DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (huitième chambre)

9 novembre 2021 (*)

« Recours en annulation – Médicaments à usage humain – Autorisation de mise sur le marché conditionnelle pour le médicament à usage humain “COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant])” – Absence d’intérêt à agir – Défaut d’affectation directe – Défaut d’affectation individuelle – Acte non réglementaire – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑267/21,

Heidi Amort, demeurant à Jenesien (Italie), et les autres parties requérantes dont les noms figurent à l’annexe I(1), représentées par Me R. Holzeisen, avocate,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B.-R. Killmann et A. Sipos, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution C(2021) 1763 (final) de la Commission, du 11 mars 2021, portant autorisation de la mise sur le marché conditionnelle conformément au règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil pour le médicament à usage humain « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) », telle que modifiée et complétée,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, R. Barents (rapporteur) et C. Mac Eochaidh, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Le 16 février 2021, Janssen-Cilag International NV (ci-après « Janssen ») a demandé une autorisation de mise sur le marché pour le médicament « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID‑19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) » sur le fondement du règlement (CE) no 726/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, établissant des procédures de l’Union pour l’autorisation et la surveillance en ce qui concerne les médicaments à usage humain et à usage vétérinaire, et instituant une Agence européenne des médicaments (JO 2004, L 136, p. 1).

2        À la suite de la demande de Janssen, le comité des médicaments à usage humain de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a rendu son avis, le 11 mars 2021, en recommandant l’autorisation de mise sur le marché conditionnelle pour le médicament « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) ». À la suite de cet avis, la Commission européenne a adopté la décision d’exécution C(2021) 1763 (final), du 11 mars 2021, portant autorisation de la mise sur le marché conditionnelle conformément au règlement no 726/2004 pour le médicament à usage humain « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) » (ci-après la « décision attaquée »).

3        L’article 1er de la décision attaquée dispose que l’autorisation de mise sur le marché conditionnelle (ci-après l’« AMM ») est octroyée pour le médicament « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID‑19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) » dont le résumé des caractéristiques figure à l’annexe I de ladite décision.

4        Selon l’article 4 de la décision attaquée, l’AMM a une durée de validité d’un an à compter de la notification de ladite décision.

5        Aux termes de l’article 5 de la décision attaquée, Janssen est destinataire de cette décision.

6        Par, notamment, les décisions d’exécution C(2021) 2977 (final), du 22 avril 2021, et C(2021) 3426 (final), du 7 mai 2021 (ci-après, ensemble, les « décisions modificatives »), dont Janssen est également destinataire, la Commission a modifié la décision attaquée, sans que ces modifications aient eu une quelconque incidence sur l’indication thérapeutique du médicament « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) ».

 Faits et procédure

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 19 mai 2021, les parties requérantes, Mme Heidi Amort et les autres personnes dont les noms figurent à l’annexe I, ont introduit le présent recours.

8        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 19 mai 2021, les parties requérantes ont, au titre de l’article 152 du règlement de procédure du Tribunal, introduit une demande tendant à obtenir le traitement de cette affaire par la voie d’une procédure accélérée.

9        Par décision du 2 juillet 2021, le Tribunal (huitième chambre) a rejeté la demande de procédure accélérée et a décidé de faire juger l’affaire par priorité, conformément à l’article 67, paragraphe 2, du règlement de procédure.

10      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 5 août 2021, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure.

11      De ce fait, le traitement des demandes d’intervention introduites respectivement par TF, TG, TH et TI le 21 juillet 2021, par TR et les autres personnes dont les noms figurent à l’annexe II le 3 août 2021, et par VH et les autres personnes dont les noms figurent à l’annexe II(2) le 3 août 2021, au soutien des conclusions des parties requérantes, a été suspendu conformément à l’article 144, paragraphe 3, du règlement de procédure.

12      Les parties requérantes n’ont pas déposé d’observations en réponse à l’exception d’irrecevabilité dans le délai imparti.

13      Les parties requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal d’annuler la décision attaquée.

14      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant irrecevable ;

–        condamner les parties requérantes aux dépens.

 En droit

 Arguments des parties

15      La Commission soutient, dans l’exception d’irrecevabilité, que les parties requérantes méconnaissent la nature des décisions d’exécution autorisant un médicament à être mis sur le marché et adoptées à l’issue de la procédure centralisée prévue au règlement no 726/2004, à l’égard desquelles elles n’ont aucun intérêt à agir. En outre, les parties requérantes seraient dépourvues de la qualité pour agir.

16      Dans leur requête, les parties requérantes font valoir qu’elles sont toutes des personnes exerçant dans le secteur de la santé ou des soins aux malades et aux personnes âgées, en tant que médecins, infirmiers et accompagnateurs de personnes âgées, en sorte qu’elles seraient, de ce fait, exposées à se faire vacciner contre la COVID-19, dès lors que la vaccination au moyen du médicament « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) » a débuté en Italie.

17      Les parties requérantes prétendent que ce vaccin, qui est fondé sur le génie génétique, est expérimental, puisqu’il comporte des substances issues du génie génétique, et n’a rien de commun avec un vaccin traditionnel.

18      Elles indiquent que, par décret-loi no 44 de la République italienne, du 1er avril 2021, les personnes qui travaillent dans le secteur de la santé et des soins doivent obligatoirement se faire vacciner sous peine d’être déchues d’office de l’accès à la profession et suspendues dans un premier temps de leur emploi jusqu’au 31 décembre 2021, sans rémunération, pour les salariés, ou doivent fermer leur cabinet, pour les indépendants.

19      Ainsi, du fait de l’autorisation du médicament « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) » accordée par la Commission, cette substance serait automatiquement autorisée dans chaque État membre, en sorte qu’aucune décision nationale ne serait nécessaire pour que cette substance soit autorisée sur le territoire des États membres.

20      Il s’ensuit, selon les parties requérantes, qu’elles sont directement et individuellement concernées par la décision de la Commission autorisant irrégulièrement la mise sur le marché de ce médicament, en ce que cette décision affecterait leurs droits fondamentaux à l’intégrité physique. Elles font également valoir une violation des articles 3, 35 et 38 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ainsi que des articles 168 et 169 TFUE.

21      En outre, le 19 janvier 2021, la Commission aurait publié une recommandation aux États membres visant à accélérer l’administration dans l’Union européenne des vaccins expérimentaux déjà autorisés afin que, d’ici à l’été 2021, au moins 70 % de la population adulte soit vaccinée. La Commission exercerait ainsi une pression claire et nette en vue d’une vaccination généralisée.

22      Ainsi, du fait de la décision attaquée, les parties requérantes se verraient exposées à une pression énorme, créée de toute évidence par la Commission, qui se concrétiserait en une obligation impérieuse de se faire vacciner et qui aurait pour conséquence un important risque sanitaire, concret, déraisonnable, et ce en contradiction avec le droit de l’Union.

 Appréciation du Tribunal

23      En vertu de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité ou l’incompétence sans engager le débat au fond. En l’espèce, la Commission ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sur cette demande sans poursuivre la procédure.

 Sur l’intérêt à agir des parties requérantes

24      Tout d’abord, il importe de rappeler que, ainsi que cela ressort de la jurisprudence, en l’absence d’intérêt à agir, il n’y a pas lieu d’examiner si la partie requérante est directement et individuellement concernée au sens des dispositions de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (arrêt du 18 décembre 2003, Fern Olivieri/Commission et EMEA, T‑326/99, EU:T:2003:351, point 66 ; ordonnance du 15 mai 2013, Post Invest Europe/Commission, T‑413/12, non publiée, EU:T:2013:246, point 17, et arrêt du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, EU:T:2015:840, point 23).

25      En effet, l’intérêt à agir constitue la condition essentielle et première de tout recours en justice. Un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est ainsi recevable que dans la mesure où la partie requérante a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. L’intérêt à agir d’une partie requérante suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques, que le recours soit ainsi apte, par son résultat, à procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté et que celle-ci justifie d’un intérêt né et actuel à l’annulation dudit acte (arrêt du 19 juin 2009, Socratec/Commission, T‑269/03, non publié, EU:T:2009:211, point 36 ; ordonnance du 15 mai 2013, Post Invest Europe/Commission, T‑413/12, non publiée, EU:T:2013:246, point 22, et arrêt du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, EU:T:2015:840, point 24).

26      Selon la jurisprudence, il appartient à la partie requérante d’apporter la preuve de son intérêt à agir. Celle-ci doit, en particulier, démontrer l’existence d’un intérêt personnel à obtenir l’annulation de l’acte attaqué. Cet intérêt doit être né et actuel et s’apprécie au jour où le recours est formé (voir arrêt du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, EU:T:2015:840, point 25 et jurisprudence citée).

27      Toutefois, lorsqu’un recours en annulation est introduit par une partie requérante non privilégiée contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, l’exigence selon laquelle les effets juridiques obligatoires de la mesure attaquée doivent être de nature à affecter les intérêts de la partie requérante, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci, se chevauche avec les conditions posées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (arrêts du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 38 ; du 16 octobre 2014, Alro/Commission, T‑517/12, EU:T:2014:890, point 25, et du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, EU:T:2015:840, point 26).

28      Dès lors, afin d’apprécier si la décision attaquée est susceptible de recours par les parties requérantes, il convient d’examiner si elle constitue un acte qui produit des effets de droit obligatoires à leur égard (voir arrêt du 12 novembre 2015, HSH Investment Holdings Coinvest-C et HSH Investment Holdings FSO/Commission, T‑499/12, EU:T:2015:840, point 27 et jurisprudence citée).

29      Pour déterminer si un acte produit des effets juridiques à l’égard d’une partie requérante et modifie de façon caractérisée sa situation juridique, il y a lieu de s’attacher notamment à son objet, son contenu, sa substance, ainsi qu’au contexte factuel et juridique dans lequel il est intervenu (voir ordonnance du 10 juillet 2019, Pilatus Bank/BCE, T‑687/18, non publiée, EU:T:2019:542, point 16 et jurisprudence citée).

30      En l’occurrence, il convient tout d’abord de constater que la décision attaquée ainsi que les décisions modificatives s’adressent toutes à Janssen qui en est la seule destinataire, en sorte que les parties requérantes doivent être considérées comme des tiers au regard de ladite décision.

31      Il y a lieu, par ailleurs, de relever que, ainsi que l’a à juste titre souligné la Commission, la décision attaquée a uniquement pour effet, d’une part, d’autoriser l’entreprise productrice du médicament « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) », concernée par ladite décision, à commercialiser ce dernier et, d’autre part, d’interdire aux États membres de s’opposer à sa mise sur le marché. Cette décision ne crée donc aucune charge ou obligation de quelque nature que ce soit à l’égard des personnes physiques et n’impose aucune obligation de vaccination à l’égard de ces dernières.

32      Ainsi, la décision attaquée, telle que modifiée par les décisions modificatives, en autorisant uniquement la mise sur le marché du médicament « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID‑19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) », dans la mesure où elle ne fait qu’autoriser l’AMM de ce dernier sans imposer notamment une obligation de vaccination, ne saurait être considérée comme étant en mesure de porter atteinte à l’intégrité physique des parties requérantes.

33      À cet égard, il convient de relever que les parties requérantes reconnaissent expressément dans leurs écritures que l’obligation de vaccination ne découle pas de la décision attaquée ou des décisions modificatives, mais uniquement de la réglementation italienne.

34      Dès lors, la décision attaquée octroyant une AMM au médicament « COVID‑19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID‑19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) » ne modifie pas de façon caractérisée la situation juridique des parties requérantes. Partant, l’annulation de celle-ci ne saurait, par elle-même, leur procurer un bénéfice au sens de la jurisprudence rappelée au point 25 ci-dessus.

35      Il s’ensuit que les parties requérantes ne disposent pas d’un intérêt à agir à l’égard de la décision attaquée.

 Sur la qualité à agir des parties requérantes

36      Nonobstant l’absence d’intérêt à agir des parties requérantes, le Tribunal estime néanmoins opportun, en l’occurrence, d’examiner la recevabilité du recours au regard de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

–       Sur l’absence d’affectation directe

37      Il convient de rappeler que, s’agissant de l’affectation directe, cette condition requiert la réunion de deux critères cumulatifs, à savoir que la mesure contestée, en premier lieu, produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, en second lieu, ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêt du 13 octobre 2011, Deutsche Post et Allemagne/Commission, C‑463/10 P et C‑475/10 P, EU:C:2011:656, point 66, et ordonnance du 8 février 2019, Front Polisario/Conseil, T‑376/18, non publiée, EU:T:2019:77, point 27).

38      S’agissant de la première condition relative à l’« affectation directe », elle signifie notamment que la mesure en cause doit produire directement des effets sur la situation juridique de la personne physique ou morale qui entend former un recours au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Ainsi, une telle condition doit être appréciée uniquement au regard des effets juridiques de la mesure, les effets politiques éventuels de celle-ci n’ayant pas d’incidence sur cette appréciation (arrêt du 3 décembre 2020, Région de Bruxelles‑Capitale/Commission, C‑352/19 P, EU:C:2020:978, point 64).

39      Or, il ressort d’ores et déjà des points 30 à 33 ci-dessus que la décision attaquée ne produit aucun effet juridique sur la situation des parties requérantes, mais uniquement sur Janssen ainsi qu’à l’égard des États membres.

40      En effet, la décision attaquée ne comporte, en elle-même, aucune obligation à l’égard des parties requérantes, en particulier celle de se faire vacciner, et ce quel que soit le vaccin éventuellement disponible.

41      Les parties requérantes admettent d’ailleurs l’absence d’obligation de vaccination résultant de la décision attaquée, invoquant une simple « pression sociale » de se faire vacciner avec le médicament « COVID‑19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) ».

42      Toutefois, la « pression sociale » ne saurait être un critère pertinent à l’aune duquel les parties requérantes pourraient être considérées comme étant directement concernées par la décision attaquée.

43      Ainsi que le relève à juste titre la Commission, même si une obligation de vaccination découlait de l’ordre juridique italien ou même de l’Union, ou si la rupture du contrat de travail ou une autre interdiction menaçait les personnes refusant de se faire vacciner, il ne s’agirait nullement d’effets juridiques découlant de la décision attaquée, mais de la conséquence de l’adoption d’autres mesures au niveau soit national, soit de l’Union.

44      S’agissant de la seconde condition de l’affectation directe, elle signifie que la mesure en cause ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires.

45      Or, la décision attaquée se borne à accorder à Janssen une AMM portant sur son médicament « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) », sans que les autorités nationales des États membres soient destinataires de cette décision. Il en découle que celles-ci disposent d’un pouvoir d’appréciation total quant à l’opportunité de recourir à ce médicament autorisé par la décision attaquée, au besoin au moyen d’éventuelles mesures coercitives.

46      Il ne résulte ainsi nullement de la décision attaquée qu’un État membre, tel que la République italienne, serait tenu, de par cette décision, d’administrer le médicament « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) » à l’ensemble de la population ou à une partie seulement d’entre elle ou même de rendre la vaccination obligatoire avec l’utilisation dudit médicament.

47      Par ailleurs, en invitant les États membres à accélérer la vaccination, la Commission a, par la communication COM(2021) 35 (final), du 19 janvier 2021, utilisé un instrument qui n’emporte directement ou indirectement aucune obligation de vaccination, en sorte qu’elle ne produit aucun effet juridique.

48      Il résulte de ce qui précède que la condition relative à l’affectation directe des parties requérantes n’est pas remplie.

–       Sur l’absence d’affectation individuelle

49      Selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17 ; du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, EU:C:2005:761, point 33, et ordonnance du 27 mars 2012, Connefroy e.a./Commission, T‑327/09, non publiée, EU:T:2012:155, point 21).

50      À cet égard, il suffit de constater que la décision attaquée n’atteint pas les parties requérantes en raison de certaines qualités qui leur seraient particulières par rapport à d’autres personnes éventuellement concernées par l’AMM du médicament « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) ».

51      Le simple fait que les parties requérantes exercent dans le secteur de la santé ou des soins aux malades ne suffit pas à les individualiser et à les caractériser par rapport à toute autre personne dans la mesure où la décision attaquée ne s’adresse précisément à aucune catégorie particulière de la population en général.

52      Par ailleurs, l’allégation selon laquelle la décision attaquée violerait les droits fondamentaux des parties requérantes ne suffit pas à elle seule à déclarer recevable le recours d’un particulier, sous peine de vider les exigences de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, de leur substance (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2021, Carvalho e.a./Parlement et Conseil, C‑565/19 P, non publié, EU:C:2021:252, point 48 et jurisprudence citée), et ce d’autant plus que les parties requérantes n’ont pas été en mesure de déterminer en quoi la décision attaquée, et elle seule, pourrait porter atteinte à leur intégrité physique, dès lors qu’elle ne fait qu’autoriser l’AMM du médicament « COVID-19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) » au sein de l’Union.

53      À supposer même que les parties requérantes aient invoqué une violation de leurs droits fondamentaux en en déduisant une affectation individuelle, au motif que l’intégrité physique et, partant, la violation des droits fondamentaux serait unique et différente pour chaque individu, il convient de constater qu’il ne saurait être considéré que la décision attaquée atteigne les parties requérantes en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle d’un destinataire.

–       Sur l’absence d’acte réglementaire

54      Il convient de rappeler que la Cour a jugé que la notion d’« acte réglementaire » couvrait tous les actes non législatifs de portée générale (voir ordonnance du 8 juin 2021, Price/Conseil, T‑231/20, non publiée, sous pourvoi, EU:T:2021:349, point 61 et jurisprudence citée).

55      Or, force est de constater qu’une décision telle que celle de la Commission autorisant la mise sur le marché du médicament « COVID‑19 Vaccine Janssen – Vaccin contre la COVID-19 (Ad26.COV2‑S [recombinant]) » dans l’Union ne produit aucun effet juridique à l’égard de tiers, mais seulement à l’égard de l’entreprise productrice de celui-ci, en sorte qu’il n’a aucune portée générale et abstraite.

56      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il y a donc lieu d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et de rejeter le recours comme étant irrecevable.

 Sur les demandes en intervention

57      Conformément à l’article 144, paragraphe 3, du règlement de procédure, lorsque le défendeur dépose une exception d’irrecevabilité, visée à l’article 130, paragraphe 1, il n’est statué sur la demande en intervention qu’après le rejet ou la jonction de l’exception au fond. En outre, conformément à l’article 142, paragraphe 2, du même règlement, l’intervention perd son objet, notamment lorsque la requête est déclarée irrecevable.

58      Or, étant donné que l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission a été accueillie en l’espèce et que la présente ordonnance met, par conséquent, fin à l’instance, il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes en intervention présentées par TF, TG, TH et TI, par TR et les autres personnes dont les noms figurent à l’annexe II, et par VH et les autres personnes dont les noms figurent à l’annexe II, au soutien des conclusions des parties requérantes.

 Sur les dépens

59      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

60      Les parties requérantes ayant succombé en leurs conclusions, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

61      Par ailleurs, en application de l’article 144, paragraphe 10, du règlement de procédure, TF, TG, TH et TI, TR et les autres personnes dont les noms figurent à l’annexe II et VH et les autres personnes dont les noms figurent à l’annexe II, au soutien des conclusions des parties requérantes, supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Il n’y a plus lieu de statuer sur les demandes en intervention présentées par TF, TG, TH et TI, par TR et les autres personnes dont les noms figurent à l’annexe II et par VH et les autres personnes dont les noms figurent à l’annexe II.

3)      Mme Heidi Amort et les autres personnes dont les noms figurent à l’annexe I sont condamnées aux dépens.

4)      TF, TG, TH et TI, TR et les autres personnes dont les noms figurent à l’annexe II et VH et les autres personnes dont les noms figurent à l’annexe II supporteront chacun leurs propres dépens afférents aux demandes d’intervention.

Fait à Luxembourg, le 9 novembre 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

J. Svenningsen


*      Langue de procédure : l’allemand.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.


2      La liste des autres demandeurs en intervention n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.