DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

6 juin 2019 (*)

« Clause compromissoire – Accord de prêt “Water Supply Deir Ez Zor Region” no 80310 – Inexécution de l’accord – Remboursement des sommes avancées – Intérêts de retard – Procédure par défaut »

Dans l’affaire T‑591/17,

Banque européenne d’investissement (BEI), représentée initialement par MM. P. Chamberlain, T. Gilliams, F. Oxangoiti Briones et Mme J. Shirran, puis par MM. Oxangoiti Briones, J. Klein et Mme Shirran, en qualité d’agents, assistés de Me D. Arts, avocat, et M. T. Cusworth, solicitor,

partie requérante,

contre

République arabe syrienne,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 272 TFUE et tendant à obtenir la condamnation de la République arabe syrienne à rembourser des sommes dues dans le cadre de l’accord de prêt « Water Supply Deir Ez Zor Region » no 80310, majorées d’intérêts de retard,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann et Z. Csehi (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Dispositions contractuelles pertinentes

1        Faisant suite à l’accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la République arabe syrienne du 18 janvier 1977 (JO 1978, L 269, p. 2) et à ses protocoles, le 26 juillet 1990, la Communauté économique européenne, représentée par la Commission des Communautés européennes, a conclu avec la République arabe syrienne l’accord de prêt « Water Supply Deir Ez Zor Region » no 80310 (ci-après l’« accord de prêt »), portant sur un projet d’approvisionnement en eau de la région Deir Ez Zor. L’accord de prêt, en vertu de l’article 11, paragraphe 1, de ses conditions spéciales, est régi par le droit français. En outre, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, des conditions spéciales du même accord, la République arabe syrienne a désigné l’ambassadeur de la République arabe syrienne auprès de l’Union européenne à Bruxelles (Belgique) pour toute notification ou communication concernant un litige.

2        En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, des conditions générales de l’accord de prêt, lu en combinaison avec l’article 1er, paragraphe 1, des conditions spéciales, et de l’article 1er, paragraphe 2, des conditions générales dudit accord, la Communauté a accordé à la République arabe syrienne un prêt de 2 000 000 écus à décaisser sur demande. En vertu de l’article 4, paragraphe 1, des conditions générales de cet accord, la République arabe syrienne devait rembourser le prêt en échéances semi-annuelles.

3        Conformément à l’article 3, paragraphe 1, des conditions générales de l’accord de prêt, des intérêts sur le solde de l’avance sont dus, sur une base semestrielle à terme échu, au taux annuel de 1 %.

4        Selon l’article 3, paragraphe 2, desdites conditions, des intérêts sont dus sur tous les montants échus à un taux annuel de 3,5 %.

5        En vertu de l’article 9, paragraphes 1 et 2, des conditions générales de l’accord de prêt, la République arabe syrienne est tenue de payer toutes les taxes et tous les honoraires, droits ou frais professionnels liés à l’exécution ou à la mise en œuvre dudit accord.

 Manquement de la République arabe syrienne

6        Depuis le mois de juin 2012 et jusqu’au mois de juin 2017, onze tranches visées par l’accord de prêt sont venues à échéance, ainsi qu’il ressort du tableau ci-après :

Tranches

Échéances

33 602,16 EUR

1er juin 2012

33 636,00 EUR

3 décembre 2012

33 495,40 EUR

3 juin 2013

33 528,38 EUR

2 décembre 2013

33 560,50 EUR

2 juin 2014

33 591,74 EUR

1er décembre 2014

33 622,12 EUR

1er juin 2015

33 478,05 EUR

1er décembre 2015

33 507,56 EUR

1er juin 2016

33 536,21 EUR

1er décembre 2016

33 563,96 EUR

1er juin 2017


7        Par rappels de paiement des 11 juin et 13 décembre 2012, 13 juin et 12 décembre 2013, 12 juin et 11 décembre 2014, 12 juin et 11 décembre 2015, 13 juin et 12 décembre 2016 et 23 août 2017, relatifs respectivement aux échéances visées au point 5 ci-dessus, la Banque européenne d’investissement (BEI) a adressé des notifications à la République arabe syrienne pour réclamer le paiement des montants dus.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 août 2017, la BEI a introduit le présent recours.

9        La requête a été signifiée à la République arabe syrienne, en la personne de l’ambassadeur de la République arabe syrienne auprès de l’Union européenne à Bruxelles, le 6 avril 2018, par envoi postal recommandé avec accusé de réception.

10      La République arabe syrienne n’ayant pas produit de mémoire en défense dans le délai imparti, par acte déposé au greffe du Tribunal le 4 juillet 2018, la BEI a demandé au Tribunal de lui adjuger ses conclusions, conformément à l’article 123, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

11      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé à la BEI des questions pour réponse écrite, auxquelles cette dernière a répondu le 5 décembre 2018.

12      La BEI conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours comme étant recevable ;

–        constater que la République arabe syrienne a manqué à son obligation contractuelle en vertu de l’accord de prêt en ce qui concerne le paiement des montants et des intérêts de retard à réaliser sur chaque échéance due et impayée et, par conséquent, condamner la République arabe syrienne à payer, en substance, à l’Union européenne, représentée par la BEI, premièrement, la somme de 404 425,58 euros, due à l’Union au 25 août 2017 à titre de montant principal, d’intérêts et d’intérêts de retard accumulés depuis la date d’échéance jusqu’au 25 août 2017, et, deuxièmement, les intérêts de retard jusqu’à la réalisation du paiement ;

–        constater que la République arabe syrienne a manqué à son obligation contractuelle en vertu de l’accord de prêt en ce qui concerne le paiement des frais et, par conséquent, condamner la République arabe syrienne à payer à la BEI les taxes et les droits, honoraires et frais professionnels accumulés depuis la date d’échéance jusqu’à la réalisation du paiement ;

–        condamner la République arabe syrienne à payer les sommes dues à l’Union pour les tranches qui arriveront à échéance après la date de la requête et pour lesquelles la République arabe syrienne reste en défaut de paiement, à titre de montant principal, d’intérêts et d’intérêts de retard depuis la date d’échéance de chaque tranche jusqu’au paiement ;

–        condamner la République arabe syrienne aux dépens.

 En droit

13      Conformément à l’article 123, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal adjuge à la partie requérante ses conclusions, à moins qu’il ne soit manifestement incompétent pour connaître du recours ou que ce recours ne soit manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

 Sur la compétence du Tribunal

14      Conformément à l’article 272 TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer en vertu d’une clause compromissoire contenue dans un contrat de droit public ou de droit privé passé par l’Union ou pour son compte. Conformément à l’article 256, paragraphe 1, TFUE, le Tribunal est compétent pour connaître en première instance des recours visés à l’article 272 TFUE.

15      En l’espèce, il convient de relever que l’article 11, paragraphe 3, des conditions générales de l’accord de prêt contient une clause compromissoire en vertu de laquelle tous les litiges concernant cet accord seront soumis à la Cour de justice de l’Union européenne.

16      Le Tribunal est donc compétent pour connaître du présent recours.

 Sur la recevabilité du recours

 Sur le deuxième chef de conclusions

17      Par le deuxième chef de conclusions, la BEI vise, d’une part, à faire déclarer que la République arabe syrienne a manqué à ses obligations contractuelles concernant les tranches du prêt impayées et les intérêts de retard et, d’autre part, à obtenir la condamnation de la République arabe syrienne à payer, en substance, à l’Union, représentée par la BEI, les sommes des tranches impayées, les intérêts et les intérêts de retard depuis la date d’échéance jusqu’au 25 août 2017 ainsi que les intérêts de retard supplémentaires jusqu’à la réalisation du paiement.

18      À cet égard, il convient de constater que, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, sous c), de la convention entre la Commission et la BEI, du 17 décembre 1992, et à l’accord de gestion entre l’Union et la BEI, du 20 décembre 2012, dans le cadre de la facilité euro-méditerranéenne d’investissement et de partenariat (FEMIP), la Commission, pour le compte de l’Union, a chargé la BEI d’engager des procédures de recouvrement, pour le compte et au nom de l’Union, en ce qui concerne les montants dus en vertu de l’accord de prêt.

19      En outre, il convient de rappeler que la BEI est un organisme de l’Union, institué et revêtu de la personnalité juridique par le traité FUE (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2011, Evropaïki Dynamiki/BEI, T‑461/08, EU:T:2011:494, point 46 et jurisprudence citée), et que, conformément à l’article 309 TFUE, la BEI a pour mission de contribuer, en faisant appel aux marchés des capitaux et à ses ressources propres, au développement équilibré et sans heurt du marché intérieur dans l’intérêt de l’Union et, conformément à l’article 209, paragraphe 3, TFUE, elle contribue à la mise en œuvre des mesures nécessaires à l’application de la politique de coopération au développement de l’Union, qui peuvent porter sur des programmes multinationaux de coopération avec des pays en développement. De plus, il convient de constater que, en l’occurrence, elle a agi dans le cadre de l’accord de coopération entre la Communauté économique européenne et la République arabe syrienne du 18 janvier 1977 (voir point 1 ci-dessus).

20      Dans ces circonstances, il convient de relever que le deuxième chef de conclusions est recevable.

 Sur les troisième et quatrième chefs de conclusions

21      Par le troisième chef de conclusions, la BEI vise à obtenir la condamnation de la République arabe syrienne au paiement des taxes et des droits, honoraires et frais professionnels accumulés depuis la date d’échéance jusqu’à la réalisation du paiement.

22      À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 76, sous d) et f), du règlement de procédure, il incombe à la partie requérante de fournir un exposé des moyens et de présenter, s’il y a lieu, les preuves et les offres de preuve dès le dépôt de la requête.

23      Or, la BEI ne fournit aucun élément pour permettre au Tribunal d’apprécier l’existence et l’étendue des charges en cause. Le troisième chef de conclusions est donc irrecevable.

24      Par le quatrième chef de conclusions, la BEI vise à faire condamner la République arabe syrienne à payer les sommes dues à l’Union pour les tranches qui arriveront à échéance après la date de la requête et pour lesquelles la République arabe syrienne reste en défaut de paiement, à titre de montant principal, d’intérêts et d’intérêts de retard contractuels depuis la date d’échéance de chaque tranche jusqu’au paiement.

25      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la partie requérante a l’obligation de définir l’objet du litige dans l’acte introductif d’instance. Dès lors, le juge de l’Union ne saurait procéder à un contrôle spéculatif des circonstances hypothétiques qui ne se sont pas encore vérifiées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 février 2015, Sabbagh/Conseil, T‑652/11, non publié, EU:T:2015:112, point 27).

26      En l’espèce, force est de constater que le chef de conclusions en question, ne concernant que des circonstances hypothétiques, est manifestement irrecevable.

 Sur le bien-fondé du recours

27      Il convient de constater que le recours, pour autant qu’il vise à obtenir la condamnation de la République arabe syrienne à payer à l’Union, représentée par la BEI, les sommes des tranches impayées, les intérêts contractuels et les intérêts de retard, n’est pas manifestement dépourvu de tout fondement en droit.

28      En effet, d’une part, il ressort du dossier de l’affaire que, sur la base de l’accord de prêt, la BEI a accordé à la République arabe syrienne un prêt en plusieurs tranches et, d’autre part, il ne ressort pas de ce dossier que cette dernière ait effectué des paiements portant sur le principal, les intérêts contractuels et les intérêts de retard en ce qui concerne les onze tranches contestées, en dépit des mises en demeure qui lui ont été adressées par la BEI.

29      Partant, il y a lieu de faire droit aux conclusions de la BEI et de condamner la République arabe syrienne à payer à l’Union, représentée par la BEI, la somme de 404 425,58 euros, due au 25 août 2017 à titre de montants principaux, d’intérêts contractuels et d’intérêts de retard.

30      En vertu de l’article 3, paragraphe 2, des conditions générales de l’accord de prêt, lesdites sommes portent intérêts de retard, au taux annuel de 3,5 %, sur les montants principaux et sur les intérêts contractuels, du 25 août 2017 jusqu’à la date du paiement.

 Sur les dépens

31      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République arabe syrienne ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BEI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      La République arabe syrienne est condamnée à rembourser à l’Union européenne, représentée par la Banque européenne d’investissement (BEI), la somme de 404 425,58 euros.

2)      Ladite somme porte intérêts de retard, sur les montants principaux et sur les intérêts contractuels, au taux annuel de 3,5 %, du 25 août 2017 jusqu’à la date du paiement.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La République arabe syrienne est condamnée aux dépens.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juin 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.