes. Partant, la Commission a estimé que ces contrôles n’étaient pas pleinement conformes à l’article 24, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), du règlement no 65/2011 et constituaient une faiblesse dans un contrôle clé.

84      La République de Lituanie soutient, en substance, que le système de surveillance des projets à risque en Lituanie était suffisant et conforme à l’article 24 du règlement no 65/2011.

85      L’article 4, paragraphe 8, du règlement no 65/2011 dispose que, « [s]ans préjudice de dispositions particulières, aucun paiement n’est effectué en faveur de personnes au sujet desquelles il est établi qu’elles ont créé artificiellement les conditions requises pour bénéficier de tels paiements et obtenir ainsi un avantage non conforme aux objectifs du régime de soutien ».

86      Il ressort du point 43 de l’arrêt du 12 septembre 2013, Slancheva sila (C‑434/12, EU:C:2013:546), que l’article 4, paragraphe 8, du règlement no 65/2011 doit être interprété en ce sens que ses conditions d’application requièrent la présence d’un élément objectif et d’un élément subjectif. Aux termes du premier de ces éléments, il appartient au juge de considérer les circonstances objectives du cas d’espèce permettant de conclure que la finalité poursuivie par le régime de soutien du Feader ne saurait être atteinte. Aux termes du second élément, il appartient au juge de considérer les éléments de preuve objectifs permettant de conclure que, en créant artificiellement les conditions requises pour bénéficier du paiement au titre du régime de soutien du Feader, le candidat à un tel paiement a exclusivement entendu se procurer un avantage non conforme aux objectifs de ce régime. À cet égard, le juge peut se fonder non seulement sur des éléments tels que les liens juridique, économique ou personnel entre les personnes impliquées dans des projets d’investissement similaires, mais également sur des indices témoignant de l’existence d’une coordination délibérée entre ces personnes.

87      Il résulte ainsi de ce qui précède que la demande d’aide doit être rejetée dès lors qu’il apparaît que le bénéficiaire a créé artificiellement les conditions requises pour bénéficier de celle-ci.

88      À cet égard, la République de Lituanie précise, dans ses écritures, que, lorsque, au stade de l’évaluation de la demande, il n’y avait pas de motifs suffisants pour rejeter la demande, mais qu’il existait des indices de création de conditions artificielles, les projets étaient classés comme projets à risque par les autorités compétentes et faisaient l’objet de mesures de surveillance supplémentaires.

89      Or, il ressort des écritures des parties que les projets classés à risque par les autorités compétentes n’ont fait l’objet d’un rejet de leur demande de financement qu’à la suite des conclusions de l’audit mené par la Commission.

90      En outre, la Commission souligne, dans le mémoire en défense, que les circonstances entourant l’un des deux projets audités ne laissaient place à aucun doute quant à l’existence de conditions artificiellement créées en vue d’obtenir un financement (telles que le fait que le siège de l’entreprise était situé dans les locaux d’une autre entreprise, qu’une feuille de papier de format A 4 collée au mur portait l’inscription du nom d’un seul fournisseur, d’un seul client et d’une seule entreprise ou que le bénéficiaire était dans l’incapacité de répondre à des questions élémentaires sur les dépenses ou l’organigramme de l’entreprise). La Commission ajoute que les éléments permettant d’établir ces conditions préexistaient à l’audit qu’elle a mené, de sorte que, dès le stade de la demande d’aide, le projet n’aurait pas dû figurer sur la liste des projets à financer.

91      La République de Lituanie n’a produit aucun élément de nature à démontrer qu’elle avait assuré une surveillance efficace des projets à risque.

92      À cet égard, il suffit de constater, en application de la jurisprudence mentionnée aux points 47 à 51 ci-dessus, que la République de Lituanie ne saurait utilement contester les doutes émis par la Commission en se limitant à affirmer, sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système fiable et opérationnel de contrôles, que, premièrement, il aurait toujours existé en Lituanie une base juridique suffisante et une pratique administrative permettant de constater les cas de création artificielle de conditions et de surveiller les projets à risque, deuxièmement, la détection de cas de création artificielle de conditions serait une procédure complexe qui nécessiterait, selon les projets, plusieurs années d’enquête et, troisièmement, l’affirmation de la Commission selon laquelle le financement des projets en cause aurait été supprimé en raison des conclusions de l’audit ne serait qu’une hypothèse.

93      Par ailleurs, s’agissant plus précisément de l’argument selon lequel la détection de cas de création artificielle de conditions serait une procédure complexe qui nécessiterait, selon les projets, plusieurs années d’enquête, il convient de relever que la République de Lituanie n’a pas démontré que les projets audités par la Commission et la Cour des comptes européenne étaient des cas délicats nécessitant une enquête de plusieurs années.

94      Il apparaît ainsi que les éléments démontrant une insuffisance des contrôles effectués par les autorités lituaniennes, qui ont fait naître auprès de la Commission des doutes sérieux quant à la mise en place d’un système adéquat et efficace de mesures de surveillance, n’ont pas été infirmés par les arguments avancés par lesdites autorités.

95      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent grief doit être écarté comme non fondé. Il convient, par voie de conséquence, de rejeter la branche dans son intégralité.

 Sur la deuxième branche, relative à la qualité insuffisante des contrôles du caractère raisonnable des coûts

96      La République de Lituanie estime que la Commission a fait une mauvaise interprétation de l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement no 65/2011. La Commission aurait commis une erreur d’appréciation en considérant que la qualité des vérifications effectuées en Lituanie portant sur le caractère raisonnable des dépenses devait être considérée comme une faiblesse dans un contrôle clé. La Commission considérerait, à tort, que des méthodes d’évaluation du caractère raisonnable des coûts qui ne seraient pas indiquées expressément à l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement no 65/2011 devraient être considérées comme inappropriées.

97      La présente branche peut se diviser en cinq griefs.

98      Le premier grief est relatif au caractère inapproprié du seuil fixé à 28 600 euros pour les offres verbales et les offres écrites simplifiées. Le deuxième grief est relatif à l’inefficacité des publications des avis de marché. Le troisième grief est relatif à la liste des prix de référence. Le quatrième grief est relatif à la rareté des recours à l’avis d’experts et à un comité de sélection des projets. Le cinquième grief est relatif à l’absence de vérification du caractère raisonnable du prix des éléments nouveaux introduits dans les projets modifiés.

99      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement no 65/2011 dispose que « [l]e contrôle administratif des demandes d’aide porte notamment sur le caractère raisonnable des coûts présentés, qui sont évalués à l’aide d’un système approprié d’évaluation tel que des coûts de référence, la comparaison de différentes offres ou un comité d’évaluation ».

100    Il convient également de préciser que le contrôle du caractère raisonnable des coûts constitue une vérification administrative requise pour éviter la surévaluation des demandes. Il s’agit donc du contrôle d’un des éléments quant au fond de ces demandes, devant être distingué des opérations administratives nécessaires au traitement desdites demandes (arrêt du 6 décembre 2018, Portugal/Commission, T‑22/17, EU:T:2018:881, point 70).

–       Sur le premier grief, relatif au caractère inapproprié du seuil fixé à 28 600 euros concernant les offres verbales et les offres écrites simplifiées

101    La République de Lituanie soutient que la Commission a considéré à tort que le montant en dessous duquel les marchés pouvaient être passés sous une forme simplifiée était trop élevé. Or, premièrement, aucune disposition législative de l’Union ne déterminerait le seuil en dessous duquel une procédure simplifiée pourrait être appliquée. Les États membres fixeraient de manière discrétionnaire les seuils de prix appropriés à la base des procédures de marché. Deuxièmement, le seuil jusqu’auquel une offre pouvait être présentée verbalement ou sous forme simplifiée serait analogue à celui retenu pour les marchés publics de faible valeur par la loi lituanienne qui a transposé la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65). La République de Lituanie soutient que, si ce seuil concernant les marchés publics a été considéré comme approprié et justifié, tout seuil analogue devrait également l’être. Troisièmement, dans le cadre de son appréciation du caractère approprié du système d’évaluation, la Commission n’aurait pas tenu compte du fait que, lorsqu’une seule offre est présentée, le caractère raisonnable des dépenses est évalué sur la base d’autres méthodes appropriées. Or, les audits n’auraient pas révélé que les biens, services ou travaux ayant bénéficié du financement, qui auraient été acquis sur la base d’une seule offre, auraient pu être acquis pour un prix plus bas. Quatrièmement, ne serait pas fondé l’argument de la Commission selon lequel, lors de l’audit, aucune preuve ne serait ressortie des documents des projets contrôlés démontrant que d’autres méthodes auraient été utilisées pour évaluer le caractère raisonnable des dépenses.

102    La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

103    Il ressort, en substance, du rapport de synthèse que la Commission a considéré que la limite de 28 600 euros en deçà de laquelle il était possible de procéder à une passation de marché sur la base d’une offre orale ou de manière simplifiée et sur la base d’une offre unique n’était pas conforme à l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement no 65/2011. Plus précisément, la Commission a considéré que le seuil fixé était trop élevé.

104    La République de Lituanie soutient que la Commission a procédé à une interprétation erronée de l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement no 65/2011. Selon la République de Lituanie, la détermination du seuil de prix approprié relève de la seule compétence des États membres et non de la Commission.

105    Il est constant que l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement no 65/2011 n’établit pas une liste exhaustive de systèmes appropriés d’évaluation du caractère raisonnable des coûts.

106    Il ressort, néanmoins, de l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement no 65/2011 que les États membres sont tenus d’établir un système approprié.

107    L’article 4, paragraphe 1, du règlement no 65/2011, intitulé « Principes de contrôles généraux », précise en ce sens que « [l]es États membres établissent un système de contrôle garantissant que tous les contrôles nécessaires sont effectués aux fins d’une vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides ».

108    Sur ce point, la République de Lituanie précise, dans ses écritures, que ce seuil a été fixé par analogie au seuil déterminé pour les marchés de faible valeur par la loi sur les marchés publics en vigueur en Lituanie, qui a transposé la directive 2014/24. Dans ce contexte, la Commission ne saurait soutenir que le seuil était trop élevé. La République de Lituanie précise également que, lorsqu’une seule offre est présentée, le caractère raisonnable des dépenses est évalué sur la base des prix maximaux, des limitations du pourcentage éligible de certaines catégories de dépenses, d’expertises externes ou des travaux des comités de sélection des projets.

109    Or, d’une part, les demandes d’aides au titre du Feader étaient présentées par des PME, soit des petites ou moyennes entreprises de droit privé, et non par des entreprises de droit public. Il était dès lors disproportionné de leur appliquer le même seuil que celui régissant les marchés publics.

110    D’autre part, indépendamment de la question de savoir si les méthodes de remplacement évoquées par la République de Lituanie étaient appropriées, il convient de constater que la République de Lituanie n’a fourni aucun élément attestant du fait que ces méthodes, aux fins de garantir le caractère raisonnable des dépenses, avaient été effectivement utilisées dans les projets audités. En effet, la République de Lituanie se borne uniquement à décrire le processus lié aux différentes méthodes d’évaluation du caractère raisonnable des dépenses applicables en Lituanie lorsqu’une seule offre a été présentée. En outre, le fait que la loi lituanienne prévoit des méthodes d’évaluation alternatives à la comparaison des offres lorsqu’une seule offre a été présentée ne permet pas de conclure que ce système d’évaluation était effectivement approprié.

111    Il apparaît ainsi que les éléments démontrant le caractère inapproprié du système d’évaluation mis en place par les autorités lituaniennes, qui ont fait naître auprès de la Commission des doutes sérieux quant à la mise en place d’un système adéquat et efficace de mesures de surveillance, n’ont pas été infirmés par les arguments avancés par lesdites autorités.

112    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent grief doit être écarté comme non fondé.

–       Sur le deuxième grief, relatif à l’inefficacité des publications des avis de marché

113    La République de Lituanie soutient que les procédures d’appel d’offres relatives aux projets nos 5 et 10 étaient correctes et que les irrégularités prétendument constatées par la Commission n’avaient aucun fondement. S’agissant, en premier lieu, du projet no 5, la République de Lituanie fait valoir que, premièrement, les règles relatives aux marchés publics ne prévoient pas que l’avis de publication de l’appel d’offres contienne une description détaillée du cahier des charges techniques. La République de Lituanie fait valoir que, deuxièmement, conformément aux règles relatives aux marchés publics, l’avis de publication a été publié dans un quotidien dont la large diffusion en Lituanie a permis à tous les fournisseurs potentiels d’être en mesure de lire cet avis, de sorte que le fait que seule une entreprise s’était mise en rapport avec le bénéficiaire, de surcroît le jour de la publication de l’appel d’offres, n’aurait aucune incidence sur la régularité de la procédure. La République de Lituanie fait valoir que, troisièmement, même si une seule offre a été présentée en l’espèce, celle-ci a fait l’objet d’une évaluation qui a permis de conclure qu’elle correspondait à la véritable valeur du marché.  S’agissant, en second lieu, du projet no 10, la République de Lituanie fait valoir que, premièrement, les importantes variations de prix constatées étaient notamment dues à la nature particulière de l’objet du marché. Deuxièmement, la présentation d’offres contenant des prix différents ne démontrerait en rien une faiblesse dans le cahier des charges, les soumissionnaires étant libres de proposer le prix qui leur paraît approprié. Troisièmement, si d’autres soumissionnaires avaient estimé que la procédure d’appel d’offres n’était pas transparente, ils auraient parfaitement pu contester la décision d’adjudication du marché. Or, aucun recours n’aurait été introduit. En outre, la République de Lituanie souligne que, lors de l’audit, la Commission n’a constaté aucune faiblesse concrète qui permettait de mettre sérieusement en doute le caractère approprié des conditions du marché.

114    La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

115    Il ressort du rapport de synthèse que la Commission a considéré que les procédures d’appel d’offres effectuées par les autorités lituaniennes dans le cadre des projets nos 5 et 10 présentaient des faiblesses en termes de choix des canaux publicitaires utilisés et de rédaction du cahier des charges ne permettant pas de s’assurer du caractère raisonnable des coûts.

116    S’agissant, en premier lieu, du projet no 5, la Commission a relevé, sans être contredite par la République de Lituanie, que, premièrement, le bénéficiaire de l’aide n’avait publié qu’un bref avis d’appel d’offres rédigé de manière générale, dans lequel il invitait les fournisseurs intéressés à le contacter pour obtenir des informations concernant les spécifications techniques. Deuxièmement, seule une entreprise a présenté une offre. Troisièmement, cette offre provenait de l’entreprise qui figurait déjà dans la demande d’aide du bénéficiaire. En conséquence, la Commission a émis des doutes quant à l’efficacité de la publication aux fins de recevoir un nombre d’offres reflétant suffisamment la réalité du marché.

117    La République de Lituanie fait valoir, à cet égard, qu’elle s’est conformée aux exigences réglementaires, qui lui imposent de publier les avis de marché dans un quotidien diffusé dans toute la Lituanie, assortis d’une description générale de l’objet du marché, de sorte que tous les soumissionnaires potentiels étaient en mesure d’en prendre connaissance. La République de Lituanie ajoute que, en tout état de cause, l’offre reçue a fait l’objet d’une évaluation quant à son caractère raisonnable. Dès lors, la procédure doit être considérée comme régulière malgré l’absence d’une pluralité d’offres.

118    Ces arguments ne sont pas de nature à dissiper les doutes que la Commission a pu nourrir et à démontrer l’efficacité de la publication en cause.

119    En effet, premièrement, le fait même que l’avis de marché ait été publié dans le deuxième quotidien le plus lu en Lituanie, comme le soutient la République de Lituanie, ne suffit pas à démontrer à lui seul l’efficacité de la publication. Celle-ci doit également s’apprécier au regard de la qualité des lecteurs potentiels du journal et non seulement au regard de sa diffusion, puisque seuls les lecteurs concernés par l’objet du marché sont susceptibles d’avoir un intérêt pour le marché concerné et, partant, de lire la publication en cause.

120    Deuxièmement, la description de l’objet du marché figurant dans la publication se doit d’être suffisamment claire et concrète pour permettre aux soumissionnaires éventuels de se déterminer quant à leur intérêt à obtenir la communication du cahier des charges techniques. Or, il ressort du dossier que l’avis publié était bref, rédigé de manière générale et invitait seulement les fournisseurs intéressés à contacter le bénéficiaire pour recevoir les spécifications techniques.

121    Troisièmement, la République de Lituanie ne saurait justifier de l’efficacité de la publication de l’avis de marché en cause en faisant valoir, sur la base d’un rapport réalisé par une société d’audit, que le prix des biens achetés était raisonnable et correspondait à la valeur du marché. En effet, ainsi que le souligne la Commission dans le mémoire en défense, ce rapport ne précise ni la méthode d’analyse utilisée ni les fondements sur lesquels reposait cette appréciation. Le rapport indique seulement que, sur la base des informations disponibles, il a été établi que la valeur des investissements évoqués dans les documents d’achats correspondait à la valeur sur le marché.

122    Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la République de Lituanie, les éléments constatés par les auditeurs étaient de nature à justifier les doutes entourant l’efficacité de la publication de l’avis de marché du projet no 5.

123    S’agissant, en second lieu, du projet no 10, la Commission a relevé, sans être contredite par la République de Lituanie, que, à la suite de la publication de l’avis de marché, sept entreprises avaient présenté une offre, dont les prix variaient de un à six. Selon la Commission, ces variations de prix entre les offres étaient révélatrices d’un défaut de rédaction du cahier des charges. En conséquence, nonobstant le fait que l’offre retenue en l’espèce était la moins onéreuse, la Commission a émis des doutes quant à l’efficacité de la publication aux fins de recevoir un nombre d’offres reflétant suffisamment la réalité du marché.

124    La République de Lituanie fait valoir, à cet égard, que les variations de prix constatées entre les offres étaient dues non pas à une faiblesse dans le cahier des charges, mais à la nature particulière de l’objet du marché et à la liberté de chaque soumissionnaire de présenter l’offre qui lui paraissait appropriée. La République de Lituanie ajoute que, en tout état de cause, les décisions relatives à l’adjudication du marché n’ont fait l’objet d’aucun recours, ce qui tend à démontrer la régularité de l’appel d’offres et, partant, de la rédaction du cahier des charges.

125    Ces arguments ne sont pas de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission et à démontrer l’efficacité de la publication en cause.

126    En effet, premièrement, la République de Lituanie ne saurait utilement justifier les écarts de prix constatés en se limitant à faire valoir que l’objet du marché était de nature particulière, ce qui ne permettait pas d’avoir des prix similaires bien établis.

127    D’une part, il convient de relever que la République de Lituanie n’a pas démontré que l’objet du marché en cause était de nature particulière. D’autre part, à supposer que cela soit établi, cet élément ne suffit pas à lui seul à justifier de tels écarts de prix entre les offres.

128    Deuxièmement, la République de Lituanie ne saurait justifier ces écarts de prix en arguant de la liberté dont dispose chaque soumissionnaire de proposer l’offre de prix qui lui paraît appropriée. En effet, une telle argumentation constitue un sophisme, en ce qu’elle présuppose que la liberté dont dispose chaque soumissionnaire pour présenter une offre de prix conduit nécessairement à des offres de prix différentes. En outre, il convient de souligner que les doutes émis par la Commission quant à la qualité rédactionnelle du cahier des charges ne résultaient pas de la différence de prix entre les offres, mais des écarts importants qui existaient entre ces dernières, ce qui tendrait à démontrer que le cahier des charges était insuffisamment précis, que les soumissionnaires auraient formulé leurs offres en se fondant sur des éléments différents et, partant, que la procédure d’appel d’offres était inefficace.

129    Troisièmement, la République de Lituanie ne saurait démontrer la régularité de l’appel d’offres et, partant, de son cahier des charges en arguant du fait qu’aucun recours n’a été introduit contre les décisions relatives à l’adjudication du marché. En effet, l’absence de recours visant l’appel d’offres ne présume pas nécessairement la régularité de celui-ci, dès lors que d’autres motifs pourraient justifier cette abstention.

130    De même, il convient de préciser que le fait que l’offre retenue par le bénéficiaire de la demande était l’offre la moins chère ne démontre pas que les autorités lituaniennes ont procédé à des vérifications suffisantes aux fins de s’assurer que le prix de l’offre reflétait le prix du marché.

131    Il découle de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la République de Lituanie, les éléments constatés par les auditeurs étaient de nature à justifier les doutes entourant l’efficacité de la publication de l’avis de marché du projet no 10.

132    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent grief doit être écarté comme non fondé.

–       Sur le troisième grief, relatif à la liste des prix de référence

133    La République de Lituanie soutient que le grief de la Commission relatif, d’une part, au caractère insuffisamment détaillé de la liste des prix de référence et, d’autre part, au caractère déraisonnable des prix des produits y figurant n’était pas fondé. S’agissant, en premier lieu, du caractère insuffisamment détaillé de la liste, la République de Lituanie fait valoir, premièrement, que la législation de l’Union ne prévoit pas la manière dont un État membre devrait établir les listes de prix de référence. La République de Lituanie souligne, deuxièmement, que la liste en cause était composée de « groupe[s] de produits » et non de « produits », de sorte qu’elle ne saurait être considérée comme insuffisamment détaillée. À titre d’exemple, le seul groupe des tracteurs à roues mentionnerait quatorze fabricants de tracteurs différents. En outre, cette méthode permettrait d’évaluer le prix qu’il serait raisonnable de payer pour un produit, quel que soit le fabricant. S’agissant, en second lieu, du prix des produits figurant sur la liste, la République de Lituanie fait valoir, premièrement, que la méthode d’évaluation du caractère raisonnable des coûts, figurant à l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement no 65/2011, n’est qu’un exemple qui ne lie pas les États membres. La République de Lituanie fait valoir, deuxièmement, que la méthode des prix maximaux appliquée en Lituanie était, en tout état de cause, aussi efficace pour évaluer le caractère raisonnable des coûts que la méthode des coûts de référence prônée par la Commission. Par ailleurs, le fait que les bénéficiaires des projets nos 5 et 12 aient pu se procurer des biens ou des services à un prix inférieur aux prix mentionnés dans la liste des prix de référence serait inhérent à cette méthode. En outre, cela ne ferait que démontrer que les dépenses effectuées étaient alors parfaitement raisonnables.

134    La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

135    Il ressort du rapport de synthèse que la Commission a considéré que la liste des prix de référence utilisée par les autorités lituaniennes ne constituait pas un moyen fiable pour évaluer le caractère raisonnable des coûts, étant donné que celle-ci était insuffisamment détaillée et que les prix qui y figuraient étaient supérieurs aux prix du marché.

136    S’agissant, en premier lieu, du caractère insuffisamment détaillé de la liste, la Commission a relevé que la liste des prix de référence ne comportait que 37 références d’achat, alors que la liste des prix de référence de certains États membres en comportait 9 000. En conséquence, la Commission a estimé qu’une liste de référence ne comportant que 37 références ne saurait être considérée comme suffisante.

137    À cet égard, la République de Lituanie précise que la liste des prix de référence en cause n’était pas constituée par « produits », mais par « groupe de produits », regroupés par biens et services en fonction de leurs caractéristiques. La République de Lituanie ajoute également que la Commission était parfaitement informée de cette précision.

138    Ces arguments ne sont pas de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission et à démontrer l’efficacité de la liste des prix de référence.

139    En effet, d’une part, s’il est constant que la législation de l’Union ne prévoit pas la manière dont les États membres doivent établir leur liste des prix de référence, il ressort toutefois, ainsi que cela est indiqué aux points 106 et 107 ci-dessus, que les États membres sont tenus d’établir un système approprié d’évaluation.

140    D’autre part, à supposer même que la Commission ait été informée que la liste des prix de référence en cause était constituée par « groupe de produits » et non par « produits », il convient néanmoins de relever que le groupe « tracteurs à roues », mentionné par la République de Lituanie à titre illustratif dans la requête et repris par la Commission dans le mémoire en défense, ne saurait être considéré comme tel, nonobstant la mention de quatorze constructeurs différents. En effet, ledit groupe ne correspond en réalité qu’à un produit, les tracteurs à roues, dont le prix rapporté au nombre de kilowatts (kW) de puissance était de 2 380 litas lituaniens (LTL) (environ 706 euros). La mention de quatorze constructeurs différents, sans, par exemple, de subdivision en fonction des caractéristiques fonctionnelles ou techniques desdits tracteurs, ne permet pas de considérer qu’il s’agit d’un groupe de produits.

141    Il s’ensuit que la Commission a pu considérer, à juste titre, que la liste des prix de référence utilisée par les autorités lituaniennes était insuffisamment détaillée.

142    S’agissant, en second lieu, du prix des produits figurant sur la liste, la Commission a relevé que le prix des produits figurant sur la liste était supérieur au prix du marché. Plus particulièrement, la Commission a constaté que les prix de référence se rapportant aux projets nos 5 (M121) et 12 (M312) étaient supérieurs de 15 % au prix payé par les bénéficiaires. En conséquence, la Commission a considéré que la liste des prix de référence utilisée par les autorités lituaniennes ne constituait pas un moyen fiable pour évaluer le caractère raisonnable des coûts.

143    À cet égard, la République de Lituanie soutient que la méthode des prix maximaux appliquée en Lituanie était, en tout état de cause, aussi efficace pour évaluer le caractère raisonnable des coûts que la méthode des coûts de référence prônée par la Commission. La République de Lituanie précise que le fait que les bénéficiaires des projets nos 5 et 12 aient acquis les biens à un prix inférieur au prix maximal indiqué sur la liste démontre alors que les dépenses effectuées étaient parfaitement raisonnables.

144    Ces arguments ne sont pas de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission et à démontrer la fiabilité de la méthode utilisée par la République de Lituanie.

145    En effet, s’il est constant que l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement no 65/2011 n’établit pas de liste exhaustive de systèmes appropriés d’évaluation du caractère raisonnable des coûts, il ressort, toutefois, de celui-ci que les États membres sont tenus d’établir un système approprié, garantissant notamment ce caractère raisonnable.

146    Or, contrairement à ce que soutient la République de Lituanie, le fait que les bénéficiaires des projets nos 5 et 12 aient acquis les biens à un prix inférieur au prix indiqué sur la liste des prix de référence ne permet pas de conclure que les dépenses effectuées étaient nécessairement raisonnables.

147    En effet, ainsi que le souligne la Commission, sans être contestée par la République de Lituanie, les prix figurant sur ladite liste étaient plus élevés que les prix du marché.

148    Par suite, le fait pour les bénéficiaires d’avoir acquis les biens à un prix inférieur au prix indiqué sur la liste ne garantit pas de facto leur caractère raisonnable, puisqu’ils peuvent avoir acquis le bien à un prix inférieur au prix indiqué sur cette liste sans pour autant l’avoir acquis à un prix raisonnable au regard du prix du marché.

149    Il s’ensuit que, dans la mesure où les prix des produits figurant sur la liste des prix de référence des autorités lituaniennes étaient supérieurs aux prix du marché, la Commission a pu considérer, à juste titre, que cette liste n’était pas un indicateur fiable pour évaluer le caractère raisonnable des dépenses effectuées.

150    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent grief doit être écarté comme non fondé.

–       Sur le quatrième grief, relatif à la rareté des recours à l’avis d’experts et à un comité de sélection des projets

151    La République de Lituanie soutient que la Commission a commis une erreur d’appréciation en considérant que les autorités lituaniennes n’avaient que rarement eu recours à des experts externes et à un comité de sélection des projets pour apprécier le caractère raisonnable des dépenses. Tout d’abord, la République de Lituanie fait valoir que le nombre de projets pour lesquels il eût été possible de faire appel à un expert ou de constituer un comité de sélection des projets concernait en réalité seulement 2 000 projets sur les 40 000  approuvés. Il n’aurait pas été, d’un point de vue économique, rationnel de faire appel à des experts externes pour des projets pour lesquels le caractère raisonnable des dépenses pouvait être vérifié par le biais d’autres méthodes moins coûteuses. En revanche, la République de Lituanie fait valoir que, toutes les fois où il était justifié de recourir à un expert externe ou à un comité de sélection des projets, cela avait été fait et de manière efficace. Par ailleurs, la République de Lituanie précise que les faiblesses constatées dans les projets audités par la Commission ne constituaient que des faiblesses techniques sans conséquence sur la qualité ni sur le résultat des expertises. La Commission n’aurait constaté aucune faiblesse essentielle concernant la qualité de ces expertises.  Enfin, l’argument selon lequel les prix indiqués dans les conclusions relatives au projet no 12 étaient supérieurs de 19 % au prix payé par le bénéficiaire ne démontrerait en rien la qualité inappropriée de l’expertise, le bénéficiaire ayant pu bénéficier de réductions.

152    La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

153    Il ressort du dossier que la Commission a constaté, sans être contredite par la République de Lituanie, que, premièrement, les avis des experts consultés dans le cadre des projets nos 2 et 5 étaient incomplets et ne comportaient aucune explication quant à la nature et à l’étendue des contrôles qu’ils avaient effectués. Deuxièmement, les prix indiqués dans l’avis de l’expert consulté dans le cadre du projet no 12 étaient supérieurs de 19 % au prix payé par le bénéficiaire. Troisièmement, dans un projet, un expert a considéré, sans étayer même son avis, qu’un prix supérieur de 19 % au prix du marché présentait un caractère raisonnable. En conséquence, la Commission a considéré que les avis des experts ne constituaient pas un moyen fiable pour évaluer le caractère raisonnable des coûts.

154    La République de Lituanie n’a produit aucun élément de nature à remettre en cause cette conclusion et à démontrer la fiabilité des avis des experts consultés.

155    Premièrement, il convient d’écarter l’argument selon lequel la Commission reprocherait aux autorités lituaniennes d’avoir rarement eu recours à l’avis d’expert pour évaluer le caractère raisonnable des coûts.

156    À cet égard, il convient de relever que la République de Lituanie procède à une lecture erronée des conclusions de l’audit de la Commission. La Commission n’a pas considéré comme constituant une lacune dans les contrôles clés le fait que les autorités lituaniennes n’aient fait appel à des experts pour évaluer le caractère raisonnable des coûts que dans un petit nombre de projets. En effet, la Commission a considéré comme constituant une lacune dans les contrôles clés le fait que les conclusions des experts étaient incomplètes et ne comportaient aucune explication détaillée de nature à démontrer que les coûts étaient raisonnables.

157    Deuxièmement, il convient d’écarter l’argument selon lequel les lacunes constatées dans les avis relatifs aux projets nos 2 et 5 ne constitueraient que des faiblesses techniques qui n’auraient aucune conséquence sur leur qualité.

158    À cet égard, il suffit de constater, en application de la jurisprudence mentionnée aux points 47 à 51 ci-dessus, que la République de Lituanie ne saurait utilement contester les conclusions de la Commission en affirmant, sans le justifier plus avant, qu’il ne s’agissait que de faiblesses techniques qui n’avaient aucune conséquence sur la qualité des expertises.

159    En tout état de cause, les lacunes constatées par la Commission, telles qu’indiquées au point 153 ci-dessus, ne lui permettaient pas d’apprécier si les expertises ordonnées constituaient un moyen fiable pour évaluer le caractère raisonnable des coûts.

160    Troisièmement, la République de Lituanie ne saurait justifier la différence de 19 % constatée dans le projet no 12 entre le prix indiqué par l’expert dans son avis et le prix payé par le bénéficiaire en arguant que ce dernier aurait pu bénéficier d’éventuelles réductions. En effet, faute d’éléments de preuve, cet argument est hypothétique et ne permet pas d’infirmer les doutes de la Commission quant à la fiabilité et au sérieux des expertises ordonnées.

161    Il découle de ce qui précède que la Commission a pu considérer, à juste titre, que les avis des experts ne constituaient pas, en l’espèce, un moyen fiable pour évaluer le caractère raisonnable des coûts.

162    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent grief doit être écarté comme non fondé.

–       Sur le cinquième grief, relatif à l’absence de vérification du caractère raisonnable des éléments nouvellement introduits dans les projets

163    La République de Lituanie soutient que les procédures en vigueur en Lituanie garantissent que, même dans le cas où les investissements envisagés sont modifiés au cours de la réalisation du projet, le caractère raisonnable des dépenses est vérifié. La République de Lituanie soutient que, bien que, dans le cas du projet no 12, le bénéficiaire de l’aide ne se soit pas accordé avec les autorités compétentes au sujet des modifications, celles-ci ont néanmoins vérifié le caractère raisonnable des dépenses relatives aux achats supplémentaires au moment de la demande de paiement.

164    La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

165    Il ressort, en substance, du rapport de synthèse que la Commission a constaté que, lorsqu’un projet était modifié pour y inclure de nouveaux éléments d’équipement, les autorités lituaniennes ne prouvaient pas que le caractère raisonnable du prix des nouveaux éléments était vérifié.

166    À cet égard, il convient de relever que la République de Lituanie se borne uniquement, dans ses écritures, d’une part, à décrire la procédure en vigueur en Lituanie en cas de modification des investissements envisagés au cours de la réalisation du projet et, d’autre part, à affirmer qu’une vérification a été effectuée par les autorités compétentes au moment de la demande de paiement.

167    Or, il suffit de constater, en application de la jurisprudence mentionnée aux points 47 à 51 ci-dessus, que la République de Lituanie ne saurait utilement contester les doutes de la Commission en se limitant à affirmer, sans produire d’élément de preuve, qu’une vérification a été effectuée par les autorités compétentes au moment de la demande de paiement.

168    En outre, le fait que la loi lituanienne prévoit une procédure spécifique en cas de modification des investissements envisagés au cours de la réalisation du projet ne permet pas de conclure que celle-ci a été effectivement respectée en l’espèce.

169    Dans ces circonstances, la Commission a pu considérer, à juste titre, que le caractère raisonnable des coûts des éléments nouveaux introduits à la suite de la modification du projet n’avait pas été vérifié.

170    Il résulte de ce qui précède que le présent grief doit être écarté comme non fondé.

171    Il apparaît ainsi, à la lumière de l’ensemble de ce qui précède, que les éléments démontrant l’existence d’un système inapproprié d’évaluation du caractère raisonnable des coûts, qui ont fait naître auprès de la Commission des doutes sérieux quant à la qualité des contrôles effectués, n’ont pas été infirmés par les arguments avancés par la République de Lituanie.

172    Il s’ensuit que la Commission a considéré, à juste titre, que les autorités lituaniennes avaient appliqué un système de contrôle du caractère raisonnable des coûts qui n’était pas conforme à l’article 24, paragraphe 2, sous d), du règlement no 65/2011, ce qui n’a pas permis d’assurer un contrôle approprié de l’utilisation des fonds du Feader.

173    Dans ce contexte, la Commission a appliqué, à juste titre, une correction financière de 5 %, conformément d’ailleurs aux lignes directrices relatives au calcul du montant des corrections financières dans le cadre des procédures d’apurement de conformité et d’apurement des comptes, telles qu’elles figurent dans sa communication C(2015) 3675 final, du 8 juin 2015.

174    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la présente branche doit être écartée comme non fondée.

 Sur la troisième branche, relative à la qualité insuffisante des contrôles sur place

175    La République de Lituanie, soutenue par la République tchèque, fait valoir, en substance, que les contrôles sur place effectués par les autorités lituaniennes étaient conformes aux exigences prévues à l’article 26, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, du règlement no 65/2011 et permettaient d’assurer une vérification appropriée de l’utilisation des ressources du Feader. À cet égard, la République de Lituanie fait valoir, premièrement, que la Commission a erronément assimilé les contrôles sur place aux contrôles administratifs, en les considérant comme un deuxième niveau de contrôle, permettant de s’assurer de la légalité et de la régularité des contrôles administratifs de premier niveau. L’économie du règlement montrerait manifestement que le contenu des contrôles administratifs, énoncé à l’article 24 du règlement no 65/2011, et celui des contrôles sur place, énoncé à l’article 26 du règlement no 65/2011, ne seraient pas les mêmes. L’article 26, paragraphe 2, du règlement no 65/2011 indiquerait clairement et sans équivoque que l’objectif des contrôles sur place ne serait pas d’évaluer à nouveau le projet, mais de vérifier la réalité et la pertinence du projet sous les aspects qu’il ne serait pas possible de contrôler lors du contrôle administratif en raison de leur nature. Il semblerait également que la condition figurant à l’article 26, paragraphe 2, du règlement no 65/2011, à savoir contrôler ce qu’il est possible de contrôler au moment de la visite, ait perdu de son importance. La République de Lituanie fait valoir, deuxièmement, que les contrôles sur place effectués en Lituanie auraient couvert 100 % des dépenses financées et non les minima de 4 et 5 % exigés par l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 65/2011, de sorte qu’ils ont dépassé le niveau d’exigence demandé. Par ailleurs, la procédure appliquée pendant la période litigieuse serait conforme au règlement d’exécution (UE) 2017/1242 de la Commission, du 10 juillet 2017, modifiant le règlement d’exécution (UE) no 809/2014 établissant les modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2017, L 178, p. 4).

176    La République tchèque ajoute que, premièrement, en tout état de cause, le simple fait qu’un État membre n’ait pas soumis certains éléments aux deux contrôles ne saurait, à lui seul, permettre de conclure qu’il n’a pas agi conformément à l’article 4 du règlement no 65/2011 et qu’il a causé un risque pour le Feader. Deuxièmement, la Commission aurait écarté à tort les dispositions du nouveau règlement.

177    La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

178    Il ressort, en substance, du rapport de synthèse que la Commission a considéré que les contrôles sur place effectués par les autorités lituaniennes n’étaient pas conformes à l’article 26, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, du règlement no 65/2011, puisqu’ils ne couvraient pas, pour la période de programmation 2007-2013, tous les engagements et obligations du bénéficiaire qui pouvaient être vérifiés au moment de la visite, et notamment la conformité des marchés publics avec les procédures établies. La Commission a ainsi estimé que cette insuffisance constituait une faiblesse dans un contrôle clé.

179    La République de Lituanie soutient que la Commission a procédé à une interprétation erronée de l’article 26, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, du règlement no 65/2011 en considérant, sans fondement, que les contrôles sur place effectués en Lituanie étaient insuffisants. Selon la République de Lituanie et la République tchèque, la Commission a erronément assimilé les contrôles sur place à un deuxième niveau de contrôle, qui permettrait de s’assurer de la légalité et de la régularité des contrôles de premier niveau que seraient les contrôles administratifs.

180    Aux fins de vérifier si la Commission a effectivement procédé à une interprétation erronée de l’article 26, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, du règlement no 65/2011, il convient de tenir compte non seulement des termes de cette disposition, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2017, Royaume-Uni/Commission, T‑27/16, non publié, EU:T:2017:457, point 38 et jurisprudence citée).

181    À titre liminaire, il convient d’observer que, contrairement à ce que soutient la République de Lituanie, la Commission a fait état de cas concrets, dans le rapport de synthèse, s’agissant des carences constatées dans le cadre des contrôles sur place. En effet, ainsi que le souligne la Commission dans le mémoire en défense, le rapport de synthèse fait apparaître que, au cours des contrôles sur place, il n’a pas été vérifié si les marchés publics qui avaient été passés étaient conformes aux procédures applicables.

182    Il convient de rappeler que l’article 26, paragraphe 1, sous d), du règlement no 65/2011 dispose que, « [e]n effectuant les contrôles sur place, les États membres s’attachent à vérifier que les opérations faisant l’objet d’un financement public ont été mises en œuvre conformément aux règles et aux politiques de l’Union, notamment aux règles relatives aux appels d’offres publics et aux normes obligatoires pertinentes fixées par la législation nationale ou dans le programme de développement rural ».

183    L’article 26, paragraphe 2, du règlement no 65/2011 dispose que « [l]es contrôles sur place relatifs à des demandes de paiement sélectionnées pour le contrôle visé à l’article 25, paragraphe 3, [dudit] règlement portent sur la totalité des engagements et des obligations d’un bénéficiaire qu’il est possible de contrôler au moment de la visite ».

184    L’article 24, paragraphe 2, du règlement no 65/2011 dispose notamment ce qui suit : 

« Le contrôle administratif des demandes d’aide porte notamment sur :

a)      l’admissibilité de l’opération motivant la demande d’aide ;

b)      le respect des critères de sélection fixés dans le programme de développement rural ;

c)      la conformité de l’opération motivant la demande d’aide avec les règles applicables au niveau national et au niveau de l’Union européenne, portant, notamment et le cas échéant, sur les marchés publics et sur les aides d’État, ainsi qu’avec les autres normes obligatoires appropriées établies par la législation nationale ou dans le programme de développement rural ;

d)      le caractère raisonnable des coûts présentés, qui sont évalués à l’aide d’un système approprié d’évaluation tel que des coûts de référence, la comparaison de différentes offres ou un comité d’évaluation ;

e)      la fiabilité du demandeur, en se référant à toute opération précédemment entreprise depuis 2000. »

185    Il ressort ainsi de ces dispositions que, dans le cadre des contrôles sur place, les États membres sont tenus de s’assurer, in situ, du respect par le bénéficiaire de la totalité des engagements et obligations qu’il est possible de vérifier au moment de la visite. Parmi ceux-ci, les États membres sont tenus de s’assurer que le bénéficiaire, dans le cadre de la mise en œuvre des opérations faisant l’objet d’un financement public, a respecté notamment les règles relatives aux appels d’offres publics et aux normes obligatoires pertinentes fixées par la législation nationale ou dans le programme de développement rural.

186    À cet égard, il convient de souligner que, contrairement à ce que soutient la République de Lituanie, la totalité des contrôles administratifs ne saurait être menée en application de l’article 24 du règlement no 65/2011, puisque l’article 26 de ce règlement prévoit qu’un certain nombre de contrôles effectués sur place peuvent porter sur des aspects administratifs, tels que le respect des règles relatives à la passation des marchés publics.

187    Il s’ensuit que les contrôles sur place de nature administrative prévus à l’article 26 du règlement no 65/2011, tel que leur mise en œuvre est envisagée par la Commission, ne constituent pas un doublement des contrôles administratifs comme l’allègue erronément la République de Lituanie, soutenue par la République tchèque, mais des contrôles qui, tout en étant distincts, complètent ceux prévus à l’article 24 du même règlement qui ne peuvent être réalisés que sur place (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2017, Portugal/Commission, T‑261/16, non publié, EU:T:2017:639, point 47 et jurisprudence citée).

188    Il en résulte que la Commission n’a pas violé l’article 26, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, du règlement no 65/2011 en considérant que les contrôles sur place effectués par les autorités lituaniennes n’étaient pas conformes, puisqu’ils ne couvraient pas, pour la période de programmation 2007-2013, tous les engagements et obligations du bénéficiaire qui pouvaient être vérifiés au moment de la visite, et notamment la conformité des marchés publics avec les procédures établies.

189    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la République de Lituanie selon lequel le nombre de contrôles sur place effectués en Lituanie dépassait le seuil minimal de 5 % prévu à l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 65/2011.

190    En effet, il convient de relever que le fait que les contrôles sur place effectués en Lituanie dépassaient le seuil minimal de 5 % prévu à l’article 25, paragraphe 2, du règlement no 65/2011 ne permet pas de conclure que ces contrôles étaient conformes à l’article 26, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, du règlement no 65/2011. En outre, cet élément, à le supposer établi, ne saurait infirmer les doutes de la Commission quant à la mise en place, en Lituanie, d’un système adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle.

191    Il ne saurait également en être autrement s’agissant de l’argument de la République de Lituanie et de la République tchèque selon lequel la procédure appliquée en Lituanie pendant la période litigieuse était conforme en substance au règlement d’exécution 2017/1242.

192    En effet, il convient de relever que, d’une part, ce règlement n’était pas en vigueur au moment des faits de l’espèce. D’autre part, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, la Commission n’a pas exigé de la République de Lituanie qu’elle procède, par les contrôles sur place, à un doublement des contrôles administratifs.

193    Il apparaît ainsi que les éléments démontrant une insuffisance des contrôles effectués par les autorités lituaniennes, qui ont fait naître auprès de la Commission des doutes sérieux quant à la mise en place d’un système adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle, n’ont pas été infirmés par les arguments avancés par la République de Lituanie, soutenue par la République tchèque.

194    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la présente branche doit être écartée comme non fondée.

 Sur la quatrième branche, relative à l’insuffisance des contrôles portant sur les dépenses des projets

195    La République de Lituanie soutient que « l’admissibilité de l’opération motivant la demande d’aide », au sens de l’article 24, paragraphe 2, sous a), du règlement no 65/2011, était garantie. Elle considère en effet que la Commission a constaté sans fondement, sur la base uniquement de suppositions, que les dépenses concernant l’un des projets contrôlés ne seraient pas raisonnables, puisque les biens achetés auraient été utilisés à des fins étrangères au projet. Premièrement, les dépenses envisagées seraient raisonnables et correspondraient aux coûts éligibles indiqués dans le projet. Deuxièmement, un cadre juridique approprié aurait été mis en place afin de s’assurer que les biens achetés pour le projet ne soient utilisés qu’aux fins de celui-ci. Troisièmement, les vérifications opérées par l’organe de contrôle montreraient que les biens en cause n’ont effectivement été utilisés qu’à cette fin. La République de Lituanie ajoute par ailleurs que ces informations ont été fournies à la Commission par lettre du 25 mars 2015.

196    La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

197    Il ressort, en substance, du rapport de synthèse que la Commission, sur la base d’un rapport de contrôle de la Cour des comptes constatant que des biens achetés dans le cadre d’un projet financé par le Feader avaient été utilisés à des fins autres que celles du projet, a considéré, en application de l’article 24, paragraphe 2, sous a), du règlement no 65/2011, que les dépenses relatives à ce projet n’étaient pas admissibles et qu’il convenait, en conséquence, d’appliquer une correction financière. La Commission a considéré que cette constatation constituait une faiblesse dans un contrôle clé.

198    La République de Lituanie soutient à cet égard que, étant donné que les dépenses en matériel envisagées dans le projet étaient dûment justifiées au moment du contrôle de la demande, qu’un cadre juridique approprié a été créé au moment de la réalisation du projet pour que le matériel soit employé aux fins prévues et que le projet a atteint de bons résultats, « l’admissibilité de l’opération motivant la demande d’aide », au sens de l’article 24, paragraphe 2, sous a), du règlement no 65/2011, était garantie. En outre, aucun préjudice n’a été causé au Feader.

199    Ces arguments ne sont pas de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission.

200    Il importe de rappeler que le règlement no 65/2011 prévoit, premièrement, en son article 24, paragraphe 2, sous a), que « [l]e contrôle administratif des demandes d’aide porte notamment sur l’admissibilité de l’opération motivant la demande d’aide » ; deuxièmement, en son article 24, paragraphe 3, que « [l]es contrôles administratifs concernant les demandes de paiement comprennent notamment, et pour autant que cela soit approprié pour la demande en question, une vérification portant sur : a) la fourniture des produits et services faisant l’objet du cofinancement ; b) la réalité des dépenses déclarées ; c) l’opération achevée en la comparant à l’opération pour laquelle l’aide a été soumise et accordée » et, troisièmement, en son considérant 3, que « les États membres établissent un système de contrôle qui garantisse que tous les contrôles nécessaires soient effectués aux fins d’une vérification efficace du respect des conditions d’octroi des aides » et qu'« [i]l importe que tous les critères d’admissibilité fixés par la législation de l’Union, par la législation nationale ou par les programmes de développement rural puissent être contrôlés au moyen d’un ensemble d’indicateurs vérifiables ».

201    Il importe également de rappeler que, d’une part, les États membres sont responsables de l’exécution des paiements, de la perception des prélèvements et du recouvrement de tous les paiements indus dans le cadre du Feader. La procédure d’apurement des comptes impose à la Commission de s’assurer, en premier lieu par des contrôles sur place, que les États membres ont fait un usage correct des fonds mis à leur disposition par le Feader. En vertu de l’article 52 du règlement no 1306/2013, la Commission exclut du financement de l’Union les dépenses effectuées par les organismes payeurs agréés des États membres si les dépenses concernées n’ont pas été effectuées conformément au droit de l’Union.

202    D’autre part, si le principe de bonne gestion financière ne doit pas être réduit à une définition purement comptable, il implique toutefois que les crédits budgétaires soient utilisés conformément aux principes d’économie, d’efficacité et d’efficience, ce dernier principe visant le meilleur rapport entre les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus, ainsi que cela résulte de l’article 28 bis du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 248, p. 1), tel que modifié, ainsi que de l’article 30 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement no 1605/2002 (JO 2012, L 298, p. 1) (arrêt du 3 avril 2017, Allemagne/Commission, T‑28/16, EU:T:2017:242, point 63).

203    Il résulte de ce qui précède, d’une part, que ne sont admissibles que les dépenses qui sont exclusivement destinées à la réalisation du projet motivant la demande d’aide et, d’autre part, que les États membres, par leurs contrôles, doivent s’assurer de l’utilisation appropriée des ressources des Fonds.

204    Il ressort des conclusions de la Cour des comptes que des biens achetés dans le cadre d’un projet financé par le Feader avaient été utilisés non pas exclusivement aux fins du projet, mais également pour développer de façon générale les activités de l’établissement assurant sa réalisation.

205    Il convient de relever que la République de Lituanie ne conteste pas expressément cette conclusion de la Cour des comptes. En effet, la République de Lituanie s’attache à démontrer, dans ses écritures, que tous les biens en cause étaient nécessaires à la réalisation des objectifs du projet et qu’ils ont été affectés à cette fin, de sorte que le projet a été réalisé intégralement grâce aux biens en cause.

206    Or, il ne suffit pas que 100 % du projet ait été réalisé grâce aux biens acquis dans le cadre du projet financé par le Feader, encore faut-il que 100 % de l’utilisation de ces biens ait été consacrée à la réalisation du projet, à l’exclusion de tout autre usage, pour que la dépense liée à leur acquisition soit considérée comme admissible.

207    Il s’ensuit que, dans la mesure où les biens en cause étaient également destinés à des fins autres que celles du projet, les autorités lituaniennes, dans le cadre de leur appréciation du caractère raisonnable de ces dépenses, auraient dû tenir compte de cette réalité.

208    Il en résulte que la Commission a considéré, à juste titre, que les dépenses relatives à ce projet ne satisfaisaient pas aux exigences de l’article 24, paragraphe 2, sous a), du règlement no 65/2011.

209    La République de Lituanie ne saurait remettre en cause cette conclusion en faisant valoir que l’achat du matériel était dûment justifié au moment du contrôle de la demande d’aide et que son utilisation s’inscrivait dans un cadre juridique approprié. En effet, pour être admissible, une dépense doit également être raisonnable, ce qui implique, dans le cas où les biens ont été utilisés à des fins autres que celles du projet, que l’aide soit diminuée au prorata de l’utilisation étrangère au projet qui en a été faite.

210    La République de Lituanie ne saurait davantage remettre en cause cette conclusion en faisant valoir que cette utilisation des biens à des fins autres que celles du projet n’a pas causé de préjudice financier au Feader.

211    Il convient de rappeler à cet égard qu’il ressort de la jurisprudence que même des irrégularités qui, par hypothèse, n’auraient pas d’impact financier précis peuvent sérieusement affecter les intérêts financiers de l’Union ainsi que le respect du droit de l’Union et justifier, dès lors, l’application de corrections financières par la Commission (voir arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 42 et jurisprudence citée).

212    La présente branche doit donc être écartée comme non fondée. Il convient, par voie de conséquence, de rejeter le moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013, commise en raison d’une interprétation et d’une application erronées des règlements no 73/2009 et no 1122/2009

213    Le présent moyen peut se diviser en quatre griefs.

214    Dans le cadre du premier grief, la République de Lituanie soutient, en substance, que la Commission a violé l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 en ne prenant pas en compte, aux fins de la détermination de la correction financière appliquée, les calculs effectués par les autorités lituaniennes concernant le préjudice financier causé aux Fonds, du fait de l’application d’une tolérance en matière de sanctions, non prévue par la législation de l’Union, en cas d’infraction aux règles d’identification et d’enregistrement des animaux pour l’année de demande 2014.

215    Dans le cadre du deuxième grief, la République de Lituanie soutient, en substance, que la Commission a violé l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 en ne prenant pas en compte, aux fins de la détermination de la correction financière appliquée, les calculs effectués par les autorités lituaniennes concernant le préjudice financier causé aux Fonds, du fait d’un système d’évaluation et de sanctions trop clément en cas de manquement avéré aux obligations d’identification et d’enregistrement des animaux.

216    Dans le cadre du troisième grief, la République de Lituanie soutient, en substance, que la Commission a interprété de manière erronée l’article 51, paragraphe 1, du règlement no 1122/2009 en constatant, sans fondement, que l’analyse de risques effectuée en Lituanie n’était pas conforme à cet article, étant donné qu’elle ne comprenait pas les facteurs de risques liés aux animaux.

217    Dans le cadre du quatrième grief, la République de Lituanie soutient, en substance, que la Commission a interprété de manière erronée l’article 84 du règlement no 1122/2009 en constatant, sans fondement, que l’examen des résultats des contrôles effectués en Lituanie n’était pas conforme au règlement, puisque la présentation des statistiques ne respectait pas intégralement le modèle de la Commission.

218    À titre liminaire, il convient de relever que la République de Lituanie ne conteste pas les faiblesses constatées pour les années de demande 2012 et 2013.

 Sur le premier grief, relatif à la tolérance des autorités lituaniennes en matière de sanctions

219    La République de Lituanie soutient que, d’une part, il a été remédié aux irrégularités constatées par la Commission avec l’adoption, le 16 septembre 2014, du décret 3D-613 portant approbation de la méthode d’application des sanctions pour violation des exigences de la conditionnalité et que, depuis cette adoption, la Commission ne lui avait plus adressé aucun grief sur ce point.  D’autre part, la Commission n’aurait, de manière injustifiée, pas tenu compte du calcul du préjudice présenté par les autorités lituaniennes pour l’année de demande 2014. Or, dans leur collaboration avec les représentants de la Commission, les autorités lituaniennes auraient déployé tous les efforts possibles pour que le préjudice financier causé à l’Union soit déterminé avec précision, de sorte qu’il ne serait pas permis de considérer qu’elles n’auraient pas fourni les informations nécessaires à la Commission, au sens de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013. La République de Lituanie ajoute que, à la suite de la modification de la méthode d’application des sanctions, les autorités compétentes ont réexaminé la situation de toutes les personnes ayant présenté une demande en 2014 et ayant fait l’objet d’un contrôle avant le 16 septembre 2014.

220    La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

221    Il ressort en substance du rapport de synthèse que la notion de « non-conformité mineure », prévue à l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 73/2009 et à l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009, n’a pas été correctement appliquée en Lituanie dans les cas d’infraction aux règles relatives à l’identification et à l’enregistrement des animaux ou aux règles relatives à la notification des événements liés aux animaux. Il en a résulté une tolérance en matière de sanctions non prévue par la réglementation de l’Union. En conséquence, la Commission a considéré que le système de contrôle et de sanction applicable à ces infractions n’était pas conforme à l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 73/2009, à l’article 47 du règlement no 1122/2009 et à l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009 et constituait une faiblesse dans un contrôle clé.

222    Il convient de relever que la République de Lituanie ne conteste pas les irrégularités relevées par la Commission. La République de Lituanie admet, dans ses écritures, que les autorités lituaniennes ont appliqué de manière erronée la notion de « non-conformité mineure » prévue à l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 73/2009 et à l’article 71, paragraphe 3, du règlement no 1122/2009 et fait preuve, ainsi, d’une tolérance en matière de sanctions non prévue par la réglementation de l’Union.

223    La République de Lituanie conteste en revanche la correction financière que la Commission lui a appliquée du fait de ces irrégularités et soutient qu’elle a écarté à tort le calcul du préjudice qu’elle a présenté concernant les risques auxquels les Fonds ont été exposés, alors que les autorités lituaniennes ont déployé tous les efforts possibles pour que le préjudice financier soit déterminé avec précision, au sens de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013.

224    Il convient de rappeler, ainsi que cela est mentionné au point 46 ci-dessus, que l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 dispose ce qui suit : 

« La Commission évalue les montants à exclure au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. Elle fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés, elle peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires. Des corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union. »

225    Il en résulte que le calcul du montant de la correction fondé sur une évaluation individuelle de l’incidence financière des différentes carences, sur la base des informations fournies par l’État membre concerné, est en principe admissible lorsqu’une telle évaluation individuelle n’implique pas d’efforts disproportionnés (voir arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T‑260/16, EU:T:2018:597, point 108 et jurisprudence citée).

226    Il ressort certes du dossier que, premièrement, les autorités lituaniennes ont remédié aux irrégularités constatées par l’adoption, le 16 septembre 2014, du décret 3D-613 du ministre de l’Agriculture portant modification de la méthode d’application des sanctions en cas d’infraction aux règles relatives à l’identification et à l’enregistrement des animaux ou aux règles relatives à la notification des événements liés aux animaux ; deuxièmement, depuis ce changement de méthode, la Commission ne leur a plus adressé de grief sur ce point et, troisièmement, par courrier électronique du 14 janvier 2016, les autorités lituaniennes, après y avoir été invitées une première fois à la suite de la réunion bilatérale du 28 mai 2015 et une seconde fois par courrier électronique du 23 décembre 2015, ont fourni des informations détaillées et précises concernant le calcul du préjudice qu’elles ont présenté du fait de ces erreurs dans l’application des sanctions en cas de non-respect des règles relatives à l’identification et à l’enregistrement des animaux ou des règles relatives à la notification des événements liés aux animaux.

227    Toutefois, il n’apparaît pas clairement que la nouvelle méthode a été appliquée par les autorités lituaniennes de manière rétroactive, d’une part, et que de nouvelles évaluations couvrant la période du 1er janvier au 16 septembre 2014 avaient été réalisées sur la base de cette méthode pour l’ensemble des bénéficiaires d’aides, d’autre part.

228    En effet, ainsi que le souligne à juste titre la Commission dans ses écritures, il ressort des courriers du ministère de l’Agriculture de la République de Lituanie du 7 mai 2015 et du 26 août 2016 que, premièrement, la nouvelle méthode n’a été appliquée qu’à partir du 16 septembre 2014 et, deuxièmement, seules les personnes et entités pour lesquelles il avait déjà été établi une infraction en matière de marquage ont été de nouveau évaluées et contrôlées à la lumière de cette nouvelle méthode.

229    En outre, il convient de relever que la République de Lituanie ne fournit aucun élément de preuve permettant de corroborer l’allégation formulée dans la réplique selon laquelle les autorités lituaniennes ont réexaminé la situation de toutes les personnes ayant présenté une demande en 2014 et ayant fait l’objet d’un contrôle avant le 16 septembre 2014, à la lumière des critères définis par cette nouvelle méthode.

230    En tout état de cause, cette allégation ne saurait, contrairement à ce qu’a soutenu la République de Lituanie lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, être corroborée par les informations contenues dans l’annexe B7 de la requête. En effet, il ne ressort pas clairement de cette annexe que les autorités lituaniennes ont réexaminé la situation de toutes les personnes ayant présenté une demande en 2014 et ayant fait l’objet d’un contrôle avant le 16 septembre 2014, à la lumière des critères définis par cette nouvelle méthode.

231    Il s’ensuit que, bien qu’elle ait fourni à la Commission un calcul du préjudice financier auquel les Fonds avaient été exposés du fait des irrégularités constatées, la République de Lituanie n’a pas été en mesure de présenter un calcul permettant de déterminer avec précision l’ampleur réelle du risque. Il restait un risque réel pour les Fonds dont le calcul de la République de Lituanie ne tenait pas compte.

232    En conséquence, la Commission n’a pas violé l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 en écartant le calcul du préjudice de la République de Lituanie.

233    Partant, le présent grief doit être écarté comme non fondé.

 Sur le deuxième grief, relatif au système d’évaluation et de sanctions trop clément en cas de non-respect des règles relatives à l’identification et à l’enregistrement des animaux

234    La République de Lituanie soutient, tout d’abord, qu’il a été remédié aux irrégularités constatées par la Commission avec l’adoption, le 16 septembre 2014, du décret 3D-613 portant approbation de la méthode d’application des sanctions pour violation des exigences de la conditionnalité et que, depuis cette adoption, la Commission ne lui a plus adressé aucun grief sur ce point. Ensuite, la Commission n’aurait, de manière injustifiée, pas tenu compte du calcul du préjudice présenté par les autorités lituaniennes pour l’année de demande 2014. Or, dans leur collaboration avec les représentants de la Commission, les autorités lituaniennes auraient déployé tous les efforts possibles pour que le préjudice financier causé à l’Union soit déterminé avec précision, de sorte qu’il ne serait pas permis de considérer qu’elles n’auraient pas fourni les informations nécessaires à la Commission, au sens de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013. En outre, les autorités lituaniennes auraient réexaminé les données en fonction des nouvelles exigences prévues par la nouvelle méthode. Enfin, la Commission aurait manqué à son obligation de motivation en ne fournissant pas de justification au rejet des calculs présentés.

235    La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

236    Il ressort en substance du rapport de synthèse que le système d’évaluation et de sanctions appliqué en Lituanie en cas de non-respect avéré des règles relatives à l’identification et à l’enregistrement des animaux ou des règles relatives à la notification des événements liés aux animaux était trop clément. En particulier, ledit système n’évaluait pas l’impact de la « gravité », de l’« étendue » et de la « permanence » des irrégularités de manière appropriée et équilibrée, comme le prévoient l’article 24 du règlement no 73/2009 et l’article 47 du règlement no 1122/2009. En conséquence, la Commission a considéré que ce système n’était pas conforme à l’article 71, paragraphe 1, du règlement no 1122/2009 et constituait une faiblesse dans un contrôle clé, puisqu’il ne garantissait pas la réduction de l’aide en fonction des irrégularités constatées.

237    Il convient de relever que la République de Lituanie ne conteste pas les irrégularités constatées par la Commission et admet, dans ses écritures, que le système d’évaluation et de sanctions appliqué en Lituanie n’évaluait pas l’impact de la « gravité », de « l’étendue » et de la « permanence » des irrégularités de manière appropriée et équilibrée, comme le prévoient l’article 24 du règlement no 73/2009 et l’article 47 du règlement no 1122/2009.

238    La République de Lituanie conteste en revanche la correction financière que la Commission lui a appliquée du fait de ces irrégularités et soutient qu’elle a écarté à tort le calcul du préjudice qu’elle a présenté concernant les risques auxquels les Fonds avaient été exposés, alors que les autorités lituaniennes ont déployé tous les efforts possibles pour que le préjudice financier soit déterminé avec précision, au sens de l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013.

239    Il convient de rappeler, ainsi que cela est mentionné au point 46 ci-dessus, que l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 dispose ce qui suit : 

« La Commission évalue les montants à exclure au vu, notamment, de l’importance de la non-conformité constatée. La Commission tient compte de la nature de l’infraction, ainsi que du préjudice financier causé à l’Union. Elle fonde l’exclusion sur la mise en évidence des montants indûment dépensés et, lorsque ceux-ci ne peuvent être mis en évidence en déployant des efforts proportionnés, elle peut appliquer des corrections extrapolées ou forfaitaires. Des corrections forfaitaires ne sont appliquées que lorsque, en raison de la nature du cas ou parce que l’État membre n’a pas fourni les informations nécessaires à la Commission, il n’est pas possible, en déployant des efforts proportionnés, de déterminer plus précisément le préjudice financier causé à l’Union. »

240    Il en résulte que le calcul du montant de la correction fondé sur une évaluation individuelle de l’incidence financière des différentes carences, sur la base des informations fournies par l’État membre concerné, est en principe admissible lorsqu’une telle évaluation individuelle n’implique pas d’efforts disproportionnés (voir arrêt du 25 septembre 2018, Suède/Commission, T‑260/16, EU:T:2018:597, point 108 et jurisprudence citée).

241    En premier lieu, s’agissant du rejet du calcul présenté, tout d’abord, ainsi qu’il ressort des points 226 à 229 ci-dessus, il n’apparaît pas clairement que la nouvelle méthode a été appliquée par les autorités lituaniennes de manière rétroactive, d’une part, et que de nouvelles évaluations couvrant la période du 1er janvier au 16 septembre 2014 avaient été réalisées sur la base de cette méthode pour l’ensemble des bénéficiaires d’aides, d’autre part.

242    Ensuite, s’il ressort effectivement du dossier que, par courrier électronique du 14 janvier 2016, les autorités lituaniennes, après y avoir été invitées par la Commission une première fois à la suite de la réunion bilatérale du 28 mai 2015 et une seconde fois par courrier électronique du 23 décembre 2015, ont fourni des informations plus détaillées concernant le calcul du préjudice qu’elles ont présenté du fait de ces irrégularités, les informations communiquées par les autorités lituaniennes sont toutefois demeurées succinctes et n’ont pas permis à la Commission d’apprécier la pertinence du calcul présenté et l’étendue des modifications opérées à la suite de l’application de la nouvelle méthode.

243    Il convient de relever, à cet égard, ainsi que le souligne la Commission dans la duplique, que les explications fournies par la République de Lituanie aux points 76 et 77 de la réplique, tenant au calcul du préjudice à la suite de l’adoption de la nouvelle méthode d’application des sanctions, à supposer qu’elles soient correctes, n’ont pas été présentées à la Commission au cours de la procédure administrative.

244    Enfin, il convient de relever que la République de Lituanie reconnaît dans la réplique que les rapports de contrôle n’ont pas été modifiés après l’entrée en vigueur de la nouvelle méthode. Il s’ensuit que le calcul présenté par les autorités lituaniennes a été établi sur la base de données non enregistrées et, partant, non vérifiables par la Commission.

245    Dans ces circonstances, la Commission a écarté, à juste titre, le calcul du préjudice présenté par la République de Lituanie.

246    Il s’ensuit que c’est à tort que la République de Lituanie reproche à la Commission d’avoir violé l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 en écartant le calcul du préjudice qu’elle avait présenté.

247    En outre, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence mentionnée aux points 47 à 51 ci-dessus, il appartient à l’État membre concerné de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission.

248    Par ailleurs, selon une jurisprudence constante et à la lumière des orientations établies dans le document VI/5330/97 qu’elle a adopté le 23 décembre 1997, intitulé « Orientations concernant le calcul des conséquences financières lors de la préparation de la décision d’apurement des comptes du FEOGA-Garantie » (ci-après les « orientations »), lorsqu’il n’est pas possible d’évaluer précisément les pertes subies par l’Union, une correction forfaitaire peut être envisagée par la Commission (voir arrêt du 8 novembre 2018, Lituanie/Commission, T‑34/16, non publié, EU:T:2018:753, point 23 et jurisprudence citée).

249    En particulier, lorsqu’un État membre a effectué tous les contrôles clés, mais sans respecter le nombre, la fréquence ou la rigueur préconisés par les règlements, il convient, conformément à l’annexe 2, dix-huitième alinéa, des orientations, d’appliquer une correction à hauteur de 5 %, dans la mesure où il peut raisonnablement être conclu que ces contrôles n’offrent pas le niveau attendu de garantie de régularité des demandes et que le risque de pertes pour le FEAGA est significatif. En revanche, lorsqu’un État membre a correctement effectué les contrôles clés, mais a complètement omis d’effectuer un ou plusieurs contrôles secondaires, il convient, conformément à l’annexe 2, dix-neuvième alinéa, des orientations, d’appliquer une correction à hauteur de 2 %, compte tenu du faible risque de pertes pour le FEAGA et de la faible gravité de l’infraction (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2018, Lituanie/Commission, T‑34/16, non publié, EU:T:2018:753, point 24 et jurisprudence citée).

250    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument inopérant de la République de Lituanie selon lequel le comité de conciliation n’aurait ni confirmé ni infirmé le calcul présenté par les autorités lituaniennes.

251    En second lieu, s’agissant de l’obligation de motivation, il convient de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle la motivation exigée à l’article 296 TFUE doit faire apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction de l’Union d’exercer son contrôle. Néanmoins, la mesure de l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté (voir arrêt du 6 juillet 2015, Italie/Commission, T‑44/11, non publié, EU:T:2015:469, points 78 et 79 et jurisprudence citée).

252    S’agissant plus précisément des décisions de la Commission en matière d’apurement des comptes des fonds structurels, les décisions de la Commission sont prises sur le fondement d’un rapport de synthèse ainsi que d’une correspondance entre la Commission et l’État membre concerné. Dans ce contexte particulier d’élaboration des décisions de conformité, la motivation d’une décision doit être considérée comme suffisante dès lors que l’État destinataire a été étroitement associé au processus d’élaboration de cette décision et qu’il connaissait les raisons pour lesquelles la Commission estimait ne pas devoir mettre à la charge des fonds en cause les sommes litigieuses (voir arrêt du 8 novembre 2018, Lituanie/Commission, T‑34/16, non publié, EU:T:2018:753, point 30 et jurisprudence citée).

253    Il y a également lieu de rappeler la jurisprudence selon laquelle l’obligation de motivation constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (arrêts du 22 mars 2001, France/Commission, C‑17/99, EU:C:2001:178, point 35, et du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, EU:T:2009:163, point 63). Les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé de cet acte sont dès lors dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de la motivation (voir arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 45 et jurisprudence citée).

254    En l’espèce, il convient de constater que, d’une part, dans la communication officielle du 20 juillet 2016, la Commission a expressément informé les autorités lituaniennes des raisons pour lesquelles elle ne pouvait pas approuver les estimations présentées par ces dernières au sujet du risque auquel les Fonds avaient été exposés pour les années de demande 2012, 2013 et 2014. En effet, la Commission y a clairement précisé que, dans la mesure où ces estimations n’étaient pas fondées sur des résultats de contrôles enregistrés, elles ne permettaient pas de démontrer les conséquences financières réelles des défaillances constatées.

255    D’autre part, ainsi qu’il ressort du point 242 ci-dessus, la Commission a, tout au long de la procédure administrative, indiqué aux autorités lituaniennes les informations qu’elle estimait nécessaires pour pouvoir apprécier le bien-fondé du calcul du préjudice présenté. 

256    Il ressort ainsi de ce qui précède que, eu égard au fait que les autorités lituaniennes ont été largement associées au processus de détermination du préjudice subi par l’Union et qu’elles avaient par ailleurs connaissance de la raison pour laquelle la Commission ne pouvait pas retenir le calcul qu’elle avait présenté, la Commission a suffisamment explicité les raisons pour lesquelles elle estimait devoir appliquer une correction forfaitaire de 2 %. La République de Lituanie ne saurait donc ignorer les motifs pour lesquels la Commission a écarté le calcul du préjudice présenté par les autorités lituaniennes.

257    Partant, il y a lieu d’écarter comme non fondé l’argument de la République de Lituanie tiré d’un prétendu défaut de motivation en ce que la Commission n’aurait pas fourni de justifications au rejet des calculs présentés.

258    Le présent grief doit donc être écarté comme non fondé.

 Sur le troisième grief, relatif aux lacunes dans l’analyse de risques

259    La République de Lituanie soutient que la Commission a interprété de manière erronée l’article 51, paragraphe 1, du règlement no 1122/2009 en considérant, sans fondement, que l’analyse de risques effectuée par les autorités lituaniennes n’était pas conforme à cet article, puisqu’elle ne comprenait pas les facteurs de risques liés aux animaux. À cet égard, la République de Lituanie fait valoir que  les facteurs de risque utilisés dans le cadre de la conditionnalité sont déterminés par les États membres et non par la Commission. En outre, la Commission aurait été informée de l’application, depuis 2014, pour l’analyse des paiements directs et des paiements à la surface du programme de développement rural, d’un nouveau facteur de risque lié aux animaux d’élevage du demandeur. Ce nouveau facteur aurait permis de garantir un contrôle efficace pour l’année 2014.

260    La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

261    Il ressort, en substance, du rapport de synthèse que l’analyse de risques effectuée par les autorités lituaniennes pour sélectionner les bénéficiaires d’aides à contrôler soumis aux exigences réglementaires en matière de gestion (ERMG) liées aux animaux n’était pas conforme à l’article 51, paragraphe 1, du règlement no 1122/2009. En particulier, l’analyse de risques effectuée pour les bénéficiaires des aides au titre du régime de paiement unique à la surface ne comportait aucun facteur de risque lié aux animaux. En conséquence, la Commission a considéré que cette absence constituait une faiblesse dans un contrôle auxiliaire.

262    À cet égard, la République de Lituanie soutient que, conformément aux dispositions pertinentes du règlement no 1122/2009, la détermination des facteurs de risque et l’évaluation de leur efficacité relèvent de la seule compétence des États membres, et non de la Commission. La République de Lituanie ajoute que la Commission avait été informée de la prise en compte, depuis 2014, d’un nouveau facteur de risque lié aux animaux d’élevage. En outre, la République de Lituanie souligne que ce nouveau facteur de risque avait garanti un contrôle efficace pour l’année de demande 2014.

263    Ces arguments ne sont pas de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission et à démontrer la conformité avec l’article 51, paragraphe 1, du règlement no 1122/2009 de l’analyse de risques effectuée par les autorités lituaniennes.

264    En effet, premièrement, la République de Lituanie ne saurait utilement contester les irrégularités constatées par la Commission en affirmant, sans produire d’élément de preuve, que ce nouveau facteur de risque avait été pris en compte dans l’analyse de risques effectuée pour sélectionner les bénéficiaires d’aides au titre du régime de paiement unique à la surface et de paiements au titre du développement rural et en se bornant à prétendre, dans ses écritures, que la Commission en avait été informée.

265    Deuxièmement, si le considérant 40 du règlement no 1122/2009 précise effectivement que l’autorité compétente établit les facteurs de risque, étant donné qu’elle est mieux à même de choisir les facteurs de risque appropriés, l’article 51, paragraphe 1, du règlement no 1122/2009 dispose, néanmoins, que l’analyse de risques doit répondre aux prescriptions de la législation applicable ou être adaptée aux exigences et normes concernées.

266    En l’espèce, la République de Lituanie n’a pas démontré en quoi l’utilisation de ce nouveau facteur de risque lié aux animaux d’élevage avait garanti une analyse de risques conforme aux ERMG liées aux animaux. En effet, la République de Lituanie se borne à affirmer à l’appui d’un tableau, sans plus d’explications, que l’utilisation de ce facteur avait garanti un contrôle efficace pour l’année 2014.

267    Or, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence mentionnée aux points 47 à 51 ci-dessus, il appartient à l’État membre concerné de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission.

268    Par ailleurs, ainsi que le souligne la Commission, bien que ce nouveau critère de risque permette de sélectionner un plus grand nombre d’exploitations d’élevage, il ne garantit pas, en revanche, que toutes les exigences réglementaires en matière de gestion ont été contrôlées. En effet, les autorités compétentes doivent choisir les critères de risques à appliquer pour que l’échantillon soumis aux contrôles comprenne une diversité de bénéficiaires reflétant l’ensemble des risques connus. Or, ce nouveau critère de risques n’établit pas de distinction, d’une part, entre les espèces d’animaux, de sorte qu’il ne permet pas de distinguer les exploitations bovines, porcines, ovines-caprines ou mixtes et, d’autre part, entre les activités agricoles consistant en la production de lait ou de viande, de sorte que l’exigence réglementaire en matière de gestion no 11, relative à la sécurité des animaux, visée à l’annexe II du règlement no 73/2009, ne peut être vérifiée, ou alors seulement de manière limitée.

269    Il s’ensuit que la Commission n’a pas violé l’article 51, paragraphe 1, du règlement no 1122/2009 en constatant que l’analyse de risques effectuée par les autorités lituaniennes n’était pas conforme à cet article.

270    Partant, le présent grief doit être écarté comme non fondé.

 Sur le quatrième grief, relatif aux données statistiques de contrôle

271    La République de Lituanie soutient que la Commission a interprété de manière erronée l’article 84 du règlement no 1122/2009 en considérant, sans fondement, que l’examen des résultats des contrôles effectués en Lituanie n’était pas conforme à cet article, au motif que leur présentation ne respectait pas complètement les exigences formelles de la Commission. À cet égard, la République de Lituanie fait valoir que, premièrement, l’article 84 du règlement no 1122/2009 n’impose pas l’obligation de présenter les données statistiques selon le modèle uniforme établi par la Commission. Deuxièmement, la Commission n’aurait pas tenu compte, dans ses rapports, des statistiques corrigées qu’elle a présentées pour l’année 2014. Troisièmement, cette non-conformité des statistiques avec les exigences formelles de la Commission n’aurait causé aucun préjudice aux Fonds.

272    La Commission conteste les arguments de la République de Lituanie.

273    Il ressort, en substance, du rapport de synthèse que les données statistiques annuelles de contrôle transmises par les autorités lituaniennes, en application de l’article 84 du règlement no 1122/2009, auraient été de qualité insuffisante. Plus précisément, leur présentation n’aurait pas permis à la Commission d’effectuer une analyse pertinente des résultats des contrôles liés à la conditionnalité au regard de chaque ERMG. En conséquence, la Commission les a jugées peu fiables et inadéquates.

274    Les arguments de la République de Lituanie ne sont pas de nature à remettre en cause la conclusion de la Commission.

275    En effet, premièrement, si l’article 84 du règlement no 1122/2009 n’exige pas des États membres qu’ils communiquent leurs données statistiques sous une forme particulière, il leur impose toutefois de transmettre des données statistiques qui permettent à la Commission de s’assurer que les règles liées à la conditionnalité ont été correctement mises en œuvre.

276    Conformément à cet article, les États membres sont tenus de fournir à la Commission, au plus tard le 15 juillet de chaque année, des informations qui démontrent qu’ils ont respecté toutes leurs obligations liées à la conditionnalité.

277    Or, la République de Lituanie reconnaît, dans ses écritures, que les données statistiques fournies par les autorités lituaniennes n’étaient pas conformes au modèle établi par la Commission et que leur présentation présentait des inconvénients pour la Commission aux fins de son analyse des résultats des contrôles effectués. Les autorités lituaniennes admettent, dans un courrier électronique du 13 janvier 2017 adressé à la Commission, que les données statistiques présentées ne permettaient pas de faire de distinction entre les ERMG. En particulier, les résultats des contrôles d’identification et d’enregistrement des animaux étaient présentés sur une seule ligne et sans distinction entre les ERMG nos 6, 7 et 8.

278    Il s’ensuit, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, que les données présentées ne lui permettaient pas de s’assurer, ERMG par ERMG, de la réalité et de la fiabilité des contrôles effectués. La Commission fait valoir en ce sens que les données telles que présentées ne permettaient pas d’établir si le nombre de manquements, pour une ERMG spécifique, avait stagné ou diminué par rapport à l’année précédente ou encore si un manquement s’était aggravé par rapport à l’année précédente.

279    Car, contrairement à ce que fait valoir la République de Lituanie dans la réplique, l’objectif de ces données statistiques consiste notamment à permettre à la Commission de pouvoir comparer, pour chaque ERMG, le taux de manquements de l’année de contrôle avec le taux de manquements de l’année précédente.

280    En outre, la République de Lituanie, à qui la charge de la preuve incombe conformément à la jurisprudence mentionnée aux points 47 à 51 ci-dessus, n’a étayé par aucun élément de preuve l’allégation selon laquelle les objectifs de l’examen des données statistiques n’auraient pas été altérés par cette présentation des données non conformes.

281    En conséquence, il convient d’écarter l’argument de la République de Lituanie selon lequel la Commission a procédé à une interprétation erronée de l’article 84 du règlement no 1122/2009 en considérant que la qualité des statistiques présentées par les autorités lituaniennes était insuffisante et inadéquate pour suivre et contrôler la mise en œuvre de la conditionnalité pour l’année de demande 2014.

282    Deuxièmement, il convient d’écarter l’argument de la République de Lituanie selon lequel la Commission n’aurait pas informé les autorités lituaniennes de l’insuffisance des données statistiques transmises pour l’année de demande 2014.

283    Ainsi qu’il ressort de l’annexe B 5 de la requête, la Commission avait informé les autorités lituaniennes du fait que les données statistiques présentées pour les années de demande 2012 et 2013 étaient insuffisantes et ne lui permettaient pas de suivre et de contrôler efficacement la mise en œuvre de la conditionnalité pour ces années.

284    Il s’ensuit que, dans la mesure où les données statistiques présentées pour l’année de demande 2014 correspondaient, dans leur contenu et dans leur présentation, aux données statistiques présentées pour les années de demande 2012 et 2013, la République de Lituanie pouvait aisément supposer que les insuffisances constatées concernant les données des années de demande 2012 et 2013 seraient également constatées concernant les données de l’année de demande 2014.

285    Troisièmement, il convient d’écarter l’argument de la République de Lituanie selon lequel la Commission aurait, à tort, omis de prendre en compte les données corrigées qui lui avaient été transmises.

286    Il suffit de rappeler qu’il ressort de l’article 84 du règlement no 1122/2009 que les États membres sont tenus de fournir à la Commission leurs données statistiques, au plus tard le 15 juillet de chaque année, aux fins de permettre à la Commission de s’assurer que les règles liées à la conditionnalité ont été correctement mises en œuvre.

287    Il s’ensuit, ainsi que le souligne la Commission, que des données présentées avec un an et demi de retard par rapport à ce que prévoit l’article 84 du règlement no 1122/2009 étaient trop tardives pour pouvoir remplir utilement leurs fonctions et, notamment, lui permettre, si nécessaire, de prendre des mesures.

288    Au demeurant, si la République de Lituanie entend démontrer par cette présentation tardive qu’elle s’est conformée à l’article 84 du règlement no 1122/2009, il convient de rappeler que le Tribunal a déjà considéré que l’attitude d’un État membre se prévalant des mesures de correction adoptées à la suite d’un audit est révélatrice de la reconnaissance par l’État membre de la non-conformité du système national avec la réglementation de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 8 novembre 2018, Lituanie/Commission, T‑34/16, non publié, EU:T:2018:753, point 50 et jurisprudence citée).

289    Quatrièmement, conformément à la jurisprudence rappelée au point 211 ci-dessus, il convient d’écarter l’argument selon lequel cette non-conformité des statistiques avec les exigences formelles de la Commission n’aurait causé aucun préjudice aux Fonds.

290    Il ressort de la jurisprudence que même des irrégularités qui, par hypothèse, n’auraient pas d’impact financier précis peuvent sérieusement affecter les intérêts financiers de l’Union ainsi que le respect du droit de l’Union et justifier, dès lors, l’application de corrections financières par la Commission (voir arrêt du 12 juillet 2017, Estonie/Commission, T‑157/15, non publié, EU:T:2017:483, point 42 et jurisprudence citée).

291    Il s’ensuit que la Commission n’a pas interprété de manière erronée l’article 84 du règlement no 1122/2009 en constatant que la qualité des données statistiques annuelles fournies n’était pas fiable et ne permettait pas de suivre et de contrôler la mise en œuvre du système de conditionnalité.

292    Le présent grief doit, dès lors, être écarté comme non fondé. Il convient, par voie de conséquence, de rejeter le moyen dans son intégralité.

293    Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

294    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

295    La République de Lituanie ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

296    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Dès lors, la République tchèque supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République de Lituanie supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      La République tchèque supportera ses propres dépens.

Schalin

Berke

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 janvier 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : le lituanien.