DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

22 septembre 2021 (*)

« Dumping – Importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de Chine et de Russie – Droit antidumping définitif – Article 18 du règlement (CE) no 1225/2009 [devenu article 18 du règlement (UE) 2016/1036] – Recours aux données disponibles – Article 2, paragraphes 3, 4, 9, 10 et 12, du règlement no 1225/2009 (devenu article 2, paragraphes 3, 4, 9, 10 et 12, du règlement 2016/1036) – Calcul de la valeur normale, du prix à l’exportation et de la marge de dumping – Article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement no 1225/2009 (devenu article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement 2016/1036) – Détermination de l’existence du préjudice – Article 3, paragraphe 7, du règlement no 1225/2009 (devenu article 3, paragraphe 7, du règlement 2016/1036) – Lien de causalité – Article 2, paragraphe 9, et article 9, paragraphe 4, du règlement no 1225/2009 (devenus article 2, paragraphe 9, et article 9, paragraphe 4, du règlement 2016/1036) – Élimination du préjudice – Droits de la défense – Principe de bonne administration – Proportionnalité – Erreurs manifestes d’appréciation »

Dans l’affaire T‑753/16,

PAO Severstal, établie à Cherepovets (Russie), représentée par M. D. O’Keeffe, solicitor, Mes N. Tuominen et M. Krestiyanova, avocates,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J.‑F. Brakeland, Mmes K. Blanck et E. Schmidt, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Mes O. Prost, A. Coelho Dias et S. Seeuws, avocats,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2016/1328 de la Commission, du 29 juillet 2016, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie (JO 2016, L 210, p. 1),

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de M. E. Buttigieg (rapporteur), faisant fonction de président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. G. Hesse, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 1er octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, PAO Severstal, est une société de droit russe active sur le marché de la fabrication et de la distribution de produits sidérurgiques, notamment, de produits plats laminés à froid en acier (ci-après le « produit concerné »).

2        À la suite d’une plainte déposée le 1er avril 2015 par Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL (ci-après « Eurofer »), la Commission européenne a publié le 14 mai 2015 un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie (JO 2015, C 161, p. 9), conformément au règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51, rectificatif JO 2010, L 7, p. 22, ci-après le « règlement de base »), remplacé par le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21).

3        L’enquête relative au dumping et au préjudice a porté sur la période comprise entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2015 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des évolutions pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période allant du 1er janvier 2011 au 31 mars 2015 (ci-après la « période considérée »).

4        Le 26 mai 2015, la requérante a déposé sa réponse au questionnaire d’échantillonnage. Le 12 juin 2015, la Commission a informé la requérante de sa décision de ne pas procéder par échantillonnage et d’enquêter sur tous les exportateurs russes ayant coopéré à la procédure, y compris la requérante.

5        Le 29 juin 2015, la requérante a présenté des observations concernant le préjudice, le lien de causalité entre le préjudice allégué et les importations litigieuses, l’intérêt de l’Union européenne ainsi que la légalité de l’ouverture de la procédure antidumping.

6        Le 27 juillet 2015, la requérante a déposé sa réponse au questionnaire antidumping. Par courriel du 3 août 2015, la Commission lui a demandé de fournir des informations complémentaires. Par courriel du 13 août 2015, la requérante a fourni des informations complémentaires à la Commission. Par lettre du 10 septembre 2015, la Commission a invité la requérante à pallier ce qu’elle considérait comme des lacunes dans ses réponses et a indiqué que, sauf accord, aucune nouvelle information ne serait acceptée lors de la visite de vérification. Le 24 septembre 2015, la requérante a transmis à la Commission des informations et des clarifications supplémentaires.

7        Le 21 septembre 2015, la Commission a effectué une visite de vérification sur place dans les locaux de l’un des négociants liés de la requérante établi en Suisse et, entre les 5 et 8 octobre de la même année, dans les locaux de la requérante à Cherepovets (Russie). Enfin, les 12 et 13 octobre 2015, la Commission a effectué une visite de vérification dans les locaux d’un négociant lié établi en Lettonie.

8        Par lettre du 30 octobre 2015, la Commission a informé la requérante de son intention d’appliquer l’article 18 du règlement de base (devenu article 18 du règlement 2016/1036). La Commission a indiqué que l’application de ladite disposition se justifiait, premièrement, par le fait que la requérante n’avait pas fourni les informations nécessaires dans les délais prévus et, deuxièmement, par le fait qu’elle avait entravé le bon déroulement de l’enquête de manière significative en ne fournissant pas la documentation demandée par la Commission pour le début de la visite de vérification.

9        Par lettre du 13 novembre 2015, la requérante a formulé des objections à l’encontre de l’intention de la Commission d’appliquer l’article 18 du règlement de base tout en exprimant sa volonté de continuer à coopérer.

10      Le 18 novembre 2015, la requérante a été entendue au cours d’une audition avec les services de la Commission. Le 23 novembre 2015, elle a adressé des observations supplémentaires à la Commission.

11      Le 10 février 2016, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2016/181, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie (JO 2016, L 37, p. 1, ci-après le « règlement provisoire »). Le règlement provisoire a institué un droit antidumping provisoire de 25,4 % sur les exportations du produit concerné réalisées par la requérante vers l’Union pendant une période de six mois à compter du 12 février 2016.

12      Aux considérants 58 et 59 du règlement provisoire, la Commission a confirmé l’application de l’article 18 du règlement de base à la requérante aux fins de la détermination de la valeur normale.

13      Dans ses observations du 8 mars 2016, la requérante a exprimé son désaccord avec les conclusions figurant dans le règlement provisoire quant à l’application de l’article 18 du règlement de base. Le 25 avril 2016, elle a été de nouveau entendue au cours d’une audition.

14      Le 30 mai 2016, la Commission a émis une communication de ses conclusions définitives relatives au dumping et au préjudice, dans laquelle elle a rejeté l’ensemble des arguments avancés par la requérante, décidé de maintenir l’application de l’article 18 du règlement de base et suggéré l’institution d’un droit antidumping définitif de 34,1 % sur les exportations du produit concerné vers l’Union réalisées par la requérante.

15      Par lettre du 9 juin 2016, la requérante a formulé des objections à l’encontre des conclusions définitives de la Commission.

16      Le 20 juin 2016, la Commission a émis une communication supplémentaire concise de ses conclusions définitives.

17      Le 29 juillet 2016, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2016/1328, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de certains produits plats laminés à froid en acier originaires de la République populaire de Chine et de la Fédération de Russie (JO 2016, L 210, p. 1, ci-après le « règlement attaqué »).

 Procédure et conclusions des parties

18      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 octobre 2016, la requérante a introduit le présent recours.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 1er mars 2017, Eurofer a demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

20      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 10 mars et le 30 mars 2017 respectivement, la Commission et la requérante ont demandé que certaines informations contenues dans leurs mémoires fassent l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard d’Eurofer si celle-ci était admise à intervenir. Elles ont joint une version non confidentielle desdits mémoires auxdites demandes.

21      Par ordonnance du 31 mai 2017, le président de la deuxième chambre a admis l’intervention d’Eurofer et a ordonné la communication à celle-ci des versions non confidentielles des mémoires en cause.

22      Par décision du président de la deuxième chambre du 24 avril 2018, la procédure a été suspendue à la demande de la requérante pour une durée de 18 mois.

23      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la dixième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée par décision du 16 octobre 2019.

24      Par décision du président de la dixième chambre du 12 novembre 2019, la demande de prolongation de la période de suspension initiale a été rejetée.

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué dans la mesure où il la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La requérante demande en outre au Tribunal à ce qu’il exclue expressément la réouverture de l’enquête ou l’ouverture d’une nouvelle enquête par la Commission à la suite de l’annulation du règlement attaqué en raison du caractère profondément erroné de l’enquête en cause à son égard. Les violations du droit à un procès équitable et de ses éléments constitutifs ainsi que de l’article 18 du règlement de base seraient fondamentales et généralisées, de sorte qu’elles entacheraient l’ensemble des conclusions relatives à la requérante concernant la valeur normale. Dans la mesure où il s’agirait d’une condition essentielle aux fins de la détermination du taux de droit antidumping applicable, elle ne saurait être détachée du reste du règlement attaqué, ce qui justifierait l’annulation intégrale de ce dernier pour autant qu’il concerne la requérante.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

28      Pour autant que les conclusions de la requérante vont au-delà d’une demande d’annulation du règlement attaqué, la Commission rappelle que les juridictions de l’Union n’ont pas le pouvoir d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union et qu’il appartient à ces dernières de prendre les mesures nécessaires pour se conformer aux arrêts du Tribunal. La demande tendant à ce que le Tribunal interdise à la Commission de rouvrir l’enquête antidumping serait donc manifestement irrecevable. La Commission ajoute qu’elle est d’accord avec la requérante pour considérer que, en cas d’annulation partielle du règlement attaqué, les effets de ce dernier devraient être maintenus à l’égard de la requérante, par exemple jusqu’à ce que la Commission ait pu adopter les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt.

29      Eurofer n’a pas déposé de mémoire en intervention dans le délai imparti.

 En droit

30      À l’appui du recours, la requérante invoque six moyens. Le premier moyen est tiré d’une violation de l’article 18 du règlement de base, de l’article 6.8 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3), de l’annexe II de l’accord antidumping et du principe de proportionnalité ainsi que d’une erreur manifeste d’appréciation. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du droit à un procès équitable et des droits de la défense. Le troisième moyen est tiré d’une violation de l’article 2, paragraphes 3, 4, 9, 10 et 12, du règlement de base (devenus article 2, paragraphes 3, 4, 9, 10 et 12, du règlement 2016/1036) et d’erreurs manifestes d’appréciation. Le quatrième moyen est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement de base (devenu article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement 2016/1036), de l’article 3.1 de l’accord antidumping ainsi que d’une dénaturation des éléments de preuve et d’erreurs manifestes d’appréciation. Le cinquième moyen est tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base (devenu article 3, paragraphe 7, du règlement 2016/1036). Le sixième et dernier moyen est tiré d’une violation de l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 9, paragraphe 4, du règlement 2016/1036) et de l’article 2, paragraphe 9, dudit règlement ainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 18 du règlement de base, de l’article 6.8 et de l’annexe II de l’accord antidumping, du principe de proportionnalité et d’une erreur manifeste d’appréciation

31      Le premier moyen s’articule en trois branches.

 Sur la première branche du premier moyen

32      À titre liminaire, la requérante observe que l’affirmation de la Commission selon laquelle l’enquête antidumping en cause concernait un produit « semi-fini », si bien que les données nécessaires relatives à la production, aux ventes et aux coûts ne pouvaient pas être obtenues et vérifiées par les techniques de vérification habituelles, est incorrecte et prête à confusion.

33      Par la première branche du premier moyen, la requérante fait valoir que les conclusions énoncées aux considérants 76 et 77 du règlement provisoire et confirmées au considérant 37 du règlement attaqué ne comportent pas de motifs suffisants pour justifier l’application de l’article 18 du règlement de base à son égard en lui imposant le statut de non-coopérant partiel, qui a entraîné un important ajustement à la hausse des coûts de fabrication qu’elle avait déclarés. La requérante soutient plus particulièrement que, dans la mesure où, contrairement à ce que lui reproche la Commission, elle n’a pas omis de communiquer les informations nécessaires dans les délais prévus, ladite institution a violé l’article 18, paragraphe 1, dudit règlement (devenu article 18, paragraphe 1, du règlement 2016/1036).

34      La requérante relève à cet égard que le défaut de coopération au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base ne peut être caractérisé que par le refus d’accès aux informations, la non-communication des informations nécessaires dans les délais, l’entrave significative à l’enquête et la communication de renseignements faux ou trompeurs. Elle considère que l’application des données disponibles en vertu de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base ne saurait être interprétée comme étant seulement ou principalement liée à la qualité des données fournies, mais qu’elle doit nécessairement inclure une composante comportementale. Selon la requérante, sa coopération active ainsi que la qualité des données qu’elle a fournies au cours de la procédure s’opposaient à ce que la Commission applique l’article 18 du règlement de base à son égard.

35      Premièrement, elle aurait agi « au mieux de ses possibilités » en fournissant des données abondantes, détaillées et complexes en réponse au questionnaire antidumping et aux demandes de renseignements supplémentaires de la Commission dans les délais prévus et en acceptant de se soumettre aux visites de vérification. En particulier, elle n’aurait pas omis de présenter quelque donnée importante concernant le coût de production du produit concerné avant l’expiration d’un délai fixé. Il ressortirait plutôt du considérant 76 du règlement provisoire que la Commission n’était pas satisfaite de l’exhaustivité, de la qualité et de l’exactitude des données relatives aux coûts de fabrication, et plus particulièrement de celles sur les matières premières, qu’elle aurait fournies dans les délais prescrits. Selon la requérante, les motifs exposés aux considérants 76 et 77 du règlement provisoire ne suffisaient pas à satisfaire aux conditions énoncées à l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, car, même si les coûts de production déclarés présentaient des lacunes, celles-ci n’étaient pas d’une ampleur telle qu’elles permettaient de conclure qu’elle n’avait pas fourni les renseignements nécessaires.

36      La requérante fait notamment valoir qu’elle a déclaré le coût de fabrication et le coût des matières premières, y compris leur répartition sur la base des matières premières individuelles, dans les réponses au questionnaire de la Commission et dans les réponses supplémentaires aux lettres l’invitant à pallier certaines lacunes. En outre, au cours de la visite de vérification, la Commission aurait obtenu des renseignements encore plus précis sur la répartition du coût des matières premières, de sorte qu’elle aurait disposé de renseignements suffisants pour parvenir à des conclusions raisonnablement correctes concernant les coûts de fabrication de la requérante aux fins de la détermination de la valeur normale.

37      La requérante explique que, comme elle l’avait indiqué dans sa lettre du 13 novembre 2015 mentionnée au point 9 ci-dessus, conformément à son système de données, elle devait déclarer ses coûts sur la base de ses propres codes produits, qui ne pouvaient pas être automatiquement appliqués aux numéros de contrôle des produits (ci-après les « NCP ») figurant sur le questionnaire antidumping de la Commission, [confidentiel](1). Dans la mesure où [confidentiel], elle n’aurait pas pu satisfaire pleinement aux exigences de la Commission en raison des particularités de son système d’enregistrement, mais ces renseignements auraient dû permettre à la Commission de parvenir à des conclusions raisonnablement correctes sur le coût total de production. De plus, la Commission aurait refusé d’accepter les indications sur le rapprochement des coûts que la requérante avait tenté de fournir lors de la visite de vérification.

38      La requérante soutient par ailleurs que, comme elle l’a indiqué dans sa lettre du 13 novembre 2015, le coût réel (montant total facturé) des matières premières était reflété de façon appropriée et exacte dans son coût de production conformément aux normes comptables russes et internationales. La requérante ajoute que, même si les coûts n’ont pas été reflétés de façon appropriée et exacte, cela n’avait pas d’incidence significative sur la détermination des coûts de production.

39      En premier lieu, les divergences dans les données relatives au coût des matières premières identifiées lors de la vérification sur place à [confidentiel] de la lettre de la requérante, du 24 septembre 2015, en réponse à la deuxième lettre de la Commission, du 10 septembre 2015, l’invitant à pallier certaines lacunes, étaient négligeables, dès lors que la différence entre la valeur déclarée et la valeur vérifiée dans le système comptable au cours de la vérification sur place était en pratique inférieure à 1 %. Par ailleurs, la Commission aurait refusé d’accepter une version révisée de [confidentiel] avec des données exactes que la requérante avait proposé de fournir sans retard.

40      En second lieu, les problèmes identifiés par la Commission au considérant 76 du règlement provisoire n’auraient pas eu d’effet significatif sur le coût total des matières premières déclaré dans la réponse au questionnaire. La requérante fait valoir que, comme elle l’a indiqué dans sa lettre du 24 septembre 2015 susmentionnée et dans ses observations du 8 mars 2016, elle n’a pu déclarer dans sa réponse au questionnaire que le coût total, mais réel et vérifiable, des matières premières directes sur la base d’un code produit, dans la mesure où son système de comptabilisation informatisé interne SAP ERP (ci-après le « système de comptabilisation SAP ») ne pouvait pas facilement fournir une ventilation détaillée du coût des matières premières. Toutefois, afin de fournir la ventilation par matière première demandée par la Commission dans sa lettre du 10 septembre 2015, la requérante a dû utiliser une clé de répartition raisonnable en vue de répartir le coût total des matières premières entre les principales matières premières. Cette méthode se fondait sur [confidentiel] et aurait ensuite appliqué ces taux aux coûts de production totaux pour chaque NCP. Ainsi, le coût total de production de la requérante et le coût total des matières premières, indiqués dans la réponse initiale au questionnaire antidumping, étaient des coûts réels extraits du système comptable et ne dépendaient pas du fichier des listes d’achats, mentionné au considérant 76 du règlement provisoire, dans lequel la Commission a détecté des lacunes qui ne pouvaient dès lors pas avoir d’effet significatif sur le coût de production déclaré sur une base NCP.

41      Deuxièmement, la requérante soutient que ses données sur les coûts de production, telles que présentées dans les réponses et vérifiées sur place, ne créaient pas une difficulté excessive, de nature à empêcher la Commission de parvenir à des conclusions correctes concernant les coûts de production et, partant, concernant la valeur normale, sur la base des ventes intérieures réelles pour la requérante. Elle soutient par ailleurs que la Commission pouvait s’assurer de l’exactitude des données par d’autres moyens. Dans ce contexte, la requérante réitère que ce n’est pas le coût spécifique des matières premières individuelles pour chaque NCP, mais le coût total des matières premières, qui est une information nécessaire à l’autorité chargée de l’enquête pour vérifier si les ventes ont été effectuées au cours d’opérations commerciales normales et pour établir ses déterminations concernant le coût de production.

42      En réponse au reproche de la Commission selon lequel les informations sur les coûts qu’elle avait fournies lors de la vérification sur place, dans sa tentative de réconcilier sa propre classification avec la structure requise par la Commission, n’étaient disponibles que pour les produits « vendus » à l’exclusion des produits transformés au sein de l’entreprise, la requérante ajoute que les propres questionnaires antidumping de la Commission présument que le coût de fabrication des produits vendus et celui des produits qui sont utilisés comme intrants en vue d’être soumis à d’autres traitements sont identiques.

43      Enfin, contrairement à ce qu’affirme la Commission, la requérante aurait déclaré les achats de matières premières dans la réponse qu’elle avait faite le 24 septembre 2015 à la deuxième lettre l’invitant à pallier certaines lacunes, du 10 septembre 2015, à [confidentiel], où tous les fournisseurs étaient clairement identifiés selon qu’ils étaient liés ou non.

44      Troisièmement, elle aurait été exposée à des difficultés objectives pour répondre aux demandes de la Commission, notamment en devant télécharger un volume important de données électroniques depuis son système de comptabilisation SAP dans un délai très court à la suite d’une demande formulée à un stade tardif de la visite de vérification, à savoir le dernier jour de celle-ci. De manière plus générale, s’il devait être constaté que la requérante avait omis de fournir un renseignement donné dans un délai donné, il ne s’agirait pas d’un élément constitutif d’un défaut de coopération, mais cela serait le fait de difficultés de nature administrative ou liées aux ressources humaines qui auraient pu être corrigées rapidement.

45      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

46      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il découle de l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base (devenu article 6, paragraphe 2, du règlement 2016/1036) qu’un questionnaire est préparé et transmis aux parties intéressées par les services de la Commission aux fins d’obtenir les renseignements nécessaires à l’enquête antidumping. Lesdites parties sont tenues de fournir à ces services les informations qui lui permettront de mener à bien l’enquête antidumping [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 50 et 51].

47      Conformément à l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base (devenu article 6, paragraphe 8, du règlement 2016/1036), « [s]auf dans les circonstances prévues à l’article 18, l’exactitude des renseignements fournis par des parties intéressées et sur lesquels les conclusions sont fondées doit être vérifiée dans la mesure du possible ». Pareillement, l’article 6.6 de l’accord antidumping prévoit que, « [s]auf dans les circonstances prévues au paragraphe 8, les autorités s’assureront au cours de l’enquête de l’exactitude des renseignements fournis par les parties intéressées sur lesquels leurs constatations sont fondées ». Cette obligation de vérification est l’expression, dans le contexte de l’imposition de mesures antidumping, d’un principe plus général qui impose à toute instance, nonobstant son large pouvoir d’appréciation, d’effectuer un examen précis et de fonder son appréciation sur des preuves d’une qualité suffisante (voir arrêt du 3 décembre 2019, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, sous pourvoi, EU:T:2019:831, point 71 et jurisprudence citée).

48      L’un des instruments dont dispose l’autorité chargée de l’enquête pour s’acquitter de son obligation en vertu de l’article 6, paragraphe 8, du règlement de base est la visite de vérification sur place en application de l’article 16 dudit règlement (devenu article 16 du règlement 2016/1036) si ladite autorité le juge opportun. L’article 6.7 de l’accord antidumping prévoit que, « [p]our vérifier les renseignements fournis ou pour obtenir plus de détails, les autorités pourront, selon qu’il sera nécessaire, procéder à des enquêtes sur le territoire d’autres États membres, à condition d’obtenir l’accord des entreprises concernées et d’en aviser les représentants du gouvernement du membre en question, et sous réserve que ce membre ne s’y oppose pas ».

49      Ainsi, l’article 16, paragraphes 1 et 3, du règlement de base (devenu article 16, paragraphes 1 et 3, du règlement 2016/1036) prévoit, d’une part, que la Commission peut effectuer des visites afin d’examiner, notamment, les livres des producteurs et des exportateurs et de vérifier les renseignements fournis concernant le dumping et le préjudice et, d’autre part, que les entreprises concernées sont informées de la nature des renseignements à vérifier et de tous les autres renseignements à fournir au cours de ces visites, ce qui n’empêche pas de demander sur place d’autres précisions compte tenu des renseignements obtenus.

50      Comme le Tribunal l’a souligné, les réponses des parties au questionnaire prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que la vérification postérieure à laquelle la Commission peut procéder sur place, prévue à l’article 16 du même règlement, sont essentielles au déroulement de la procédure antidumping (voir arrêt du 30 avril 2015, VTZ e.a./Conseil, T‑432/12, non publié, EU:T:2015:248, point 29 et jurisprudence citée).

51      Selon l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, les institutions de l’Union peuvent recourir aux données disponibles afin d’établir des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par ledit règlement ou fait obstacle de façon significative à l’enquête. S’il est constaté qu’une partie concernée a fourni un renseignement faux ou trompeur, ce renseignement n’est pas pris en considération et il peut être fait usage des données disponibles. Les parties intéressées doivent être informées des conséquences d’un défaut de coopération.

52      Conformément à l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base (devenu article 18, paragraphe 3, du règlement 2016/1036), « [l]orsque les informations présentées par une partie concernée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités ».

53      En outre, il découle de l’article 18, paragraphes 3 et 6, du règlement de base (l’article 18, paragraphe 6, étant devenu l’article 18, paragraphe 6, du règlement 2016/1036) que les renseignements que les parties intéressées sont tenues de fournir à la Commission doivent être utilisés par les institutions de l’Union aux fins de l’établissement des conclusions de l’enquête antidumping et que ces mêmes parties ne doivent pas omettre de renseignements pertinents. Le caractère nécessaire d’un élément d’information donné s’apprécie au cas par cas [voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 52].

54      Ainsi que la Cour l’a encore relevé, il incombe à la Commission, en tant qu’autorité investigatrice, d’établir l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice. Dans la mesure où aucune disposition du règlement de base ne confère à la Commission le pouvoir de contraindre les parties intéressées à participer à l’enquête ou à produire des renseignements, cette institution est tributaire de la coopération volontaire de ces parties pour lui fournir les informations nécessaires. Dans ce contexte, il découle du considérant 27 du règlement de base que le législateur de l’Union a entendu prévoir que, à l’égard de parties qui ne coopèrent pas d’une manière satisfaisante, d’autres renseignements peuvent être utilisés aux fins des déterminations et que ces renseignements peuvent être moins favorables auxdites parties que dans le cas où elles auraient coopéré. Ainsi, l’objectif de l’article 18 du règlement de base est de permettre à la Commission de poursuivre l’enquête quand bien même les parties intéressées refuseraient de coopérer ou coopéreraient de manière insuffisante. Dès lors, étant donné qu’elles sont tenues de coopérer au mieux de leurs possibilités, les parties intéressées doivent fournir toutes les informations dont elles disposent et que les institutions estiment nécessaires afin d’établir leurs conclusions [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 54 à 57].

55      Il résulte des considérations qui précèdent que la vérification a vocation à permettre à la Commission d’accomplir sa mission et, notamment, de comprendre et de vérifier les modalités d’élaboration des données et, de manière plus générale, de s’assurer de l’« exactitude » des renseignements fournis par l’entreprise soumise à vérification, qui doit répondre au mieux de ses possibilités et de manière exhaustive aux questions posées par la Commission et ne doit pas omettre de fournir toutes les données et les explications utiles afin que celle-ci puisse procéder aux recoupements nécessaires pour vérifier l’exactitude des données fournies et parvenir à des conclusions raisonnablement correctes en temps utile et en tout cas avant la fin de la vérification, sous peine de ne plus pouvoir être prises en compte (arrêt du 3 décembre 2019, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, sous pourvoi, EU:T:2019:831, point 78).

56      Enfin, il importe de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner. Quant au contrôle juridictionnel d’une telle appréciation, il doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 68].

57      Dans ce contexte, le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation de ces institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par les institutions. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 69].

58      Comme la Commission l’a relevé à juste titre, alors que la vérification de la rentabilité des ventes du produit concerné sur le marché intérieur du producteur-exportateur est un élément clé de l’enquête antidumping, la vérification de l’exactitude et de l’affectation correcte des coûts de production, tels que déclarés dans la réponse au questionnaire antidumping, au produit concerné est d’autant plus complexe lorsque, comme en l’espèce, ledit produit, d’une part, est un produit semi-fini, qui peut être soit vendu à des acheteurs indépendants, soit transformé en interne, et, d’autre part, est fabriqué par un producteur d’acier intégré qui met à disposition lui-même une partie des intrants, en particulier les matières premières nécessaires à la fabrication du produit concerné. Dans un tel cas de figure, il est essentiel, aux fins de la vérification, de disposer d’informations détaillées, notamment, sur les coûts des différentes matières premières du produit concerné fabriqué au cours de la période d’enquête, y compris celui destiné à un usage captif.

59      Il ressort des énonciations faites aux considérants 59, 76 et 80 du règlement provisoire, confirmées au considérant 37 du règlement attaqué, que, eu égard aux conclusions établies à la suite des vérifications sur place, la Commission a ajusté les coûts de production du produit concerné indiqués dans la réponse au questionnaire, dans la mesure où elle a considéré que les informations fournies ne lui permettaient pas d’évaluer avec précision et fiabilité le coût des matériaux utilisés par la requérante pour la fabrication du produit concerné.

60      D’abord, selon le considérant 76 du règlement provisoire, la Commission a estimé que la requérante n’avait pas reflété de façon appropriée et exacte dans sa déclaration le coût réel des matériaux et les coûts d’achat connexes. La Commission a relevé qu’elle n’avait pas été en mesure de rapprocher les quantités, les valeurs et les coûts connexes de certaines matières premières achetées des comptes de la requérante, car cette dernière n’avait pas déclaré ces coûts dans les listes d’achats des matières premières qu’elle avait présentées à la Commission dans ses réponses au questionnaire et à la lettre l’invitant à pallier certaines lacunes. La Commission a également relevé que, dans sa réponse du 24 septembre 2015 à la lettre du 10 septembre 2015 l’invitant à pallier certaines lacunes, la requérante n’avait pas déclaré les achats de matières premières sous le format demandé dans le questionnaire, de sorte qu’il avait été impossible pour la Commission de vérifier les variations de stocks et la consommation de matières premières pendant la période d’enquête. En outre, selon le même considérant 76 du règlement provisoire, la Commission a déclaré disposer d’éléments de preuve collectés au cours de la vérification sur place indiquant que les coûts de fabrication dans les comptes de la requérante différaient des coûts de fabrication indiqués pour les mêmes comptes dans le module de répartition automatique des frais utilisé pour la répartition des frais selon les différents produits.

61      Pour ces raisons, la Commission a informé la requérante, par lettre du 30 octobre 2015, qu’elle n’avait pas fourni les informations nécessaires concernant le coût de fabrication du produit concerné dans les délais prévus dans le règlement de base, de sorte qu’elle entendait appliquer les données disponibles conformément à l’article 18 de ce règlement pour l’établissement de la valeur normale.

62      Ensuite, ainsi qu’il ressort du considérant 78 du règlement provisoire, la requérante a soumis, le 13 novembre 2015, des explications supplémentaires au sujet des différences entre les dépenses comptabilisées dans son grand livre et les coûts identifiés dans son rapport de calcul des coûts. La requérante a également admis l’existence des divergences constatées par la Commission lors de la visite de vérification sur place et concernant les coûts d’achat des matières premières, mais elle a prétendu pouvoir immédiatement identifier les raisons de ces divergences, qu’elle considérait comme des erreurs d’écriture.

63      Par ailleurs, il ressort du considérant 79 du règlement provisoire que la Commission a examiné les observations et les explications soumises par la requérante et a estimé que l’exactitude des informations additionnelles présentées ne pouvait plus être vérifiée, ni rapprochée des comptes de la requérante. La Commission a également considéré que les divergences qu’elle avait constatées sur place concernant les coûts d’achat des matières premières n’étaient pas des erreurs d’écriture et a noté que la requérante n’avait pas contesté sa constatation selon laquelle les informations concernant les coûts associés à l’achat des matières premières, les stocks de matières premières et la consommation des matières premières manquaient dans ses réponses au questionnaire et à la lettre l’invitant à pallier certaines lacunes. La Commission a conclu que les observations et les explications complémentaires de la requérante ne contenaient aucun nouvel élément vérifiable susceptible de modifier son intention d’utiliser les données disponibles pour déterminer la valeur normale.

64      Enfin, il ressort du considérant 80 du règlement provisoire, confirmé au considérant 37 du règlement attaqué, que la Commission a également constaté au cours de la visite de vérification sur place une différence significative entre les taux de consommation de matériaux que la requérante lui avait communiqués au cours de ladite visite et ceux qu’elle avait déclarés le 24 septembre 2015 dans sa réponse à la lettre du 10 septembre 2015 l’invitant à pallier certaines lacunes. La Commission a demandé sur place à la requérante des informations concernant cette anomalie, et celle-ci a précisé que, pour la déclaration de ses dépenses de matériaux, elle n’avait pas utilisé les taux de consommation de son service de contrôle, mais qu’elle avait calculé les taux de consommation en divisant les dépenses de matériaux déclarées à la Commission par le coût des marchandises vendues. Pour cette raison, la Commission a considéré que les taux de consommation de matériaux déclarés par la requérante ne lui permettaient pas de procéder à une évaluation précise de ses dépenses de matériaux. Par conséquent, comme cela est indiqué ci-dessus, la Commission a décidé de modifier le coût de production déclaré par la requérante pour l’harmoniser avec les éléments de preuve relatifs au coût des matières premières qu’elle avait collectés au cours de la vérification sur place.

65      Il y a lieu de constater que le règlement de base ne définit pas ce qu’est une information « nécessaire » au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base. Il convient néanmoins de relever que le groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC a considéré, au paragraphe 7.43 du rapport intitulé « Corée – Droits antidumping sur les importations de certains papiers en provenance d’Indonésie » (WT/DS 312/R), adopté le 28 octobre 2005, que la décision de qualifier ou non une information donnée de nécessaire, au sens de l’article 6.8 de l’accord antidumping, devait être prise à la lumière des circonstances spécifiques de chaque enquête, et non dans l’abstrait. En outre, le groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC a indiqué, au paragraphe 7.343 de son rapport intitulé « Communautés européennes – Mesure antidumping visant le saumon d’élevage en provenance de Norvège » (WT/DS 337/R), adopté le 15 janvier 2008, que devait être considéré comme nécessaire, au sens de la même disposition, un renseignement particulier détenu par une partie intéressée et requis par l’autorité chargée de l’enquête antidumping afin d’établir ses déterminations (arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 46). De même, la Cour a jugé qu’il découlait des termes, du contexte et de la finalité de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base que la notion d’« informations nécessaires » renvoyait aux renseignements détenus par les parties intéressées que les institutions de l’Union leur demandaient de fournir afin d’établir les conclusions qui s’imposaient dans le cadre de l’enquête antidumping [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 54 à 57].

66      Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, les informations relatives aux coûts des matières premières, qui représentent en l’espèce environ [confidentiel] % des coûts de fabrication du produit concerné, sont manifestement des informations nécessaires au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base.

67      Or, la Commission a constaté que les coûts réels des différentes matières premières, prises individuellement, n’étaient pas déclarés de façon exacte et fidèle par la requérante dans ses versions successives de l’annexe F‑15 (à savoir le tableau F.2, relatif aux achats de matières premières) de la réponse au questionnaire antidumping, de sorte qu’elle n’avait pas pu procéder, dans les délais impartis et en temps utile, aux vérifications nécessaires concernant l’exactitude des coûts totaux des matières premières déclarés, en particulier lors de la visite de vérification, alors qu’elle avait signalé à la requérante les lacunes que contenaient sa réponse au questionnaire dès sa première lettre, du 10 septembre 2015, par laquelle elle l’avait invitée à pallier ces lacunes en lui demandant d’indiquer, notamment, [confidentiel]. Par ailleurs, certains contrôles réalisés sur place auraient démontré que les données déclarées pour l’une des matières premières en cause, en l’occurrence les boulettes de minerai de fer, n’étaient pas fiables.

68      La Commission relève, plus particulièrement, que la requérante n’a pas respecté la date limite fixée pour la fourniture de plusieurs données concernant les coûts de fabrication du produit concerné, alors que, comme il a été relevé au point 58 ci-dessus, de telles informations détaillées sont particulièrement importantes lorsque l’enquête antidumping porte sur un produit semi-fini fabriqué par un producteur intégré. Ainsi, la réponse au questionnaire antidumping ne comportait pas les informations demandées sur les coûts de transport liés à l’achat des matières premières, ni les informations complètes sur les stocks d’ouverture et de clôture de matières premières, la consommation de matières premières et leurs coûts unitaires moyens au cours de la période d’enquête.

69      Il convient de relever à cet égard que, certes, comme le soutient la requérante, c’est le coût total des matières premières qui importe pour permettre à la Commission de vérifier si les ventes ont été effectuées au cours d’opérations commerciales normales et pour établir ses déterminations concernant le coût de production. Toutefois, afin d’accomplir sa mission fondamentale de vérification de l’exactitude des informations fournies, rappelée au point 55 ci-dessus, et, notamment, afin de vérifier l’exactitude du coût total des matières premières déclarées par la requérante pour le produit concerné, la Commission doit disposer des informations précises sur les coûts individuels de chaque matière première utilisée dans la production du produit concerné, qui constituent ainsi des informations nécessaires devant lui être fournies dans les délais impartis.

70      Or, premièrement, force est de relever que la Commission n’a pas pu vérifier si les coûts totaux d’achat des matières premières étaient reflétés avec exactitude dans les comptes de la requérante et s’ils étaient effectivement inclus dans le coût de fabrication du produit concerné, dans la mesure, notamment, où il est constant que les coûts totaux des matières premières relatifs à la « production du produit concerné » n’ont pas été déclarés, comme cela avait été demandé, dans l’annexe F‑12 (tableau F.2, intitulé « Vue d’ensemble des coûts de production Severstal ») de la réponse au questionnaire antidumping, dès lors qu’y figuraient seulement les coûts relatifs aux « ventes » du produit concerné, et non également ceux des produits destinés à un usage captif. Ainsi que le relève la Commission, en l’absence de ces données, elle ne pouvait pas effectuer des contrôles croisés entre la répartition des coûts au regard de la production totale, y compris celle destinée à la consommation interne au sein de l’entreprise, et les comptes annuels de la requérante.

71      Deuxièmement, la requérante ne conteste pas que les données relatives aux achats de matières premières communiquées à l’annexe F‑15 de la réponse au questionnaire étaient incomplètes en ce qu’elles n’incluaient pas, notamment, [confidentiel], sans lesquels il n’est d’ailleurs pas possible de vérifier si les prix de vente entre parties liées sont conformes au prix du marché. Les données en cause ont été finalement communiquées dans la lettre du 24 septembre 2015, mais de manière incomplète, dans la mesure, notamment, où [confidentiel], les coûts liés à l’achat des matières premières (transport) et les informations sur les variations de stocks et la consommation de matières, par matière première, n’ont pas été communiqués dans ladite annexe révisée, ainsi que la Commission l’a réitéré lors de l’audience.

72      Troisièmement, il est constant que la requérante n’a pas déclaré ses coûts de fabrication dans l’annexe F‑14 A de la réponse au questionnaire antidumping conformément à la classification des coûts dans les différents NCP adoptés par la Commission pour la conduite de l’enquête en cause, étant rappelé que l’appréciation de la répercussion des droits antidumping selon une méthode NCP par NCP est considérée comme adéquate, notamment lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, de produits complexes, dont les modèles présentent des caractéristiques techniques différentes et des prix pouvant varier sensiblement (voir, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2015, Einhell Germany e.a./Commission, T‑73/12, EU:T:2015:865, points 75 et 76). C’est seulement lors de la visite de vérification sur place que la requérante a fourni un rapprochement entre sa propre classification et la structure NCP demandée par la Commission, dont les informations se sont toutefois limitées, ainsi que la requérante l’a confirmé lors de l’audience, aux coûts de fabrication des produits « vendus », à l’exclusion des coûts de fabrication relatifs aux produits transformés dans l’entreprise. La Commission en a déduit à juste titre qu’elle ne pouvait pas procéder aux vérifications nécessaires en l’absence de présentation des données au format requis. En effet, en l’absence de ces données, la Commission ne pouvait pas confirmer ou infirmer l’hypothèse selon laquelle les coûts moyens de production concernant les produits vendus et les produits utilisés comme intrants dans la production d’autres produits étaient identiques.

73      Quatrièmement, la Commission a encore relevé lors d’un contrôle opéré au cours de la vérification sur place, notamment, que les coûts déclarés par la requérante pour l’électricité (à partir du module de répartition des frais de son système de comptabilisation SAP) ne correspondaient pas aux coûts déclarés dans son grand livre, et la requérante n’a pas été en mesure de donner une explication à cet égard au cours de la visite de vérification. La Commission a pu en déduire valablement que l’absence de fiabilité du système comptable de la requérante allait au-delà même de l’enregistrement des matières premières, même si, comme la requérante l’a relevé lors de l’audience, la Commission n’a pas ajusté lesdits coûts en conséquence.

74      Cinquièmement, c’est encore à juste titre que la Commission fait valoir plus fondamentalement que la requérante, estimant à tort que la Commission devrait se satisfaire des coûts totaux des matières premières sans fournir les ratios réels de la consommation desdites matières, ne lui a pas permis de vérifier en particulier si [confidentiel], correspondaient à la réalité.

75      Si, en effet, la Commission admet que la requérante a fourni, dans sa réponse du 24 septembre 2015, la ventilation des coûts des matières premières (des seuls produits vendus) dans l’annexe F‑14 A, les taux de consommation utilisés se rapportaient à la production de tous les produits fabriqués par la requérante, et non à la production du produit concerné uniquement. Ce n’est que lors de la visite de vérification que la requérante a présenté les informations demandées relatives au produit concerné uniquement, sous la forme de la pièce de vérification no 16, qui, comme il ressort des points 90 et 91 ci-dessous, ont révélé que la requérante avait adopté deux clés de répartition différentes concernant les coûts des matières premières.

76      Sixièmement, la requérante est restée en défaut d’étayer ses allégations selon lesquelles la Commission lui aurait imposé une charge ou des coûts supplémentaires excessifs au sens de l’article 18, paragraphe 2, du règlement de base (devenu article 18, paragraphe 2, du règlement 2016/1036) en lui demandant de télécharger le volume important de données sollicitées lors de la visite de vérification, alors pourtant qu’elle aurait agi « au mieux de ses possibilités ». Or, il ressort de l’article 18, paragraphe 2, susmentionné qu’il appartient à la partie concernée de démontrer que la présentation des données sollicitées dans les formes requises pourrait s’avérer impossible ou entraîner une charge ou des coûts supplémentaires excessifs.

77      Enfin, pour autant que l’argumentation de la requérante puisse être comprise en ce sens que l’application des données disponibles au titre de l’article 18 du règlement de base supposerait, en tout état de cause, un comportement intentionnel, alors que la Commission n’aurait pas démontré l’existence de pareil comportement, cette argumentation doit être rejetée.

78      En effet, le recours à l’article 18 du règlement de base, qui constitue la transposition en droit de l’Union du contenu du point 6.8 ainsi que de l’annexe II de l’accord antidumping, à la lumière desquels il doit être interprété dans la mesure du possible, n’est pas exclu en l’absence de comportement intentionnel (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, points 103 et 104).

79      Ainsi qu’il ressort de la même jurisprudence (arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 104), l’ampleur des efforts déployés par une partie intéressée pour communiquer certains renseignements n’a pas nécessairement de rapport avec la qualité intrinsèque des renseignements communiqués et n’en est, de toute façon, pas le seul élément déterminant. Ainsi, si les renseignements demandés ne sont finalement pas obtenus, la Commission est en droit de recourir aux données disponibles s’agissant desdits renseignements (voir, en ce qui concerne le point 6.8 de l’accord antidumping, rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC intitulé « Égypte – Mesures antidumping définitives à l’importation de barres d’armature en acier en provenance de Turquie », adopté le 1er octobre 2002, paragraphe 7.242).

80      Cette appréciation est confortée par l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, selon lequel, lorsque les informations fournies ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition qu’elles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement des conclusions raisonnablement correctes, qu’elles soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités. Le fait d’avoir agi au mieux de ses possibilités constitue donc une des conditions qui doivent être remplies afin que la Commission soit tenue de prendre en compte des informations déficientes. Or, il ressort de l’examen des première et troisième branches du présent moyen et de l’examen du deuxième moyen que, en dépit du fait que la requérante n’a pas établi qu’elle n’était pas en possession des données nécessaires, celles qu’elle a communiquées à la Commission au cours de la procédure administrative concernant les coûts de production du produit concerné sont demeurées incomplètes, contradictoires ou non vérifiables parce que fournies tardivement et, partant, non fiables, de sorte que la requérante ne saurait être considérée comme ayant agi au mieux de ses possibilités (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 105).

81      Ainsi que la Commission l’a réitéré dans sa réponse écrite à une question posée par le Tribunal, elle doit acquérir la conviction de l’exactitude des coûts totaux de la requérante, de l’imputation de ces coûts à la production du produit concerné et du volume de production vendu ou utilisé à des fins captives pour être en mesure d’établir, sur la base de données précises et vérifiées relatives à ces différents éléments, un coût de fabrication unitaire fiable. Or, il résulte des développements qui précèdent que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste en considérant qu’elle ne pouvait pas vérifier si les coûts d’achat totaux des matières premières étaient reflétés avec exactitude dans les comptes de la requérante et si ces coûts étaient effectivement inclus dans le coût de fabrication du produit concerné.

82      Par conséquent, l’argumentation de la requérante selon laquelle, même si les données fournies dans les réponses au questionnaire et vérifiées sur place présentaient certaines lacunes, celles-ci n’étaient pas d’une ampleur telle qu’elles créaient une difficulté excessive de nature à empêcher la Commission de parvenir à des conclusions raisonnablement correctes concernant les coûts de production, de sorte qu’en recourant à l’article 18 du règlement de base pour ajuster le coût de production du produit concerné la Commission aurait violé ledit article, doit être rejetée également.

83      Dans ces conditions, la Commission pouvait, aux fins du calcul de la valeur normale, procéder valablement à un ajustement des données de la requérante relatives aux coûts de production du produit concerné en recourant à l’article 18 du règlement de base afin de parvenir à des conclusions raisonnablement correctes, lesdites données étant incomplètes, incohérentes ou non vérifiables et, partant, non fiables.

84      Il résulte des considérations qui précèdent que la première branche du premier moyen, tirée d’une violation de l’article 18 du règlement de base en ce que le degré de coopération de la requérante et la qualité des données qu’elle avait fournies s’opposeraient à l’application de ladite disposition à son égard, doit être rejetée.

 Sur la troisième branche du premier moyen

85      Par la troisième branche du premier moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation concernant la structure des coûts des matières premières en cause qui a conduit à une double comptabilisation de ceux-ci et qui a également entaché d’erreur l’ajustement manifestement inutile et inapproprié des coûts de production, tel qu’expliqué au point 80 du règlement provisoire.

86      La requérante relève que, dans sa lettre du 24 septembre 2015, en réponse à la lettre de la Commission du 10 septembre 2015 invitant la requérante à [confidentiel], elle a appliqué un taux de consommation ad hoc, fondé sur un taux raisonnable calculé à partir du [confidentiel] fabriqués par la requérante, et non exclusivement du produit concerné, au coût de production total déclaré du seul produit concerné. La différence, d’un montant de [confidentiel], entre le coût total des matières premières, extrait de son système comptable, et la somme des coûts des matières premières calculés selon la méthode de répartition ad hoc a été attribuée aux « autres matières premières ». Lorsque la Commission a décidé d’appliquer l’ajustement litigieux, comme il est expliqué au considérant 59 du règlement provisoire, elle a procédé à son propre calcul de la consommation de matériaux en utilisant les taux réels de consommation des matières premières spécifiques figurant à la pièce de vérification no 16 fournie par la requérante lors de la vérification sur place et qui concerne la ventilation demandée des coûts de production du seul produit concerné, et non de la totalité de la production. Selon la requérante, les résultats de la Commission différaient des coûts des « autres matériaux » déclarés par la requérante simplement en raison de l’utilisation de taux différents de consommation des matériaux. Ainsi, la Commission aurait commis une erreur arithmétique résultant d’une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a évalué la structure des coûts des matières premières de la requérante et lorsqu’elle a effectué, sur cette base, un ajustement excessif, à savoir une augmentation manifestement erronée et inappropriée de la valeur de toutes les matières premières. Plus particulièrement, la Commission [confidentiel].

87      À titre subsidiaire, la requérante soutient que, dans l’hypothèse où la Commission alléguerait que ledit ajustement était justifié en application de l’article 18 du règlement de base en raison d’un défaut de coopération, cet ajustement serait également manifestement inapproprié au regard tant du caractère limité des lacunes constatées dans les données de la requérante que de la gravité des conséquences d’un tel ajustement. À la suite de cet ajustement, la Commission aurait ignoré la quasi-totalité des ventes intérieures déclarées et les aurait remplacées par des valeurs normales construites, dont le coût de production était artificiellement gonflé après ledit ajustement de [confidentiel] %. En plaçant la requérante dans la même situation que celle d’un producteur n’ayant pas coopéré du tout, il en serait résulté un taux de droit antidumping prohibitif de 34 %, manifestement inapproprié au regard de l’objectif poursuivi par l’article 18 du règlement de base, à savoir protéger l’industrie de l’Union contre les pratiques de dumping sans bloquer comme en l’occurrence toutes les ventes à l’exportation de la requérante en instituant un taux prohibitif.

88      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

89      Ainsi qu’il a été relevé précédemment, il ressort du considérant 80 du règlement provisoire que la Commission a constaté au cours de la vérification sur place que les taux de consommation de matériaux que le service de contrôle de la requérante lui avait communiqués au cours de ladite vérification différaient significativement de ceux que la requérante avait déclarés le 24 septembre 2015 dans sa réponse à la lettre l’invitant à pallier certaines lacunes. La Commission a demandé sur place des informations concernant cette anomalie à la requérante, et cette dernière a précisé que, pour la déclaration de ses dépenses de matériaux dans l’annexe F‑14 A révisée, elle n’avait pas utilisé les taux de consommation de son service de contrôle, mais les avait calculés en divisant les dépenses de matériaux déclarées à la Commission par le coût des marchandises vendues. Pour cette raison, la Commission a considéré que les taux de consommation de matériaux déclarés par la requérante ne lui permettaient pas de procéder à une évaluation précise de ses dépenses de matériaux. Par conséquent, la Commission a décidé de modifier le coût de production déclaré par la requérante pour l’harmoniser avec les éléments de preuve sur le coût des matières premières qu’elle avait collectés au cours de la vérification sur place.

90      Il est constant que la requérante a adopté deux clés de répartition différentes concernant les coûts des matières premières. D’abord, dans sa lettre du 24 septembre 2015, elle a soutenu que lesdits coûts, d’ailleurs limités à ceux des produits vendus, devraient être répartis selon une méthodologie ad hoc, sur une base théorique, [confidentiel], d’un montant de [confidentiel] de la réponse au questionnaire antidumping. Sur la base du [confidentiel], un taux de consommation des principales matières premières a été calculé puis appliqué au coût de production total du produit concerné déclaré par la requérante, ce qui a conduit à une différence d’un montant de [confidentiel] entre le coût total des matières premières extrait de son système comptable et la somme des coûts des quatre matières premières principales du produit concerné calculés selon la méthode de répartition ad hoc. Cette différence a été attribuée aux « autres matières premières » sans aucune précision supplémentaire quant à la composition de cette dernière catégorie. Ensuite, pendant la vérification sur place, la requérante a utilisé une autre répartition des coûts des matières premières, fondée sur les coûts réels des matières premières pour le produit concerné. Sur la base des données ainsi communiquées par la requérante, la Commission a identifié une sous-déclaration totale des coûts des matières premières relatifs au produit concerné de [confidentiel] équivalant à la différence entre les coûts totaux des principales matières premières déclarés dans la version révisée de l’annexe F‑14 A et la valeur des matières premières nécessaires à la production du produit concerné calculée sur la base des ratios de consommation mentionnés dans la pièce de vérification no 16 collectée lors de la vérification sur place. Dans la mesure où les taux de consommation de matériaux déclarés par la requérante dans sa réponse au questionnaire ne permettaient pas d’évaluer avec précision le coût des matériaux utilisés par la requérante pour la production du produit concerné, la Commission a confirmé l’ajustement annoncé dans les conclusions provisoires.

91      Or, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que, comme il ressort de l’examen de la première branche du présent moyen, elle ne pouvait pas vérifier si la requérante avait reflété de manière cohérente les coûts totaux exacts des différentes matières premières utilisées dans la fabrication du produit concerné, y compris celui destiné à un usage captif, et en calculant, par la suite, la valeur des matières premières nécessaires à la production du produit concerné sur la base des taux de consommation figurant dans la pièce de vérification no 16 fournie par la requérante elle-même lors de la vérification sur place pour constater une sous-déclaration d’un montant de [confidentiel].

92      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel le [confidentiel], ne serait-ce que dans la mesure où ledit argument repose sur une méthodologie théorique de calcul que la requérante a elle-même rejetée lorsqu’elle a présenté la répartition des matières premières fondée sur les données réelles au cours de la vérification sur place.

93      Par conséquent, il y a lieu de rejeter également l’argument de la requérante selon lequel, en calculant par la suite que la sous-déclaration constatée correspondait à [confidentiel] % du coût total des matières premières déclaré et [confidentiel] chacun des divers coûts des matières premières répartis tels que déclarés par la requérante dans l’annexe F‑14 A révisée de sa réponse du 24 septembre 2015, la Commission aurait procédé à un ajustement manifestement « inutile et inapproprié » au motif que la requérante aurait fourni un coût total vérifiable des matières premières, des taux de consommation vérifiés des matières premières et des données vérifiables pour les matières premières principales, étant donné qu’il ressort de la réponse à la première branche du présent moyen et des considérations exposées dans le cadre de la branche sous examen que les données fournies étaient incomplètes, incohérentes ou transmises tardivement et, partant, non fiables.

94      Enfin, pour autant que la requérante fait valoir que l’ajustement opéré est inapproprié au vu des lacunes limitées constatées et des conséquences de son application, cet argument doit également être rejeté.

95      En effet, ainsi qu’il résulte de l’examen des première et troisième branches du présent moyen, la Commission n’a pas méconnu l’article 18 du règlement de base en concluant que les données relatives aux coûts de production du produit concerné qui avaient été communiquées par la requérante étaient incomplètes et non fiables et qu’elle devait les remplacer par les données disponibles en application dudit article afin de parvenir à des conclusions fondées sur des faits exacts (en ce qui concerne l’accord antidumping, voir, en ce sens, rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC dans l’affaire WT/DS 206/R, intitulé « États-Unis – Mesures antidumping et compensatoires appliquées aux tôles en acier en provenance de l’Inde », du 28 juin 2002, paragraphe 7.60). À cet égard, il découle du considérant 27 du règlement de base que le législateur de l’Union a entendu prévoir que, à l’égard de parties qui ne coopèrent pas d’une manière satisfaisante, comme c’est manifestement le cas en l’espèce, d’autres renseignements peuvent être utilisés aux fins des déterminations et que ces renseignements peuvent être moins favorables auxdites parties que dans le cas où elles auraient coopéré. Ainsi, l’objectif de l’article 18 du règlement de base est de permettre à la Commission de poursuivre l’enquête quand bien même les parties intéressées refuseraient de coopérer ou coopéreraient de manière insuffisante [arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 54 et 55].

96      La circonstance que la majeure partie de la valeur normale du produit concerné de la requérante a par conséquent dû être construite, ce qui a conduit à une valeur normale d’un niveau plus élevé que celui résultant des données déclarées par la requérante, est la conséquence directe de l’article 2, paragraphes 3 et 4, du règlement de base, selon lequel la Commission doit construire la valeur normale lorsqu’elle constate, sur la base de preuves objectives, que les ventes intérieures ne sont pas rentables.

97      Or, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait méconnu le principe de proportionnalité, ni les objectifs poursuivis par l’article 18 du règlement de base, en recourant aux données disponibles pour le calcul des coûts des matières premières, lequel n’est entaché d’aucune erreur manifeste, de sorte qu’il y a lieu de rejeter la troisième branche du premier moyen.

 Sur la deuxième branche du premier moyen

98      Par la deuxième branche du premier moyen, la requérante soutient que les dispositions de l’article 18, paragraphes 1 et 3, du règlement de base sont destinées à assurer l’exécution des obligations particulières énoncées à l’article 6.8 et à l’annexe II, paragraphes 2, 3, 5 et 7, de l’accord antidumping, de sorte qu’une violation des premières entraînerait automatiquement une violation des secondes. Par ailleurs, la Commission n’aurait pas respecté le critère de « coopération » établi par l’accord antidumping et aurait ainsi violé l’article 6.8 et l’annexe II de cet accord. En particulier, la Commission, tout en reconnaissant qu’elle avait coopéré, lui aurait imposé une charge excessive au sens de l’annexe II, paragraphe 2, de l’accord antidumping en concluant qu’elle ne lui avait pas fourni les renseignements demandés dans les délais prévus, alors qu’elle lui avait demandé de fournir des réponses sur support informatique très détaillées fondées sur son système complexe de codage des produits. De même, la Commission n’aurait pas établi qu’elle n’avait pas agi au mieux de ses possibilités au sens de l’annexe II, paragraphe 5, de l’accord antidumping. En définitive, la Commission aurait violé les règles relatives à la coopération énoncées à l’article 6.8 et à l’annexe II de l’accord antidumping et lui aurait imposé un critère de coopération plus strict que celui fixé par l’accord antidumping pour caractériser le défaut de coopération.

99      La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

100    En réponse à ce grief, il suffit de relever, d’une part, qu’il résulte de l’examen de la première branche du présent moyen que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait violé l’article 18 du règlement de base en recourant aux données disponibles en raison du manque de fiabilité des données fournies par l’intéressée, qui n’avait de plus pas agi au mieux de ses possibilités, et, d’autre part, que, dans la mesure où l’article 6.8 et l’annexe II de l’accord antidumping, à la lumière desquels l’article 18 du règlement de base doit être interprété dans la mesure du possible, s’attachent également à la fiabilité des données fournies sans donner une importance décisive au comportement de la partie intéressée (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, points 103 et 104), rien ne permet de considérer qu’il y ait lieu d’aboutir à une conclusion différente au regard des dispositions de l’accord antidumping.

101    Par conséquent, la deuxième branche du premier moyen doit également être rejetée.

102    Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Commission n’a pas commis d’erreur de droit ou des erreurs manifestes d’appréciation en décidant d’appliquer les données disponibles conformément à l’article 18 du règlement de base et de procéder à l’ajustement contesté, de sorte qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit à un procès équitable et des droits de la défense

103    Par ce moyen, la requérante soutient que la Commission a violé ses droits de la défense ainsi que le principe de bonne administration de manière à justifier l’annulation du règlement attaqué.

104    Premièrement, la requérante observe que, contrairement à ce qu’allègue la Commission, elle a demandé au conseiller-auditeur institué par la décision 2012/199/UE du président de la Commission, du 29 février 2012, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans le cadre de certaines procédures commerciales (JO 2012, L 107, p. 5), d’intervenir dans la procédure en cause.

105    Deuxièmement, ainsi qu’il ressortirait des considérants 79 et 80 du règlement provisoire et du considérant 37 du règlement attaqué, à tout le moins à compter du stade de la visite de vérification et de la lettre relative à l’application de l’article 18 du règlement de base ou à la suite de celles-ci, la Commission aurait, sans explication, rejeté ou écarté dans les faits tout argument ou renseignement supplémentaire fourni par la requérante concernant l’application à son égard de cet article et du statut propre au défaut partiel de coopération. Ainsi, la Commission aurait adopté une approche restrictive de la collecte des pièces, notamment lors de la visite de vérification, en refusant de recueillir un certain nombre de pièces et d’explications proposées par la requérante et elle aurait refusé la proposition de la requérante de fournir sans retard une version révisée de l’annexe avec des données exactes sur les achats de matières premières.

106    Troisièmement, l’organisation d’auditions par la Commission et la possibilité procédurale de formuler des observations sur les conclusions provisoires et définitives auraient visé uniquement à créer une apparence de respect des droits de la défense et du droit d’être entendu, alors que, dans les faits, les arguments de la requérante n’auraient pas été pris en considération par la Commission.

107    Quatrièmement, la Commission aurait également refusé une seconde visite de vérification, estimant que certains des renseignements nouvellement fournis par la requérante n’étaient plus vérifiables, alors que celle-ci cherchait à corriger les nombreux cas où la Commission n’aurait pas tenu compte des explications ou des informations complémentaires qu’elle lui avait fournies.

108    Selon la requérante, le respect des droits de la défense aurait pu affecter la totalité du calcul de la marge de dumping et du droit antidumping en ce qui la concerne et une correction même mineure à la baisse de la marge de dumping aurait conduit à la fixation d’un droit antidumping moins élevé eu égard à la faible différence entre la marge de préjudice, fixée à 34 %, et la marge de dumping, fixée à 35,9 %, en ce qui concerne la requérante.

109    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

110    D’emblée, il y a lieu d’écarter l’argument de la Commission selon lequel la circonstance, d’ailleurs contestée par la requérante, que celle‑ci n’aurait pas sollicité l’intervention du conseiller-auditeur devrait influencer l’examen du moyen tiré du non-respect des droits de la défense. En effet, il y a lieu de relever à cet égard que, comme il ressort notamment des considérants 3, 4 et 8 de la décision 2012/199, l’intervention du conseiller-auditeur vise à renforcer les garanties procédurales pour l’exercice des droits procéduraux des parties concernées. Cette intervention reste néanmoins purement facultative, ainsi qu’il est énoncé également au point 7 de l’avis d’ouverture de la Commission du 14 mai 2015 (voir point 2 ci-dessus) ou encore dans la lettre de la Commission du 30 octobre 2015 (voir points 8 et 61 ci-dessus), de sorte que l’absence de saisine du conseiller-auditeur, à la supposer établie, n’est pas de nature à influer sur l’appréciation, par le juge de l’Union, d’une allégation de violation des droits de la défense.

111    S’agissant des principes et des garanties procédurales que les institutions sont tenues de respecter lorsque les parties intéressées à une enquête antidumping souhaitent exercer leurs droits de la défense en accédant à des informations concernant des faits ou des considérations susceptibles de former la base de mesures antidumping, il y a lieu de relever qu’il résulte d’une jurisprudence constante que les exigences découlant du respect des droits de la défense s’imposent non seulement dans le cadre de procédures susceptibles d’aboutir à des sanctions, mais également dans celui des procédures d’enquête précédant l’adoption de règlements antidumping qui peuvent affecter les entreprises concernées de manière directe et individuelle et comporter pour elles des conséquences défavorables. En particulier, dans le cadre de la communication des informations aux entreprises intéressées au cours de la procédure d’enquête, le respect de leurs droits de la défense implique que ces entreprises doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (voir arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, points 91 et 92 et jurisprudence citée).

112    Par ailleurs, dans le cadre des enquêtes antidumping, il appartient aux institutions de veiller au respect du principe de bonne administration consacré par l’article 41, paragraphes 1 et 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en vertu duquel toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l’Union. En effet, c’est ce dernier article de la Charte, et non son article 47, qui régit la procédure administrative devant la Commission et le Conseil de l’Union européenne en matière de défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union [voir arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 45 et jurisprudence citée]. Le droit à une bonne administration comporte, notamment, en vertu de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 95).

113    Ces principes sont mis en œuvre dans le règlement de base par un système complet de garanties procédurales visant, notamment, à permettre aux parties intéressées de défendre utilement leurs intérêts. Ainsi, l’article 20 du règlement de base (devenu article 20 du règlement 2016/1036), qui correspond, en substance, aux dispositions de l’article 6.9 de l’accord antidumping, prévoit notamment, en son paragraphe 1, que les parties intéressées ont le droit d’être informées des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels fondant des mesures provisoires après l’institution de ces mesures (arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, points 96, 97 et 99).

114    En premier lieu, la requérante reproche à la Commission d’avoir refusé de prendre en considération, à tout le moins à compter du stade de la visite de vérification, tous les arguments et renseignements supplémentaires qu’elle avait fournis concernant l’application de l’article 18 du règlement de base à son égard, ainsi qu’il ressort plus particulièrement du considérant 79 du règlement provisoire et du considérant 37 du règlement attaqué. Ce faisant, la Commission aurait méconnu les droits de la défense de la requérante.

115    Ainsi qu’il a été relevé aux points 59 à 64 ci-dessus, il ressort des considérants 76 à 80 du règlement provisoire que, eu égard aux conclusions établies à la suite des vérifications sur place, la Commission a ajusté le coût de production pour la requérante. Ainsi, le 30 octobre 2015, la Commission a informé la requérante que, pour les raisons exposées au considérant 76 du règlement provisoire, elle considérait qu’elle n’avait pas fourni les informations nécessaires concernant le coût de fabrication du produit concerné dans les délais prévus dans le règlement de base et qu’elle entendait appliquer les données disponibles conformément à l’article 18 du règlement de base pour l’établissement de la valeur normale. Le 13 novembre 2015, la requérante a soumis des explications supplémentaires au sujet des différences entre les dépenses comptabilisées dans son grand livre et les coûts identifiés dans son rapport de calcul des coûts. La requérante a également admis l’existence des divergences constatées par la Commission lors de la visite de vérification sur place et concernant les coûts d’achat des matières premières, mais elle a prétendu pouvoir immédiatement identifier les raisons de ces divergences, qu’elle considérait comme des erreurs d’écriture. Il ressort du considérant 79 du règlement provisoire que la Commission a examiné les observations et les explications de la requérante et a estimé que l’exactitude des informations additionnelles présentées ne pouvait plus être vérifiée, ni rapprochée des comptes de la requérante. La Commission a, en outre, considéré que les divergences qu’elle avait constatées sur place concernant les coûts d’achat des matières premières n’étaient pas des erreurs d’écriture et a noté que la requérante n’avait pas contesté sa constatation selon laquelle les informations concernant les coûts associés à l’achat des matières premières, les stocks de matières premières et la consommation des matières premières manquaient dans ses réponses au questionnaire et à la lettre l’invitant à pallier certaines lacunes. La Commission a conclu que les observations et les explications complémentaires de la requérante ne contenaient aucun nouvel élément vérifiable susceptible de modifier son intention d’utiliser, à ce stade de l’enquête, les données disponibles pour déterminer la valeur normale.

116    En outre, il ressort du considérant 80 du règlement provisoire que la Commission a également constaté au cours de la vérification sur place que les taux de consommation de matériaux communiqués au cours de la vérification différaient significativement de ceux que la requérante avait déclarés le 24 septembre 2015 dans sa réponse à la lettre de la Commission l’invitant à pallier certaines lacunes. La requérante a précisé que, pour la déclaration de ses dépenses de matériaux, elle n’avait pas utilisé les taux de consommation de son service de contrôle, mais avait calculé les taux de consommation en divisant les dépenses de matériaux déclarées à la Commission par le coût des marchandises vendues. Pour cette raison, la Commission a considéré que les taux de consommation de matériaux déclarés ne lui permettaient pas de procéder à une évaluation précise de ses dépenses de matériaux. Par conséquent, comme cela est indiqué ci-dessus, la Commission a décidé de modifier le coût de production déclaré pour l’harmoniser avec les éléments de preuve sur le coût des matières premières qu’elle avait collectés au cours de la vérification sur place.

117    Enfin, il ressort du considérant 37 du règlement attaqué que la requérante a eu l’occasion de s’exprimer et d’expliquer ses objections à la suite de la communication des conclusions provisoires, et ce notamment, ainsi qu’il a été relevé aux points 13 et 15 ci-dessus, lors de son audition du 25 avril 2016 et dans ses lettres des 8 mars et 9 juin 2016. Selon les énonciations figurant au considérant 37 du règlement attaqué, la requérante n’a avancé aucun argument qui aurait pu conduire la Commission à changer d’avis eu égard au fait que les taux de consommation de matériaux qu’elle avait déclarés dans sa réponse au questionnaire ne permettaient pas à cette institution d’évaluer avec précision le coût des matériaux utilisés par la requérante pour la production des produits concernés. Par conséquent, la Commission a considéré que les conclusions formulées au stade provisoire, qui l’avaient conduite à appliquer l’article 18 du règlement de base et qui sont énoncées aux considérants 76 à 80 du règlement provisoire, étaient confirmées.

118    À cet égard, il convient de rappeler que, comme la Commission l’a relevé à juste titre, la phase contradictoire de la procédure administrative qui suit l’adoption du règlement provisoire permet précisément à la requérante de faire examiner l’appréciation des données disponibles collectées par la Commission et d’apporter de nouveaux éléments factuels dès lors qu’ils sont soutenus par des éléments de preuve vérifiés ou liés à des données déjà présentées. Ladite phase de la procédure ne saurait pour autant être détournée par les parties intéressées pour présenter de toutes nouvelles données qui auraient dû être présentées dans les délais précédemment fixés par la Commission, mais ne l’ont pas été (voir également, en ce sens, rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC dans l’affaire WT/DS 312/R, intitulé « Corée – Droits antidumping sur les importations de certains papiers en provenance d’Indonésie », du 28 octobre 2005, paragraphe 7.85).

119    Eu égard en particulier aux considérations exposées aux points 115 à 118 ci-dessus et aux points 121 et 122 ci-après, le grief selon lequel la Commission aurait rejeté sans explication, n’aurait pas examiné ou aurait largement ignoré de nombreuses informations et explications fournies par la requérante, au cours de la visite de vérification ou à la suite de celle-ci, relatives aux données communiquées antérieurement ou clarifiant ces données manque en fait et, pour le surplus, est non fondé ou insuffisamment étayé, de sorte que ledit grief doit être rejeté.

120    En deuxième lieu, c’est, en effet, à tort que la requérante reproche dans ce contexte à la Commission d’avoir refusé, au mépris de ses droits de la défense, d’effectuer une seconde visite de vérification sur place.

121    Aux termes de l’article 16, paragraphe 1, du règlement de base, « [l]orsqu’elle l’estime opportun, la Commission effectue des visites afin d’examiner les livres des importateurs, exportateurs, opérateurs commerciaux, agents, producteurs, associations et organisations professionnelles et de vérifier les renseignements fournis concernant le dumping et le préjudice. En l’absence d’une réponse en temps utile, la Commission peut choisir de ne pas effectuer de visite de vérification ». De même, l’article 6.7 de l’accord antidumping prévoit que, « [p]our vérifier les renseignements fournis ou pour obtenir plus de détails, les autorités pourront, selon qu’il sera nécessaire, procéder à des enquêtes sur le territoire d’autres membres, à condition d’obtenir l’accord des entreprises concernées et d’en aviser les représentants du gouvernement du membre en question, et sous réserve que ce membre ne s’y oppose pas. »

122    Il résulte de ces dispositions que les visites de vérification relèvent du pouvoir d’appréciation de l’autorité chargée de l’enquête (voir également, notamment, rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC dans l’affaire WT/DS 211/R, « Égypte – Barres d’armature en acier », du 8 août 2002, paragraphes 7.349 et 7.350), à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’une seconde visite de vérification (voir également, en ce sens, arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 107). Or, ainsi qu’il a été relevé, notamment, aux points 46 à 48 ci-dessus, les parties intéressées sont tenues de fournir des réponses exactes et complètes au questionnaire antidumping, ce qui, ainsi qu’il ressort de l’examen du premier moyen, n’a manifestement pas été le cas en l’espèce. Par ailleurs, obliger l’autorité chargée de l’enquête à organiser une visite sur place chaque fois qu’une partie intéressée déciderait qu’elle est disposée à fournir des informations à ladite autorité inciterait les parties intéressées à ne pas respecter leur obligation de coopérer pleinement dès le début de la procédure, et notamment dans le cadre des réponses au questionnaire prévu à l’article 6, paragraphe 2, du règlement de base, entravant ainsi la bonne conduite des enquêtes antidumping au risque d’empêcher la Commission de mener à bien celles-ci. Enfin, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il ressort des termes mêmes de l’article 16, paragraphe 1, du règlement de base, les visites de vérification, dont la Commission décide l’opportunité, ont pour but de « vérifier les renseignements fournis » concernant le dumping et le préjudice, et non, comme le soutient la requérante, de recueillir de nouveaux renseignements qui auraient dû être présentés dans les délais fixés.

123    En troisième lieu, l’affirmation de la requérante selon laquelle l’organisation d’auditions à la suite de l’adoption du règlement provisoire et de l’information provisoire concernant l’application de l’article 18 du règlement de base n’aurait créé que l’apparence que le droit de la requérante à être entendue avait été respecté, alors que la Commission avait d’ores et déjà décidé de manière irréversible qu’elle appliquerait ledit article, en ce qu’elle n’est étayée par aucun élément de preuve concret, doit être rejetée également.

124    Par conséquent, le deuxième moyen n’est pas fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 2, paragraphes 3, 4, 9, 10 et 12, du règlement de base et d’erreurs manifestes d’appréciation

125    Par son troisième moyen, qui se subdivise en deux branches, la requérante soutient que la Commission n’a pas établi une marge de dumping individuelle correcte conformément à l’article 2, paragraphe 12, du règlement de base.

 Sur la première branche du troisième moyen

126    Par sa première branche, la requérante soutient que la Commission a violé l’article 2, paragraphes 3 et 4, du règlement de base et a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que la différence de valeur exceptionnelle (pertes indiquées dans la section financière des comptes) causée par la dépréciation de la monnaie nationale russe pendant la période d’enquête et résultant de la réévaluation des prêts de la requérante en devises étrangères devait être considérée comme relevant des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux (ci-après les « frais VAG ») liés au produit concerné aux fins de l’établissement de la valeur normale. Par conséquent, la Commission n’aurait pas établi un montant raisonnable des frais en cause et aurait, dès lors, dénaturé le critère des « opérations commerciales normales » en violation de l’article 2, paragraphe 4, du règlement de base. N’ayant ainsi pas procédé à une comparaison équitable entre la valeur normale, établie à un niveau excessif, et le prix à l’exportation, la Commission aurait violé également l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base.

127    La requérante rappelle à cet égard que, comme il ressort du premier moyen, la Commission a établi ses coûts de production à un niveau excessif, de sorte que ladite institution a dû construire la valeur normale pour la grande majorité des ventes sur la base de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, en utilisant un montant raisonnable de frais VAG, tel que décrit notamment au considérant 75 du règlement provisoire, et qui incluait les pertes liées aux différences de taux de change découlant de la conversion des transactions non libellées en roubles russes.

128    La requérante avance que les différences de valeur, découlant de la réévaluation des prêts libellés en devises étrangères en raison de la dépréciation du rouble russe, même si elles présentent le caractère de pertes à caractère exceptionnel, d’une part, dénaturent le calcul des frais pour le produit concerné pendant la période d’enquête et, d’autre part, ne concernent pas la période d’enquête dans la mesure où cette réévaluation ne concerne pas les coûts de change encourus lors de la période d’enquête, mais les provisions pour différences de change futures se rapportant aux emprunts à court et à long terme.

129    Par ailleurs, la Commission aurait également commis une erreur manifeste d’appréciation en rejetant, sans la contester sur le fond, l’analyse effectuée par le cabinet d’audit et d’expertise comptable PricewaterhouseCoopers, dans son rapport du 22 juin 2016, intitulé « Présentation des différences de taux de change découlant de la réévaluation des prêts et emprunts en devises dans le compte de résultat aux fins de l’établissement des états financiers conformément aux IFRS et aux GAAP de Russie » (ci-après le « rapport PwC »), au regard des normes internationales d’information financière (« International Financial Reporting Standards », ci-après les « IFRS ») et des principes comptables généralement admis (« Generally Accepted Accounting Principles », ci-après les « GAAP ») en Russie. En effet, selon cette analyse, les différences de valeur résultant de la réévaluation des prêts en devises étrangères ne devaient pas être considérées comme des éléments de coût relevant des frais VAG liés au produit concerné.

130    Cette analyse correspondrait d’ailleurs à la pratique constante de la Commission consistant à ignorer ces différences de taux de change et à ne pas les inclure dans le montant des frais VAG aux fins du calcul d’une valeur normale construite. À cela s’ajouterait le fait que le caractère financier des différences de valeur en cause suffirait à écarter leur pertinence pour les coûts d’exploitation tels que le paiement d’intérêts sur les prêts. Partant, les conclusions figurant aux considérants 40 à 43 du règlement attaqué seraient erronées.

131    Enfin, la Commission n’aurait pas expliqué de manière suffisamment détaillée dans le règlement attaqué en quoi la situation factuelle de la pratique mentionnée, telle qu’elle résultait du règlement (CE) no 2852/2000 du Conseil, du 22 décembre 2000, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de fibres discontinues de polyesters originaires de l’Inde et de la République de Corée (JO 2000, L 332, p. 17), n’était pas pertinente.

132    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

133    Il ressort du considérant 75 du règlement provisoire que la Commission, d’une part, a constaté que tous les producteurs-exportateurs avaient connu dans leurs états financiers des pertes importantes dues aux différences de taux de change découlant de la conversion des transactions non libellées en rouble russe et, d’autre part, a considéré ces pertes comme faisant partie des frais VAG de la requérante pour les inclure dans le calcul de la valeur normale.

134    Il ressort en outre du considérant 40 du règlement attaqué que, pour réfuter l’argument de la requérante selon lequel lesdites pertes ne devraient pas être considérées comme faisant partie des frais VAG, la Commission s’est référée à la fois aux IFRS et aux GAAP en Russie pour conclure que les pertes en cause avaient été dûment enregistrées dans les comptes de la requérante et supportées au cours de la période d’enquête. Au considérant 42 du règlement attaqué, la Commission a expliqué que, dans la procédure antidumping ayant donné lieu au règlement no 2852/2000, les gains de change, qui n’avaient pas été pris en compte lors du calcul des frais VAG, ne s’expliquaient pas principalement par la production et les ventes, ainsi qu’il ressortait du considérant 34 de ce règlement, avant de conclure, au considérant 43 du règlement attaqué, que les producteurs-exportateurs en cause dans la présente procédure n’avaient pas remis en question la pertinence de leurs emprunts pour les coûts de production du produit concerné et que, dès lors, les pertes en cause étaient liées aux emprunts, lesquels avaient servi à financer l’actif immobilisé nécessaire à la fabrication du produit concerné, de sorte que lesdites pertes devaient être prises en compte lors de la détermination des frais VAG de la requérante.

135    Par la première branche du troisième moyen, la requérante fait d’abord valoir que la Commission a méconnu l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base en considérant que les pertes liées aux différences de valeur, découlant de la réévaluation des prêts libellés en devises étrangères causée par la dépréciation du rouble russe, faisaient partie des frais VAG aux fins du calcul de la valeur normale.

136    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, lorsque la Commission conclut que les ventes intérieures d’un producteur-exportateur s’avèrent non bénéficiaires, la valeur normale est, conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, calculée sur la base du coût de production dans le pays d’origine « majoré d’un montant raisonnable pour les frais [VAG] » et d’une marge bénéficiaire raisonnable (voir, notamment, arrêt du 3 décembre 2019, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, sous pourvoi, EU:T:2019:831, point 61).

137    Dans ce contexte, la requérante admet, d’une part, que la Commission a utilisé les montants figurant dans les états financiers qu’elle lui a fournis, qui reflétaient les différences de valeur en cause liées à la réévaluation des prêts en devises compte tenu de la dépréciation du rouble russe, et, d’autre part, que ces différences présentent le caractère de « pertes » à caractère exceptionnel. En revanche, la requérante conteste la conclusion selon laquelle lesdites différences de valeur doivent être considérées comme des éléments de coûts relevant des frais VAG, dès lors que, premièrement, ces différences de valeur sont de nature purement financière et « dénaturent » le calcul des frais VAG, deuxièmement, elles ne concernent pas la période d’enquête en ce que ladite réévaluation ne concerne pas les coûts de change encourus pendant cette période, mais les provisions pour différences de change futures se rapportant aux emprunts à court et à long terme, troisièmement, la référence aux IFRS et GAAP n’est pas convaincante et, quatrièmement, la Commission elle-même a considéré dans le passé que les gains ou les pertes de change n’étaient pas pris en compte au titre des frais VAG.

138    L’argumentation de la requérante ne saurait prospérer.

139    Il y a lieu de relever à cet égard que la Commission a fait valoir à juste titre, premièrement, que les pertes en cause figuraient dans les comptes annuels de la requérante, qui, conformément à l’article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 5, premier alinéa, du règlement 2016/1036), servent de base pour le calcul des frais liés à la production et à la vente du produit concerné dès lors que les documents comptables en question sont tenus conformément aux principes comptables généralement acceptés du pays concerné et tiennent compte raisonnablement des frais liés à la production et à la vente du produit concerné, deuxièmement, que les différences de valeur en cause, résultant des différences de taux de change, constituaient, comme l’admet la requérante, des « pertes à caractère exceptionnel » qui se rapportaient à la « période d’enquête », indépendamment de la circonstance selon laquelle il s’agit de prêts à long terme, et, troisièmement, que lesdites différences de valeur étaient directement liées aux emprunts, lesquels ont servi à financer l’actif immobilisé nécessaire à la fabrication du produit concerné, de sorte que la Commission a pu valablement tenir compte de ces différences de valeurs en déterminant le montant raisonnable de frais VAG.

140    S’agissant du rapport PwC, il y a lieu de relever que l’analyse en cause portait sur la présentation des différences de valeur en cause dans le compte de résultat aux fins de l’établissement des états financiers conformément aux IFRS et aux GAAP de Russie, qui sont mentionnés au considérant 40 du règlement attaqué. Selon cette analyse, au regard des normes IFRS, « en règle générale », les frais VAG comprennent « les frais de vente, les frais de commercialisation et de distribution et les frais généraux de gestion, mais ils sont habituellement imputables à la production et à la vente des stocks, c’est-à-dire à une fonction d’exploitation, plutôt qu’à une fonction de financement ». Le rapport en conclut que les différences de taux de change découlant des prêts et des emprunts relèvent de la « fonction de trésorerie[,] sont de nature financière et doivent être présentées en tant que telles, c’est-à-dire parmi les éléments financiers du compte de résultat ». Selon la même analyse, au regard des GAAP de Russie, lesdites différences ne sauraient être présentées « comme faisant partie des coûts de production, du coût des ventes ou des frais [VAG] ».

141    Sans qu’il soit nécessaire de prendre position sur la contestation de la Commission relative à la force probante du rapport PwC, élaboré à la suite d’une demande de la requérante, et au caractère tardif de sa production, celui-ci ayant été produit seulement après la communication supplémentaire des conclusions définitives de la Commission du 20 juin 2016, à savoir plus de treize mois après l’ouverture de l’enquête, ce qui explique que ladite institution ne l’ait pas évoqué au considérant 40 du règlement attaqué, il suffit de constater que, en tout état de cause, l’analyse contenue dans ce rapport ne saurait remettre en cause la conclusion selon laquelle les pertes en question peuvent relever des frais VAG au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base pour les raisons indiquées au point 139 ci-dessus.

142    À cet égard, il y a lieu de relever également que le Tribunal a eu l’occasion de juger que les « pertes mentionnées dans les comptes annuels » sous l’intitulé « pertes sur transactions et conversions en devises étrangères » doivent être incluses dans les frais VAG si elles sont liées à l’activité principale de la requérante, dans la mesure où les frais VAG sont constitués des coûts liés à la vente ainsi qu’au fonctionnement général et à l’exploitation de l’entreprise (arrêt du 11 juillet 2017, Viraj Profiles/Conseil, T‑67/14, non publié, EU:T:2017:481, points 177 et 180).

143    Enfin, en ce qui concerne la prétendue pratique de la Commission consistant à ignorer de telles différences de taux de change et à ne pas les inclure dans le montant des frais VAG aux fins du calcul de la valeur normale construite, force est de constater que, au considérant 34 du règlement no 2852/2000, la Commission a observé que les gains de change en cause s’expliquaient « davantage par le retraitement de dettes à long terme en devises plutôt que par la production et les ventes au cours d’opérations commerciales normales sur le marché intérieur pendant la période d’enquête [en cause] » et que « les gains ou les pertes de change, réalisés ou non, [n’étaient] pas pris en compte dans le cadre des enquêtes antidumping ». Toutefois, à supposer même que, contrairement à ce qu’allègue la Commission, les dettes en question eussent un rapport avec le produit visé par ladite procédure antidumping et que cet exemple unique invoqué par la requérante reflète une pratique de la Commission, ce qui n’a pas été établi, pareille pratique ne serait, en tout état de cause, pas susceptible de remettre en cause l’interprétation de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base, qui résulte des points qui précèdent. En réponse à une question posée par le Tribunal, la Commission a d’ailleurs confirmé que, si, en l’espèce, les écarts de change faisaient partie du coût total du prêt à la fin de chaque exercice, les écarts de change consistant en un gain net, le cas échéant, seraient pareillement pris en considération, dans la limite du coût total de financement supporté par le producteur en question, lors du calcul de ce coût à la fin de chaque exercice concerné.

144    Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur en faisant figurer les pertes en cause résultant de la dépréciation du rouble russe et relevées dans les documents comptables de la requérante parmi le montant raisonnable des frais VAG supportés par l’intéressée au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement de base. Partant, dans la mesure où la requérante fait découler la violation de l’article 2, paragraphes 4 et 10, du règlement de base de la méconnaissance de l’article 2, paragraphe 3, de ce règlement, la première branche du premier moyen doit être rejetée dans son ensemble.

 Sur la seconde branche du troisième moyen

145    Par la seconde branche du troisième moyen, la requérante soutient que la Commission a interprété de manière erronée l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base et a commis une erreur manifeste d’appréciation en ce qu’elle a appliqué un ajustement à la baisse – au titre des frais VAG et du bénéfice raisonnables d’un importateur indépendant hypothétique – au prix à l’exportation facturé par le négociant lié à la requérante situé hors de l’Union pour les ventes à l’exportation à des clients dans l’Union effectuées selon des conditions « rendu droits dus » (RDD). En conséquence, la Commission aurait établi un prix à l’exportation artificiellement bas, de sorte que la comparaison à laquelle elle a procédé entre la valeur normale, construite à un niveau excessif, et le faible prix à l’exportation n’était pas équitable, ce qui serait contraire aux dispositions de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base.

146    La requérante fait valoir que les ventes réalisées dans des conditions RDD ne comportent pas de dédouanement et ne sont pas effectuées à un prix couvrant des fonctions normalement exécutées par les importateurs, de sorte qu’il n’y a pas de frais et de bénéfices susceptibles d’intervenir entre l’importation et la revente ultérieure et qu’aucun ajustement ne peut être effectué au titre de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base. Un tel ajustement s’imposerait au contraire lorsque les conditions commerciales de vente exigent la livraison d’un produit après importation et acquittement de tous les droits de douane, comme dans le cas de ventes « rendu droits acquittés » (RDA), car ce ne serait que dans de telles transactions que le négociant lié supporterait des coûts entre l’importation et la revente et qu’il exercerait des fonctions normalement exécutées par les importateurs.

147    La requérante estime que la Commission n’a pas correctement apprécié le rôle et les fonctions de son négociant lié en Suisse en ce qui concerne les ventes à des clients dans l’Union qui ont été effectuées dans des conditions RDD et dans le cadre desquelles le négociant lié n’a pas agi en tant qu’importateur, mais en tant que partie du réseau d’exportation de la requérante. Dans le cadre de telles opérations d’exportation, le négociant lié agirait en tant que service d’exportation externe du producteur-exportateur, car il réaliserait des ventes à l’exportation avec livraison avant dédouanement à la frontière de l’Union de la même manière qu’un producteur-exportateur agissant sans négociant lié. Par ailleurs, le fait que la relation entre la requérante et son négociant lié s’inscrive dans le cadre d’une relation acheteur-vendeur n’affecterait pas la conclusion selon laquelle le négociant agirait en tant que service d’exportation de la requérante ou que ceux-ci feraient tous les deux partie du même réseau d’exportation.

148    Enfin, la requérante invoque à l’appui de son argumentation la pratique établie de la Commission dans les procédures antidumping impliquant un négociant lié situé hors de l’Union et membre du réseau d’exportation d’un producteur-exportateur.

149    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

150    À titre liminaire, il convient de rappeler que, conformément à l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base, le prix à l’exportation est le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers l’Union. Aux termes de l’article 2, paragraphe 9, premier alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 9, premier alinéa, du règlement 2016/1036), lorsqu’il n’y a pas de prix à l’exportation ou lorsqu’il apparaît que le prix à l’exportation n’est pas fiable en raison de l’existence d’une association ou d’un arrangement de compensation entre l’exportateur et l’importateur ou un tiers, le prix à l’exportation peut être construit sur la base du prix auquel les produits importés sont revendus pour la première fois à un acheteur indépendant ou, si les produits ne sont pas revendus à un acheteur indépendant ou ne sont pas revendus dans l’état où ils ont été importés, sur toute autre base raisonnable.

151    Il s’ensuit que, en cas d’association entre l’exportateur et l’importateur, les institutions sont en droit, conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, de construire le prix à l’exportation, sous réserve de la possibilité pour les entreprises concernées de renverser la présomption selon laquelle les prix pratiqués entre ceux-ci ne sont pas fiables en présentant des éléments qui démontrent la fiabilité de ces prix (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 111). La jurisprudence admet l’existence d’une telle association lorsque l’exportateur et l’importateur appartiennent au même groupe (voir arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 39 et jurisprudence citée).

152    En vertu de l’article 2, paragraphe 9, deuxième alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 9, deuxième alinéa, du règlement 2016/1036), lorsque le prix à l’exportation est construit sur la base du prix au premier acheteur indépendant ou sur toute autre base raisonnable, des ajustements sont opérés pour tenir compte de tous les frais intervenus entre l’importation et la revente, afin d’établir un prix à l’exportation fiable au niveau frontière de l’Union. L’article 2, paragraphe 9, troisième alinéa, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 9, troisième alinéa, du règlement 2016/1036) prévoit que les coûts au titre desquels un ajustement est opéré incluent, notamment, une marge raisonnable pour les frais VAG et le bénéfice (voir arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 40 et jurisprudence citée).

153    À cet égard, d’abord, il importe d’ajouter que les ajustements prévus à l’article 2, paragraphe 9, deuxième et troisième alinéas, du règlement de base sont opérés d’office par les institutions. En outre, il y a lieu de considérer que cette disposition n’exclut pas que des ajustements soient opérés pour des frais intervenus avant l’importation, dans la mesure où ces frais sont normalement supportés par l’importateur (voir arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 41 et jurisprudence citée).

154    Ensuite, si l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base prévoit qu’un ajustement au titre d’une marge raisonnable pour les frais VAG et le bénéfice est opéré, cette disposition ne prévoit pas de méthode de calcul ou de détermination de ladite marge. Elle se limite à renvoyer au caractère raisonnable de ladite marge faisant l’objet de l’ajustement (voir arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 42 et jurisprudence citée ; arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 131).

155    En outre, la détermination de marges raisonnables pour les frais VAG et le bénéfice ne fait pas exception à l’application de la jurisprudence citée au point 56 ci-dessus, selon laquelle la Commission dispose, dans le domaine des mesures de défense commerciale, d’un large pouvoir d’appréciation, de sorte que le juge de l’Union n’est appelé à exercer qu’un contrôle restreint (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 132).

156    Enfin, il importe de relever qu’il appartient, en cas d’association entre l’exportateur et l’importateur, à la partie intéressée qui entend contester l’étendue des ajustements opérés sur le fondement de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, en ce que les marges déterminées au titre des frais VAG et du bénéfice seraient excessives, de fournir des éléments de preuve et des calculs concrets justifiant ses allégations et, en particulier, le taux alternatif qu’elle propose le cas échéant (voir arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 44 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 mai 2017, RFA International/Commission, C‑239/15 P, EU:C:2017:337, point 38).

157    En réponse à l’argument de la requérante, formulé dans ses observations sur les conclusions provisoires de la Commission, selon lequel les ajustements effectués pour les frais VAG et les bénéfices en vertu de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base ne pouvaient pas s’appliquer en l’espèce aux ventes réalisées dans des conditions RDD par l’intermédiaire de négociants ou importateurs liés basés en Suisse, la Commission a relevé, au considérant 64 du règlement attaqué, qu’il conviendrait, en vertu de l’article 2, paragraphe 9, deuxième et troisième alinéas, du règlement de base, d’appliquer un ajustement à la baisse pour les frais VAG ainsi qu’une marge bénéficiaire raisonnable « pour tous les types de transactions de vente » effectuées par l’intermédiaire de négociants ou importateurs liés basés en Suisse. En effet, même si la livraison des marchandises selon les modalités de transaction déclarées par les producteurs-exportateurs a lieu avant leur mise en libre pratique et même si la responsabilité du dédouanement incombe à l’acheteur (contrairement aux transactions réalisées dans des conditions RDA), cela ne change rien au fait que les ventes sont réalisées par le négociant ou importateur lié, qui supporte les frais VAG et qui cherche généralement à dégager un bénéfice de ses services (considérant 65 du règlement attaqué).

158    La Commission en conclut, au considérant 66 du règlement attaqué, que, dans la mesure où le négociant ou importateur est lié au producteur-exportateur, il découle de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base que les données de ce négociant ou importateur sont, par définition, non fiables et que ses bénéfices doivent être déterminés par l’autorité chargée de l’enquête sur une base raisonnable. Par ailleurs, l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base n’exclut pas la possibilité d’effectuer des ajustements pour tenir compte des coûts supportés avant l’importation, dans la mesure où ces coûts sont habituellement supportés par le négociant ou importateur. À la suite des observations de la requérante sur les conclusions définitives de la Commission, celle-ci ajoute, au considérant 67 du règlement attaqué, que, en tout état de cause, le fait que les sociétés liées n’exécutent que certaines fonctions ne l’empêche pas d’opérer des ajustements en vertu de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, mais cela pourrait se traduire par un montant plus faible de frais VAG à déduire du prix auquel le produit concerné est revendu pour la première fois à un acheteur indépendant. La charge de la preuve incombe aux parties intéressées qui envisagent de contester l’ampleur des ajustements effectués sur la base de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base. En conséquence, si ces parties jugent ces ajustements excessifs, elles doivent produire des preuves et des calculs spécifiques à l’appui de leurs arguments. Or, les producteurs-exportateurs n’auraient pas fourni de preuves qui soient de nature à remettre en question les frais VAG ou le pourcentage de bénéfice utilisés.

159    C’est à la lumière de ces rappels et précisions qu’il convient d’examiner le bien-fondé de l’argumentation développée par la requérante à l’appui de la seconde branche du troisième moyen.

160    À cet égard, il appert que la requérante convient que, en l’espèce, dans la mesure où le négociant en cause est lié au producteur-exportateur, il y avait lieu de procéder à la construction du prix à l’exportation conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, dont elle ne conteste pas, ainsi, l’applicabilité. Par ailleurs, la requérante précise, dans la réplique, qu’elle ne soutient pas qu’elle constitue avec le négociant lié une unité économique unique, mais elle considère qu’ils font partie du même réseau d’exportation.

161    Par son argumentation, la requérante soutient, en substance, que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en appliquant un ajustement à la baisse, au titre des frais VAG et du bénéfice raisonnables, en application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, au prix à l’exportation des ventes réalisées par l’intermédiaire de son négociant lié, alors que ces transactions ont été réalisées en l’espèce dans des conditions RDD. En effet, dans une telle situation, la transaction n’inclurait pas le dédouanement, l’importation, la revente après l’importation, ni les fonctions normalement exécutées par les importateurs.

162    Cependant, la Commission a pu relever sans commettre d’erreur, aux points 64 à 67 du règlement attaqué, que, même si, dans le cas d’opérations de vente réalisées dans des conditions RDD, la responsabilité du dédouanement incombe à l’acheteur, il n’en demeure pas moins que les ventes en question sont réalisées par le négociant lié, qui supporte des frais VAG et qui cherche normalement à réaliser un bénéfice sur ses prestations. Par conséquent, une marge raisonnable de frais VAG et une marge bénéficiaire du négociant lié doivent, au cas par cas, pouvoir être déduites du prix de revente au premier acheteur indépendant lors de la construction du prix à l’exportation au niveau frontière de l’Union, dont le montant tient compte des fonctions exercées par ledit négociant, ainsi qu’il est relevé aux considérants 66 et 67 du règlement attaqué.

163    À supposer même que le négociant lié et la requérante puissent être considérés comme constituant une entité économique unique, l’existence d’une telle entité serait dépourvue d’incidence sur l’applicabilité même de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base et des ajustements qui y sont prévus, bien que l’existence d’une telle entité puisse, le cas échéant, avoir une incidence sur les modalités d’application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, points 50 à 56). De même, est indifférente la circonstance alléguée selon laquelle le négociant lié est « membre du réseau d’exportation » de la requérante.

164    Dans la mesure où la requérante invoque une pratique de la Commission selon laquelle aucun ajustement à la baisse ne doit être effectué pour les frais VAG et le bénéfice raisonnables dans les procédures antidumping impliquant un négociant lié situé en dehors de l’Union et « membre du réseau d’exportation » d’un producteur-exportateur, une telle pratique, dont la Commission conteste d’ailleurs l’existence, en réponse à une question posée par le Tribunal, en particulier dans la situation où le négociant lié n’est pas, en fait, le service d’exportation du producteur et où ledit négociant soit achète le produit en cause auprès de ce service d’exportation, soit exerce les fonctions d’importateur dans l’Union, même à la supposer établie, ne saurait, en tout état de cause, remettre en cause l’interprétation de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base qui résulte des points qui précèdent.

165    Par conséquent, il y a lieu de conclure que la Commission a pu relever à juste titre, au considérant 67 du règlement attaqué, qu’elle n’avait pas commis d’erreur de droit dans l’application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base et qu’il incombait à la requérante de présenter des éléments de preuve, afin de démontrer que le niveau des ajustements opérés en l’espèce était excessif (voir, en ce sens, notamment, arrêt du 17 mars 2015, RFA International/Commission, T‑466/12, EU:T:2015:151, point 44), ce qu’elle n’a pas fait.

166    Dans la mesure où la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur en opérant l’ajustement litigieux pour les frais VAG et le bénéfice raisonnables aux ventes effectuées par l’intermédiaire du négociant lié, son argumentation tirée d’une violation de l’article 2, paragraphes 10 et 12, du règlement de base, qui est fondée sur la prémisse d’une violation de l’article 2, paragraphe 9, du même règlement, doit, partant, être rejetée également.

167    Eu égard aux considérations qui précèdent, la seconde branche du troisième moyen doit être rejetée et, partant, le troisième moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement de base, de l’article 3.1 de l’accord antidumpingainsi que d’une dénaturation des éléments de preuve et d’erreurs manifestes d’appréciation

168    Le quatrième moyen s’articule en deux branches.

 Sur la première branche du quatrième moyen

169    Par la première branche du quatrième moyen, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas procédé à un examen objectif de la situation de l’industrie de l’Union, violant ainsi l’article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement de base et l’article 3.1 de l’accord antidumping, et qu’elle a commis une erreur manifeste en concluant à l’existence d’un préjudice important. En effet, la Commission n’aurait pas pris en considération des indicateurs économiques qui auraient révélé une situation plus positive de l’industrie de l’Union ou, du moins, ne leur aurait pas donné toute l’importance requise. À l’appui de ce grief, la requérante soutient que la Commission a fondé sa conclusion établissant l’existence d’un préjudice important principalement sur la baisse du volume des ventes, la réduction de la part de marché, la rentabilité négative et la diminution du niveau d’emploi de l’industrie de l’Union, alors que certaines de ses conclusions sont inexactes et erronées. D’abord, la majeure partie de la baisse des ventes sur le marché libre serait due à la diminution de la consommation et le reste de cette baisse s’expliquerait par l’évolution plus générale du marché. Ensuite, la baisse de la part de marché de l’industrie de l’Union ne saurait non plus être un indice de l’existence d’un préjudice important alors que la Commission affirmerait parallèlement que la part de marché des importations en provenance d’autres pays tiers, de l’ordre de 5,4 %, ne serait pas de nature à briser le lien de causalité entre le préjudice allégué et les importations en provenance des pays concernés. En outre, l’évolution négative de la rentabilité et l’incapacité de l’industrie de l’Union à se remettre de la crise de 2012 seraient le résultat de la faible consommation du produit concerné. Enfin, la baisse du niveau de l’emploi au cours de la période considérée, visant à réduire les coûts de production de l’industrie de l’Union, ne serait pas non plus un indice de l’existence d’un préjudice important lié aux importations en provenance des pays concernés.

170    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

171    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

172    Selon une jurisprudence bien établie, la détermination du préjudice suppose l’appréciation de questions économiques complexes. Dans cet exercice, les institutions de l’Union disposent d’une large marge d’appréciation. Le juge de l’Union doit donc limiter son contrôle à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits et de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 15, et du 20 mai 2015, Yuanping Changyuan Chemicals/Conseil, T‑310/12, non publié, EU:T:2015:295, points 127 et 128 et jurisprudence citée).

173    Par ailleurs, il appartient à la requérante de produire les éléments de preuve permettant au Tribunal de constater que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation du préjudice (voir, en ce sens, arrêt du 20 mai 2015, Yuanping Changyuan Chemicals/Conseil, T‑310/12, non publié, EU:T:2015:295, point 129).

174    Il convient de relever en outre que l’énumération des facteurs à prendre en considération en vertu de l’article 3, paragraphes 3 et 5, du règlement de base (l’article 3, paragraphe 3, étant devenu l’article 3, paragraphe 3, du règlement 2016/1036) n’est pas exhaustive et qu’un ou plusieurs facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante (voir arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 138 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, points 20 et 21).

175    Ainsi, si l’examen des institutions doit mener à la conclusion que le préjudice causé à l’industrie de l’Union est important, il n’est pas exigé que tous les facteurs et indices économiques pertinents démontrent une tendance négative (arrêt du 25 octobre 2011, CHEMK et KF/Conseil, T‑190/08, EU:T:2011:618, point 114) et la seule circonstance que certains facteurs de préjudice se soient améliorés durant la période considérée ne signifie pas pour autant que l’industrie de l’Union ne subit pas un préjudice important (voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2000, Miwon/Conseil, T‑51/96, EU:T:2000:92, point 105).

176    Dans le cadre de l’OMC, le groupe spécial a précisé dans son rapport intitulé « Thaïlande – Droits antidumping sur les profilés en fer ou en aciers non alliés et les poutres en H en provenance de Pologne », adopté le 28 septembre 2000 (WT/DS 122/R, paragraphes 7.245 à 7.256), que la conclusion de l’existence d’un préjudice important n’était pas forcément incompatible avec le fait que certains, voire plusieurs des facteurs prévus à l’article 3.4 de l’accord antidumping et qui étaient repris dans l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, témoignaient d’une tendance positive. Toutefois, dans un tel cas de figure, l’autorité chargée de l’enquête doit effectuer une analyse convaincante qui démontre que le développement positif de certains facteurs est contrebalancé par un développement négatif d’autres facteurs. L’autorité chargée de l’enquête ne peut pas simplement ignorer un facteur indiquant une tendance positive, mais doit expliquer l’absence de pertinence ou d’importance d’un tel facteur. Il en est de même dans le cadre de l’examen établi par le règlement de base (arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 139).

177    C’est à la lumière de ces considérations que doivent être analysés les griefs de la requérante relatifs aux prétendues erreurs manifestes d’appréciation commises par la Commission dans l’évaluation du préjudice important subi par l’industrie de l’Union.

178    En l’occurrence, il ressort des considérants 94 à 155 du règlement provisoire et des considérants 73 à 117 du règlement attaqué que la Commission a procédé à un examen détaillé des facteurs pertinents énumérés à l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base et que, dans le cadre d’une évaluation globale de la situation de l’industrie de l’Union, elle a conclu que les facteurs indiquant un développement négatif de l’industrie de l’Union l’emportaient sur les facteurs positifs et que les éléments de preuve établissaient l’existence d’un préjudice important.

179    Au considérant 152 du règlement provisoire, la Commission a conclu que l’industrie de l’Union dans son ensemble avait pu légèrement augmenter ses volumes de production et améliorer son taux d’utilisation des capacités du fait de la forte augmentation de la consommation captive. Selon la Commission, des mesures concrètes ont également été nécessaires pour améliorer l’efficacité en réduisant la main-d’œuvre et la capacité de production et en maîtrisant les coûts de fabrication.

180    Au considérant 153 du règlement provisoire, la Commission a conclu que, malgré ces actions concrètes prises par l’industrie de l’Union durant la période considérée pour améliorer sa performance globale, sa situation sur le marché libre s’était nettement détériorée pendant ladite période alors que les pertes avaient commencé à s’accumuler à partir de 2012. Selon la Commission, les volumes de vente sur le marché libre de l’Union avaient diminué de 14 %, les prix de vente unitaires avaient chuté de 19 % et le coût de production n’avait baissé que de 16 %. De plus, l’industrie de l’Union avait perdu des parts de marché au bénéfice des importations en provenance des pays concernés et avait dû réduire les investissements compte tenu d’un rendement des investissements négatif.

181    La Commission a conclu au considérant 155 du règlement provisoire que l’industrie de l’Union, analysée dans ses deux segments, à savoir les marchés libre et captif, et dans son ensemble, avait subi un préjudice important en ce qui concerne les principaux indicateurs de préjudice, tels que la rentabilité négative et la perte de volume de vente et de part de marché.

182    Au considérant 115 du règlement attaqué, la Commission a relevé qu’elle n’avait pas limité son analyse au marché libre uniquement et que, lorsqu’il y avait lieu, elle avait aussi examiné l’évolution de la situation économique de l’industrie de l’Union dans son ensemble et du marché captif en particulier, et avait formulé ensuite ses conclusions à ce sujet.

183    Au considérant 116 du règlement attaqué, la Commission a souligné, en outre, que la conclusion selon laquelle l’industrie de l’Union avait subi un préjudice important ne se fondait pas uniquement sur l’évolution négative des indicateurs micro- et macroéconomiques sur le marché libre. Si certains de ces indicateurs montraient, en effet, une évolution négative sur le marché libre, d’autres indicateurs couvrant les performances globales de l’industrie de l’Union – tels que l’emploi, le coût de la main-d’œuvre par équivalent temps plein, les investissements et le rendement des investissements – révélaient aussi une détérioration de la situation de cette industrie. La Commission a noté que, compte tenu de la taille respective des marchés libre et captif, l’évolution positive des performances de l’industrie de l’Union sur le marché captif (au regard de certains indicateurs) n’était pas suffisante pour compenser les performances négatives sur le marché libre, comme en attestait l’évolution négative des indicateurs susmentionnés relatifs à l’activité dans son ensemble.

184    Au considérant 117 du règlement attaqué, la Commission a conclu que les conclusions énoncées aux considérants 152 à 155 du règlement provisoire étaient confirmées.

185    Au titre de la première branche du quatrième moyen, la requérante soutient que la constatation de la Commission portant sur l’existence d’un préjudice est viciée en ce qu’elle n’est pas le résultat de la mise en balance de l’évolution, aussi bien positive que négative, des facteurs considérés comme pertinents. Plus particulièrement, plusieurs facteurs de l’examen du préjudice témoigneraient d’une évolution favorable de la situation de l’industrie de l’Union et ne permettraient pas, dès lors, de conclure à l’existence d’un préjudice. Premièrement, alors que le volume de production de l’industrie de l’Union aurait progressé de 1 %, la majeure partie de la baisse de 14 % du volume des ventes sur le marché libre, à savoir 9 % de ladite baisse, serait due à la diminution de la consommation. Le reste de cette baisse s’expliquerait par différents facteurs, parmi lesquels la chute des cours mondiaux des matières premières et le volume croissant d’importations en provenance de pays tiers qui ne sont pas visés par l’enquête. Deuxièmement, il serait difficile de comprendre comment la Commission peut considérer la baisse modérée de la part de marché de l’industrie de l’Union (de 74,8 % en 2011 à 70,8 % au cours de la période considérée) comme un indice de l’existence d’un préjudice important et affirmer en parallèle que la part de marché de 5,4 % détenue par les importations en provenance de l’Inde, de l’Iran et de l’Ukraine ne serait pas de nature à briser le lien de causalité entre le préjudice allégué et les importations en provenance des pays concernés. Troisièmement, l’évolution négative de la rentabilité et l’incapacité de l’industrie de l’Union à se remettre de la crise de 2012 seraient le résultat de la faible consommation du produit concerné. Quatrièmement, la baisse du niveau de l’emploi de 10 % au cours de la période considérée, visant à réduire les coûts de production de l’industrie de l’Union, ne serait pas non plus un indice de l’existence d’un préjudice important lié aux importations en provenance des pays concernés, mais devrait être associée à la situation de l’industrie de l’Union à la suite de la crise financière mondiale de 2012.

186    Ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre, l’argumentation de la requérante n’a pas pour objet de contester les constatations factuelles ou chiffrées énoncées dans le règlement provisoire et confirmées dans le règlement attaqué. En effet, par son argumentation, la requérante ne met pas en cause la réalité des énonciations relatives aux indicateurs de préjudice en cause, à savoir la diminution de 14 % des ventes de l’industrie de l’Union, la baisse de 4 % de la part de marché de l’industrie de l’Union, la situation déficitaire de ladite industrie, enregistrant une rentabilité négative de 2,7 %, et la diminution de 10 % des effectifs au cours de la période considérée, qui constituent manifestement des facteurs de préjudice négatifs aux fins de l’article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement de base.

187    Pour autant que l’argumentation, résumée au point 184 ci-dessus, au soutien de la première branche du quatrième moyen, qui est tirée d’une violation de l’article 3, paragraphes 2 et 5, du règlement de base, puisse ainsi être interprétée comme ne portant pas sur l’existence même d’un préjudice important au sens de ces dispositions, mais sur le lien de causalité au sens de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du même règlement (l’article 3, paragraphe 6, étant devenu l’article 3, paragraphe 6, du règlement 2016/1036), ces dernières dispositions n’étant pas visées par le présent moyen, elle doit être rejetée comme étant inopérante (voir, en ce qui concerne l’accord antidumping, rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC dans l’affaire WT/DS 211/R, intitulé « Égypte – Barres d’armature en acier », du 8 août 2002, paragraphes 7.62 à 7.65, ou encore rapport du groupe spécial établi dans le cadre de l’OMC dans l’affaire WT/DS 483/R, intitulé « Chine – Mesures antidumping visant les importations de pâte de cellulose en provenance du Canada », du 25 avril 2017, paragraphe 7.38).

188    Pour le surplus, la requérante n’a ni démontré que l’appréciation de la Commission relative à l’existence d’un préjudice important, à la suite d’une évaluation globale des facteurs et des indices économiques pertinents qui influent sur la situation de l’industrie de l’Union, était entachée d’erreur manifeste, à supposer même que l’un des facteurs du préjudice fût entaché d’erreur, ni étayé par le moindre élément son affirmation selon laquelle la majorité des autres indicateurs montraient des tendances positives pour l’industrie de l’Union.

189    Dans ces conditions, la première branche du quatrième moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du quatrième moyen

190    S’agissant de la seconde branche du quatrième moyen, la requérante soutient que la Commission a adopté une approche partiale favorable à ses conclusions en matière de préjudice et a dénaturé les éléments de preuve dont elle disposait en n’examinant pas les marchés libre et captif du produit concerné dans leur ensemble et que cette analyse séparée desdits marchés contrevenait à l’obligation visée à l’article 3, paragraphes 1 et 2, du règlement de base (l’article 3, paragraphe 1, étant devenu l’article 3, paragraphe 1, du règlement 2016/1036) et à l’article 3.1 de l’accord antidumping, imposant de procéder à une évaluation objective. En outre, elle fait valoir que la Commission n’a pas analysé de manière similaire les marchés libre et captif, ce qui est également contraire à son obligation d’appréciation objective, dans la mesure où elle a examiné essentiellement et principalement le marché libre et a en grande partie ignoré le marché captif dans l’Union, alors qu’il représentait 82 % de la production totale et qu’il présentait des tendances positives. L’affirmation de la Commission, aux considérants 100 et 101 du règlement provisoire, selon laquelle l’examen de l’industrie de l’Union dans son ensemble n’était pas nécessaire, car elle était verticalement intégrée et les importations n’étaient pas en concurrence avec les produits destinés à un usage captif dans la mesure où il ne serait pas judicieux, du point de vue économique, que des producteurs intégrés achètent à des concurrents des produits destinés à la production en aval s’ils ont la capacité requise pour fabriquer les produits en question (considérant 79 du règlement attaqué), serait, d’une part, erronée, car le produit concerné en provenance de Russie et de Chine aurait bien été acheté par les producteurs de l’Union (considérants 104 et 130 du règlement attaqué), et, d’autre part, non pertinente aux fins de l’obligation d’examiner toutes les parties du marché de manière égale et le marché de l’Union dans son ensemble.

191    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

192    En réponse au grief de la requérante selon lequel la Commission n’aurait pas jugé nécessaire d’examiner l’industrie de l’Union dans son ensemble après avoir examiné séparément le marché captif et le marché libre du produit concerné, il convient de relever qu’il ressort du considérant 115 du règlement attaqué et du considérant 155 du règlement provisoire, confirmé par le considérant 117 du règlement attaqué, que la Commission a effectué une analyse globale couvrant l’ensemble de l’industrie de l’Union, en ce qu’elle a conclu que ladite industrie, analysée dans ses deux segments « et dans son ensemble », avait subi un préjudice important au niveau des principaux indicateurs de préjudice.

193    D’abord, il ressort du considérant 100 du règlement provisoire, confirmé par le considérant 81 du règlement attaqué, que la Commission a estimé que, dans la mesure où l’industrie de l’Union était majoritairement verticalement intégrée et où le produit concerné était considéré comme une matière première pour la production de divers produits en aval à valeur ajoutée, il y avait lieu d’analyser séparément les consommations du marché captif et celles du marché libre. Selon le considérant 101 du règlement provisoire, également confirmé par le considérant 81 du règlement attaqué, la distinction entre marché captif et marché libre est pertinente pour l’analyse du préjudice, parce que les produits destinés à un usage captif ne sont pas exposés à la concurrence directe des importations et que les prix de transfert sont définis au sein des groupes en fonction de diverses politiques tarifaires, et ne sont donc pas fiables. Au contraire, la production destinée au marché libre est en concurrence directe avec les importations du produit concerné et les prix sont ceux du marché libre.

194    Au considérant 90 du règlement attaqué, la Commission relève que, comme cela est expliqué au considérant 123 du règlement provisoire, elle a analysé séparément les données relatives au marché captif et celles relatives au marché libre ainsi que les résultats globaux de l’industrie de l’Union, lorsqu’il y avait lieu. Selon le même considérant, la majeure partie du marché captif concerne des transferts captifs effectués au sein d’une même entité juridique, de sorte qu’aucune facture n’est émise et, partant, aucun prix de vente n’est établi. Pour la Commission, dans le cas des ventes captives entre entités liées, il est patent, à la lumière des différentes politiques de prix de transfert applicables parmi les divers producteurs retenus dans l’échantillon, qu’aucune analyse pertinente du prix et des indicateurs de rentabilité n’était envisageable, mais, étant donné que le volume de la consommation captive était néanmoins susceptible de fluctuer, son évolution a été soumise à analyse. Selon le même considérant, pour ce qui est du marché libre, le coût unitaire de production, le prix de vente, le volume des ventes et la rentabilité ont été analysés ; quant à l’activité globale couvrant les marchés captif et libre, qui sont étroitement liés, l’analyse a porté, notamment, sur les indicateurs suivants : volume et capacités de production, utilisation des capacités, emploi, productivité, stocks, coût de la main-d’œuvre, flux de liquidités, investissements et rendement des investissements.

195    Dès lors, comme il a été relevé au considérant 91 du règlement attaqué, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel l’analyse de la situation économique de l’industrie de l’Union se fonde uniquement sur le marché libre et aurait dû inclure une analyse des activités sur le marché captif ainsi que des activités globales. Tous les aspects pertinents concernant l’évolution de la situation économique sur ces marchés ont été analysés dans la mesure du possible, qu’ils aient été pris en considération séparément ou de manière agrégée, et la requérante n’a pas pu démontrer que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans son analyse.

196    Ainsi qu’il ressort du point 194 ci-dessus, lorsqu’une analyse pertinente n’était pas envisageable concernant certains indicateurs, comme le prix de vente ou la rentabilité du marché captif, la Commission en a donné les raisons, de sorte que la requérante n’a pas démontré que la Commission n’avait pas analysé les marchés libre et captif en toute objectivité et, dans toute la mesure du possible, de la même manière pour intégrer ensuite son analyse dans l’évaluation globale, conformément à l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base et à l’article 3.1 de l’accord antidumping [voir, en ce sens, rapport de l’organe d’appel de l’OMC intitulé « États-Unis – mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon », adopté le 23 août 2001 (WT/DS 184/AB/R), point 204].

197    Enfin, il convient de répondre à l’argumentation de la requérante selon laquelle la Commission a jugé à tort, aux considérants 100 et 101 du règlement provisoire, que l’examen de l’industrie de l’Union « dans son ensemble » n’était pas nécessaire dans la mesure où l’industrie de l’Union était verticalement intégrée et où, partant, les importations du produit concerné n’étaient pas en concurrence avec les produits destinés à un usage captif que l’industrie de l’Union aurait la capacité de fabriquer elle-même. Au soutien de son argumentation, la requérante fait valoir plus précisément que le produit concerné en provenance de Russie et de Chine a bel et bien été acheté par les producteurs de l’Union, de sorte que l’argument de la Commission, énoncé au considérant 79 du règlement attaqué, selon lequel il ne serait « pas judicieux, du point de vue économique », que l’industrie de l’Union achète des produits semi-finis laminés à froid en acier à des concurrents est entaché d’erreur. À cet égard, il suffit de relever que la requérante n’a pas démontré que la réponse apportée par la Commission aux considérants 191 et 192 du règlement provisoire et confirmée au considérant 130 du règlement attaqué, selon laquelle l’achat par l’industrie de l’Union du produit concerné en provenance, notamment, de Russie et de Chine représentait moins de 1 % du chiffre d’affaires total des ventes de ladite industrie et était le fait de sociétés qui fonctionnaient indépendamment des sociétés productrices et qui étaient contraintes de satisfaire à une partie très limitée de leurs besoins à partir de telles importations sous la pression occasionnelle de clients voulant obtenir le matériau le moins cher possible, était entachée d’erreur manifeste.

198    En conclusion, la requérante n’a pas démontré que la Commission ait violé l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base et l’article 3.1 de l’accord antidumping ou commis des erreurs manifestes d’appréciation dans le cadre de l’appréciation de l’existence du préjudice, ni qu’elle ait suivi une approche partiale dans le cadre de cette analyse.

199    Pour toutes ces raisons, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base

200    Par son cinquième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a méconnu l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base en attribuant aux importations en provenance des pays concernés le préjudice porté à l’industrie de l’Union. Ce préjudice serait le résultat d’autres facteurs, pris individuellement, et, en tout état de cause, considérés collectivement, à savoir la crise économique de 2012, les mauvaises décisions commerciales prises par l’industrie de l’Union, la chute des prix du produit concerné en raison de la baisse des prix des matières premières, les achats par l’industrie de l’Union des importations en provenance des pays concernés, l’incidence des importations en provenance d’Iran, d’Inde et d’Ukraine et l’existence d’un accord international précédemment applicable relatif au commerce de certains produits sidérurgiques entre la Russie et l’Union. La requérante estime qu’il y avait en l’occurrence des circonstances exceptionnelles, à savoir la crise de l’industrie sidérurgique mondiale, suivie d’une dépression des prix de l’acier accompagnée de prix élevés de l’industrie énergétique, et un marché captif très important, obligeant la Commission à effectuer une analyse collective de ces autres facteurs de causalité.

201    S’agissant, premièrement, de la contraction de la demande due à la crise économique mondiale de 2012, la Commission aurait déclaré à tort au point 163 du règlement provisoire que les producteurs de l’Union n’avaient pas bénéficié d’une reprise alléguée entre 2012 et 2013 en raison des importations russes ou chinoises, cette absence de reprise étant due à la contraction persistante de la demande du produit concerné. S’agissant, deuxièmement, des décisions commerciales malencontreuses prises par l’industrie de l’Union, la Commission aurait rejeté à tort cet argument au considérant 169 du règlement provisoire et aux considérants 121 et 122 du règlement attaqué, le moment choisi par l’industrie de l’Union pour procéder à des investissements coûteux en 2011 et en 2012 ainsi que l’augmentation des capacités intervenue en 2011 ayant été particulièrement préjudiciables à ladite industrie. S’agissant, troisièmement, de la chute des prix du produit concerné en raison de la baisse des prix des matières premières, la Commission l’aurait également écartée à tort comme un facteur du préjudice au considérant 171 du règlement provisoire et au considérant 127 du règlement attaqué. S’agissant, quatrièmement, de la circonstance que l’industrie de l’Union aurait acheté elle-même le produit concerné en provenance de Chine et de Russie, la Commission l’aurait aussi appréciée de manière incomplète et inexacte aux fins de l’analyse des causes du préjudice au considérant 192 du règlement provisoire et au considérant 131 du règlement attaqué, alors que lesdites importations n’étaient pas négligeables. S’agissant, cinquièmement, des importations en provenance de l’Inde, de l’Iran et de l’Ukraine, leur part de marché cumulée de 5,4 % était suffisamment élevée pour constituer la principale raison de la réduction de la part de marché de l’industrie de l’Union de 4 %, contrairement à ce qui ressortirait du considérant 180 du règlement provisoire et du considérant 141 du règlement attaqué, et la Commission aurait jugé à tort que les importations en provenance de Russie causaient un préjudice alors que celles de volumes similaires, et parfois à des prix plus bas, en provenance des autres pays tiers n’y auraient pas contribué. S’agissant, sixièmement, de l’accord international précédemment applicable relatif au commerce de certains produits sidérurgiques entre l’Union et la Russie et prévoyant, année par année, des quotas d’importation qui ne seraient pas préjudiciables à l’industrie de l’Union, la Commission n’aurait pas dûment pris en considération cette circonstance lors de son appréciation de la situation.

202    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

203    À titre liminaire, il convient de relever que, conformément à l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base, il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec l’article 3, paragraphe 2, du même règlement que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens de ce règlement. Cela implique la démonstration que le volume ou les niveaux des prix visés à l’article 3, paragraphe 3, de ce règlement ont un impact sur l’industrie de l’Union au sens de l’article 3, paragraphe 5, de ce même règlement et que cet impact est tel qu’il puisse être considéré comme important (voir arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 22 et jurisprudence citée).

204    De plus, il y a lieu de rappeler que l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base prévoit que les facteurs connus, autres que les importations faisant l’objet d’un dumping, qui causent au même moment un préjudice à l’industrie de l’Union sont examinés de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping au sens de l’article 3, paragraphe 6, de ce même règlement.

205    Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé précédemment, il est de jurisprudence constante que la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union suppose l’appréciation de situations économiques complexes et que le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Tel est notamment le cas de la détermination des facteurs qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une enquête antidumping (voir arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 15 et jurisprudence citée).

206    Lors de sa détermination, les institutions de l’Union ont l’obligation d’examiner si le préjudice qu’elles entendent retenir découle effectivement des importations qui ont fait l’objet d’un dumping et d’écarter tout préjudice découlant d’autres facteurs, notamment celui qui aurait sa cause dans le comportement propre des producteurs de l’Union. À cette fin, il appartient aux institutions de vérifier si les effets de ces autres facteurs n’ont pas été de nature à rompre le lien de causalité entre, d’une part, les importations concernées et, d’autre part, le préjudice subi par l’industrie de l’Union. Il leur appartient également de vérifier si le préjudice imputable à ces autres facteurs n’entre pas en ligne de compte dans la détermination du préjudice. Toutefois, si les institutions de l’Union constatent que, en dépit de tels facteurs, le préjudice causé par lesdites importations est important, le lien de causalité entre ces importations et le préjudice subi par l’industrie de l’Union peut, en conséquence, être établi (voir, en ce sens, arrêts du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, points 23 à 25, et du 16 avril 2015, TMK Europe, C‑143/14, EU:C:2015:236, points 35 à 37).

207    Enfin, il appartient aux parties invoquant l’illégalité d’un règlement tel que le règlement attaqué de présenter les éléments de preuve de nature à démontrer l’incidence des facteurs susceptibles d’avoir un effet sur le préjudice causé à l’industrie de l’Union. Ces parties doivent notamment démontrer que lesdits facteurs ont pu avoir une incidence d’une telle importance que l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union et celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables (voir, en ce sens, arrêt du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 28).

208    Par le présent moyen, tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, la requérante ne vise pas la conclusion provisoire de la Commission, au titre de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base, telle que formulée au considérant 159 du règlement provisoire, reprise au considérant 202 du même règlement et confirmée au considérant 143 du règlement attaqué, selon laquelle, au vu de la coïncidence clairement établie entre, d’une part, le niveau toujours croissant des importations faisant l’objet d’un dumping à des prix continuellement en baisse et, d’autre part, la perte de volume de ventes de l’industrie de l’Union ainsi que la dépression des prix entraînant une situation déficitaire, les importations faisant l’objet d’un dumping étaient responsables de la situation préjudiciable de l’industrie de l’Union.

209    De même, la requérante ne conteste pas que, comme il est rappelé au considérant 82 du règlement attaqué, les effets des importations en provenance de Russie et de Chine faisant l’objet d’un dumping ont fait l’objet d’une évaluation cumulative au sens de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base (devenu article 3, paragraphe 4, du règlement 2016/1036), pour les raisons mentionnées aux considérants 107 à 111 du règlement provisoire.

210    En revanche, la requérante conteste la seconde étape de l’examen du lien de causalité entre le préjudice et les importations en provenance des pays concernés, effectuée en application de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, unique objet du présent moyen.

211    Selon la Commission, les conclusions du règlement attaqué relatives à l’existence d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance de Chine et de Russie et le préjudice important subi par l’industrie de l’Union, y compris en prenant en compte la question de savoir si d’autres facteurs étaient en mesure de briser tout lien entre ces importations et ledit préjudice, étaient devenues définitives dès lors qu’aucun producteur-exportateur chinois n’avait introduit un recours en annulation contre le règlement attaqué et que la requérante n’avait pas contesté la décision de la Commission de procéder à une évaluation cumulative des effets de ces importations en application de l’article 3, paragraphe 4, du règlement de base. Cet argument de la Commission doit être rejeté. En effet, rien n’empêche la requérante d’apporter la démonstration que l’effet de ces autres facteurs a été de nature à rompre le lien de causalité entre les importations en provenance de Chine et de Russie, qui ont fait l’objet d’une évaluation cumulative, et le préjudice important subi par l’industrie de l’Union.

212    Il convient dès lors de vérifier si, comme le soutient la requérante, d’autres facteurs, pris individuellement ou collectivement, étaient à l’origine du préjudice important subi par l’industrie de l’Union et brisaient ainsi le lien de causalité entre le préjudice et les importations litigieuses.

213    S’agissant, en premier lieu, de la contraction de la demande due à la crise économique, la Commission a relevé, au considérant 120 du règlement attaqué, que, dans un contexte de lente reprise de la demande à partir de 2012, à savoir de 4,4 % entre 2012 et la période d’enquête, la part de marché des importations en provenance des pays concernés était passée de 13,5 % en 2012 à 18,7 % en 2013, et même à 20,1 % au cours de la période d’enquête. Parallèlement, ainsi qu’il ressort des considérants 127 et 129 du règlement provisoire et du considérant 105 du règlement attaqué, la part de marché de l’Union est passée de 74,8 à 70,8 % au cours de la période considérée et, pour éviter une contraction encore plus forte, l’industrie de l’Union a été contrainte de baisser les prix (considérant 140 du règlement provisoire). C’est sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu en déduire que la circonstance que les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés n’avaient pas été, contrairement à l’industrie de l’Union, négativement affectées par la légère reprise de la consommation à partir de 2012 démontrait que ce facteur n’était pas de nature à briser le lien de causalité entre les importations litigieuses et le préjudice important causé à l’industrie de l’Union.

214    Par conséquent, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission a tenu compte de l’effet de la contraction de la demande sur la situation de l’industrie de l’Union et la requérante est restée en défaut de démontrer que cette contraction avait eu une incidence d’une importance telle que l’existence d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

215    Il ressort de ce qui précède que le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’incidence éventuelle de la contraction de la demande due à la crise économique sur le préjudice causé à l’industrie de l’Union doit être rejeté.

216    S’agissant, en deuxième lieu, des prétendues mauvaises décisions commerciales prises par l’industrie de l’Union en matière d’investissement et d’augmentation des capacités, à savoir la réalisation de prétendus investissements « coûteux » en 2011 et en 2012 ainsi que l’augmentation des capacités en 2011, la Commission a relevé, au considérant 122 du règlement attaqué, que, dans la mesure où l’enquête avait eu pour objectif d’analyser l’évolution de la situation économique de l’industrie de l’Union durant la période allant de 2011 à la période d’enquête, l’accroissement des capacités qui avait eu lieu au cours des années 2010 et 2011 ne pouvait pas être considéré comme faisant partie du champ de l’analyse. De plus, l’affirmation selon laquelle l’industrie de l’Union avait effectué des investissements coûteux en 2011 et en 2012 ne serait étayée par aucun élément de fait et les investissements consentis par les producteurs de l’Union inclus dans l’échantillon au cours de la période considérée auraient représenté moins de 2,5 % de leur actif net et auraient consisté principalement en des investissements de remplacement et de rationalisation. La Commission en a déduit au même considérant que, compte tenu du niveau des investissements et de leur nature, ceux-ci ne pouvaient pas être considérés comme suffisamment importants pour avoir une incidence sur la performance économique de l’industrie de l’Union.

217    Il y a lieu de constater que la requérante n’a apporté aucun élément à l’appui de son allégation selon laquelle l’industrie de l’Union avait consenti des investissements coûteux qui auraient été à l’origine du préjudice important qu’elle subissait. Par ailleurs, celle-ci a effectivement diminué le niveau de ses investissements de 14 % sur l’ensemble de la période considérée, ainsi qu’il ressort du tableau 16 du règlement provisoire.

218    Par conséquent, la requérante est restée en défaut de démontrer que les décisions en matière d’investissement et de capacité de l’industrie de l’Union avaient eu une importance telle que l’existence d’un préjudice important causé à ladite industrie ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

219    Il ressort de ce qui précède que le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’incidence éventuelle des décisions en matière d’investissement et de capacité de l’industrie de l’Union sur le préjudice causé à celle-ci doit être rejeté.

220    S’agissant, en troisième lieu, de l’incidence de la diminution des prix des matières premières sur les prix du produit concerné appliqués par l’industrie de l’Union, la Commission a indiqué, d’une part, au considérant 126 du règlement attaqué, que les prix des importations en provenance des pays concernés avaient baissé en moyenne de 20 %, alors que la diminution des prix des matières premières ne pouvait induire qu’une baisse des prix inférieure à 11 % environ, et, d’autre part, au considérant 127 du règlement attaqué, que la baisse des prix de vente dans l’Union, de l’ordre de 19 %, ainsi qu’il est relevé notamment aux considérants 140 et 153 du règlement provisoire, était plus prononcée que la baisse des prix des matières premières.

221    La Commission a dès lors pu considérer sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que la baisse des prix de vente dans l’Union était due, du moins partiellement, à la pression sur les prix exercée par les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés.

222    Par conséquent, la requérante est restée en défaut de démontrer que la baisse des prix des matières premières avait eu une incidence telle que l’existence d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

223    Il ressort de ce qui précède que le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’incidence éventuelle des prix des matières premières sur le préjudice causé à l’industrie de l’Union doit être rejeté.

224    S’agissant, en quatrième lieu, des importations du produit concerné par l’industrie de l’Union elle-même, la Commission a indiqué, au considérant 130 du règlement attaqué, que ces importations avaient représenté moins de 1 % du chiffre d’affaires total des ventes de l’industrie de l’Union. Compte tenu des faibles volumes concernés et du fait que ceux-ci n’avaient pas augmenté pendant la période considérée, alors que la part de marché des importations faisant l’objet d’un dumping en provenance des pays concernés s’élevait à 20,1 %, c’est sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu conclure que ces achats ne pouvaient rompre le lien de causalité entre les importations litigieuses et le préjudice important causé à l’industrie de l’Union.

225    En l’absence d’éléments concrets de nature à étayer son grief, la requérante est restée en défaut de démontrer que les importations du produit concerné réalisées par l’industrie de l’Union avaient pu avoir une importance telle que l’existence d’un préjudice important causé à ladite industrie ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

226    Il ressort de ce qui précède que le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’incidence éventuelle des importations réalisées par l’industrie de l’Union sur le préjudice causé à celle-ci doit être rejeté.

227    S’agissant, en cinquième lieu, des importations du produit concerné en provenance des autres pays tiers, il ressort du tableau 27 et du considérant 177 du règlement provisoire ainsi que du considérant 139 du règlement attaqué que, au cours de la période considérée, le volume des importations de ces autres pays tiers avait diminué de 24 % et que leur part de marché était passée de 10,9 à 9,1 %, alors que le volume des importations en provenance des pays concernés avait augmenté de 28 % et que la part de marché des importations en provenance de Russie avait progressé, passant de 5,9 à 9,8 %. En outre, la part de marché cumulée des pays concernés était passée de 14,3 % en 2011 à 20,1 % durant la période d’enquête. La Commission en a conclu que les importations en provenance de Russie et celles en provenance d’autres pays tiers avaient suivi des tendances opposées.

228    C’est sans commettre une erreur manifeste d’appréciation que la Commission a pu en déduire que les importations en provenance des autres pays tiers, dont la part de marché était restée relativement stable, ne sauraient aboutir à briser le lien de causalité entre les importations en provenance des pays concernés, qui connaissaient une croissance rapide et enregistraient une part de marché de 20,1 %, et le préjudice subi par l’industrie de l’Union. Il en est d’autant plus ainsi que, comme la Commission l’a relevé aux considérants 140 et 141 du règlement attaqué, même s’il n’était nullement contesté que les prix moyens des importations en provenance de l’Iran et de l’Ukraine étaient effectivement inférieurs à ceux des pays concernés, la politique des prix de l’Iran et de l’Ukraine n’a pas connu de changement notable au cours de la période considérée, contrairement aux prix des importations litigieuses, qui ont baissé de 20 % au cours de la même période, et que la circonstance que la part de marché des importations en provenance de ces deux pays tiers avait légèrement augmenté (passant de 2,9 à 3,4 %, et de 4 à 5,4 % en incluant l’Inde) n’était pas de nature à rompre le lien de causalité entre les importations en provenance des pays concernés et le préjudice important causé à l’industrie de l’Union.

229    Eu égard à cette évolution des tendances, la requérante est restée en défaut de démontrer que les importations en provenance de pays tiers avaient eu une importance telle que l’existence d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

230    Il ressort de ce qui précède que le grief de la requérante selon lequel la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation lors de l’évaluation de l’incidence éventuelle des importations de pays tiers sur le préjudice causé à l’industrie de l’Union doit être rejeté.

231    S’agissant, en sixième et dernier lieu, de l’existence d’un accord précédemment applicable relatif au commerce de certains produits sidérurgiques entre la Russie et l’Union, il convient de relever d’emblée que des mesures qui facilitent et favorisent les importations sont uniquement des causes indirectes et ne peuvent pas être considérées comme d’« autres facteurs » au sens de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, Conseil/Gul Ahmed Textile Mills, C‑638/11 P, EU:C:2013:732, point 31).

232    Pour autant que l’argument de la requérante puisse être compris en ce sens que, dans la mesure où les importations russes sont restées dans les limites des quotas prétendument « non préjudiciables » définis dans l’accord précédemment applicable relatif au commerce de certains produits sidérurgiques entre la Russie et l’Union, ces importations seraient exonérées de toute détermination de lien de causalité et qu’il en résulterait la reconnaissance que les importations au titre du quota prévu ne seraient pas préjudiciables, ledit argument doit être rejeté.

233    À cet égard il suffit de relever, premièrement, qu’il ressort du considérant 133 du règlement attaqué que l’accord susmentionné est arrivé à terme le 22 août 2012, soit avant la période d’enquête, à la suite de l’adhésion de la Russie à l’OMC, deuxièmement, que ledit accord ne prévoyait aucune exonération des règles du règlement de base et se référait uniquement à des restrictions quantitatives sans évoquer une obligation de respecter des niveaux de prix non préjudiciables et, troisièmement, qu’il ressort du considérant 135 du règlement attaqué que le champ d’application matériel de l’accord était différent de la définition du produit concerné.

234    Par conséquent, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis des erreurs manifestes d’appréciation en évaluant l’importance des différents facteurs examinés précédemment et en concluant qu’ils n’étaient pas suffisants pour briser le lien de causalité entre les importations en provenance des pays concernés et le préjudice causé à l’industrie de l’Union et que ces facteurs n’avaient pas eu une importance telle que l’existence d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union ainsi que celle du lien de causalité entre ce préjudice et les importations faisant l’objet d’un dumping n’étaient plus fiables.

235    L’argumentation de la requérante selon laquelle, en tout état de cause, les différents facteurs examinés précédemment, considérés collectivement, auraient dû être considérés comme suffisants pour briser le lien de causalité entre les importations en provenance des pays concernés et le préjudice causé à l’industrie de l’Union ne saurait pas non plus être retenue.

236    À cet égard, il convient de relever que l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base ainsi que l’article 3.5 de l’accord antidumping exigent que les effets des autres facteurs de causalité soient dissociés et distingués de ceux des importations faisant l’objet d’un dumping afin que les dommages causés par les importations faisant l’objet d’un dumping et ceux causés par les autres facteurs ne soient pas amalgamés et non distinguables. Ces dispositions ne prescrivent toutefois pas la méthode par laquelle les autorités chargées de l’enquête doivent éviter d’imputer les dommages causés par les autres facteurs de causalité aux importations faisant l’objet d’un dumping (arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 178).

237    Ainsi, ces dispositions ne contiennent pas une obligation générale pour les autorités chargées de l’enquête d’examiner les effets des autres facteurs de causalité collectivement après les avoir examinés individuellement. Si, ainsi que l’organe d’appel de l’OMC l’a relevé, il n’est dans l’absolu pas exclu que, dans certains cas, et en raison des circonstances factuelles qui leur sont spécifiques, l’autorité chargée de l’enquête, en n’effectuant pas d’examen de l’incidence collective des autres facteurs de causalité, attribue à tort les effets des autres facteurs de causalité aux importations faisant l’objet d’un dumping, l’article 3.5 de l’accord antidumping doit être interprété comme n’obligeant pas les autorités chargées de l’enquête à examiner l’incidence collective des autres facteurs de causalité lorsqu’elles s’acquittent de leur obligation de ne pas imputer aux importations faisant l’objet d’un dumping les dommages causés par les autres facteurs de causalité (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 179).

238    En l’espèce, il ressort des considérants 203 et 204 du règlement provisoire que la Commission a tenu compte de l’effet combiné potentiel de ces facteurs.

239    Ainsi, au considérant 203 du règlement provisoire, la Commission a énoncé qu’elle avait opéré une distinction entre les effets de tous les facteurs connus sur la situation de l’industrie de l’Union et les effets préjudiciables des importations faisant l’objet d’un dumping et que les autres facteurs identifiés n’avaient provisoirement pas été considérés comme brisant le lien de causalité établi ci-dessus, même en tenant compte de leur effet combiné potentiel. Selon la Commission, la crise et le déclin de la consommation ainsi que la rationalisation de l’industrie de l’Union ont pu contribuer au préjudice dans une certaine mesure, mais, en l’absence de réductions continues des prix des importations faisant l’objet d’un dumping, la situation de l’industrie de l’Union ne se serait certainement pas autant détériorée. En particulier, les prix de vente n’auraient pas baissé à des niveaux aussi bas et la rentabilité aurait été meilleure. La Commission a, dès lors, conclu, au considérant 204 du règlement provisoire, que le préjudice important subi par l’industrie de l’Union avait été causé par les importations faisant l’objet d’un dumping originaires des pays concernés et qu’aucun autre facteur considéré « individuellement ou collectivement » n’avait brisé ce lien de causalité. Ces constatations ont été confirmées au considérant 143 du règlement attaqué.

240    Dès lors, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Commission a tenu compte de l’effet combiné potentiel de ces facteurs et la requérante est restée en défaut d’établir que lesdites conclusions étaient entachées d’erreurs manifestes d’appréciation.

241    Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen dans son ensemble.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation de l’article 9, paragraphe 4, et de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de baseainsi que d’erreurs manifestes d’appréciation

242    Par son sixième moyen, articulé en deux branches, la requérante fait valoir que la Commission a commis des erreurs de droit et des erreurs manifestes d’appréciation lors de la détermination du niveau d’élimination du préjudice.

 Sur la première branche du sixième moyen

243    S’agissant de la première branche du sixième moyen, la requérante soutient que la Commission a méconnu l’article 9, paragraphe 4, du règlement de base et a commis une erreur manifeste d’appréciation, dans la mesure où elle a fixé, aux considérants 152 à 161 du règlement attaqué, une marge bénéficiaire déraisonnable et excessive pour l’industrie de l’Union, à savoir une marge de 9,9 %, aux fins du calcul du prix cible et de la marge de sous-cotation, en considérant à tort que les années qui ont suivi le début de la crise financière en 2009 n’étaient pas représentatives de l’industrie de l’Union pour le calcul de la marge bénéficiaire cible.

244    La requérante fait valoir que, en choisissant comme année de référence l’année 2008, la Commission a violé les limites temporelles de l’appréciation de la situation de l’industrie de l’Union qu’elle s’était elle-même fixées de manière objective et impartiale, en élargissant rétroactivement celles-ci, le début de la « période considérée » ayant été fixé par la Commission à l’année 2011. Un tel pouvoir discrétionnaire illimité serait également contraire au principe de bonne administration. En définitive, la Commission aurait retenu une année de référence trop ancienne, au cours de laquelle les bénéfices étaient à un niveau que l’industrie de l’Union ne pouvait plus raisonnablement s’attendre à atteindre.

245    La requérante conteste qu’il résulterait de l’arrêt du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil (T‑210/95, EU:T:1999:273), que la période considérée ne pouvait pas être retenue pour déterminer la marge bénéficiaire cible en raison, d’une part, des importations en provenance de Chine et de Russie tout au long de la période considérée et, d’autre part, de la « crise économique », qui, de l’avis de la Commission, serait difficile à concilier avec le concept de conditions normales de concurrence au sens de cet arrêt. D’une part, à tout le moins du 1er janvier 2011 au 1er avril 2014, période non couverte par les conclusions relatives au dumping, la Commission n’aurait pas eu de preuve d’importations faisant l’objet de dumping. D’autre part, ledit arrêt devrait être interprété à la lumière des limites temporelles que la Commission se serait fixées elle-même et ne saurait aboutir à déterminer une marge bénéficiaire que l’industrie de l’Union n’aurait pu escompter en l’absence de dumping.

246    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

247    Conformément à l’article 9, paragraphe 4, troisième phrase, du règlement de base (devenu article 9, paragraphe 4, deuxième alinéa, du règlement 2016/1036), le montant du droit antidumping ne doit pas excéder la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge, si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union. Ainsi qu’il est relevé au considérant 166 du règlement attaqué, le calcul de la marge de préjudice a ainsi pour but de déterminer si le fait d’appliquer un taux de droit inférieur à celui qui est établi sur la marge de dumping est suffisant pour l’élimination de ce préjudice.

248    Or, comme la Commission l’a relevé, en l’absence d’autres précisions, la méthode de calcul généralement utilisée, et non contestée en l’espèce, est fondée sur la marge de sous-cotation des « prix indicatifs », qui tient compte de la pression à la baisse exercée par les importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix de vente de l’industrie de l’Union. Cette méthode ne se limite dès lors pas à comparer les prix de ces importations et les prix réels des ventes de l’industrie de l’Union, ces derniers étant remplacés par un prix de vente hypothétique tel qu’il existerait en l’absence des importations faisant l’objet d’un dumping. Ce prix est calculé en ajoutant un bénéfice cible au coût de production de l’industrie de l’Union ou aux prix de vente de celle-ci, ajustés au seuil de rentabilité.

249    À cet égard, il a été jugé que la marge bénéficiaire devant être retenue pour calculer le prix indicatif de nature à éliminer le préjudice devait être limitée à la marge bénéficiaire que l’industrie de l’Union pourrait raisonnablement escompter dans des « conditions normales de concurrence, en l’absence des importations faisant l’objet du dumping » (arrêt du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil, T‑210/95, EU:T:1999:273, point 60).

250    En l’espèce, il ressort des considérants 238 et 239 du règlement provisoire que la Commission avait calculé provisoirement un prix non préjudiciable du produit concerné pour l’industrie de l’Union en ajoutant une marge bénéficiaire de 5 %, considérée comme le niveau que l’industrie de l’Union pourrait normalement atteindre en l’absence de dumping préjudiciable, au coût de production des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon pendant la période d’enquête.

251    Contrairement à ce qu’allègue la requérante, la Commission n’était pas liée par les limites temporelles de la période considérée, allant du 1er janvier 2011 au 31 mars 2015, pour le choix de l’année représentative la plus récente aux fins de l’établissement du bénéfice cible de l’industrie de l’Union.

252    En effet, dès lors que, conformément à la jurisprudence citée au point 249 ci-dessus, la marge bénéficiaire devant être retenue pour calculer le prix indicatif de nature à éliminer le préjudice doit être limitée à la marge bénéficiaire que l’industrie de l’Union pourrait raisonnablement escompter dans des « conditions normales de concurrence, en l’absence des importations faisant l’objet du dumping », la Commission, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, peut valablement arriver à la conclusion selon laquelle l’année représentative la plus récente se situe, le cas échéant, en dehors de la période considérée, sans violer le principe de bonne administration ni le règlement de base, qui ne prévoit pas que la détermination de la marge bénéficiaire cible doit être nécessairement fondée sur la même période que celle qui sert de référence en vue de la détermination du préjudice et du lien de causalité conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 6, paragraphe 1, du règlement 2016/1036) (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑444/11, EU:T:2014:773, points 308 à 313).

253    En l’espèce, il est énoncé au considérant 236 du règlement provisoire, confirmé par le considérant 154 du règlement attaqué, que l’enquête avait établi la présence de volumes significatifs d’importations à faibles prix en provenance des pays concernés durant toute la période considérée ayant eu des conséquences négatives sur la rentabilité de l’industrie de l’Union et que, ainsi qu’il ressort notamment du tableau 16 du considérant 145 du règlement provisoire, ladite rentabilité était restée négative durant toute cette période, à l’exception de l’année 2011, appréciations dont la requérante n’a pas démontré qu’elles étaient entachées d’erreur manifeste. Dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, la Commission a pu déduire de cette situation, sans commettre d’erreur de droit ni d’erreur manifeste d’appréciation, qu’aucune des années de la période considérée, y compris l’année 2011, encore durement affectée par la crise économique mondiale de 2009, ne convenait comme référence pour établir le bénéfice susceptible d’être raisonnablement atteint dans des conditions normales de concurrence au sens de la jurisprudence citée au point 249 ci-dessus.

254    Au considérant 155 du règlement attaqué, la Commission explique, en outre, qu’elle a invité les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon à fournir des données de rentabilité concernant le produit similaire vendu sur le marché de l’Union au cours des années 2005 à 2010 et que la rentabilité moyenne pondérée pour les années 2005 à 2008 qui a pu être calculée sur la base de ces données était comprise, pour chacune de ces années, entre 9 et 15 %. Selon la Commission, les années 2005 à 2008 étaient représentatives pour l’établissement du bénéfice cible, car elles n’avaient pas été touchées par la crise économique, qui a durement frappé le secteur à partir de 2009, et n’avaient pas été caractérisées par des conditions de marché exceptionnellement favorables. De plus, le volume des importations en provenance des pays concernés et d’autres pays au cours de ces années était révélateur d’une forte concurrence.

255    Il convient de relever à cet égard que, si la requérante conteste que la notion de crise économique soit difficilement conciliable avec le concept de conditions normales de concurrence au sens de l’arrêt du 28 octobre 1999, EFMA/Conseil (T‑210/95, EU:T:1999:273, point 60), elle est restée en défaut d’étayer son reproche selon lequel la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant en l’espèce que la crise économique, qualifiée par la requérante elle-même de circonstance exceptionnelle, ainsi qu’il a été relevé au point 200 ci-dessus, avait durement frappé le secteur à partir de 2009 pour en déduire que les années 2009 et 2010 pouvaient ne pas être considérées comme reflétant des conditions normales de concurrence au sens de l’arrêt susmentionné, contrairement aux années 2005 à 2008, qui étaient marquées par une « forte concurrence » sans être caractérisées par des conditions de marché exceptionnellement favorables, ce qui n’a pas été contesté par la requérante.

256    Eu égard aux considérations qui précèdent, la Commission a conclu, au considérant 156 du règlement attaqué, que la marge bénéficiaire atteinte par l’industrie de l’Union durant l’année représentative la plus récente, à savoir l’année 2008, constituait une base plus appropriée pour l’établissement du bénéfice cible de cette industrie, à hauteur de 9,9 %, que le bénéfice cible de 5 % provisoirement utilisé.

257    À défaut pour la requérante d’avoir démontré que la Commission avait en l’espèce commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d’appréciation dans la détermination de l’année de référence pour le calcul du bénéfice cible, la première branche du sixième moyen doit être rejetée.

 Sur la seconde branche du sixième moyen

258    Par la seconde branche du sixième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d’appréciation en appliquant par analogie, aux fins du calcul du niveau d’élimination du préjudice et de la marge de préjudice, l’ajustement à la baisse, pour les frais VAG et le bénéfice raisonnables d’un importateur indépendant, prévu à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base, au prix à l’exportation coût, assurance, fret (caf) frontière de l’Union pour la Russie, y compris pour la requérante. Le prix en libre pratique devrait être établi sur la base du prix réellement facturé par les importateurs liés dans l’Union au premier client indépendant dans celle-ci. En effet, l’application de cet ajustement, prévu dans le contexte de la détermination du dumping, au calcul de la marge de préjudice ne serait pas justifiée, car les circonstances spécifiques énoncées à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base dans lesquelles ledit ajustement doit être appliqué au prix sur le marché libre n’incluraient pas la comparaison aux fins du calcul de la marge de préjudice. L’ajustement litigieux conduirait à établir une marge artificielle et un prix à l’exportation ajusté et non réel et ne serait pas approprié aux fins de l’établissement du niveau d’élimination du préjudice. De plus, ledit ajustement serait déraisonnable en ce que la détermination du prix à l’exportation, pour être raisonnable, ne devrait prendre en considération que le prix caf frontière de l’Union effectif des importations faisant prétendument l’objet d’un dumping sur le marché libre à l’entrée sur le marché de l’Union afin de refléter la concurrence directe en matière de prix entre ces importations et le produit similaire de l’industrie de l’Union. Enfin, contrairement à ce qui serait énoncé au considérant 167 du règlement attaqué, le principe d’égalité de traitement ne pourrait pas non plus justifier cet ajustement, car les producteurs-exportateurs qui vendraient par l’intermédiaire de négociants-importateurs liés et ceux qui vendraient à des importateurs indépendants se trouveraient dans des circonstances individuelles différentes.

259    La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

260    Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que, aux fins de la détermination de l’existence d’un « dumping », l’article 2, paragraphe 8, du règlement de base (devenu article 2, paragraphe 8, du règlement 2016/1036) énonce que le prix à l’exportation est le prix réellement payé ou à payer pour le produit vendu à l’exportation vers l’Union, alors que l’article 2, paragraphe 9, du même règlement indique que, lorsque, comme en l’espèce, le producteur-exportateur vend le produit concerné dans l’Union par l’intermédiaire de sociétés liées, ces ventes sont effectuées à des prix de transfert non fiables, de sorte qu’un prix à l’exportation fiable doit être construit conformément à ladite disposition.

261    Il y a lieu de relever, en outre, que, au considérant 166 du règlement attaqué, la Commission explique que l’évaluation de la marge de « préjudice » causé par les importations devrait être fondée sur le prix à l’exportation frontière de l’Union, qui est considéré comme étant d’un niveau comparable au prix départ usine de l’industrie de l’Union, et que, dans le cas de ventes à l’exportation par l’intermédiaire d’importateurs liés, le prix à l’exportation, par analogie avec l’approche adoptée aux fins du calcul de la marge de « dumping », est construit sur la base du prix de revente au premier client indépendant, dûment ajusté, conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base. En effet, selon la Commission, étant donné que le prix à l’exportation constitue un élément indispensable pour le calcul de la marge de préjudice et que ledit article est la seule disposition du règlement de base à fournir des indications sur la construction du prix à l’exportation, l’application dudit article par analogie est justifiée dans ce cas.

262    Ainsi, aux termes du considérant 240 du règlement provisoire, la Commission a, en l’espèce, « déterminé le niveau d’élimination du préjudice sur la base d’une comparaison entre le prix à l’importation moyen pondéré des producteurs-exportateurs dans les pays concernés ayant coopéré, dûment ajusté pour tenir compte des coûts d’importation et des droits de douane, utilisé pour établir la sous-cotation des prix, et le prix non préjudiciable moyen pondéré du produit similaire vendu par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon sur le marché de l’Union au cours de la période d’enquête. Les éventuelles différences résultant de cette comparaison ont été exprimées en pourcentage de la valeur moyenne pondérée caf à l’importation ».

263    En conséquence, la Commission a ajusté à la baisse le prix à l’exportation pour la requérante en appliquant un ajustement pour les frais VAG et le bénéfice raisonnable d’un importateur indépendant aux fins du calcul du niveau d’élimination du préjudice. Ainsi qu’il ressort du tableau 4 du règlement attaqué, il en est résulté pour la requérante un taux de droit antidumping définitif de 34 %, correspondant à la marge de préjudice définitive, alors que la marge de dumping définitive s’établissait à 35,9 %.

264    En premier lieu, contrairement à ce qu’allègue la requérante, l’application par analogie de l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base en l’espèce n’est pas entachée d’erreur.

265    En effet, il convient de rappeler que le calcul de la sous-cotation du prix des importations en cause est réalisé, conformément à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice subi par l’industrie de l’Union du fait de ces importations et qu’il est utilisé, plus largement, en vue d’évaluer ce préjudice et de déterminer la marge de préjudice, à savoir le niveau d’élimination dudit préjudice (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 176). Or, le règlement de base ne contient pas de définition de la notion de sous-cotation du prix et ne prévoit pas de méthode pour le calcul de cette dernière (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 175), ni ne prévoit, ainsi qu’il a été relevé au point 248 ci-dessus, de règles spécifiques de calcul du prix à l’exportation aux fins du calcul de la marge de préjudice au sens de l’article 9, paragraphe 4, troisième phrase, du règlement de base, selon lequel le montant du droit provisoire ou définitif devrait être inférieur à la marge de dumping établie si ce droit moindre suffit à « éliminer le préjudice » causé à l’industrie de l’Union.

266    Dans ces conditions, la Commission a relevé à bon escient que l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base était la seule disposition dudit règlement à fournir des orientations pour le calcul d’un prix à l’exportation fiable lorsque les ventes à l’exportation avaient lieu par l’intermédiaire d’importateurs liés. Ainsi que la Commission l’a également observé à juste titre, cette disposition reflète le principe de non-fiabilité des prix de transfert, qui est susceptible d’être appliqué tant à la détermination de la marge de préjudice qu’au calcul de la marge de dumping, alors qu’il est constant, en l’espèce, que les ventes en cause ont été effectuées par l’intermédiaire d’importateurs liés à des prix de transfert non fiables.

267    Par conséquent, la Commission a pu considérer, dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation, que, aux fins du calcul de la marge de sous-cotation des prix indicatifs, il y avait lieu, en l’espèce, de déterminer un prix à l’exportation fiable en appliquant par analogie l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base en présence de ventes réalisées par l’intermédiaire d’importateurs liés.

268    En deuxième lieu, dès lors que la Commission a utilisé les prix des ventes « départ de l’usine » pour le produit similaire de l’industrie de l’Union, l’exigence de comparer les prix au même stade commercial lui imposait de les comparer également, s’agissant du produit concerné de la requérante, avec les prix des ventes aux premiers acheteurs indépendants, dûment ajustés pour arriver au prix caf frontière de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, points 183, 188 et 189). En effet, afin de garantir le caractère équitable de cette comparaison, les prix doivent être comparés au même stade commercial, dans la mesure où une comparaison effectuée entre des prix obtenus à des stades commerciaux différents, c’est-à-dire sans inclure l’ensemble des coûts afférents au stade commercial dont il y a lieu de tenir compte, donnera nécessairement lieu à des résultats artificiels ne permettant pas une appréciation correcte du préjudice causé à l’industrie de l’Union. Une telle comparaison équitable constitue une condition de la légalité du calcul du préjudice causé à cette industrie (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 176).

269    Dans ces conditions, ainsi qu’il est relevé au considérant 166 du règlement attaqué, il est justifié de fonder, en l’espèce, l’évaluation du caractère suffisant d’un taux de droit moindre, aux fins de l’élimination du préjudice causé par les importations, sur le prix à l’exportation « frontière de l’Union », qui est considéré d’un niveau comparable au prix « départ de l’usine » de l’Union, à savoir, comme la Commission l’a explicité à l’audience, le prix de vente indicatif de l’industrie de l’Union au premier client indépendant diminué des différents coûts qui sont intervenus depuis la sortie de l’usine, tels que les coûts de transports ou d’assurance, pour aboutir au niveau du prix du produit concerné à la sortie de l’usine.

270    À l’instar de la Commission, il y a lieu d’observer que l’utilisation en l’espèce du stade commercial « frontière de l’Union », plutôt que de celui de la revente au premier acheteur indépendant, comme point de référence aux fins du calcul de la marge de préjudice peut se justifier tant au regard de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base (devenu article 1er, paragraphe 1, du règlement 2016/1036), qui permet de soumettre à un droit antidumping tout produit faisant l’objet d’un dumping dès lors que sa « mise en libre pratique dans l’Union », et non sa revente ultérieure au premier client indépendant dans l’Union, cause un préjudice, qu’au regard de l’article 3, paragraphe 3, du même règlement, selon lequel la sous-cotation notable des prix vise les « importations » faisant l’objet d’un dumping.

271    En troisième lieu, l’argument de la requérante selon lequel la méthode de calcul préconisée par la Commission contrevient au principe d’égalité de traitement en ce qu’elle distingue selon que le producteur-exportateur vend, comme elle, à des opérateurs liés ou à des importateurs indépendants, comme c’est le cas d’autres producteurs-exportateurs inclus dans l’échantillon, pour lesquels la méthode utilisée était fondée sur un prix à l’exportation au niveau caf frontière de l’Union, doit être rejeté également. L’article 9, paragraphe 4, du règlement base a pour objet d’évaluer si un niveau de droit moindre que celui résultant de la marge de dumping suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union. Or, ainsi qu’il a été relevé au considérant 167 du règlement attaqué, pour ladite industrie, l’établissement du prix à l’importation pertinent aux fins du calcul de la sous-cotation des prix et des prix indicatifs ne doit pas être influencé par le fait que les exportations sont destinées à des opérateurs liés ou indépendants dans l’Union, et la méthode de calcul retenue permet précisément de garantir l’égalité de traitement dans les deux cas de figure, dans la mesure où la méthode utilisée pour les autres producteurs-exportateurs, qui vendent à des importateurs indépendants, est fondée sur un prix à l’exportation au niveau caf qui exclut les frais VAG et les bénéfices dégagés lors de la revente dans l’Union après dédouanement.

272    Par conséquent, la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur de droit ou une erreur manifeste d’appréciation en appliquant, dans les circonstances de l’espèce, par analogie, l’article 2, paragraphe 9, du règlement de base aux fins du calcul de la marge de préjudice qui lui est applicable. La seconde branche du sixième moyen doit, dès lors, être rejetée ainsi que, partant, le sixième moyen dans ses deux branches.

273    Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

274    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci. Eurofer, qui n’a pas conclu sur les dépens, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      PAO Severstal supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Eurofer, Association européenne de l’acier, ASBL, supportera ses propres dépens.

Buttigieg

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 septembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.