ORDONNANCE DE LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR

17 décembre 2020 (*)

« Pourvoi – Ordonnance de référé – Politique économique et monétaire – Règlement (UE) n° 1024/2013 – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Missions spécifiques confiées à la Banque centrale européenne (BCE) – Décision de retrait de l’agrément d’un établissement de crédit – Nouvelle demande »

Dans l’affaire C‑207/20 P(R),

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 57, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 18 mai 2020,

Anglo Austrian AAB AG, anciennement Anglo Austrian AAB Bank AG, établie à Vienne (Autriche),

Belegging-Maatschappij « Far-East » BV, établie à Velp (Pays-Bas),

représentées par Me O. H. Behrends, Rechtsanwalt,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Banque centrale européenne (BCE), représentée par Mmes C. Hernández Saseta et E. Yoo ainsi que par M. V. Hümpfner, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par leur pourvoi, Anglo Austrian AAB AG, anciennement Anglo Austrian AAB Bank AG (ci-après « AAB »), et Belegging-Maatschappij « Far-East » BV demandent l’annulation de l’ordonnance du président du Tribunal de l’Union européenne du 15 avril 2020, Anglo Austrian AAB et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE (T‑797/19 RII, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2020:151), par laquelle celui-ci a rejeté leur demande tendant au sursis à l’exécution de la décision ECB-SSM-2019-AT-8, WHD-2019-0009, de la Banque centrale européenne (BCE), du 14 novembre 2019 (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        L’article 4, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 1024/2013 du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63), dispose :

« Dans le cadre de l’article 6, la BCE est, conformément au paragraphe 3 du présent article, seule compétente pour exercer, à des fins de surveillance prudentielle, les missions suivantes à l’égard de tous les établissements de crédit établis dans les États membres participants :

a)      agréer les établissements de crédit et retirer les agréments des établissements de crédit, sous réserve de l’article 14 ;

[...] »

3        L’article 6, paragraphe 4, de ce règlement prévoit :

« En ce qui concerne les missions définies à l’article 4, à l’exception du paragraphe 1, points a) et c), la BCE et les autorités compétentes nationales sont dotées des compétences fixées respectivement aux paragraphes 5 et 6 du présent article, dans le cadre et sous réserve des procédures visées au paragraphe 7 du présent article, pour la surveillance des établissements de crédit, des compagnies financières holdings, des compagnies financières holdings mixtes ou des succursales, établies dans les États membres participants, d’établissements de crédit établis dans des États membres non participants :

–        qui sont moins importants sur base consolidée, au plus haut niveau de consolidation sur le territoire des États membres participants, ou à titre individuel dans le cas spécifique des succursales, établies dans les États membres participants, d’établissements de crédit établis dans des États membres non participants. Cette importance est appréciée sur la base des critères suivants :

i)      la taille ;

ii)      l’importance pour l’économie de l’Union ou d’un État membre participant ;

iii)      l’importance des activités transfrontalières de l’établissement.

[...] »

4        Aux termes de l’article 14, paragraphe 5, dudit règlement :

« Sous réserve du paragraphe 6, la BCE peut retirer l’agrément de sa propre initiative dans les cas prévus par le droit applicable de l’Union, après consultation de l’autorité compétente nationale de l’État membre participant où l’établissement de crédit est établi, ou sur proposition de cette autorité compétente nationale. Ces consultations visent, en particulier, à garantir qu’avant de décider de retirer un agrément, la BCE donne suffisamment de temps aux autorités nationales pour leur permettre d’arrêter les mesures correctrices nécessaires, y compris d’éventuelles mesures de résolution, et qu’elle tient compte de celles-ci.

Lorsque l’autorité compétente nationale qui a proposé l’agrément conformément au paragraphe 1 estime que l’agrément doit être retiré en vertu du droit national, elle soumet une proposition en ce sens à la BCE. Dans ce cas, la BCE arrête une décision sur la proposition de retrait en tenant pleinement compte des motifs justifiant le retrait avancés par l’autorité compétente nationale. »

 Les antécédents du litige, la procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

5        AAB était un établissement de crédit « moins important », au sens de l’article 6, paragraphe 4, du règlement n° 1024/2013, établi en Autriche. Elle exerçait ses activités en vertu d’un agrément délivré au titre du droit autrichien, en particulier du Bundesgesetz über das Bankwesen (Bankwesengesetz) (loi bancaire).

6        Belegging-Maatschappij « Far-East » est une société de participation détenant 99,99 % des actions d’AAB.

7        Lors de l’assemblée générale extraordinaire du 1er octobre 2019, les actionnaires d’AAB ont pris la décision de cesser les activités bancaires et de restituer l’agrément, c’est-à-dire de renoncer à l’agrément bancaire. À cet égard, le directoire et le conseil de surveillance d’AAB ont déclaré qu’elle subsisterait et poursuivrait les activités pour lesquelles aucun agrément bancaire n’est requis.

8        Par la décision litigieuse, la BCE a retiré à AAB son agrément d’établissement de crédit à compter de la date de notification de cette décision.

9        Ladite décision a été notifiée à AAB le 15 novembre 2019.

10      Le 19 novembre 2019, les requérantes ont introduit un recours en annulation contre la décision litigieuse ainsi qu’une demande en référé tendant au sursis à l’exécution de cette décision.

11      Par ordonnance du 20 novembre 2019, Anglo Austrian AAB Bank et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE (T‑797/19 R, non publiée, EU:T:2019:801), le président du Tribunal a ordonné le sursis de l’exécution de la décision litigieuse jusqu’à la date de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé.

12      Par ordonnance du 7 février 2020, Anglo Austrian AAB Bank et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE (T‑797/19 R, non publiée, ci-après la « première ordonnance de référé », EU:T:2020:37), le président du Tribunal a rapporté l’ordonnance du 20 novembre 2019, Anglo Austrian AAB Bank et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE (T‑797/19 R, non publiée, EU:T:2019:801), et a, sans se prononcer sur la condition relative au fumus boni juris ni procéder à une mise en balance des intérêts en présence, rejeté la demande en référé introduite par les requérantes, au motif que la condition relative à l’urgence n’était pas remplie.

13      Invoquant l’existence de faits nouveaux, au sens de l’article 160 du règlement de procédure du Tribunal, les requérantes ont, le 2 mars 2020, introduit une nouvelle demande en référé, par laquelle elles ont demandé au président du Tribunal d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision litigieuse et de faire droit à cette demande avant même que la partie adverse n’ait présenté ses observations (ci-après la « nouvelle demande en référé »).

14      Le 13 mars 2020, la BCE a présenté des observations écrites sur cette nouvelle demande en référé en concluant au rejet de cette dernière.

15      Par l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a rejeté ladite demande.

 Les conclusions des parties

16      Par leur pourvoi, les requérantes demandent à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        d’ordonner le sursis à l’exécution de la décision litigieuse, ou

–        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire au Tribunal, et

–        de condamner la BCE aux dépens.

17      La BCE demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi dans son intégralité et

–        de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur le pourvoi

18      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent dix-neuf moyens.

 Sur le premier moyen

 Argumentation

19      Par leur premier moyen, les requérantes soutiennent que l’ordonnance attaquée repose sur une mauvaise interprétation de l’article 160 du règlement de procédure du Tribunal, au motif que le président du Tribunal n’y examine que des faits de façon isolée, sans prendre en considération l’ensemble du contexte dans lequel ceux-ci s’inscrivent, à savoir l’exigibilité des créances détenues sur AAB, la constatation de cette exigibilité par les autorités autrichiennes, la désignation de liquidateurs, la demande de la part de ces derniers d’ouvrir une procédure d’insolvabilité et l’ouverture de cette procédure proprement dite.

20      De même, les requérantes estiment que l’appréciation du président du Tribunal selon laquelle il apparaît douteux que l’ouverture de la procédure d’insolvabilité puisse être considérée comme étant un « fait nouveau » résulte également d’une interprétation erronée de cet article 160.

21      La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

22      L’article 160 du règlement de procédure du Tribunal, intitulé « Nouvelle demande », prévoit que le rejet de la demande relative à une mesure provisoire n’empêche pas la partie principale qui l’avait introduite de présenter une autre demande fondée sur des faits nouveaux.

23      En l’occurrence, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, après avoir, au point 18 de l’ordonnance attaquée, exposé les éléments qui, d’après l’argumentation développée dans la nouvelle demande en référé, étaient invoqués par celles-ci à titre de « faits nouveaux », au sens de cette disposition, le président du Tribunal a, aux points 19 à 21 de cette ordonnance, précisé le contexte dans lequel s’inscrivaient cette demande et l’examen de celle-ci.

24      Par la suite, le président du Tribunal a, au regard de ce contexte, pris en considération et examiné ces éléments, relatifs à l’exigibilité des créances détenues sur AAB, à la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité ainsi qu’à l’ouverture effective de la procédure d’insolvabilité contre AAB.

25      S’agissant de l’argument des requérantes selon lequel le président du Tribunal a, en considérant, au point 31 de l’ordonnance attaquée, qu’il apparaissait douteux que l’ouverture de la procédure d’insolvabilité contre AAB puisse être considérée comme étant un « fait nouveau », commis une erreur dans l’interprétation de l’article 160 du règlement de procédure du Tribunal, il suffit de relever que celui-ci présente un caractère inopérant, puisque, aux points 32 à 36 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a également jugé que, en tout état de cause, les requérantes n’avaient pas démontré que la décision litigieuse constituait la cause déterminante de l’ouverture de cette procédure.

26      Dans ces conditions, le premier moyen doit être rejeté comme étant en partie non fondé et en partie inopérant.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation

27      Par leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que l’ordonnance attaquée est entachée d’un défaut de motivation et de cohérence, au motif que, d’une part, il n’est nullement tenu compte du fait que l’insolvabilité, dont la réalisation avait été considérée comme étant trop improbable dans la première ordonnance de référé, s’est produite par la suite, et que, d’autre part, aux points 36 et 47 à 49 de l’ordonnance attaquée, il leur est reproché de ne pas avoir apporté de liquidités avant le 7 février 2020, alors que, au point 78 de la première ordonnance de référé, un soutien financier de la part de Belegging-Maatschappij « Far-East » était justement considéré comme n’étant pas nécessaire.

28      La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

29      Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le président du Tribunal a bien tenu compte de la situation d’insolvabilité d’AAB.

30      En effet, aux points 32 à 36 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a indiqué les motifs pour lesquels la décision litigieuse ne constituait pas la cause déterminante de l’ouverture de la procédure d’insolvabilité contre AAB et, aux points 37 à 50, il a exposé ceux pour lesquels il n’apparaissait pas que le sursis à l’exécution de cette décision éviterait la poursuite de cette procédure.

31      Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent également les requérantes, dans la première ordonnance de référé, le président du Tribunal ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si un soutien financier de la part de Belegging-Maatschappij « Far-East » était effectivement nécessaire.

32      En effet, au point 78 de cette ordonnance, le président du Tribunal a considéré non pas qu’un soutien financier de Belegging-Maatschappij « Far-East » n’était pas nécessaire, mais qu’il ne découlait pas de l’allégation des requérantes selon laquelle cette société n’était pas disposée à lui apporter ce soutien qu’AAB aurait eu besoin dudit soutien et que, sans celui-ci, elle aurait risqué l’insolvabilité.

33      Il en résulte que le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation

34      Par leur troisième moyen, les requérantes soutiennent que le président du Tribunal a dénaturé les faits en affirmant, aux points 34 à 36 et 47 à 50 de l’ordonnance attaquée, que le commissaire du gouvernement nommé par la Finanzmarktaufsicht (autorité de surveillance des marchés financiers, Autriche) avait, dans son rapport final, constaté l’existence d’un manque de liquidités d’AAB dès le début du mois de décembre 2019.

35      La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

36      Dans la mesure où les requérantes invoquent une dénaturation des faits par le président du Tribunal, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, une dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt du 9 novembre 2017, TV2/Danmark/Commission, C‑649/15 P, EU:C:2017:835, point 50 et jurisprudence citée).

37      Or, il suffit de relever qu’une telle dénaturation n’est pas établie, puisque, contrairement à ce que prétendent les requérantes, le président du Tribunal n’a nullement affirmé, aux points 34 à 36 et 47 à 50 de l’ordonnance attaquée, que, dans son rapport final, le commissaire du gouvernement, mentionné au point 34 de la présente ordonnance, avait constaté l’existence d’un manque de liquidités d’AAB dès le début du mois de décembre 2019.

38      Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation

39      Par leur quatrième moyen, les requérantes soutiennent que leur droit d’être entendues a été violé au motif qu’elles n’ont pas été entendues au sujet des observations écrites présentées par la BCE le 13 mars 2020 et du rapport final du commissaire du gouvernement mentionné au point 34 de la présente ordonnance, alors que, aux points 34 à 46 et 47 à 50 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal se fonde sur ces éléments de fait et de preuve, et que ce rapport a été remis à cette autorité quelques jours avant la date à laquelle la BCE a déposé ces observations écrites afin qu’il puisse être utilisé dans ces dernières.

40      La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

41      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, compte tenu de la célérité qui caractérise, par sa nature, la procédure de référé, il peut raisonnablement être exigé de la partie qui sollicite des mesures provisoires de présenter, sauf cas exceptionnels, dès le stade de l’introduction de sa demande, tous les éléments de preuve disponibles à l’appui de celle-ci, afin que le juge des référés puisse apprécier, sur cette base, le bien-fondé de ladite demande [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 23 mai 2019, Trifolio-M e.a./EFSA, C‑163/19 P(R), non publiée, EU:C:2019:453, point 56 et jurisprudence citée].

42      Même à supposer qu’un élément de preuve ne puisse, comme en l’espèce, être disponible qu’après l’introduction de la demande en référé, il ressort de la jurisprudence que le président du Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi [ordonnance du juge des référés du 22 novembre 2018, Valencia Club de Fútbol/Commission, C‑315/18 P(R), EU:C:2018:951, point 57].

43      En l’occurrence, il y a lieu de constater, d’une part, que le président du Tribunal a, au point 13 de l’ordonnance attaquée, considéré que le dossier qui lui était soumis contenait tous les éléments nécessaires pour statuer sur la nouvelle demande en référé et, d’autre part, que l’argumentation des requérantes ne permet pas de conclure que, en l’espèce, le président du Tribunal a outrepassé les limites de son pouvoir discrétionnaire.

44      En outre, il convient de relever que les requérantes, qui ont eu connaissance des observations écrites présentées par la BCE le 13 mars 2020 et du rapport final du commissaire du gouvernement annexé à celles-ci, pouvaient, conformément à l’article 88 du règlement de procédure du Tribunal, présenter une demande tendant à répondre à ces observations et à ce rapport. Or, elles ne l’ont pas fait. Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient se prévaloir, dans le cadre du pourvoi, du non-respect d’une garantie procédurale dont elles ont ainsi renoncé à faire usage (ordonnance du 20 février 2008, Comunidad Autónoma de Valencia/Commission, C‑363/06 P, non publiée, EU:C:2008:99, point 36).

45      En tout état de cause, à l’égard du fait que, dans certaines affaires, le président du Tribunal a utilisé la faculté dont il dispose de demander des observations écrites supplémentaires aux parties, alors que, dans d’autres affaires, il a refusé de le faire, il a été jugé que chaque affaire revêt ses propres particularités et complexités et que le juge des référés est seul compétent pour apprécier les mesures d’organisation de la procédure qu’il juge appropriées afin de se prononcer sur la demande en référé [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 59 et jurisprudence citée].

46      Dès lors, le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation

47      Par leur cinquième moyen, les requérantes soutiennent que le président du Tribunal aurait dû les entendre avant de conclure qu’un soutien en matière de liquidités de la part de Belegging-Maatschappij « Far-East » aurait été nécessaire, alors que, au point 78 de la première ordonnance de référé, il a jugé qu’il ne pouvait justement pas être considéré que AAB aurait besoin de ce soutien et que, sans celui-ci, elle risquerait l’insolvabilité.

48      La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

49      Il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, le président du Tribunal n’a nullement jugé, dans l’ordonnance attaquée, qu’un soutien en matière de liquidités de la part de Belegging-Maatschappij « Far-East » aurait été nécessaire.

50      En effet, au point 36 ainsi qu’aux points 48 et 49 de l’ordonnance attaquée, celui-ci s’est limité à constater que Belegging-Maatschappij « Far-East » s’était abstenue d’apporter un tel soutien à AAB et qu’elle n’apparaissait pas disposée à le lui apporter.

51      Par ailleurs, ainsi qu’il a déjà été relevé aux points 31 et 32 de la présente ordonnance, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, au point 78 de la première ordonnance de référé, le président du Tribunal ne s’est pas prononcé sur la question de savoir si un soutien financier de la part de Belegging-Maatschappij « Far-East » était effectivement nécessaire, mais a seulement considéré qu’il ne découlait pas de l’allégation des requérantes selon laquelle cette société n’était pas disposée à lui apporter ce soutien qu’AAB aurait eu besoin dudit soutien et que, sans celui-ci, elle aurait risqué l’insolvabilité.

52      En tout état de cause, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une demande en référé, il appartient au président du Tribunal d’apprécier la nécessité de tenir une audience et d’entendre les parties en leurs observations orales. Ce dernier doit jouir, à cet égard, d’une large marge d’appréciation [ordonnance du président de la Cour du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 57 et jurisprudence citée].

53      Dans ces conditions, le cinquième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le sixième moyen

 Argumentation

54      Par leur sixième moyen, les requérantes soutiennent que le président du Tribunal n’aurait pas dû renoncer à les entendre en indiquant, au point 13 de l’ordonnance attaquée, qu’il disposait de tous les éléments nécessaires pour statuer, alors que, par ailleurs, il a constaté que certains points manquaient de clarté et a insisté sur la nécessité d’explications complémentaires de la part des requérantes.

55      La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

56      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné [arrêt du 9 novembre 2017, TV2/Danmark/Commission, C‑649/15 P, EU:C:2017:835, point 34, et ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 16 janvier 2020, Highgate Capital Management/Commission, C‑605/19 P(R), non publiée, EU:C:2020:12, point 107].

57      À cet égard, il y a lieu de rappeler également que l’article 169 du règlement de procédure de la Cour, intitulé « Conclusions, moyens et arguments du pourvoi », prévoit, à son paragraphe 2, que les moyens et arguments de droit invoqués doivent identifier avec précision les points de motifs de la décision du Tribunal qui sont contestés.

58      Or, il suffit de constater que, par leur sixième moyen, les requérantes se bornent à reprocher au président du Tribunal d’avoir constaté que certains points manquaient de clarté et d’avoir insisté sur la nécessité d’explications complémentaires de leur part, sans identifier le ou les points de l’ordonnance attaquée visés par ce reproche.

59      Il en résulte que ce moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le septième moyen

 Argumentation

60      Par leur septième moyen, les requérantes soutiennent que l’ordonnance attaquée repose sur l’idée juridiquement erronée qu’il aurait existé une obligation, dans le chef de Belegging-Maatschappij « Far-East », de mettre à disposition des liquidités.

61      La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

62      Il suffit de constater que, contrairement à ce qu’exige l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, les requérantes n’indiquent pas le ou les points de motifs de l’ordonnance attaquée qu’elles contestent.

63      Dès lors, le septième moyen doit, conformément à la jurisprudence constante rappelée au point 56 de la présente ordonnance, être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le huitième moyen

 Argumentation

64      Par leur huitième moyen, les requérantes soutiennent que c’est à tort que, au point 22 de l’ordonnance attaquée, le président du Tribunal a considéré que l’exigibilité des créances détenues sur AAB devait être regardée comme étant non pas un fait, mais une question de droit.

65      La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

66      Le président du Tribunal a, aux points 23 à 25 de l’ordonnance attaquée, jugé que, en tout état de cause, le caractère exigible des dettes détenues sur AAB ne constituait pas un « fait nouveau », au sens de l’article 160 du règlement de procédure du Tribunal. Le huitième moyen doit, dès lors, être rejeté comme étant inopérant.

 Sur le neuvième moyen

 Argumentation

67      Par leur neuvième moyen, les requérantes soutiennent que l’ordonnance attaquée est entachée d’une erreur de droit, au motif que la principale circonstance de fait alléguée à titre de « fait nouveau » intervenu postérieurement à la première ordonnance de référé, à savoir l’ouverture de la liquidation d’AAB par la nomination de liquidateurs, y est ignorée.

68      La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

69      Ainsi que le président du Tribunal l’a relevé au point 17 de l’ordonnance attaquée, il ne ressort pas clairement de la nouvelle demande en référé en quoi consistent les « faits nouveaux » sur lesquels cette demande est fondée.

70      Cela étant, le président du Tribunal a, au point 18 de l’ordonnance attaquée, énoncé les éléments qui, d’après l’argumentation développée aux points 2 à 11 de ladite demande, étaient invoqués par les requérantes à titre de « faits nouveaux », au sens de l’article 160 du règlement de procédure du Tribunal.

71      À l’appui de la nouvelle demande en référé, les requérantes ont notamment fait valoir qu’il ressort de la demande d’ouverture d’une procédure d’insolvabilité introduite par les liquidateurs nommés par le Handelsgericht Wien (tribunal de commerce de Vienne, Autriche) ainsi que de la décision de ce dernier du 2 mars 2020, ouvrant la procédure d’insolvabilité à l’encontre d’AAB, que l’insolvabilité de celle-ci est directement causée par l’exécution immédiate de la décision litigieuse et qu’un sursis à l’exécution de cette dernière éviterait l’insolvabilité d’AAB.

72      Selon une jurisprudence constante, dès lors que, dans le cadre d’un pourvoi, le contrôle de la Cour est limité à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges, une partie ne saurait soulever pour la première fois devant la Cour des moyens ou des arguments qu’elle n’a pas invoqués devant le Tribunal [arrêts du 26 septembre 2018, Infineon Technologies/Commission, C‑99/17 P, EU:C:2018:773, point 97 ; du 28 novembre 2019, ABB/Commission, C‑593/18 P, non publié, EU:C:2019:1027, point 63, et du 30 avril 2020, Grèce/Commission (Pâturages permanents), C‑797/18 P, EU:C:2020:340, point 122].

73      Or, en l’espèce, force est de constater que, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, celles-ci n’ont pas, dans la nouvelle demande en référé, invoqué de moyen ou d’argument fondé sur l’allégation que l’ouverture de la liquidation d’AAB par la nomination de liquidateurs constituerait un « fait nouveau », au sens de l’article 160 du règlement de procédure du Tribunal.

74      En outre, il convient de relever que le président du Tribunal a envisagé l’argumentation des requérantes en ce sens qu’elles invoquaient, à titre de « fait nouveau », l’ouverture effective de la procédure d’insolvabilité contre AAB et qu’il a, aux points 32 à 36 de l’ordonnance attaquée, rejeté un tel argument au motif que les requérantes n’étaient pas parvenues à démontrer que le retrait de l’agrément d’AAB en vertu de la décision litigieuse constituait la cause déterminante de l’ouverture de cette procédure d’insolvabilité.

75      Par conséquent, le neuvième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le dixième moyen

 Argumentation

76      Par leur dixième moyen, les requérantes soutiennent que la motivation exposée dans l’ordonnance attaquée, relative au lien de causalité entre la décision litigieuse et l’insolvabilité d’AAB, est juridiquement erronée.

77      Premièrement, elles considèrent que le président du Tribunal exclut à tort ce lien sur le fondement de la possibilité théorique d’une intervention de Belegging-Maatschappij « Far-East » et en faisant uniquement référence, au point 29 de l’ordonnance attaquée, au fait que des efforts ont été consentis entre le 7 et le 28 février 2020 pour restaurer la solvabilité d’AAB au moyen de négociations avec les créanciers de celle-ci.

78      Deuxièmement, les requérantes reprochent au président du Tribunal de ne pas avoir écarté l’argument exposé par la BCE au point 25 de ses observations écrites du 13 mars 2020, relatif audit lien.

79      Troisièmement, elles font valoir que le président du Tribunal ne pouvait pas conclure à l’absence de lien de causalité entre la décision litigieuse et l’insolvabilité d’AAB en raison de « points non clairs », alors que ceux-ci pouvaient être aisément élucidés.

80      Quatrièmement, les requérantes estiment que, en exigeant, au point 35 de l’ordonnance attaquée, une « automaticité » des effets de la décision litigieuse, le président du Tribunal a commis une erreur de droit.

81      La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

82      Le premier argument invoqué par les requérantes est irrecevable.

83      En effet, d’une part, les requérantes allèguent que le président du Tribunal exclut à tort l’existence d’un lien de causalité entre la décision litigieuse et l’insolvabilité d’AAB sur le fondement de la possibilité théorique d’une intervention de Belegging-Maatschappij « Far-East » sans identifier le ou les points de motifs de l’ordonnance attaquée qui sont contestés, ainsi que l’exige l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

84      D’autre part, il convient de rappeler qu’il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve qui lui sont soumis. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (arrêt du 9 novembre 2017, TV2/Danmark/Commission, C‑649/15 P, EU:C:2017:835, point 36 et jurisprudence citée).

85      Or, force est de constater que, en ce que les requérantes visent la référence, au point 29 de l’ordonnance attaquée, au fait que des efforts ont été consentis entre le 7 et le 28 février 2020 pour restaurer la solvabilité d’AAB au moyen de négociations avec les créanciers de celles-ci, elles contestent, sans invoquer de dénaturation, une constatation factuelle qui échappe au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

86      S’agissant du deuxième argument des requérantes, il suffit de constater que, par celui-ci, celles-ci se bornent à reprocher au président du Tribunal de ne pas avoir écarté un argument de la BCE, sans toutefois présenter une argumentation identifiant spécifiquement une erreur de droit dont serait entachée l’ordonnance attaquée.

87      Par conséquent, en vertu de la jurisprudence constante rappelée au point 56 de la présente ordonnance, cet argument est irrecevable.

88      Il en est de même du troisième argument des requérantes, selon lequel le président du Tribunal ne pouvait pas conclure à l’absence de lien de causalité entre la décision litigieuse et l’insolvabilité d’AAB en raison de « points non clairs » alors que ceux-ci pouvaient être aisément élucidés, puisque, par cet argument, elles n’identifient pas le ou les points de l’ordonnance attaquée qu’elles contestent.

89      Enfin, en ce qui concerne le quatrième argument des requérantes, portant sur le point 35 de l’ordonnance attaquée, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, des griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (arrêt du 2 octobre 2019, Crédit mutuel Arkéa/BCE, C‑152/18 P et C‑153/18 P, EU:C:2019:810, point 68 et jurisprudence citée).

90      Or, le point 35 de l’ordonnance attaquée constitue un motif surabondant, puisqu’il intervient après que le président du Tribunal a, au point 34 de cette ordonnance, relevé que, même pendant le sursis à l’exécution de la décision litigieuse, AAB faisait face à une situation tendue en termes de liquidités.

91      Au demeurant, le caractère surabondant de ce point 35 est confirmé par l’emploi des termes « en outre » au début de celui-ci.

92      Compte tenu des considérations qui précèdent, le dixième moyen doit être rejeté comme étant en partie irrecevable et en partie inopérant.

 Sur le onzième moyen

 Argumentation

93      Par leur onzième moyen, les requérantes soutiennent que l’ordonnance attaquée est illégale, au motif que le besoin de protection juridictionnelle n’y est pas apprécié au regard de la nature d’une mesure de retrait d’agrément bancaire.

94      Selon elles, le président du Tribunal « se réfère à des critères énoncés par la jurisprudence en présence de mesures relativement inoffensives », alors qu’un retrait d’agrément bancaire constitue « la mesure la plus intrusive que l’on puisse imaginer en matière de surveillance prudentielle » et « l’une des mesures ayant le plus d’incidences sur une entreprise que les institutions européennes puissent adopter ».

95      La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

96      Il y a lieu de constater que, par leur onzième moyen, les requérantes se bornent à reprocher au président du Tribunal de ne pas avoir apprécié le besoin de protection juridictionnelle au regard de la nature d’une mesure de retrait d’agrément bancaire, sans toutefois présenter une argumentation identifiant spécifiquement une erreur de droit dont serait entachée l’ordonnance attaquée.

97      En outre, si ledit moyen doit être compris en ce sens que le président du Tribunal aurait dû, compte tenu de la nature d’une mesure de retrait de l’agrément d’un établissement de crédit, s’écarter des critères d’appréciation des demandes en référé établis par la jurisprudence, il y a lieu de constater que les requérantes n’ont pas invoqué un tel moyen dans la nouvelle demande en référé.

98      Dans ces conditions, conformément à la jurisprudence constante citée aux points 56 et 72 de la présente ordonnance, le onzième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le douzième moyen

 Argumentation

99      Par leur douzième moyen, les requérantes soutiennent que l’ordonnance attaquée est entachée d’une erreur de droit en ce que les conditions d’octroi d’un sursis à exécution y sont définies sans qu’il soit procédé à une mise en balance des intérêts en présence.

100    La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

101    Selon une jurisprudence constante, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que la demande de mesures provisoires doit être rejetée dès lors que l’une de ces conditions fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 21 novembre 2019, Commission/Suède, C‑389/19 P‑R, non publiée, EU:C:2019:1007, point 32 et jurisprudence citée).

102    Dans le cadre de l’examen desdites conditions, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle du droit de l’Union ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnance du président de la Cour du 25 octobre 2012, Hassan/Conseil, C‑168/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:674, point 23, et ordonnance du vice-président de la Cour du 22 mars 2018, Wall Street Systems UK/BCE, C‑576/17 P(R), non publiée, EU:C:2018:208, point 31].

103    Par conséquent, dès lors que, en l’espèce, le président du Tribunal a considéré que la condition relative à l’urgence n’était pas remplie, au motif que l’imminence de la réalisation d’un préjudice grave et irréparable n’avait pas été démontrée, il n’était pas tenu de procéder à une mise en balance des intérêts en présence.

104    Il en résulte que le douzième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le treizième moyen

 Argumentation

105    Par leur treizième moyen, les requérantes soutiennent que l’ordonnance attaquée est erronée en droit en ce qu’il n’est pas tenu compte de l’obligation incombant à la BCE de se prononcer, dès le stade de la décision de retrait de l’agrément, sans commettre d’erreur d’appréciation. Selon elles, si cette décision s’avère illégale, il doit être sursis à son exécution dès lors que l’intérêt de la partie qui en fait la demande n’a pas entre-temps complètement disparu.

106    À cet égard, les requérantes allèguent que ladite décision est illégale et que, compte tenu de son caractère irréversible, sa mise à exécution immédiate est clairement disproportionnée.

107    La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

108    Tout d’abord, les éléments de l’ordonnance attaquée visés par le treizième moyen ne ressortent pas clairement du pourvoi.

109    Ensuite, pour autant que ce moyen doit être compris en ce sens que, si la décision litigieuse est illégale, ce qui, selon les requérantes, est le cas, le président du Tribunal est tenu de surseoir à son exécution, il suffit de constater que ledit moyen est en contradiction manifeste avec la jurisprudence constante citée aux points 101 et 102 de la présente ordonnance.

110    Enfin, dans la mesure où, par ce même moyen, les requérantes contestent la légalité de la décision litigieuse, celui-ci se rapporte, en réalité, à l’examen de la condition relative au fumus boni juris.

111    Or, à cet égard, il suffit de relever que le président du Tribunal n’était pas tenu d’examiner cette condition, puisque, en l’espèce, il a considéré que la condition relative à l’urgence n’était pas remplie.

112    Dès lors, le treizième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le quatorzième moyen

 Argumentation

113    Par leur quatorzième moyen, les requérantes soutiennent que, en retenant à leur égard, au point 19 de l’ordonnance attaquée, le fait qu’AAB n’a pas annulé sa décision du 1er octobre 2019, mentionnée au point 7 de la présente ordonnance, de liquider ses activités bancaires et de restituer son agrément bancaire, le président du Tribunal a méconnu le principe de proportionnalité.

114    Par ailleurs, elles lui reprochent d’avoir perdu de vue qu’elles conservaient un intérêt à pouvoir procéder à une réduction ordonnée, étalée dans le temps, de l’activité de crédit et à une cessation provisoire des nouvelles opérations, qui soit réversible en cas de victoire dans la procédure au fond, contrairement à ce qui se passe en cas d’exécution immédiate du retrait de l’agrément.

115    Les requérantes reprochent également au président du Tribunal d’avoir, au point 11 de la première ordonnance de référé, retenu à leur égard le fait d’avoir tenté d’atténuer les conséquences du retrait de l’agrément dans leurs communiqués publics et, au point 72 de cette ordonnance, affirmé que la réputation d’AAB était déjà si fortement compromise qu’un préjudice supplémentaire serait sans conséquences.

116    La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

117    Il y a lieu de constater que, par leur quatorzième moyen, les requérantes contestent, sans invoquer de dénaturation, la simple constatation factuelle effectuée par le président du Tribunal au point 19 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle AAB n’a pas annulé sa décision du 1er octobre 2019, mentionnée au point 7 de la présente ordonnance, de liquider ses activités bancaires et de restituer son agrément bancaire.

118    Or, conformément à la jurisprudence rappelée au point 84 de la présente ordonnance, cette constatation échappe au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

119    Par ailleurs, force est de constater que l’affirmation selon laquelle, en effectuant ladite constatation, le président du Tribunal a violé le principe de proportionnalité est, en vertu de la jurisprudence constante rappelée au point 56 de la présente ordonnance, irrecevable, dès lors que les requérantes n’indiquent pas les arguments juridiques soutenant de manière spécifique cette affirmation.

120    Il en est de même de l’allégation selon laquelle le président du Tribunal a perdu de vue que les requérantes avaient un intérêt à pouvoir procéder à une réduction ordonnée, étalée dans le temps, de l’activité de crédit et à une cessation provisoire des nouvelles opérations, puisque les requérantes n’indiquent pas le ou les points de l’ordonnance attaquée qu’elles contestent, pas plus qu’elles ne présentent une argumentation visant spécifiquement à identifier une erreur de droit dont serait entachée l’ordonnance attaquée.

121    Enfin, il y a lieu de constater que le quatorzième moyen vise les points 11 et 72 de la première ordonnance de référé, laquelle ne fait pas l’objet du présent pourvoi.

122    Dans ces conditions, le quatorzième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le quinzième moyen

 Argumentation

123    Par leur quinzième moyen, les requérantes soutiennent que, en ne tenant aucun compte des effets drastiques d’une décision de retrait de l’agrément d’un établissement bancaire sur les possibilités d’exercice des droits de la défense et du droit à un recours effectif de cet établissement ainsi que sur la nécessité d’une égalité des armes, le président du Tribunal a commis une erreur de droit.

124    En effet, il serait dans la nature d’une mesure de retrait d’agrément de rendre pratiquement sans défense la banque qui en fait l’objet, ce qui pourrait faire obstacle au contrôle juridictionnel de cette mesure. Selon les requérantes, les juridictions doivent en tenir compte, y compris dans le cadre d’un référé.

125    La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

126    Outre le fait que l’allégation des requérantes n’est pas accompagnée d’une argumentation identifiant spécifiquement une erreur de droit dont serait entachée l’ordonnance attaquée, il y a lieu de constater que, dans la nouvelle demande en référé, les requérantes n’ont pas fait valoir que le retrait de l’agrément d’un établissement bancaire portait atteinte aux droits de la défense de cet établissement et qu’il devait en être tenu compte dans le cadre de la procédure de référé.

127    Dès lors, conformément à la jurisprudence constante citée aux points 56 et 72 de la présente ordonnance, le quinzième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le seizième moyen

 Argumentation

128    Par leur seizième moyen, les requérantes soutiennent que, en fixant des exigences excessives et disproportionnées en matière de preuve et de charge de la preuve, le président du Tribunal a méconnu le régime des mesures provisoires dans le cadre d’une demande en référé et, en particulier, la nécessité d’un droit à un recours effectif.

129    Selon elles, il n’est pas raisonnable d’exiger d’une personne sollicitant une protection juridique qu’elle fournisse des informations détaillées sur tous les aspects techniques et de retenir contre elle toute incertitude ou ambiguïté subsistante.

130    La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

131    Il suffit de constater que le seizième moyen ne respecte pas l’exigence énoncée à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, puisque, par celui-ci, les requérantes n’indiquent pas le ou les points de motifs de l’ordonnance attaquée qui sont contestés.

132    Par conséquent, ce moyen doit, conformément à la jurisprudence constante rappelée au point 56 de la présente ordonnance, être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le dix-septième moyen

 Argumentation

133    Par leur dix-septième moyen, les requérantes soutiennent que, en l’espèce, les perspectives de succès de leur demande en référé en ce qui concerne la condition relative au fumus boni juris sont particulièrement claires.

134    La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

135    Outre le fait que, contrairement à l’exigence prévue à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, les requérantes n’indiquent pas le ou les points de motifs de l’ordonnance attaquée qui sont contestés, il y a lieu de constater qu’elles ne présentent pas non plus une argumentation visant spécifiquement à identifier une erreur de droit dont serait entachée cette ordonnance.

136    En tout état de cause, si, par leur dix-septième moyen, les requérantes entendent reprocher au président du Tribunal de ne pas avoir examiné la condition relative au fumus boni juris, il suffit de relever que, ainsi qu’il a été jugé au point 111 de la présente ordonnance, celui-ci n’était pas tenu de le faire, puisque, en l’espèce, il a considéré que la condition relative à l’urgence n’était pas remplie.

137    Il en résulte que ce moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur la dix-huitième moyen

 Argumentation

138    Par leur dix-huitième moyen, les requérantes soutiennent que « les commentaires du Tribunal sur l’aptitude des mesures provisoires à prévenir le dommage imminent » allégué « sont le reflet de ses considérations sur la causalité » et qu’ils « sont incorrects pour les mêmes raisons ». Elles ajoutent que ni l’ouverture de la procédure d’insolvabilité ni la nomination des liquidateurs ne constituent des mesures juridiquement contraignantes.

139    La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

140    Il doit être constaté que le dix-huitième moyen ne satisfait pas à l’exigence énoncée à l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, puisque, par celui-ci, les requérantes visent « les commentaires du Tribunal » sans indiquer le ou les points de motifs de l’ordonnance attaquée qui sont contestés, pas plus d’ailleurs qu’elles ne présentent une argumentation identifiant spécifiquement une erreur de droit dont serait entachée cette ordonnance.

141    Par conséquent, ce moyen doit, conformément à la jurisprudence constante rappelée au point 56 de la présente ordonnance, être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le dix-neuvième moyen

 Argumentation

142    Par leur dix-neuvième moyen, les requérantes font valoir que, à toutes fins utiles, Belegging-Maatschappij « Far-East » est individuellement concernée par la décision litigieuse et par le refus de surseoir à l’exécution de celle-ci.

143    La BCE conteste cette argumentation.

 Appréciation

144    Dans le cadre du dix-neuvième moyen, les requérantes n’indiquent pas le ou les points de l’ordonnance attaquée qu’elles contestent, ni ne présentent une argumentation visant spécifiquement à identifier une erreur de droit dont serait entachée cette ordonnance. Par conséquent, ce moyen doit, conformément à la jurisprudence constante rappelée au point 56 de la présente ordonnance, être rejeté comme étant irrecevable

145    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité comme étant en partie irrecevable, en partie inopérant et en partie non fondé.

 Sur les dépens

146    Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

147    Selon l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

148    La BCE ayant conclu à la condamnation des requérantes et ces dernières ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens.

Par ces motifs, la vice-présidente de la Cour ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Anglo Austrian AAB AG et Belegging-Maatschappij « Far-East » BV sont condamnées aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.