DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

13 décembre 2018 (*)(1)

« Aides d’État – Accords conclus avec la compagnie aérienne Ryanair et sa filiale Airport Marketing Services – Services aéroportuaires – Services de marketing – Décision déclarant l’aide incompatible avec le marché intérieur et ordonnant sa récupération – Notion d’aide d’État – Avantage – Critère de l’investisseur privé – Récupération – Article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Accès au dossier – Droit d’être entendu »

Dans l’affaire T‑165/16,

Ryanair DAC, anciennement Ryanair Ltd, établie à Dublin (Irlande),

Airport Marketing Services Ltd, établie à Dublin,

représentées par Mes G. Berrisch, E. Vahida, I.-G. Metaxas-Maranghidis, avocats, et M. B. Byrne, solicitor,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. L. Flynn, Mme L. Armati, et M. S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes S. Boelaert et S. Petrova, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2016/287 de la Commission, du 15 octobre 2014, concernant l’aide d’État SA.26500 (2012/C) (ex 2011/NN, ex CP 227/2008) accordée par l’Allemagne à Flughafen Altenburg-Nobitz et Ryanair Ltd (JO 2016, L 59, p. 22),

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas, D. Spielmann (rapporteur), Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 4 juillet 2018,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Mesures en cause

1        La première requérante, Ryanair DAC, anciennement Ryanair Ltd (ci-après « Ryanair »), est une compagnie aérienne établie en Irlande, exploitant plus de 1 800 vols quotidiens reliant 200 destinations dans 31 pays d’Europe et d’Afrique du Nord. La seconde requérante, Airport Marketing Services Ltd (ci-après « AMS »), est une filiale de Ryanair qui fournit des solutions en matière de stratégie de marketing, la majeure partie de son activité consistant à vendre des espaces publicitaires sur le site Internet de Ryanair.

2        L’aéroport d’Altenburg-Nobitz est situé dans le sud du Land de Thuringe, en Allemagne. Cet aéroport est détenu et exploité par la société Flugplatz Altenburg-Nobitz GmbH (ci-après « AOC ») dont les actionnaires sont des autorités publiques ou des entités détenues à 100 % par les pouvoirs publics.

3        Ryanair a assuré à partir de cet aéroport des vols quotidiens vers l’aéroport de Londres-Stansted (Royaume-Uni) entre 2003 et 2011. Elle a également commencé à desservir une liaison vers l’aéroport de Barcelone-Gérone (Espagne) à partir de 2007. De même, elle a ouvert une liaison vers l’aéroport d’Édimbourg (Royaume-Uni) en 2009 et une liaison vers l’aéroport d’Alicante (Espagne) en 2010.

4        Ainsi, le 3 mars 2003, AOC a conclu, pour une durée de dix ans, un contrat de services aéroportuaires avec Ryanair, aux termes duquel celle-ci s’engageait à effectuer des vols réguliers quotidiens vers l’aéroport de Londres-Stansted. Ryanair était tenue de payer une redevance pour la prestation des services aéroportuaires, conformément au règlement de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz relatif aux redevances aéroportuaires en vigueur à la date de leur exécution, ainsi qu’une somme comprenant les redevances de sécurité par passagers et les taxes d’État. Les requérantes ont indiqué que le contrat de services aéroportuaires a servi de base à l’élargissement de la coopération entre les parties jusqu’à comprendre un total de quatre liaisons aériennes (à destination de Londres, de Gérone, d’Edimbourg et d’Alicante).

5        Par ailleurs, AOC a conclu trois contrats de services de marketing, le premier avec Ryanair et les deux suivants avec AMS.

6        En vertu du premier contrat de services de marketing, signé le 7 avril 2003 pour une durée de dix ans, Ryanair devait déployer des activités de marketing pour promouvoir la région d’Altenburg-Nobitz. AOC était tenue en contrepartie de payer deux redevances. Elle payait, d’une part, une « redevance sur les résultats » par passager partant, dont le résultat était une rémunération nette, par passager, pour les services aéroportuaires à payer par Ryanair et concernant l’atterrissage, le contrôle du trafic aérien local, l’éclairage, le stationnement (sans le stationnement de nuit), les opérations en piste et la manutention par passager, les infrastructures et les taxes aéroportuaires par passager. AOC calculait la redevance nette par passager à l’aide des plans de chargement pour passagers et présentait le calcul à Ryanair à la fin de chaque semaine. Ryanair calculait la redevance sur les résultats et présentait le calcul à AOC dans un délai de 30 jours à la fin de chaque mois. Le calcul se fondait chaque fois sur les services effectués durant le mois civil précédent. Ryanair pouvait déduire sa redevance sur les résultats des factures mensuelles d’AOC pour les redevances d’atterrissage. AOC payait, d’autre part, une « redevance sur les résultats », fondée sur un pourcentage déterminé des augmentations éventuelles des redevances perçues par l’aéroport, à savoir 100 % de toute augmentation de la taxe de sécurité prélevée par l’État, jusqu’à un plafond de 10 % du taux publié sur une période de cinq ans et 100 % de toute augmentation des redevances publiées ou des redevances, contributions ou taxes introduites dans les redevances aéroportuaires publiées, jusqu’à un plafond de 10 %, sur une période de cinq ans, du total de la redevance publiée versée par Ryanair.

7        En vertu du deuxième contrat de services de marketing, signé le 28 août 2008 pour une durée initiale de deux ans, AMS était tenue de fournir des services de marketing qui consistaient dans des publicités sur le site Internet de Ryanair, moyennant le versement par AOC de [confidentiel] (2) en 2008 et de [confidentiel] en 2009. Le contrat était associé à l’engagement de Ryanair d’exploiter une liaison entre l’aéroport d’Altenburg-Nobitz et celui de Londres-Stansted, quotidiennement en été et quatre fois par semaine en hiver, ainsi qu’une liaison vers l’aéroport de Gérone, uniquement en été, trois fois par semaine.

8        En vertu du troisième contrat de services de marketing, signé le 25 janvier 2010 pour une durée initiale d’un an, AMS s’est engagée de nouveau à fournir des services de marketing qui consistaient dans des publicités sur le site Internet de Ryanair, moyennant le versement par AOC de [confidentiel]. Le contrat était lié à l’engagement de Ryanair de proposer, à partir de l’été 2010, et exclusivement durant la saison d’été IATA commençant le 28 mars 2010 et s’achevant le 30 octobre 2010, des liaisons entre l’aéroport d’Altenburg-Nobitz et ceux de Londres-Stansted (sept fois par semaine), de Gérone (trois fois par semaine) et d’Alicante (deux fois par semaine).

9        Ultérieurement, les liaisons vers les aéroports de Barcelone-Gérone, d’Édimbourg et d’Alicante ont toutes été abandonnées et, le 31 mars 2011, il en a été de même pour la liaison vers l’aéroport de Londres-Stansted, de sorte que, dès cette date, Ryanair a cessé toute activité au départ de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz.

 Procédure administrative

10      Le 27 août 2008, la Commission européenne a été saisie d’une plainte déposée par le Bundesverband der deutschen Fluggesellschaften e.V., selon laquelle des aides d’État illégales auraient été accordées à AOC et à Ryanair. La Commission a transmis la plainte aux autorités allemandes et leur a demandé des informations. Les autorités allemandes ont transmis les informations souhaitées.

11      Le 8 avril 2011, la Commission a demandé des informations à Ryanair. Ryanair a transmis les informations demandées le 20 juin 2011.

12      Par lettre du 25 janvier 2012, la Commission a informé les autorités allemandes de sa décision d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE au regard des aides accordées à AOC, de l’application de redevances aéroportuaires réduites à des compagnies aériennes et de contrats de services de marketing avec Ryanair (ci-après la « décision d’ouverture »). Par la publication de cette décision au Journal officiel de l’Union européenne le 25 mai 2012 (JO 2012, C 149, p. 5), elle a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur ces mesures.

13      Les autorités allemandes ont présenté leurs observations sur la décision d’ouverture ainsi que des réponses aux demandes de renseignements envoyées par la Commission ultérieurement.

14      Par lettres des 29 mai et 20 juillet 2012, le conseil de Ryanair a demandé, au titre de l’article 41, paragraphes 1 et 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), que, avant d’adopter une décision définitive, la Commission l’informe des faits et des considérations sur lesquels elle avait l’intention de fonder sa décision, lui accorde un accès au dossier, notamment aux preuves sur lesquelles elle a fondé sa décision et lui donne la possibilité de présenter son point de vue dans un délai raisonnable après la notification de ces faits et considérations. Par lettres des 19 juin et 4 octobre 2012, la Commission a rejeté cette demande.

15      Par lettres du 25 juin 2012, les requérantes ont déposé leurs observations concernant la décision d’ouverture.Par plusieurs courriers ultérieurs, Ryanair a envoyé des observations supplémentaires. La Commission a transmis ces observations aux autorités allemandes.

16      Par lettres aux autorités allemandes et à des tiers des 24 et 25 février 2014, la Commission les a informé de l’adoption, le 20 février 2014, des nouvelles lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes (JO 2014, C 99, p. 3, ci-après « les lignes directrices de 2014 ») et du fait que ces lignes directrices de 2014 s’appliqueraient à l’affaire en cause à partir de leur publication au Journal officiel de l’Union européenne. De plus, le 15 avril 2014, un avis a été publié au Journal officielde l’Union européenne (JO 2014, C 113, p. 30), invitant les États membres et les parties intéressées à présenter leurs observations à ce sujet. Par lettre du 2 mai 2014, Ryanair a présenté ses observations concernant les lignes directrices de 2014.

 Décision attaquée

17      Au terme de la procédure formelle d’examen, la Commission a adopté, le 15 octobre 2014, sa décision (UE) 2016/287 concernant l’aide d’État SA.26500 (2012/C) (ex 2011/NN, ex CP 227/2008), accordée par l’Allemagne à Flughafen Altenburg-Nobitz et Ryanair (JO 2016, L 59, p. 22, ci-après « la décision attaquée »). Dans la décision attaquée, la Commission a procédé à une description détaillée des mesures en cause, consistant, d’une part, en des subventions en faveur d’AOC pour le financement des investissements dans les infrastructures et pour le financement des pertes d’exploitation (considérants 36 à 44 de la décision attaquée) et, d’autre part, en des redevances aéroportuaires et des versements en faveur de Ryanair dans le cadre du contrat de services aéroportuaires et des contrats de services de marketing (considérants 45 à 64 de la décision attaquée).

18      La Commission a considéré que les subventions pour le financement des investissements dans les infrastructures et pour le financement des pertes d’exploitation de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, visées au point 17 ci-dessus, constituaient des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, qui étaient néanmoins compatibles avec le marché intérieur.

19      S’agissant des accords conclus avec Ryanair et AMS, la Commission a considéré que la conclusion le 3 mars 2003 du contrat de services aéroportuaires, en combinaison avec celle, les 7 avril 2003 et 28 août 2008, des contrats de services de marketing, ne constituait pas une aide d’État accordée à ces entreprises au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérant 274 de la décision attaquée).

20      En revanche, la Commission a estimé que le contrat de services aéroportuaires conclu le 3 mars 2003, en combinaison avec les contrats de marketing conclus les 7 avril 2003 et 25 janvier 2010, constituait une aide d’État accordée à Ryanair, ou à AMS, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (considérant 275 de la décision attaquée).

21      Pour déterminer l’existence d’un avantage économique résultant de cette combinaison de contrats, la Commission a examiné si un aéroport agissant dans des conditions normales de marché et motivé par des perspectives de profit à long terme aurait, dans des circonstances similaires, conclu des accords commerciaux identiques ou similaires à ceux conclus par AOC (considérant 228 de la décision attaquée).

22      À cet égard, la Commission a souligné que les deux types de contrats conclus avec Ryanair et AMS devaient être considérés conjointement (considérant 233 de la décision attaquée). Par ailleurs, elle a estimé qu’il y avait lieu de s’écarter de la méthode consistant à effectuer une comparaison avec le « prix du marché » (ci-après l’« analyse comparative ») et de s’en tenir à une analyse ex ante de rentabilité incrémentale (ci-après l’ « analyse de rentabilité incrémentale ») (voir considérants 228 et 235 de la décision attaquée). En l’espèce, elle a constaté que le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, en combinaison avec le contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 et le contrat de services de marketing du 7 avril 2003, n’était pas rentable pour l’aéroport d’Altenburg-Nobitz au regard d’une prévision ex ante (considérant 265 de la décision attaquée). La Commission en a déduit que les conditions offertes à Ryanair, ou à AMS, dans le cadre de ces trois contrats n’étaient pas conformes au marché et que la combinaison de ces contrats a procuré aux requérantes un avantage économique sélectif (considérant 268 de la décision attaquée).

23      La Commission a considéré que Ryanair et AMS ont reçu une aide illégale en violation de l’article 108, paragraphe 3, TFUE qui doit être remboursée (considérants 350 et 354 de la décision attaquée). Elle a fixé le montant provisoire à récupérer à 318 569 euros (considérant 356 de la décision attaquée et tableau 20).

24      Le dispositif de la décision attaquée se lit, dans la partie pertinente, comme suit :

« Article premier

[…]

4. L’aide d’État accordée illégalement par la [République fédérale d’Allemagne] en violation de l’article 108, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, en faveur de Ryanair, ou AMS, par la combinaison du contrat de services aéroportuaires conclu le 3 mars 2003 entre Flugplatz Altenburg-Nobitz GmbH et Ryanair, du contrat de services de marketing conclu le 7 avril 2003 entre Flugplatz Altenburg-Nobitz GmbH et Ryanair et du contrat de services de marketing conclu le 25 janvier 2010 entre Flugplatz Altenburg-Nobitz GmbH et AMS, est incompatible avec le marché intérieur.

[…]

Article 2

1. La [République fédérale d’Allemagne] récupère l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 4, auprès des bénéficiaires.

2. Dans la mesure où, aux fins de la présente décision, Ryanair et AMS représentent une entité économique unique, elles sont responsables conjointement du remboursement de l’aide d’État reçue par chacune d’elles au titre de l’application du contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003, du contrat de marketing du 7 avril 2003 et du contrat de marketing du 25 janvier 2010.

3. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à compter de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires, jusqu’à leur récupération effective.

4. Les intérêts sont calculés sur une base composée, conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004.

5. La [République fédérale d’Allemagne] annule tous les paiements en suspens de l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 4, à compter de la date de la notification de la présente décision.

[…]

Article 4

1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, la [République fédérale d’Allemagne] communique à la Commission les informations suivantes :

a)       le montant total (créance principale et intérêts) de l’aide reçue par les bénéficiaires ;

b)       le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès des bénéficiaires conformément à l’article 2 ;

c)       une description détaillée des mesures déjà prises ou prévues pour se conformer à la présente décision ;

d)       les documents démontrant que les bénéficiaires ont été mis en demeure de rembourser l’aide.

2. La [République fédérale d’Allemagne] tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales adoptées afin de mettre en œuvre la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article 2. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises ou prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit aussi des informations détaillées concernant les montants d’aide et d’intérêts déjà récupérés auprès des bénéficiaires. »

 Procédure et conclusions des parties

25      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 avril 2016, les requérantes ont introduit le présent recours.

26      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 30 mai 2016, les requérantes ont introduit une demande d’adoption de mesures d’organisation de la procédure.

27      Par acte déposé le 20 juin 2016, la Commission a présenté ses observations sur cette demande dans le délai imparti.

28      Par acte déposé le 22 juin 2016, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Par décision du 6 septembre 2016, le président de la sixième chambre du Tribunal a fait droit à cette demande.

29      Par décision du 15 mars 2018, le Tribunal a décidé de renvoyer l’affaire devant la sixième chambre élargie.

30      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et d’inviter, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévue à l’article 88 de son règlement de procédure, les parties à répondre à certaines questions.

31      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience du 4 juillet 2018.

32      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        annuler l’article 1er, paragraphe 4, et les articles 2 et 4 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

33      La Commission, soutenue par le Conseil, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal:

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

34      Les requérantes invoquent quatre moyens à l’appui du recours.

35      En réponse à une question écrite du Tribunal, les requérantes ont renoncé au quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, et de l’article 108, paragraphe 2, TFUE en ce que la Commission a commis une erreur manifeste en considérant que l’aide destinée aux requérantes équivalait au cumul des pertes incrémentales, et non à l’avantage réellement obtenu par les requérantes.

36      Dès lors, il convient d’examiner seulement les trois premiers moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 41 de la Charte, du principe de bonne administration et des droits de la défense, le deuxième, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que la Commission n’a pas établi que la condition liée à la sélectivité était remplie et, le troisième, de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce que la Commission a estimé erronément que les arrangements conclus entre l’aéroport d’Altenburg-Nobitz et les requérantes ont conféré un avantage à ces dernières.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration consacré par l’article 41 de la Charte et des droits de la défense

37      Les requérantes soutiennent que la Commission a violé le principe de bonne administration consacré par l’article 41, paragraphes 1 et 2, sous a) et b), de la Charte en ne leur accordant pas l’accès au dossier de l’enquête, en ne les informant pas des faits et des considérations sur lesquels elle avait l’intention de fonder sa décision et, partant, en ne leur donnant pas la possibilité de faire connaître utilement leur point de vue. Selon elles, ces irrégularités procédurales ont également violé leurs droits de la défense et devraient conduire à l’annulation de la décision attaquée.

38      En particulier, les requérantes soulignent que, depuis l’entrée en vigueur du TFUE, le 1er décembre 2009, l’article 41 de la Charte fait partie du droit primaire de l’Union européenne et prévaut sur toute disposition contraire du droit dérivé de l’Union, telle que le règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).

39      À l’appui du présent moyen, les requérantes font valoir qu’elles ont le droit d’invoquer le droit à une bonne administration prévu à l’article 41 de la Charte, puisque l’enquête d’aide d’État menée par la Commission à l’encontre de leurs accords commerciaux passés avec AOC constitue une « affaire » des requérantes au sens du paragraphe 1 de cet article. Elles estiment bénéficier des droits procéduraux prévus aux paragraphes 1 et 2 de cet article et allantau-delà des droits conférés par le règlement no 659/1999. D’une part, le paragraphe 2, sous b), du même article accorderait un droit d’accès à toute personne au dossier « qui la concerne », en l’espèce le dossier d’aide d’État de la Commission relatif aux contrats en cause. D’autre part, le droit d’être entendu, prévu au paragraphe 2, sous a), de l’article en question exigerait que les requérantes soient en mesure de faire connaître utilement leur point de vue, ce qui impliquerait l’accès au dossier de la Commission ainsi que la notification préalable des faits et considérations sur lesquels la Commission entendait fonder sa décision finale.

40      La Commission et le Conseil contestent cette argumentation.

41      À cet égard, en premier lieu, il convient de relever que l’article 41 de la Charte prévoit le droit à une bonne administration. Aux termes du paragraphe 1 de cet article, toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions de l’Union. En outre, aux termes du paragraphe 2 de cet article, ce droit comporte notamment, premièrement, le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard, et, deuxièmement, le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne, dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité et du secret professionnel et des affaires.

42      Les explications relatives à la Charte (JO 2007, C 303, p. 17) précisent que l’article 41 de cette dernière est fondé sur l’existence de l’Union en tant que communauté de droit dont les caractéristiques ont été développées par la jurisprudence qui a consacré la bonne administration comme principe général de droit. Par ailleurs, selon l’article 52, paragraphe 7, de la Charte, ces explications sont dûment prises en considération par les juridictions de l’Union et des États membres.

43      En outre, selon la jurisprudence, il appartient à l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14).

44      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci, constitue un principe fondamental de droit de l’Union. Ce principe exige que la personne contre laquelle la Commission a entamé une procédure administrative ait été mise en mesure, au cours de cette procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation quant à l’existence d’une violation du droit de l’Union (voir arrêt du 30 avril 2014, Tisza Erőmű/Commission, T‑468/08, non publié, EU:T:2014:235, point 204 et jurisprudence citée).

45      En second lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la procédure de contrôle des aides d’État prévue à l’article 108 TFUE est une procédure ouverte uniquement à l’encontre de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide. Seul l’État membre concerné, en tant que destinataire de la future décision de la Commission, peut donc se prévaloir de véritables droits de la défense. En revanche, les entreprises bénéficiaires des aides et leurs concurrents sont uniquement considérés comme étant des intéressés dans la procédure, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Aucune disposition ne réserve, parmi les intéressés, un rôle particulier aux bénéficiaires de l’aide. Ces derniers ne peuvent se prévaloir de droits aussi étendus que les droits de défense en tant que tels et ne sauraient prétendre à un débat contradictoire avec la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, EU:C:2002:524, points 81 à 83, et du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, points 71 et 78).

46      Ainsi, les intéressés, contrairement à l’État membre responsable de l’octroi de l’aide, ne disposent pas, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission (arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 58).

47      Les intéressés ont essentiellement le rôle de sources d’information pour la Commission dans la procédure de contrôle des aides d’État. Il s’ensuit que les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l’encontre desquelles une procédure est ouverte, disposent du seul droit d’être associés à la procédure dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission, C‑49/05 P, non publié, EU:C:2008:259, point 69, et du 25 juin 1998, British Airways e.a./Commission, T‑371/94 et T‑394/94, EU:T:1998:140, points 59 et 60).

48      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le premier moyen des requérantes.

49      À cet égard, il y a lieu de souligner que les requérantes sont des intéressés au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, de sorte qu’elles ont le droit de voir l’enquête de la Commission relative aux contrats en cause avec AOC menée de manière impartiale et équitable au sens de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, d’autant plus que la constatation d’aide d’État à l’égard de leurs accords commerciaux avec l’aéroport d’Altenburg-Nobitz est susceptible d’entraîner pour elles des conséquences financières en termes de recouvrement des montants perçus.

50      Toutefois, les requérantes ne peuvent être suivies lorsqu’elles considèrent que l’article 41, paragraphe 2, de la Charte leur accorde le droit d’accès au dossier administratif de la Commission en matière d’aides d’État et le droit d’être entendues sur les éléments sur lesquels la Commission entend fonder sa décision finale.

51      En effet, si le droit à une bonne administration prévu à l’article 41, paragraphe 1, reflète l’obligation d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments de l’affaire, le paragraphe 2 de cet article énumère, quant à lui, un ensemble de droits à respecter par l’administration de l’Union, en ce compris les droits de la défense, qui comportent le droit d’être entendu et le droit d’accès au dossier.

52      Or, dans la procédure de contrôle des aides d’État, les parties requérantes, en tant que bénéficiaires de l’aide, ne peuvent se prévaloir de véritables droits de la défense.

53      Il a déjà été jugé que la Charte n’avait pas pour objet de modifier la nature du contrôle des aides d’État mis en place par le traité ou de conférer à des tiers un droit de regard que l’article 108 TFUE ne prévoit pas (voir, en ce sens, arrêts du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission, T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029, point 60, et du 6 juillet 2017, SNCM/Commission, T‑1/15, non publié, EU:T:2017:470, point 86). L’argument des requérantes selon lequel la Charte serait vidée de son sens si un droit qu’elle prévoit pouvait être écarté simplement, parce qu’il n’était pas expressément reproduit dans le traité FUE, doit donc être écarté.

54      À cet égard, la Cour a jugé que, si les intéressés dans le cadre d’une procédure de contrôle des aides d’État étaient en mesure d’obtenir l’accès aux documents du dossier administratif de la Commission, le régime de contrôle des aides d’État serait mis en cause. En effet, indépendamment de la base juridique sur laquelle il est accordé, l’accès au dossier permet aux intéressés d’obtenir l’ensemble des observations et des documents présentés à la Commission et, le cas échéant, de prendre position sur ces éléments dans leurs propres observations, ce qui est susceptible de modifier la nature de cette procédure (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, points 58 et 59).

55      De même, l’obligation pour la Commission de communiquer préalablement aux requérantes les éléments sur lesquels elle entend fonder sa décision définitive reviendrait à établir un débat contradictoire à l’instar de celui ouvert au profit de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide, alors que les requérantes n’ont, en tant que bénéficiaires, pour l’essentiel, qu’un rôle de source d’information dans la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2011, Commission et Espagne/Government of Gibraltar et Royaume-Uni, C‑106/09 P et C‑107/09 P, EU:C:2011:732, points 180 et 181).

56      Dès lors, l’argument des requérantes selon lequel l’exercice des droits procéduraux supplémentaires d’accès au dossier et d’être entendu, tels que revendiqués au titre de l’article 41 de la Charte, n’est pas exclu par les articles 107 et 108 TFUE et doit donc être rejeté.

57      Il s’ensuit que la Commission, en adoptant la décision attaquée sans avoir accordé l’accès au dossier et préalablement notifié les faits et considérations sur lesquels elle entendait fonder cette décision, n’a pas méconnu le principe de bonne administration prévu à l’article 41, paragraphes 1 et 2, de la Charte, ni les droits de la défense des requérantes, sans préjudice, toutefois, de leurs droits procéduraux en tant que parties intéressées garantis par l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

58      Aucun des autres arguments avancés par les requérantes n’est de nature à remettre en cause ces conclusions.

59      En premier lieu, les requérantes ne sauraient s’appuyer sur l’arrêt du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne (70/72, EU:C:1973:87, point 19), concernant le but de la communication requise par l’article 108, paragraphe 2, TFUE, pour soutenir que cette disposition n’exclut pas l’octroi aux intéressés des droits supplémentaires à celui de présenter leurs observations au cours de la procédure administrative. Au contraire, cet arrêt impartit essentiellement aux intéressés le rôle de sources d’information. De même, selon la jurisprudence, la Commission n’est pas obligée en vertu de l’économie des articles 107 et 108 TFUE de faire participer des tiers à la procédure administrative d’une manière extensive (voir, en ce sens, arrêt du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T‑266/94, EU:T:1996:153, point 258). Il ne saurait être déduit de cette jurisprudence, dès lors, que la participation extensive des tiers, telle que revendiquée par les requérantes, serait compatible avec l’économie générale de la procédure de contrôle des aides d’État mise en place par l’article 108 TFUE.

60      En deuxième lieu, les requérantes allèguent que le respect des droits d’accès au dossier et d’être entendu prévu par l’article 41 de la Charte contribue au but de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, lequel consiste à recueillir les informations les plus pertinentes et détaillées par la Commission. Le respect des droits procéduraux des intéressés serait particulièrement important dans les procédures d’aides où l’État membre responsable de l’aide et le bénéficiaire ont souvent des intérêts contradictoires.

61      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, les intéressés ne peuvent se prévaloir de véritables droits de la défense comparables à ceux de l’État membre même si cet État qui a octroyé les aides d’État et les intéressés en cause, en tant que bénéficiaires de celles-ci, peuvent avoir des intérêts divergents dans le cadre d’une telle procédure (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 2009, EDF/Commission, T‑156/04, EU:T:2009:505, point 104, et du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, point 54).

62      Le fait que l’État membre concerné ne défende pas l’intérêt du bénéficiaire de l’aide ne saurait être de nature à modifier le rôle de ce dernier lors de la procédure administrative, ni la nature de sa participation à cette procédure, au point de lui conférer, s’agissant des droits de la défense, des garanties comparables à celles de cet État membre (arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, point 77).

63      En troisième lieu, dans la mesure où les requérantes mettent en cause la validité du règlement no 659/1999 comme étant contraire à la Charte, il convient en tout état de cause de rejeter cet argument, dès lors que celui-ci est également fondé sur la prémisse erronée que la Charte accorderait aux bénéficiaires d’aides d’État le droit d’accès au dossier de la Commission en matière d’aides d’État et le droit d’être préalablement informés des faits et des considérations sur lesquels la Commission entend fonder sa décision définitive.

64      Pour des raisons identiques, et contrairement à ce que prétendent les requérantes, le fait que celles-ci n’aient pu prendre connaissance que des éléments pertinents contenus dans la décision d’ouverture ne saurait constituer en soi une atteinte à leurs droits.

65      En quatrième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’arrêt du 9 décembre 2014, Netherlands Maritime Technology Association/Commission (T‑140/13, non publié, EU:T:2014:1029), serait dénué de pertinence dans la présente affaire du fait que la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt était un plaignant, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aucun rôle particulier n’est réservé aux bénéficiaires dans le cadre du contrôle des aides d’État (voir point 45 ci-dessus). De même, si les requérantes soutiennent que l’arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376), n’est pas davantage pertinent dans la présente affaire, dans la mesure où cet arrêt concerne une procédure d’aides d’État qui avait été clôturée avant que la Charte ne fasse partie du droit primaire de l’Union, cet argument ne saurait prospérer étant donné que cet arrêt met en exergue que l’octroi aux bénéficiaires d’aides d’un droit d’accès au dossier de la Commission mettrait en cause le régime de contrôle des d’aides d’État. De même, le fait que l’arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission (T‑103/14, EU:T:2016:152), porte sur une procédure se déroulant avant l’entrée en vigueur de la Charte, ne remet pas en cause sa pertinence, étant donné que cet arrêt se fonde sur le rôle limité du bénéficiaire de l’aide qui est un élément inhérent à la nature même de ce régime et qui n’a pas été modifié par la Charte.

66      En cinquième lieu, dans la mesure où il n’y a pas lieu de constater une violation de l’article 41 de la Charte et des droits de la défense des requérantes, il n’est pas utile d’examiner la thèse des requérantes selon laquelle le résultat de la procédure aurait pu être différent si la Commission avait accordé un accès au dossier et les avait informées des considérations et des preuves sur lesquelles elle avait l’intention de fonder sa décision définitive.

67      Il s’ensuit que les arguments des requérantes, mentionnés aux points 59 à 66 ci-dessus, doivent être écartés.

68      Cependant, dans la mesure où, dans le cadre du présent moyen, est invoquée la violation des droits de la défense, il convient d’examiner le droit dont disposent les intéressés, au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, d’être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (voir la jurisprudence citée au point 47 ci-dessus).

69      À cet égard, il importe de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, lors de la phase d’examen visé à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, la Commission a l’obligation de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir arrêt du 8 mai 2008, Ferriere Nord/Commission, C‑49/05 P, non publié, EU:C:2008:259, point 68 et jurisprudence citée). En ce qui concerne cette obligation, la Cour a jugé que la publication d’un avis au Journal officiel constituait un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l’ouverture d’une procédure formelle d’examen (arrêt du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, EU:C:1984:345, point 17), tout en précisant que cette communication visait exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes les informations destinées à éclairer la Commission dans son action future (voir arrêt du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, point 56 et jurisprudence citée).

70      Par ailleurs, selon la jurisprudence constante, lorsque la Commission décide d’ouvrir la procédure formelle d’examen, cette décision peut se limiter à récapituler les éléments pertinents de fait et de droit, à inclure une évaluation provisoire de la mesure étatique en cause visant à déterminer si elle présente le caractère d’une aide et à exposer les raisons qui incitent à douter de sa compatibilité avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2002, Diputación Foral de Guipúzcoa e.a./Commission, T‑269/99, T‑271/99 et T‑272/99, EU:T:2002:258, point 104).

71      La décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen doit ainsi mettre les parties intéressées en mesure de participer de manière efficace à cette procédure lors de laquelle ils auront la possibilité de faire valoir leurs arguments. À cette fin, il suffit qu’elles connaissent le raisonnement qui a amené la Commission à considérer provisoirement que la mesure en cause pouvait constituer une aide nouvelle incompatible avec le marché intérieur (arrêt du 30 avril 2002, Governement of Gibraltar/Commission, T‑195/01 et T‑207/01, EU:T:2002:111, point 138).

72      En l’espèce, il est constant que, à la suite de la publication de la lettre informant la République fédérale d’Allemagne de la décision d’ouverture, accompagnée d’un résumé de cette décision invitant toutes les parties intéressées à présenter leurs observations, la Commission a reçu les observations des requérantes. Ainsi, par lettre du 25 juin 2012, les requérantes ont présenté leurs observations sur cette décision. En outre, il ressort du dossier que les requérantes ont déposé au cours de la procédure formelle d’examen des multiples observations et documents supplémentaires.

73      Or, dans la décision d’ouverture, la Commission a exposé suffisamment les motifs sur le fondement desquels elle a conclu provisoirement que l’introduction, par les contrats en cause, de redevances et de paiements de prestations de marketing conférait aux requérantes une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et que cette aide était incompatible avec le marché intérieur.

74      En effet, dans la décision d’ouverture, la Commission a d’abord présenté des informations générales concernant l’aéroport d’Altenburg-Nobitz et décrit le contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 et les contrats de services de marketing des 7 avril 2003 et 25 janvier 2010. Ensuite, elle a procédé à une évaluation provisoire des aides potentielles accordées aux requérantes en vertu de ces contrats au regard des critères constitutifs de l’aide d’État, y compris du critère de l’investisseur privé en économie de marché, pour enfin examiner leur compatibilité à l’égard du marché intérieur.Elle a invité les autorités allemandes à lui fournir des informations concernant la rentabilité de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, y compris l’ensemble des coûts d’exploitation liés ou attribuables à l’accueil de Ryanair et les flux financiers entre AOC et les requérantes dans le cadre des contrats en cause.

75      Il ressort des observations et des documents que les requérantes ont présentés en réponse à la décision d’ouverture et lors de la procédure formelle que celles-ci ont notamment fait valoir leur point de vue sur la réalisation d’une analyse comparative avec d’autres aéroports et les types de coûts à prendre en compte dans le cadre d’une analyse de rentabilité.

76      Par ailleurs, il est constant que, à la suite de la lettre du 24 février 2014 de la Commission ainsi que de la publication de l’avis du 15 avril 2014 au Journal officiel, Ryanair a notamment présenté, par lettre du 2 mai 2014, des observations sur les approches exposées dans les lignes directrices de 2014 aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché, à savoir l’analyse comparative et l’analyse de rentabilité incrémentale.

77      S’agissant de leur seul droit d’être associé à la procédure administrative dans une mesure adéquate, les requérantes n’ont apporté aucun élément permettant de démontrer qu’elles n’avaient pas eu une connaissance suffisante du raisonnement provisoirement suivi et, partant, qu’elles n’avaient pas été en mesure de présenter utilement leurs observations à cet égard.

78      Il s’ensuit que, lors de la procédure formelle d’examen ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, la Commission n’a pas méconnu les droits procéduraux des requérantes.

79      À la lumière de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’écarter le premier moyen dans son intégralité.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE du fait que la Commission n’a pas établi que la condition liée à la sélectivité était remplie

80      Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas établi qu’elles avaient obtenu un avantage sélectif. En premier lieu, la constatation de la Commission selon laquelle les contrats de services aéroportuaires et de services de marketing étaient conclus uniquement avec les requérantes et constituaient, de ce fait, des mesures sélectives, serait contredite par le raisonnement du Tribunal dans son arrêt du 9 septembre 2014, Hansestadt Lübeck/Commission (T‑461/12, EU:T:2014:758), qui, bien que développé par rapport à un règlement général relatif aux redevances aéroportuaires, s’appliquerait également aux mesures individuelles, telles que les contrats. En deuxième lieu, l’absence de conclusion d’un contrat de services de marketing avec les compagnies aériennes précédemment présentes à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz s’expliquerait par leur incapacité d’offrir à l’aéroport des services de marketing sur un site Internet de valeur comparable et par leur désintérêt d’investir dans la promotion de l’aéroport en tant que destination. En troisième lieu, la Commission aurait confondu les conditions liées à la sélectivité et à l’existence d’un avantage. Elle aurait dû vérifier si les mêmes avantages allégués n’étaient pas disponibles pour d’autres utilisateurs existants et potentiels de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz.

81      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 107, paragraphe 1, TFUE interdit les aides « favorisant certaines entreprises ou certaines productions », c’est-à-dire les aides sélectives (arrêt du 14 janvier 2015, Eventech, C‑518/13, EU:C:2015:9, point 54).

82      Il importe de rappeler également que, selon la jurisprudence, l’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être clairement distinguée de la détection concomitante d’un avantage économique en ce que, lorsque la Commission a décelé la présence d’un avantage, pris au sens large, découlant directement ou indirectement d’une mesure donnée, elle était tenue d’établir, en outre, que cet avantage profitait spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises. Il lui incombe, pour ce faire, de démontrer, en particulier, que la mesure en cause introduit des différenciations entre les entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation comparable. Il faut donc que l’avantage soit octroyé de façon sélective et qu’il soit susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d’autres (arrêts du 4 juin 2015, Commission/MOL, C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 59, et du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 48).

83      Selon la jurisprudence, il convient de distinguer selon que la mesure en cause est envisagée comme un régime général d’aide ou comme une aide individuelle. Dans ce dernier cas, l’identification de l’avantage économique permet, en principe, de présumer de sa sélectivité. En revanche, lors de l’examen d’un régime général d’aide, il est nécessaire d’identifier si la mesure en cause, nonobstant le constat qu’elle procure un avantage de portée générale, le fait au bénéfice exclusif de certaines entreprises ou de certains secteurs d’activités (voir, en ce sens, arrêts du 4 juin 2015, Commission/MOL, C‑15/14 P, EU:C:2015:362, point 60, et du 30 juin 2016, Belgique/Commission, C‑270/15 P, EU:C:2016:489, point 49).

84      Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, cette jurisprudence, bien que concernant des circonstances et mesures différentes de celles en cause, est pertinente dans le cas d’espèce, puisqu’elle précise que l’exigence de sélectivité ne joue pas le même rôle selon que la mesure en cause est envisagée comme une aide individuelle ou comme un régime général d’aide.

85      En l’espèce, la combinaison du contrat de services aéroportuaires conclu le 3 mars 2003 et des contrats de services de marketing conclus les 7 avril 2003 et 25 janvier 2010, entre AOC et les requérantes et analysés dans la décision attaquée, doit être envisagée comme comportant une aide individuelle.

86      En effet, premièrement, la Commission a constaté au considérant 269 de la décision attaquée que le contrat de services aéroportuaires et les contrats de services de marketing avaient été conclus uniquement avec Ryanair et AMS. Deuxièmement, elle a indiqué, au considérant 270 de la décision attaquée, que, alors que, dans la période de 2000 à 2002, d’autres compagnies aériennes (Eurowings et Air Berlin) avaient également effectué des vols au départ de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, elles n’avaient pas bénéficié de tels contrats de services de marketing. Troisièmement, la Commission a considéré, au considérant 270 de la décision attaquée, que, si les autorités allemandes ont affirmé que les stipulations du contrat de services aéroportuaires avaient été établies conformément au règlement relatif aux redevances aéroportuaires en vigueur à l’époque et applicable à toutes les compagnies aériennes potentielles, la combinaison de ce contrat de services aéroportuaires spécifique avec les contrats de services de marketing qui l’ont suivi a cependant procuré un avantage à Ryanair. La Commission en a déduit que tous ces contrats constituaient des mesures sélectives au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

87      Il y a lieu d’approuver cette analyse. Les contrats en cause comportent des termes individuellement convenus entre les parties. Ils précisent ou déterminent, d’une part, les liaisons aériennes devant être assurées par Ryanair et les services aéroportuaires qu’AOC est tenue de fournir à cette compagnie aérienne, et, d’autre part, les services de marketing que Ryanair et AMS s’engagent à fournir à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz. Ils fixent de manière détaillée les redevances aéroportuaires et la rémunération des prestations marketing, en termes de « redevance sur les résultats » et de montants déterminés, que les requérantes et AOC verseront. En particulier, il ressort de la décision attaquée que la rémunération des prestations de marketing, telle que négociée entre AOC et les requérantes, représentait une partie substantielle des coûts incrémentaux et l’élément conduisant au flux incrémental négatif prévisible (recettes moins coûts) qui représente l’avantage en faveur des requérantes (voir considérants 261, 265 et le tableau 19 de la décision attaquée). Si les redevances pour les services aéroportuaires sont en principe, conformément au règlement relatif aux redevances de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz en vigueur à la date de leur exécution, applicables à toutes les compagnies aériennes utilisatrices de l’aéroport, force est de constater que la rémunération des services de marketing était spécifique à la relation entre AOC et les requérantes.

88      Par ailleurs, l’allégation des requérantes selon laquelle d’autres compagnies aériennes précédemment présentes à l’aéroport ne pouvaient pas offrir des services de marketing comparables à ceux des requérantes et ne manifestaient aucun intérêt à s’engager dans cette voie ne fait que confirmer le caractère individuel de la mesure d’AOC envers les requérantes.

89      Dans ces circonstances, les contrats en cause comportant des conditions spécifiquement consenties entre l’aéroport d’Altenburg-Nobitz et les requérantes et induisant un avantage en faveur de ces dernières ont, de ce fait, un caractère sélectif.

90       Aussi n’est-il pas nécessaire de vérifier si les contrats en cause accordent des avantages aux requérantes par rapport à d’autres opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable (voir, en ce sens, arrêt du 26 février 2015, Orange/Commission, T‑385/12, non publié, EU:T:2015:117, point 52).

91      En effet, le critère de la comparaison du bénéficiaire avec d’autres opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par la mesure trouve son origine et sa justification dans le cadre de l’appréciation du caractère sélectif de mesures d’application potentiellement générale. Un tel critère n’est donc pas pertinent lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’apprécier le caractère sélectif d’une mesure ad hoc, qui ne concerne qu’une seule entreprise et qui vise à modifier certaines contraintes concurrentielles qui lui sont spécifiques (arrêt du 26 février 2015, Orange/Commission, T‑385/12, non publié, EU:T:2015:117, point 53 ; voir également, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2016, Orange/Commission, C‑211/15 P, EU:C:2016:798, points 53 et 54).

92      Par conséquent, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la Commission n’était pas obligée d’examiner si d’autres compagnies aériennes souhaitant effectuer des vols vers l’aéroport d’Altenburg-Nobitz auraient pu conclure des accords similaires ou identiques à ceux conclus par les requérantes.

93      De même, s’agissant de l’arrêt du 9 septembre 2014, Hansestadt Lübeck/Commission (T‑461/12, EU:T:2014:758), il y a lieu de relever qu’il n’est pas pertinent en l’espèce, étant donné qu’il visait une mesure s’appliquant à un ensemble d’opérateurs économiques. Dans un tel cas, l’examen de la sélectivité doit être effectué dans le cadre du régime juridique déterminé afin d’apprécier si cette mesure constitue un avantage pour certaines entreprises par rapport à d’autres se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi par ce régime, dans une situation factuelle et juridique comparable (arrêt du 21 décembre 2016, Commission/Hansestadt Lübeck, C‑524/14 P, EU:C:2016:971, points 53 et 54), ce qui n’est pas le cas dans la présente affaire, au regard notamment de la rémunération pour les services de marketing spécifiquement convenue entre l’aéroport d’Altenburg-Nobitz et les requérantes sur la base, parmi d’autres facteurs, de la grille tarifaire d’AMS.

94      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE du fait que la Commission n’a pas établi l’existence d’un avantage

95      Par leur troisième moyen, les requérantes font valoir que la Commission n’a pas démontré l’existence d’un avantage et a, de ce fait, violé l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

96      Le troisième moyen est divisé en quatre branches. En premier lieu, la Commission aurait méconnu le fait que l’analyse comparative était la méthode principale à suivre pour l’application du principe de l’opérateur en économie de marché. En deuxième lieu, la Commission aurait refusé erronément d’appliquer l’analyse comparative de l’opérateur en économie de marché. En troisième lieu, il ressortirait de l’analyse comparative qu’aucun avantage n’a été octroyé au moyen des contrats de services de marketing et du contrat de services aéroportuaires. En quatrième lieu, la Commission aurait commis des erreurs manifestes d’appréciation et un défaut de motivation dans son analyse de rentabilité.

97      La Commission conteste ce moyen.

98      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la notion d’aide d’État, telle qu’elle est définie dans le traité FUE, présente un caractère juridique et doit être interprétée sur la base d’éléments objectifs. Pour cette raison, le juge de l’Union doit, en principe et compte tenu tant des éléments concrets du litige qui lui est soumis que du caractère technique ou complexe des appréciations portées par la Commission, exercer un entier contrôle en ce qui concerne la question de savoir si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE (voir arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 87 et jurisprudence citée).

99      La Cour a néanmoins jugé que le contrôle juridictionnel était limité, en ce qui concernait la question de savoir si une mesure entrait dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lorsque les appréciations portées par la Commission présentaient un caractère technique ou complexe (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 88).

100    À cet égard, lorsqu’il y a lieu, pour la Commission, afin de vérifier si une mesure entre dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, d’appliquer le critère de l’investisseur privé avisé dans une économie de marché, l’usage de ce critère implique, en général, de la part de la Commission une appréciation économique complexe (arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 89).

101    Toutefois, bien qu’il n’appartienne pas au Tribunal de substituer sa propre appréciation économique à celle de la Commission, il ressort d’une jurisprudence désormais constante que le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2016, Commission/France et Orange, C‑486/15 P, EU:C:2016:912, point 91 et jurisprudence citée).

102    Dans la décision attaquée, la Commission expose, dans le cadre de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché, les cas de figure où l’existence d’un avantage peut normalement être exclue :

–        selon l’analyse comparative, si le prix demandé pour les services aéroportuaires correspond au prix du marché ;

–        ou, selon l’analyse de rentabilité incrémentale, s’il est possible de prouver par une analyse ex ante que les contrats avec la compagnie aérienne ont contribué à la rentabilité de l’aéroport de manière incrémentale et font partie d’une stratégie globale conduisant à long terme à la rentabilité de l’aéroport (considérant 228 de la décision attaquée).

103    La Commission considère au considérant 235 de la décision attaquée, que le critère déterminant pour l’appréciation des contrats conclus entre AOC et Ryanair est une analyse de rentabilité incrémentale effectuée ex ante. Partant, elle a effectué aux considérants 258 à 266 de la décision attaquée une analyse de rentabilité conjointe du contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 et des contrats de services de marketing des 7 avril 2003 et 25 janvier 2010, au lieu de s’engager dans une analyse comparative.

 Sur la première branche, tirée de ce que la Commission a méconnu que l’analyse comparative était la méthode principale à suivre pour l’application du principe de l’opérateur en économie de marché

104    Les requérantes font valoir en substance que la Commission a méconnu le fait que l’analyse comparative était la principale méthode d’appréciation aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché pour déterminer si l’arrangement a conféré un avantage à la partie privée, cette méthode étant d’ailleurs conforme au principe de sécurité juridique. En se fondant sur l’arrêt du 3 juillet 2003, Chronopost e.a./Ufex e.a. (C‑83/01 P, C‑93/01 P et C‑94/01 P, EU:C:2003:388), elles soutiennent que, compte tenu d’un principe général du droit de l’Union, la Commission ne pouvait s’appuyer sur une analyse de rentabilité incrémentale seulement dans l’hypothèse où l’analyse comparative, et notamment une comparaison avec un « investisseur privé », n’était pas possible.

105    À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que les conditions que doit remplir une mesure pour relever de la notion d’aide au sens de l’article 107 TFUE ne sont pas satisfaites si l’entreprise bénéficiaire pouvait obtenir le même avantage que celui qui a été mis à sa disposition au moyen de ressources d’État dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché (arrêts du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 78, et du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 70). Cette appréciation s’effectue en principe par l’application du critère de l’opérateur en économie de marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 24 janvier 2013, Frucona Košice/Commission, C‑73/11 P, EU:C:2013:32, point 71).

106    En vue de déterminer si une mesure étatique constitue une aide, il y a lieu d’apprécier si, dans des circonstances similaires, un opérateur en économie de marché, d’une taille qui puisse être comparée à celle des organismes gérant le secteur public, aurait pu être amené à conclure les contrats en cause (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, EU:C:1990:125, point 29, et du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, points 40 et 42).

107    Toutefois, déterminer si un opérateur en économie de marché aurait procédé à un arrangement tel que celui en cause ne saurait nécessairement impliquer pour la Commission l’obligation d’utiliser la méthode de l’analyse comparative. En effet, cette méthode ne constitue qu’un instrument analytique parmi d’autres en vue de déterminer si l’entreprise bénéficiaire reçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, points 250 et 254, et du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, points 43 et 44).

108    En effet, le choix de l’instrument approprié appartient à la Commission dans le cadre de son obligation de faire une analyse complète de tous les éléments pertinents de l’opération litigieuse et de son contexte, y compris de la situation de l’entreprise bénéficiaire et du marché concerné, pour vérifier si l’entreprise bénéficiaire perçoit un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, points 251 et 258, et du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, point 45).

109    En l’espèce, sans qu’il soit besoin d’apprécier à ce stade le bien-fondé des motifs invoqués par la Commission pour s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative, il y a lieu de considérer qu’elle pouvait donc sans commettre d’erreur analyser au considérant 235 de décision attaquée quelle était, dans le cas d’espèce, la méthode d’appréciation la plus appropriée à laquelle recourir aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché. Ainsi, doutant fortement que, dans la présente affaire, un calcul de la valeur de marché réelle des prestations de Ryanair ou d’AMS, au moyen de la procédure de comparaison des performances, permettrait d’aboutir à un élément de comparaison approprié et, en tout état de cause, en tenant compte de la difficulté d’identifier des aéroports de comparaison dans la présente affaire, la Commission a pu retenir la méthode de l’analyse de rentabilité incrémentale tout en écartant celle de l’analyse comparative.

110    Cette approche de la Commission n’est pas infirmée par la jurisprudence invoquée par les requérantes, à savoir l’arrêt du 3 juillet 2003, Chronopost e.a./Ufex e.a. (C‑83/01 P, C‑93/01 P et C‑94/01 P, EU:C:2003:388, points 38 et 39), selon laquelle en l’absence de toute possibilité de comparer la situation d’une entreprise publique avec celle d’une entreprise privée n’opérant pas dans un secteur réservé, les conditions normales de marché, qui sont nécessairement hypothétiques, doivent s’apprécier par référence aux éléments objectifs et vérifiables qui sont disponibles, tels que les coûts supportés par l’entreprise publique. En effet, cette jurisprudence doit être lue dans le contexte des circonstances de l’affaire, à savoir l’impossibilité d’appliquer une analyse comparative et donc l’absence de choix entre une telle analyse et d’autres méthodes. Par conséquent, dans l’arrêt du 3 juillet 2003, Chronopost e.a./Ufex e.a. (C‑83/01 P, C‑93/01 P et C‑94/01 P, EU:C:2003:388), contrairement à ce que les requérantes soutiennent en substance, la Cour ne s’est pas prononcée sur l’existence d’une hiérarchie entre l’analyse comparative et d’autres méthodes, mais a uniquement constaté l’impossibilité de recourir à une analyse comparative dans le cas d’espèce.

111    Il s’ensuit que l’argument des requérantes tiré de l’existence d’un principe général du droit de l’Union prétendument évoqué dans l’arrêt du 3 juillet 2003, Chronopost e.a./Ufex e.a. (C‑83/01 P, C‑93/01 P et C‑94/01 P, EU:C:2003:388), qui établirait une hiérarchie entre l’analyse comparative et d’autres méthodes, ne saurait prospérer.

112    De même, les requérantes ne sauraient valablement s’appuyer sur le fait que les arrêts du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission (T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57), et du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission (T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604), concernaient l’instrument analytique du rendement moyen dans le secteur, dès lors que, dans ces arrêts, le Tribunal a jugé que l’utilisation du rendement moyen du secteur ne constituait qu’un instrument analytique parmi d’autres dans le cadre d’application de l’article 107, paragraphe 2, TFUE.

113    Les requérantes ne sauraient non plus valablement s’appuyer sur la jurisprudence selon laquelle, le fait que l’opération litigieuse soit raisonnable pour l’autorité publique ne dispense pas la Commission de vérifier si la mesure en cause confère à l’entreprise bénéficiaire un avantage économique qu’elle n’aurait pas obtenu dans des conditions normales de marché (arrêts du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, point 315, et du 13 septembre 2010, Grèce e.a./Commission, T‑415/05, T‑416/05 et T‑423/05, EU:T:2010:386, point 213). En effet, l’analyse de rentabilité incrémentale vise précisément à vérifier si, par la conclusion de l’accord, l’autorité publique, agissant comme un opérateur en économie de marché se trouvant, dans la mesure du possible, dans la même situation, a fait bénéficier son cocontractant d’un avantage économique que celui-ci n’aurait pas pu obtenir dans des conditions normales de marché.

114    Enfin, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel la conclusion d’un contrat, qui n’est pas rentable pour l’aéroport public en raison de sa propre inefficacité, n’accorde pas un avantage à la compagnie aérienne au regard des conditions normales du marché, il y a lieu de souligner que, selon la jurisprudence citée au point 106 ci-dessus, l’application du critère de l’opérateur en économie de marché ne vise pas à exiger une efficacité minimale dans l’opération d’une activité déterminée, mais à déterminer si, dans des circonstances similaires, un investisseur privé comparable aurait pu être amené à prendre la mesure en question. À cet égard, il y a lieu de prendre en compte la structure des coûts et des recettes de l’entité publique dont le comportement est comparé à celui d’un opérateur en économie de marché. Dès lors, l’argument des requérantes doit être rejeté.

115    Il s’ensuit que l’argument des requérantes selon lequel la Commission devait réaliser une analyse comparative à titre de méthode principale à suivre pour l’application du principe de l’opérateur en économie de marché doit être rejeté.

 Sur la deuxième branche concernant les motifs invoqués par la Commission dans la décision attaquée pour s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative

116    Les requérantes contestent les motifs spécifiques que la Commission a invoqués aux considérants 232 à 235 de la décision attaquée pour s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative comme méthode d’appréciation aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché.

117    En particulier, les requérantes reprochent à la Commission d’avoir rejeté à tort les deux études comparatives des 20 juin 2011 et 25 juin 2012 qu’elles ont produites lors de la procédure administrative, au motif que, pour être valable, une analyse comparative aurait dû, d’une part, prendre en compte les contrats de services de marketing (premier grief) et, d’autre part, inclure un nombre suffisant d’aéroports de comparaison (deuxième grief).

–       Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que, pour être valable, l’analyse comparative aurait dû prendre en compte les contrats de services de marketing avec AMS

118    À titre liminaire, il y a lieu de relever que les requérantes se prévalent de deux études comparatives préparées par leur consultant économique dans le cadre de la procédure administrative. La première étude, datée du 20 juin 2011, comprend une comparaison des redevances versées par Ryanair à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz avec celles qu’elle versait à l’aéroport de Bournemouth (Royaume-Uni) en tant qu’aéroport de référence. Cette étude conclut que le niveau général des redevances payées par cette compagnie aérienne à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz est plus élevé que les redevances comparables versées par cette compagnie aérienne à l’aéroport de Bournemouth. La seconde étude, datée du 25 juin 2012, compare les redevances payées par Ryanair à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz avec celles qu’elle payait à quatre aéroports de référence supplémentaires [Prestwick (Royaume-Uni), Grenoble (France), Knock (Belgique) et Maastricht (Pays-Bas)]. Cette étude conclut que les redevances versées par cette compagnie aérienne à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz aux termes du contrat de services aéroportuaires se situent dans la moyenne des redevances versées par cette compagnie aérienne dans les aéroports de référence aux termes des contrats de services aéroportuaires correspondants. Par ailleurs, chacune des études indique que l’analyse effectuée ne prend pas en compte les contrats de services de marketing des 7 avril 2008 et 25 janvier 2010.

119    Les requérantes soutiennent que la Commission a erronément rejeté les études comparatives comme inopérantes au motif que celles-ci se limitaient aux versements effectués par Ryanair au titre du contrat de services aéroportuaires, sans tenir compte des paiements en faveur de Ryanair ou d’AMS au titre des contrats de services de marketing. Selon elles, la Commission a, à tort, apprécié le contrat de services aéroportuaires et les contrats de services de marketing conjointement. Elles estiment que le prix des services de marketing fournis en exécution de ces derniers contrats reflète leur valeur de marché autonome, ce qui est démontré par plusieurs rapports économiques et documents qu’elles ont produits lors de la procédure administrative et que, dans le cadre de toute analyse appliquant le principe de l’opérateur en économie de marché, ce prix compense entièrement cette valeur, aboutissant à un résultat net nul. Partant, les requérantes auraient à juste titre demandé à leur consultant économique d’exclure de l’étude comparative les paiements en faveur d’AMS au titre des services de marketing et la valeur correspondante de ces services. Le fait que Ryanair et AMS appartiennent au même groupe d’entreprises n’autoriserait pas la Commission à traiter les paiements au titre des contrats de services de marketing comme une réduction sur les redevances aéroportuaires prévues au contrat de services aéroportuaires, en négligeant complètement la valeur que représentent pour l’aéroport les services acquis auprès d’AMS.

120    À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque la Commission vérifie si une opération spécifique contient des éléments d’aide d’État, elle est tenue de prendre en compte le contexte dans lequel se déroule cette opération (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2011, Konsum Nord/Commission, T‑244/08, non publié, EU:T:2011:732, point 57). En effet, l’examen d’une opération en dehors de son contexte pourrait donner lieu à des résultats de pure forme qui ne correspondent pas à la réalité économique (arrêt du 8 janvier 2015, Club Hotel Loutraki e.a./Commission, T‑58/13, non publié, EU:T:2015:1, point 91).

121    Dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, il est nécessaire d’envisager la transaction commerciale dans son ensemble en vue de vérifier si l’entité étatique s’est comportée comme un opérateur rationnel en économie de marché. En effet, la Commission a l’obligation de tenir compte, dans l’évaluation des mesures litigieuses, de tous les éléments pertinents et de leur contexte (arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 59 ; voir, également en ce sens, arrêt du 6 mars 2003, Westdeutsche Landesbank Girozentrale et Land Nordrhein-Westfalen/Commission, T‑228/99 et T‑233/99, EU:T:2003:57, points 251 et 270).

122    En l’espèce, il ressort des considérants 232 et 233 de la décision attaquée que la Commission a rejeté l’argument des autorités allemandes selon lequel les contrats de services de marketing qui ont été conclus avec Ryanair et AMS devaient être considérés séparément du contrat de services aéroportuaires conclus entre AOC et Ryanair. À cet égard, la Commission a souligné, au considérant 233 de la décision attaquée, qu’AMS était une filiale à 100 % de Ryanair, de sorte que les deux types de contrat avec Ryanair et AMS devaient être considérés conjointement. En ce qui concerne l’éventuelle analyse séparée du contrat de services aéroportuaires avec Ryanair et du contrat de services de marketing du 7 avril 2003, la Commission a souligné, au considérant 233 de la décision attaquée, que ce contrat de services de marketing lui-même contenait une disposition en vertu de laquelle la « redevance sur les résultats » par passager partant, laquelle constituait la rémunération pour les services de marketing fournis par Ryanair, devait être déduite du calcul de la redevance nette à payer par Ryanair. Elle a ajouté que le contrat lui-même optait pour un résultat net issu, d’une part, des redevances pour les services aéroportuaires à payer par Ryanair et, d’autre part, des redevances de marketing à payer par l’aéroport.

123    De plus, la Commission a souligné, au considérant 234 de la décision attaquée, que, afin de déterminer si la société concernée avait payé le prix du marché, elle devait prendre en considération le prix total acquitté par la compagnie aérienne. Elle relève que, durant les années 2003 à 2011, pendant lesquelles elle a desservi l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, Ryanair a, en réalité, payé des redevances aéroportuaires à AOC et a reçu de l’aéroport des versements pour les services de marketing. AOC, quant à elle, prélevait auprès de Ryanair une redevance d’atterrissage forfaitaire par aéronef et une redevance passager par passager. La Commission précise que ces redevances étaient toutefois diminuées d’une « redevance sur les résultats » liée au marketing, de sorte que Ryanair ne payait en fin de compte à l’aéroport qu’une redevance forfaitaire par passager partant à concurrence d’un certain montant. Selon la Commission, Ryanair obtenait par conséquent une réduction des redevances officielles fixées par le règlement relatif aux redevances de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz.

124    Or, il y a lieu de constater qu’aucun des arguments invoqués par les requérantes ne permet de remettre en cause l’approche retenue par la Commission dans la décision attaquée, consistant à traiter le contrat de services aéroportuaires et les contrats de services de marketing conjointement. En effet, la circonstance qu’AMS était une filiale de Ryanair constitue un critère pertinent que la Commission pouvait prendre en considération pour traiter le contrat de services aéroportuaires conjointement avec le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010. De plus, la Commission s’est fondée sur le fait, non contesté par les requérantes, que le contrat de services de marketing du 7 avril 2003 prévoyait une rémunération pour les services de marketing qui, tout au long des années 2003 à 2011, était accordée sous la forme d’une « redevance sur les résultats » – celle-ci étant fonction du nombre de passagers partants empruntant les vols de Ryanair – et déduite des redevances prévues par le contrat de services aéroportuaires.

125    D’ailleurs, en ce qui concerne spécifiquement le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, ainsi que la Commission l’a expliqué devant le Tribunal et comme le considérant 60 de la décision attaquée l’indique, ce contrat, par lequel AMS s’engage à fournir des services de marketing à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, stipule explicitement qu’il repose sur l’engagement de Ryanair d’exploiter, à partir de l’été 2010, et exclusivement durant la saison d’été IATA, des liaisons entre l’aéroport d’Altenburg-Nobitz et ceux de Londres-Stansted, de Gérone et d’Alicante.

126    Au demeurant, il ressort du considérant 32, sous d), et du considérant 64 de la décision attaquée, comme la Commission l’a relevé lors de l’audience, que Ryanair a cessé d’exploiter toute ligne aérienne depuis et vers l’aéroport d’Altenburg-Nobitz lorsque les actionnaires publics et la direction de l’aéroport ont refusé de verser la somme de 420 000 euros exigée par Ryanair au titre des redevances de marketing pour l’horaire d’été 2011 (voir également, à cet égard, les points 192 à 194 ci-après).

127    Dans ces conditions, la Commission pouvait sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation considérer qu’il convenait d’analyser conjointement le contrat de services aéroportuaires, qui a servi de base à l’exploitation des liaisons aériennes par Ryanair, et les contrats de services de marketing.

128    Par conséquent, l’argument des requérantes selon lequel la Commission a rejeté à tort l’analyse comparative effectuée par leur consultant économique comme inopérante, doit être écarté. En effet, les deux études de ce consultant économique se limitent à comparer les redevances aéroportuaires imposées par l’aéroport d’Altenburg-Nobitz avec les redevances aéroportuaires imposées par certains aéroports en Europe retenus à titre de comparaison et précisent, par ailleurs, expressément que les contrats de services de marketing des 28 août 2008 et 25 janvier 2010 n’ont pas été pris en considération dans l’analyse.

129    Il est d’ailleurs significatif que, comme la Commission l’a relevé, le consultant économique des requérantes a indiqué lui-même dans son étude comparative du 25 juin 2012 que, si les contrats de services de marketing étaient pertinents dans le cadre de l’application de l’opérateur en économie de marché, il devrait revoir l’analyse qu’il avait effectuée dans l’étude.

130    Enfin, l’argument des requérantes selon lequel le prix payé en vertu des contrats de services de marketing d’AMS correspond à la valeur de ces services doit être écarté. En effet, cet argument est fondé sur l’hypothèse erronée selon laquelle les services de marketing doivent être appréciés séparément des services aéroportuaires et de l’exploitation des liaisons aériennes en cause (voir points 122 à 129 ci-dessus) et que, dès lors, le prix à payer pour des services de marketing, en termes de « redevance sur le résultat » ou de montant déterminé, ne saurait être déduit des redevances aéroportuaires provenant des liaisons aériennes exploitées par Ryanair.

131    Il s’ensuit que l’affirmation des requérantes selon laquelle le prix payé pour les services de marketing est entièrement compensé par la valeur de ces services doit être rejetée.

132    Partant, il y a lieu de rejeter le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que, pour être valable, l’analyse comparative aurait dû prendre en compte les contrats de services de marketing avec AMS.

–       Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément rejeté le choix des aéroports sélectionnés par Ryanair, ainsi que d’un défaut de motivation et d’un manquement à son obligation d’enquête à cet égard

133    Les parties requérantes font valoir que la Commission a rejeté sommairement la sélection des aéroports de référence retenue dans l’analyse comparative réalisée par leur consultant économique et notamment qu’elle a omis de procéder à une analyse méthodologique ou économique de cette sélection. Dans la décision attaquée, la Commission n’aurait même pas cherché à expliquer la raison pour laquelle les redevances pour les services aéroportuaires versées par l’aéroport de Bournemouth ne pouvaient pas être valablement comparées aux redevances pour les services aéroportuaires versées à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz. Dans ces circonstances, le rejet par la Commission des critères de sélection invoqués dans les études préparées par le consultant économique de Ryanair constituerait une erreur manifeste d’appréciation et serait entaché d’un défaut de motivation. Les requérantes soutiennent en réplique que les arguments avancés par la Commission dans la procédure devant le Tribunal pour mettre en doute le choix des aéroports de référence opéré par leur consultant économique ne figurent pas dans la décision attaquée et ne sauraient remédier a posteriori à l’erreur manifeste commise, ni au défaut de motivation. Enfin, les requérantes avancent que la Commission ne s’est pas acquittée de sa charge de la preuve, puisqu’elle n’a pas demandé, au cours de la procédure administrative, des renseignements complémentaires susceptibles d’étayer ses conclusions selon lesquelles les aéroports sélectionnés par leur consultant économique étaient insuffisants.

134    Premièrement, s’agissant du grief tiré d’une violation de l’obligation de motivation, il y a lieu de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission exprime le doute sérieux que, dans la présente affaire, un calcul de la valeur réelle de marché des prestations de marketing de Ryanair ou d’AMS permette d’aboutir à un élément de comparaison approprié.Ensuite, la Commission indique qu’elle défend, en tout état de cause, le point de vue qu’une comparaison des redevances aéroportuaires – après déduction des prestations fournies par la compagnie aérienne concernée (par exemple, une aide au marketing, des réductions ou d’autres incitations) – doit reposer sur un exercice de comparaison des performances et qu’un tel exercice doit s’appuyer sur un nombre suffisant d’aéroports de comparaison appropriés dont les exploitants agissent en économie de marché. Eu égard à la difficulté d’identifier des aéroports de comparaison dans la présente affaire, la Commission considère que le critère déterminant pour l’appréciation des contrats conclus entre AOC et Rynair, ou AMS, est une analyse de rentabilité incrémentale (considérant 235 de la décision attaquée).

135    À titre liminaire, il y a lieu de constater, ainsi que la Commission le relève à juste titre, que, dans la mesure où les deux études du consultant économique de Ryanair ne prennent pas en compte les paiements effectués en vertu des contrats de services de marketing passés avec AMS, elles ne se prêtent pas à une évaluation comparative appropriée (voir points 128 et 129 ci-dessus).

136    En outre, il y a lieu de souligner que la circonstance que la décision attaquée ne précise pas, pour chacun des aéroports sélectionnés dans les deux études du consultant économique des requérantes, les raisons pour lesquelles ils ne peuvent être retenus comme élément de comparaison, ne permet pas de conclure, en tant que telle, à un défaut de motivation au sens de l’article 296 TFUE.

137    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de cette disposition doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63 et jurisprudence citée).

138    En l’espèce, il ressort du considérant 235 de la décision attaquée que la Commission s’est bornée à se référer à la difficulté d’identifier des aéroports de comparaison dans la présente affaire.

139    Par conséquent, dans la décision attaquée, la Commission ne précise pas les raisons pour lesquelles elle n’a pas retenu l’échantillon des aéroports sélectionnés dans les deux études du consultant économique comme élément valable de comparaison.

140    Toutefois, s’agissant de la détermination des aéroports de référence, il ne saurait être contesté qu’elle relève d’appréciations techniques complexes. Dès lors que la décision attaquée faisait ressortir clairement le raisonnement suivi par la Commission pour permettre d’en contester ultérieurement le bien-fondé devant la juridiction compétente, il serait excessif d’exiger une motivation spécifique pour chacun des choix techniques ou chacun des éléments chiffrés sur lesquels s’appuie ce raisonnement (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 108, et du 27 avril 2017, Germanwings/Commission, T‑375/15, non publié, EU:T:2017:289, point 45 ; voir également, par analogie, arrêt du 12 juillet 2005, Alliance for Natural Health e.a., C‑154/04 et C‑155/04, EU:C:2005:449, point 134).

141    Or, en l’espèce, il peut être considéré qu’une explication, pour chacun des aéroports de l’échantillon sélectionné par les requérantes, des raisons pour lesquelles ceux-ci ne pouvaient être retenus n’apparaissait pas nécessaire pour que les requérantes puissent comprendre le raisonnement suivi par la Commission, ni pour qu’elles soient en mesure de développer leurs moyens de recours.

142    Ainsi, les requérantes ont été en mesure de contester le rejet par la Commission de l’échantillon d’aéroports sélectionnés dans les études comparatives de leur consultant économique devant le Tribunal.

143    Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argumentation prise d’un défaut de motivation.

144    Deuxièmement, les requérantes ne parviennent pas à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation concernant la méthode de sélection des aéroports de comparaison. À cet égard, elles soutiennent que la Commission a erronément rejeté le choix des aéroports de comparaison par le consultant économique de Ryanair. Elles expliquent que Ryanair a présenté les deux études comparatives comportant une comparaison des redevances versées par Ryanair à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz avec celles qu’elle versait à cinq autres aéroports qui présentaient plusieurs caractéristiques globalement similaires à celles de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz.

145    La Commission rétorque, tout d’abord, que l’évaluation comparative ne constitue pas une méthode appropriée pour établir les prix du marché si les éléments de comparaison disponibles n’ont pas été définis sur la base de considérations liées au marché ou si les prix existants sont nettement faussés par des interventions publiques. Selon la Commission, ces distorsions se révèlent être présentes dans l’industrie de l’aviation, pour les motifs suivants exposés aux paragraphes 57 à 59 des lignes directrices de 2014 :

« Les aéroports publics sont traditionnellement considérés par les autorités publiques comme des infrastructures visant à faciliter le développement local, et non comme des entreprises exerçant des activités conformément aux règles du marché. Les tarifs pratiqués par ces aéroports sont donc généralement établis, non sur la base de considérations liées au marché, et notamment de perspectives de rentabilité ex ante satisfaisantes, mais en tenant compte pour l’essentiel de considérations de caractère social ou de politique régionale.

Même si certains aéroports appartiennent au secteur privé ou sont gérés par celui-ci abstraction faite de toute considération de caractère social ou de politique régionale, leurs tarifs peuvent être fortement influencés par ceux pratiqués par la majorité des aéroports bénéficiant de subventions publiques, les compagnies aériennes tenant compte des tarifs de ces derniers dans leurs négociations avec les aéroports privés ou gérés par des opérateurs privés.

Dans ces circonstances, la Commission doute sérieusement qu’il soit actuellement possible de définir un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services fournis par les aéroports. Cette situation peut changer ou évoluer, en particulier une fois que les règles en matière d’aides d’État s’appliqueront pleinement au financement public des aéroports. »

146    Ensuite, il convient de rappeler que, en l’espèce, la Commission a estimé qu’un examen plus approfondi des cinq aéroports de comparaison sélectionnés par le consultant économique des requérantes faisait apparaître leur caractère inadéquat comme éléments de comparaison.

147    En particulier, la Commission a expliqué que, premièrement, l’aéroport de Bournemouth appartenait à une entité qui était majoritairement détenue par un État et avait une rentabilité (EBITDA) négative en 2012, deuxièmement, l’aéroport de Prestwick était déficitaire avant que son propriétaire privé ne le cède au gouvernement écossais en novembre 2013, troisièmement, l’aéroport de Grenoble ne fonctionnait qu’en hiver, pendant la saison de ski, quatrièmement, l’aéroport de Maastricht, ayant d’importantes activités de fret, avait bénéficié de subventions substantielles depuis 2004 et était, lui aussi, passé en actionnariat public en 2013 après avoir apparemment dû être sauvé par l’État néerlandais et, cinquièmement, l’aéroport de Knock, bien qu’en propriété privée, avait reçu des fonds publics considérables, à savoir des subventions en capital à hauteur de 13 millions d’euros entre 1997 et 2012.

148    Les arguments avancés par les requérantes ne sont pas de nature à démontrer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les aéroports de référence cités par les requérantes ne constituaient pas des aéroports de comparaison adéquats.

149    En premier lieu, s’agissant de l’argument selon lequel l’aéroport de Bournemouth a réalisé des bénéfices entre 2001 et 2011 sans recevoir de subventions, il y a lieu de souligner que si, certes, ces éléments sont pertinents pour considérer le comportement de l’aéroport comme un opérateur en économie de marché, il n’en demeure pas moins que cet aéroport appartient à une entité publique.

150    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel l’aéroport de Prestwick appartenait à une entité privée et était rentable entre 2000 et 2008, il y a lieu de constater que si, certes, ces éléments militent en faveur d’un comportement d’opérateur en économie de marché, ils ne remettent pas en cause la précision faite par la Commission que l’aéroport était devenu déficitaire et a dû être cédé aux autorités écossaises en 2013.

151    La Commission devant effectuer, dans le cadre de l’application du principe de l’opérateur en économie de marché, une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce (arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 86), il lui appartenait de tenir compte du fait que l’aéroport a dû être sauvé après la période de l’enquête d’aide d’État (2003-2011) pour apprécier si celui-ci avait été exploité comme l’aurait fait un opérateur en économie de marché lors de cette période.

152    En troisième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le modèle commercial de l’aéroport de Maastricht est similaire à celui de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, les deux aéroports se concentrant entièrement sur les compagnies aériennes à bas coûts et disposant d’une taille et d’une zone de chalandise similaires, il y a lieu de constater que ces éléments ne remettent pas en cause le fait que l’aéroport de Maastricht avait d’importantes activités de fret, qu’il avait bénéficié de certains montants de subventions en capital et de fonctionnement et qu’il avait dû être sauvé par l’État membre concerné après avoir subi des pertes. La Commission pouvait dès lors, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, se référer à ces facteurs pour estimer que l’aéroport de Maastricht ne constituait pas un aéroport de comparaison valable.

153    En quatrième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel Ryanair a exploité de multiples liaisons estivales vers et au départ de l’aéroport de Grenoble entre 2006 et 2009 et que, par ailleurs, cet aéroport, bien que propriété d’entités publiques, était exploité par un opérateur privé imposant les redevances aéroportuaires les plus élevées des aéroports de référence, il y a lieu de constater que, bien que Ryanair ait effectué des liaisons en dehors de la saison hivernale, ces activités n’apparaissent pas avoir conduit au maintien de ces liaisons tout au long de l’année. À cet égard, l’argument des requérants ne contredit pas la constatation de la Commission selon laquelle l’activité de l’aéroport de Grenoble était fortement concentrée sur la saison d’hiver, ce qui le distingue de la situation de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz où, globalement, Ryanair a assuré au cours de toute sa période d’activité, à tout le moins pour la liaison depuis et vers l’aéroport de Londres-Stansted, des liaisons quotidiennes ou plusieurs fois par semaine tout au long de l’année.

154    En cinquième lieu, s’agissant de l’argument des requérantes selon lequel, d’après les informations fournies par la Commission, les subventions en capital en faveur de l’aéroport de Knock ne s’élevaient qu’à 6 % des actifs de l’aéroport pour la période comprise entre 2002 et 2012, il y a lieu de remarquer que la Commission a pu considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, qu’un apport de fonds public d’une telle ampleur constituait un élément pertinent dans son évaluation du caractère approprié de cet aéroport comme élément de référence.

155    Par conséquent, il y a lieu de conclure, au regard de tous les éléments pris ensemble, que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en rejetant l’échantillon d’aéroports de référence dans les deux études du consultant économique de Ryanair.

156    S’agissant de l’argument des requérantes tiré du manque d’efforts de la Commission pour demander, au cours de la procédure administrative, des renseignements complémentaires susceptibles d’étayer ses conclusions selon lesquelles les cinq aéroports de référence étaient insuffisants, il convient de relever que ce grief vise l’étendue des obligations d’enquête incombant à la Commission lorsqu’elle est appelée à appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché aux contrats en cause.

157    Conformément à la jurisprudence, la Commission a l’obligation, dans le cadre de l’application de l’investisseur privé, de tenir compte, dans l’évaluation d’une mesure, de tous les éléments pertinents et de son contexte (voir arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 59 et jurisprudence citée). 

158    À cet égard, doit être considérée comme étant pertinente toute information susceptible d’influencer de manière non négligeable le processus décisionnel d’un opérateur en économie privée normalement prudent et diligent, se trouvant dans une situation la plus proche possible de celle de l’État membre concerné (voir, par analogie, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 60).

159    Il convient également de rappeler que la légalité d’une décision en matière d’aides d’État doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction des éléments d’information dont la Commission pouvait disposer au moment où elle l’a arrêtée (arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 70).

160    Or, les éléments d’information dont la Commission « pouvait disposer » incluent ceux qui apparaissaient pertinents pour l’évaluation à effectuer conformément à la jurisprudence rappelée au point 158 ci-dessus et dont elle aurait pu, à sa demande, obtenir la production au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 20 septembre 2017, Commission/Frucona Košice, C‑300/16 P, EU:C:2017:706, point 71).

161     En l’espèce, il y a lieu de rappeler, d’une part, que la Commission a expliqué, dans la procédure devant le Tribunal, en se référant aux paragraphes 57 à 59 des lignes directrices de 2014 que, eu égard à la situation actuelle des aéroports dans l’Union, elle doute sérieusement qu’il soit actuellement possible de définir un élément de comparaison approprié aux fins de la fixation d’un prix de marché fidèle pour les services fournis par les aéroports (voir point 145 ci-dessus). Dès lors, même s’il n’est pas exclu qu’un nombre suffisant d’aéroports de comparaison appropriés puisse être trouvé, la Commission considère que l’analyse de rentabilité incrémentale constitue le critère le plus pertinent aux fins de l’appréciation des accords par les aéroports avec les compagnies aériennes (paragraphe 61 des lignes directrices de 2014).

162    Il y a lieu de relever, d’autre part, que, dans la décision d’ouverture, la Commission avait invité les parties intéressées à présenter des observations et que Ryanair a produit, lors de la procédure administrative, les deux études comparatives rédigées par leur consultant économique présentant un échantillon de cinq aéroports de comparaison.

163    Ayant reçu ces études et constaté que cet échantillon ne présentait pas des éléments de comparaison appropriés, c’est sans commettre de manquement à son obligation d’enquête que la Commission a pu choisir, dans le cas d’espèce, de procéder à une analyse de rentabilité incrémentale plutôt qu’à une analyse comparative, sans demander des renseignements complémentaires concernant cet échantillon.

164    Au vu de tout ce qui précède, le grief des requérantes, tiré du fait que la Commission a erronément rejeté le choix des aéroports sélectionnés par Ryanair, d’un défaut de motivation et d’un manquement à son obligation d’enquête à cet égard, doit donc être écarté.

 Sur la troisième branche, tirée de ce que l’analyse comparative démontrerait qu’aucun avantage n’a été conféré au moyen des contrats en cause

165    Les requérantes font valoir, en se référant aux rapports économiques et autres preuves présents dans le dossier administratif, que l’analyse comparative montre que les contrats en cause n’ont conféré aucun avantage économique. D’une part, il ressortirait de plusieurs rapports économiques que le prix indiqué dans le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 serait conforme au prix du marché obtenu par AMS de la part des clients privés ou au prix du marché payé par des clients privés pour des services comparables fournis par d’autres fournisseurs de services. D’autre part, l’analyse comparative réalisée dans les deux études du consultant économique des requérantes montrerait que les redevances payées par Ryanair au titre du contrat de services aéroportuaires à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz seraient d’un niveau conforme à celui des redevances qui lui auraient été proposées dans des circonstances similaires par un investisseur en économie de marché exploitant un aéroport.

166    À cet égard, il y a lieu de souligner que l’argumentation des requérantes, qui se fonde sur ces rapports et études, est inopérante, puisqu’elle part du postulat erroné selon lequel les services de marketing doivent être appréciés séparément des services aéroportuaires et de l’exploitation des liaisons aériennes en cause (voir points 120 à 132 ci-dessus).

167    Ainsi, en ce qui concerne les contrats de services de marketing, il y a lieu de constater que les rapports économiques en cause ne prennent pas en compte le fait que les services de marketing d’AMS ont été acquis par l’aéroport d’Altenburg-Nobitz en rapport avec les lignes aériennes assurées par Ryanair à cet aéroport.

168    Par ailleurs, les rapports économiques en cause qui se fondent sur l’hypothèse de services de marketing et de services aéroportuaires distincts et autonomes ne tentent aucunement de remettre en cause l’analyse de la Commission selon laquelle les contrats de services de marketing sont étroitement liés aux contrats de services aéroportuaires et aux services de transport aérien qui en font l’objet. Les requérantes ne sauraient dès lors invoquer ces rapports économiques pour réfuter cette analyse.

169    En ce qui concerne les services aéroportuaires, les deux études comparatives préparées par le consultant économique des requérantes se bornent à comparer les redevances versées par Ryanair à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz aux termes du contrat de services aéroportuaires avec les redevances imposées à Ryanair dans les aéroports de comparaison sans tenir compte des contrats de services de marketing passés avec AMS, alors que les deux types de contrats doivent être considérés conjointement.

170    Partant, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes tiré de ce que l’analyse comparative démontrerait qu’aucun avantage n’a été conféré au moyen des contrats en cause.

 Sur la quatrième branche tirée d’erreurs manifestes d’appréciation de la Commission et d’un défaut de motivation dans son analyse de rentabilité

171    Les requérantes font valoir que l’analyse de rentabilité incrémentale sur laquelle la Commission s’est fondée, pour appliquer le critère de l’opérateur en économie de marché et constater l’existence d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE est entachée de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation et d’un défaut de motivation.

172    À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que, dans la décision attaquée, la Commission a examiné au moyen d’une analyse de rentabilité ex ante si le contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003, le contrat de services de marketing du 7 avril 2003 et le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, pris de manière conjointe, contribuaient de manière incrémentale à la rentabilité de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz. Elle a effectué cette analyse de rentabilité pour la période de sept mois au cours de laquelle Ryanair a offert ses services de marketing en vertu du contrat du 25 janvier 2010 (considérants 258 et 259 de la décision attaquée).

173    En l’espèce, il est constant que la Commission n’a trouvé, lors de son enquête, aucun plan d’entreprise ou d’analyse de rentabilité ex ante, ni aucune prévision de coûts et de recettes établis par les exploitants de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz avant la conclusion des contrats en cause. Par conséquent, la Commission a dû reconstruire, à partir des éléments produits par les autorités allemandes en réponse à ses demandes d’informations, l’analyse de rentabilité ex ante sur laquelle un opérateur en économie de marché, agissant à la place de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, aurait dû se fonder en vue d’évaluer l’intérêt de conclure les contrats en cause.

174    Dans cette analyse de rentabilité incrémentale, la Commission a évalué, d’une part, les coûts incrémentaux, à savoir les coûts des services de marketing et les coûts d’exploitation directement occasionnés par les contrats en cause (considérants 260 à 262 de la décision attaquée) et, d’autre part, les recettes incrémentales provenant d’activités aéronautiques et d’activités non aéronautiques (considérants 263 et 264 de la décision attaquée). Elle a constaté des flux de trésorerie négatifs pendant la période concernée, de sorte que le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, en combinaison avec le contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 et le contrat de services de marketing du 7 avril 2003, n’était donc pas rentable au moment d’une prévision effectuée ex ante pour l’aéroport d’Altenburg-Nobitz. Elle en a déduit que la combinaison de ces contrats a procuré un avantage économique sélectif à Ryanair et à AMS (considérants 265 et 268 de la décision attaquée).

175    À cet égard, les requérants avancent, en substance, cinq griefs, dont le bien-fondé est contesté par la Commission.

–       Sur le grief pris de la non-attribution d’une valeur adéquate aux services d’AMS

176    Les requérantes font valoir que la Commission a, d’une part, inclus, en tant que coût, l’intégralité du paiement à AMS correspondant à l’année 2010 dans l’analyse ex ante de la rentabilité du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 et, d’autre part, utilisé la « redevance sur les résultats » prévue au contrat de services de marketing du 7 avril 2003 pour calculer les redevances aéronautiques sur la durée du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, tout en n’incluant dans son calcul aucun des avantages tirés de ces contrats de services de marketing.

177    En particulier, en premier lieu, les requérantes font valoir, que, en général, en l’absence de preuve de prix excessif, la valeur adéquate par défaut d’un service, y compris d’un service de marketing ou de publicité, serait le prix du marché. En conséquence, étant donné que la Commission avait repris les montants versés par l’aéroport d’Altenburg-Nobitz à AMS au titre des services de marketing parmi les coûts dans son analyse de rentabilité incrémentale, la valeur des services aurait dû inclure les bénéfices et donc aboutir à un résultat net nul.

178    En second lieu, les requérantes font valoir que la Commission n’a erronément pas tenu compte de l’efficacité de la publicité sur le site Internet de Ryanair. Elle n’aurait pas examiné les preuves fournies par Ryanair, lesquelles établissaient la grande popularité du site Internet de cette dernière, mais implicitement considéré que les services fournis au titre des contrats de services de marketing ont simplement une valeur nulle. Dès lors, la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation empêchant les requérantes de connaître la motivation réelle du traitement des services de marketing fournis au titre des contrats de services de marketing des 7 avril 2003 et 25 janvier 2010. Dans la réplique, les requérantes ajoutent que la position de la Commission néglige la durée extrêmement longue des visites sur le site Internet de Ryanair et ignore les opinions des experts en marketing établissant que l’exposition à des publics ciblés captifs était plus rentable que l’exposition non ciblée et passive visant le grand public. Elles se fondent à cet égard sur deux rapports économiques.

179    De ce fait, la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation et un défaut de motivation en n’attribuant pas une valeur réelle et adéquate aux services de marketing fournis aux termes des contrats de services de marketing.

180    La Commission conteste les arguments avancés par les requérantes.

181    À titre liminaire, il convient de relever que, par leurs arguments avancés à l’appui du présent grief, les requérantes remettent en question la façon dont la valeur des services de marketing a été incorporée dans l’analyse de rentabilité incrémentale effectuée par la Commission concernant les contrats en cause.

182    Il ressort des considérants 263 et 264 de la décision attaquée que, afin d’évaluer les recettes incrémentales, la Commission a tenu compte, dans le cadre de son analyse de rentabilité ex ante, des recettes provenant d’activités aéronautiques et d’activités non aéronautiques et qu’elle s’est fondée sur le volume de passagers que AOC aurait dû attendre de la signature du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010. Pour réaliser ce calcul, elle a déterminé le nombre de passagers relatif aux trois destinations prévues dans ce contrat en appliquant un taux de remplissage de 80 % dans un aéronef de 189 places, qui représente la capacité mentionnée dans le contrat de services de marketing.

183    À cet égard, la Commission a expliqué devant le Tribunal que les services de marketing étaient susceptibles de stimuler le trafic sur les liaisons aériennes en cause avec les avantages correspondant pour AOC en termes de redevances aéronautiques et non aéronautiques accrues et que, dans la décision attaquée, elle a intégré cet effet dans le taux de remplissage en cause, évalué à 80 %, qu’elle a appliqué tout au long de la durée des contrats de services de marketing.

184    Sans qu’il soit besoin à ce stade d’examiner la question de savoir si la Commission a correctement évalué le taux de remplissage en cause à un niveau de 80 % (voir points 261 à 265 ci-après), il y a lieu de constater que les arguments avancés par les requérantes ne sont pas de nature à établir que la Commission a commis une erreur manifeste concernant la prise en compte des effets des services de marketing dans l’analyse de rentabilité incrémentale.

185    S’agissant, en premier lieu, de l’argument des requérantes tiré de l’efficacité de la publicité sur le site Internet de Ryanair, s’il est vrai que les preuves fournies par les requérantes au cours de la procédure administrative établissaient la grande popularité du site Internet de Ryanair, cet élément, comme le relève la Commission, n’étaye pas la conclusion formulée par les requérantes selon laquelle le prix payé par AOC pour la promotion sur ce site doit automatiquement être considéré comme étant équivalent à la valeur de marché de ce service. En outre, la popularité du site Internet de Ryanair ne permet pas de tirer de conclusions en ce qui concerne la valeur de ces services de marketing, compte tenu notamment de la durée limitée de ces services et du fait qu’ils concernaient presque exclusivement la page du site consacrée à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz.

186    Quant aux effets à long terme des services de marketing et quant aux rapports économiques produits à cet égard, il convient de relever, notamment, que la Commission a indiqué sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la promotion de la région de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz sur la page d’accueil du site de Ryanair se résumait à de simples liens vers un site Internet qui n’étaient guère susceptibles d’exercer des effets durables sur la mémoire d’un nombre significatif de personnes visitant cette page. En particulier, elle a précisé que les requérantes n’ont pas tenté d’analyser, ni de quantifier, les effets prétendument exercés par les prestations de marketing au titre des contrats de services de marketing sur le comportement des consommateurs et leur incidence à long terme sur le trafic de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz.

187    Ainsi, si certes les passages des rapports économiques en cause expliquent, de manière générale les atouts d’une publicité ciblée à un public captif, notamment par l’intermédiaire d’AMS, ils ne permettent toutefois pas de tirer de façon suffisante des conclusions quant aux effets réels à long terme sur le comportement d’achat des visiteurs du site Internet de Ryanair et la fréquentation des liaisons couvertes par le contrat de services aéroportuaires en cause.

188    Pour des raisons identiques, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission ignore également que la publicité sur le site Internet de Ryanair augmenterait la visibilité de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz à l’égard des sociétés spécialisées dans le commerce de détail à l’aéroport.

189    Enfin, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes, tiré d’un défaut de motivation. En effet, le raisonnement au considérant 264 de la décision attaquée fait apparaître de façon suffisamment claire que, dans le cadre de l’analyse de rentabilité incrémentale, la Commission a évalué l’effet du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 sur les recettes escomptées par le biais du taux de remplissage du type d’avions desservant les liaisons en cause.

190    S’agissant, en second lieu, de l’argument des requérantes selon lequel la valeur des services de marketing étant égale au prix du marché, celle-ci compensait le prix d’achat de ces services en tant que coût dans l’analyse de rentabilité incrémentale, il y a lieu de souligner que cet argument revient à considérer que les services de marketing doivent être appréciés séparément des services aéroportuaires et des liaisons aériennes effectuées par Ryanair.

191    Or, les requérantes ne sont pas parvenues à réfuter l’approche retenue dans la décision attaquée, selon laquelle les contrats de services de marketing devaient être considérés de manière conjointe avec les services aéroportuaires et l’exploitation des liaisons aériennes par Ryanair (voir points 120 à 127 ci-dessus).

192    À cet égard, s’agissant du lien entre le contrat de service de marketing du 25 janvier 2010 et l’engagement de Ryanair d’exploiter des liaisons aériennes à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz couvertes par le contrat de services aéroportuaires, la Commission renvoie, dans ses écritures, au considérant 32 de la décision attaquée, citant un rapport de la direction de l’aéroport :

« En 2009, il y a eu un changement de gouvernement dans le Land de Thuringe et le nouveau gouvernement s’est montré plus réticent à verser de nouvelles subventions à l’aéroport. Il a notamment rejeté les décisions prises par le gouvernement sortant sur le versement à l’aéroport de subventions au marketing pour la période de 2009 à 2012. Étant donné que les actionnaires publics ont refusé de payer de nouvelles subventions au marketing à Ryanair, une seule liaison a été exploitée durant la saison d’hiver 2010/2011, au départ et à destination de Londres, avec le soutien financier d’entreprises régionales. Les actionnaires et la direction de Flugplatz Altenburg-Nobitz GmbH ont ensuite refusé de verser la somme de 420 000 euros exigée par Ryanair au titre des redevances de marketing pour l’horaire d’été 2011. Ryanair a alors décidé de déplacer son hub régional vers Magdebourg/Cochstedt et a mis fin à ses activités avec AOC en mars 2011. »

193    Pour mettre en exergue le lien entre les services de marketing et l’exploitation par Ryanair des liaisons aériennes à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, la Commission renvoie également dans ses écritures au considérant 224 de la décision attaquée qui fait mention d’un article de presse concernant la conclusion du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 dans les termes suivants :

« Avant cela, le conseil d’arrondissement avait décidé d’accorder à la compagnie à bas coûts irlandaise Ryanair une subvention au marketing de 670 000 euros pour l’ouverture d’une liaison aérienne supplémentaire. Sans cette décision, les services aériens réguliers auraient effectivement pris fin et l’aéroport aurait automatiquement perdu son importance, a déclaré le président du conseil d’arrondissement et du conseil d’administration de la société exploitante Flugplatz Altenburg-Nobitz GmbH pour justifier cette injection de capital frais. À partir de mars 2010, une liaison vers Alicante (deux fois par semaine) devrait s’ajouter aux liaisons existantes au départ et à destination de Stansted (Londres), d’Édimbourg (Écosse) et de Gérone (Barcelone).»

194    Dans ces conditions, il ne ressort pas des éléments du dossier que le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 comporte une vente de services de marketing par AMS qui devrait être appréciée indépendamment des services de transport aérien opérés par Ryanair.

195    Par conséquent, la Commission pouvait sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation considérer que les contrats de services de marketing et le contrat de services aéroportuaires devaient être examinés conjointement et que le prix d’achat des services de marketing, sous forme d’une « redevance sur les résultats » ou d’un montant déterminé, devait être déduit des recettes incrémentales provenant des liaisons aériennes en cause.

196    En conclusion, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes pris de la non-attribution d’une valeur adéquate aux services de marketing d’AMS.

–       Sur le grief concernant les motifs sous-tendant la décision du gestionnaire de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz d’acheter les services de marketing

197    Les requérantes reprochent à la Commission de ne pas avoir pris en compte, dans l’analyse de rentabilité incrémentale, les nombreux bénéfices qualitatifs et stratégiques que AOC, le gestionnaire de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, pouvait raisonnablement escompter du contrat de services de marketing.à savoir l’amélioration de l’image de cet aéroport et l’augmentation de sa valeur marchande, la diversification des compagnies aériennes et l’augmentation de la part du trafic entrant.

198    Les requérantes rappellent la pratique décisionnelle de la Commission relative aux mesures d’aides d’aéroports qui aurait tenu compte, dans l’analyse de rentabilité incrémentale, des objectifs qualitatifs et stratégiques des aéroports allant au-delà d’une simple analyse coûts-bénéfices. La contribution du marketing à l’image de l’aéroport aurait également été retenue comme contribuant à cette analyse. En outre, elles renvoient au paragraphe 66 des lignes directrices de 2014 qui prévoit que, lorsque la Commission procède à l’appréciation d’accords entre aéroports et compagnies aériennes, elle prendra également en compte la mesure dans laquelle les accords peuvent être considérés comme s’inscrivant dans le cadre d’une stratégie globale des aéroports censés les amener à la rentabilité, tout au moins à long terme.

199    Les requérantes soutiennent que l’affirmation de la Commission, déduite des considérants 228, 236 et 237 de la décision attaquée, selon laquelle un opérateur en économie de marché refuserait d’acquérir des prestations de marketing si les coûts incrémentaux encourus au titre de la transaction relevant des contrats de services et du contrat de services aéroportuaires parallèle dépassaient les recettes incrémentales en valeur actualisée, est détachée de la réalité économique. Selon les requérantes, d’une part, les avantages qualitatifs découlant des contrats de services de marketing doivent être ajoutés au résultat de l’analyse de la Commission relative à la « rentabilité supplémentaire ». Aussi, les entreprises privées investiraient souvent lourdement dans le développement de leurs marques, sachant parfaitement qu’elles subiront dans un premier temps des pertes incrémentales. D’autre part, les pertes incrémentales pourraient, conformément à la jurisprudence, être « conformes au principe de l’opérateur en économie de marché s’il n’exist[ait] pas de meilleure alternative ». Un prix de vente négatif pourrait être compatible avec ce test, à moins qu’il n’existe d’autres options telles qu’une faillite entraînant une perte moins importante pour l’État qui était le vendeur. La Commission n’aurait à tort pas apprécié ce coût.

200    La Commission conteste cette argumentation. Elle rétorque en particulier que, d’une part, la condition de la « rentabilité supplémentaire » prévue au paragraphe 63 des lignes directrices de 2014, selon lequel un accord conclu entre un aéroport et une compagnie aérienne peut être jugé conforme au principe de l’opérateur en économie de marché lorsqu’il contribue progressivement, d’un point de vue ex ante, à la rentabilité de l’aéroport et, d’autre part, la condition consistant à ce que soit prise en compte la mesure dans laquelle l’accord peut être considéré comme s’inscrivant dans une stratégie globale de l’aéroport censée l’amener à la rentabilité tout au moins à long terme, prévue au paragraphe 66 de ces lignes directrices, sont des conditions cumulatives. Elle explique que, pour ce motif, elle a pu conclure, dans le cas d’espèce, au non-respect du critère de l’opérateur en économie de marché, pour tous les contrats en cause ne remplissant pas la condition de « rentabilité supplémentaire », sans devoir examiner l’autre condition cumulative énoncée au paragraphe 66 des lignes directrices de 2014.

201    Il convient de souligner d’emblée que, selon la jurisprudence, la qualification d’une mesure d’aide d’État ne saurait dépendre d’une appréciation subjective de la Commission et doit être déterminée indépendamment de toute pratique administrative antérieure de cette institution, à la supposer établie (voir arrêt du 3 juillet 2014, Espagne e.a./Commission, T‑319/12 et T‑321/12, non publié, EU:T:2014:604, point 46 et jurisprudence citée).

202    Il s’ensuit qu’il n’est pas nécessaire d’examiner si la pratique décisionnelle antérieure de la Commission invoquée par les requérantes est avérée.

203    Ensuite, il convient d’examiner l’argumentation des requérantes selon laquelle la Commission n’a pas pris en compte les motifs sous-tendant la décision du gestionnaire de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz d’acheter les services de marketing, au regard du principe de l’opérateur en économie de marché, tel qu’il ressort de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et non au regard des lignes directrices de 2014.

204    Il y a lieu de rappeler que la Commission a l’obligation, dans le cadre de l’application du critère de l’investisseur privé, de tenir compte, dans l’évaluation d’une mesure, de tous les éléments pertinents et de son contexte (voir, en ce sens, arrêt du 17 décembre 2008, Ryanair/Commission, T‑196/04, EU:T:2008:585, point 59).

205    En l’espèce, la Commission explique qu’un opérateur en économie de marché guidé par des perspectives de rentabilité ne serait pas prêt à acquérir des prestations de marketing s’il prévoyait que, malgré l’effet positif de ces prestations sur la fréquentation des liaisons aériennes concernées, les coûts incrémentaux engendrés par les contrats dépasseraient les recettes incrémentales en valeur actualisée.

206    Sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la thèse de la Commission selon laquelle un accord conclu entre un aéroport et une compagnie aérienne entraînant une perte incrémentale en valeur actuelle nette ne peut être regardé comme étant conforme au principe de l’opérateur en économie privée au motif qu’il s’inscrirait dans une stratégie globale de l’aéroport censée l’amener à la rentabilité à long terme (voir point 200 ci-dessus), il y a lieu de constater, en tout état de cause, pour des raisons exposées ci-après, que les requérantes ne démontrent pas, dans le cas d’espèce, que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne prenant pas en compte les avantages invoqués par les requérantes comme qualitatifs et stratégiques.

207    En premier lieu, les requérantes font valoir, en s’appuyant notamment sur un rapport économique, que la Commission aurait dû prendre en compte le fait que, pour le gestionnaire de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, le contrat de services de marketing avait pour but de faire connaître cet aéroport, notamment auprès du public des pays à l’autre extrémité des liaisons aériennes opérées par Ryanair. La publicité serait une nécessité pour les aéroports régionaux. En outre, le renforcement de la notoriété d’un aéroport et l’amélioration de son image augmenteraient sa valeur de marché pour ses propriétaires. En tant que gestionnaire et propriétaire de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, AOC avait naturellement intérêt à l’amélioration de la valeur de ses actifs.

208    À cet égard, il convient de constater d’emblée que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas contesté l’intérêt pour les aéroports régionaux d’acquérir des services de marketing, voire d’en éprouver la nécessité.

209    En revanche, la Commission a expliqué que les prestations de marketing d’AMS n’étaient pas susceptibles de rehausser l’image de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz de manière durable.Or,les requérantes n’ont pas apporté d’éléments réfutant cette explication (voir points 185 à 189 ci-dessus).

210    Il y a lieu de constater, notamment, que, comme la Commission l’a expliqué, le passage dans le rapport économique sur lequel les requérantes se fondent ne précise pas quel type de publicité pourrait induire des effets durables, ni n’indique spécifiquement la question de savoir si les prestations de marketing d’AMS achetées par le gestionnaire de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz étaient susceptibles d’influencer le comportement des clients et d’améliorer l’image de cet aéroport de manière durable au-delà de la période couverte par les contrats de services de marketing ou sur d’autres liaisons aériennes que celles qui étaient opérées par Ryanair vers ou au départ de cet aéroport.

211    Partant, il y a lieu de rejeter l’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation concernant la prise en compte de l’amélioration de l’image et, partant, de la valeur des actifs de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz grâce aux contrats de services de marketing.

212    En deuxième lieu, les requérantes font observer que l’aéroport d’Altenburg-Nobitz pouvait escompter du contrat de services de marketing qu’il contribuait à la diversification des compagnies aériennes. À cet égard, les requérantes soulignent que, jusqu’à l’arrivée de Ryanair en 2003 à l’aéroport, celui-ci avait eu du mal à attirer une compagnie aérienne assurant des lignes aériennes régulières. L’aéroport d’Altenburg-Nobitz disposait d’une capacité inutilisée et son seul utilisateur régulier, le transporteur de fret aérien Omega, avait fait faillite en 2003. Les requérantes expliquent, en se fondant sur un rapport économique, que la visibilité sur le site Internet de Ryanair était un moyen de promouvoir la crédibilité de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz en tant que destination. La preuve du succès d’un aéroport ayant effectué de la publicité pour sa propre promotion aurait pu encourager d’autres compagnies aériennes à l’inclure dans leur programme. La preuve de sa capacité à améliorer son image au moyen de la publicité aurait incité les compagnies aériennes à commencer à le desservir.

213    À cet égard, il y a lieu de constater, tout d’abord, ainsi que l’indique la Commission, que l’argumentation des requérantes ne parvient pas à démontrer que les services de marketing fournis par AMS étaient raisonnablement censés attirer d’autres compagnies aériennes que Ryanair à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz. Il ressort notamment de la décision attaquée que les preuves disponibles laissaient entendre que, par la conclusion du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 et le versement d’un montant déterminé au titre de ce contrat, les autorités régionales et l’aéroport avaient plutôt comme préoccupation principale de maintenir les activités aériennes de Ryanair à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz (voir points 192 et 193 ci-dessus).

214    En outre, ainsi que l’indique la Commission également à juste titre, si l’attrait d’autres compagnies aériennes afin de combler la capacité inutilisée d’un aéroport peut constituer une stratégie économiquement rationnelle, il est plausible qu’un opérateur en économie de marché, se trouvant dans la même situation que l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, exigerait au minimum que l’arrivée d’une nouvelle compagnie aérienne n’engendre pas de coûts incrémentaux escomptés dépassant les recettes incrémentales. À supposer même qu’un opérateur en économie de marché soit amené dans certaines circonstances à signer un accord à perte incrémentale, les requérantes ne démontrent pas qu’un tel opérateur, agissant à la place de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, aurait été prêt à adopter un tel comportement.

215    Partant, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes tiré de la non-prise en compte de l’avantage relatif à la diversification des compagnies aériennes à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz.

216    En troisième lieu, les requérantes font valoir que la Commission ne s’est pas prononcée sur la question de savoir si les contrats de services de marketing avaient comme objectif d’augmenter la proportion des passagers provenant des aéroports desservis par celui d’Altenburg-Nobitz (passagers entrants) dans le nombre total de passagers que Ryanair s’était engagée à amener à l’aéroport. L’objectif d’augmenter la proportion des « passagers entrants » occuperait une place importante dans les termes mêmes des contrats de services de marketing. La stratégie visant à cibler les passagers en provenance du Royaume-Uni serait logique pour un opérateur en économie de marché étant donné que les « passagers entrants » étaient susceptibles de générer des recettes extra-aéronautiques plus élevées que les « passagers sortants ».

217    À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission a expliqué que, plutôt que le pourcentage de « passagers entrants » par rapport au nombre total de passagers, le nombre absolu de « passagers entrants » devait avoir été visé par les parties étant donné que ce facteur était important pour les recettes réalisées à la fois par Ryanair et par le gestionnaire de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, grâce aux redevances aéroportuaires, qui étaient partiellement fondées sur le nombre de passagers, et grâce aux recettes extra-aéronautiques. En outre, la Commission a expliqué que toute incidence des contrats de services de marketing sur le nombre de « passagers entrants » et, par conséquent, sur le nombre total de passagers avait été intégrée dans le taux de remplissage mentionné dans la décision attaquée et a servi de base à l’estimation des flux de recettes découlant des redevances aéroportuaires et des recettes non aéronautiques.

218    Les requérantes rétorquent que Ryanair et l’aéroport d’Altenburg-Nobitz n’ont pas les mêmes intérêts étant donné que Ryanair veille à transporter un nombre total élevé de passagers et perçoit le même montant de revenus tant des « passagers entrants » que des « passagers sortants », alors que l’aéroport a intérêt à assurer un grand nombre de voyageurs entrants parmi les passagers. Dès lors, selon les requérantes, l’affirmation de la Commission selon laquelle le pourcentage de « passagers entrants » par rapport au nombre total de passagers n’aurait été un sujet de préoccupation ni pour AMS ni pour l’exploitant de l’aéroport ne saurait être suivie.

219    À cet égard, tout en supposant que l’accroissement du nombre total de « passagers entrants » puisse être séparé d’un objectif distinct d’accroissement du nombre total de passagers, il y a lieu de constater que, comme la Commission l’indique, celle-ci a effectué son analyse de l’incidence des contrats de services de marketing sur les recettes incrémentales escomptées aux fins de l’application du critère de l’opérateur en économie de marché, en se fondant, pour les recettes non aéronautiques, exceptionnellement, en l’absence d’informations ex ante pertinentes, sur des données historiques ex post, sans aucune distinction entre les passagers entrants et sortants (voir considérant 254 de la décision attaquée).

220    Or, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir effectué une analyse sur la base du nombre total des « passagers entrants » sans opérer un ajustement sur la base du ratio entre « passagers entrants » et « passagers sortants », étant donné que le gestionnaire de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz n’avait pas lui-même établi une évaluation ex ante des recettes non aéronautiques futures générées par les contrats de services de marketing.

221    Partant, il y a lieu de rejeter l’argumentation des requérantes concernant l’absence de distinction entre passagers entrants et sortants dans la décision attaquée.

222    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision attaquée n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au sujet des bénéfices que les gestionnaires de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz pouvaient raisonnablement attendre des contrats de services de marketing dans le cadre d’une analyse de rentabilité ex ante des accords conclus entre AOC et Ryanair.

223    Enfin, en ce qui concerne l’argument des requérantes tiré de la solution la moins onéreuse (voir second argument, point 199 ci-dessus), il convient de souligner que la décision attaquée a constaté sans commettre d’erreur qu’un opérateur en économie de marché, placé dans la situation du gestionnaire de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, s’attendrait à ce que la combinaison du contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 et des contrats de services de marketing des 7 avril 2003 et 25 janvier 2010 ne soit pas rentable. Partant, comme l’indique à juste titre la Commission, la renonciation à la signature du contrat du 25 janvier 2010 se révélait être une meilleure alternative pour un tel opérateur, étant donné que la conclusion de ce contrat conduisait à une rentabilité incrémentale négative et détériorait donc la situation financière de cet aéroport par rapport à la situation de la non-conclusion de ce contrat.

224    Dès lors, un opérateur en économie de marché guidé par des perspectives de rentabilité, agissant à la place du gestionnaire de l’aéroport aurait, dans le cas d’espèce, préféré renoncer à conclure ces contrats.

225    Partant, il y a lieu d’écarter l’argument des requérantes concernant la solution la moins onéreuse.

226    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes concernant les motifs sous-tendant la décision du gestionnaire de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz d’acheter les services de marketing.

–       Sur le grief pris du refus de prendre en considération la possibilité qu’une partie des services de marketing aient pu être achetés à des fins d’intérêt général

227    Les requérantes exposent que, aux termes du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, l’aéroport d’Altenburg-Nobitz visait le développement économique de la région. Le gestionnaire de l’aéroport, AOC, aurait poursuivi des fins d’intérêt général lors de l’acquisition de certains services de marketing, probablement au nom de son actionnaire, le Landkreis Altenburger Land (arrondissement du Pays-d’Altenburg, Allemagne). Or, étant donné que le principe de l’opérateur en économie de marché ne s’appliquerait pas dans le cas de mesures visant l’intérêt général, la Commission aurait dû se borner à vérifier si le prix payé par l’arrondissement du Pays-d’Altenburg au travers d’un intermédiaire tel que l’aéroport, était égal au prix du marché. En outre, en n’ayant pas abordé l’hypothèse que l’acquisition des services de marketing pouvait, à tout le moins en partie, répondre aux fins d’intérêt général poursuivies par les autorités régionales et locales, la décision attaquée serait entachée d’un défaut de motivation.

228    La Commission conteste l’argumentation avancée par les requérantes.

229    À cet égard, il y a lieu de relever que l’applicabilité du critère de l’investisseur privé en économie de marché dépend, en définitive, de ce que l’État membre concerné accorde, en sa qualité d’opérateur économique, et non en sa qualité de puissance publique, un avantage économique à une entreprise (voir, en ce sens, arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 82, et du 16 mars 2016, Frucona Košice/Commission, T‑103/14, EU:T:2016:152, points 95 et 118).

230    En l’espèce, la Commission a examiné, aux considérants 236 et 258 à 266 de la décision attaquée la question de savoir si un opérateur en économie de marché se trouvant dans la situation de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz aurait conclu le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, en combinaison avec le contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 et le contrat de services de marketing du 7 avril 2003. Force est de constater qu’elle n’a pas envisagé l’hypothèse selon laquelle l’acquisition des services de marketing aurait pu, à tout le moins en partie, répondre aux fins d’intérêt général poursuivies par les autorités régionales et locales.

231    Toutefois, il y a lieu de rappeler que la Commission a pu supposer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 était lié à l’exploitation par Ryanair des liaisons aériennes à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, telles que couvertes par le contrat de services aéroportuaires (voir points 120 à 127, 192 et 193 ci-dessus). À cet égard, les preuves de l’application du prix de marché par AMS produites par les requérantes lors de la procédure administrative ne remettent pas en cause le lien entre les services de marketing et l’exploitation des liaisons aériennes de Ryanair (voir point 168 ci-dessus).

232    Par conséquent, dans la mesure où la rémunération des services de marketing au titre du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 ne constituait pas une compensation pour la fourniture de services aux autorités locales ou régionales, mais était liée à l’exploitation des services aériens de Ryanair à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, elle revenait à AOC en sa qualité d’opérateur économique exploitant un aéroport. Dès lors, l’argument des requérantes concernant l’acquisition des services de marketing à des fins d’intérêt général doit être écarté.

233    Enfin, il résulte de ce qui précède que la décision fait apparaître de façon suffisamment claire les motifs pour lesquels la Commission a appliqué le critère de l’opérateur en économie de marché aux mesures en cause.

234    Partant, le grief des requérantes pris du refus de prendre en considération la possibilité qu’une partie des services de marketing ait pu être achetée à des fins d’intérêt général ainsi que d’un défaut de motivation à cet égard doit être rejeté.

–       Sur le grief tiré de l’utilisation d’hypothèses inappropriées dans le calcul de la rentabilité

235    Les requérantes font valoir que l’analyse par la Commission des recettes et des coûts incrémentaux sous-tendant sa conclusion concernant l’existence d’une aide d’État, exposée aux considérants 236 à 275 de la décision attaquée, est entachée de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation. Ellesproduisent en annexe à la requête la note du 14 avril 2016 préparée par leur conseiller économique qui analyse de manière plus approfondie les erreurs prétendument commises par la Commission (ci-après la « note du 14 avril 2016 »).

236    En premier lieu, les requérantes soutiennent que la Commission a examiné de manière erronée la rentabilité du contrat de services de marketing de 2010 en se fondant uniquement sur la période de sept mois correspondant à la saison d’été IATA au cours de laquelle Ryanair a exploité les liaisons mentionnées dans le contrat.

237    À cet égard, premièrement, les requérantes font valoir que l’horizon temporel très bref de sept mois est incompatible avec les lignes directrices de 2014 qui imposent d’examiner la rentabilité sur le « moyen terme » et le « long terme » (voir paragraphes 63 et 66 de ces lignes directrices).

238    Deuxièmement, les requérantes allèguent que même une référence au « moyen terme » concernant la rentabilité de l’aéroport reflète une approche trop conservatrice. Les plans d’affaires des aéroports opérant en économie de marché utiliseraient au contraire des horizons temporels de plusieurs décennies et comprendraient des projections de trafic fondées sur une analyse raisonnable de la capacité de l’aéroport à attirer et à retenir le trafic. Des plans d’affaires à court ou à moyen terme reposant sur la durée de chaque contrat individuel, voire sur un délai encore plus court, ainsi que la Commission le propose en l’espèce, méconnaîtraient la réalité commerciale et seraient susceptibles de conduire à des résultats négatifs.

239    Dans la réplique, les requérantes exposent que, dans la mesure où des accords relatifs à des lignes aériennes desservant des aéroports régionaux sous-exploités impliquaient un investissement et donc un élément de risque à la fois pour les compagnies aériennes et les aéroports concernés, les parties s’accorderaient, conformément au principe de l’opérateur en économie de marché, sur des contrats d’une durée relativement courte, avec des prolongations consécutives en guise de compromis commercial mutuellement acceptable. De plus, il serait également comforme au principe que des campagnes de marketing produisent des effets positifs sur une période beaucoup plus longue que la durée de la campagne de marketing elle-même.

240    Troisièmement, les requérantes considèrent qu’il aurait été à tout le moins plus approprié que la Commission examinât la rentabilité escomptée du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 sur la période allant de la date de début de ce contrat jusqu’à la date d’expiration du contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 auquel ce contrat était lié, à savoir en avril 2013. L’horizon temporel se serait alors étendu de 2010 à 2013 au lieu des sept mois retenus par la Commission. Les requérantes produisent la note du 14 avril 2016 de leur consultant économique qui analyse le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 comme une renégociation du contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 et du contrat de services de marketing du 28 août 2008 et conclut, sur la base de l’inclusion des revenus liés au trafic spécifié dans ces deux derniers contrats concernant la période comprise entre janvier et mars 2010 et la période comprise entre octobre 2010 et avril 2013, que le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 était rentable et ne procurait pas une d’aide d’État.

241    En deuxième lieu, les requérantes font valoir que la Commission a fait l’hypothèse excessivement conservatrice d’un taux de remplissage de 80 %, alors qu’elle s’était fondée sur un taux de 85 % dans d’autres affaires d’aides d’État portant sur des accords conclus par les requérantes avec des aéroports, sans apporter la moindre explication à cet égard.

242    En troisième lieu, les requérantes allèguent que, dans ses prévisions des recettes non aéronautiques pour l’année 2010, la Commission s’est fondée sur des moyennes pour les années 2008 et 2009 et que, de ce fait, elle aurait ignoré le possible développement d’externalités de réseau résultant de l’augmentation significative de la présence de Ryanair à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz. Or, un opérateur en économie de marché aurait escompté de telles externalités de réseau.

243    La Commission conclut au rejet de l’argumentation des requérantes.

244    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, doivent figurer dans la requête. Les annexes ne peuvent être prises en considération que dans la mesure où elles étayent ou complètent des moyens ou des arguments expressément invoqués par les parties requérantes dans le corps de leurs écritures et où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’elles contiennent qui étayent ou complètent ces moyens ou arguments (voir arrêt du 14 mars 2013, Dole Food et Dole Germany/Commission, T‑588/08, EU:T:2013:130, point 462 et jurisprudence citée).

245    Dès lors, il y a lieu d’écarter l’argumentation des requérantes pour autant qu’elles invoquent des erreurs d’appréciation de la Commission concernant la rentabilité en renvoyant globalement à la note du 14 avril 2016 sans préciser les éléments essentiels de leur argumentation dans le corps de la requête. À cet égard,le Tribunal constate que, ainsi que les requérantes l’ont précisé dans la réplique, les erreurs reprochées à la Commission se limitent aux trois erreurs développées dans la requête, rappelées aux points 235 à 242 ci-dessus.

246    Il convient dès lors d’examiner le bien-fondé des arguments des requérantes concernant ces trois erreurs que la Commission a prétendument commises dans son analyse de la rentabilité incrémentale.

247    En premier lieu, en ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission a examiné de manière erronée la rentabilité des contrats en cause en retenant un horizon temporel limité à sept mois, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que cet argument doit être examiné directement au regard du principe de l’opérateur en économie de marché tel qu’il ressort de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et non au regard des lignes directrices de 2014.

248    Ensuite, il ressort de la jurisprudence (voir point 106 ci-dessus) qu’il y a lieu d’examiner si la Commission a pu considérer à bon droit, dans le cadre de son analyse de rentabilité incrémentale, qu’un opérateur en économie de marché, agissant à la place de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, aurait évalué l’intérêt de conclure le contrat du 25 janvier 2010, en combinaison avec le contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 et le contrat de services de marketing du 7 avril 2003, en retenant un horizon temporel se limitant à sept mois.

249    Le comportement d’un opérateur avisé dans une économie de marché est guidé par des perspectives de rentabilité à plus long terme (arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑305/89, EU:C:1991:142, point 20). Un tel opérateur souhaitant maximiser ses bénéfices est prêt à courir des risques calculés dans la détermination de la rémunération appropriée à escompter pour son investissement.

250    En l’espèce, toutefois, il est constant que les trois contrats en cause, et notamment le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, ont été conclus pour une durée déterminée. Ainsi, la Commission a constaté au considérant 259 de la décision attaquée que ce dernier contrat débutait le 25 janvier 2010 et finissait un an après le lancement de la première liaison aérienne qui devait commencer avec la saison d’été de 2010. Étant donné que les services aériens de Ryanair s’étendaient uniquement sur une période de sept mois, à savoir la saison d’été IATA en 2010, la Commission a effectué son analyse de rentabilité uniquement sur cette période.

251    Il est également constant que, ainsi que l’indique la Commission sans être contredite par les requérantes, en amont de la conclusion des contrats en cause, l’exploitant de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz n’avait pas préparé un plan d’affaires à propos de l’exploitation des liaisons vers les aéroports de Londres, de Gérone et d’Alicante.

252    Dans ce contexte, la Commission pouvait considérer, sans commettre d’erreur, qu’un opérateur en économie de marché évaluerait la rentabilité incrémentale de la combinaison des trois contrats en cause par rapport aux coûts et aux recettes pendant la durée de l’exploitation de la liaison aérienne en cause, à savoir sept mois.

253    L’argument des requérantes selon lequel la Commission aurait considéré de manière erronée au considérant 259 de la décision attaquée que le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 finissait un an après le lancement de la première liaison aérienne de Ryanair et non après la fourniture des services de marketing d’AMS, est inopérant. En effet, les requérantes n’ont pas établi qu’une telle erreur, pour regrettable qu’elle soit, a eu un effet appréciable sur le calcul de la rentabilité incrémentale escomptée du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010. Ainsi que la Commission l’a expliqué lors de l’audience en réponse à une question du Tribunal, il apparaît que, même si le contrat avait été conclu pour une durée initiale d’un an à compter de l’introduction du premier service de marketing par AMS, les recettes incrémentales d’activités aéronautiques et non aéronautiques ainsi que les coûts d’exploitation incrémentaux escomptés de l’exploitation des liaisons aériennes de Ryanair à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz n’auraient pas été altérés. De même, il n’est pas établi que le décalage dans le temps de la facturation par AMS à AOC du prix des services de marketing aurait eu un quelconque impact sur le montant qui était dû par AOC au titre du contrat de services de marketing et qui faisait partie des coûts à prendre en compte dans l’analyse de rentabilité incrémentale du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010.

254    Le fait que la Commission a pris en compte la durée effective de l’exploitation de la liaison aérienne de Ryanair, et non la durée du contrat du 25 janvier 2010, à savoir un an, n’affecte pas la validité de l’analyse de rentabilité incrémentale effectuée dans la décision attaquée. En effet, la Commission a pu supposer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, qu’un opérateur en économie de marché escompterait uniquement les recettes incrémentales au cours de la période pendant laquelle Ryanair s’était engagée à effectuer la liaison aérienne en cause. À cet égard, il y a lieu de rappeler que les requérantes n’ont pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en supposant que les services de marketing fournis par AMS n’étaient pas susceptibles d’avoir des effets durables sur le comportement des visiteurs du site Internet de Ryanair (voir points 184 à 188 ci-dessus).

255    Enfin, l’argument selon lequel la Commission aurait dû analyser la rentabilité du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 sur la période allant de la date de début de ce contrat jusqu’à la date d’expiration du contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 ne saurait prospérer.

256    En effet, tout en admettant que le contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 et le contrat de services de marketing du 7 avril 2003 aient continué à s’appliquer après l’expiration du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, il y a lieu de constater que, après l’entrée en vigueur de ces contrats de 2003, qui prévoyaient notamment des vols réguliers quotidiens vers l’aéroport de Londres-Stansted pendant toute l’année (considérant 47 de la décision attaquée), les parties ont revu, voire complété, les conditions de leur collaboration ultérieure aussi bien en termes d’engagements d’exploitation de vols que de rémunération pour les services de marketing. Ainsi, par le contrat de services de marketing du 28 août 2008, Ryanair s’est engagée à exploiter une liaison vers cet aéroport quotidiennement en été et quatre fois par semaine en hiver, ainsi qu’une liaison vers l’aéroport de Gérone, uniquement en été, trois fois par semaine (considérant 57 de la décision attaqué), alors que, par le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, Ryanair s’est engagée à exploiter des liaisons vers les aéroports de Londres-Stansted (sept fois par semaine), de Gérone (trois fois par semaine) et d’Alicante (deux fois par semaine) durant la saison d’été IATA. De même, par le contrat de services de marketing du 28 août 2008 et le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, AOC s’est engagée à verser respectivement le montant de [confidentiel] (voir point 7 ci-dessus) et le montant de [confidentiel] (voir point 8 ci-dessus) pour se procurer les services de marketing d’AMS. Ces paiements venaient s’ajouter à la « redevance sur les résultats » stipulée dans le contrat de services de marketing du 7 avril 2003 en rémunération des services de marketing assurés par Ryanair.

257    Par conséquent, il est raisonnable de supposer qu’un opérateur en économie de marché, agissant à la place d’AOC, se serait attendu au moment de conclure le contrat du 25 janvier 2010 à ce que, au moment de l’expiration du dernier contrat, les requérantes n’acceptent pas de simplement revenir aux termes du contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 et du contrat de services de marketing du 7 avril 2003, mais insistent également sur la renégociation de l’engagement d’exploiter des vols depuis l’aéroport d’Altenburg-Nobitz ainsi que sur de nouveaux paiements pour les services de marketing.

258    D’ailleurs, le fait que Ryanair n’était pas prête à revenir simplement sur les termes initiaux des contrats de 2003 sans demander de nouveaux paiements est confirmé ex post par le fait que, d’une part, Ryanair a effectué une seule liaison durant la saison d’hiver IATA 2010/2011, commençant le 30 octobre 2010 et s’achevant le 28 mars 2011, au départ et à destination de l’aéroport de Londres-Stansted, toutefois avec le soutien financier d’entreprises privées régionales [considérant 32, sous d), et considérant 64 de la décision attaquée], et par le fait que, d’autre part, les actionnaires et la direction d’AOC ayant refusé de verser la somme de 420 000 euros exigée par Ryanair au titre de redevances de marketing pour l’horaire d’été 2011, cette dernière a mis fin à ses activités à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz en mars 2011.

259    Dans ces conditions, il n’est pas établi qu’il aurait été plus approprié que la Commission examine la rentabilité escomptée du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010 sur la période allant de la date de début de ce contrat jusqu’à la date d’expiration du contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 auquel ce contrat était lié, à savoir en avril 2013 et étende ainsi l’horizon temporel de 2010 à 2013 au lieu des sept mois retenus par la Commission. À cet égard, il y a lieu de constater que, certes, la note du 14 avril 2016 produite par les requérantes indique que la conclusion du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, en combinaison avec les deux autres contrats, aurait été rentable si l’analyse de rentabilité avait été effectuée sur la période allant de janvier 2010 jusqu’en avril 2013. Toutefois, ainsi que la Commission l’a indiqué à juste titre, l’analyse dans la note du 14 avril 2016 n’inclut pas les nouveaux paiements escomptés pour les services de marketing.

260    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes concernant l’horizon temporel de l’analyse de rentabilité.

261    En deuxième lieu, en ce qui concerne l’argument des requérantes concernant le taux de remplissage mesurant l’utilisation de la capacité d’un aéronef, il y a lieu de constater que, pour calculer le nombre attendu de passagers en vertu du contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, la Commission a retenu, au considérant 264 de la décision attaquée, un taux de 80 % dans un aéronef de 189 places qui correspondait à la capacité mentionnée dans ce contrat.

262    La Commission a expliqué devant le Tribunal qu’un taux de remplissage de 80 % était une hypothèse raisonnable. À cet égard, elle renvoie au rapport annuel de Ryanair 2009 dans lequel il est indiqué, d’une part, que les vols opérés par Ryanair sur son réseau avaient un taux de remplissage moyen de 81 % et, d’autre part, que les taux de remplissage sur des nouvelles liaisons telles que la nouvelle liaison à destination de l’aéroport d’Alicante prévue dans le contrat de services de marketing du 25 janvier 2010, étaient généralement inférieurs.

263    Par ailleurs, en réponse à une question du Tribunal, la Commission a expliqué que le taux de remplissage de 80 % qu’elle a retenu constituait un scénario plus optimiste que celui adopté par l’aéroport d’Altenburg-Nobitz concernant les recettes attendues des activités de Ryanair. À cet égard, la Commission a produit le tableau que les autorités allemandes avaient fourni lors de la procédure administrative et qui comportait plusieurs scénarios concernant les taux de remplissage de 70 à 90 %. Ce tableau prévoyait que, même avec un taux de remplissage de 70 %, un résultat positif pouvait être obtenu avec l’activité de Ryanair (voir considérant 99 de la décision attaquée).

264    Il s’ensuit que, pour déterminer le taux de remplissage retenu dans la décision attaquée, la Commission s’est fondée sur des éléments objectifs qui, par ailleurs, justifiaient suffisamment la divergence avec le taux de remplissage de 85 % qui était appliqué dans d’autres affaires d’aides d’État portant sur des accords conclus par les requérantes avec d’autres aéroports. Les méthodes de calcul du taux de remplissage retenues dans ces autres affaires et la décision attaquée étant différentes, il y a lieu de constater que l’approche de la Commission ne saurait être considérée comme incohérente.

265    Partant, le grief des requérantes concernant l’application d’un taux de remplissage de 80 % doit être rejeté.

266    En troisième lieu, en ce qui concerne l’argument des requérantes concernant la non-prise en compte des externalités de réseau dans le calcul des recettes non aéronautiques pour l’année 2010, il y a lieu de rappeler que, en l’absence d’informations ex ante pertinentes, la Commission est partie du postulat que, en janvier 2010, lorsque le contrat de services de marketing a été signé, l’aéroport d’Altenburg-Nobitz a pris en considération, dans le calcul des recettes non aéronautiques, ses recettes réelles des années précédentes, qui avaient fortement augmenté en comparaison avec 2006 et 2007. Ainsi, la Commission a supposé que l’aéroport d’Altenburg-Nobitz avait fondé en 2010 ses prévisions de recettes non aéronautiques sur les deux années précédentes, d’un montant moyen de 1,80 à 2,30 euros par passager pour les années 2008 et 2009 [considérant 263, sous b), de la décision attaquée].

267    Il y a lieu de constater que ce calcul des recettes non aéronautiques pour l’année 2010 n’est entaché d’aucune erreur manifeste d’appréciation de la part de la Commission.

268    En effet, ainsi que la Commission l’a expliqué, il ressort des éléments du dossier que les requérantes avaient fourni des services très similaires au cours des années précédentes dans le cadre du contrat du 28 août 2008, en combinaison avec le contrat de services aéroportuaires du 3 mars 2003 et le contrat de services de marketing du 7 avril 2003, de sorte que rien ne permettait pour un opérateur en économie de marché de supposer une augmentation soudaine des recettes non aéronautiques par passager en raison d’externalités de réseau.

269    Le grief tiré de l’utilisation d’hypothèses inappropriées dans le calcul de la rentabilité doit donc être rejeté.

–       Sur le grief pris du refus de prendre en considération les avantages plus larges découlant des relations de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz avec Ryanair

270    Les requérantes considèrent que la Commission n’aurait à tort pas tenu compte, dans son analyse de rentabilité incrémentale, des externalités de réseau positives qu’un opérateur en économie de marché, agissant à la place du gestionnaire de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, pouvait attendre des activités de Ryanair à cet aéroport, ni des effets à plus long terme résultant des services marketing d’AMS. Le nombre plus élevé d’usagers de l’aéroport grâce à la présence de Ryanair augmenterait l’attrait de cet aéroport, ce qui conduirait à une augmentation des liaisons, des compagnies aériennes et des implantations commerciales. Dans la réplique, les requérantes ajoutent qu’un aéroport sous-utilisé, agissant en opérateur en économie de marché, signerait un accord avec Ryanair afin de créer un cercle vertueux de croissance et, de ce fait, d’amorcer la remontée de l’aéroport vers la rentabilité.

271    À cet égard, il y a lieu de relever que, comme l’indique la Commission, la notion d’externalités de réseau, telle qu’invoquée par les requérantes est liée à la perspective d’un plus grand nombre de passagers.

272    Or, il y a lieu de constater, comme la Commission l’indique, que les requérantes n’apportent aucun élément concret qui démontre que la présence de Ryanair et les services de marketing fournis par AMS au titre du contrat du 25 janvier 2010 étaient susceptibles d’attirer d’autres compagnies aériennes, de nouvelles liaisons aériennes de Ryanair et des commerces à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz conduisant à une augmentation du nombre de passagers. En l’absence d’une quelconque indication de tels effets, il est plausible de supposer qu’un opérateur en économie de marché avisé se trouvant dans la situation de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz, ne compterait pas sur la présence de Ryanair pour espérer une telle augmentation future du nombre de passagers liée à l’arrivée d’autres compagnies aériennes à l’aéroport et, partant, une croissance de ses recettes.

273    De surcroît, les requérantes n’étayent pas leur argumentation selon laquelle « pour un aéroport régional peu connu comme Altenburg, la conclusion d’un premier contrat initial avec un leader de marché comme Ryanair est une première étape importante vers la création de telles externalités de réseau ». En effet, ainsi quela Commission le relève à juste titre, le contrat du 25 janvier 2010 a été signé sept ans après le début, le 1er mai 2003, des activités de Ryanair à l’aéroport d’Altenburg-Nobitz et était le troisième contrat de ce type à être conclu. Or,il ressort du dossier que, depuis son arrivée, Ryanair a été la seule compagnie aérienne à proposer des liaisons au départ et à destination de cet aéroport.

274    Dans ces conditions, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en ne tenant pas compte d’éventuels effets d’externalités provenant de l’exploitation par Ryanair des liaisons aériennes prévues par le contrat du 25 janvier 2010.

275    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief des requérantes pris du refus de prendre en considération les avantages plus larges découlant des relations de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz avec Ryanair.

276    Le troisième moyen doit donc être écarté dans son intégralité.

277    Il convient donc de rejeter le recours dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la demande de mesures d’organisation de procédure des requérantes en ce qu’elle vise d’autres mesures que celles qui ont déjà été ordonnées.

 Sur les dépens

278    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il convient de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

279    Le Conseil supportera ses propres dépens, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Ryanair DAC et Airport Marketing Services Ltd sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

Berardis

Papasavvas

Spielmann

Csehi

 

      Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige

Mesures en cause

Procédure administrative

Décision attaquée

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de bonne administration consacré par l’article 41 de la Charte et des droits de la défense

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE du fait que la Commission n’a pas établi que la condition liée à la sélectivité était remplie

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE du fait que la Commission n’a pas établi l’existence d’un avantage

Sur la première branche, tirée de ce que la Commission a méconnu que l’analyse comparative était la méthode principale à suivre pour l’application du principe de l’opérateur en économie de marché

Sur la deuxième branche concernant les motifs invoqués par la Commission dans la décision attaquée pour s’écarter, dans la présente affaire, de l’analyse comparative

– Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément considéré que, pour être valable, l’analyse comparative aurait dû prendre en compte les contrats de services de marketing avec AMS

– Sur le grief tiré du fait que la Commission a erronément rejeté le choix des aéroports sélectionnés par Ryanair, ainsi que d’un défaut de motivation et d’un manquement à son obligation d’enquête à cet égard

Sur la troisième branche, tirée de ce que l’analyse comparative démontrerait qu’aucun avantage n’a été conféré au moyen des contrats en cause

Sur la quatrième branche tirée d’erreurs manifestes d’appréciation de la Commission et d’un défaut de motivation dans son analyse de rentabilité

– Sur le grief pris de la non-attribution d’une valeur adéquate aux services d’AMS

– Sur le grief concernant les motifs sous-tendant la décision du gestionnaire de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz d’acheter les services de marketing

– Sur le grief pris du refus de prendre en considération la possibilité qu’une partie des services de marketing aient pu être achetés à des fins d’intérêt général

– Sur le grief tiré de l’utilisation d’hypothèses inappropriées dans le calcul de la rentabilité

– Sur le grief pris du refus de prendre en considération les avantages plus larges découlant des relations de l’aéroport d’Altenburg-Nobitz avec Ryanair

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.


2      Données confidentielles occultées